La BD Francophone Pour Les Enfants
La BD Francophone Pour Les Enfants
La BD Francophone Pour Les Enfants
les enfants ?
Dans les années 1980, la bande dessinée pour la jeunesse n’existait plus.
Mais il n’y a plus alors d’offre spécifique, pas ou très peu de collections destinées
spécialement aux enfants âges de 3-4 ans à 12 ans, peu d’éditeurs qui pensent que
cela en vaut pourtant la peine. Le lectorat est essentiellement adulte et masculin, l’offre
aussi.
Seules les éditions Bayard ont développé de la bande dessinée pour les enfants, par le
biais de leurs magazines comme J’aime lire, Astrapi, Je bouquine ou Okapi, dans
lesquels on peut suivre par exemple les aventures de Tom-Tom et Nana (1977) ou
celles des héros de Tendre banlieue.
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Quelques héros incontournables ...
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Jeannette Pointu, 1982 : C’est une sacrée petite bonne femme,
que la Jeannette Pointu ! Marc Wasterlain la crée en 1982 dans le
magazine Spirou, et Dupuis la publie en albums à partir de 1983.
Grand reporter pour une agence de presse, Jeannette parcourt le
monde pour témoigner et rendre compte des fêlures de la planète,
de son asphyxie lente, de la condition des femmes, des animaux en
voie de disparition. Jamais elle ne se laisse intimider et elle poursuit
sa route et sa lutte envers et contre tous. Marc Wasterlain réussit là
un personnage féminin loin des clichés et des stéréotypes de la
bande dessinée de cette époque, extrêmement positif, libre,
indépendant. Vingt albums sont parus pour l’instant, dont le dernier, Chasseurs de
tornades, date de 2006.
Tendre Banlieue, 1982 : Les premières histoires que Tito, dessinateur d'origine
espagnole, dessine dans Okapi paraissent dès 1982, avant d'être publiées en albums
chez Casterman en 1991. Cette série, très longtemps appréciée par les collégiennes, a
la particularité de ne pas avoir de héros récurent que l'on retrouve dans chaque album.
Ici le héros est surtout un lieu, la banlieue, une banlieue ordinaire, avec ses habitants,
ses adolescents, qui ne sont ni en perdition ni dans l'opulence. Dans chaque album, et à
travers des histoires individuelles centrées sur un ou une adolescent(e), collégien(ne)
ou lycéen(nne), Tito aborde un thème particulier : famille, chômage, illettrisme, sida,
homosexualité, racisme ... et ce, sans pesanteur, sans didactime appuyé. Il ne juge pas
mais invite les lecteurs à se faire leur opinion, à réfléchir, à être ouverts. Chaque album
peut donc se lire séparément des autres.
En 2004, paraissent chez Casterman des novélisations de certains albums, écrites par
Claude Carré.
Jojo, 1983 : ce petit garçon tout rond, tout mignon, est né en 1983 dans Spirou sous la
plume de André Geerts. A travers Jojo, qui vit avec sa grand-mère parce que son papa,
René Semaine, est trop occupé avec son métier de plombier, c’est du monde de
l’enfance que nous parle Geerts, traité avec beaucoup de douceur dans un style
graphique et un jeu de couleurs très tendres. Seize albums ont déjà été publiés chez
Dupuis, dont le dernier, Jojo vétérinaire, en 2006.
Marion Duval, 1983 : cette petite fille de neuf ans est la vedette du magazine Astrapi
depuis 1983. Bayard publie ses aventures en albums dès la première année. Yvan
Pommaux, le créateur, confiera le dessin de son héroïne à Philippe Masson à partir de
1998. Marion vit seule avec son père qui est journaliste à Paris, dans le magazine
Superhebdo. Elle voyage souvent avec son père, mène des enquêtes et a un excellent
ami, Philibert. Dix-sept aventures de Marion Duval ont publiées en albums aux éditions
Bayard. Dans l'une des dernières parues, Marion va enfin rencontrer sa mère !
Cédric, 1987 : ce garçon naît dans Spirou, créé par le scénariste prolifique Raoul
Cauvin et dessiné par Laudec. Les deux auteurs racontent une jolie chronique familiale,
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puisque Cédric vit avec ses parents et son grand-père dont il est
très proche et parlent aussi de l'évolution de la société, de la vie qui
change avec l'introduction dans les foyers de nouvelles
technologies, des relations entre les générations, des premiers
émois amoureux également puisque Cédric aime Chen, une fille de
sa classe. Ces chroniques simples et souvent drôles sont déclinées
dans de très courts récits de une ou deux planches, ponctués par un
gag final. Les histoires de Cédric paraissent en albums chez Dupuis
à partir de 1989. Vingt-deux albums sont sortis à ce jour, dont le
dernier, Elle est moche !, paru en mars 2008.
Le Petit Spirou, 1987 : Spirou est l'un des plus "vieux" héros de la bande dessinée
franco-belge, qui roule sa bosse avec son ami Fantasio depuis une bonne soixantaine
d'années aux quatre coins de la planète, à bord d'engins parfois bien surprenants. Mais
Spirou a bien sûr commencé par être un enfant. C'est de cette idée évidente que sont
partis Philippe Tome et Janry, les deux auteurs, en inventant l'enfance de Spirou, en
imaginant sa bande de copains : Vertignasse, Ponchelot, Cassius et Masseur. Le Petit
Spirou est donc né en 1987 dans l'hebdomadaire Spirou, toujours vêtu d'un costume de
groom bien rouge. Les premiers albums paraissent à partir de 1990 chez Dupuis. Autour
du Petit Spirou gravitent des personnages adultes parfois caricaturaux : Monsieur
Mégot, le professeur de gym fumeur et buveur, l'abbé Angélusse, Mademoiselle Chiffre,
la jolie prof de calcul sexy ou Melchior Dugenou, son ami. Le Petit Spirou et ses copains
sont de terribles chenapans qui aiment jouer des tours à leur entourage et tout est
prétexte à gag. Les albums sont composés de récits courts, de gags développés sur
une ou deux planches. Treize volumes sont parus chez Dupuis. Le dernier; Fais de
beaux rêves, date de septembre 2007. Cette série est très appréciée des jeunes
lecteurs.
Mélusine, 1992 : cette apprentie sorcière, une rouquine flamboyante fort jolie et
intelligente, débute dans Spirou en 1992, avant de paraître en albums chez Dupuis
l'année suivante. Gilson et Clarke en sont les heureux créateurs. Mélusine est toujours
vêtue d'une robe verte qui tranche sur sa chevelure rousse et elle jette des sorts, parfois
à tort et à travers. L'apprentissage de la magie est le prétexte aux gags développés
dans des histoires très courtes, parfois en une seule page. Chaque album de Mélusine
paraît chaque année aux alentours d'Halloween. Quinze albums sont déjà parus, dont le
dernier en 2007 : L'Apprentie sorcière.
Nathalie, 1992 : Sergio Salma, dessinateur espagnol, crée Nathalie en 1992. Ses
aventures sont publiées chez Casterman. Nathalie a une sacrée énergie ! Elle est
rousse, porte une queue de cheval, un pull jaune avec un pantalon bleu et des baskets.
C'est une petite fille très imaginative qui s'invente toutes sortes d'aventures et de
voyages. Elle vit avec des parents branchés, un tout petit frère, un oncle Eugène
excentrique à souhait et un chat nommé Vendredi 13. Les albums sont constitués
d'histoires très courtes, de gags en une planche, servis par une mise en page et un
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graphisme dynamiques. Dix-sept albums sont parus, dont le dernier, Le Tour du monde
en 80 bourdes, date de 2007.
Inspecteur Bayard, 1993 : ses premières enquêtes datent de 1988 dans le magazine
Astrapi. Bayard les publie en albums à partir de 1993. Jacqueline Cohen en est la
scénariste et Olivier Schwarz le dessinateur, remplacé ensuite par Jean-Luc
Fromenteau. L'inspecteur Bayard est un grand gaillard blond, éternellement vêtu d'un
large pull over bleu. Il mène ses enquêtes avec ses amis Isa et Sam. Les récits sont
composés de courtes histoires complètes, parfois longues. Une pause est ménagée
quelques pages avant la résolution de l'énigme afin que les lecteurs puissent faire le
point, formuler eux aussi leurs hypothèses et proposer leur solution à l'énigme. Mais la
solution est toujours donnée dans les dernières pages de l'histoire. La seizième enquête
de l'inspecteur, Bienvenue en enfer, est sortie en août 2007.
L'élève Ducobu, 1994 : l'un des héros préférés des enfants est un cancre pur jus ! Il
apparaît en Belgique en 1994 dans l'hebdomadaire catholique belge, Tremplin, puis en
albums chez Le Lombard, à partir de 1997. Zidrou écrit les scénarios tandis que Godi
est au dessin. Ducobu est donc un cancre, un vrai, tout rond, portant tel un forçat un pull
over à rayures noires et jaunes. Il déteste l'école, il pense que Monsieur Latouche,
l'instituteur, est un véritable bourreau, et il déteste sa voisine, la Léonie Gratin, qui est
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une élève studieuse, modèle. Cette série, de facture classique et fonctionnant sur le
principe de récits courts bourrés de gags, connaît un véritable succès auprès des
jeunes lecteurs. Pocket jeunesse a proposé une novélisation en 2004. Le tome 14 des
souffrances de notre cancre, Le premier de la classe en commençant par la fin, est
annoncé pour août 2008, histoire de se remonter le moral juste avant la rentrée des
classes !
Kid Paddle, 1994 : Cet accro du jeu vidéo et du joystick apparaît dans Spirou en 1994
puis continue à hanter les salles de jeux en albums chez Dupuis dès 1996. Ce gamin
branché, portant une large casquette verte, a rencontré très rapidement les faveurs des
lecteurs qui adorent ces histoires racontées en gags d'une ou deux planches. Fort de
son succès, Kid Paddle est devenu un journal depuis 2002 , portant le même nom,
publié par les éditions Disney Hachette presse, et il a été adapté en dessins animés
pour la télévision à partir de 2003. Le Retour de la momie qui pue, le onzième album de
Kid Paddle, est paru en octobre 2007.
Les Moineaux, 1994 : ils apparaissent dans Astrapi en 1994, puis en albums chez
Bayard en 1998. Rodolphe en est le scénariste et Louis Alloing les dessine. Les
Moineaux, ce sont Nina et Julien, deux enfants curieux qui se lancent dans de
nombreuses aventures, aidés et encouragés par leur grand-père, inventeur génial, qui
vit à la campagne et leur procure quelques inventions et gadgets qu'ils s'empressent
d'expérimenter. Une série agréable, dans un style graphique très lisible, très ligne claire.
La huitième aventure des Moineaux, Le Robot qui en fait trop, est parue en 2003.
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Ludo, 1997 : ce jeune garçon naît dans Spirou en 1997 et il est publié en albums
l'année suivante chez Dupuis. Denis Lapière, le scénariste, travaille avec Vincent Mathy,
le dessinateur. Ludo a huit ans et un papa agent de police. Mais il aimerait que son père
soit un véritable héros ! Aussi se réfugie-t-il dans un monde imaginaire, celui d'une
bande dessinée qu'il dévore passionnément, Les aventures de l'inspecteur Castar !
Ludo s'identifie à ce super héros et essaie de calquer sa propre vie à celle de Castar.
Les histoires de Ludo offrent deux niveaux de narration : la vie presque ordinaire du
garçon et le récit dans le récit, avec les enquêtes de Castar. Ces deux niveaux sont
clairement marqués graphiquement.
Six albums sont parus chez Dupuis et la série est aujourd'hui rééditée chez le même
éditeur, dans la collection Punaise.
Trolls de Troy, 1997 : Cette série satellite de Lanfeust de Troy, débute en albums à
partir de 1997, scénarisée par Christophe Arleston, qui maîtrise parfaitement le monde
étrange et fascinant de Troy, et dessinée par Jean-Louis Mourier.
Le héros est un troll, Tetröm; ancêtre du célèbre troll Hebus, le copain de Lanfeust.
L'action racontée dans cette série est antérieure à celle de Lanfeust et se situe deux
siècles plus tôt. Même si les trolls aiment cuisiner le paysan et trouver toutes sortes de
recettes fort inventives, ce sont des personnages sympathiques, drôles et pleins
d'entrain. Le dixième volume des Trolls, Les Enragés du Darshan, est paru en 2007. La
série est enrichie d'encyclopédies du monde des Trolls qui permettent d'en découvrir
toutes les richesses et les curiosités, qualifiées d'Encyclopédies anarchiques du monde
de Troy.
Jules, 1998 : Emile Bravo crée ce personnage en 1998 dans le magazine Okapi, dont
les aventures sont publiées ensuite chez Dargaud. Jules est un adolescent plutôt
curieux de tout, ouvert, qui a deux "handicaps" : des parents souvent dépassés et un
petit frère véritablement odieux. Avec son amie Janet, Jules vit des aventures étranges,
souvent farfelues entre fantastique et science-fiction, qui l'entraînent sur des planètes
lointaines ou au centre de la terre et qui, parfois, l'empêchent de vieillir au même rythme
que les autres humains, ce qui n'est pas sans lui poser quelques problèmes. Cinq
albums sont parus, dont le dernier, La Question du père, date de 2005.
Malika Secouss, 1998 : Tehem crée cette beurette de caractère dans le magazine
Tchô !. La même année, le premier album est publié aux éditions Glénat. Malika porte
des baskets rouges et elle est entourée d'une bande de copains : Jeff, l'amateur de
basket, le cefran, et Dooley, le black cool. Elle vit dans un quartier populaire avec tous
les archétypes : le voisin raciste, le flic frimeur, le dealer chébran, le petit frère
encombrant et l'éducateur parfois dépassé. Malika est une fille très positive, la leader du
groupe, pleine d'humour et de ressources. Le tome 8, C'est du zouli, est paru en 2006.
Marie Frisson, 1998 : voici une gamine qui n'a pas froid aux yeux ! Eric Baptizot en est
le scénariste et Olivier Supiot la dessine. Elle apparaît tout d'abord dans le magazine
Tchô ! , puis en albums chez Glénat. Avec sa petite robe bleue et ses grands yeux
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innocents, Marie a l'air candide et fragile. Mais que l'on ne s'y trompe pas : Marie n'est
pas fragile du tout ! C'est une vraie peste qui s'est créé un monde imaginaire plein de
choses horribles : le sorcier Kalendoos, le chien à trois têtes, des dragons et loups-
garous, des momies, des araignées ... Et Marie mène tout ce joli monde-là à la
baguette. Avec elle, se faire peur devient horriblement délicieux. Le tome 7, Nuit
magique, est paru chez Glénat en 2005.
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Une série très réussie et fort bien écrite. Six albums ont été publiés chez Dargaud, dont
le dernier, Merlin papa, date de 2005.
Les Profs, 1999 : Les Profs, c'est la série vedette de l'éditeur Bamboo, qui prouve que
ce métier a de l'avenir !! Erroc et Pica imaginent ces enseignants souvent débordés,
dont les aventures scolaires sont prépubliées dans Le Journal de Mickey à partir de
1999, avant de paraître en albums en 2000. C'est l'univers du collège qui est décliné ici
sous un angle très humoristique, dans des gags en une planche. Le premier volume
marche rapidement et désormais les albums des Profs bénéficient de tirages
considérables. Le tome 10 : Motivation, 10/10, est paru en août 2007, juste avant la
rentrée scolaire !
Ariol, 2000 : Marc Boutavant et Emmanuel Guibert créent Ariol dans J'aime lire en
2000, dont les aventures sont publiées ensuite en albums à partir de 2002, chez
Bayard.
Ariol est un petit âne, qui a un héros de dessin animé, "Le Chevalier Cheval, justicier
des étoiles". Ariol a des parents et de bons copains : Ramono le cochon et Petula la
génisse. A travers cette jolie série animalière, les auteurs parlent très justement et très
tendrement de l'enfance.
Oscar, 2000 : Denis Lapière écrit le scénario et Christian Durieux est au dessin. Ils
créent Oscar dans Spirou en 2000, publié ensuite en albums chez Dupuis à partir de
2001.
Oscar vit aux Etats-Unis, dans les années trente. C'est un petit garçon doué d'une
imagination débordante, qui le fait mentir presque sans qu'il s'en aperçoive. Les parents
d'Oscar sont au loin et le garçon est bien souvent livré à lui-même avec Karthoum le
SDF et son chien Roquet. Dans cette série très intéressante, les deux auteurs parlent
bien sûr de l'enfance, mais abordent aussi des thèmes plus sociaux : la pauvreté, la
précarité, les hommes ballottés par les crises économiques ...
Les albums d'Oscar sont aujourd'hui réédités dans la nouvelle collection Punaise, chez
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Dupuis.
L’un des premiers à réagir a été Guy Delcourt, fondateur et dirigeant actuel des
éditions Delcourt, nées en 1986, en créant une collection Jeunesse. Guy Delcourt s’en
est expliqué ainsi : « On avait paradoxalement assez peu de nouvelles créations qui
s’adressaient spécifiquement aux enfants. Je trouvais que la BD était quelque chose qui
avait toujours un parfum d’enfance, une magie, que moi j’ai vécue quand j’étais enfant,
que beaucoup d’auteurs ont vécue également. Et c’était un élément déterminant de
notre vocation, aux uns et aux autres. J’avais une envie de renouer avec cette vocation
de la BD et il se trouve que les auteurs la partageaient. C’est de cette envie que cette
collection est née. » Les premiers albums destinés aux enfants paraissent en 1996 dans
deux séries devenues cultes aujourd’hui : Le Vent dans les saules, de Michel Plessix,
d’après le roman de Kenneth Grahame, et Toto l’ornithorynque, de Yoann et Eric
Omond.
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La collection Jeunesse est riche aujourd’hui de quelque 200 titres, dont la plupart sont
excellents, qui explorent des univers graphiques très différents et des thématiques
riches et variées, et que beaucoup d’adultes ont aussi plaisir à découvrir. Lewis
Trondheim, qui dirige la collection Shampooing chez Delcourt jeunesse, dit
d’ailleurs : « J’ai tendance à préférer les BD à deux niveaux de lecture. Ne s’adresser
qu’à des enfants est très réducteur et c’est prendre les enfants pour des imbéciles,
choses qu’ils ne sont pas. »
Le vent dans les saules, 1996 : Cette magnifique série dessinée par le Rennais Michel
Plessix, est adaptée du roman animalier de l'écrivain britannique Kenneth Grahame,
publié en 1908, disponible chez Gallimard jeunesse mais qui n'est pas forcément facile
à lire pour des lecteurs d'aujourd'hui.
Cette fable, mise en images et en couleurs, de manière délicate et lumineuse, raconte
les histoires de quatre amis, Crapaud, Rat, Loutre et Taupe, qui vivent dans un univers
paisible et buccolique, le Bois sauvage. La vie tranquille des amis est souvent perturbée
par les élucubrations bruyantes de Crapaud, un personnage vantard et m'as-tu-vu.
Quatre albums composent l'adaptation. Mais Michel Plessix n'a pas eu envie
d'abandonner ses personnages à la fin du quatrième volume. Il a imaginé une deuxième
série, Le vent dans les sables, où il entraîne Rat, Taupe et Loutre en Afrique, toujours
dans le sillage du remuant Crapaud.
Toto l'ornithorynque, 1997 : Eric Omond et Yoann créent cette bande dessinée
animalière dont l'action se déroule dans la forêt australienne, avec Toto et ses copains :
Riri la chauve-souris, Fafa la fille écureil, Wawa le koala, Chichi l'échidné. Lorsque le
premier volume paraît en 1997 dans la toute nouvelle collection Jeunesse de Delcourt,
chacun salue la qualité des histoires, intéressantes et novatrices, la beauté des
couleurs directes, dans des gammes chaudes et éclatantes, et la jolie rondeur du trait.
D’autres éditeurs de bande dessinée ont rapidement dans la foulée créé leurs
labels jeunesse ou modernisé leur offre en faisant appel à des auteurs issus des labels
indépendants : Soleil avec Soleil Kids, Glénat, avec Tchô ! La collec …, regroupant les
héros enfants dans le sillage de Titeuf, la vedette incontestable de l’éditeur, Casterman,
Emmanuel Proust, Petit à petit, Les Humanoïdes associés, avec Les Trois masques,
dans laquelle figurent deux excellentes séries : Basil et Victoria, de Yann et Edith et puis
Gargouilles, scénarisée par Denis-Pierre Fillipi.
Vents d’ouest explore un autre genre, à côté de quelques séries résolument jeunesse,
avec une collection visant davantage le milieu scolaire, Commédia, dirigée par Simon
Léturgie et proposant des adaptations de théâtre figurant dans les programmes de
français du collège comme La farce du cuvier ou Les Précieuses ridicules. Petit à Petit
s'engage aussi sur ce créneau.
Vents d’Ouest, avec Comédia, et Petit à Petit avec Théâtre en bande dessinée
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exploitent la niche commerciale que représente l’entrée de la BD dans les classes et ont
donc créé des collections d’adaptations de textes de théâtre, collections visant
essentiellement le public scolaire et les enseignants. Petit à petit, éditeur rouennais,
vient de publier qutre albums : Le Cid, de Corneille, et Phèdre, de Racine, Ubu roi,
d'Alfred Jarry et Cyrano de Bergerac, d'Edmond Rostand, dans des versions en noir et
blanc, où l’on retrouve le texte intégral des pièces.
On connaît la difficulté des enfants aujourd’hui à lire des pièces classiques. Tout les
déroute : les personnages, les situations et, bien sûr, le langage. On ne peut donc que
se réjouir si un détour pédagogique permet de les faire entrer dans cet univers qui leur
est si étranger.
Alors, Le Cid en BD, pourquoi pas ? L'ouvrage propose bien le texte intégral de
Corneille, mais… sans la disposition des alexandrins, disposition qui permet de faire
entendre le rythme du vers, et par là même de mieux recevoir un texte difficile à
comprendre : en se laissant porter par le rythme, on est moins sensible à la difficulté
des mots… Parfois, une majuscule indique le début du vers mais souvent le texte est
écrit comme si c’était de la prose, ce qui devient absolument incompréhensible. D'autre
part, les dessins en noir et blanc n’ont pas d’unité ni dans le graphisme ni dans le
découpage : ainsi on passe d’un plan d’ensemble à un gros plan sans justification. On
passe aussi du réalisme à un dessin façon manga. Ils n’ont pas non plus d’unité de
registre : le dessinateur utilise des codes de la BD comique et du dessin humoristique
voire caricatural pour des personnages qui ne le sont pas : un petit nuage noir au
dessus d’un personnage en colère ou des gouttes de sueur sur celui qui souffre. Les
personnages sont le plus souvent inexpressifs. De plus, ils se ressemblent et l’on a
peine à les identifier : Rodrigue ne paraît guère beaucoup plus jeune et séduisant que
son père. On sait pourtant qu’une identification aux personnages permet plus aisément
l’adhésion des lecteurs !
Vents d’ouest, de son côté, a créé la collection Commedia, dirigée par Simon Léturgie.
Celle-ci vise les jeunes collégiens et propose les grands textes du patrimoine théâtral
adaptés en bande dessinée, dans leur texte intégral également. Comédia se veut à la
fois ludique et pédagogique. La couverture des albums montrant un rideau rouge ouvert
doit entraîner les jeunes lecteurs sur la scène.
Trois titres, parmi les pièces les plus étudiées au collège, ont inauguré cette nouvelle
collection : La Farce du cuvier – Les Précieuses ridicules et Le Médecin malgré lui, de
Molière. Trois autres titres sont parus ensuite en 2006 : L’Avare, Les Fourberies de
Scapin et Georges Dandin. Dom Juan est à paraître.
Les Précieuses ridicules, de Molière / dessin de Simon Léturgie, 2006
Le résultat est mitigé : il est sûr que ce genre d’ouvrage peut faciliter l’accès au texte
pour les jeuns. Il permet en effet de visualiser les personnages, la manière dont ils sont
habillés, dont ils se comportent, et de créer ainsi des références et des images que le
texte seul ne permet plus. Il les aidera aussi à mieux comprendre un texte écrit dans le
français du XVIIème –qui est quasiment une langue étrangère pour eux- langue qui peut
faire écran à la compréhension donc au plaisir de l’action. En ce sens, cette initiative
peut se révéler être un bon outil pour les enseignants. Et en ce qui concerne le plaisir de
lire, il n’est pas sûr que les jeunes aillent spontanément vers ce genre de bande
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dessinée qu’ils vont percevoir comme « trop scolaire ». Il y a eu d’autres tentatives
dans d’autres domaines : la musique, l’histoire, les concepts mathématiques en bande
dessinée, que les élèves ne lisent jamais
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Méchant Benjamin, tome 1 : Ah non !, de Carine De Brab
Benjamin est un petit garçon bien turbulent, qui ne tient guère en place et qui, surtout,
n’a pas envie que sa maman parte en voyage quelques jours et le laisse à la baby-sitter.
Aussi fait-il tout ce qu’il peut pour échapper à sa mère : se cacher dans le lustre du
salon ou dans le sac de voyage, tomber au pays des monstres préhistoriques, secouer
l’avion qui emporte sa mère après être devenu un super héros, faire enrager la jolie
jeune fille qui le garde –et elle a bien du mérite-, lui dédier toute sa collection de
grimaces ou bien faire enrager le chat à rayures. C’est sa manière à lui de dire qu’il est
triste et qu’il souhaite surtout le retour de sa maman.
Une histoire simple et touchante, déclinée en courts chapitres, que Carine De Brab
mène à un rythme endiablé, sachant croquer avec grand talent et expressivité un petit
garçon pas toujours facile à vivre, certes, dont elle nous montre de manière très
concrète les différents sentiments. Le récit est ponctué d’une belle bande son et de
quelques dialogues.
Le tome 2, Pas beau !, est disponible également.
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Agathe Saugrenu, de Vincent Zabus et Valérie Vernay
Agathe a huit ans et elle souffre de diabète. Cette maladie l'empêche de vivre tout à fait
normalement. Aussi Agathe se réfugie-t-elle souvent dans un monde imaginaire où elle
espère trouver un ami qui la comprendra. Avec son chat Trévor, compagnon fidère et
inséparable, Agathe veut rejoindre le monde des monstres où elle pense qu'est sa place
puisqu'elle se trouve monstrueuse ... Une réflexion intéressante sur le handicap, sur la
différence, sur la manière dont on se perçoit au sein d'une société qui n'est pas toujours
tendre ni compréhensive. Le dessin de Valérie Vernay est enlevé, drôle et tendre à la
fois.
Deux albums sont sortis : Je suis un monstre - Masques et visages.
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fameux Castar. Le dessin très lisible et dynamique et le personnage très attachant de
Ludo font de cet album une réussite.
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Du côté des éditeurs de littérature de jeunesse …
Parallèlement, les éditeurs de littérature de jeunesse se positionnent dans ce secteur au
début des années 2000 avec plus ou moins de bonheur ou de réussite. Certaines
collections, lancées rapidement, s'arrêtent tout aussi rapidement, faute d'un
positionnement suffisant ou d'une offre très lisible. Il n'est pas toujours facile de
proposer de la bande dessinée dans un marché très encombré déjà !
Bayard avait ouvert la voie dans la décennie précédente en proposant en albums
cartonnés ou brochés des bandes dessinées enfantines et adolescentes prépubliées
dans leurs très nombreux magazines : L’inspecteur Bayard, Marion Duval, Angelot du
Lac, Tendre banlieue, pour les premières, suivies d’Ariol, de la Sardine de l’espace, ces
derniers de facture moins classique.
2002 Somnanbule …
La Joie de lire, maison d’édition sise à Genève, créée par Francine Boucher en 1987,
remarquée par la qualité de ses publications, lance un secteur Bandes dessinées en
2002, avec l’étonnante collection Somnambule riche aujourd’hui d’une quinzaine de
titres qui s’adressent aux enfants à partir de 7, 8 ans.
La collection Somnambule guide les premiers pas des lecteurs dans la bande
dessinée. Avec Somnambule, on entre dans une bande dessinée peu formatée et de
qualité. Pas de séries, pas de héros récurent. Les albums entraînent les jeunes lecteurs
dans des univers très différents servis par des graphismes aussi variés, des styles
personnels. De l'humour, de l'absurde, de la poésie, de l'enfance ou de l'animalier, des
histoires à dormir debout parfois ou à passer des nuits blanches : il faut s'attendre à tout
avec ces albums atypiques !
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La petite Lala est mise en scène avec son ami Noé dans sa vie quotidienne : à l'école
bien sûr, à la maison, dans la cour de récréation, pendant les vacances ou chez sa
grand-mère. Chaque planche est découpée en six petits dessins éclairés ou commentés
par une phrase descriptive. L'ensemble fonctionne bien et Malika Fouchier parvient à
montrer l'univers de l'enfance par petites touches sensibles : ce que l'on ressent, les
petites peurs, les amitiés, la manière de jouer, les bêtises que l'on a envie de faire ...
Les personnages, dessinés très simplement mais de manière efficace, sont attachants
et l'on est content de les accompagner quelque temps dans leur monde.
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! Monsieur Edgar, le maître nageur énergique qui ne se laisse jamais déborder, impose
d'emblée aux enfants trois longueurs de brasse pour le test de la sardine. Robin
appréhende mais il faut bien se lancer ...
Beaucoup d'humour dans cet album dans lequel Guillaume Long, tout en abordant un
sujet important : la peur chez les enfants, parvient rapidement à dédramatiser et à
rassurer.
Les autres titres de la collection Somnambule : Miniflux, des frères Chapuisat, 2006 - Le
grand méchant huit, de Guillaume Long, 2006 - Cache-Cache au bout du monde, de
Jérôme Stettler, 2005 - Fourmi ?, de Isabelle Pralong, 2004 - La colline, de Sophie
Clermont et Simon Kroug, 2003 - Le dessert, de Tom Tirabosco, 2003 - J’ai pas
sommeil, de Patrick Mallet, 2002 - Le génie de la boîte de raviolis, de Germano Zullo et
Albertine, 2002 - Le Tibre bleu, de Nicolas Rebel, 2002 - Zak et le professeur, de Baladi,
2002
Nos préférés
Les Ailes les plus bleues, de Gaëtan Dorémus
« Ce qu’il y a de bien avec le myrtille-ball, c’est qu’après on mange
le ballon ! », s’exclame le moustique alors qu’il joue avec ses deux
amis, le bourdon et le moucheron. Tel est le point de départ de
cette histoire bucolique qui s’ouvre dans une ambiance sereine et
amicale. Arrive alors une papillonne aux ailes magnifiques, d’un
bleu si bleu « qu’on se perd dedans comme dans l’océan ! »,
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déclame le moucheron poète. La papillonne en rougit de plaisir et passe un bon moment
avec ses nouvelles connaissances. Soudain une énorme dame surgit, armée d’une
arme redoutable, un filet qui emprisonne la papillonne aux ailes si bleues. Moustique,
Bourdon et Moucheron s’en vont à son secours. Mais comment la délivrer ? Comment
convaincre la dame de leur rendre leur amie ?
Une jolie histoire d’amitié, lumineuse et gaie par la gamme de couleurs très acidulées
qu’utilise Gaëtan Dorémus et par les dialogues pétillants qu’il met en bulles. Cette fable
permet aussi de s’interroger que la notion de possession : à quoi cela sert-il d’accumuler
des objets ou des animaux pour en faire collection ?
Ce titre de la collection La bande des petits est tonique, doux, drôle et intelligent à la
fois.
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Joann Sfar connu et reconnu en bande dessinée, apprécié pour la qualité et l'originalité
des histoires qu'il dessine et/ou invente. (Séries Petit Vampire, Sardine de l'espace, Le
Chat du rabbin, Professeur Bell, Le Minuscule mousquetaire, entre autres). Jean-
Christophe Menu, l'un des fondateurs de L'Association, en assure la conception
graphique. Sfar dit ceci : « On les aime bien, nos albums. Ils sont tous différents, tous
surprenants et on dirait que les auteurs ont vite compris le principe : on essaie de
raconter de bonnes histoires avec des dessins et du texte sans se demander trop si ça
relève de la bande dessinée, de l’album jeunesse ou du roman illustré. On fait de notre
mieux pour rester lisibles par tous : les enfants ne doivent pas être perdus dans nos
livres, les grands ne doivent pas s’ennuyer en les lisant. »
A qui s’adressent ces livres ?
Sfar explique : « Jusqu’à présent, les livres que nous proposions s’adressaient
exclusivement à des êtres capables de lire. Même si on ne mettait pas de tranche
d’âge ; on voyait bien que c’était pas pour les bébés. Et pas pour les animaux non plus
même s’il y aurait sans doute un public. »
Une chose est sure, c’est que les livres que proposent Sfar et ses copains ne passent
pas inaperçus, ne laissent pas indifférents : ils amusent, ils font réfléchir, ils plaisent, ils
en énervent certains, ils en choquent d’autres, certains les adorent, d’autres les
détestent. Mais ils sont là, ils sont faits par des gens talentueux, qui ont des choses à
dire, qui savent manier la plume et ou le pinceau et qui réfléchissent. Des ouvrages dont
certains peuvent s'apprécier dès 8, 9 ans, tandis que d'autres s'adressent davantage
aux adolescents
Six ouvrages inaugurent la collection, ouvrages cartonnés au format 17 x 22,5 cm.
Orang-outan, de Sandrine Jardel
Benjamn est heureux : parce que c’est lundi et qu’il sèche l’école, parce qu’il passe la
journée avec son père qu’il voit rarement, parce qu’ensemble, ils vont au Jardin des
Plantes voir les singes.
Ils les observent un moment, leur prêtant des sentiments et une histoire d’après leurs
attitudes. Puis le père de Ben est obligé de s’absenter un moment. Il lui laisse son
précieux carnet à dessins et ses crayons. Pour faire honneur à son père, Ben observe
ce qui se passe autour de lui, il note, il dessine les orangs-outans, les gens, les enfants
des écoles, ses conversations avec les soigneurs. L’expérience est passionnante pour
lui, il a appris plein de choses, y compris sur lui-même.
Une jolie histoire à la première personne, nourrie à la fois de réflexions d’enfants
amusantes et de dialogues père-fils. A travers l’observation des singes et de leurs
rapports, il est question aussi de relations humaines et familiales. Illustrations et carnet
de croquis signés Sfar.
L’Atroce abécédaire, de Joann Sfar
Un livre qui ravira tous les enfants que l’on brime en les empêchant de dire des bêtises
ou de prononcer des gros mots !
C’est un abécédaire, il n’y a pas de doute là-dessus. Seules les entrées sont un brin
insolites et les exemples aussi. Mais on s’amuse beaucoup à découvrir la manière dont
on peut obtenir les lettres, minuscules et majuscules. Aviez-vous pensé à cela : “ Vous
faites une autruche. Vous la cachez derrière un baobab. Voilà. Eh bien la partie qui
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dépasse du baobab … c’est un B. ” “ On mâche un chewing-gum. On fait une grosse
bulle. On ravale pratiquement tout l’air. Ca donne un r. ”
Voici un livre très drôle, qui permet de re-découvrir nos vingt-six lettres par des chemins
de traverse inattendus et bien peu fréquentés !
Monsieur Crocodile a beaucoup faim, de Joann Sfar
Toujours affamé mais bien attifé tout de même, Monsieur Crocodile
sort de son marigot en complet veston pour faire son marché et
trouver une bestiole quelconque à manger. Tombant sur un cochon
bien gras, il entend bien le becqueter mais le cochon lui joue un tour à
sa façon et lui propose un marché : il s’engage à lui fournir chaque
jour de la bonne viande fraîche et vivante à se mettre sous les crocs,
si le crocodile accepte de le manger le plus tard possible. Ceci est le
point de départ d’un voyage qui entraîne notre croco dans les
méandres de la grande ville, puis en prison …
Une fable amusante, qui se situe graphiquement entre la bande dessinée –les
personnages dialoguent dans des bulles- et l’album illustré. Les dialogues sont
excellents et comportent différents niveaux de lecture.
Les autres livres, dans l’ordre d’apparition dans la collection :
Les Poixons, d’Emmanuel Guibert : une histoire de science-fiction sur la planète Glou.
C’était la guerre mondiale, d’Emile Bravo : une histoire d’enfance façon Guerre des
boutons ou Les Années Spoutnik, de Baru, qui suit exactement le scénario de la
Seconde guerre mondiale.
Manuel du puceau, de Riad Sattouf : un livre très drôle pour adolescents en mal de
puberté sur un garçon en plein dans la sienne. A partir de 12 ans.
Ma circoncision, de Riad Sattouf : on pourrait croire que R. Sattouf est obsédé par les
histoires de zizi. Il parle très intelligemment d’un jeune garçon syrien qui attend le jour
de sa circoncision avec des sentiments très mêlés. A partir de 12 ans.
La Sorcière et la petite fille, de Joann Sfar : un conte plein d’humour racontant
l’apprentissage d’une petite fille chez une sorcière.
Le Soupir, de Marjane Satrapi : un conte persan par l’auteur de Persepolis.
Sept petits porcelets, de Dorothée de Monfreid : l’histoire édifiante et drolatique de la
famille Porc dans laquelle les parents Porc ont dû lire dans leur enfance, l’histoire du
Petit Poucet.
L’archéologie, c’est nul, de Mathieu Sapin : Lorsque Antoine reçoit de son grand-père
son vieux matériel d’archéologue accompagné d’une lettre, il est déçu car, pense-t-il,
« l’archéologie c’est nul », c’est pour les vieux ou pour les très bons élèves à lunettes.
Ce cliché est renforcé à l’apparition de Lucien, un garçon pas drôle du tout qui adore
l’archéologie et qui veut se lancer à la recherche des reliques de Saint Trognon. Sans
enthousiasme, Antoine se lance dans la quête avec Lucien et son sac de matériel
d’archéologue. Peu à peu pourtant, son intérêt augmente surtout quand il s’aperçoit que
la relique est convoitée par bien des gens …Voici un album pas triste du tout, qui met
en jeu une narration du type album et des techniques de bande dessinée. L’humour est
omni-présent, les références à notre monde et à ses travers nombreuses et judicieuses,
on prend plaisir à évoluer dans cette parodie d’aventure policière. Et puis, au-delà de
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l’apparente légèreté de l’histoire, il y a aussi une réflexion sur ce que les adultes veulent
transmettre à leurs enfants, sur la manière d’imposer parfois une passion à laquelle les
enfants, et c’est aussi leur droit- n’adhèrent pas forcément.
C’est-comme-ça-et-pas-autrement, de José Parrondi : où l’on rencontre les C’est-
comme-ça, et les Ca-alors, qui ont des modes de vie radicalement opposés et qui ont
bien du mal à se comprendre.
A.L.I.E.E.N., de Lewis Trondheim : on connaît le goût de Trondheim pour les
expériences graphiques et narratives inspirées des travaux oulipiens. Cette Anthologie
de Littérature Infantile Extraterrestre Egarée Négligemment en est une preuve.
Flip,de Morgan Navarro : une bd animalière où les personnages symbolisent chacun un
enfant de dix ans.
Le Cauchemar, de Mahler : on apprend toutes sortes de choses très utiles sur le métier
de cauchemar : avantages, contraintes, héritage culturel et tout …
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Thierry Magnier s’essaie lui aussi à publier des petits albums en noir et blanc au format
de sa fameuse Petite poche : Petite poche BD.
Cette collection, lancée en février 2006, sur le succès de la Petite poche qui proposait
aux enfants de 8-9 ans des romans courts non illustrés, fait le pari du très petit format
(10,5 x 15) et du noir et blanc, pour un lectorat à partir de 7 ans. Quatre titres sont parus
en 2006 et trois autres un an plus tard, écrits et dessinés par des auteurs venus de la
littérature de jeunesse ou de la bande dessinée. Pari difficile que ce choix éditorial et les
Petite poche bande dessinée n'ont sans doute pas rencontré le succès espéré. La
collection ne s'est guère étoffée depuis février 2007. Les titres existants :
Je hais les vacances, de Mathis - Oncle Hector, de Delphine Perret - Magie-Magie, de
Alfred et Régis Lejonc - La longue vue, de Blexbolex - Billy Micmac, 2 volumes, de
Mathis et laurent Bazart - Non-Non et Grand Ours Blond, de Claire Franek
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2006, Les Petits Chats carrés, chez Carabas
Les éditions Carabas, dont le catalogue Bande dessinée est plutôt tourné vers les
adultes, propose désormais une nouvelle collection de petits albums cartonnés au
format carré comme son nom l’indique : Les petits chats carrés. Destinés aux enfants de
6 à 10 ans, les histoires de 24 pages se déclinent soit en bandes dessinée, soit en récits
illustrés et elles abordent tous les genres, dans des styles graphiques très différents.
Cette collection innove pour plusieurs raisons : ses dimensions tout d’abord, un format
d’album cartonné carré, facile à tenir en main, sa conception également puisqu’elle est
véritablement une collection passerelle entre la bande dessinée et l’album illustré.
Certaines histoires sont racontées avec des cases et des bulles, d’autres avec une
illustration et un texte hors dessin.
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Les dernières nouveautés de 2007 :
El Mexicano, de Sébastien Vassant : un western pour rire où l’on retrouve comme il se
doit un désert, des hyènes et des cactus, un sombrero et dessous, un Mexicain. Pour un
duel au soleil entre El Mexicano et le Cactus géant ! Beaucoup d’humour, de vie et de
rythme dans cette histoire sans paroles.
Il était une fois …, de Minikim et Pop : une relecture très colorée et gaie des contes de
fées, une histoire sans texte, où l’on croise un chaperon rouge, une princesse endormie
et une sorcière.
Maman, c’est toi ?,de Aris et Marant : L’adolescent, héros de cette histoire, est bien
triste depuis la mort de sa mère. Pourtant il doit retourner travailler aux champs car la
terre n’attend pas. Une poule le suit, qu’il ne connaît pas, qui l’agace beaucoup et qui se
met à lui parler. Qui est ce volatile bavard et que lui veut-il ?
Une histoire très tendre, sur la mort et le nécessaire travail de deuil.
Le Petit chien qui sentait mauvais de la bouche, de Efix et Nicolas Courty : lorsque l’on
sent mauvais, on n’a pas d’amis. C’est ce que constate le petit chien de cette histoire,
qui a pourtant le cœur sur la main et qui est adorable. Alors il faut trouver une solution
… Une histoire tendre et drôle, entre récit illustré et bande dessinée, où textes et
dessins sont étroitement mêlés.
Sakura, de Carine Becker : Une petite fille se réveille et ne trouve pas sa maman. Elle
part à sa recherche, s’aventure dans les bois et se perd. Les rencontres qu’elle va faire
vont l’aider ou la détourner : un panda pêcheur, une tortue lente, mais lente …, un
renard pingre, un dragon … Une très jolie histoire, rythmée par une bande son
expressive, servie par des couleurs très douces et beaucoup de tendresse.
Tomato Mayo, de Jean Leroy et Béren : un western où il ne fait pas bon jouer avec la
nourriture ! C’est ce que l’étranger qui arrive dans la petite ville de l’ouest va
comprendre rapidement en s’achetant un cornet de frites et en cherchant quelques
condiments pour les rendre plus … piquantes ! Drôle, inventif et plein de rouge (pas du
sang, que l’on se rassure, du ketchup simplement !)
Viking !!, de Mathieu Maudet et François Ravard : quand un Viking survit à un naufrage
et se retrouve condamné à voguer sur le dos d’un canard jaune ! Le prestige en prend
un coup, c’est sûr. Mais au bout du voyage, il y a une plage, un crabe géant à éviter car
la bestiole en pince pour notre Viking, et une princesse à sauver dans un château de
sable. Une histoire sans texte, mais singulièrement expressive et drôle !
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Les nouveautés 2008 :
Achelle M, de Amélie Chevalier : Une girafe qui aimerait être tranquille et qui, pour éviter
la promiscuité, le bruit, l’agitation, décide de s’installer sur la lune.
Carnaval, de Carlier : un héros bien embêté, qui est mal dans sa peau et contraint de
promener son squelette la nuit à la pleine lune. Un état qui a ses inconvénients et
quelques avantages aussi …
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Voici une jolie fable, à la fois tendre et cruelle, sur la condition de l’artiste, sur la manière
aussi de provoquer le rire, parfois au dépens des autres, sur le respect que l’on accorde
aux autres et à soi même. Arnaud Quéré raconte cette histoire sans paroles de manière
très dynamique, vivante, avec des cases carrées très colorées, très gaies, et un
découpage dynamique qui privilégie le mouvement.
Une histoire que même les jeunes enfants, qui se savent pas encore lire, peuvent
apprécier, lire et relire.
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termine, publiée chez Les Humanoïdes associés, dans la collection Les 3 masques.
Tome 1 : Sâti
Où nous faisons la connaissance de nos héros, Basil et Victoria, deux gosses des rues,
débrouillards, débraillés, délurés, qui connaissent les docks londoniens comme leurs
poches souvent percées et vides. Nous sommes dans le Londres victorien, une ville
sombre, où l’on croise parfois une longue silhouette, celle du grand Sherlock Holmes,
où les pauvres chassent les rats pour survivre. C’est ce que fait Basil, un bon petit gars.
Victoria, c’est la chef, celle qui pense, qui sait tout, qui divorce quand Basil ne fait pas
ce qu’elle veut. C’est alors qu’une jeune Indienne, qui s’est enfuie de chez elle, fait
irruption dans leur vie et leur « couple » et qu’elle y sème, involontairement, la zizanie.
Elle est recherchée, la récompense sera élevée. Victoria veut la ramener chez elle,
Basil, sous le charme de Sâti, hésite. Mais ils finissent par découvrir ce qui attend
réellement leur nouvelle amie …
Tout est excellent dans cet album ; le graphisme et la mise en couleurs d’Edith, dont le
trait nerveux excelle à montrer aussi bien les sentiments de ses personnages qu’à
camper un décor et une atmosphère sombres, à ancrer les héros dans un contexte
social bien défini. Les dialogues sont aussi très savoureux et le duo Basil-Victoria, qui
s’aiment, se disputent, se séparent, se rabibochent, est particulièrement attachant : ils
ont des réflexions d’adultes parfois mais sont encore des enfants.
A lire aussi les volumes suivants : Jack - Zanzibar - Pearl - Ravenstein.
Gargouilles, 2003
Denis-Pierre Filippi est le scénariste de cette histoire de voyages dans le temps,
dessinée par J. Etienne, puis Silvio Camboni, et publiée chez Les Humanoïdes associés
(Les Trois masques)
Tome 1 : Le Voyageur
Grégoire rechigne à déménager, à vivre désormais près d’une église gothique à souhait
avec les gargouilles qui seront ses plus proches voisines. De plus, la rentrée s’annonce,
pour comble de malheur et quelques petits durs traînent dans les environs. Bref tout va
mal. Pourtant, lorsqu’il découvre une étrange médaille cachée dans le plancher de sa
chambre, sa vie va basculer et le garçon se retrouve, sans crier gare, dans un XVIIème
siècle peuplé de dragons et autres créatures magiques tandis que sous ses yeux ébahis
les gargouilles de pierre sont ici bien vivantes. Grégoire passe ainsi d’un monde à
l’autre. Les personnes qui l’entourent dans la vie réelle ont un double dans l’autre vie et
il apprend qu’un terrible danger menace …
On lit cet album avec grand plaisir : il est tout d’abord un régal pour les yeux tant le
graphisme et la mise en couleurs sont séduisants. Le dessin semi-réaliste de J. Etienne
est vif, enlevé, ses personnages, humains ou étranges bestioles, réussis et expressifs et
les décors magnifiques. D’autre part, l’histoire aussi nous tient en haleine, c’est à la fois
un récit fantastique classique avec une porte qui s’ouvre sur un autre monde et un autre
temps, en même temps qu’une évocation chaleureuse de l’enfance et de son
insouciance, rehaussé d’une pointe d’humour.
A lire également les volumes suivants : La Cité du temps - Les gardiens - Phidias
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Octave, 2003
Chronique d’enfance imaginée par David Chauvel et dessinée par Alfred, chez Delcourt
jeunesse
Octave est un petit garçon qui vit avec sa maman dans une maison plantée sur une
falaise dominant la mer. La mer, il la regarde seulement, Octave, elle rythme sa vie mais
il s’en méfie car elle lui a pris son papa. Pourtant dans chacune des aventures d’Octave,
la mer joue un grand rôle car elle lui amène un animal, un ami à sauver, comme pour se
faire pardonner … Il aide au fil des albums un cachalot échoué et une daurade royale,
c’est un manchot papou et un fou de Bassan. Une série très tendre, construite autour
d’un thème central lié à des préoccupations écologiques où l’on peut suivre aussi
l’évolution psychologique d’Octave, ce garçon malmené par la vie, qui se méfie donc
d’elle et se réfugie dans la solitude.
Les albums parus : Octave et le cachalot – La Daurade royale - Octave et le manchot
papou – Octave et le fou de bassan.
Alexia, 2004
La série Les démons d’Alexia est publiée chez Dupuis, scénarisée par Dugomier et
dessinée par Benoît Ers. Elle a pour héroïne Alexia, une jeune fille un peu naïve,
recrutée par le C.R.P.S. (Centre de Recherche des Phénomènes Surnaturels), comme
enquêtrice dans toutes les affaires liées au surnaturel. On apprend peu à peu qui est
cette jeune fille et les secrets qui entourent sa famille. On comprend aussi rapidement
qu’Alexia est dotée de pouvoirs extraordinaires qui éveillent la curiosité et la méfiance
de ses employeurs. On sait enfin que le Centre où Alexia exerce ses talents a été le
théâtre d’événements d’importance que l’on s’efforce d’oublier en condamnant toute une
partie des bâtiments comme pour y enfouir des secrets. Cette série, qui exploite la veine
fantastique mais qui parle aussi de thèmes d’aujourd’hui, est de bonne facture. Elle est
servie par des scénarios bien menés, un dessin efficace et une héroïne, même sorcière,
à laquelle les adolescentes peuvent aisément s’identifier car elle a à résoudre un
problème d’identité et à faire des choix de vie.
Quatre volumes sont parus à ce jour : Tome 1 : L’héritage – Tome 2 : Stigma
Diabolicum - Tome 3 : Yorthopia – Tome 4 : Le Syndrome de Salem
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possible : et si tous ces tracas venaient du croqueur de lune ? Et si tous les gens autour
de lui étaient des mal-lunés ? Il suffirait de monter là-haut sur la lune et de lui faire son
affaire, au croqueur ! F. Duprat, à qui l'on doit aussi l'excellent Mon cousin dans la mort,
explore avec bonheur et un ton juste le monde de l'enfance, le moment où il est encore
possible de prendre une expression au pied de la lettre et de laisser courir son
imagination. Une histoire très tendre et joliment dessinée.
Quatre volumes sont parus chez Petit à Petit : Chou blanc pour les roses - Les Mal-
lunés – Mon trésor – Demandez la permission aux enfants
Nävis, 2004
Cette série de Jean-David Morvan et Jose-Luis Munuera est l'un des récits satellite de
Sillage, immense saga de SF entamée en 1998, scénarisée par Morvan et dessinée par
Philippe Buchet. Elle est destinée à un public plus jeune que le lectorat de Sillage et elle
raconte l'enfance de Nävis, l'héroïne humaine de Sillage, lorsqu'elle vivait seule sur une
planète isolée en compagnie d'un robot nurse. Trois tomes sont parus chez Delcourt. :
Houyo - Girodouss - Latitzoury
Esteban, 2005
Cette série d’aventures maritimes est écrite et dessinée par Matthieu Bonhomme et
publiée chez Milan. Elle est destinée aux enfants à partir de 9 ans. Deux volumes sont
parus : Le Baleinier – Traqués.
Esteban a 12 ans, il est indien, il est orphelin. Il vit au début du 20ème siècle, à l’époque
où les vaisseaux naviguaient entre Cap Horn et Atlantique afin de poursuivre et de
chasser les baleines magnifiques.
Juste avant de mourir, la mère d’Esteban lui avait fait promettre de trouver le baleinier
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Le Leviathan et de se faire enrôler par le capitaine, un homme buriné et rude, mais loyal
et honnête avec ses hommes. Celui-ci refuse tout d’abord de prendre le garçon, le
jugeant inapte à cette vie très dure. Mais Esteban insiste et le capitaine cède.
C’est ainsi que le jeune Indien devient le mousse du Léviathan et qu’il se fait peu à peu
à la vie à bord. Il gagne sa place parmi les marins aguerris qui travaillent nuit et jour en
période de chasse pour transformer la chair des baleines en « huile fine et précieuse ».
Ce voyage au pays des glaces est tout simplement magnifique : c’est à la fois un
voyage initiatique où l’on prend grand plaisir à suivre la destinée hors du commun de ce
jeune Indien, un formidable récit d’aventures, et une réflexion très pertinente sur deux
façons de vivre le monde, symbolisées par les deux navires. Sur le Leviathan, on
chasse la baleine, certes, mais on l’affronte à la loyale, au péril de sa vie, en respectant
l’animal, l’environnement et le cycle écologique ; le vapeur au contraire est un tueur,
sans aucun respect pour les animaux. Il est là pour piller et faire le plus grand profit
possible. Soulignons enfin la précision du dessin de M. Bonhomme, clair, lisible, qui
rend tout aussi bien la force brutale des éléments, les passions et les folies humaines
ou bien encore la poésie d’un vieux navire évoluant dans la lumière bleutée d’une
caverne de glace !
Etoile, 2005
Un récit d’enfance, écrit par Rascal et dessiné par Peter Elliott, chez Delcourt jeunesse.
Deux volumes sont parus : Le Petit cirque - L’Homme chien
Etoile est un petit garçon perdu, perdu et trouvé il y a six ans maintenant par les
membres du petit cirque de Monsieur Balthazar, qui cahote et crapahute dans les
campagnes. Il y vit à présent, très heureux avec ceux qu’il considère sa famille. Dans la
famille d’Etoile, il y a Papa Zingaro, Maman Carmen, Papa Constantin le géant, Maman
Rose, Papa Horace et Monsieur Bulle, le poisson du bocal. Etoile tient beaucoup à son
pendentif, qu’il portait quand on l’a trouvé, une belle demi-étoile d’or. Il aime aussi
quand Papa Zingaro lui raconte des histoires, quand on s’arrête le soir pour manger
ensemble, rire et dire des bêtises qui font du bien, quand il va cueillir des fleurs avec
Papa Constantin.
Etoile est une très belle série, où la tendresse et l’humanité des personnages, souvent
marginaux, sont une composante essentielle. P. Elliott parvient, par une mise en
couleurs subtile et un dessin plus ou moins arrondi ou plus torturé, à rendre compte des
différents sentiments du petit garçon, la peur de la nuit et du noir, l’eau qui devient
hostile, les cauchemars, le bonheur d’être avec ceux qu’il aime … Une très belle fable
sur la puissance de l’amour et sur la peur de l’autre, celui que l’on ne connaît pas et
dont on se méfie. Une valeur sûre. Le tome 1 a reçu le prix Tibet au festival de Troyes
en 2005.
Ratafia, 2005
De la belle aventure, des Frères de la Côté, des îles pas toujours désertes, du rhum, de
l’humour, de l’absurde, du décalé … Tous ces ingrédients entrent dans la composition
de cette belle série, dans laquelle on se plonge avec délice. Le scénariste Nicolas
Pothier, et Frédérik Salsedo, le dessinateur, se régalent avec Ratafia et leur plaisir est
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communicatif.
La série est publiée chez Milan (Treize étrange) et peut s’apprécier à partir de 8, 9 ans.
Quatre volumes sont parus à ce jour : Mon nom est Capitaine – Un zèle imbécile –
L’Impossibilité d’une île – Dans les coinstots bizarres
Charles est un capitaine au long cours qui ferait bien d’arrêter de jouer au poker. Cela
ne lui réussit vraiment pas, il vient d’y perdre son bateau, La Kouklamou, son équipage
de joyeux pirates, et surtout ses neuf précieuses cartes au trésor. Le marin qui a vaincu
le capitaine Charles est un personnage mystérieux, assez charismatique qui conclut un
marché avec l’équipage de la Kouklamou : il devient le capitaine officiel du rafiot en
échange des cartes au trésor ! Ce nouveau capitaine se fiche éperdument des trésors et
passe son temps à lire, chanter, sculpter et peindre le perroquet ! L’équipage, mené par
Romuald, accepte l’autorité du nouveau capitaine artiste et s’embarque pour une
chasse aux trésors. Mais les marins ignorent que le capitaine Charles est à leur
poursuite ! On s’embarque dans une aventure endiablée, où les îles recèlent autant de
zombies que de trésors, où les capitaines passent leur temps à lire des livres quand ils
ne sombrent pas dans le coma, où l’on s’essaie à la démocratie à bord des navires
pirates et où l’humour et la dérision fleurissent à chaque page, nourris de jeux de mots
bien amenés.
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comprendre comment ni pourquoi, la porte dessinée sur le mur d’un temple et qu’ils se
retrouvent au domaine des dieux. Dans ce royaume où le calme n’est qu’apparence et
trompe-l’œil, ils rencontrent Ouadjyt, la déesse cobra, Thot le dieu baboin et Bès, le
gardien des maisons, qui leur explique les règles de son monde et les prévient aussi
que Sekhmet la puissante est très en colère et qu’elle change d’aspect selon son
humeur …
Ce premier album permet aux jeunes lecteurs de s’initier à la culture et aux croyances
de l’ancienne Egypte, où la religion et ses dieux font partie intégrante de la vie des
gens, tout en maintenant en équilibre le bien et le mal pour que le monde continue de
tourner.
Le tome 2 est également disponible : Le Roi des grenouilles
Mégamonsieur, 2006
Des histoires d’écologie, imaginées et dessinées par Martin Desbat, chez Lito
(Onomatopée)
Tome 1 : L’Attaque des ploutes
Dès la première planche, on fait connaissance avec la fantastique cité de Luon dans
une plongée vertigineuse, cité où les maisons ont une âme, un cerveau entre leurs
quatre murs, où elles tentent de résister aux promoteurs et à la mutation urbaine.
Où soudain surgit un petit être habillé d’un ridicule tricot jaune surmonté d’une cape
rouge volant au vent : c’est Mégamonsieur, un vrai Super Héros. Vrai ? Pas encore ! Il
faut se procurer un équipement et des pouvoirs de super héros. Il faut sauver des vies,
le monde, l’univers, se faire connaître et se faire aimer. En attendant, Mégamonsieur
boit du thé issu du commerce équitable pour aider les paysans du Tiers-Monde. Bref,
notre Mégamonsieur a du boulot. Cela tombe bien car dans l’usine de poulets de la
zone industrielle, c’est le carnage, l’horreur quotidienne quand les volatiles
transgéniques en batterie passent à la moulinette industrielle. Quelques-uns en
réchappent, s’échappent et mutent : ils deviennent d’énormes oiseaux mutants que l’on
appelle les Ploutes, qui sèment la terreur en ville, bouffent les gens avec leurs grandes
dents qui poussent ! L’occasion rêvée pour notre Mégamonsieur de faire ses preuves,
des jeux de mots, des cascades époustouflantes et un peu de morale en passant. Il en
profite aussi pour se faire quelques amis car d’autres aventures l’attendent … dans de
prochains albums.
Cet album est l’un des meilleurs de cette première livraison, aussi bien sur le plan
graphique que sur le fond. Le dessin de M. Desbat, au trait simple et direct, est très
efficace dans les nombreuses scènes d’action et il prend de l’envergure dans certaines
scènes à l’intérieur de l’usine ou dans la cité envahie par les ploutes. Expressivité et
efficacité sont au rendez-vous et la mise en couleurs, utilisant des gammes variées,
contribue à l’ambiance très particulière de l’album.
Le héros est un personnage naïf et très touchant qui met son idéalisme au service de
grandes causes écologiques. A travers un regard humoristique et ironique, M. Desbat
aborde des thèmes essentiels qui gangnènent le monde : utilisation d’OGM,
alimentation industrielle, mutations génétiques, cynisme des multinationales de l’agro-
alimentaire, pollution, transformation des villes … C’est intelligent et fort bien fait.
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Le tome 2 : Y’en a marre des fioulpes ! est tout aussi réussi.
Nanami, 2006
Un manga à la française, scénarisé par Eric Corbeyrand et Amélie Sarn et dessiné par
Nauriel, chez Dargaud (Cosmo)
Nanami, adolescente rêveuse, se sent incomprise de ses parents qui la menacent de
pension si elle ne fait pas un petit effort à l'école. On dit que la peur donne des ailes, à
Nanami elle donnerait plutôt accès à un univers magique qu'elle seule semble à même
d'entrevoir. Cet univers est celui d'un livre, une pièce de théâtre au titre mystérieux: Le
Royaume invisible, qu'elle trouve par hasard dans les couloirs de son collège. Quand
elle ouvre ce livre qui l'attire, elle semble happée par un autre monde. Cet album séduit
les adolescentes grâce aux personnages adolescents auxquels il est aisé de
s'identifier : Nanami, jeune fille sensible, rêveuse et passionnée, et son amie Cloé, gaie,
positive et drôle. De plus le récit est très ancré dans le monde d'aujourd'hui en montrant
le malaise que ressent Nanami, ses relations souvent houleuses avec ses parents, sa
peur de l'inconnu, ses aspirations qu'elle n'arrive pas à formuler vraiment. Sa
découverte du théâtre, auquel elle n'avait pas pensé, lui ouvre des portes
insoupçonnées et lui offre une passion dangereuse, mais peut-être aussi très positive.
Le dessin de Nauriel est net, précis, enlevé et lisible. La suite est disponible : L’inconnu,
parue en février 2008.
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Tome 1 : La Vie de famille
Petit format pour Petit Sapiens ! Nous voici chez des homo sapiens en pleine mutation,
découvrant enfin les joies de la vie sédentaire, dans une bonne caverne isolée des
mauvais vents et des bestioles belliqueuses et carnivores.
Petit Sapiens, le narrateur, nous raconte son quotidien et les membres de sa famille.
Dans la famille Sapiens, il y a le père, du genre chef de clan chasseur, la mère amie des
bêtes, la sœur, le pépé et la mémé qui se perd toujours. Il raconte, avec la naïveté de
l’enfance, l’installation dans la caverne, la construction du barbecue, la chasse qui n’est
décidément pas un art facile, les cueillettes avec maman, les histoires de pépé de
quand il était jeune, le soir où la famille cherche mémé, les dessins qu’il fait sur les murs
de sa grotte … Un récit composé de six histoires, drôles, émouvantes parfois, où les
images et les textes se répondent parfaitement et font rebondir l’intérêt. Une vraie
famille dont les préoccupations ne sont pas si éloignées de celles d’aujourd’hui. Cette
histoire tendre n’est pas un récit historique mais s’attache essentiellement aux relations
entre les personnages et au décalage entre ce qui est dit par le jeune garçon, leurs
préoccupations et le contexte dans lequel ils vivent.
Le tome 2 : Derrière la montagne, est tout aussi réussi.
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himalayenne. Il est intrépide et plein de vie et passe ses journées à courir après les
animaux. Au cours de l’une de ses balades, une avalanche se déclanche et engloutit le
village. Lao est désormais seul, mais pas pour longtemps. Il rencontre Chabaka, le yéti,
qui le console, l’adopte et le réchauffe. Lao découvre alors qu’il peut parler aux
animaux. Sa nouvelle vie sera une suite d’aventures trépidantes, qui l’emmèneront
souvent bien loin de chez lui. De jolies histoires, servies par un graphisme rond et
expressif, de beaux décors, des personnages animaux vifs et expressifs. Les scénarios
sont intelligents et souvent poétiques, invitant aussi les jeunes lecteurs à s’interroger sur
les agissements des hommes.
Trois albums sont disponibles : L’Ile aux loups – L’arbre de Jabadao – Pirates des
cimes
Achab, 2007
Le capitaine Achab est le héros légendaire et tragique imaginé par Herman Melville
dans son roman Moby Dick. Dans le roman, Achab est vieux, exalté, maudit,
entièrement possédé par une quête : poursuivre et trouver enfin le cachalot blanc qui,
un jour, lui a pris sa jambe.
Mais Achab n’a pas toujours été ainsi. C’est de cette évidence que part l’auteur de cette
nouvelle série, Patrick Mallet, qui entreprend de raconter toute la vie d’Achab. Dans le
premier opus de cette série, Nantucket, nous faisons la connaissance d’un adolescent
qui a 13 ans en 1806, qui vit sur l’île de Nantucket, dans le Massachusets. Cette île est
le point de départ des navires baleiniers et le garçon écoute avec passion les récits des
marins, rêve de devenir harponneur et d’en découdre avec les monstres des mers ! Il
veut aussi venger son père, tué en mer par Moby Dick …
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Un très bel album, joliment mis en cases et dessiné, qui renouvelle le genre des
aventures maritimes. Publié chez Milan, dans le label Treize étrange.
De l'adaptation ...
Depuis quelques mois, on assiste à la parution de nombreux albums de bande dessinée
adaptés des classiques de la littérature, chefs d'oeuvre du patrimoine mondial et de la
littérature de jeunesse aussi.
Plusieurs éditeurs sont conscients de la nécessité de faire entrer la bande dessinée à
l'école où elle commence à trouver une place, bien qu'encore timide !. Ils ont intégré
aussi l'enjeu de ce que représente la lecture de bande dessinée par un lectorat
d'enfants et d'adolescents qui se tournent aujourd'hui plus volontiers vers le manga ou
l'heroïc fantasy, délaissant ce que l'on appelle la bande dessinée franco-belge plus
traditionnelle. Ils proposent donc aujourd'hui aux jeunes lecteurs des albums de qualité,
adaptés d'oeuvres irréprochables, que les enseignants pourront aussi faire lire en
classe, en parallèle avec les textes.
Deux éditeurs viennent de créer deux nouvelles collections, destinées à un public enfant
et adolescent, qui vont dans ce sens : Delcourt, dont on connaît déjà la grande qualité
du catalogue jeunesse, avec la collection « Ex-Libris », lancée en mars 2007, et
Gallimard, avec sa « Fétiche », lancée en septembre 2007. Gallimard était entré en
bande dessinée il y a quelques années déjà, en lançant la première mouture de
Futuropolis, dans laquelle l'éditeur publiait de grands textes de la littérature illustrés par
de grands auteurs de bande dessinée. Rappelons-nous par exemple le Mort à crédit, de
Céline, mis en images par Jacques Tardi. Puis la collection est restée en sommeil,
comme la Belle au bois dormant, avant de renaître il y a deux ans, grâce la rencontre de
Soleil productions et de Gallimard. Le catalogue de la Futuropolis aujourd'hui, qui
s'adresse à un public adulte, est excellent et rassemble de très grands noms de la
bande dessinée contemporaine.
Puis Gallimard jeunesse a lancé ensuite " Bayou ", dirigée par Joann Sfar, qui propose
des albums de bande dessinée cartonnés moyen format, accessibles à un public plus
large, notamment adolescent. La plupart des titres proposés ont l'avantage de
développer un récit sur un ou deux albums seulement, ce qui évite la frustration
engendrée par les séries qui comptent parfois plusieurs dizaines d'albums. Citons dans
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le Bayou le très beau Aya de Yopougon, de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie
(chronique familiale dans la Côte d'Ivoire des années 1970), ou bien La Forêt de l'oubli,
de Najda (un très beau conte initiatique au royaume des princesses) ou bien encore
Chaque chose, de Julien Neel, qui met en scène un père et son fils, dans un récit très
tendre et très incisif.
Fétiche, lancée en 2007, propose des adaptations de textes littéraires appartenant au
patrimoine mondial, textes de littérature de jeunesse ou non. Harry est fou, d'après le
roman de Dick King-Smith, dessiné par Pascal Rabaté, et Le Roman de Renart, dessiné
par Bruno Heitz, ont inauguré la collection. Puis viennent Les Contes du Chat perché,
tome 1 : La patte du chat et Le canard et la panthère, d'après Marcel Aymé, dessiné par
Agnès Maupré ; Une fantaisie du docteur Ox, d'après Jules
Verne, par Mathieu Sapin. A suivre en 2008 : Roi Rose, d'après Pierre Mac Orlan, par
David B. ; Le Petit Prince, d'après Saint-Exupéry, par Joann Sfar ; Zazie dans le métro,
d'après Raymond Queneau, par Clément Oubrerie ; Le Roman de Renart, tome 2 ; Les
Contes du Chat perché, tome 2.
"Ex-Libris", chez Delcourt. Elle est dirigée par le scénariste Jean-David Morvan et
propose d'adapter les grands classiques de la littérature dans limite de nationalité,
d'époque ou de genre. Chaque dessinateur pressenti peut revisiter le livre qu'il a aimé
ou qui l'a marqué, avec sa propre marque graphique. Les albums sont en outre enrichis
de "clés de compréhension" : biographies des auteurs adaptés, notices replaçant
l'oeuvre dans son époque, explications des dessinateurs. Des fiches pédagogiques
destinées aux enseignants sont prévues également. Ex-Libris devrait compter une
vingtaine de titres par an. Les premiers albums sont parus 2007 :
Les Trois Mousquetaires, d’Alexandre Dumas, scénario de Jean-David Morvan et Michel
Dufranne ; dessin de Ruben
Robinson Crusoë, de Daniel Defoe, scénario et dessin de Christophe Gaultier
Oliver Twist, de Charles Dickens, scénario de Loïc Dauvillier ; dessin de Olivier Deloye
Frankenstein, de Mary Shelley, scénarisé et dessiné par Marion Mousse
Le dernier jour d'un condamné, de Victor Hugo, écrit et dessiné par Stanislas Gros
L’Ile au trésor, de Stevenson, scénario de David Chauvel ; dessin de Fred Simon
Dans la colonie pénitentière, de Franz Kafka, scénarisé par Sylvain Ricard et dessiné
par Maël Taras Boulba, de Nicolas Gogol
Tom Sawyer, de Mark Twain, scénario de Jean-David Morvan et Frédérique Voulyzé ;
dessin de
En 2008 : Au bord de l’eau, de Jean-David Morvan et Wang Peng
Le Tour du monde en quatre-vingts jours, de Jules Verne, scénario de Loïc Dauvillier ;
dessin de Aude Soleilhac
Le Dieu Singe, scénario de Jean-David Morvan, dessin de Jian Yi
Série Agatha Christie, d’après l’œuvre de l’écrivain du même nom, scénarisée par
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François Rivière, Emmanuel Proust
Plusieurs volumes sont désormais disponibles. Tome 1 : Le Secret de Chimneys,
dessiné par Laurence Suhner – Tome 2 : Mort sur le Nil, dessiné par Jean-François
Miniac – Tome 3 : Dix petits nègres, dessiné par Frank Leclercq
Le Crime du golf, Emmanuel Proust
Hercule Poirot, rond à souhait dans cette mise en images, se rend à Calais en mission.
Un certain monsieur Renault, richissime industriel de Merlinville-sur-Mer, lui a
expressément demandé de venir chez lui car il se sent menacé. Mais lorsque Poirot,
accompagné de son ami le capitaine Arthur Hastings, arrive sur les lieux, Renault a été
retrouvé assassiné sur le terrain de golf proche de sa villa. Poirot mène alors sa propre
enquête, tandis que la police française mène la sienne, chacune des parties rivalisant
de recherches et de théories pour damner le pion à "l'ennemi". Les premières
investigations désignent plusieurs suspects, dont la femme et la maîtresse de la
victime. Mais il nous faut attendre les dernières images pour connaître le véritable
assassin, comme dans tout bon roman d'Agatha Christie.
Adaptation réussie du roman : la narration est fluide et l'on retrouve bien l'esprit de la
dame anglaise. Le dessin de M. Piskic est fluide, élégant ; il crée une atmosphère
prenante, bien dans l'époque à laquelle se déroule l'action.
Série Arsène Lupin, de André-Paul Duchâteau et Geron, éditions Soleil (Détectives BD)
813 – La Double vie - Les Trois crimes d’Arsène Lupin
Arsène Lupin, le célèbre gentleman-cambrioleur, s’introduit au Palace-Hôtel à Paris,
dans la suite de Rudolf Kesselbach, l’homme le plus riche du monde. Il lui vole les deux
cents plus beaux diamants de sa collection et trouve un message mystérieux : A …A…
O…O…N…Le lendemain, Lupin est accusé du meurtre de celui qu’il a volé. Au centre
de l’affaire, un secret fabuleux représenté par un nombre mystérieux : 813 … Lupin est
emprisonné, doit faire la preuve de son innocence et éclaircir cette singulière affaire,
avec l’aide d’un certain Lenormand, policier de son état …
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apparaissent vers le 11ème siècle). Même les noms des personnages sont
méconnaissables : Merlin se nomme Myrddin, Guenièvre Gwenhwyfar … en gallois
dans le texte ! C’est d’ailleurs sans doute ce qui est le plus difficile pour les lecteurs : se
familiariser avec les noms des personnages, imprononçables, pleins de G et de W !
Mais un glossaire fort utile figure à la fin de chaque album avec la traduction des noms
des personnages.
Dix volumes composent cette saga qui entraîne les lecteurs dans l’univers du roi Arthur
et des chevaliers de la Table ronde.
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vignettes d’Olivier Supiot sont de véritables tableaux, hautes en couleurs, où évoluent
les personnages d’une grande expressivité. Supiot a été particulièrement inspiré par le
personnage du baron, dont le visage éclairé par un regard dur et bleu hante
véritablement les cases.
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comme des miniatures et ses mises en couleurs sont lumineuses.
Le Fantôme des Canterville / d’après Oscar Wilde, de Jean-Luc Cornette et Christophe
Hanze, Delcourt jeunesse
Voici une adaptation réussie du conte malicieux d’Oscar Wilde, que les enfants
prennent toujours plaisir à lire ou à écouter. Une famille américaine, les Otis, achète un
vieux manoir écossais, agrémenté, bien sûr, d’un fantôme. Les Américains sont des
êtres modernes et pratiques, tout le monde sait cela, et bientôt, la tache de sang
présente sur le sol depuis des siècles, est enlevée chaque matin par le détachant
efficace du fils Otis et le fantôme perd le moral : il n’effraie personne. Pire ! C’est lui
qu’on persécute !
Tout l’esprit et l’humour du texte de Wilde est conservé ici, tant dans les dialogues que
dans le dessin de Hanze, expressif et soigné. Il prend soin d’attribuer à chaque
personnage un attribut physique précis et l’utilisation de la couleur directe renforce la
dimension fantastique de l’histoire.
La Fontaine aux fables, tome 1, 2002 - La Fontaine aux fables, tome 2, 2004 - La
Fontaine aux fables, tome 3, 2006, Delcourt(Jeunesse)
Au sommaire de chaque album, douze fables mises en images dans un très grand
format, dans lesquelles on retrouve intégralement les textes intégraux des fables de
monsieur de La Fontaine , dans les récitatifs pour le récit, dans les bulles pour les
dialogues. Utile aux enseignants pour appuyer leur travail en classe et montrer
comment l’on peut passer du texte à l’adaptation en images.Douze histoires traitées
avec des styles graphiques très différents et des mises en couleurs extrêmement
soignées. Ce qui est frappant lorsque l’on relit les textes tels que nous les proposent les
auteurs ici, avec la distance et la mise en situation des personnages, c’est leur grande
modernité.
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La Guerre des boutons, tome 1 et 2, d’après Louis Pergaud, de Mathieu Gabella et
Valérie Vernay, Petit à petit
Adaptation très réussie du roman de Louis Pergaud, un peu « trop copieux » aujourd'hui
! Un prologue de deux planches explique la situation : la mésentente entre les deux
villages de Longeverne et de Velran, dont l’origine est si lointaine qu’on ne la connaît
plus. Puis vient la présentation des héros : Grand Gibus, Camus, Lebrac, Petit Gibus et
La Crique, que la dessinatrice croque avec tendresse et drôlerie. Les premiers gnons
entre les bandes rivales arrivent dès la quatrième planche, devant l’église, pour une
banale histoire de voiture et de filles. A ne pas rater non plus la fameuse bataille de la
rivière, où la troupe de Grand Gibus affronte courageusement l’ennemi dans le plus
simple appareil, mais la tête protégée de casseroles et autres ustensiles culinaires. On
prend un très grand plaisir à suivre cette guerre pour rire, grâce tout d’abord au dessin
vif de V. Vernay, qui sait animer ses personnages et les doter de sentiments et
d’expressions ; à la palette de couleurs aussi plutôt tendres qui donne à l’album un petit
air nostalgique comme sur les vieilles photographies. Enfin les dialogues, reprenant
ceux de monsieur Pergaud, sont toujours aussi drôles, pleins de vie, du sens de la
répartie et d’argot. Bref on se régale !
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Dixième enquête de Dickson, assisté comme toujours de Tom qui vient de décrocher
son permis de conduire, et de la belle et indépendante miss Symons, journaliste et
sufragette. Le trio se rend dans le Kent, où le manoir de sir Nicholson est mis à mal par
un esprit violent et frappeur. Les premières investigations du détective le mettent sur la
piste d'un bijou maléfique et d'une tombe oubliée sur un îlot rocheux battu par les vents.
La femme qui est enterrée là serait une sorcière et chercherait à nuire à nouveau …
On lit avec plaisir cette série de facture classique, où le fantastique est ancré dans les
années 1930, évoquées de manière à la fois précise et légère. Un plaisir à ne pas
bouder.
L’Histoire d’une mère / d’après H.C. Andersen, de Peter Madsen, Delcourt jeunesse
Peter Madsen est un dessinateur et un illustrateur suédois dont Delcourt a déjà publié le
Jésus de Nazareth, en 1997.
Il adapte ici de manière magistrale un conte d’Andersen, publié pour la première fois en
1848.
Dans une maison isolée une mère veille son enfant malade. Mais les soins constants,
l’amour qu’elle lui porte ne suffisent pas : la Mort entre avec le vent glacé et emporte
l’enfant. Pourtant la mère ne s’avoue pas vaincue. Décidée à sauver celui qu’elle aime
plus que tout, elle se met en marche pour le royaume de la Mort. En chemin, elle doit
laisser sa jeunesse et ses yeux en sacrifice si elle veut aller au bout.
Ce conte sombre est une splendide illustration de l’amour maternel et de l’acceptation
de la mort. Les images que P. Madsen donne à voir ici sont magnifiques, jouant
pleinement sur le contraste entre l’ombre et la lumière, entre le froid et le chaud, entre
des paysages désolés et la poésie d’un buisson de roses. Il installe son personnage
dans des contrées grandioses, désoléés, inhospitalières, démesurées, qui renforcent
par contraste l’amour que cette femme a en elle. Un livre magnifique, souvent
bouleversant.
Série Le Magicien d’Oz / d’après Frank Baum, de David Chauvel et Ferrandez, Delcourt
jeunesse
David Chauvel est un scénariste fécond qui explore toutes sortes d’univers. Pour
Delcourt jeunesse, il signe deux autres jolies séries :Octave et Popotka le petit Sioux. Ici
il s’attaque au chef d’œuvre de Franck Baum, immortalisé grâce au cinéma, Le Magicien
d’Oz. La jeune Dorothée est arrachée à son Kensas natal lors d’une tornade et se
retrouve dans un monde inconnu. Elle doit aller à a cité d’Emeraude om réside le
magicien qui pourra l’aider à rentrer chez elle. En chemin, elle rencontre plusieurs
personnages : un épouvantail, un homme en fer-blanc et un lion. Chacun a quelque
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chose à demander au magicien. Mais la route est longue.
Cette œuvre incontournable de la littérature de jeunesse est mise en images et en
couleurs par un jeune dessinateur espagnol très virtuose. Son dessin est souple, vif,
vigoureux, son découpage précis et certaines scènes sont réellement très saisissantes,
notamment celle de l’envol de la maison de Dorothée.
Trois albums forment cette série.
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bien choisis ! L’album, lui, est composé de quatre histoires de passe-murailles, hommes
et femmes banals en apparence qui ont le pouvoir singulier de passer au travers des
murs ou des automobiles, et qui mettent leur don à profit pour améliorer leur quotidien,
mais sans forcément aller vers le spectaculaire, le casse du siècle ou l’opération à
grande échelle ! Comme à son habitude, Jean-Luc Cornette utilise des éléments
fantastiques qu’il place dans le quotidien qui se trouve donc un peu décalé, plus
poétique et plus doux. C’est aussi l’occasion de parler essentiellement des relations
hommes-femmes, notamment dans la nouvelle Le gratin dauphinois, où une idylle se
noue entre un chef de bureau et une secrétaire toute timide, mais excellente cuisinière
qui mitonne un excellent gratin dauphinois ! Dans une interview, Stéphane Oiry précise :
« C'est vraiment le propos du bouquin, les rapports hommes/femmes. Tout ce qui se
noue entre nous : rapport de séduction, rapport de domination, c'est ce que l'on a
souhaité montrer, avec un petit décalage fantastique très léger ». On passe un bon
moment en compagnie de ces passe-murailles très attachants, que Stéphane Oiry nous
peint de manière sobre et très efficace.
Série Peter Pan / d’après J.M. Barrie, de Régis Loisel, Vents d’ouest
Six albums composent cette série : Londres – Opikanoba – Tempête – Mains rouges –
Crochet – Destins.
Loisel ancre le récit dans un dix-neuvième siècle londonien très réaliste et fait renaître
Peter sous les traits d’un garçon de Whitechapel, l’un des quartiers les plus pauvres et
sordides de Londres. Peter n’a pas de père, sa mère est alcoolique et prostituée. Grâce
à son imagination et à ses lectures, Peter survit et garde sa candeur et sa naïveté. Son
ami, le docteur Kundall, l’aide, le nourrit tant au plan terrestre qu’intellectuel puisqu’il lui
apprend à lire et lui donne ainsi la clé des livres. Peter aime aussi raconter des histoires
à d’autres gosses aussi malheureux que lui et il s’invente une maman douce et aimante.
Il rencontre un jour la jolie fée Clochette qui l’entraîne dans son sillage vers le Pays de
Nulle Part.
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enneigée, l’on fait la connaissance de Geppetto, le bûcheron un peu poivrot. Pourtant il
n’a pas forcé sur la bouteille lorsque la bûche qu’il ramasse dans la neige se met à
parler et à répéter tout ce qu’il dit. Geppetto pense avoir trouvé la chose précieuse qu’il
exhibera partout et qui le fera devenir riche. Mais la bûche est maligne et elle ne parle
que lorsqu’elle en a envie. Alors une nuit, le vieux taille la bûche et en fait un pantin qui
le réveille et l’appelle papa. Pinocchio est doté d’un sacré caractère, n’en fait qu’à sa
tête de bois et veut découvrir le vaste monde. Il ignore dans sa très grande naïveté que
le monde est dangereux, peuple de personnages peu recommandables prêts à exploiter
les faibles et les gentils …
Cette histoire, très joliment dessinée et mise en couleurs, a gardé toute la poésie du
conte et montre bien la cruauté des hommes. Les auteurs font de Pinocchio un
personnage complexe, à la fois touchant et irritant : touchant quand il renonce parfois à
la vie et que l’immobilité le fait pencher vers sa condition initiale d’arbre. Un bel album.
Le deuxième tome est également disponible.
Série Robinson, de Jak Lemonier / très librement inspirée du roman de Daniel Defoe,
Petit à Petit
Tome 1 : C’est tous les jours Vendredi
Pas facile d’être un homme civilisé et hautement “ technologisé ” et de se retrouver sur
une île paradisiaque, certes, mais déserte et sans eau courante ni électricité. Notre
espèce de Robinson, qui ressemble à Tom Hanks dans “ Seul au monde ”, s’installe
donc, contre mauvaise fortune bon cœur et découvre l’existence de Robinson, un vrai
sauvage, qui n’a pas attendu l’eau courante, la douche, ou l’électricité pour vivre en
harmonie avec cette belle nature et les bestioles diverses qui la peuplent. Les deux
hommes cohabitent mais ont bien souvent quelques difficultés de communication car ils
n’ont pas les mêmes valeurs … Tel est le point de départ de l’album, composé de gags
en une planche aux chutes souvent très savoureuses. Il revisite avec beaucoup
d’humour et d’à propos le thème de Robinson, avec un fil rouge qui est la relation entre
Vendredi et Robinson, et une amusante critique de notre société de consommation, qui
a tendance à ne voir le monde qu’à travers le prisme déformant de la télévision. Un
album tonique que l’on peut lire dès 8 ans et qui s’adresse à tous les publics.
Le tome 2 est disponible également : Une bouteille à l’amer.
Série Sans famille / d’après Hector Malot, de Yann Degruël, Delcourt jeunesse
Très belle adaptation du célèbre roman d'Hector Malot, « Sans famille », qui fit pleurer
des générations de lecteurs !
Où l'on fait ici la connaissance du jeune narrateur, Rémi, qui vit heureux avec celle qu'il
croit sa mère, la mère Barberin. Où sa vie bascule lorsqu'il apprend brutalement qu'il est
un enfant abandonné et que son père adoptif se débarrasse de lui sans état d'âme, le
confiant à un vieux saltimbanque, le seigneur Vitalis.
Y. Dégruel réussit là une série splendide graphiquement tout d'abord, montrant un trait à
la fois original et évident, servie par une mise en couleurs délicate, jouant parfaitement
avec l'ombre et la lumière. Il parvient également à faire passer l'émotion du roman,
combinant parfaitement la poésie, la chaleur et la brutalité des faits. Il maîtrise toute la
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gamme des sentiments humains qui passent sur le visage des personnages.
Déjà parus : Mère Barberin – La troupe du seigneur Vitalis – Le cygne – Neige et loups
Les trois petits cochons, de Tarek et Aurélien Morinière, Emmanuel Proust, 2006
(Jeunesse)
Avec cet album plein d’humour, intelligemment fait, les éditions Emmanuel Proust ont
inauguré en 2006 une nouvelle collection de bandes dessinées destinée aux enfants de
7 à 11 ans.
Dans une forêt pas comme les autres, celle des contes, arrive un joli train à vapeur dont
descend Shalom, le loup pacifiste hébreu. Sur le quai d’en face l’attend Salam, le loup
pacifiste arabe. Les deux amis se saluent et font aussi la connaissance du vieux conteur
sur un arbre perché qui leur donne les documents nécessaires à leur mission.
Parallèlement, un lutin se glisse régulièrement entre les cases pour fournir aux jeunes
lecteurs quelques explications nécessaires à la bonne compréhension du récit. Shalom
et Salam cheminent donc en forêt et découvrent avec stupeur qu’ils doivent débusquer
les trois petits cochons et les manger ! « Le monde est devenu fou ! » pensent les deux
amis. Pourquoi agresser ces cochons qui ne leur ont rien fait ? Quant à les manger, pas
question, leur religion le leur interdit ! Ils décident tout de même d’aller voir les cochons
en question, rencontrent en chemin un petit chaperon rouge, un autre loup pacifiste,
quelques nains (ils en comptent sept), un guide assermenté et arrivent enfin chez ceux
qu’ils devraient exterminer.
Le vieux conteur a beau faire et défaire l’harmonie, il aura du mal à parvenir à ses fins
…
Un très joli récit, tout en finesse, où la matière du conte traditionnelle est mise à
contribution pour parler du monde dans lequel nous vivons, où le racisme et
l’intolérance sont, hélas, monnaie très courante. Tarek traite ce sujet délicat avec
justesse et humour, sans être ni trop pesant ni trop didactique. Le dessin de Aurélien
Morinière est dynamique et expressif, renforcé par le travail de mise en couleurs de
Svart qui apporte de la douceur au récit. Album réussi donc, à mettre sans réserves
entre les mains de nos jeunes lecteurs qui devraient se régaler.
Le Vaillant petit tailleur / d’après les frères Grimm, de Pierre Mazan, Delcourt, 1996
(Jeunesse)
Le petit tailleur façon Mazan est un grand flandrin tout en hauteur avec une houppette à
la Tintin et une démarche de rappeur. Il traverse l’histoire en dilettante, en venant à bout
de sept mouches, de deux géants, d’un sanglier fort sauvage, d’une licorne et d’un roi
imprudent, tout cela sans une égratignure mais avec une classe folle ! Un album
jubilatoire, gai, rehaussé de couleurs vives et de dialogues savoureux. La narration est
fluide, aidée en cela par un nombre réduit de cases par planche.
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Les Voyages du docteur Gulliver : tome 1, Les Liliputiens / d’après Jonathan Swift, de
Kokor, Vents d’ouest (Equinoxe)
Une relecture inattendue du célèbre roman, où la fantaisie et la beauté rivalisent avec
l'humour et l'aventure. Pourquoi le docteur part-il constamment en voyage ? Quelle est
son attitude face aux Lilliputiens, aux Petits Boutiens et aux Grands Boutiens ? Et que
sait-on de lui. Est-il marié ? A-t-il des enfants ? Est-il un bon médecin ? Et surtout, a-t-il
le pied marin ? Jonathan Swift n'avait pas tout écrit. Heureusement, Kokor a sorti ses
crayons pour composer une belle ordonnance graphique !
Voyages sous les eaux, de François Rivière et Serge Micheli, Emmanuel Proust
(Atmosphères)
Un album qui entraîne le lecteur dans le monde de Jules Verne et de ses personnages.
Tandis que dans les profondeurs marines, le Nautilus se rapproche de son objectif,
Jules Verne, l'écrivain et le personnage de cette histoire fantastique, perturbé par un
énigmatique " livre d'eau ", semble pris d'une frénésie d'écriture. Au cours d'escales au
Crotoy, de mystérieux personnages croisent sa route : un petit garçon sans nom, une
princesse indienne... Et tous le conduisent à Nemo, la figure emblématique de sa
création, qui, soudain, semble étrangement vivante.
Il y a donc aujourd’hui pour les enfants de 3 à 12 ans une vraie offre, variée,
intéressante, où l’on trouve des récits de grande qualité. L’abondance des références
données ci-dessus le démontre aisément ! Cette bande dessinée pour la jeunesse n’est
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plus boudée par les auteurs, même ceux qui ont un nom, bien au contraire : Joann Sfar
et son Petit Vampire, Lewis Trondheim et son Monstrueux, Emmanuel Guibert et Ariol
ou bien la Sardine de l’espace, Edith signe un excellent Trio Bonaventure, Zep s’est fait
un nom avec l’incontournable Titeuf. D’autres ont fait leurs premières planches en
jeunesse avant de passer à la bande dessinée adulte : Olivier Supiot a débuté avec la
petite Marie Frisson, Mathieu Bonhomme avec Victor et Anaïs, allant ensuite vers des
albums adultes qui ont été remarqués et primés : Le Dérisoire et L’Age de raison par
exemple.
Cette politique éditoriale volontariste porte donc ses fruits, a sans doute contribué à la
reconnaissance de la bande dessinée par l’institution scolaire, qui préconise la lecture
de quelques titres dans les accompagnements aux programmes.
Par contre, il existe peu d’offre spécifique en direction des adolescents, dont on a, c’est
vrai, plus de mal à cerner les envies, et qui s’emparent surtout des séries d’humour ou
d’héroïc fantasy grand public et maintenant et surtout des mangas. Mais ceci est une
autre histoire et fera l’objet d’un prochain article !
Catherine Gentile
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