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L'ECOLE ARGENTINE DE PEINTURE
Plus qu' aucune autre priode historique, l'art
d'au-jourd'hui par sa conception et par sa technique d'expression tend l'universalit. Mais pour attein-dre cette fin dsirable la meilleure mthode est de prendre d'abord cohnaissance de sa propre ralit artistique nationale, pour en arriver par tapes une unit de vue qui rejoigne l'universel sur le plan humain, social, mtaphysique et esthtique. II ne s'agit pas de formuler une philosophie de l'art, ni non plus une sociologie ou une esthtique. Ces disciplines, qui confondent parfote ntentions et faits artistiques, apprennent rflchir sur une oeuvre non la voir. L'oeuvre de la critique est plus me-sure. Elle considere d'abord les oeuvres d'art elles-mmes, comme des organismes autonomes, issus de l'action de cration vivante de l'artiste. Ces oeuvres seront ensuites tudies dans leurs rapports avec la ralit de l'tre, l'existence, le monde, la transcen-dance c'est dir leurs relatons avec l'image et l'ide transformes par l'artiste en lments plasti-ques, perfectibles et transcendants, sources de josuis-sance pour les autres hommes. 1) Une Ecole artistique est la somme des caracteres varis qui finissent par constituer un style defin. Je pense par exernple aux coles classiques de Florence et de Venise, des Flandres ou de Sville, et, plus prs de nous, l'Ecole de Paris. Dans notre Amrique on peut citer au cours de la priode coloniale celles de Mxico, de Cuzco, de Quito, de Potos, et aujourd' hui l'Ecole fresquiste mexicaine. Peut-on dir, avec la mme assurance, qu'il existe une Ecole Argentino de peinture? Comme on le sait les sources de la peinture argen-tine sont europennes, latines surtout, mais nous verrons dans quelle mesure notre peinture s'exprime d'une fagon diffrente. A cet gard nous ne croyons pas mutile de citer des historiens de l'art europens qui ont eu l'occasion de rappeler les influences subies dans leurs pays respectifs. C'est que ce problme d'originalit ne nous parat pas une simple spcula-tion ntellectuelle mais une fundamntale question de destn. On a dit que l'art argentn ressemblait l'art euro-pen. Je ne pense pas que ce soit tout fat exact. Nos origines sont europennes, mas nous cherchons notre propre expression profonde. En vrt tous les pays accuellent travers leurs artistes les nfluences trangres. Trois citations suffiront rappeler la portee de cette influence. Gustave Barthel crit: "L'art allemand ne peut tre vu et compris qu'en consid-rant ses relations avec l'volution artistique euro-penne. Mais c'est prcsment grce ees lens que l'art allemand a attent une grandeur ndpendan-te". De son cote Enrique Lafuente Ferrari note: "On a souvent reproch l'art et la peinture espagnols une certaine complaisance receptivo qu amenait accueillir trop facilement en Espagne les artstes trangers. Cela est vra, mais I n'est pas mons vrai que sur tous ees artistes au mons les melleurs, l'Espagne exerc son tour une forte influence, hispanisant leur oeuvre et les imprgnant du carac-tre national... Et s l'on appel cet art art d'alluvon nous pourrons rpliquer que l'Espagne n'assimile que les lments qui prsentent des co-rrespondances avec son propre esprit". Citons enfin Eugne Fromentin qui crit propos du paysage hollandais et de son nfluence cratrice en France: "En vingt ou vingt cinq ans, de 1830 1855, l'Ecole frangase avait beaucoup tent et avait nor-mment produit. Partant de Ruysdal et de ses mou-lins eau, de ses cluses, de ses prairies, c'est dir d'une sensibilit proprement hollandaise, avec des formules purement hollandaises, elle tait par-venue creer un style compltement franjis avec Corot, et en mme temps prparer l'avenir d'un art plus universel encor avec Rousseau. L'Ecole fran-gaise en est-elle reste la? II est vident que non". Nous savons combien un Georges Braque, un Henri Matisse sont franjis, et qu'un Pablo Picasso de-meure d'essence espagnole. Ce n'est pas en vain que Giorgio di Chirico est grco-italien, Emil Molde allemand ou Jackson Pollock amricain. 2) Tous les pays et tous les artistes prsentent des caracteres qui les distinguent les uns des autres. En Argentine la notion particulire d'espace ne de l'immensit des paysages, de l'intensit de la lumi-re; et les lments animiques issus de ees caracteres physiques qu'il ne faut pas confondre avec la simple anecdote forment une ralit dfinie, qui peut fortement agir sur l'action universelle de l'esprit, crateur d'un nouvel ordre artistique. L'art argentin ses debuts a utilis les techniques trangres, mais les formes reprsentes taient ins-pires par des lments locaux. C'est dans cette perspective qu'ont oeuvr les premiers graveurs et peintres argentin, et aussi les trangers de passage et ceux qui vinrent s'tablir dans l'Argentine du 19me sicle. Une petite flamme romantique Ilumine par-fois ce naturalisme, due davantage au temprament de l'artiste qu' l'influence d'une cole. Le portrait que l'on peignait devait tendr surtout la ressem- blance, et le paysage reproduire les caracteres visi- bles de l'aspect gographique et des usages de la ville ou de la campagne. C'est ce que firent Morel, Pellegrini, Rugendas, Pallire et beaucoup d'autres. On ne se mit pas en qute d'un nouvel nstrument pour peindre les hauts faits de la guerre d'indpen-dance et de la fondation de la nation. L'artiste se contentait de reprsenter les faits de la ralit im-mdiate, transcends parais par sa propre nspira-tion. On peut citer ici les noms de Pridiliano Pueyrre-dn et de Juan Manuel Blanes, originaires chacun d'une des rives du Ro de la Plata. L'argentin Pueyrredn a sub des nfluences noclassiques, ro-mantiques et ralistes; l'uruguayen Blanes est de formation acadmique et raliste, mais leur puissance cratrice les amnent tous deux une expression personnelle. Blanes est appel le "Rioplatense" (le peintre du Ro de la Plata) car il a excellement represent des pisodes historiques de l'Argentine et de l'Uruguay. 3) L'art argentin du 19me sicle a-t-il des caracte- res propres? Manuel Belgrano, hros de l'indpen-dance, fonda en 1799 une cole de dessin qui ne put fonctionner qu'une anne. Trois lustres plus tard le Pre Castaeda reprenait cette idee. Ce fut enfin la cration de l'Ecole de Dessin de l'Universit qui ouvrit une tape fconde dans l'enseignement artistique. D'Europe viennent des artistes et des profes-seurs, et le premier peintre argentin, Carlos Morel, apparait. La ville et la campagne sont vues par cet artiste (et par 'les trangers rsidents ou de passage) avec des yeux clairs et sinceres, lis prennent sur le vif sites ou passants de Buenos Aires, la Grand'Place, le Cabildo, le March, les marchands ambulants (porteurs d'eau, laitiers) fidles reflets des coutumes du temps, comme le fait en particulier le navigateur anglis Emery Essex Vida!. Ces documents iconogra-phiques, peints 'l'aquarelle et largement rpandus Londres, prcisent les dtails, suggrent le vaste espace des plaines ou l'immensit du ciel. Le genevois Hiplito Bacle donnera sa peme valeur la litographie, editan des priodiques Ilustres ou des planches reprsentant des usages de son temps. C'est grce iui surtout que le souvenir des tran-ges et gracieux peignes qu'utilisaient les elegantes d'alors a t conserv. Carlos Enrique Pellegrini, le savoyard, est vers 1830, le plus sensible magier de la vie argentine. Sa "Ter- tulia porteo" ("Un saln littraire Buenos Aires"), ses portraits de domes creles, son "Cielito" ("Danse coloniale") l'aquarelle ou ses litographies, rvlent une nature subtile et raffine. Les aquarelles sont si singulires dans leur subtilit qu'elles ont tabli une sorte de tradition nationale. L'allemand Juan Mauricio Rugendas et l'italien Ca- yetano Descalzi, le frangais Adolfo d'Astrel sont les contemporains de Carlos Morel. Dans ses nuiles, ses aquarelles et ses litographies (en particulier la serie "Usages et coutumes du Ro de la Plata"), Morel s'aff irme comme un dessinateur et un peintre qui passe avec la mme aisance du paysage au portrait et la composition, avec un accent la fois natura-liste et romantique, se risquant parais avec bonheur dans de sensibles scnes de plein air. Le romantisme est plus affirm chez Rugendas qui utilise des 1845 des formes et des coups de pinceaux o est sensible la profonde jouissance picturale. Cette cole rallie galement le franjis Raymond Quinsac de Monvoisin, qui ajoute sa connaissance du mtier et sa formation noclassique une exalta-tion romantique qui donne un air exotique aux person-nages qu'il a peints en traversant notre pays, lors d'un voyage au Chili. Le brsili en Juan Len Fal liere a peint, l' hui le et l'aquarelle, des personnages et des paysages na-tionaux, et rpandu par le procede litographique ses "Scnes d'Amrique et d'Argentine". Avec Pridiliano Pueyrredn (1823-1870) (qui ft Pars des tudes d'ingnieur et eut sans doute l'oc-casion de connatre les oeuvres de David, d'lngres et d'autres noclassiques europens), la peinture argentine va s'exprimer avec une remarquable rigueur plastique et une grande qualit artistique. Les portraits de Pueyrredn sont ustement admires, en particulier celui, souvent reproduit, de Manuelita Rosas. Ses scnes de la vie champtre ne sont pas moins clebres. On trouve dans son oeuvre une fusin des lments naturalistes, noclassiques et romantiques. II est, par excellence, le peintre d'une poque argentine. Du fond de ses toiles surgissent des pans de paysages, des vases de fleurs, des dossiers de fau-teuils, des rideaux de velours, des bibliothques, des tapis, des lampes, des ornements. On y voit aussi de vastes espaces ouverts, des personnages sous les "ombus", des paysages du Ro de la Plata et de la Pampa. Dans ses toiles l'arabesque s'installe et le volume devient pleinement sensible. Les personnages et les objets s'avancent dans les aquarelles avec de subtiles formes sensibles, et dans ses toiles avec un sur usage du "model en rond". Qu'i l util ise l 'hui le ou l'aquarelle I demeure le peintre des harmonies sereines, assur dans la reprsentation de ses personnages et saisissant avec sensibilit de vastes espaces dans le panorama de ses toiles. Les sujets sont generalement le reflet d'une existence paisible situe avec precisin dans l'ambiance de Buenos Aires et de ses environs. Les peintres qu suivront Pueyrredn vont se rendre en Italie et en France pour complter leur formation artistique. Le plein air et le ralisme triomphent. ngel del la Vall e, Reynaldo Gi dice et Eduardo Svori se distinguent, dans cette nouvelle gnration. Svori s'tait d'abord servi d'un dessin rigoureux et d'un dense clair obscur. II poursuit, son retour de Fran- ce, des recherches de "plein air" dans des paysages o la couleur et la lumire impressionnent fortemen) le regard du peintre. L'impressionisme surgit en Argentino vers 1900 tra-vers Faustino Brughetti et Martn A. Malharro, pion-niers de ce nouveau visage de l'art. Soulignons r c l'importance de cette tape essentielle. Malharro, passionn et polmiste, se consacre l'enseignement et dcouvre la forme ses eleves. Comme peintre I n'a laiss que quelques petites toiles et des aqua-relles d'un chromatisme vibrant, touches lgres et lumineuses, qui dfinissent son apporf technique et esthtique. Fernando Fader s'inspire de l'impressionisme allemand pour peindre le paysage des collines de Crdoba, avec un sens naturaliste et un divisionnisme pn-tran. Un chromatisme dlicat caractrise les toiles de Walter de Navazio. Ramn Silva, form en France et en Italie, est un des pionniers du "post impressionisme". Les emptements vibrants et les couleurs purs s'har-monisent chez ce peintre. On trouve chez Valentn Thibon de Libian des chos d'Edgar Degas. Fader ptrit la masse des couleurs dans la lumire avec une technique sre et une ouis-sance panthiste des effets lumineux du plein air. Sensible, ntimiste, motif, Navazio ordonne ses tons par zones de couleur, par touches vibrantes, roman-tiquement rveuses. Thibon de Libian utilise des couleurs ruti lantes ou parfois, par des gammes plus ternes, traduit une sensibilit contenue, voile SQJS une ironie qui va usqu'au sarcasme. Silva, disparu prmaturment 29 ans, se distingue par une explosin dense de la couleur qui rappel'e parf oi s Van Gogh, par une f acture et une qual i t qui le rapproche des impressionistes intimistes. En 1900 l'Argentine affermit ses institutions, et ses produits traversent les mers. On cherche alors de plus vastes horizons artistiques. L'impressionisme a sans doute passionn les artistes les plus sensibles et les plus nquiets, mais I s'y mlait une certaine reserve, une prudence qui tait prcisment le gage d'une volante d'originalit. L'argentin a toujours invoqu I'indpendance et la libert sociale et personnelle, mais cet tat d'esprit ne l'a pas empch de demeu-rer pris dans certaines regles traditionnelles, parfois mime conventionnelles, qu'un sociologue de la culture pourrait utilement tudier. II n'a pas t exag-rment tent par le goOt de dsarticuler les formes, de les mietter, demeurant respectueux du concept d'une entit plastique unitaire et lie l'apparence. Ce trait nous fait moins libres que les europens, mal-gr (ou par de fait mme?) des oppressions sculai-res que ceux-ci ont du secouer. L'Europe atteint alors un stade d'volution qui situ au plus haut de la parbale son fcond tmoignagne. Nous avons du assimiler ees formes diverses presque simultanment et sans que cette nfluence prenne la forme d'une rbellion naturelle ou d'une rnovation. La reserve et l'obstination creles venaient en eff et modrer les 10 caracteres de cette transplantation. Notre sens de la ralit, profondment fixe malgr notre rsistance au milieu, n'est pas compatible avec l'vasion totale vers une esthtique dshumanise. Et ce sens est une des composantes de notre art. Nos artistes ne peuvent l'oublier: L'Amrique est baigne dans une ralit particulire (on pourrait dir une "sous-ralit") dont tres peu d'artistes ont encor russi se dfaire. Et les meilleurs, dans notre pays, se sont exprimes dans une profonde solitude. Mais revenons cet espace, cette lumire que nous voquions tout l'heure. Les mmenses espaces, les variations de la lumire rgnent sur le paysage ar-gentin, en tendue comme en profondeur, et influen-cent les perspectives humaines et mtaphysiques. Si nous songeons a la pame ees lments sont tout puissants. Dans le Nord, la province de Cuyo, le littoral ou la Patagonie, l'espace n'est pas moins excessif, et la lumire, si richement nuance, finit par effacer les contours des objets dans les plaines de a Rioja ou de Santiago. Elle devient plus subtile Tucumn ou Crdoba et dans les dfils de Jujuy la lumire fait songer une prsence emplie de piti et sereine qui se pencherait sur le malheureux indi-gne. Mais l 'art ist e doi t ragi r. Le Nord-Ouest ou le Sud, Cuyo ou la Pampa mposent les formes mm-diates et clatantes de la ralit, mais le tableau s'organise en fonction du volume et de la ligne. Dans cette lutte on ne peut laisser triompher la pur abstraction, que ees espaces et ees lumires suffiraient nspirer. Impregn d'un constructivisme essentiel le peintre s' expri mera en f onct ion d'objets concret s, sans tomber dans le dcoratif vulgaire. Marquons ici encor la diffrence avec la peinture europenne qui, par dsir de raffinement ou rvolte, abandonne a nature pour des signes lies de purs notions. Des lments intermdiaires apparaissent entre ees valeurs d'espace et de lumire: la vibration des vo-umes, l'exactitude des plans, la mobilit des ombres, les paysages dlis, les accords musicaux, les mltiples subtilits, tout celia permet au peintre, en qute de son equilibre harmonique, d'obtenir une relle qualit sensible, une transmutation de la ralit. La peinture argentine se caractrise par sa subtilit, au contraire de la peinture mexicaine domine par des lments dramatiques et tragiques. Ce pays qui difi des pyramides et des sculptures monumentales, est parven creer une cole plastique moderne, reflet de la Rvolution. Rappelons au passage l'importance, dans notre temps, de "l'cole amricaine" des Etats Unis, forme d'a-deptes d'une minutieuse ralit quotidienne, contre laquelle les expressionistes abstraits ou tachistes des coles du Pacifique et de New York devaient ragir avec une dramatique violence. Au Brsil les couleurs clatantes triomphent dans un expressionisme et un lyrisme simultans, inspires par une terre trapicle et la vhmence d'une nature envahissante. Songeons Portinari et aux feux d'arfi-fice d'Antonio Bandeira. C'est aussi des puissances de sa terre que l'quatorien Guayasamin tire sa propre vigueur. Pour revenir notre peinture on y trouve un autre climat proprement national. Ragissant contre l'excs de lumire et d'espace, nos peintres cherchent l'inspi-ration dans des zones plus profundes de leur tre et dans leur rigoureux sens des valeurs, attachs met-tre en oeuvre l es mayons propres l eur art: l a forme et la couleur. II nous parat assez vain de rattacher, comme on le fait, certains de nos peintres des coles europennes. Seuls des lments isoles 11 d'inspiration apparaissent, mais elabores nouveau avec un sens rel et une construction formelle distinc-te, o la couleur tisse une harmonie qu ne dtonne amis, une symphonie en sourdine. Notre esprit est aussi loign des formes purement folkloriques que des formules exagrment agressives. La ciarte des formes, la sobrit des conceptions, la mesure for-ment le climat du meilleur art argentin. Une vritable gographie plastique se dgage d'une analyse de la peinture argentine. La lumire blanche d'une ville aux blanches consfructions Buenos Aires devient dans les quartiers de Belgrano, de Flores et dans certai nes zones l 'Ouest de l a vill e, or et argent, ou prend des tons roses et ocres. Le bleu devient propre et pur comme une porcelaine brillant au sol ei l, les rouges s'ai guisent et l e gris devient plus tnbreux dans les faubourgs du Sud. Une im-mense ciarte s'allume sur la mer sans rivages de la plaine. A l'intrieur du pays les couleurs, sous la lumire, se temprent, amnent une forme d'art rigoureuse et precise ou au contraire aux tons avi-des dont une atmosphre impalpable cerne les objets. Nous voyons done ainsi que notre artiste ne peut s'vader du climat qui l'entoure, freinant sa fantaisie. L'Argentine s'est dveloppe grce l'obstination des hommes qui s'efforcaient de soumettre la nature des fins idales. Ce passage de la raison sensible la raison inteligible f ait que la symphonie de couleurs et de formes tabli ici son message sur la savou-reuse recherche d'une profonde intimit. II est done naturel que le plastique devienne pictural et la forme essence, sans garer sa substance dans la formu-lation ncessaire toute expression authentique. II faut enfin signaler deux faits. Les courants d'avant garde ont t essentiellement extrieurs au milieu na-tional qui peut ouer ainsi son role de facteur mod- rateur et sauvegarder l'originalit. D'autre part ees courants aboutirent ici des formes neuves, et ceci nous parat fondamental. 5) Abordons maintenant plus loisir quelques artistes modernes argentins qui peuvent paratre exemplaires (Faustino Brughetti, Emilio Pettorutti, Lino Spilimber-go, Miguel Carlos Victorica, Ramn Gmez Cornet, Horacio Butler, Ral Soldi, Juan Battle Planes), avant d'en venir la gnrati on actuell e. De Faustino Brughetti (1877-1956), Horacio Butler crit: "Ce peintre-pote fait partie de la grande i-gne des artistes incompris de leur temps. Sa voix dis-crte, son honntet proverbile, ont empch que ustice lui soit rendue, le ton general de l'poque tant alors au tumulte et aux parades de la virtuosi-t. Brughetti est demeur paisible et a poursuivi si-lencieusement son chemin. II est temps maintenant de l e met tre sa vraie pl ace". Brughett i f ut un lutteur, un crateur de climat favorable pour les arts. L'initiative lui revient de la premire exposition m-pressioniste prsente Buenos Aires, dans les salons de "La Prensa", en 1901. Le peintre Pettorutti a rappel que le premier contact entre un artiste et le public dans la ville de La Plata s'est produit grce une exposition de Brughetti reprise Buenos Aires la mme anne. "Ainsi, crit Pettorutti, une poque o La Plata tait loin d'tre ce qu'elle est devenue, Brughetti a ouvert une paren-thse dans les habitudes routinires d'une population nouvelle, occupe de son seul travai!. . . II faut sou-ligner I'importance de ce geste qui lui assure la re-connaissance des habitants de La Plata". Faustino Brughetti obtient en Europe d'importantes distinctions mdaille d'or et Croix du mrite. II uti- 12 lisa une gamme claire et des formes lumineuses, accordant une importance singulire la tache et la couleur pur, posee en touches vibrantes. II ordon-ne son tableau par la juxtaposition et la superposi-tion de touches de couleur fraches et transparentes pour porvenir une harmonie expressive. "Ces taches de couleur crit Eduardo Svori en 1905 ees tons verts, bleus, rouges, aunes, ne peuvent pas tre com-pris par notre public. Cette peinture est en avance sur son temps". Le tableau "Les lavandi res", dat de 1900, peut tre consider comme la premire peinture moderne argentine. La visin dont I tmoigne tait alors toute neuve. Des oeuvres de la densit et de la qualit de "Lu-mire et ombre", "Serment d'amour", "Figures dans un paysage", etc refltent, en mme temps les origines de l'artiste et son universalit, manifestes dans sa technique, dans son style et dans l'esprit qu emane de sa peinture. Pour Jorge Larco, le Brughetti du debut du sicle est apparenf des crateurs de l'importance de Bonnard, Picasso, Derain, Munch, Slevoght o Scipione. Ses oeuvres prsentent, crit-il, "des caracteres originaux et insolites. Des gammes subtiles et raffines les ornent, sans recourir aux stridences ni aux clats luminescents dont Fader et Thibon de Libian eux-mmes firent usage". Ces gammes subtiles et raffines, ees formes claires et lumineuses, unies au sens plastique, symbolique, pan-thiste et humaniste du singulier "pote-peintre" sont des traits qui dfinissent amis notre peinture. Faustino Brughetti est done un prcurseur, li fon-damentalement l'esprit de notre pays. "Les grands poetes et les grands artistes ont pour fonction sociale crit Apollinaire de rnover sans cesse l'apparence que la nature revt aux yeux des hommes". Cette phrase s'applique parfaitement aux artistes de notre temps. Les post-impressionistes, les fauves, les cubistes, les futuristes, les abstraits con-triburent ce renouveau. Emilio Pettorutti arrive d'ltalie en 1953. C'est l'po-que o l'avant garde et le futurisme triomphent dans la pninsule, o le manifest de Marinetti avait paru quatre ans plus tt. On assiste en mme temps la dynamique explosin futurista (avec ses rythmes courbes et ses couleurs ardentes et sonares) et au no-cubisme de l'cole de Paris qui cherche la rigueur de ia structure, le statisme des plans, les sobres accords de tonalits qu'on retrouve dans la breve oeuvre cubiste de Picasso, de Braque, de Gris. II y eut done d'une part la dcomposition des lments rels et formis par le moyen du mouvement et des lignes de forc, et de l'autre la ncessit entrevue d'un calme, d'un quitisme sur le plan qui transfigure les objets et les recompose sur la toi le. Pettorutti, bloui par les renouvellements de l'avant garde, passe rapide-ment a'u stade tardit d'une technique impressioniste pointilliste au rythme de la masse de couleur et des lignes constructivos. Au dla du plan tonal abstrait I penetre dans sa propre visin pour pei ndre "Cel le au chapeau vert" (1919) et "La pensive" (1920). II n'a pas entendu vainement la voix des peintres m-taphysiques, de Carra, de Chineo, vocateurs de Paolo Ucello et de Piero della Francesco. Pettorutti est sensible aux influences de son temps, et regoit aussi le message des classiques italiens qu'il tudie avec un amour qui se confond avec son gout de la discipline, de la rigueur dans la construction et son sens de l'troite fusin forme-couleur. Pettorutti s'applique la precisin du dessin, la structure de plans et d' espace t onal, sans f aire de l a pei nture pl ae. II excelle harmoniser les tons, et ses passages chro-
matiques, ses transparences musicales, ses "contre-points" sont remarquables. Mais iI ne se dtourne amis tout fait de la ralit, proche de la "hostgate rigore" lonardienne et de sa "peinture ment l e". ("La pittura cosa ment l e".) II demeure fidle la composition mesure, ! a qualit plastique, la couleur cernee dans le pl an, l'abstraction o la synthse formelle stricte, et une excution d'une technique noble et soigne, ly-rique et chromatique (mais mouvante), comme nous le montrent ses Arlequins, ses Musiciens, ses "Soleils argentins", aux solides plans chromatiques, aux fines gammes caractristiques des effets de la lumire dans nos rgi ons du Plata et de l a Pampa. C'est sur une voie diffrente que se place Lino Spilimbergo. Aprs une pri ode naturali ste argenti na, il s'intresse en Italie aux matres du Cuattroceno toscans et vnitiens, puis regoit en France les legons du cubiste Andr Lhote. C'est ainsi que son oeuve forte, plastique et expressive, prsente cette dualit de solidit formelle et d'nergie constructiva (dont son temprament dramatique a fait la synthse). Ses oeuvres principales unissent volume, forme et couleur en une dense expression humaine. Les peintures nes ou conques en Europe (1925-1928) avec les paysages structurs de San Sebastiano Curone, le thme tendu de son "Can" (1931), les "Figures" deja classiques dons la toute nouvelle tradition nationale et les "Terrasses", conjuguent les lments dfinitifs de sa matrise et de sa puissance sensible. On y reconnat le caractre particulier de son art, li la fois aux primitifs, aux artistes de la Renaissance, aux moder-nes et au climat de son atelier des faubourgs de Buenos Aires. Sa ligne profondment trocee, fore-ment structure, cerne admirablement tes lments qu'il reprsente. II utilise des procedes divers selon qu' il peint sur la toi le o fresque, qu' il grave o qu'il dessine. Sa dernire poque ne conserve que la charpente essentielle du dessin, peut tre en rac-tion contre l'effet produit par la dispersin de la iu-mire pendant son sjour Crdoba et Tucuman. Miguel Carlos Victorica (1884-1955), que Corri ere sduit pendant son sjour Pars, utilise des tona-lits basses, reflets de la lumire et de l'atmosphre parisienne et tradusant sa sensibilit par l'emploi des masses de couleurs. Victorica abord tous les sujets: la nature morte, la figure, le paysage, utilisant avec de mme bonheur l'huile, le pastel, l'aquarelle ou le dessin. Soulignons que sa sensibilit est particulirement vive. Dans no-tre pays il s'est fait le dfenseur chaleureux des formes lbres, qu se font et se dfont d'elles-mme, dans l'action intuitive et passionne d'un peintre qui construit avec les ians vivants d'une motivit sa-voureuse. Des traces fals, des emptements, l'exal-tation de la couleur et la puret des tons, l'apparen-tent parfois aux Fauves, mais ses meilleurs oeuvres n'ont pas t excutes en Europe, o il a vcu de 1911 1918, mais dans son pitoresque atelier de ia Boca, pendant ses annes de maturit. La dlectation de la mat ire, la forme non fini e, la couleur f rache et chantante, une facture qui oint les sentiments l'esprit, dfinissent ses quelites qui l'amnent un rythme plastique d'une sensiblit extreme. Rappelons quelques unes de ses oeuvres principales: "Supersti-tieuse" (1923), "Francine" (1932), "Cuisine bohme", deux splendides natures martes, des balcons de la Boca, des huiles inspires de la regin de Crdoba, marquent les tapes d'une corriere brillante. Ramn Gmez Cornet introduisit des formes contem-poraines des sa premire exposition, en 1921. C'tait l a premire f ois qu'on pouvait voir Buenos Ai res la construction cubiste, la puissance "fauve" et les lignes futuristes. Ce peintre est influenc la fois par les Primitifs siennois et par Modigliani, mais l'es-sentiel de son oeuvre, son retour en Argentino, s'appuie sur l a ralit de son t erroir et s' expri me par des formes austres dont il emane un sentiment de mlancolie et de piti profonde. Sa trajectoire se dveloppe avec "Mueco" (La marionnette) (1929-30), toile qu resume dans sa dshumanisation appa-rente la legn d'un Paolo Ucello et l'influence mta-physique d'un Chineo, grandit avec "Portrait de fem-me" (1934), le "Portrait de Rosario" (1937) et "Magnolias" (1939) d'un langage tres pur. Ses toiles, ses dessins et monocopies d'enfants de Santiago del Estero et de Catamarca rvlent les caracteres de ees graves et dolentes cratures, dont l'angoisse et l'-tonnement, la candeur ou la peine sont traduites par une ligne rigoureuse et des volumes contenus. Dans sa peinture les tons sensibles exaltent la minee ma-tire de ses "Figures" et de ses "Fleurs". Gmez Cornet figuratif d'une rigueur classique et d'une sobrit moderne, dans l'quilibre de ses oeuvres les plus representativos, se caractrise par la fagon puis-sante dont I a pu saisir le visage des lointaines pro-vinces argentinos, cet univers si particulier dont il est lui-mme impregn. Au cours de son sjour en Europe (1923-31) Horacio Butler adhre au fauvisme. II a admir Czanne, Picasso, Braque, Matisse et travaill dans les ateliers de Friesz et de Lothe. Retenu par las quelites sensibles de l'objet et par l'abstraction gomtrique, son sytle disciplin et prob cherche alors les strictes valeurs formelles auxquelles I donne une rare puissance ex-pressive et l yrique, grce son trac harmonieux. II est, depuis 1935, "le peintre du delta du Tigre", cette potique regin toute proche de Buenos Aires qu'il a peinte avec un charme doux et languide, si propre sa pente esthtique qu'il a pu crire: "Les fleuves, la lune et les fleurs peuvent se transformer en peinture nationale quand nous les regardons d'une fagon particulire", cette fagon qui est celle de l'es-prit rigoureux, cultiv et subtil d'Horacio Butler. Sa trajectoire artistique debute avec "La sieste" (1926), se poursuit et se diversifie dans sa "Dcoration mrale" (1928), puis dans la matire dense de son "N au bord de la mer" (1930), de "La veuve du capi-taine" (1931), enfin avec la serie de paysages du Delta, les nombreux us et les figures o s'affirment ses quelites d'artiste minent. Raoul Soldi est un poete de la peinture. Dans sa p-riode italienne (1923-32) et dans les annes qui suivent, son retour en Argentino, les volumes or-donnent la structure du tableau et la couleur s'tale avec une dlicatesse extraordinaire, soutenant un dessin plei n de grce et qui n'appartient qu' ce peintre. Les formes rassembles par l'arabesque, les emptements fermes et les rythmes courbes, la trans-parence des tons et un certain climat mtaphysique aboutissent une peinture pntre d'attente et de mystre. L'art de Soldi, vritablement lyrique, s'appuie sur la capaci t int ui ti vo du pei ntre de saisi r une figure ou un paysage. Sa sensiblit, sa passion de la couleur et des formes dgages de la matire donnent ses oeuvres un l an pot ique qu'on ne peut confondre. Au cours de la dernire dcade I enrichi sa facture et fait vibrer pl us li brement la couleur, se pntrant aussi de l'aspect du paysage et des lments humains des vastes plaines du sud de Buenos Aires. L'angoisse et la souffrance ont effa-c le gracieux sourire italien, mais au benfico d'une recherche de la vrit lcale, cernant l'universalit a'e l'me argentino, sans souci de folklore vulgaire. Cette prise de conscience natonale et amricaine est un 1 5 fait important dans l'volutionde la gnration de 1921. Pdele son lan lyrique, Soldi, dans une ex-position rtrospective en 1958, a cependant monfr qu'il revenait ses "Musiciens", ses "Figures", ses "us" la pte dlicate, dans le climat volup-tueux de sa peinture potique. Dans cette "nouvelle gnration" d'autres peintres se dtachent. Aquiles Badi utilise des formes archi-tecturales et synthtiques, d'influence cubiste et m-taphysique, la recherche de formes qu traduisent son sens potique. "Dcouverte", "Nocturne espag-nol" et "Buenos Aires 1936" sont partiulirement re-prsentatives de sa maniere. Ses compositions sont enrichies par un accent dramatique dilu par l'utili-sation de surfaces plates, presqu'abstraites. Elles se caractrisent aussi par la transfiguration esthtique de plans equilibres aux couleurs subtiles. Badi don-ne le senti ment de jouir de l a beaut qu'i l cree. Hctor Basalda part de la synthse de Czanne et de l'exaltation de la matire des "Fauves". II utilise la forme et la couleur et ne ddaigne pas la fantaisie en transposant des paysages portniens, qu'il a su saisir avec saveur et densit. Des personnages fan-tomatiques errent dans ses tableaux et donnent vie ses re-crations interprtatives, profondment ly-riques. Une rigoureuse conception formelle, base sur une construction chre aux italiens du XVme sicle et au cubisme synthtique, et o la masse et le volume dominent, caractrise les pltres d'Alfredo Guttero. Prudente, discipline, naturaliste de temprament et doue d'une sensibilit expressive, appliquant par-fois une rigueur constructive dans ('equilibre des mas-ses et les accords des tons: c'est ainsi qu'on pourrait definir l'ouvre d'Emilio Centurin. Coloriste d'instinct, Juan del Prete, met dans son oeu-vre des accents "fauves" et a aussi recours la d-composition et aux re-cratons des formes de l'abs-traction. Artiste anxieux, le plus tourment peut tre de sa gnration, ce peintre fait preuve d'une forc intuitive, sensuelle et vivante, d'une grande richesse chromatique, reflets de sa sensibilit et de son dy-namisme. Les emptements raffins, des surfaces lsses et po-lies caractrisent Alberto J. Trabuco; Domingo Canda demeure pour sa part fidle des structures et des rythmes lumineux. Nora Borges a aussi recours la structure cubiste. Ses potiques interprtations de paysages et de sc-nes avec personnages, dans des "quintas" et "ardins creles", sont caractrstiques de sa savoureuse ins-piraton. Mi guel Di omde, avec un sens raffin, spirituaiise la matire grce un mter sensible et un regard pntrant qu "revele objet et figure". De nombreux autres artistes ont fourni la preuve de leur originalt et de leurs qualits clatantes. Dres-sons la liste de quelques uns d'entre eux avant de revenir sur les principaux: Onofrio Pacenza, Horacio March, Roberto Rossi, Alcides Gubellini, Ernesto Faria, Juan Battle Planas, Vicente Forte, Ral Russo, Luis Seoane, Fernndez Muro, Clorindo Testa, Sarah Grillo, Miguel Ocampo, Hugo Ottman ettant d'autres. 6) Avec Juan Battle Planas le clmat mystrieux du surralisme prend place dans l'art argentin, travers d'etrangesr personnages et des images obsdantes. Tout un univers de magie potique vt simultanment dans ses tableaux, traduit en purs valeurs pictu-rales. Citons ceux qu'l a titrs "Anatome de la vi-l le", "Le l ama", "Le destn", "Les mcanismes du chiffre", "La petite soeur des pauvres" et "Les No-cas" aux traits tranges et bizarres. Cet intrt pour le surralisme, si profondment consider, est sa.is doute unique dans notre peinture. Si nous regardons de plus prs certains de ses tableaux nous y dcou-vrirons, malgr tout, un sens de l'espace n de la vi si n de l a l i gne hori zont al e de l a pampa et de son infini mystrieux. En marge de la prsence du surralisme les formes plastiques argentinas tendent se renouveler sans cesse. Nous sommes en prsence d'une volution qu annonce un renouvellement de l'image esthtique. On compte des groupes de valeur certaine qui se rallient l'abstraction. D'autres, plus rcents, reo-gnent Tinformalisme, le neo expressionisme, le no-ralisme, etc. Mais n'est ce pas l'pre solitude qui peuple les toiles de Raquel Forner? N'est ce pas l'hu-maine tendresse qui vit dans les oeuvres d'Antonio Berni (songeons sa serie de "Juasito Laguna") et de Lenidas Gambartes? L'tudes des thmes archaiques, prcolombiens et europens, omne Lenidas Gambartes (1909-1963) des sujets inspires par les types de la cote du Rio Paran, regin o sjournent encor les Indiens Gua-ranis. Mais I ecarte dlibrment le folklore. Gambartes atteint une qualit extraordinaire dans ses peintures sur bois couvertes de couleurs successives, o se croisent des lignes et des touches lgres au pi nceau. II parvient ainsi donner l' impressi on de la consistance de la f resque et de la transparence de l'huile. II joint cette technique un equilibre go-mtrique et un accent dramatique, dans des atmos-phres colorees habites de prsences statiques. Ses oeuvres ont parfois la saveur des anciennes crami-ques polychromes ou de ees harmonieux tissus que nous a legues le Prou pr-hispanique. C'est une orientation plus europenne, plus sp-cifiquement italienne, qu'obit Ernesto Farina. On notera surtout dans son aeuvre la ustesse de la struc-ture f ormelle, la modulation des tons, son controle de l'espace et la sensibilit de sa visin pour dcrire sa Crdoba ntale. L'artiste n'est pas non plus indif-frent la beaut des plans et aux subtiles et lisses surfaces abstraites. Les artistes qui se sont succds en Argentine de 1900 l a seconde guerre mondi al e, s'expri ment tous avec une technique assure et un langage nettement original. Aucun d'eux n'a peint des vne- ments publics, des proclamations, de simples formes mitatives d'un ralisme douteux, et s'il s'en trouvait 1 compterait bien peu dans notre art. N'est-ce pas la deja une facn valable de sentir la peinture? II est vident que cette conception est fondamentalement diffrente des vues des fresquistes mexicains, par exemple, ou de celle d'un Cndido Portinari. 7) En mettant l'art au service d'une Rvolution triomp-hante, les artistes mexicains reconnaissent sans d-tours le sens de l'expression artistique qui est ne dans leur pays: c'est un art de combat, sensibilic par des vnements publics. Son langage ne pouvait tre que direct, d'une limpide ciarte d'exposition, uti-Ifeant des mages ralistes, figuratives, la portee de tous les spectateurs. La peinture, bastin avanc du mouvement dmocratique mexicain, s'emploie dcorer de vastes espaces: coles publiques, universi-ts, palais gouvernementaux, instituts et locaux pu-blics. Pour cette fin c'est la peinture mrale, et non la peinture de chevalet, qui doit tre util ise. le Mexique favorise une peinture idologique qui proclame le destn collectif de l'art. Dans cet esprit les nouveaux fresquistes de l'antique Tenochtitln ont rejoint d'illustres anctres et ont tent de les renou- veller. Rivera, Orozco, Siqueiros, Tamayo, etc., for-ment l'Ecole Mexicaine Moderne, nettement oppose, dans ses techniques comme dans ses buts, la pein-ture du Rio de la Plata. On peut observer chez les meilleurs peintres argen-tins, en mme temps que la recherche la plus active de l'expression et du style, prenant corps travers un vif sentiment de la forme et de la beaut, le souci de ne pas ngliger les Usieres relles et spirituelles du milieu o cette peinture nait et se dveloppe. Au-cune concession la simple anecdote, au dramatis-me strile, l'effusion vaine, aux lments extrieurs du folklore. Au contraire: attentifs la qualit, avec une subtilit de facture pur ou expressive, ils aspi-rent la profondeur et non au cri, aux traits intel-lectuels et sensibles qui serrent la forme. Rptons le: cette f orme est caractristique de l a regin du Rio de la Plata, face aux valeurs dramatiques ou fragiques du Mexique. Une reserve peut toutefois tre formule: nous pen-sons que, si Ton considere la qualit et l'originali'- picturale, il est possible d'isoler dans les productions argentines un ensemble d'oeuvres qui permettent notre peinture de se situer sur le plan international. Nous pensons aussi que notre peinture sera vraiment orignale dans la mesure o "les fleuves, la lune cu les f l eur s . . . seront contemples par nous d'une fa-gon particulire ou avec un mode imprevisible de sentiment que le temps seul rvlera". Tout ceci est vrai pour ce qui concerne la nature considre comme une frise sereine. Mais que devi ent ici l' hom-me, les catgories de l'tre et de l'existence qui am-nent une vue en profondeur, essence de l'art? On peut craindre que notre peinture ne recherche pas une expression mtaphysique, et l'absence de cet lfnent empche d'atteindre l'expression des vrita- bles impulsions spirituelles et humaines. Mais cette recherche mtaphysique est peut tre contenue m-plicitement dans l'informalisme des peintres issus de l'expressionisme, fidle au message de l'homme. Le eune peintre argentin n'ignore pas le messape pro-f ond et si gnif i cat if que tout e f orme i mpl i que, du point de vue de l' histoire de l 'art. Au dla des SOUCR spculatifs ou des recherches de matires I tente de faire son dmame de la cration plastique prise dans son ensemble et refltant la cul- ture et la socit. Les grandes forces de l'esprit libre, dans leur action transcendante, contribuent l'avancement social, mo- ral, esthtique. La grande aventure de l'artiste, quand elle est authentique, se contente de parcourir le cy-cle de ses revs de beaut, s'en tient aux essences dans lesquelles l'enferme son langage particulier et attei nt l' uni t par la diversi t, demeurant sur un palier de qualit transcendante. Si le peintre, au re-gard aigu et sensible, s'en tient sa propre person-ne, et si sa mthode technique et expressive (qui n'est pas exclusive d'une exprience abstraite-concrte ou informaliste, ni de la visin de la ralit) ne se saisit pas de l'existence collective que reprsent l'alliance du monde et de l' esprit, cet te mt hode se rdui ra a une exprience ferme sur elle-mme. La peinture est synthse pl astique et quali t pictural e, et c'est chaqu gnration il faut s'en souvenir que re-vient la tache de dcouvrir ses constantes qui appar-tiennent la mmoire et aux rythmes intrieurs de l'esprit. Chaqu gnration regoit de son temps son potentiel d'aventure qui se nourrit de la vie et de l' imagination avant d'tre transiere dans la mta-phore et les sentiments particuliers de l'artiste. Au cours de ees recherches, l'ordre mental et l'ordre mo-tionnel fusionns et penetres mutuellement devront se projeter dans le futur, et ]' "esthtique de la for- me" (qui apparait aux heures de ncessit structura-le) finir par ceder la place I' "esthtique de l'es-sence", pour atteindre la forme-substance. Le eune peintre argentin d'aujourd'hui n'i gnore pas le cours de cette reflexin esthtique, mais il sait aussi que nous vivons dans une orbe difirante de celle des autres continents, et I tient sauvegarder la dimensin universelle de son art. Son mpratif n'est pas de contrefaire ce qui a deja t fait mais d'ouvrir de nouveaux chemins dont il l'intuition, dont il rev, pour creer un monde nouveau. Ne sommes-nous pas l'Amrique, le Nouveau Monde? Nous devons l'tre aussi en art, par la grce de la plus ardente, de la plus savante cration artistique. La peinture tend toujours une objectivit dramati-que, l a mai tri se de la mati re concret e vi tal i se nouveau, une technique du risque, douloureuse, complexe, pas du tout simple ni simplifie, enrichie par la passion de l'me de l'artiste et par le vaste univers de sa conception nationale tendue l'chel-le de l'univers. Dans cet esprt de fidlit sa pro-pre essence, tenant compte de ses tendances propres tout en s'intressant aux ralisations trangres, no-tre art affirme son point d'enracinement, son terrain ferme. Qui done, dans notre pays, ne souhaiterait pas que les idees de comprhension mutuelle qui ont sou-tenu (et continuent de soutenir) nos concitoyens de-meurs f idles aux idaux de notre Rvolution de Ma (accords l'esprit et la volont de libration du continent), qui done ne souhaiterait pas que ees dees fcondent un art qui aura des traits diffrents d'un artiste l'autre (qu'il s'agisse de la' composi-tion, de l' lment represent ou du cadrage), mais qui sera toujours empli de substance relle ou po-tique pour aboutir un st yle? De la vient que l'ex- pression subtilement potique, brise parfois par un dramatisme aigu, soit propre cette peinture. Notre art va vers l'abandon de toute forme mitative, laquelle vient se substituer la forme cre, vivante et palpitante: 1 n'y la ni jeu ni gratuit, mais es- sence et substante cratrices. II nous a faliu cent cin-quante ans pour briser le dernier rempart des pr-ugs conventionnels et acadmiques. Nous sommes dans une tape nouvelle o l'artiste est parfaitement libre, engag dans son aventure de cration. 8) Nous pouvons done convenir avec toutes es reserves ncessaires qu'il existe une Ecole argen- tino de peinture, qui comprend et transcende des lments nationaux, dans laquelle la synthse plas-tique et le lyrisme potique, la mtaphore et le sen-timent subtil de l'artiste aboutissent la fois une certaine unit et une grande varete; unit et va-rit qui seront chaqu fois plus evidentes, travers le travail et le talent de valeurs nouvelles, dans les formes mltiples de l'expression plastique contempo-raine. Les courants modernes ont sainement provoqu un renouvellement de l 'image, en recherchant un style propre notre temps. Cette recherche s'in-tensif ie sur l e plan abstrait et sur le plan spiri tuel par une fusin de la raison et de l'motion, de la conscience et de l'esprit qui forment l'unit de raison existentielle, aptitude raliste de notre temps dy-namique et aussi par l'intrusion du besoin mta-physique transcendance de la forme par l'ide tra-duite classiquement. L'Ecole dont e defins ici les lments d'existence s'affirme, malgr la diversit des tempraments et des personnalits, par l'imp-ratif de la forme substance qui enfonce ses rocines en Amrique, resultante d'efforts conjugues qui ti-nissent par devenir le sang fcond de la terre nouvelle. Aujourd'hui o un certain snobisme international tend rduire, ou mme supprirrver, la varete fondamen-tale de la nature, le faif d'tre sensible au climat propre du pays d'origine (ou d'adoption) a pour consquence l'approfondissement de cette diffren-ce. En prsence de peintures modernes, venues d'Orient ou d'Occident, le regard avis et accoutu-m du cri ti que ret rouvera chaqu f oi s, au dla de la thmatique, des traits ou des nuances distinctifs. Sans recourir aux exemples classiques songeons Kazuya Saka, n en Argentine mais fidle aux cons- tantes de la peinture japonense, sa patrie d'origine. Mme si la technique s'universalise il ne convient pas de ngliger la prsence de constantes dans la na- ture, les formes, les signes de l'esprit d'un pays; ees formes, ees contenus ne disparaissent pas, mais con-tinuent se manifester, mme nconsciemment, par un "accent" ou un "ton" projets dans l'expression esthtique. Les exemples seraient innombrables. Les coles d'avant garde du XXme sicle prsentent des diffrences evidentes: le cubisme frangais, la peinture mtaphysique italienne, l'expressionisme allemand, etc. Parmi les artistes les diffrences surgissent aussi l'intrieur d'un mme groupe. Considrons les oeuvres de Juan Gris, la svrit plastique et la den-sit mtaphysique de ses objets: elles nous feront songer au tres espagnol Zurbarn. Mme dans les toiles amorphes de l'informalisme, une fois dpasses la pur explosin de la matire, l'exercice d'atelier ou le dcoratif pur, on constate des diffrences originales, come le prouve l'irruption de l'abstracto-expressionisme tachise aux Etats Unis, rbellion con-tre une peinture qui fut longtemps troitement fi-gurative. De mme une nergie proprement espagnole est re-connaissable dans la peinture informelle de l'Espagne d'aujourd'hui. Par contre c'est en se rapprochant du raffinement de la peinture argentino que Jos Fer- nndez Muro a ralis son oeuvre, espagnole d'ori- gine mais argentine de propos deliber. Les quaiits que 'ai indiqu sont sensibles chez cet artiste raffin, et aussi dans les oeuvres de Miguel Ocampo, de Sarah Grillo, enfin de Clorindo Testa, n en Italie, qui manifest un rare equilibre d'intelligence et de raffinement. Citons aussi Luis Seoane, peintre, dessina-teur, graveur, fresquiste, mosaste et crivain de m-rites peu communs. II y a chez Seoane une conscien-ce alerte, un temprament artistique reprsentatif de l'esprit de notre temps, fait d'aventure et de libert, renouvellant le langage esthtique. Les personnages de ses tableaux nous transportent dans sa Clice na-t ale, mais son langage cl assique a la rigueur, l a ciarte d'images et la beaut caractristiques de notre meilleure peinture. Signalons enfin que par leur forc expressive, lejr intensit existentielle, nos jeunes peintres manifes-tent qu'ils sont sensibles aux problmes que pose la notion d'espace plusieurs dimensions de l're ato-mique. lis s'avancent ainsi vers des formes neuves, vers les constantes anthropologiques, mtaphysiques et esthtiques de l'art qui formeront la culture univsr-selle venir. 9) Exami nons les apports de l' art abstrait et con-cret, ses visions gomtriques purs, libres de tout ce qui n'est pas une exigeante perception esthtique, avant d'en venir aux autres mouvements: l'art brut, l'informalisme, le tachisme, et les toutes recentes recherches de la nouvelle figuration, proccupes parfois d'une revalorisation de la personne humaine. L'art abstrait et l'art concret apparaissent Buenos Aires comme un mouvement normal de la gnration postrieure 1940, plus prcisment avec la publica- 20 tion en 1944 du numero uni que de l a revue "Artu- ro". "II faut reconnatre, crit Gyula Ksice, (dans "The World of abstract art" publ i New York en 1956) que le terrain tait prepar, dans une bonne mesure, par le peintre uruguayen Joaqun Torres Garca. Son atelier constructviste exerga une grande influence sur les jeunes peintres de l'poque. Ses tra- ces ne sont pas strictement non figuratifs, mais il a rompu les cluses d'un art qu a acquis une vigueur imprvue." II est juste de rendre cet hommage au matre uruguayen. C'est dans l'ateler de Torres Gar- ca qui travalla Carmelo Ardenquin, qui devat par-ticiper la fondation des mouvements "art - concret -invention" et "madi". Ces deux mouvements devaient aboutir d'intressantes recherches, le premier avec des artistes de l'importance de Toms Maldonado, le second avec Gyula Ksice. Parmi les prdcesseurs de ce mouvement il faut ci-ter Pettorutti, Del Prete et Juan Bay. Les abstraits tournent le dos au figuratisme traditionnel. Toms Maldonado, peintre et t horicien, actuel directeur de l'Ecole de Dessin d'Ulm, disciple austre de a peinture concrete, exerce une prof onde influence dans ce sens. Alfredo Hlito s'en tient aux formes !-naires et planes, pour atteindre de complexes har-monies de courbes, d'arabesques, et d'intressantes pigmentations de la surface spatiale. Dans le cou-rant abstrait d'aujourd'hui on peut citer Armando Cppola, Yente, Anita Payr, Marcelo Bonevardi, Mane Bernardo, Vctor Chab, Osvaldo Svanascini pour l 'abstract ion pur, Maldonado et Hl it o, dont nous venons de parler qui demeurent fidles au con-crtisme, Manuel Espinosa, et Ral Loza qui rejoint le perceptisme. Une excution extrmement rigou-reuse et une fantaisie sensible animent la peinture de Fernndez Muro, de Sarah Grillo, de Mi guel Ocampo dont l a pal ette est d' un raff inement subt il. Fernndez Muro ordonne les rythmes et les caden- ees dans une sorte de contrepoint d'un equilibre su-perbe, avec une rigueur qui tend serrer au plus prs la pur beaut. Des formes gomtriques, des lignes ondulantes, des plans vibrants et superposs ouent leurs parties dans ses compositions, tmoig-nant de la pleine harmonie de son sens artistique assur. Sarah Grillo travaille sur un plan de couleur et sur des fonds de tonal it variable et sai t sol er sur ses toiles, d'une grande qualit technique, des formes belles et subtilement assembles. L'oeuvre de Miguel Ocampo, se distingue par une conception plastique raffine et le mlodieux l yrisme de ses formes, classes dans un espace clatant et brillant. Fernndez Muro, Sarah Gri l l o, Ocampo, Testa et le surrealista Aizenberg amnent leur plus haute expression cette puret expressive dont nous par-licns tout l' heure. Signalons maintenant que notre art, au moins depuis un lustre, semble explorer des voies nouvelles, distinc-tes de la conception harmonieuse, de la structure s-vre et sereine, de la qualit subtile et expressive qui le dfinissaient auparavant. Ces nouvelles tendances accordent moins d'attention aux purs visions esth-tiques et souhaitent traduire des problmes d'exs-tence avec une dramatique puissance. Raquel Forner et Antonio Berni sont aujourd'hui les peintres les plus reprsentatifs de cette tendance. Mais il faut signa-ler d'autres artistes, prcurseurs de cet intrt pour la condition hmame: Enrique Policastro, et aussi Orlando Pierr! dont l'oeuvre surraliste, solidement cons-truite, est plonge dans un climat d'un symbolisme mystrieux et d'un vif accent dramatique ("Composi-tion" et "La larme"). Juan Carlos Castagnino pour sa part s'oriente vers le nouveau ralisme, bien qu'il soit dou d'un grand sens potique et d'un dense expressionisme chroma-tique. Castagnino va prendre ses sujets dans la ralit de l'homme et du paysage. II reprsente des pay-sages habites par des personnages et des chevaux, qu' i l si tu au bord de l a mer, dans l a p ame de Buenos Aires, dans les vastes tendues du Nord. II reprsente aussi les humbles travaux quoitidiens. Les dessins dont I a Ilustr le populaire pome de "Martn Fierro" expriment une vie intrieure intense et prsentent l 'image de l' pre et parfois cruel l ra-lit qu tait celle de la campagne argentine au mi-lieu du 19me sicle. Gertrudis Chale (1898-1954) part des prmisses du surralisme et de l'expressionisme. Tournant le dos l'Europe elle sait dcouvrir des thmes originaux, souhaitant raliser une oeuvre profondment inspire par la terre amricaine et sensibilise par un con-tact intime avec les gens et les paysages autochtones. Antonio Berni (premier prix de la gravure la Bien-nale de Venise en 1961), debute par des formes ex-pressionistes et surralistes qui demeurent plaisanes dans une peinture devenue plus rsolument expres-sive. Son oeuvre saisit vigoureusement la ralit so-ciale; il voit la misre ou la dfaite des petites gens et l'exprime avec rvolte, soulignant des situations dramatiques avec une ironie tendr. Sa serie de "Juanita Laguna", inspire par la vi e d'un f ils d'ouvrier des faubourgs, dcrit l'ambiance navrante de la vie dans les usines, les masures et les taudis faits de zinc et de boue. Le peintre recours un authentique informalisme, utilisant des dbris d'objets miserables (toles rouilles, lambeaux d'affiches, torchons) et une matire clatante ou brasse pour former ses pres compositions. L'oeuvre de Raquel Forner tmoigne d'une elegante personnalit. II suffit de considrer ses toiles de a serie "Drames" (inspires par la dernire guerre), et aussi les "Roches", "La f arce" ou "L' apocal ypse". De ses tableaux expressionistes et lyriques, qui si-gnalenf l'poque ou elte se rattachait l'Ecole de Pars, la serie de toiles postrieures qui culminent aujourd'hui avec "Les lunes", son oeuvre dresse un tmoignagne humain, n de la dure ralit de notre temps. Placee dans la ligne du mouvement fauve-expressioniste, elle utilise de solides emptements et f ai t alt erner l ' i de, l ' i mage et l a f orme construi te pour atteindre un expressionisme abstrait, ou un informalisme signifiant, en utilisant des signes et des symboles lies d'une fogn oppressante aux probl-mes d'aujourd'hui. De Mario Puccarelli Ernesto Deira, de Rmulo Mac-ci (Prix International Di Telia 1963), Jorge de la Vega, de Luis Felipe No Antonio Segu, de Marta Peluffo Herrero Miranda, d'Anbal Carrea Os- valdo Borda, de Vctor Chab Polesello, de Carlos Alonso Lea Lubl in, les eunes peintres cherchen! s'exprimer avec un courage peu commun et sans prjugs formalistes. Les apports expressionistes (d'un Ensor ou d'un Nl-de par exemple) et la destruction de formes qui fait irruption dans le courant expressioniste chez un De Koonig en particulier, se retrouvent chez Macci allies une rigueur destructive applique un monde en-sanglant par les guerres et les violences mpies. No prend son inspiration aux mmes sources, et fait de chacun de ses tableaux (qui sont comme chez ses collges de grandes dimensions), une arme de lutte contre des forces sociales malfaisantes. II s'exprime avec une violence colreuse et vibrante, au moyon de formes et de coul eurs d'un accent pathtique. 22 Antonio Segu est engag lui aussi dans une critique vehemente et ouverte de l'existence, que l'artiste d-masque avec lucidit et ironie dans des tableaux mo-nochrones, insolemment sarcastiques. Citons enfin le groupe "Espartaco" Carpani, Sn- chez, But qu poursuit depuis quelque temps ses recherches pour une description des plus pres ra-lits, utilisant un langage lmentaire et de ruaos formes plastiques. Nous sommes done en prsence d'une nouvelle visin dchire et dchirante de notre eune peinture qui tente d'introduire dans ses oeuvres les problmes de la socit et de I'homme de notre temps. 11) Verrons-nous natre, dans le plan de notre vie moderne, la rpublique d'Utopie, la cit oecumni-que des rveurs? Ou parviendrons-nous, au moins, une tape de vie en commun, fconde et cratrice, qu permette I'homme de vivre dignement et sans soubresauts funestes? Le critique n'est pas prophta. Que soit en tous cas le bienvenu notre ton ou demi, ton particulier dans la syrnphonie de la peinture uni-verselle. Puissions nous le prserver et faire partici-per notre art la future symphonie du Monde Nou-veau, bat avec intelligence et passion, fraternel et solidaire dans les manifestations de la vie et la forme-substance de l'art. ROMUALDO BRUGHETTI