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Présenté par :
M. Martin STEPHAN
Sous la direction de :
Madame le Professeur Haritini MATSOPOULOU
« L’UNIVERSITÉ N’ENTEND DONNER NI APPROBATION NI
IMPROBATION AUX OPINIONS ÉMISES DANS CE MÉMOIRE.
CELLES-CI DOIVENT ÊTRE CONSIDÉRÉES COMME PROPRES À
L’AUTEUR ».
3
REMERCIEMENTS
J’adresse mes remerciements aux personnes qui m’ont aidé dans la réalisation de ce
mémoire.
En premier lieu, je remercie Mme le Professeur Haritini MATSOPOULOU d’avoir
accepté de diriger ce mémoire et de m’avoir apporté de précieux conseils pour mener à
bien ce travail.
Je souhaite également remercier l’ensemble des professeurs du master pour la qualité de
leur enseignement.
Enfin, je remercie ma famille, mes amis, et plus particulièrement Adèle Béguin pour
son soutien et ma mère pour sa relecture attentive.
4
Sommaire
Introduction...............................................................................................................................................6
PARTIE 1. LA SPÉCIFICITÉ DES INFRACTIONS DANS LA LUTTE CONTRE LE
TERRORISME..........................................................................................................................................12
CHAPITRE 1. Le terrorisme, objet d’incriminations particulières............................12
CHAPITRE 2. La création d’incriminations nouvelles et spécifiques.......................26
PARTIE 2. LE PARTICULARISME DE LA PROCÉDURE PÉNALE DANS LA LUTTE
CONTRE LE TERRORISME................................................................................................................40
CHAPITRE 1. La spécificité du régime des perquisitions..............................................40
CHAPITRE 2. Les innovations concernant les moyens de preuve.............................47
Conclusion................................................................................................................................................55
6
Introduction
Le vendredi 13 novembre 2015, une des plus grosses opérations terroristes connues en
France est sur le point de se produire. Il est 21h20 lorsqu’un premier commando,
composé de 3 hommes font exploser leurs ceintures d’explosifs aux abords du Stade de
France alors que se déroulait un match amical. Le bilan est d’un mort et une dizaine de
blessés graves. Peu de temps après, vers 21h25, un second commando passe à l’action
dans les 10ème et 11ème arrondissements de Paris, ouvrant le feu sur plusieurs terrasses de
cafés parisiens entraînant la mort de trente neuf personnes et en blessant une trentaine
d’autres. Un des terroristes participant à cette attaque se fait exploser et les deux autres
sont en fuite. Vingt minutes après ces deux premières attaques, un troisième commando
est sur le point de passer à l’action. Ce dernier groupe a comme cible la salle de
spectacle du Bataclan. Le commando terroriste pénètre à l’intérieur, abat de sang froid
quatre-vingt-dix personnes et en blesse plus d’une dizaine. Les forces spéciales de la
police interviennent pour mettre fin au massacre. Au total ce sont cent trente personnes
qui ont perdu la vie, et quatre cent treize blessés, victimes de la folie meurtrière
d’hommes se réclamant de l’État islamique ; classé comme organisation terroriste,
militaire et politique qui a proclamé l’instauration d’un califat sur les territoires qu’il
contrôle au Moyen-Orient.
La France vient de connaître en ce jour l’attentat terroriste le plus meurtrier perpétré
sous la Vème République. L’état d’urgence fut instauré par la suite par les décrets du 14
et 18 novembre 2015.
L’Hexagone connaît le terrorisme depuis plusieurs années. Déjà une vague d’attentats
avait eu lieu dans les années 1970-1980, laquelle avait marqué la population. On pense
ainsi, pour ne citer qu’eux, aux attentats commis le 23 février 1985 contre un magasin
Marks & Spencer à Paris, et contre le magasin Tatie, rue de Rennes le 17 septembre
1986 tuant et blessant plusieurs personnes. A partir de cette série d’attentats, une
réflexion s’est introduite en France concernant la façon dont devait être appréhendé ce
phénomène criminel complexe, par le prisme du droit pénal.
7
En France, la réaction du législateur s’est faite en plusieurs étapes par le biais du Code
pénal et du Code de procédure pénale. Après la vague d’attentats dans le milieu des
années 1980, un dispositif particulièrement répressif a été adopté pour lutter de manière
la plus efficace contre le terrorisme. La loi du 9 septembre 1986 est ainsi devenue le
porte étendard d’une longue évolution législative qui s’est intensifiée ces dernières
années. Cette première loi qualifie d’actes de terrorisme toute une série d’infractions de
6
Convention pour la prévention et la répression du terrorisme, Genève, 16 novembre 1937
7
Convention de l’OEA pour la prévention ou la répression des actes de terrorisme, Washington D.C, 2
février 1971
8
Convention européenne sur la répression du terrorisme, Strasbourg, 27 janvier 1977
9
J. ALIX, Jurisclasseur, Code pénal Art. 421-1 à 422-7, Fascicule 20, Terrorisme, p. 5, 2 décembre 2015,
date de dernière mise à jour 1er Mars 2017
10
Ibid
9
droit commun préexistantes commises dans un contexte spécial. Elles sont soumises à
des règles de procédure dérogatoires du droit commun au sein du Code de procédure
pénale (article 706-16). Il ne s’agissait pas, par cette loi de définir précisément le
terrorisme mais plutôt de « conférer un champ d’application à un régime juridique
pénal et procédural dérogatoire »11. Par la suite, lors de la réforme du Code pénal, la loi
n°92-686 du 22 juillet 1992 est intervenue, transférant la définition du terrorisme dans
le Code pénal à travers l’article 421-1. Le terrorisme fut alors défini par rapport aux
infractions de droit commun, lorsque ces dernières sont commises « en relation avec
une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre
public par l’intimidation ou la terreur ». De plus une incrimination autonome fut créée
par l’article 421-2 du Code pénal concernant le terrorisme écologique. À la suite des
attentats de la station St Michel, une modification est intervenue par la loi n°96-647 du
22 juillet 1996. Ce texte compléta la liste des infractions de droit commun pouvant
revêtir la qualification terroriste, et incrimina de manière spécifique l’association de
terroristes à l’article 421-2-1 du Code pénal. Après les attentats du 11 septembre 2001,
la loi n°2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne et la loi
n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, ont respectivement incriminé le
financement du terrorisme et la non justification de ressources. En France, en mars
2012, un nouveau phénomène fit son apparition avec l’affaire « Mohammed Mérah ».
Aussi la loi n°2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre
le terrorisme a permis de réprimer « des menaces qui proviendraient, par exemple, de
ressortissants français ayant quitté la France et participant à des camps d’entraînement
terroristes à l’étranger »12. Quant à la loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014, tendant à
renforcer les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, a institué une nouvelle
incrimination ayant pour objet de punir « l’entreprise terroriste individuelle ». Cette
dernière a permis de répondre à ce phénomène de « loup solitaire » avec l’affaire
mentionnée ci-dessus. Elle a également mis en place des mesures administratives
censées faciliter la prévention d’actes de terrorisme, comme par exemple l’interdiction
de sortie du territoire.
11
Ibid
12
Rapport Sénat, n°35, fait par M.J. Mézard, 10 octobre 2012, p.7
10
Enfin, après les attentats du 10ème, 11ème arrondissements et de St Denis faisant plusieurs
centaines de victimes, l’état d’urgence fut déclaré. La loi du 3 juin 2016 est venue
renforcer la lutte contre le crime organisé, le terrorisme, et leur financement et améliorer
l’efficacité et les garanties de la procédure pénale. Face aux formes de plus en plus
variées que revêt le terrorisme, le législateur a entendu doter les enquêteurs, et la justice
de nouveaux moyens d’investigations au risque d’empiéter sur les droits et libertés
individuelles. De plus, la lutte sur le terrain du Web s’intensifie. Le cyberterrorisme
apparaît comme cible de la législation anti terroriste. Les nouvelles technologies se
voient également conférer un rôle important, permettant d’intensifier la répression. La
dernière loi intervenue en la matière date du 14-21 juillet 2016, intervenue après les
attentats de Nice. Cette loi proroge l’état d’urgence et contient de nombreuses
dispositions comme le durcissement des peines en matière terroriste, la fermeture des
lieux de culte dans lesquels des propos tenus, constituent une provocation à la haine ou
à la violence.
On remarque ainsi que depuis 30 ans, les différentes lois intervenues en matière de
terrorisme sont le plus souvent, des lois émotionnelles, adoptées à la suite d’évènements
tragiques. « L’omnipotence du discours sécuritaire et la pérennisation de
l’exception » 13 caractérisant cette lutte anti terroriste menée par le législateur,
conduisent à des interrogations quant à l’équilibre à trouver entre suretés et libertés. En
effet, la frénésie du législateur dans sa lutte contre le terrorisme, entraine des restrictions
de liberté et de droit malgré la vigilance du Conseil constitutionnel. L’équilibre est
délicat à trouver entre une réponse répressive, adaptée à cette forme de criminalité, et le
respect des libertés fondamentales. C’est un véritable défi qui s’impose à l’État français.
Ainsi quelles sont les spécificités introduites par les dernières évolutions législatives en
matière d’anti terrorisme et comment s’agencent t’elles avec le respect des libertés
fondamentales ?
La législation anti terroriste se caractérise par la spécificité des infractions en la matière
(Partie 1). Dans un souci d’effectivité de la répression, les dernières évolutions
13
H. ROUIDI, La loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte
contre le terrorisme : quelles évolutions ? AJ Pénal 2014, p. 555.
11
Le dispositif actuel de lutte contre le terrorisme est le fruit d’une longue évolution
législative qui fait suite à l’inadaptation du droit lorsque cette forme de criminalité a
émergé en France. La loi du 9 septembre 1986 fut la première à être votée à la suite
d’attentats et de crimes commis dans les années 1970/1980 et revendiqués par des
mouvements politiques « radicaux » étrangers. A la suite de nouveaux évènements,
l’arsenal répressif a été complété prenant en compte les multiples formes qu’empruntait
le terrorisme.
Le dispositif à ce jour, trouve sa place au sein du Livre IV du Code pénal intitulé « Des
Crimes et délits contre la Nation, l’État et la paix publique », dans un Titre deuxième
« Du terrorisme » aux articles 421-1 à 422-7. Le législateur a fait le choix dans un
premier temps d’incriminer les principaux actes de terrorisme par le prisme
d’incriminations de droit commun, déjà existantes. Dans un second temps, des actes
terroristes par assimilation14 furent ajoutés au Code pénal, dans un souci de réprimer la
diversité des comportements que peuvent adopter leur auteur. La particularité de ces
actes est lié au contexte de leur exécution, et fait du terrorisme l’objet d’incriminations
particulières (Chapitre 1). De plus à travers les tragiques évènements récents (l’affaire
Mohammed Mérah, les attentats de Charlie Hebdo, de l’Hyper cacher, et du Bataclan,
pour ne citer qu’eux), le législateur en réponse à la diversité des formes qu’endosse
cette criminalité particulièrement odieuse, a consolidé l’arsenal répressif contre le
terrorisme par la création d’incriminations nouvelles et spécifiques (Chapitre 2).
14
E. DREYER, Droit pénal spécial, Ellipses, 3ème édition, 2016
13
Parmi les infractions poursuivant une finalité terroriste, certaines présentes des éléments
communs, par le biais de l’article 421-1 du Code pénal (A). À l’inverse d’autres
infractions présentent des particularités spécifiques, traduisant ainsi une diversité des
incriminations en matière terroriste (B).
Pour en terminer, la loi du 22 juillet 1996, le recel a introduit dans l’article 421-1, le
recel au titre des infractions susceptibles d’emprunter la qualification de terrorisme. Le
recel ici, joue le rôle de « dénominateur commun de la plupart des infractions visées »21.
Ainsi est prolongé le caractère terroriste des infractions relevées aux alinéas 1° à 4° de
18
Art. 421-1 du Code pénal
19
L’art. 4 de la loi du 13 novembre 2014 a ajouté à cette liste limitative les délits de « diffusion de
procédés permettant la fabrication d’engins de destruction et de détention de produits incendiaires ou
explosifs en vue de la préparation d’attentats ».
20
Art. L. 465-1 du Code monétaire et financier
21
Y. MAYAUD, Terrorisme, op. cit.
15
l’article 421-1 du Code pénal. La fonction première du recel, est de pouvoir incriminer
tous les comportements intervenant en aval de la chaine de participation aux infractions
terroristes. L’effectivité de la répression en est accrue.
Pour que l’incrimination de recel soit caractérisée, la condition classique de la
connaissance par l’auteur de l’origine du bien recelé ne suffit pas, pour l’application de
la qualification de « terrorisme ». Il convient en plus que l’auteur connaisse la nature
terroriste de l’infraction dont l’objet du recel est tiré22. Enfin une dernière condition
d’ordre psychologique doit être remplie. L’auteur du recel, par son comportement, doit
avoir la volonté de troubler « gravement l’ordre public par l’intimidation ou la
terreur ». Cette dernière condition est donc ajoutée aux deux autres conditions du recel
de droit commun.
B) Les particularités des infractions terroristes traduisant une diversité
Il n’est plus question ici du terrorisme dérivé, empruntant à des infractions déjà
existantes leurs éléments constitutifs. Le législateur, toujours plus inventif, a fait le
choix de qualifier de façon autonome, des comportements répondants à la spécificité
qu’emprunte le terrorisme. Les différentes lois intervenues en la matière ont donc
réprimé à tour de rôle les diverses formes qu’il pouvait revêtir. En effet, seul le
terrorisme écologique était réprimé à titre autonome en 1996. D’autres formes de
terrorisme se sont vues également incriminées, comme l’association de terroristes
(article 421-2-1 du Code pénal), le terrorisme par financement (article 421-2-2 du Code
pénal), et le terrorisme par non justification de ressources. D’autres formes de
terrorisme de nos jours se sont vues également réprimées. Celles-ci feront l’objet d’une
étude ultérieure.
24
Y. MAYAUD, Droit pénal général, 5ème édition, PUF, 2015 « La variable : le résultat ».
17
L’article 421-2 du Code pénal, punit une forme de terrorisme. Il s’agit du terrorisme
écologique qui se traduit par : « le fait d’introduire dans l’atmosphère, sur le sol, dans
le sous sol, dans les aliments ou les composants alimentaires ou dans les eaux, y
compris celles de la mer territoriale, une substance de nature à mettre en péril la santé
de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel ». Pour des exemples, on pourrait citer
notamment les dommages écologiques provoqués par l’Irak au moment de la guerre du
Golfe25.
Cette incrimination est large, notamment au regard du principe de légalité 26 . Par
exemple le mot substance peut s’entendre d’un produit quelconque. En tout état de
cause, cette infraction est autonome puisque le Code pénal ne renvoie pas à des
dispositions du Code de l’environnement qui répriment divers actes de pollution.
Toutefois, pour que la qualification terroriste s’applique, le comportement incriminé
doit être en lien avec une entreprise terroriste ayant pour but de troubler gravement
l’ordre public au sens de l’article 421-2 du Code pénal.
L’association de terroriste quant à elle est réprimée par l’article 421-2-1 du Code pénal
introduit par la loi du 22 juillet 1996. Elle pourrait s’assimiler à l’association de
malfaiteur de l’article 450-1 du Code pénal sous une forme particulière, propre au
terrorisme. Le but du législateur étant de réprimer l’entente ayant pour objectif de
préparer un acte s’inscrivant dans une logique terroriste. La chambre criminelle a relevé
dans une affaire27, que, bien qu’une association d’individus poursuivait un autre but,
notamment culturel, celle-ci avait également pour objet d’assurer un soutien logistique
et financier « à une organisation terroriste ou à ses émanations, dont elle constituait la
vitrine légale ». L’association terroriste doit donc consister soit en une participation,
voire une direction à un groupement formé ou à une entente établie dans l’optique de
préparer un acte de terrorisme « dérivé » (compris dans l’article 421-1 du Code pénal)
ou un acte de terrorisme écologique. Cette incrimination dans sa portée terroriste n’est
pas un dérivé du droit pénal mais bien une qualification autonome répondant à certaines
25
M.-E CARTIER, Le terrorisme dans le nouveau code pénal français, RSC 1995 p. 225
26
Ibid
27
Crim. 21 mai 2014, n°13-83758, Bull. crim., n°136
18
Le terrorisme par financement est réprimé par l’article 421-2-2 du Code pénal, introduit
par la loi du 15 novembre 2001, qui dispose que constitue « un acte de terrorisme, le
fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des
fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin dans
l’intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu’ils sont destinés
à être utilisés, en tout ou parti, en vue de commettre l’un quelconque des actes de
terrorisme (...) indépendamment de la survenance éventuelle d’un tel acte ». Cette lutte
contre le financement du terrorisme s’est intensifiée suite aux attentats du 11 septembre
2001 sur le sol américain. L’objectif du législateur est préventif comme en témoigne le
large domaine d’application de cette infraction, permettant une meilleure répression du
financement du terrorisme sous toutes ses formes. Ce domaine trouve un exemple
parfait dans la sanction du financement du terrorisme même au cas où la réalisation de
l’acte de terrorisme aurait échoué, ou n’aurait pas eu lieu. L’infraction est formelle. Le
législateur érige donc ici la complicité par fourniture de moyens, en une infraction
autonome, réprimée indépendamment de son résultat29.
Enfin, le terrorisme par non justification de ressources a été introduit par la loi du 18
mars 2003 à l’article 421-3 du Code pénal, lequel incrimine de manière autonome
l’impossibilité de justifier de ressources correspondantes à son train de vie. Il faut de
plus que l’agent soit en relation fréquente avec une, ou plusieurs personnes, auteur(s)
des actes terroristes visés aux articles 421-1 et 421-2-2 du Code pénal. Cette
incrimination permet notamment de répondre à l’existence de circuits financiers
souterrains. Ainsi une inversion de la charge de la preuve a été faite : la personne, objet
des doutes, devra prouver la justification de ses ressources.
À l’instar des précédentes infractions énumérées, le champ d’application du terrorisme
par non justification de ressources est également étendu, car les relations avec toutes
personnes participant au financement de mouvements terroristes tombent sous le coup
28
Y. MAYAUD, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Terrorisme, § 2 Terrorisme par
association de malfaiteur, février 2015 (Actualisation : février 2017)
29
A. LEPAGE et H. MATSOPOULOU, Droit pénal spécial, 1ère édition, PUF, 2015
19
de l’article 421-3. Par conséquent, toute relation avec des membres actifs ou passifs du
terrorisme est réprimée. Il est à noter que le législateur a laissé subsister cette
incrimination lorsqu’il a introduit en 2006, l’article 321-6 du Code pénal, instituant un
délit général de non justification de ressources, lequel permet, au régime dérogatoire
spécifique aux infractions terroristes, de s’appliquer mais également de marquer
l’autonomie de cette incrimination.
Enfin, une dernière qualification autonome peut être mentionnée. Elle est particulière au
terrorisme et contenue dans l’article 421-4 du Code pénal. Elle traite du terrorisme par
recrutement. En effet, cet article dispose que « le fait d’adresser à une personne des
offres ou des promesses, de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques,
de la menacer ou d’exercer sur elle des pressions afin qu’elle participe à un
groupement, ou une entente prévue à l’article 421-2-1 ou qu’elle commette un des actes
de terrorisme mentionnés aux articles 421-1 et 421-2 est puni, même lorsqu’il n’est pas
suivi d’effet (...) ».
C’est par la loi du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le
terrorisme, que cette infraction fut insérée dans le Code pénal. Lors de son adoption,
cette infraction a été dénoncée comme pouvant affaiblir l’efficacité du délit de
participation à une association de malfaiteurs30. Le Sénat a eu le dernier mot, en
précisant que le délit d’association de malfaiteurs ne pouvait pas répondre au cas
spécifique d’une tentative de recrutement.
Le recrutement à des fins de participation terroriste est donc retenu comme infraction
formelle. L’élément matériel consiste dans ce cadre, à user de divers moyens destinés à
emporter le consentement d’une personne, à participer à une entreprise terroriste (peu
importe que ce consentement soit suivi d’effets ou non).
La loi du 9 septembre 1986, ayant coulé les fondations de l’arsenal répressif envers le
terrorisme, et sa construction n’en a été que constante depuis. Le terrorisme au fil du
temps et des évènements s’y rapportant, a été érigé en crimes et délits particuliers
30
Y. MAYAUD, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Terrorisme, § 5 Terrorisme par
recrutement, février 2015 (Actualisation : février 2017)
20
répondant ainsi à sa spécificité. La répression est de plus en plus maîtrisée31 par l’ajout
constant de nouvelles incriminations. Ce terrorisme qualifié, comprenant des
incriminations autonomes, possède des particularités propres comme par exemple
l’inversion de la charge de la preuve (le terrorisme par non justification de ressources)
ou le cas de complicité qui a été élevé au rang d’infraction autonome (financement du
terrorisme). Les multiples facettes du terrorisme sont donc abordées, permettant une
répression extensive et sévère.
Le contexte terroriste posé par l’article 421-1 du Code pénal se décompose en deux
éléments. D’une part, un lien entre l’acte commis et une entreprise terroriste est exigé ce
qui traduit l’exigence d’un contexte terroriste (A). D’autre part, le but poursuivi par
l’agent consistant à « troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur »
exprime ainsi l’intention terroriste (B).
31
Y. MAYAUD, Terrorisme, op. cit.
21
L’article 421-1 du Code pénal précise que pour revêtir la qualification de « terroriste »,
l’acte commis doit être en lien avec une « entreprise individuelle ou collective »
destinée à troubler gravement l’ordre public. Un lien doit donc être établi entre l’acte
commis et une entreprise terroriste. Cette liaison plus ou moins étroite est nécessaire à
la mutation juridique de l’infraction préalable en infraction terroriste.
32
Y. MAYAUD, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Terrorisme, § 7 Terrorisme par
entreprise individuelle, février 2015 (Actualisation : février 2017)
33
Circ. n°CRIM 86.21/F1 du 10 oct. 1986, sur la mise en œuvre des dispositions de la loi n°86-1020 du 9
sept. 1986, BOMI 1986, p. 57 s., spéc. p. 62, n°2113
34
M.-E CARTIER, op cit.
35
A. CHALANDON, JOAN Débats, 8 août 1986, p. 4215, cité par Y. Mayaud, Terrorisme, cit.
22
revendiqué dont avait été victimes les concierges d’un établissement scolaire constituait
une action isolée contre cet établissement et que son mode de perpétration ne révélait
pas le professionnalisme de son ou ses auteurs, demeurés inconnus, en a exactement
déduit que cet acte n’avait pas constitué un acte de terrorisme »36.
Ainsi, il convient d’établir « une relation », c’est à dire un lien de causalité, entre l’acte
commis et l’entreprise terroriste. Même si cette formulation générale fût critiquée, le
Conseil constitutionnel ne s’y opposa pas, considérant que le principe constitutionnel de
la légalité des délits et des peines n’y contrevenait pas.37
En pratique, cette relation se démontre avec évidence car les auteurs d’actes de
terrorisme s’inscrivent dans une logique d’établir eux même cette relation en
revendiquant leurs actions au nom d’un groupe, d’un réseau structuré, d’une idéologie.
Un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 7 mai 1987, a considéré
que l’ensemble des comportements reprochés était « en relation évidente avec l’activité
du groupement Action directe »38. Le terme « évident » renvoie ici à la facilité à laquelle
ce lien peut être établi de part la revendication déjà faite en amont par l’agent, mais il
traduit également la finalité répressive de ladite Cour, laquelle fait abstraction de ce
lien. Dans cette même lignée, la jurisprudence n’hésite pas non plus, à faire de
l’appartenance d’un individu à un groupe terroriste, la preuve d’une relation avec une
entreprise terroriste même si l’agent a commis individuellement l’acte reproché39. Aussi
une connexité, ou encore une proximité entre l’infraction commise et l’entreprise
terroriste peut suffire à établir le lien.
36
Cass. 1ère civ. 17 octobre 1995, Bull. civ. I, n°368
37
Cons. const. 3 sept. 1986, n°86-213 DC
38
Crim. 7 mai 1987, Bull. crim. n°186
39
CA Paris, 1ère ch. Corr. 5 juillet 2001 n°2001-164804, à propos d’un individu appartenant au groupe
terroriste ETA.
40
M.-E Cartier, op. cit.
41
B. BOULOC « Le terrorisme », Problèmes actuels de science criminelle, vol. II, PUAM, 1989, p. 70
cité par A. Lepage et H. Matsopoulou, Droit pénal spécial, cit. p. 842
23
est ici visée. En revanche, d’autres auteurs considèrent que cette condition doit être mise
en relation avec l’élément matériel et que seuls quelques liens sont présents avec
l’élément psychologique.
Cette opposition n’est pas l’apanage de la doctrine. En effet, lors des travaux
préparatoires de la loi du 9 septembre 1986, une divergence existait déjà entre le Garde
des sceaux de l’époque, et le rapporteur du projet de loi au Sénat. Le premier rattachait
la notion d’entreprise terroriste à l’élément intentionnel, le second à l’élément
matériel42.
L’étude de la jurisprudence nous permet de savoir quelle conception il convient de
retenir en pratique. Cette dernière semble consacrer cette condition au titre de l’élément
matériel. La première chambre civile avait ainsi affirmé qu’un acte de terrorisme
« implique un minimum d’organisation », et que son mode d’exécution devait relever du
professionnalisme de son ou ses auteurs43.
La nature de cette condition est donc sujette à débat, même si elle est appréciée de
manière souple, et parfois présumée, par la jurisprudence. L’acte doit donc s’inscrire
dans un contexte terroriste, structuré, organisé, mais doit également poursuivre une
finalité spécifique, un but particulier, lui conférant définitivement son caractère
terroriste.
42
A. LEPAGE et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 843
43
Civ. 1ère 17 octobre 1995, op. cit.
24
44
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 11ème édition, 2015
45
Y. MAYAUD, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Terrorisme, section 2 Contexte, Art. 2
Intention, février 2015 (Actualisation : février 2017)
46
Ibid
25
Comme précisé précédemment, cette intention terroriste doit être couplé à un but
spécifique traduit à l’article 421-1 du Code pénal comme troublant « gravement l’ordre
public par l’intimidation ou la terreur ». Le législateur exige donc un mobile
spécifique, fait rare en droit pénal, car les mobiles ne sont pas pris en compte pour
déterminer l’élément moral de l’infraction. Un mobile peut se définir comme « un motif
variable d’un individu à l’autre dans un même type d’acte, qui pousse une personne à
agir »47. Ainsi la prise en compte du mobile pour les infractions à caractère terroriste
marque une fois de plus leur spécificité.
La gravité du trouble public doit résulter des moyens mis en œuvre par l’entreprise
terroriste pour atteindre l’objectif poursuivi, c’est à dire la terreur et l’intimidation. La
terreur se définit comme une peur extrême qui bouleverse et paralyse48. L’intimidation
quant à elle est l’action d’intimider quelqu’un par la force, la violence ou la ruse, c’est à
dire inspirer à quelqu’un une crainte49. La circulaire d’application du 10 octobre 1986
précise que « ce qui caractérise le type de criminalité que veut atteindre le législateur,
c’est, au delà des conséquences immédiates de l’infraction, la volonté d’intimider ou de
terroriser la population ou une partie de celle-ci, en troublant ainsi gravement l’ordre
public »50. Il faut donc s’assurer que l’entreprise terroriste s’inscrit dans une logique de
peur provoquant ainsi la mise en péril de l’État de droit.
Le trouble recherché par les auteurs d’actes de terrorisme doit être réellement grave.
Cette précision étant laissée à la libre appréciation des juges, tout en sachant que ces
actes en dehors de leur caractère exceptionnel, doivent intimider ou semer la terreur au
sein de la population. Le caractère aveugle de ce type d’infractions, fait qu’aucune
distinction n’est prise en considération parmi les éventuelles victimes. Personne ne peut
être à l’abri, ou protéger, et c’est de ce sentiment d’impuissance que naît la terreur.
Les procédés employés par l’entreprise terroriste en cause, ou les moyens mis en œuvre
sont appréciés par les Cour d’assises de façon objective ne rentrant pas dans une analyse
détaillée de ces procédés. Ainsi la chambre criminelle dans la décision précitée du 7 mai
1987, a relevé que les « membres d’Action directe avaient réagi avec détermination et
47
G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit.
48
Dictionnaire Le Petit Robert, édition 2017
49
Ibid
50
Circ. 10 oct. 1986, op. cit.
26
51
E. DREYER, Droit pénal spécial, op. cit.
52
Crim. 24 septembre 1987, B n°313.
53
M.-E. CARTIER, op. cit.
54
Y. MAYAUD, Terrorisme, op. cit.
27
55
E. DUPIC, Une nouvelle loi pour renforcer les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme Gaz.
Pal., 2014, n°331 p. 5
56
A. LEPAGE et H. MATSOPOULOU, Droit pénal spécial, op. cit.
57
S. DETRAZ, Le délit de préparation d’une infraction en lien avec une entreprise individuelle
terroriste, Gaz. Pal., 2015, n°055, p. 4
58
Y. MAYAUD, Terrorisme, op. cit.
59
Art. 421-2-6 1° du Code pénal
60
Y. MAYAUD, Terrorisme, op. cit.
29
Le terrorisme par entreprise individuelle rentre donc dans la catégorie des infractions
complexes. C’est de plus une infraction obstacle ne nécessitant pas l’obtention d’un
résultat pour être constituée. C’est un fait rare en droit pénal qu’un délit soit érigé en
infraction obstacle doublée d’une complexité matérielle62. La pluralité d’actes énoncés à
l’article 421-2-6, constituant matériellement l’infraction, procèdent de leur
complémentarité et ne peuvent donc, pris individuellement, suffire à matérialiser le
délit. Cette infraction ne peut être qu’approuvée dans sa complexité, permettant ainsi à
l’intention de prendre le pas sur un résultat hypothétique et de compenser la nature
obstacle de ce délit d’entreprise individuelle terroriste.
Néanmoins, le fait de faire primer l’intention, en sanctionnant des indices pouvant faire
penser à la commission d’un projet terroriste, peut, comme le rappelle le Professeur
Yves Mayaud, risquer « de verser dans le procès d’intention »63, méconnaissant ainsi le
principe régissant le droit pénal de la nécessité des délits et des peines. La
constitutionnalité du délit peut donc être interrogée.
61
v. la liste complète à l’art. 421-2-6 du Code pénal
62
Y. MAYAUD, Terrorisme, op. cit.
63
Ibid
30
car elle figure déjà dans le délit d’association de malfaiteurs destiné à la préparation
d’un acte terroriste réprimé par l’article 421-2-1 du Code pénal. Le second critère attrait
à l’exigence d’éléments matériels de nature à démontrer la réalité de la menace.
L’article 421-2-6 énumère ainsi plusieurs comportements, hypothèses, susceptibles de
prouver que l’agent se place dans un projet terroriste67.
C’est sur l’énumération de cette liste que le Conseil constitutionnel s’est penché. En
effet, il a censuré le verbe « rechercher » présent au 1° de l’article 421-2-6 qui
disposait : « Le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets
ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ». Le principe de nécessité
des délits et des peines est méconnu ici, puisque le législateur réprime par ce verbe
« rechercher » la seule intention délictueuse. La preuve de l’intention de l’agent
préparant une infraction en relation avec une entreprise individuelle terroriste ne peut
résulter des seuls faits matériels retenus par l’article 421-2-6 1° comme actes
préparatoires68. Les faits matériels doivent corroborer l’intention de l’auteur qui doit être
établie. Le Conseil constitutionnel énonce que retenir comme fait matériel le fait de
« rechercher des objets ou des substances de natures à créer un danger pour autrui,
sans circonscrire les actes pouvant constituer une telle recherche dans le cadre d’une
entreprise individuelle terroriste, le législateur a permis que soient réprimés des actes
ne matérialisant pas, en eux mêmes, la volonté de préparer une infraction »69. Le terme
« rechercher » est ainsi considéré comme trop imprécis, donc contraire au principe de
nécessité des délits et des peines garanti par l’article 8 de la DDHC de 1789. La
question est de savoir alors vers quoi le terme « rechercher » nous renvoie : est ce une
simple consultation d’un site ? Un paiement doit il être intervenu permettant de se
procurer des objets ou substances ? Une prise de contact avec un intermédiaire ? La
censure intervient donc à juste titre permettant d’empêcher le législateur de réprimer la
seule intention délictueuse ou criminelle. Cette répression d’une éventuelle volonté
pourrait être qualifiée de « procès d’intention » car non accompagnée d’actes
préparatoires.
67
v. liste complète article 421-2-6 du Code pénal.
68
A. SEÏD ALGADI, Inconstitutionnalité partielle des dispositions relatives au délit d’entreprise
individuelle de terrorisme, Lexbase, 10 avr. 2017
69
Cons. const. 7 avril 2017, op. cit.
32
70
S. DETRAZ, Gaz. Pal., op.cit.
71
Cons. Const. op. cit.,
33
La loi du 21 décembre 2012 par l’article 421-2-4 du Code pénal puni de manière
autonome, « l’instigateur » d’actes de terrorisme, comblant ainsi un vide juridique. Mais
les incriminations les plus intéressantes, restent celles prévues à l’article 421-2-5 du
Code pénal, instituant les délits de provocation aux actes de terrorisme et d’apologie de
ces actes (A). La loi du 3 juin 2016, pour sa part, a affiné ces délits en créant de
nouvelles incriminations aux articles 421-2-5-1 du Code pénal et 421-2-5-2 du Code
pénal, que certains auteurs qualifient d’apologie « dérivée »73 du terrorisme (B)
72
Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme, dite Convention de Varsovie, 16
mai 2005, n° STE 196
73
J.-B. THIERRY, Actualité du droit criminel – Loi du 3 juin 2016. sinelege.hypothèses.org p. 6
34
La loi du 13 novembre 2014 a donc déplacé les délits de provocation aux actes de
terrorisme et d’apologie de ces actes, initialement prévus dans la loi du 29 juillet 1881,
vers le Code pénal avec pour objectif de lutter plus efficacement contre la propagande
terroriste.
L’apologie, quant à elle, « ne cherche pas à entraîner une action déterminée, mais est
plus insidieuse puisqu’elle créée un état d’esprit particulier, jugé contraire aux valeurs
74
TGI, Paris, 16e ch. corr., 18 mars 2015, JCP G 2015, 363, obs. P. Mbongo
75
B. BEIGNIER, B. de LAMY, E. DREYER, Traité de droit de la presse et des médias, Litec, 2009, 1re
éd. n°825.
76
J. ALIX, La répression de l’incitation au terrorisme, Gaz. Pal., 24 février 2015, n°55 p.11
77
Cass. 1ère Civ. 10 avril 2013 n°11-19530, Bull. civ. I, n°70, E. DREYER, Panorama Droit de la presse,
D. 2014, p.508
35
de la société »78. Elle n’est punissable que lorsqu’elle est publique. À titre d’exemple,
le tribunal correctionnel de Montpellier a condamné un individu à 5 ans de prison, dont
un an avec sursis pour avoir fait la propagande d’un groupe terroriste sur les réseaux
sociaux pendant plusieurs mois, notamment en partageant des vidéos de décapitation79.
Concernant le régime applicable, le fait d’avoir déplacé ces délits, de la loi sur la liberté
de la presse vers le Code pénal, a permis :
- au régime dérogatoire antiterroriste de s’appliquer (confier le jugement de ces
infractions aux juridictions antiterroristes) ou à défaut ;
- au régime de droit commun de s’appliquer (la procédure de comparution immédiate
peut donc désormais s’appliquer par exemple).
Le régime plus favorable inhérent aux délits de la loi du 29 juillet 1881 se trouve donc
écarté. En revanche les dérogations exceptionnelles ne sont pas admises pour ces actes
ne revêtant pas un caractère aussi grave que les actes de terrorisme eux mêmes. En
conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel 80 qui n’accepte des
dérogations que pour les crimes et délits particulièrement graves, les articles 706-24-1 et
706-25-1 du Code de procédure pénale écartent la prescription de vingt ans, les
perquisitions nocturnes, ainsi que les gardes à vue de plus 48 heures pour les délits de
provocation et d’apologie.
Ainsi au lendemain des attentats du 9 janvier 2015 contre Charlie Hebdo, la loi du 13
novembre 2014 instituant les délits de provocation et d’apologie du terrorisme fut
appliquée pour la première fois. Par la procédure de comparution immédiate, des peines
de prison fermes furent prononcées à l’encontre de plusieurs individus. Ainsi plus de
380 personnes ont été jugées coupables d’apologie du terrorisme à la suite des attentats
de janvier 201581.
78
J.-B. THIERRY, Presse et communication. Provocation aux crimes et délits : J.Cl. Lois pénales
spéciales, Fasc. 60. n°5
79
Trib. corr. Montpellier, 31 août 2016
80
Cons. const. 4 décembre 2013, n°2013-679 DC
81 v. S. JOAHNY Apologie du terrorisme : 385 personnes condamnées en France en 2015, le Journal du
Dimanche, 3 septembre 2016
36
La loi du 3 juin 2016 est même allée plus loin sur ce terrain en créant deux nouvelles
incriminations découlant des délits de provocation et d’apologie du terrorisme.
Enfin, la seconde incrimination instituée par la loi du 3 juin 2016 est relative à la
consultation habituelle d’un site internet faisant l’apologie du terrorisme ou provoquant
à de tels actes. La justification d’un tel choix législatif fut en partie expliquée par
l’ancien Ministre de l’intérieur, M. Cazeneuve, dans son discours du 26 janvier 2016 au
Forum international de la Cybersécurité. Pour lui la majorité des personnes se seraient
radicalisées sur internet et auraient été recrutés par le biais des réseaux sociaux. Dans un
souci de prévention de plus en plus accru, le législateur a donc placé le curseur de la
répression beaucoup plus en amont de l’iter criminis. L’article 421-2-5-2 du Code pénal
réprime le fait de consulter habituellement un service de communication au public en
ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations faisant l’apologie
ou provoquant directement à la commission d’actes terroristes. L’auteur s’expose à 2
ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Des critiques ont été émises à propos
de cette nouvelle incrimination qui pourrait permettre la répression d’un simple individu
« curieux »82. La loi a donc encadré de façon stricte le délit en définissant le site internet
incriminé. Il doit comporter « des images ou représentations montrant la commission »
d’actes de terrorisme consistant en des atteintes volontaires à la vie ». De plus
différentes réserves ont été prévues quant à l’application de l’article 421-2-5-2 du Code
pénal. Ainsi l’infraction ne peut être constituée lorsque la consultation est faite « de
bonne foi », lorsqu’elle résulte d’un travail journalistique83, intervient dans le cadre de
recherches scientifiques ou est réalisées pour servir de preuve en justice. Ces exceptions
n’ont cependant pas servi à lever l’ambiguïté autour de cette incrimination, car, le
Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par la
chambre criminelle de la Cour de cassation84. Il a été invité à se prononcer sur la
nécessité du délit ainsi que sa proportionnalité, dont le contenu se résumait simplement
à la consultation habituelle de sites terroristes, mais également sur les exceptions de
82
R. OLLARD, La réforme pénale du 3 juin 2016 : aspects de droit pénal, Lexbase, la lettre juridique,
n°662, 7 juillet 2016.
83
Trib. corr de Marseille, 15 septembre 2016 : Ce moyen de défense n’a pas été retenu pour une personne
poursuivie pour apologie du terrorisme qui se prétendait « apprenti-journaliste ».
84
Cass. crim., 29 novembre 2016, n°16-90.024
38
consultation habituelle de bonne foi. L’article 421-2-5-2 du Code pénal fut abrogé pour
plusieurs raisons par le Conseil constitutionnel85 8 mois après la naissance de cette
incrimination.
Il a rappelé tout d’abord au législateur l’arsenal répressif en matière de lutte contre le
terrorisme permettant d’intervenir déjà bien amont de l’iter criminis et également la
possibilité d’appréhension de l’agent avant qu’il ne passe à l’acte (exemples : les délits
de provocation et d’apologie du terrorisme ou encore le délit d’entreprise terroriste
individuelle). L’efficacité des législations en vigueur notamment d’un point de vue
procédural est soulignée, montrant ainsi l’inutilité de ce nouveau délit. L’article 11 de la
DDHC proclamant la liberté de communication est utilisé comme fondement à
l’abrogation dudit article. Dans son considérant n°4 le Conseil constitutionnel énonce :
« En l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement
généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance
pris par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des
idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services. (...) ». Il met
ainsi en garde le législateur qui s’inscrit dans une logique de punir, sans conditions,
celui qui reçoit du contenu à caractère terroriste, et ce qui revient à poser une
présomption de projet terroriste rentrant en conflit avec le libre accès à l’information
mais également la présomption d’innocence 86 . Un manque de nécessité est donc
constaté concernant le délit de l’article 421-2-5-2 du Code pénal, et sa contradiction
avec l’article 11 de la DDHC montre de plus, son manque de proportionnalité et
d’adaptation, conditions requises lorsqu’une atteinte à une liberté fondamentale est
constatée.
En effet, la spécificité des incriminations terroristes résident dans le fait que l’élément
matériel doit présenter des liens avec une entreprise ou une activité terroriste. Or tel
n’est pas le cas de l’article contesté puisqu’il n’impose pas « que l’auteur de la
consultation habituelle des services de communication au public en ligne concernés ait
la volonté de commettre des actes de terrorisme ni même la preuve que cette
consultation s’accompagne d’une manifestation de l’adhésion à l’idéologie exprimée
Cons. const. 10 février 2017, n°2016-611 DC, QPC
85
86
A. GOGORZA, B. de LAMY. Lutte contre le terrorisme- « L’abrogation par le Conseil constitutionnel
du délit de consultation habituelle de sites terroristes » Note sous arrêt, JCPG, n°13, 27 mars 2017, 343.
39
sur ces services. (...) »87. L’intention de l’auteur ici importe peu au contraire des autres
infractions comprises dans la sphère terroriste. Par cette absence d’élément intentionnel,
mais aussi par les multiples interrogations entourant les dispositions contestées (comme
par exemple le fait que seuls les sites internet soient visés), le législateur a méconnu les
exigences de proportionnalité et d’adaptabilité requises en matière de liberté de
communication.
Toutes ces incriminations qu’elles soient autonomes ou dérivées révèlent les grandes
lignes de la manière dont est appréhendé le terrorisme en France, que ce soit au regard
des comportements mais aussi du contexte permettant leur réalisation. Le législateur
dans un souci de prévention, de répression mais aussi parfois en réaction à une émotion
publique, a eu pour objectif la volonté de cibler le plus grand nombre de comportements
possibles susceptibles d’être liés au terrorisme. Au gré des évènements terroristes, mais
également en fonction des différentes formes que celui ci prenait, les différentes lois
intervenues en la matière ont réagi de manière forte. Le régime dérogatoire attaché aux
infractions terroristes permet ainsi une répression plus efficace. En effet, la procédure
pénale a également beaucoup évolué pour aider les enquêteurs, en leur conférant un
cadre légal leur permettant « d’adapter leurs moyens d’investigations aux nouvelles
technologies utilisées par les terroristes »89.
89
Y. MAYAUD, La politique d’incrimination du terrorisme à la lumière de la législation récente, AJ
pénal 2013, p. 442.
41
CHAPITRE 1. La spécificité du régime des perquisitions
En premier lieu, concernant l’enquête préliminaire, une dérogation avait été prévue par
la loi Perben II du 9 mars 2004 et modifié par la suite par une loi du 9 juillet 2010.
Ainsi, en matière de terrorisme, l’alinéa 4 de l’article 76 du Code de procédure pénale
précise : « si les nécessités de l’enquête relative à un crime ou à un délit puni d’une
peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans l’exigent ou si la
recherche de biens dont la confiscation est prévue à l’article 131-21 du code pénale le
90
S. FUCINI, « Ce que prévoit la loi renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme », Dalloz,
14 juin 2016, p.1
91
Ibid
92
G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit.
43
93
B. BOULOC, H. MATSOPOULOU, Droit pénal général et procédure pénale, 20ème édition, Sirey,
2016.
94
Crim. 6 mars 2013, Bull. crim. n°62
44
En second lieu concernant l’enquête de flagrance, qui est une enquête menée par la
police relativement à une infraction en train de se commettre ou qui vient de se
commettre, le législateur autorise également à titre exceptionnel des perquisitions
nocturnes. La loi Perben II du 9 mars 2004 modifié par la loi Urvoas du 3 juin 2016 les
autorise en matière de criminalité organisée. L’article 706-89 du Code de procédure
pénale prévoit que « si les nécessités de l’enquête de flagrance relative à l’une des
infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73 et 706-73-1
l’exigent, le JLD du TGI peut, à la requête du procureur de la République, autoriser
que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction soient
opérées en dehors des heures prévues par l’article 59 ». Le juge d’instruction peut
également autoriser ces perquisitions nocturnes en cas d’urgence. L’urgence est
comprise ici, lorsqu’il s’agit « d’un crime ou délit flagrant », ou encore lorsqu’il « existe
un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels » 97 . Les
perquisitions sont déterminées et soumises à autorisation judiciaire, et doivent faire
l’objet d’ordonnance précisant la qualification de l’infraction dont la preuve est
recherchée. L’ordonnance doit être motivée par référence aux éléments de fait et de
droit qui doivent justifier la nécessité de ces opérations et notamment, selon la loi du 3
95
Art. 1, 2° b), de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le
terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
96
Art. 706-92 du Code de procédure pénale
97
Voir la liste complète à l’art. 706-91 du Code de procédure pénale.
45
juin 2016, qu’elles « ne peuvent être réalisées pendant les heures légales » prévues par
l’article 59 du Code de procédure pénale.
C’est par ce risque de dérives que le Conseil constitutionnel s’est prononcée plusieurs
fois concernant le régime des perquisitions. Plus récemment, il s’est interrogé sur la
constitutionnalité du caractère nocturne des perquisitions (notamment administratives
dans le cadre de l’état d’urgence) en dégageant plusieurs critères quant à leur validité.
98
H. MATSOPOULOU, Les nouveaux moyens de preuve au service de la criminalité organisée. - A
propos de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016. JCP G. 2016. 707, p. 1222 ; O. CAHN, Réflexions
désabusées sur le chapitre I du titre I de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016 - AJ pénal 2016. 408
46
Retenons également, que la loi relative aux perquisitions doit prévoir des garanties
procédurales suffisantes. En d’autres termes, le conseil exige que le droit de perquisition
soit limité dans le temps et l’espace.102 En statuant ainsi, le respect de la vie privée est
protégé.
Par la suite, la Haute juridiction fut amenée à se prononcer sur la constitutionnalité de la
loi Perben II du 9 mars 2004 dans une décision du 2 mars de la même année. À propos
des perquisitions, le conseil, rappelle ce qu’il avait déjà énoncé en 1996 : « Considérant,
en second lieu, qu’eu égard aux exigences de l’ordre public et de la poursuite des
99
Cons. const., 16 juill. 1996, n°96-377 DC
100
Cons. const., 29 décembre 1983, n°83-164 DC
101
Cons. const. 29 décembre 1989, n°89-268 DC
102
Ibid
47
Il semble ainsi que le dispositif actuel relatif aux perquisitions en matière de criminalité
organisée, soit conforme aux exigences traditionnelles du Conseil constitutionnel datant
de 1996.
Pour en terminer, le caractère nocturne des perquisitions effectuées dans un local
d’habitation (notamment administrative eu égard à l’état d’urgence), a encore donné
lieu à des commentaires. Le Conseil constitutionnel a en effet rendu une récente
décision datée du 19 février 2016 à ce propos, à la suite d’une QPC transmise par le
Conseil d’État. La Haute juridiction juge ainsi conforme au bloc de constitutionnalité
les perquisitions administratives fondées sur l’état d’urgence. En revanche, des limites
sont posées aux perquisitions nocturnes105, à travers le considérant n°10 qui précise :
« une perquisition se déroulant la nuit dans un domicile doit être justifiée par l’urgence
ou l’impossibilité de l’effectuer le jour ». Le dispositif en vigueur applicable aux
perquisitions, vise expressément « l’urgence »106 en imposant de plus que l’ordonnance
judiciaire précise en quoi il est impossible d’accomplir les perquisitions pendant les
heures légales. La Haute juridiction rappelle que l’ordonnance judiciaire doit être
motivée, expliquant en quoi il est impossible de procéder à une perquisition aux heures
légales.
103
Cons. const., 2 mars 2004, n° 2004-492 DC (v. consid. 4)
104
J. ALIX, Politique criminelle : les ultimes leçons d’un Conseil constitutionnel, RSC 2016 p. 163
105
Cons. const., 19 février 2016, déc. n°2016-536 QPC, JCP G 2016, n° 477, note C. Ribeyre
106
v. art. 706-91 du Code de procédure pénale
48
La loi du 13 novembre 2014 amorça en premier lieu ce virage en amplifiant les moyens
d’investigations dérogatoires (Section 1). La loi du 3 juin 2016 quant à elle, a recours
aux nouvelles technologies de manière plus approfondie dans le but de ne laisser aucun
champ d’action aux auteurs d’actes de terrorisme (Section 2).
L’utilisation accrue d’internet, important outil utilisé par le terrorisme pour faciliter le
recrutement d’individus, y faire de la propagande ou encore vanter les mérites d’auteurs
d’actes terroristes, a poussé le législateur à étendre les moyens d’investigations.
107
C. MAURO, Une nouvelle loi contre le terrorisme : quelles innovations ? - A propos de la loi n°2014-
1353 du 13 novembre 2014, JCP G n°48, 24 nov. 2014, p. 1203
49
En second lieu, une autre interrogation s’est présentée au législateur en raison des
« techniques d’anonymisation utilisés par les internautes »110. En effet l’identification
des délinquants en relation avec un projet terroriste étant difficile, la loi du 13 novembre
2014, en son article 19 généralise l’enquête sous pseudonyme. Le législateur étend le
108
M. QUEMENER, Les nouvelles dispositions de lutte contre la cybercriminalité issues de la loi du 13
novembre 2014 renforçant la lutte contre le terrorisme, AJ Pénal 2015 p. 32
109
Art. 57-1 du Code de procédure pénale
110
M. QUEMENER op. cit.
50
La loi du 13 novembre 2014 entend donc lutter contre le terrorisme, sur le terrain du
web, plus précisément contre le « cyberterrorisme ». Le droit pénal se trouve ainsi
imbibé par la sphère du numérique au nom de la lutte contre le terrorisme démontrant
111
Art. 706-73 du Code de procédure pénale
112
CEDH 9 juin 1998, Teixera de Castro c/ Portugal ; CEDH, gde ch., 5 février 2008, Ramanauskas c/
Lituanie
113
H. ROUIDI, AJ pénal, op. cit. 2014, p. 555
114
Rapport n°9 (2014-2015) de J.-J HYEST et A. RICHARD, fait au nom de la commission des lois,
déposé le 9 octobre 2014.
51
tout de même une certaine dangerosité quant aux droits et libertés fondamentaux. Il faut
tout de même souligner les innovations apportées en la matière et les réponses qu’elles
permettent face à la gravité des actes de terrorisme.
La loi du 3 juin 2016 a emprunté le même chemin concernant les moyens de preuve et
exploite de manière plus poussée les nouvelles technologies au nom de l’efficacité de la
lutte contre le terrorisme.
En premier lieu, la loi du 3 juin 2016 procède à une extension des techniques
probatoires déjà existantes. Tel est le cas des sonorisations et fixations d’images. Les
articles 706-96 et suivants du Code de procédure pénale permettent celles-ci dans les
enquêtes en matière de criminalité organisée et de terrorisme. Ces techniques sont
soumises à la requête du procureur de la République et sur autorisation du JLD. Leur
durée pendant l’enquête de police ne peut excéder 2 mois. En revanche, durant
l’information judiciaire, la durée maximale est portée à 2 ans. La loi du 3 juin 2016 a
donc étendu cette technique probatoire aux enquêtes de police, bien que le délai en soit
plus bref pour éviter une éventuelle censure de la part du Conseil constitutionnel.
De plus une amélioration est nettement percevable dans la loi précitée concernant le
dispositif procédural d’accès aux correspondances électroniques. Le législateur a
constitué trois dispositifs distincts.
En premier lieu, les articles 100 et suivants du Code de procédure pénale concernent
l’interception de correspondances dont le régime est applicable à toutes les
52
115
E. VERGES, La procédure pénale à son point d’équilibre, - (À propos de la loi n°2016-731 du 3 juin
2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant
l’efficacité et les garanties de la procédure pénale), RSC 2016 p. 551
116
Art. 706-95-1 et s. du CPP.
117
CEDH, 2 déc. 2010 n°35623/05, Uzun c/ Allemagne, D. 2010. 2161, obs. S. Lavric et 2011. 724, note
H. Matsopoulou ; RSC 2011. 217, obs. D. Roets.
118
O. DÉCIMA, Terreur et métamorphose, (À propos de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016 sur la lutte
contre le terrorisme), Recueil Dalloz 2016 p. 1826
53
Mais la loi du 3 juin 2016 ne s’est pas arrêtée là. Elle a mis également en place de
nouvelles techniques probatoires, de nouveaux moyens d’investigations ayant comme
support les nouvelles technologies. Le législateur légalise ainsi ces nouvelles techniques
en matière de criminalité organisée, et de terrorisme.
Parmi ces innovations, une des plus importantes concernant l’utilisation des nouvelles
technologies en matière de criminalité organisée et de terrorisme, est la mise à
disposition des enquêteurs de l’IMSI catcher121. Cette nouvelle technique probatoire est
insérée aux articles 706-95-4 et 706-95-5 du Code de procédure pénale et n’est plus une
technique utilisée exclusivement par les services de renseignement. L’IMSI catcher
fonctionne comme une fausse antenne relais, et consiste en l’utilisation d’un appareil
qui va permettre de détecter des données de communication pour identifier un numéro
de téléphone ou pour révéler l’identité des destinataires, mais également des émetteurs à
proximité de cet instrument (l’identifiant comportant 15 ou 16 chiffres à l’intérieur de la
carte sim sera dévoilé permettant d’identifier l’usager). Cette technique a très vite
trouvé son utilité notamment pour des suspects dont le numéro de téléphone est
inconnu, ou encore lorsque ces derniers changent fréquemment de téléphone ou en
utilisent plusieurs (ce fut le cas lors de l’attentat de l’Hyper Cacher en janvier 2015, ou
le terroriste Amedy Coulibaly utilisait pas moins de 13 téléphones portables122). L’IMSI
catcher « se présente ainsi comme une technique d’investigation préalable à une
119
Crim. 8 juil. 2015, n°14-88.457, D. 2015. 1542 ; AJ pénal 2016. 90, obs. G. ROUSSEL
120
H. MATSOPOULOU, JCP n°25, op. cit. 2016
121
IMSI = International Mobile Subscriber Identity
122
v. E. CAZI et E. VINCENT, Le Monde, « Amedy Coulibaly et ses sous-traitants » 17 fév. 2015
54
123
E. VERGÈS, RSC, op. cit. 2016
124
Rapp. n°491, 23 mars 2016, M. Mercier, p. 57
125
E. VERGÈS, RSC, op. cit. 2016
126
O. DÉCIMA , Recueil Dalloz, op. cit. 2016
55
Néanmoins des réserves peuvent être formulées, concernant notamment la validité des
saisies incidentes dans toutes les hypothèses précitées, permettant d’appliquer le régime
dérogatoire à des infractions de degré moindre. L’intervention du JLD peut susciter
également quelques interrogations puisqu’il « ne pourrait être qu’une simple formalité
s’il n’a pas une connaissance réelle du dossier de la procédure »127. Son indépendance
à l’égard du procureur de la République pourrait ainsi être compromise.
Enfin une inquiétude doit être formulée au regard du renforcement de l’enquête de
police en la matière. En effet, cette enquête peut se retrouver identique avec
l’information judiciaire concernant les moyens d’investigations. On peut ainsi se poser
la question de l’opportunité de garder l’information judiciaire en matière de terrorisme.
L’avenir législatif nous le dira.
127
H. MATSOPOULOU, JCP n°25, op. cit., 2016
56
Conclusion
Les dernières évolutions législatives en matière de terrorisme se sont calquées sur les
évènements qui ont touché la France.
Après l’affaire « Mérah », l’incrimination d’entreprise terroriste individuelle fut créée.
Après l’affaire Charlie Hebdo, ce sont les incriminations de provocation et d’apologie
du terrorisme qui furent introduites dans le Code pénal etc....
En d’autres termes, et à chaque événement majeur en lien avec le terrorisme, le
législateur a adapté l’arsenal législatif, et durcit la répression, démontrant une relative
impuissance face à cet adversaire.
128
N. CATELAN, Lutte contre le terrorisme, RSC 2015. 425
129
Ibid.
57
Bibliographie
OUVRAGES GÉNÉRAUX
OUVRAGES SPÉCIAUX
ENCYCLOPÉDIES
• J. ALIX, Jurisclasseur, Code pénal Art. 421-1 à 422-7, Fascicule 20, Terrorisme,
30 juin 2014
• Y. MAYAUD, Répertoire de Droit pénal et de procédure pénale, Terrorisme,
février 2015
• J.- B. THIERRY, Jurisclasseur, Lois pénales spéciales, Fascicule 60, Presse et
communication – Provocation aux crimes et délits, 29 mars 2017
ARTICLES ET CHRONIQUES
ARTICLES DE PRESSE
SOURCES JURISPRUDENTIELLES
Conseil constitutionnel
Cour de cassation
• Crim. 7 mai 1987, Bull. crim. n°186
• Crim. 24 septembre 1987, Bull. crim. n°313.
• Cass. 1ère civ. 17 octobre 1995, Bull. civ. I, n°368
• Crim. 6 mars 2013, Bull. crim. n°62
• Cass. 1ère Civ. 10 avril 2013 n°11-19530, Bull. civ. I, n°70
• Crim. 21 mai 2014, n°13-83758, Bull. crim. n°136
• Crim. 8 juil. 2015, Pourvoi n°14-88.457
• Crim., 29 novembre 2016 Pourvoi n°16-90.024
Cour d’appel
Tribunal correctionnel :
• TGI, Paris, 16e ch. corr. 18 mars 2015
• Trib. corr. Montpellier, 31 août 2016
• Trib. corr. Marseille, 15 septembre 2016
Cour européenne des droits de l’homme
Conclusion ..................................................................................................................... 56