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UNIVERSITE PARIS-SUD (PARIS-SACLAY)

Faculté Jean Monnet – UFR Droit, Economie, Gestion


Année universitaire 2016-2017

LES DERNIERES EVOLUTIONS LEGISLATIVES EN


MATIERE DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME

Mémoire de Master 2 recherche


Mention Droit Privé Fondamental

Présenté par :
M. Martin STEPHAN

Sous la direction de :
Madame le Professeur Haritini MATSOPOULOU






















« L’UNIVERSITÉ N’ENTEND DONNER NI APPROBATION NI
IMPROBATION AUX OPINIONS ÉMISES DANS CE MÉMOIRE.
CELLES-CI DOIVENT ÊTRE CONSIDÉRÉES COMME PROPRES À
L’AUTEUR ».






















3

REMERCIEMENTS

J’adresse mes remerciements aux personnes qui m’ont aidé dans la réalisation de ce
mémoire.
En premier lieu, je remercie Mme le Professeur Haritini MATSOPOULOU d’avoir
accepté de diriger ce mémoire et de m’avoir apporté de précieux conseils pour mener à
bien ce travail.
Je souhaite également remercier l’ensemble des professeurs du master pour la qualité de
leur enseignement.
Enfin, je remercie ma famille, mes amis, et plus particulièrement Adèle Béguin pour
son soutien et ma mère pour sa relecture attentive.


















4

Liste des abréviations




• Art : Article
• AJ Pénal : Actualité juridique pénale
• B.O.M.I. : Bulletin officiel du Ministère de l’Intérieur
• Bull. civ. : Bulletin des arrêts de la Chambre civile de la Cour de cassation
• Bull. crim : Bulletin des arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de cassation
• c/ : Contre
• Cass : Cour de cassation
• CEDH : Cour européenne des droits de l’homme
• Circ. : Circulaire
• Civ : Chambre civile
• Ch. corr. : Chambre correctionnelle
• Cons. constit. : Conseil constitutionnel
• Consid. : Considérant
• C.P : Code pénal
• CPP : Code de procédure pénale
• Crim : Chambre criminelle
• DC : Décision du Conseil constitutionnel
• DDHC : Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen
• Dir. : Directive
• éd : Édition
• Fasc : Fascicule
• Gaz. Pal. : Gazette du Palais
• Ibid : Au même endroit que la référence précédente
• JCP : La Semaine juridique
• JLD : Juge des libertés et de la détention
• J.O.A.N. : Journal officiel, édition Débats Parlement à l’Assemblée Nationale
• O.E.A : Organisation des États américains
• OPJ : Officier de police judiciaire
• PE : Parlement européen
• QPC : Question prioritaire de constitutionnalité
• N° : Numéro
• Op. cit. : Ouvrage précédemment cité
• p. : Page
• Rapp. : Rapport
• RCS : Revue de sciences criminelles
• T : Tome
• TGI : Tribunal de Grande Instance
• v : voir

5

Sommaire


Introduction...............................................................................................................................................6


PARTIE 1. LA SPÉCIFICITÉ DES INFRACTIONS DANS LA LUTTE CONTRE LE
TERRORISME..........................................................................................................................................12
CHAPITRE 1. Le terrorisme, objet d’incriminations particulières............................12
CHAPITRE 2. La création d’incriminations nouvelles et spécifiques.......................26

PARTIE 2. LE PARTICULARISME DE LA PROCÉDURE PÉNALE DANS LA LUTTE
CONTRE LE TERRORISME................................................................................................................40
CHAPITRE 1. La spécificité du régime des perquisitions..............................................40
CHAPITRE 2. Les innovations concernant les moyens de preuve.............................47

Conclusion................................................................................................................................................55













6

Introduction


Le vendredi 13 novembre 2015, une des plus grosses opérations terroristes connues en
France est sur le point de se produire. Il est 21h20 lorsqu’un premier commando,
composé de 3 hommes font exploser leurs ceintures d’explosifs aux abords du Stade de
France alors que se déroulait un match amical. Le bilan est d’un mort et une dizaine de
blessés graves. Peu de temps après, vers 21h25, un second commando passe à l’action
dans les 10ème et 11ème arrondissements de Paris, ouvrant le feu sur plusieurs terrasses de
cafés parisiens entraînant la mort de trente neuf personnes et en blessant une trentaine
d’autres. Un des terroristes participant à cette attaque se fait exploser et les deux autres
sont en fuite. Vingt minutes après ces deux premières attaques, un troisième commando
est sur le point de passer à l’action. Ce dernier groupe a comme cible la salle de
spectacle du Bataclan. Le commando terroriste pénètre à l’intérieur, abat de sang froid
quatre-vingt-dix personnes et en blesse plus d’une dizaine. Les forces spéciales de la
police interviennent pour mettre fin au massacre. Au total ce sont cent trente personnes
qui ont perdu la vie, et quatre cent treize blessés, victimes de la folie meurtrière
d’hommes se réclamant de l’État islamique ; classé comme organisation terroriste,
militaire et politique qui a proclamé l’instauration d’un califat sur les territoires qu’il
contrôle au Moyen-Orient.
La France vient de connaître en ce jour l’attentat terroriste le plus meurtrier perpétré
sous la Vème République. L’état d’urgence fut instauré par la suite par les décrets du 14
et 18 novembre 2015.

L’Hexagone connaît le terrorisme depuis plusieurs années. Déjà une vague d’attentats
avait eu lieu dans les années 1970-1980, laquelle avait marqué la population. On pense
ainsi, pour ne citer qu’eux, aux attentats commis le 23 février 1985 contre un magasin
Marks & Spencer à Paris, et contre le magasin Tatie, rue de Rennes le 17 septembre
1986 tuant et blessant plusieurs personnes. A partir de cette série d’attentats, une
réflexion s’est introduite en France concernant la façon dont devait être appréhendé ce
phénomène criminel complexe, par le prisme du droit pénal.
7

Le terrorisme ne s’entend pas seulement du terrorisme islamiste qui frappe la France


depuis les années 1980. En effet, la spécificité du terrorisme tient aux multiples
comportements qui émaillent cette criminalité de tout temps. C’est durant l’Antiquité
qu’apparaissent les premières formes avec les Zélotes. Ce mouvement politico-religieux
au Ier siècle dans le Judaïsme du Second Temple, incitait le peuple à expulser de Judée,
l’Empire romain, en usant de la violence. Le terrorisme trouve également une nouvelle
forme au Moyen Age à travers les haschichin. Cette secte était considérée comme l’une
des plus dangereuses à cette époque, et se livrait à des assassinats ciblés. Enfin au
XIXème siècle c’est la forme du terrorisme moderne qui apparaît au travers des
anarchistes, suivis par les cagoulards au XXème siècle1. Comme le relève Michaël
Prazan, tout au long de l’histoire « ce sont de petits groupes clandestins guidés par une
idéologie, servis par une économie de moyens, menant une guerre asymétrique contre
un État »2.

La définition du terrorisme est sujette à discussion, même si chacun semble savoir ce


que recouvre ce terme si familier de nos jours. Une définition générale reste difficile
voire impossible. Le criminologue Alain Baueur prévient « Essayer de définir le
terrorisme, c’est le meilleur moyen de se fâcher avec tout le monde »3.
Le terme provient du latin terror signifiant « terreur ». Le mot de terrorisme a été utilisé
pour la première fois en novembre 1974 pour désigner la politique de terreur des années
1793-1794 en France4 menée par Robespierre. De nos jours, dans le langage courant, le
terrorisme renvoie à « l’emploi systématique de la violence pour atteindre un but
politique »5. Il peut prendre la forme d’attentats, d’assassinats, d’actes d’intimidation,
de prises d’otages etc... dans le but de semer la terreur et l’intimidation.

Le droit international s’est également emparé de la définition du terrorisme, montrant


tout la complexité de ce terme. La première tentative remonte à la Convention de
Genève de 1937 qui parle de « faits criminels dirigés contre un État et dont le but ou la
nature est de provoquer la terreur chez des personnalités déterminées, des groupes de

1
M. PRAZAN « Une histoire du terrorisme », Flammarion, 2012.
2
Ibidem.
3
v. Libération « Terrorisme, mot à mues » 22 juin 2016.
4
A. REY, Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 1998, T.3
5
Le Petit Robert, éd. 2015
8

personnes ou dans le public »6. Ensuite, la Convention de Washington de 1971 vise


« les actes criminels dirigés contre des personnes investies d’une protection spéciale
par le droit international »7. Le but ici n’est pas de faire une liste des conventions
internationales intervenues en la matière mais de montrer la pluralité des définitions du
terrorisme au sein des instances supra étatique.
La recrudescence d’actes de terrorisme ciblant les États membres de l’Europe incita
l’Union en 1977 à se saisir de la question, par la Convention de Strasbourg. Cette
dernière visait « tout acte grave de violence dirigé contre la vie, l’intégrité corporelle ou
la liberté des personnes et tout acte grave contre les biens lorsqu’il a créé un danger
collectif pour les personnes »8. Mais l’efficacité de cette convention en la matière n’est
pas effective, puisque il ne s’agit pas une convention d’incrimination du terrorisme. En
revanche, après les attentas du World Trade Center du 11 septembre 2001, l’Europe a
retrouvé une impulsion pour lutter contre le terrorisme. Une décision cadre a été
adoptée le 13 juin 2002 et a été modifiée par la suite, par une autre décision cadre du 28
novembre 2008. Par ce mécanisme le législateur européen rejette le modèle de
l’incrimination unique et retient deux principaux modèles9. En premier lieu, les actes de
terrorisme sont déterminés par référence à des infractions de droit commun. En second
lieu, l’incrimination autonome d’appartenance à un groupe terroriste est créée. Enfin
sont également désignés les comportements préparatoires au terrorisme 10. Pour en
terminer, l’Europe précise que l’efficacité de la lutte contre le terrorisme passe par
l’instauration d’un régime dérogatoire dans les États membres.

En France, la réaction du législateur s’est faite en plusieurs étapes par le biais du Code
pénal et du Code de procédure pénale. Après la vague d’attentats dans le milieu des
années 1980, un dispositif particulièrement répressif a été adopté pour lutter de manière
la plus efficace contre le terrorisme. La loi du 9 septembre 1986 est ainsi devenue le
porte étendard d’une longue évolution législative qui s’est intensifiée ces dernières
années. Cette première loi qualifie d’actes de terrorisme toute une série d’infractions de

6
Convention pour la prévention et la répression du terrorisme, Genève, 16 novembre 1937
7
Convention de l’OEA pour la prévention ou la répression des actes de terrorisme, Washington D.C, 2
février 1971
8
Convention européenne sur la répression du terrorisme, Strasbourg, 27 janvier 1977
9
J. ALIX, Jurisclasseur, Code pénal Art. 421-1 à 422-7, Fascicule 20, Terrorisme, p. 5, 2 décembre 2015,
date de dernière mise à jour 1er Mars 2017
10
Ibid
9

droit commun préexistantes commises dans un contexte spécial. Elles sont soumises à
des règles de procédure dérogatoires du droit commun au sein du Code de procédure
pénale (article 706-16). Il ne s’agissait pas, par cette loi de définir précisément le
terrorisme mais plutôt de « conférer un champ d’application à un régime juridique
pénal et procédural dérogatoire »11. Par la suite, lors de la réforme du Code pénal, la loi
n°92-686 du 22 juillet 1992 est intervenue, transférant la définition du terrorisme dans
le Code pénal à travers l’article 421-1. Le terrorisme fut alors défini par rapport aux
infractions de droit commun, lorsque ces dernières sont commises « en relation avec
une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre
public par l’intimidation ou la terreur ». De plus une incrimination autonome fut créée
par l’article 421-2 du Code pénal concernant le terrorisme écologique. À la suite des
attentats de la station St Michel, une modification est intervenue par la loi n°96-647 du
22 juillet 1996. Ce texte compléta la liste des infractions de droit commun pouvant
revêtir la qualification terroriste, et incrimina de manière spécifique l’association de
terroristes à l’article 421-2-1 du Code pénal. Après les attentats du 11 septembre 2001,
la loi n°2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne et la loi
n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, ont respectivement incriminé le
financement du terrorisme et la non justification de ressources. En France, en mars
2012, un nouveau phénomène fit son apparition avec l’affaire « Mohammed Mérah ».
Aussi la loi n°2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre
le terrorisme a permis de réprimer « des menaces qui proviendraient, par exemple, de
ressortissants français ayant quitté la France et participant à des camps d’entraînement
terroristes à l’étranger »12. Quant à la loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014, tendant à
renforcer les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, a institué une nouvelle
incrimination ayant pour objet de punir « l’entreprise terroriste individuelle ». Cette
dernière a permis de répondre à ce phénomène de « loup solitaire » avec l’affaire
mentionnée ci-dessus. Elle a également mis en place des mesures administratives
censées faciliter la prévention d’actes de terrorisme, comme par exemple l’interdiction
de sortie du territoire.


11
Ibid
12
Rapport Sénat, n°35, fait par M.J. Mézard, 10 octobre 2012, p.7
10

Enfin, après les attentats du 10ème, 11ème arrondissements et de St Denis faisant plusieurs
centaines de victimes, l’état d’urgence fut déclaré. La loi du 3 juin 2016 est venue
renforcer la lutte contre le crime organisé, le terrorisme, et leur financement et améliorer
l’efficacité et les garanties de la procédure pénale. Face aux formes de plus en plus
variées que revêt le terrorisme, le législateur a entendu doter les enquêteurs, et la justice
de nouveaux moyens d’investigations au risque d’empiéter sur les droits et libertés
individuelles. De plus, la lutte sur le terrain du Web s’intensifie. Le cyberterrorisme
apparaît comme cible de la législation anti terroriste. Les nouvelles technologies se
voient également conférer un rôle important, permettant d’intensifier la répression. La
dernière loi intervenue en la matière date du 14-21 juillet 2016, intervenue après les
attentats de Nice. Cette loi proroge l’état d’urgence et contient de nombreuses
dispositions comme le durcissement des peines en matière terroriste, la fermeture des
lieux de culte dans lesquels des propos tenus, constituent une provocation à la haine ou
à la violence.

On remarque ainsi que depuis 30 ans, les différentes lois intervenues en matière de
terrorisme sont le plus souvent, des lois émotionnelles, adoptées à la suite d’évènements
tragiques. « L’omnipotence du discours sécuritaire et la pérennisation de
l’exception » 13 caractérisant cette lutte anti terroriste menée par le législateur,
conduisent à des interrogations quant à l’équilibre à trouver entre suretés et libertés. En
effet, la frénésie du législateur dans sa lutte contre le terrorisme, entraine des restrictions
de liberté et de droit malgré la vigilance du Conseil constitutionnel. L’équilibre est
délicat à trouver entre une réponse répressive, adaptée à cette forme de criminalité, et le
respect des libertés fondamentales. C’est un véritable défi qui s’impose à l’État français.
Ainsi quelles sont les spécificités introduites par les dernières évolutions législatives en
matière d’anti terrorisme et comment s’agencent t’elles avec le respect des libertés
fondamentales ?
La législation anti terroriste se caractérise par la spécificité des infractions en la matière
(Partie 1). Dans un souci d’effectivité de la répression, les dernières évolutions


13
H. ROUIDI, La loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte
contre le terrorisme : quelles évolutions ? AJ Pénal 2014, p. 555.
11

législatives démontrent un particularisme de la procédure pénale (Partie 2) par le biais


de différentes mesures dérogatoires au droit commun.





































12

PARTIE 1. LA SPÉCIFICITÉ DES INFRACTIONS DANS


LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

Le dispositif actuel de lutte contre le terrorisme est le fruit d’une longue évolution
législative qui fait suite à l’inadaptation du droit lorsque cette forme de criminalité a
émergé en France. La loi du 9 septembre 1986 fut la première à être votée à la suite
d’attentats et de crimes commis dans les années 1970/1980 et revendiqués par des
mouvements politiques « radicaux » étrangers. A la suite de nouveaux évènements,
l’arsenal répressif a été complété prenant en compte les multiples formes qu’empruntait
le terrorisme.
Le dispositif à ce jour, trouve sa place au sein du Livre IV du Code pénal intitulé « Des
Crimes et délits contre la Nation, l’État et la paix publique », dans un Titre deuxième
« Du terrorisme » aux articles 421-1 à 422-7. Le législateur a fait le choix dans un
premier temps d’incriminer les principaux actes de terrorisme par le prisme
d’incriminations de droit commun, déjà existantes. Dans un second temps, des actes
terroristes par assimilation14 furent ajoutés au Code pénal, dans un souci de réprimer la
diversité des comportements que peuvent adopter leur auteur. La particularité de ces
actes est lié au contexte de leur exécution, et fait du terrorisme l’objet d’incriminations
particulières (Chapitre 1). De plus à travers les tragiques évènements récents (l’affaire
Mohammed Mérah, les attentats de Charlie Hebdo, de l’Hyper cacher, et du Bataclan,
pour ne citer qu’eux), le législateur en réponse à la diversité des formes qu’endosse
cette criminalité particulièrement odieuse, a consolidé l’arsenal répressif contre le
terrorisme par la création d’incriminations nouvelles et spécifiques (Chapitre 2).

CHAPITRE 1. Le terrorisme, objet d’incriminations particulières

Le terrorisme en tant que criminalité spécifique, emprunte plusieurs formes et porte


atteinte à plusieurs valeurs sociales. Prenant en compte cette diversité, le législateur
s’est employé à organiser une répression accrue, en élargissant au maximum les
infractions pouvant emprunter une qualification terroriste (Section 1), tout en exigeant,


14
E. DREYER, Droit pénal spécial, Ellipses, 3ème édition, 2016
13

comme circonstances particulières de commission de ces infractions, un contexte


terroriste (Section 2).

Section 1. Les infractions poursuivant une finalité terroriste

Parmi les infractions poursuivant une finalité terroriste, certaines présentes des éléments
communs, par le biais de l’article 421-1 du Code pénal (A). À l’inverse d’autres
infractions présentent des particularités spécifiques, traduisant ainsi une diversité des
incriminations en matière terroriste (B).

A) Les éléments communs aux différentes infractions terroristes par le biais de


l’article 421-1 du Code pénal

L’article 421-1 du Code pénal dispose en son premier alinéa : « Constituent des actes de
terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise
individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par
l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes (...) »15. Puis, il énumère une liste
longue et pourvue d’incriminations, qu’elles soient prévues par le Code pénal ou par
d’autres textes codifiés (Code de la défense ou encore le Code monétaire et financier)
pouvant emprunter la qualification d’actes de terrorisme en fonction de l’objectif
poursuivi. Ces infractions à finalité terroriste ont comme support des infractions
existantes et bien connues. Plus précisément, on observe que le législateur a emprunté à
des infractions existantes leurs éléments constitutifs, pour en extraire une qualification
terroriste, dès lors que ces dernières s’affilient à un schéma d’intimidation ou de terreur.
Ce principe de prélèvement16, qualifie ce terrorisme de dérivé17.
En outre, ledit article du Code pénal liste limitativement des comportements pouvant
subir une mutation juridique et recevoir ainsi la qualification d’actes de terrorisme sous
deux conditions communes et cumulatives : d’une part que ces infractions « soient

15
Art. 421-1 du Code pénal
16
Y. MAYAUD, Répertoire de droit pénal et procédure pénale, Terrorisme, Section 1, Article 1,
Terrorisme dérivé, février 2015 (Actualisation : février 2017)
17
Ibid
14

intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective »18, et


d’autre part qu’un contexte terroriste caractérise les circonstances de commission des
infractions. Ce contexte terroriste, élément commun à ces différents comportements,
doit donc être souligné.
Les incriminations visées par cet article du Code pénal sont de multiple nature et se
voient étoffées au gré des évènements terroristes qui frappent la France et les autres
pays. Le législateur par ces incriminations entend accroître la répression en la matière.
Tout d’abord, les infractions du Code pénal comme support au terrorisme, appartiennent
à trois classifications que sont : les atteintes aux personnes, les infractions contre les
biens, et les atteintes à l’autorité de l’État et à la paix publique.
Pour les atteintes aux personnes, sont visées non seulement les atteintes volontaires à la
vie, ou à l’intégrité des personnes, mais aussi l’enlèvement, la séquestration et le
détournement de tout moyen de transport.
Pour les atteintes aux biens, on peut citer les vols, extorsions, destructions mais
également les infractions en matière informatique. Le recel des produits de ces
infractions est également incriminé.
Pour les atteintes à la Nation sont concernées les infractions relatives aux groupes de
combat ou encore aux mouvement dissous (articles 431-13 à 431-17 du Code pénal).
D’autres infractions non présentes dans le Code pénal sont énumérées à l’article 421-1.
A titre d’exemple peuvent être citées les infractions en matière d’armes, de produits
explosifs19 ou encore de matières nucléaires définies dans le Code de la défense. De
même les délits d’initié prévus par le Code monétaire et financier20, sont visés par le
Code pénal.

Pour en terminer, la loi du 22 juillet 1996, le recel a introduit dans l’article 421-1, le
recel au titre des infractions susceptibles d’emprunter la qualification de terrorisme. Le
recel ici, joue le rôle de « dénominateur commun de la plupart des infractions visées »21.
Ainsi est prolongé le caractère terroriste des infractions relevées aux alinéas 1° à 4° de


18
Art. 421-1 du Code pénal
19
L’art. 4 de la loi du 13 novembre 2014 a ajouté à cette liste limitative les délits de « diffusion de
procédés permettant la fabrication d’engins de destruction et de détention de produits incendiaires ou
explosifs en vue de la préparation d’attentats ».
20
Art. L. 465-1 du Code monétaire et financier
21
Y. MAYAUD, Terrorisme, op. cit.
15

l’article 421-1 du Code pénal. La fonction première du recel, est de pouvoir incriminer
tous les comportements intervenant en aval de la chaine de participation aux infractions
terroristes. L’effectivité de la répression en est accrue.
Pour que l’incrimination de recel soit caractérisée, la condition classique de la
connaissance par l’auteur de l’origine du bien recelé ne suffit pas, pour l’application de
la qualification de « terrorisme ». Il convient en plus que l’auteur connaisse la nature
terroriste de l’infraction dont l’objet du recel est tiré22. Enfin une dernière condition
d’ordre psychologique doit être remplie. L’auteur du recel, par son comportement, doit
avoir la volonté de troubler « gravement l’ordre public par l’intimidation ou la
terreur ». Cette dernière condition est donc ajoutée aux deux autres conditions du recel
de droit commun.

Parmi cette liste, on remarque des infractions obstacles (fabrication ou détention


d’engins explosifs par exemple), qui démontrent une volonté préventive et une finalité
de plus en plus répressive du législateur français. Celui-ci n’hésite plus à sanctionner
l’accomplissement d’actes préparatoires, pour éviter le résultat redouté.

Plusieurs éléments communs peuvent être identifiés concernant les infractions


mentionnées à l’article 421-1 du Code pénal. En premier lieu, la valeur sociale protégée.
Même si chaque incrimination protège une valeur sociale établie en amont par le
législateur, en matière de terrorisme les choses se complexifient. En effet, plusieurs
valeurs sont protégées : la vie, la propriété pour ne citer que celles ci. Une valeur sociale
particulièrement importante, se dégage derrière la multiplicité des intérêts protégés :
L’État et la paix publique. En effet, le terrorisme a pour but de troubler gravement
l’ordre public et à fortiori la paix publique. Le Livre IV du Code pénal en est
l’illustration, car le législateur a priorisé la Nation comme objet de protection absolue
contre le terrorisme23. Le terrorisme dérivé est donc regroupé au sein d’un seul article
dont le but est d’éviter son éclatement au sein du Code pénal.
En second lieu, on remarque que la plupart des infractions citées au sein de l’article
421-1 du Code pénal sont des infractions matérielles, c’est à dire que le résultat réel

22
L. DEBEAUSSE, La lutte contre le terrorisme : les réponses du droit, Mémoire de recherche dirigé par
le Professeur Yves MAYAUD, Année universitaire 2013-2014 p. 64
23
L. DEBEAUSSE, Op. cit. p. 66
16

(« le dommage envisagé dans sa dimension socialement redoutable »24) se confond avec


le résultat légal de l’infraction (qui consomme l’infraction). Tel est le cas des
incriminations de meurtre, d’assassinat, de vol, d’enlèvement et de séquestration, de
recel etc... En outre, dans un souci de répression accrue, le législateur a introduit de plus
en plus d’infractions formelles, c’est à dire d’incriminations de comportement
délictueux indépendamment de tout résultat (par exemple les infractions en matière
d’armes, ou encore l’empoisonnement).

Le législateur français a donc utilisé une technique d’adossement à des incriminations


existantes pour réprimer de façon plus large le terrorisme. Dans cette optique il a essayé
de garder une base commune à ce terrorisme dérivé, concernant la valeur sociale la plus
fondamentale qui doit être protégée. Il a également, en raison de la diversité et de
l’ingéniosité dont font preuve les auteurs d’actes de terrorisme, procédé à des
qualifications autonomes prenant en compte la spécificité terroriste, étoffant ainsi la
catégorie des infractions s’y rattachant.


B) Les particularités des infractions terroristes traduisant une diversité

Il n’est plus question ici du terrorisme dérivé, empruntant à des infractions déjà
existantes leurs éléments constitutifs. Le législateur, toujours plus inventif, a fait le
choix de qualifier de façon autonome, des comportements répondants à la spécificité
qu’emprunte le terrorisme. Les différentes lois intervenues en la matière ont donc
réprimé à tour de rôle les diverses formes qu’il pouvait revêtir. En effet, seul le
terrorisme écologique était réprimé à titre autonome en 1996. D’autres formes de
terrorisme se sont vues également incriminées, comme l’association de terroristes
(article 421-2-1 du Code pénal), le terrorisme par financement (article 421-2-2 du Code
pénal), et le terrorisme par non justification de ressources. D’autres formes de
terrorisme de nos jours se sont vues également réprimées. Celles-ci feront l’objet d’une
étude ultérieure.


24
Y. MAYAUD, Droit pénal général, 5ème édition, PUF, 2015 « La variable : le résultat ».
17

L’article 421-2 du Code pénal, punit une forme de terrorisme. Il s’agit du terrorisme
écologique qui se traduit par : « le fait d’introduire dans l’atmosphère, sur le sol, dans
le sous sol, dans les aliments ou les composants alimentaires ou dans les eaux, y
compris celles de la mer territoriale, une substance de nature à mettre en péril la santé
de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel ». Pour des exemples, on pourrait citer
notamment les dommages écologiques provoqués par l’Irak au moment de la guerre du
Golfe25.
Cette incrimination est large, notamment au regard du principe de légalité 26 . Par
exemple le mot substance peut s’entendre d’un produit quelconque. En tout état de
cause, cette infraction est autonome puisque le Code pénal ne renvoie pas à des
dispositions du Code de l’environnement qui répriment divers actes de pollution.
Toutefois, pour que la qualification terroriste s’applique, le comportement incriminé
doit être en lien avec une entreprise terroriste ayant pour but de troubler gravement
l’ordre public au sens de l’article 421-2 du Code pénal.
L’association de terroriste quant à elle est réprimée par l’article 421-2-1 du Code pénal
introduit par la loi du 22 juillet 1996. Elle pourrait s’assimiler à l’association de
malfaiteur de l’article 450-1 du Code pénal sous une forme particulière, propre au
terrorisme. Le but du législateur étant de réprimer l’entente ayant pour objectif de
préparer un acte s’inscrivant dans une logique terroriste. La chambre criminelle a relevé
dans une affaire27, que, bien qu’une association d’individus poursuivait un autre but,
notamment culturel, celle-ci avait également pour objet d’assurer un soutien logistique
et financier « à une organisation terroriste ou à ses émanations, dont elle constituait la
vitrine légale ». L’association terroriste doit donc consister soit en une participation,
voire une direction à un groupement formé ou à une entente établie dans l’optique de
préparer un acte de terrorisme « dérivé » (compris dans l’article 421-1 du Code pénal)
ou un acte de terrorisme écologique. Cette incrimination dans sa portée terroriste n’est
pas un dérivé du droit pénal mais bien une qualification autonome répondant à certaines


25
M.-E CARTIER, Le terrorisme dans le nouveau code pénal français, RSC 1995 p. 225
26
Ibid
27
Crim. 21 mai 2014, n°13-83758, Bull. crim., n°136
18

spécificités. L’article 421-2-1 du Code pénal « n’est pas la restitution conforme de


l’article 450-1, mais seulement la récupération de son esprit »28.

Le terrorisme par financement est réprimé par l’article 421-2-2 du Code pénal, introduit
par la loi du 15 novembre 2001, qui dispose que constitue « un acte de terrorisme, le
fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des
fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin dans
l’intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu’ils sont destinés
à être utilisés, en tout ou parti, en vue de commettre l’un quelconque des actes de
terrorisme (...) indépendamment de la survenance éventuelle d’un tel acte ». Cette lutte
contre le financement du terrorisme s’est intensifiée suite aux attentats du 11 septembre
2001 sur le sol américain. L’objectif du législateur est préventif comme en témoigne le
large domaine d’application de cette infraction, permettant une meilleure répression du
financement du terrorisme sous toutes ses formes. Ce domaine trouve un exemple
parfait dans la sanction du financement du terrorisme même au cas où la réalisation de
l’acte de terrorisme aurait échoué, ou n’aurait pas eu lieu. L’infraction est formelle. Le
législateur érige donc ici la complicité par fourniture de moyens, en une infraction
autonome, réprimée indépendamment de son résultat29.

Enfin, le terrorisme par non justification de ressources a été introduit par la loi du 18
mars 2003 à l’article 421-3 du Code pénal, lequel incrimine de manière autonome
l’impossibilité de justifier de ressources correspondantes à son train de vie. Il faut de
plus que l’agent soit en relation fréquente avec une, ou plusieurs personnes, auteur(s)
des actes terroristes visés aux articles 421-1 et 421-2-2 du Code pénal. Cette
incrimination permet notamment de répondre à l’existence de circuits financiers
souterrains. Ainsi une inversion de la charge de la preuve a été faite : la personne, objet
des doutes, devra prouver la justification de ses ressources.
À l’instar des précédentes infractions énumérées, le champ d’application du terrorisme
par non justification de ressources est également étendu, car les relations avec toutes
personnes participant au financement de mouvements terroristes tombent sous le coup

28
Y. MAYAUD, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Terrorisme, § 2 Terrorisme par
association de malfaiteur, février 2015 (Actualisation : février 2017)
29
A. LEPAGE et H. MATSOPOULOU, Droit pénal spécial, 1ère édition, PUF, 2015
19

de l’article 421-3. Par conséquent, toute relation avec des membres actifs ou passifs du
terrorisme est réprimée. Il est à noter que le législateur a laissé subsister cette
incrimination lorsqu’il a introduit en 2006, l’article 321-6 du Code pénal, instituant un
délit général de non justification de ressources, lequel permet, au régime dérogatoire
spécifique aux infractions terroristes, de s’appliquer mais également de marquer
l’autonomie de cette incrimination.

Enfin, une dernière qualification autonome peut être mentionnée. Elle est particulière au
terrorisme et contenue dans l’article 421-4 du Code pénal. Elle traite du terrorisme par
recrutement. En effet, cet article dispose que « le fait d’adresser à une personne des
offres ou des promesses, de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques,
de la menacer ou d’exercer sur elle des pressions afin qu’elle participe à un
groupement, ou une entente prévue à l’article 421-2-1 ou qu’elle commette un des actes
de terrorisme mentionnés aux articles 421-1 et 421-2 est puni, même lorsqu’il n’est pas
suivi d’effet (...) ».
C’est par la loi du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le
terrorisme, que cette infraction fut insérée dans le Code pénal. Lors de son adoption,
cette infraction a été dénoncée comme pouvant affaiblir l’efficacité du délit de
participation à une association de malfaiteurs30. Le Sénat a eu le dernier mot, en
précisant que le délit d’association de malfaiteurs ne pouvait pas répondre au cas
spécifique d’une tentative de recrutement.
Le recrutement à des fins de participation terroriste est donc retenu comme infraction
formelle. L’élément matériel consiste dans ce cadre, à user de divers moyens destinés à
emporter le consentement d’une personne, à participer à une entreprise terroriste (peu
importe que ce consentement soit suivi d’effets ou non).

La loi du 9 septembre 1986, ayant coulé les fondations de l’arsenal répressif envers le
terrorisme, et sa construction n’en a été que constante depuis. Le terrorisme au fil du
temps et des évènements s’y rapportant, a été érigé en crimes et délits particuliers


30
Y. MAYAUD, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Terrorisme, § 5 Terrorisme par
recrutement, février 2015 (Actualisation : février 2017)
20

répondant ainsi à sa spécificité. La répression est de plus en plus maîtrisée31 par l’ajout
constant de nouvelles incriminations. Ce terrorisme qualifié, comprenant des
incriminations autonomes, possède des particularités propres comme par exemple
l’inversion de la charge de la preuve (le terrorisme par non justification de ressources)
ou le cas de complicité qui a été élevé au rang d’infraction autonome (financement du
terrorisme). Les multiples facettes du terrorisme sont donc abordées, permettant une
répression extensive et sévère.

Mais le terrorisme ne peut se comprendre seulement par l’incrimination de


comportements. Les différents éléments matériels propres à chaque infraction ne
permettent pas de cerner la problématique terroriste. En effet, le législateur à l’article
421-1 du Code pénal a précisé à propos du terrorisme dérivé, que l’infraction doit avoir
été commise « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou
collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la
terreur » ce qui suscitent certaines interrogations relatives à l’exigence d’un lien entre
l’acte commis et une entreprise terroriste, mais également quant à la finalité poursuivie
par cette dernière.

Section 2. Le contexte terroriste comme circonstance particulière nécessaire à la


qualification d’infractions terroristes

Le contexte terroriste posé par l’article 421-1 du Code pénal se décompose en deux
éléments. D’une part, un lien entre l’acte commis et une entreprise terroriste est exigé ce
qui traduit l’exigence d’un contexte terroriste (A). D’autre part, le but poursuivi par
l’agent consistant à « troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur »
exprime ainsi l’intention terroriste (B).


31
Y. MAYAUD, Terrorisme, op. cit.
21

A) L’exigence d’un contexte terroriste

L’article 421-1 du Code pénal précise que pour revêtir la qualification de « terroriste »,
l’acte commis doit être en lien avec une « entreprise individuelle ou collective »
destinée à troubler gravement l’ordre public. Un lien doit donc être établi entre l’acte
commis et une entreprise terroriste. Cette liaison plus ou moins étroite est nécessaire à
la mutation juridique de l’infraction préalable en infraction terroriste.

La notion « d’entreprise » est sujette à imprécision et confusion. Tout d’abord, l’article


421-1 du Code pénal vise « l’entreprise individuelle ». On peut s’interroger quant à
l’emploi de cette notion pour un acte unique, provenant d’un auteur isolé. Toutefois,
« l’entreprise » doit être entendue au sens d’organisation, de préparatifs. Elle permet de
« situer le comportement dans une démarche linéaire, à base de programmation, de
mise à exécution, voire de revendication »32. C’est par cette signification qu’un lien de
relation est exigé. L’entreprise peut concerner un réseau national ou international
terroriste, mais également un auteur isolé ayant des revendications terroristes.
L’improvisation en est exclue. Une circulaire d’application du 10 octobre 1986, précise
à propos de la notion « d’entreprise » qu’elle suppose « l’établissement d’un plan
d’action, le rassemblement de moyens matériels, la mise en place d’un dispositif de
repli, ou encore la rédaction d’un communique à la presse »33. La préméditation est
donc visée mais elle ne se confond pas avec celle prévue à l’article 132-72 du Code
pénal34, car les crimes et délits prémédités sont ceux visés par les articles 421-1 et 421-2
dudit Code. Un plan doit donc être établi avant le passage à l’acte. Les auteurs de
doctrine abondent en ce sens. Le Garde des sceaux de l’époque, lors des débats
parlementaires en 1986, faisait de la notion « d’entreprise » « un dessein formé ou plan
concerté se traduisant par des efforts coordonnés en vue de l’objectif à atteindre »35. La
Cour de cassation a donc pu juger par la suite que « la cour d’appel, qui ayant justement
retenu qu’un tel acte implique un minimum d’organisation et relevé que l’acte non


32
Y. MAYAUD, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Terrorisme, § 7 Terrorisme par
entreprise individuelle, février 2015 (Actualisation : février 2017)
33
Circ. n°CRIM 86.21/F1 du 10 oct. 1986, sur la mise en œuvre des dispositions de la loi n°86-1020 du 9
sept. 1986, BOMI 1986, p. 57 s., spéc. p. 62, n°2113
34
M.-E CARTIER, op cit.
35
A. CHALANDON, JOAN Débats, 8 août 1986, p. 4215, cité par Y. Mayaud, Terrorisme, cit.
22

revendiqué dont avait été victimes les concierges d’un établissement scolaire constituait
une action isolée contre cet établissement et que son mode de perpétration ne révélait
pas le professionnalisme de son ou ses auteurs, demeurés inconnus, en a exactement
déduit que cet acte n’avait pas constitué un acte de terrorisme »36.
Ainsi, il convient d’établir « une relation », c’est à dire un lien de causalité, entre l’acte
commis et l’entreprise terroriste. Même si cette formulation générale fût critiquée, le
Conseil constitutionnel ne s’y opposa pas, considérant que le principe constitutionnel de
la légalité des délits et des peines n’y contrevenait pas.37
En pratique, cette relation se démontre avec évidence car les auteurs d’actes de
terrorisme s’inscrivent dans une logique d’établir eux même cette relation en
revendiquant leurs actions au nom d’un groupe, d’un réseau structuré, d’une idéologie.
Un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 7 mai 1987, a considéré
que l’ensemble des comportements reprochés était « en relation évidente avec l’activité
du groupement Action directe »38. Le terme « évident » renvoie ici à la facilité à laquelle
ce lien peut être établi de part la revendication déjà faite en amont par l’agent, mais il
traduit également la finalité répressive de ladite Cour, laquelle fait abstraction de ce
lien. Dans cette même lignée, la jurisprudence n’hésite pas non plus, à faire de
l’appartenance d’un individu à un groupe terroriste, la preuve d’une relation avec une
entreprise terroriste même si l’agent a commis individuellement l’acte reproché39. Aussi
une connexité, ou encore une proximité entre l’infraction commise et l’entreprise
terroriste peut suffire à établir le lien.

Pour en terminer, se pose la question de la nature de cette condition de relation entre


l’acte commis et l’entreprise terroriste. Peut elle être prise en compte dans l’élément
matériel ou moral de l’infraction ? La doctrine semble divisée sur ce point. Néanmoins,
pour une majorité d’auteurs, cette condition se rattache à l’élément intentionnel,
notamment le dol spécial40 ou le mobile41. La motivation de l’auteur pour passer à l’acte


36
Cass. 1ère civ. 17 octobre 1995, Bull. civ. I, n°368
37
Cons. const. 3 sept. 1986, n°86-213 DC
38
Crim. 7 mai 1987, Bull. crim. n°186
39
CA Paris, 1ère ch. Corr. 5 juillet 2001 n°2001-164804, à propos d’un individu appartenant au groupe
terroriste ETA.
40
M.-E Cartier, op. cit.
41
B. BOULOC « Le terrorisme », Problèmes actuels de science criminelle, vol. II, PUAM, 1989, p. 70
cité par A. Lepage et H. Matsopoulou, Droit pénal spécial, cit. p. 842
23

est ici visée. En revanche, d’autres auteurs considèrent que cette condition doit être mise
en relation avec l’élément matériel et que seuls quelques liens sont présents avec
l’élément psychologique.
Cette opposition n’est pas l’apanage de la doctrine. En effet, lors des travaux
préparatoires de la loi du 9 septembre 1986, une divergence existait déjà entre le Garde
des sceaux de l’époque, et le rapporteur du projet de loi au Sénat. Le premier rattachait
la notion d’entreprise terroriste à l’élément intentionnel, le second à l’élément
matériel42.
L’étude de la jurisprudence nous permet de savoir quelle conception il convient de
retenir en pratique. Cette dernière semble consacrer cette condition au titre de l’élément
matériel. La première chambre civile avait ainsi affirmé qu’un acte de terrorisme
« implique un minimum d’organisation », et que son mode d’exécution devait relever du
professionnalisme de son ou ses auteurs43.

La nature de cette condition est donc sujette à débat, même si elle est appréciée de
manière souple, et parfois présumée, par la jurisprudence. L’acte doit donc s’inscrire
dans un contexte terroriste, structuré, organisé, mais doit également poursuivre une
finalité spécifique, un but particulier, lui conférant définitivement son caractère
terroriste.

B) L’intention terroriste poursuivant un but spécifique



Le législateur par la loi du 22 juillet 1996 a défini de manière plus précise les actes de
terrorismes, en ajoutant l’adverbe « intentionnellement » au sein de l’article 421-1 du
Code pénal. Il a également exigé un mobile spécifique qui permet de conférer aux
comportements reprochés leur caractère terroriste. Aussi les faits doivent être commis
« intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant
pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur (...) ».


42
A. LEPAGE et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 843
43
Civ. 1ère 17 octobre 1995, op. cit.
24

L’intention se définit généralement par « l’état psychologique de celui qui commet


volontairement un fait qu’il sait prohibé »44. L’intention terroriste diffère quelque peu,
en ce sens, qu’elle se dédouble. En d’autres termes, l’intention se retrouve dans le
caractère délibéré de la réalisation des actes, et surtout dans la connaissance par l’agent
de la destination terroriste de ces derniers. Cette intention est ainsi caractérisée par ce
dédoublement, par cette volonté de commettre des actes répréhensibles tout en
connaissant la finalité de ces derniers, et malgré cette connaissance, la volonté d’agir à
tout prix.
La précision, par le législateur du 22 juillet 1996, quant au caractère intentionnel des
actions terroristes semble inopportune pour plusieurs raisons. En effet, un principe
général énoncé à l’article 121-3 du Code pénal précise que « il n’y a point de crime ou
de délit sans intention de le commettre », mettant en doute l’utilité d’une telle précision
à l’article 421-1 du Code pénal. Le Sénat avait estimé qu’il n’était pas acquis que
l’article 121-3 puisse s’appliquer à la matière terroriste. La Haute Chambre, pour éviter
certaines confusions, (exemple : un individu qui ignorerait avoir commis des infractions
en relation avec une entreprise terroriste), a estimé que la précision du caractère
intentionnel des différents actes de terrorisme devait être mentionné45. Néanmoins des
réserves quant à l’utilité d’une telle précision persiste. Il est difficile de comprendre
qu’un délinquant puisse commettre les actes visés à l’article 421-1 du Code pénal sans
connaître une quelconque relation avec une entreprise terroriste. De plus l’article 121-3
du Code pénal, en cas d’absence de précision du caractère intentionnel des actes
terroristes, aurait trouvé à s’appliquer. A défaut, la jurisprudence l’aurait interprété
comme impliquant un tel caractère.
Plusieurs conséquences peuvent donc être attachées à cette précision du législateur
comme le souligne le Professeur Yves Mayaud. En effet, un affaiblissement de l’article
121-3 pourrait survenir, car plus les textes intègrent le caractère intentionnel des
infractions dans leur élément de définition, plus on peut douter de l’intentionnalité
d’autres infractions qui ne comprennent pas ce caractère dans leur définition.
L’efficacité de l’article 121-3 s’en trouverait menacé46.


44
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 11ème édition, 2015
45
Y. MAYAUD, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Terrorisme, section 2 Contexte, Art. 2
Intention, février 2015 (Actualisation : février 2017)
46
Ibid
25

Comme précisé précédemment, cette intention terroriste doit être couplé à un but
spécifique traduit à l’article 421-1 du Code pénal comme troublant « gravement l’ordre
public par l’intimidation ou la terreur ». Le législateur exige donc un mobile
spécifique, fait rare en droit pénal, car les mobiles ne sont pas pris en compte pour
déterminer l’élément moral de l’infraction. Un mobile peut se définir comme « un motif
variable d’un individu à l’autre dans un même type d’acte, qui pousse une personne à
agir »47. Ainsi la prise en compte du mobile pour les infractions à caractère terroriste
marque une fois de plus leur spécificité.
La gravité du trouble public doit résulter des moyens mis en œuvre par l’entreprise
terroriste pour atteindre l’objectif poursuivi, c’est à dire la terreur et l’intimidation. La
terreur se définit comme une peur extrême qui bouleverse et paralyse48. L’intimidation
quant à elle est l’action d’intimider quelqu’un par la force, la violence ou la ruse, c’est à
dire inspirer à quelqu’un une crainte49. La circulaire d’application du 10 octobre 1986
précise que « ce qui caractérise le type de criminalité que veut atteindre le législateur,
c’est, au delà des conséquences immédiates de l’infraction, la volonté d’intimider ou de
terroriser la population ou une partie de celle-ci, en troublant ainsi gravement l’ordre
public »50. Il faut donc s’assurer que l’entreprise terroriste s’inscrit dans une logique de
peur provoquant ainsi la mise en péril de l’État de droit.
Le trouble recherché par les auteurs d’actes de terrorisme doit être réellement grave.
Cette précision étant laissée à la libre appréciation des juges, tout en sachant que ces
actes en dehors de leur caractère exceptionnel, doivent intimider ou semer la terreur au
sein de la population. Le caractère aveugle de ce type d’infractions, fait qu’aucune
distinction n’est prise en considération parmi les éventuelles victimes. Personne ne peut
être à l’abri, ou protéger, et c’est de ce sentiment d’impuissance que naît la terreur.
Les procédés employés par l’entreprise terroriste en cause, ou les moyens mis en œuvre
sont appréciés par les Cour d’assises de façon objective ne rentrant pas dans une analyse
détaillée de ces procédés. Ainsi la chambre criminelle dans la décision précitée du 7 mai
1987, a relevé que les « membres d’Action directe avaient réagi avec détermination et


47
G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit.
48
Dictionnaire Le Petit Robert, édition 2017
49
Ibid
50
Circ. 10 oct. 1986, op. cit.
26

violence, à la manière d’un commando, n’hésitant pas à tuer ou à agresser toute


personne leur faisant obstacle ». De la même manière, la Haute juridiction a retenu la
qualification terroriste pour des coups de feu tirés contre une caserne « par un
commando indépendantiste »51, dès lors que cet acte était en relation avec d’autres
attentats sur le territoire national qui furent tous revendiqués par des membres d’une
organisation dissoute lors d’une conférence de presse clandestine52.
Il doit être précisé, que le but terroriste, la finalité recherchée par les auteurs de ces
actes, doit résulter d’une entreprise individuelle ou collective qui doit être mise en
relation, comme on l’a vu précédemment avec l’acte de terrorisme53. L’appréciation de
ce but ne se fait pas directement par rapport à l’agent. C’est bien l’entreprise terroriste
qui par son objet, tend vers la recherche de la terreur et de l’intimidation de la société.

La finalité du terrorisme est donc particulière et traduit la spécificité des actes de


terrorisme. L’effet recherché doit dépasser les victimes directes de ces infractions, pour
atteindre la collectivité dans son ensemble54. La référence à l’intimidation et la terreur
présente à l’article 421-1 du Code pénal n’est pas seulement l’apanage de ce texte, mais
de façon plus générale c’est l’action terroriste qui est en cause, affectant ainsi toutes les
autres qualifications autonomes de terrorisme (que ce soit le financement, le
recrutement etc...).

CHAPITRE 2. La création d’incriminations nouvelles et spécifiques



Le terrorisme, de par ses multiples facettes nécessite une adaptation constante de la loi,
aux différentes situations rencontrées. C’est par la loi du 13 novembre 2014 que le
législateur a introduit dans le Code pénal de nouvelles incriminations pour faire face
aux difficultés posées par de nouvelles formes de terrorisme. Tel est le cas de
l’incrimination de terrorisme par entreprise individuelle, permettant de réprimer les
individus agissant seuls (Section 1). De plus, la puissance de persuasion d’internet mais


51
E. DREYER, Droit pénal spécial, op. cit.
52
Crim. 24 septembre 1987, B n°313.
53
M.-E. CARTIER, op. cit.
54
Y. MAYAUD, Terrorisme, op. cit.
27

également l’influence grandissante des réseaux sociaux, a poussé le législateur à


réprimer l’incitation à la commission d’actes de terrorisme (Section 2).

Section 1. Le terrorisme par entreprise individuelle, une innovation de la loi du 3


novembre 2014

A la suite de l’affaire « Mérah » en mars 2012, la crainte du « loup solitaire » s’est


propagée. Cette notion est liée à une personne agissant seule, et ayant des activités
terroristes sans recevoir de directives de la part d’une structure. La loi du 13 novembre
2014 a donc créé l’infraction de terrorisme par entreprise individuelle pour combattre à
ce phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur comme l’ont montré les évènements
postérieurs à l’entrée en vigueur de cette loi. Tel a été le cas de l’attentat de Nice ou
encore les multiples agressions de militaires à l’arme blanche qui se sont produites à la
Défense ou au Louvre.

L’incrimination de terrorisme par entreprise individuelle est donc consacrée (A).


Toutefois une récente décision du Conseil constitutionnel rendue à propos d’une
question prioritaire de constitutionnalité, permet de s’interroger sur la constitutionnalité
de ce délit (B).

A) L’incrimination de terrorisme par entreprise individuelle



Prenant exemple sur les législations britannique et allemande, le législateur français à la
suite de divers actes de terrorisme, impliquant des personnes isolées, ou préparant seule
un acte de terrorisme, a ajouté par la loi du 13 novembre 2014, un texte complétant
l’arsenal répressif en la matière. L’incrimination nouvelle concerne « l’entreprise
terroriste individuelle ». Elle se définit à l’article 421-2-6 du Code pénal qui dispose :
« Constitue un acte de terrorisme le fait de préparer la commission d’une des
infractions mentionnées au II, dès lors que la préparation de ladite infraction est
intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de
troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur (...) ». Cette rédaction
28

issue du Sénat vise à appréhender le phénomène du « loup solitaire ». L’auto


radicalisation qui caractérise de plus en plus les auteurs d’actes de terrorisme, est ici
visée55. L’entreprise terroriste doit donc être exécutée par une seule personne.
Le législateur sanctionne donc le fait de préparer la commission « des actes terroristes
les plus graves et les plus violents »56. Il s’agit soit d’actes visés au 1° de l’article 421-1
du Code pénal soit d’actes mentionnés au 2° dudit article en cas de destructions par
substances explosives ou incendiaires devant être réalisées dans des circonstances de
temps et de lieu susceptibles d’entraîner des atteinte à l’intégrité physique des
personnes. Les actes énumérés à l’article 421-2 sont également visés, lorsque l’intégrité
physique des personnes est menacée. La référence à ces différents articles peut être
comprise comme étant limitée à la matérialité des actes57.
L’infraction doit s’inscrire dans un contexte terroriste. En outre, la préparation de cette
dernière, doit être « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle
ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ».
Aucune difficulté n’est à relever quant à l’élément moral du délit. C’est un délit
intentionnel à l’instar de toutes les autres qualifications terroristes. En revanche,
concernant l’élément matériel, une difficulté est soulevée, car la matérialité se
dédouble : il faut se placer dans une situation de danger pour une ou des personnes, et
de plus entrer dans une action de sensibilité terroriste58. L’infraction est donc complexe.
Concernant le danger pour autrui, la préparation doit être caractérisée par le fait de
« détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de
nature à créer un danger pour autrui »59. Cette mise en danger est intentionnelle et ne
résulte pas d’une imprudence ; la préparation d’objets ou substances visant à atteindre la
vie ou l’intégrité des personnes est recherchée. La deuxième composante de l’élément
matériel de cette infraction concerne l’action de sensibilité terroriste60. En effet, la loi en
indiquant certains éléments rentrant dans cette action confère au délit toute sa


55
E. DUPIC, Une nouvelle loi pour renforcer les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme Gaz.
Pal., 2014, n°331 p. 5
56
A. LEPAGE et H. MATSOPOULOU, Droit pénal spécial, op. cit.
57
S. DETRAZ, Le délit de préparation d’une infraction en lien avec une entreprise individuelle
terroriste, Gaz. Pal., 2015, n°055, p. 4
58
Y. MAYAUD, Terrorisme, op. cit.
59
Art. 421-2-6 1° du Code pénal
60
Y. MAYAUD, Terrorisme, op. cit.
29

matérialité. Il s’agit en particulier d’actions limitativement énumérées par la loi


comme :
- le fait de recueillir des renseignements sur des lieux ou de porter atteinte à ces
personnes ou de la surveillance de ces lieux ou ces personnes ou ;
- l’entraînement ou la formation au maniement des armes ou toute autre forme de
combat ;
- à la fabrication ou à l’utilisation de substances explosives, incendiaires, nucléaires
etc61. Le législateur touche ici à la phase préparatoire d’un projet terroriste, en posant
des indices quant à la preuve d’un terrorisme individuel.

Le terrorisme par entreprise individuelle rentre donc dans la catégorie des infractions
complexes. C’est de plus une infraction obstacle ne nécessitant pas l’obtention d’un
résultat pour être constituée. C’est un fait rare en droit pénal qu’un délit soit érigé en
infraction obstacle doublée d’une complexité matérielle62. La pluralité d’actes énoncés à
l’article 421-2-6, constituant matériellement l’infraction, procèdent de leur
complémentarité et ne peuvent donc, pris individuellement, suffire à matérialiser le
délit. Cette infraction ne peut être qu’approuvée dans sa complexité, permettant ainsi à
l’intention de prendre le pas sur un résultat hypothétique et de compenser la nature
obstacle de ce délit d’entreprise individuelle terroriste.

Néanmoins, le fait de faire primer l’intention, en sanctionnant des indices pouvant faire
penser à la commission d’un projet terroriste, peut, comme le rappelle le Professeur
Yves Mayaud, risquer « de verser dans le procès d’intention »63, méconnaissant ainsi le
principe régissant le droit pénal de la nécessité des délits et des peines. La
constitutionnalité du délit peut donc être interrogée.


61
v. la liste complète à l’art. 421-2-6 du Code pénal
62
Y. MAYAUD, Terrorisme, op. cit.
63
Ibid
30

B) La constitutionnalité du délit questionnée



La loi du 13 novembre 2014 créant le délit d’entreprise individuelle terroriste n’a pas
été déférée au Conseil constitutionnel avant sa promulgation. Celui-ci n’a donc pas pu
se prononcer sur la validité des dispositions de l’article 421-2-6 du Code pénal.
Néanmoins, plusieurs questions pouvaient se poser quant à sa constitutionnalité,
notamment le fait qu’il pourrait être perçu comme n’assurant pas une prévisibilité
suffisante, ou encore que la réalité terroriste en serait trop éloignée64. Le Conseil
constitutionnel s’était déjà prononcé à propos de la loi du 22 juillet 1996 tendant à
renforcer la répression du terrorisme, texte qui avait fait l’objet d’une importante
censure65. En outre, les Sages de la rue Montpensier avaient censuré à l’article 421-1 du
Code pénal. Ce texte visant l’hypothèse de l’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour
irrégulier d’un étranger, fut censuré aux motifs que ce simple comportement n’était pas
« en relation immédiate avec la commission de l’acte terroriste », son caractère
nécessaire étant alors mis en cause au sens de l’article 8 de la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen. A fortiori, la question pourrait également se poser concernant
le délit d’entreprise terroriste individuelle visé par l’article 421-2-6 du Code pénal, et
notamment certaines hypothèses retenues où la relation, entre la sécurité des personnes
avec la commission d’un acte terroriste certain, n’est pas si évidente.

Ainsi, à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil


constitutionnel s’est prononcé le 7 avril 2017 dans une décision Amadou S 66 .
Globalement, le conseil admet la constitutionnalité du délit, mais encadre son utilisation
par une censure partielle et une réserve d’interprétation.
En effet, comme il a été rappelé, il est nécessaire que deux composantes, deux critères
soient réunis pour que le délit d’entreprise individuelle de terrorisme soit constitué. Le
premier critère concerne le fait que l’agent doit se préparer à commettre une infraction
grave portant atteinte à la vie ou l’intégrité des personnes. Cette préparation doit
s’inscrire dans une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l’ordre
public. Cette notion de « préparation d’un acte terroriste » est facilement interprétable,

64
Ibid
65
Cons. const. 16 juillet 1996, n° 96-377 DC, D. 1997. 69, note Mercuzot ; JCP 1996. II. 22709, note
Nguyen Van Tuong
66
Cons. const. 7 avril 2017, n°2017-625 DC, QPC
31

car elle figure déjà dans le délit d’association de malfaiteurs destiné à la préparation
d’un acte terroriste réprimé par l’article 421-2-1 du Code pénal. Le second critère attrait
à l’exigence d’éléments matériels de nature à démontrer la réalité de la menace.
L’article 421-2-6 énumère ainsi plusieurs comportements, hypothèses, susceptibles de
prouver que l’agent se place dans un projet terroriste67.
C’est sur l’énumération de cette liste que le Conseil constitutionnel s’est penché. En
effet, il a censuré le verbe « rechercher » présent au 1° de l’article 421-2-6 qui
disposait : « Le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets
ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ». Le principe de nécessité
des délits et des peines est méconnu ici, puisque le législateur réprime par ce verbe
« rechercher » la seule intention délictueuse. La preuve de l’intention de l’agent
préparant une infraction en relation avec une entreprise individuelle terroriste ne peut
résulter des seuls faits matériels retenus par l’article 421-2-6 1° comme actes
préparatoires68. Les faits matériels doivent corroborer l’intention de l’auteur qui doit être
établie. Le Conseil constitutionnel énonce que retenir comme fait matériel le fait de
« rechercher des objets ou des substances de natures à créer un danger pour autrui,
sans circonscrire les actes pouvant constituer une telle recherche dans le cadre d’une
entreprise individuelle terroriste, le législateur a permis que soient réprimés des actes
ne matérialisant pas, en eux mêmes, la volonté de préparer une infraction »69. Le terme
« rechercher » est ainsi considéré comme trop imprécis, donc contraire au principe de
nécessité des délits et des peines garanti par l’article 8 de la DDHC de 1789. La
question est de savoir alors vers quoi le terme « rechercher » nous renvoie : est ce une
simple consultation d’un site ? Un paiement doit il être intervenu permettant de se
procurer des objets ou substances ? Une prise de contact avec un intermédiaire ? La
censure intervient donc à juste titre permettant d’empêcher le législateur de réprimer la
seule intention délictueuse ou criminelle. Cette répression d’une éventuelle volonté
pourrait être qualifiée de « procès d’intention » car non accompagnée d’actes
préparatoires.


67
v. liste complète article 421-2-6 du Code pénal.
68
A. SEÏD ALGADI, Inconstitutionnalité partielle des dispositions relatives au délit d’entreprise
individuelle de terrorisme, Lexbase, 10 avr. 2017
69
Cons. const. 7 avril 2017, op. cit.
32

Cette décision répond également aux interrogations de la doctrine quant à savoir si


l’entreprise terroriste individuelle pouvait constituer un projet intellectuel ou si elle
devait être matériellement constituée70. La deuxième solution a été retenue.

En revanche il ne s’agit que d’une censure partielle puisque le Conseil constitutionnel,


valide les autres dispositions de l’article 421-2-6 du Code pénal, en énonçant que : « eu
égard à la gravité toute particulière que revêtent par nature les actes de terrorisme et
alors même que les dispositions contestées répriment de simples actes préparatoires à
la commission d’une infraction, le reste de l’article 421-2-6 (...) ne méconnaît pas le
principe de la légalité des délits et des peines ».71 L’article relatif au délit de terrorisme
par entreprise individuelle est donc dans son ensemble conforme à la Constitution.

En tout état de cause, le Conseil constitutionnel encadre donc l’utilisation de l’article


421-2-6 du Code pénal, mais aussi fourni des indications aux juges quant à son
application. Il est à noter, que le délit d’entreprise individuelle terroriste, se caractérise
par son absence d’utilisation, car aucune condamnation n’est intervenue sur ce
fondement au cours de l’année 2015, et seulement une seule en 2016. Au cours de
l’année 2017, seulement quatre affaires sont en cours. Le requérant quant à lui, au
moment ou à la solution tirée de la question prioritaire de constitutionnalité a été
rendue, a bénéficié d’un non lieu. Ainsi les conséquences sur le plan pratique de la
décision du Conseil constitutionnel ne trouvent pas vraiment d’effectivité expliquant
peut être l’application immédiate de sa décision.


70
S. DETRAZ, Gaz. Pal., op.cit.
71
Cons. Const. op. cit.,
33

Section 2. L’incitation à la commission d’actes de terrorisme

L’évolution de la menace terroriste couplée à l’influence des droits supranationaux72, a


incité le législateur français a renforcé les dispositions relatives à la lutte contre le
terrorisme en créant de nouvelles hypothèses de terrorisme qualifié. En effet, par les lois
des 21 décembre 2012, 13 novembre 2014, 3 juin 2016, les incriminations de
provocation, d’apologie des actes de terrorisme ainsi que l’extraction, la transmission, la
reproduction de données faisant l’apologie du terrorisme ont été créées.
En réalité, ce ne sont pas des incriminations nouvelles (sauf pour le délit d’extraction de
données faisant l’apologie du terrorisme). Il s’agit d’un transfert vers la matière pénale
de ce qui était contenu dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. En effet,
l’article 24 de la loi de 1881 sanctionnait les auteurs qui « auront provoqué directement
aux actes de terrorisme (...) ou qui en auront fait l’apologie ». Désormais le Code pénal
prend à sa charge ce type d’incrimination notamment du fait de l’utilisation de plus en
plus poussée d’internet et des réseaux sociaux donnant une visibilité aux structures
terroristes leur permettant une diffusion en masse de leurs idéologies.

La loi du 21 décembre 2012 par l’article 421-2-4 du Code pénal puni de manière
autonome, « l’instigateur » d’actes de terrorisme, comblant ainsi un vide juridique. Mais
les incriminations les plus intéressantes, restent celles prévues à l’article 421-2-5 du
Code pénal, instituant les délits de provocation aux actes de terrorisme et d’apologie de
ces actes (A). La loi du 3 juin 2016, pour sa part, a affiné ces délits en créant de
nouvelles incriminations aux articles 421-2-5-1 du Code pénal et 421-2-5-2 du Code
pénal, que certains auteurs qualifient d’apologie « dérivée »73 du terrorisme (B)


72
Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme, dite Convention de Varsovie, 16
mai 2005, n° STE 196
73
J.-B. THIERRY, Actualité du droit criminel – Loi du 3 juin 2016. sinelege.hypothèses.org p. 6
34

A) La définition de l’article 421-2-5 du Code pénal réprimant le terrorisme par


provocation ou apologie

La loi du 13 novembre 2014 a donc déplacé les délits de provocation aux actes de
terrorisme et d’apologie de ces actes, initialement prévus dans la loi du 29 juillet 1881,
vers le Code pénal avec pour objectif de lutter plus efficacement contre la propagande
terroriste.

L’article 421-2-5 du Code pénal dispose désormais que : « Le fait de provoquer


directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes
est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (...) ». Deux
composantes peuvent donc être extraites de ce premier alinéa : tout d’abord le fait de
provoquer directement les actes de terrorisme, et ensuite le fait de le faire
publiquement74.
Une circonstance aggravante a été également introduite « lorsque les faits ont été
commis en utilisant un service de communication au public en ligne » ; les peines sont
ainsi augmentées à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.
La provocation directe, implique « un appel explicite et évident à la commission d’un
acte déterminé »75. Elle s’inscrit dans l’avenir. Toutes les provocations directes sont
donc désormais punissables quel que soit leur moyen de commission, qu’elles soient
publiques ou privées. L’objectif visé concerne les prêches tenus dans les lieux de culte
clandestins ou encore des propos agrémentés de photos ou non, diffusés sur les réseaux
sociaux lorsque l’accès est restreint à une communauté de destinataires agréés76. La
jurisprudence les qualifie de propos privés77.

L’apologie, quant à elle, « ne cherche pas à entraîner une action déterminée, mais est
plus insidieuse puisqu’elle créée un état d’esprit particulier, jugé contraire aux valeurs


74
TGI, Paris, 16e ch. corr., 18 mars 2015, JCP G 2015, 363, obs. P. Mbongo
75
B. BEIGNIER, B. de LAMY, E. DREYER, Traité de droit de la presse et des médias, Litec, 2009, 1re
éd. n°825.
76
J. ALIX, La répression de l’incitation au terrorisme, Gaz. Pal., 24 février 2015, n°55 p.11
77
Cass. 1ère Civ. 10 avril 2013 n°11-19530, Bull. civ. I, n°70, E. DREYER, Panorama Droit de la presse,
D. 2014, p.508
35

de la société »78. Elle n’est punissable que lorsqu’elle est publique. À titre d’exemple,
le tribunal correctionnel de Montpellier a condamné un individu à 5 ans de prison, dont
un an avec sursis pour avoir fait la propagande d’un groupe terroriste sur les réseaux
sociaux pendant plusieurs mois, notamment en partageant des vidéos de décapitation79.

Concernant le régime applicable, le fait d’avoir déplacé ces délits, de la loi sur la liberté
de la presse vers le Code pénal, a permis :
- au régime dérogatoire antiterroriste de s’appliquer (confier le jugement de ces
infractions aux juridictions antiterroristes) ou à défaut ;
- au régime de droit commun de s’appliquer (la procédure de comparution immédiate
peut donc désormais s’appliquer par exemple).
Le régime plus favorable inhérent aux délits de la loi du 29 juillet 1881 se trouve donc
écarté. En revanche les dérogations exceptionnelles ne sont pas admises pour ces actes
ne revêtant pas un caractère aussi grave que les actes de terrorisme eux mêmes. En
conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel 80 qui n’accepte des
dérogations que pour les crimes et délits particulièrement graves, les articles 706-24-1 et
706-25-1 du Code de procédure pénale écartent la prescription de vingt ans, les
perquisitions nocturnes, ainsi que les gardes à vue de plus 48 heures pour les délits de
provocation et d’apologie.

Ainsi au lendemain des attentats du 9 janvier 2015 contre Charlie Hebdo, la loi du 13
novembre 2014 instituant les délits de provocation et d’apologie du terrorisme fut
appliquée pour la première fois. Par la procédure de comparution immédiate, des peines
de prison fermes furent prononcées à l’encontre de plusieurs individus. Ainsi plus de
380 personnes ont été jugées coupables d’apologie du terrorisme à la suite des attentats
de janvier 201581.


78
J.-B. THIERRY, Presse et communication. Provocation aux crimes et délits : J.Cl. Lois pénales
spéciales, Fasc. 60. n°5
79
Trib. corr. Montpellier, 31 août 2016
80
Cons. const. 4 décembre 2013, n°2013-679 DC
81 v. S. JOAHNY Apologie du terrorisme : 385 personnes condamnées en France en 2015, le Journal du
Dimanche, 3 septembre 2016
36

Les pensées criminelles se voient désormais attribuées la qualification terroriste


augmentant ainsi les atteintes faites à la liberté d’expression. Atteintes justifiées par le
législateur par la préservation de l’ordre public. Mais certaines questions peuvent se
poser quant à l’application en pratique de ces textes et leurs conséquences. En effet, que
penser de la situation des journalistes ou médias qui estimeraient qu’une information
propagandiste soit relayée dans un souci d’informer le public. Quoiqu’il en soit, cette
nouvelle incrimination soulève des interrogations quant à sa qualification terroriste,
mais aussi quant à son contenu appliqué à des individus ne présentant aucun lien avec
une activité terroriste.
Le législateur a fait avancer la répression sur l’iter criminis pour permettre une
meilleure réponse pénale dans un souci de prévention. Aucun acte préparatoire n’est
requis mais seulement l’expression de la pensée. Ce qui peut paraître dangereux
notamment dans un contexte d’état d’urgence.

La loi du 3 juin 2016 est même allée plus loin sur ce terrain en créant deux nouvelles
incriminations découlant des délits de provocation et d’apologie du terrorisme.

B) La création d’incriminations réprimant l’apologie « dérivée » du terrorisme



Dans sa lutte contre la propagande terroriste, le législateur par la loi du 3 juin 2016 s’est
attachée à créer à l’initiative du Sénat, deux nouvelles incriminations s’inscrivant dans
la prévention du phénomène de « radicalisation ».
Il s’agit d’incriminer les individus qui reprennent les propos d’auteurs d’apologie ou de
provocation directe au terrorisme. Sont également visés ceux qui consulteraient des sites
terroristes. Pour ce faire, le nouvel article 421-2-5-1 du Code pénal vient sanctionner de
5 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende « le fait d’extraire, de reproduire et
de transmettre intentionnellement des données faisant l’apologie publique d’actes de
terrorisme ou provoquant directement à ces actes afin d’entraver, en connaissance de
cause, l’efficacité des procédures prévues à l’article 6-1 de la loi n°2004-575 du 21 juin
2004 pour la confiance dans l’économie numérique ou à l’article 706-23 du code de
procédure pénale (...) ». En somme, est puni le fait de vouloir contourner
37

intentionnellement les procédures de retrait ou de blocage administratif et judiciaire qui


ont été mises en œuvre à l’encontre de sites ou de données numériques présentant un
lien avec une activité terroriste.

Enfin, la seconde incrimination instituée par la loi du 3 juin 2016 est relative à la
consultation habituelle d’un site internet faisant l’apologie du terrorisme ou provoquant
à de tels actes. La justification d’un tel choix législatif fut en partie expliquée par
l’ancien Ministre de l’intérieur, M. Cazeneuve, dans son discours du 26 janvier 2016 au
Forum international de la Cybersécurité. Pour lui la majorité des personnes se seraient
radicalisées sur internet et auraient été recrutés par le biais des réseaux sociaux. Dans un
souci de prévention de plus en plus accru, le législateur a donc placé le curseur de la
répression beaucoup plus en amont de l’iter criminis. L’article 421-2-5-2 du Code pénal
réprime le fait de consulter habituellement un service de communication au public en
ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations faisant l’apologie
ou provoquant directement à la commission d’actes terroristes. L’auteur s’expose à 2
ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Des critiques ont été émises à propos
de cette nouvelle incrimination qui pourrait permettre la répression d’un simple individu
« curieux »82. La loi a donc encadré de façon stricte le délit en définissant le site internet
incriminé. Il doit comporter « des images ou représentations montrant la commission »
d’actes de terrorisme consistant en des atteintes volontaires à la vie ». De plus
différentes réserves ont été prévues quant à l’application de l’article 421-2-5-2 du Code
pénal. Ainsi l’infraction ne peut être constituée lorsque la consultation est faite « de
bonne foi », lorsqu’elle résulte d’un travail journalistique83, intervient dans le cadre de
recherches scientifiques ou est réalisées pour servir de preuve en justice. Ces exceptions
n’ont cependant pas servi à lever l’ambiguïté autour de cette incrimination, car, le
Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par la
chambre criminelle de la Cour de cassation84. Il a été invité à se prononcer sur la
nécessité du délit ainsi que sa proportionnalité, dont le contenu se résumait simplement
à la consultation habituelle de sites terroristes, mais également sur les exceptions de

82
R. OLLARD, La réforme pénale du 3 juin 2016 : aspects de droit pénal, Lexbase, la lettre juridique,
n°662, 7 juillet 2016.
83
Trib. corr de Marseille, 15 septembre 2016 : Ce moyen de défense n’a pas été retenu pour une personne
poursuivie pour apologie du terrorisme qui se prétendait « apprenti-journaliste ».
84
Cass. crim., 29 novembre 2016, n°16-90.024
38

consultation habituelle de bonne foi. L’article 421-2-5-2 du Code pénal fut abrogé pour
plusieurs raisons par le Conseil constitutionnel85 8 mois après la naissance de cette
incrimination.
Il a rappelé tout d’abord au législateur l’arsenal répressif en matière de lutte contre le
terrorisme permettant d’intervenir déjà bien amont de l’iter criminis et également la
possibilité d’appréhension de l’agent avant qu’il ne passe à l’acte (exemples : les délits
de provocation et d’apologie du terrorisme ou encore le délit d’entreprise terroriste
individuelle). L’efficacité des législations en vigueur notamment d’un point de vue
procédural est soulignée, montrant ainsi l’inutilité de ce nouveau délit. L’article 11 de la
DDHC proclamant la liberté de communication est utilisé comme fondement à
l’abrogation dudit article. Dans son considérant n°4 le Conseil constitutionnel énonce :
« En l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement
généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance
pris par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des
idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services. (...) ». Il met
ainsi en garde le législateur qui s’inscrit dans une logique de punir, sans conditions,
celui qui reçoit du contenu à caractère terroriste, et ce qui revient à poser une
présomption de projet terroriste rentrant en conflit avec le libre accès à l’information
mais également la présomption d’innocence 86 . Un manque de nécessité est donc
constaté concernant le délit de l’article 421-2-5-2 du Code pénal, et sa contradiction
avec l’article 11 de la DDHC montre de plus, son manque de proportionnalité et
d’adaptation, conditions requises lorsqu’une atteinte à une liberté fondamentale est
constatée.
En effet, la spécificité des incriminations terroristes résident dans le fait que l’élément
matériel doit présenter des liens avec une entreprise ou une activité terroriste. Or tel
n’est pas le cas de l’article contesté puisqu’il n’impose pas « que l’auteur de la
consultation habituelle des services de communication au public en ligne concernés ait
la volonté de commettre des actes de terrorisme ni même la preuve que cette
consultation s’accompagne d’une manifestation de l’adhésion à l’idéologie exprimée


Cons. const. 10 février 2017, n°2016-611 DC, QPC
85
86
A. GOGORZA, B. de LAMY. Lutte contre le terrorisme- « L’abrogation par le Conseil constitutionnel
du délit de consultation habituelle de sites terroristes » Note sous arrêt, JCPG, n°13, 27 mars 2017, 343.
39

sur ces services. (...) »87. L’intention de l’auteur ici importe peu au contraire des autres
infractions comprises dans la sphère terroriste. Par cette absence d’élément intentionnel,
mais aussi par les multiples interrogations entourant les dispositions contestées (comme
par exemple le fait que seuls les sites internet soient visés), le législateur a méconnu les
exigences de proportionnalité et d’adaptabilité requises en matière de liberté de
communication.

Il faut tout de même reconnaître que les phénomènes d’auto-radicalisation, ou encore


d’endoctrinement sont difficiles à combattre sans heurter de façon abrupte certaines
libertés fondamentales. Le législateur français s’y étant essayé, s’est fait reprendre par
le Conseil constitutionnel.
L’Union Européenne s’est donc emparée de la question relative à ces phénomènes, par
une directive datée du 23 février 2017. Ce texte oblige les États membres à réprimer le
fait de recevoir un entraînement de nature terroriste, « l’auto-apprentissage par
internet » y est assimilé à la « réception d’un entraînement lorsqu’il est le résultat d’un
comportement actif et qu’il est pratiqué avec l’intention de commettre une infraction
terroriste ou de contribuer à la commission d’une telle infraction » 88. Un faisceau
d’indices peut ainsi être utilisé quant à la preuve de cette intention (par exemple la
fréquence de consultation, le contenu plus ou moins explicite des sites internet visité).
En tout état de cause, le débat est loin d’être clos et risque de faire couler encore
beaucoup d’encre tant l’enjeu est de taille, que ce soit sur le plan de la répression du
terrorisme ou sur la protection des libertés fondamentales. En effet, le législateur a
remis sur la table ce délit par la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, en
y ajoutant d’autres conditions et en supprimant les notions jugées floues. Ainsi le terme
de « bonne foi » disparaît et est remplacé par « le fait que cette consultation
s’accompagne d’un signalement des contenus de ce service aux autorités publiques
compétentes ». On remarque ici que l’absence de dénonciation est devenue un indice
d’incrimination. De plus la consommation du délit suppose l’absence d’un motif
légitime bien que les motifs exonératoires soient maintenus. Mais ce qui retient
l’attention c’est l’ajout d’une condition tenant à la consultation de ces sites, qui doit

87
Consid. 14., Cons. const, 10 février 2017, op. cit.
88
PE et Cons. UE, dir. 2017/xx, 23 févr. 2017, relative à la lutte contre le terrorisme, rempl. Cons. UE,
déc. 2002/475/JAI, relative à la lutte contre le terrorisme, art. 8, exposé des motifs pt. 11
40

s’accompagner « d’une manifestation de l’adhésion à l’idéologie exprimée sur ce


service ». Le législateur ici a pris note des insinuations faites par le Conseil
constitutionnel.
Néanmoins, il est très probable que ce délit « rafistolé » fasse l’objet d’un second
examen devant le Conseil constitutionnel.

Toutes ces incriminations qu’elles soient autonomes ou dérivées révèlent les grandes
lignes de la manière dont est appréhendé le terrorisme en France, que ce soit au regard
des comportements mais aussi du contexte permettant leur réalisation. Le législateur
dans un souci de prévention, de répression mais aussi parfois en réaction à une émotion
publique, a eu pour objectif la volonté de cibler le plus grand nombre de comportements
possibles susceptibles d’être liés au terrorisme. Au gré des évènements terroristes, mais
également en fonction des différentes formes que celui ci prenait, les différentes lois
intervenues en la matière ont réagi de manière forte. Le régime dérogatoire attaché aux
infractions terroristes permet ainsi une répression plus efficace. En effet, la procédure
pénale a également beaucoup évolué pour aider les enquêteurs, en leur conférant un
cadre légal leur permettant « d’adapter leurs moyens d’investigations aux nouvelles
technologies utilisées par les terroristes »89.


89
Y. MAYAUD, La politique d’incrimination du terrorisme à la lumière de la législation récente, AJ
pénal 2013, p. 442.
41

PARTIE 2. LE PARTICULARISME DE LA PROCÉDURE


PÉNALE DANS LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

Face à la menace terroriste pesant sur la France, le législateur a choisi d’aménager


certaines dispositions propres à la procédure pénale afin de tenir compte de la spécificité
de cette forme de violence. Le terrorisme, avant de se voir attribué une qualification
autonome, constituait une forme particulière de criminalité organisée, un régime
dérogatoire était donc déjà applicable. Mais pour assurer une meilleure effectivité de la
répression, les autorités publiques ont procédé par les lois du 13 novembre 2014 et du 3
juin 2016 à des réformes touchant la procédure pénale pour permettre aux enquêteurs de
mieux appréhender les auteurs de ces infractions. Le régime applicable à la criminalité
organisée subit des modifications pour s’adapter au contexte terroriste et les moyens
d’investigations sont renforcés pour permettre une réponse pénale face aux nouveaux
moyens utilisés par les auteurs d’actes de terrorisme, notamment par l’utilisation des
nouvelles technologies.
Ainsi le régime des perquisitions en matière de terrorisme revêt un aspect spécifique,
même si il est tiré de celui applicable en matière de criminalité organisée (Chapitre 1).
De plus les lois du 13 novembre 2014 et du 3 juin 2016 ont permis des innovations
concernant les moyens de preuve en la matière dans une tentative de renforcer les
garanties et l’efficacité de la procédure pénale (Chapitre 2).


CHAPITRE 1. La spécificité du régime des perquisitions

Le législateur dans un souci d’effectivité de la répression envers la criminalité


organisée, et plus particulièrement le terrorisme a étendu le champ d’application des
procédures dérogatoires avec plusieurs lois, et notamment la loi Urvoas du 3 juin 2016.
Pour renforcer l’efficacité des investigations judiciaires dans la lutte contre le
terrorisme, ce nouveau texte a prévu une série de mesures coercitives attentatoires aux
libertés individuelles, en élargissant « considérablement les pouvoirs d’enquêtes et
42

d’instruction en matière de criminalité organisée et de terrorisme90» mais également


« en étendant les actes d’investigations précédemment réservés à l’instruction »91. Il en
est ainsi concernant les perquisitions.

Pour de faciliter l’administration de la preuve en matière de terrorisme le régime


dérogatoire des perquisitions a été étendu, permettant notamment des perquisitions
nocturnes (Section 1). Du fait de son caractère attentatoire à la vie privée, le Conseil
constitutionnel a été amené à se pencher sur la constitutionnalité de ce régime
dérogatoire (Section 2).

Section 1. Le régime dérogatoire des perquisitions en matière de terrorisme

La perquisition se définit comme une « mesure d’investigation effectuée en tout lieux et


destinée à rechercher, en vue de les saisir, tous papiers, effets, ou objets paraissant
utiles à la manifestation de la vérité » 92 . Elle doit être distinguée de la visite
domiciliaire. Elle peut être effectuée lors d’une enquête de flagrance (article 67 du Code
de procédure pénale) ou lors d’une enquête préliminaire (article 75 du Code de
procédure pénale).
Plusieurs dérogations concernent les perquisitions, notamment en matière de
criminalité organisée, et de terrorisme, avec le souci de répondre plus efficacement
contre certains réseaux structurés et organisés de manière très précise.

En premier lieu, concernant l’enquête préliminaire, une dérogation avait été prévue par
la loi Perben II du 9 mars 2004 et modifié par la suite par une loi du 9 juillet 2010.
Ainsi, en matière de terrorisme, l’alinéa 4 de l’article 76 du Code de procédure pénale
précise : « si les nécessités de l’enquête relative à un crime ou à un délit puni d’une
peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans l’exigent ou si la
recherche de biens dont la confiscation est prévue à l’article 131-21 du code pénale le


90
S. FUCINI, « Ce que prévoit la loi renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme », Dalloz,
14 juin 2016, p.1
91
Ibid
92
G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit.
43

justifie, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance, peut à la


requête du procureur de la République, décidé par une décision écrite et motivée, que
les opérations prévues au présent article seront effectuées sans l’assentiment de la
personne chez qui elles ont lieu (...) ». Ainsi là ou le droit commun nécessite une
garantie du consentement libre et éclairé de la personne chez qui ont lieu les
perquisitions, il en va autrement matière de terrorisme car il n’est pas tenu compte de ce
consentement, pour une meilleure administration de la preuve et éviter la destruction
d’éléments probants. Toutefois, certaines garanties subsistent, puisque le juge des
libertés et de la détention devra autorisé le fait de passer outre le consentement de la
personne concernée, et, à peine de nullité, préciser la qualification de l’infraction dont la
preuve est recherchée93. De plus, la jurisprudence exige que la décision du juge soit
motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant la nécessité de ces
opérations94.
La seconde dérogation prévue pour les enquêtes préliminaires ou celles effectuées dans
le cadre d’une information judiciaire relative aux perquisitions, concerne les heures
légales de ces dernières qui ont été également modifiées par la loi du 9 mars 2004. En
effet, les officiers ou agents de police judiciaire doivent effectuer les perquisitions
conformément à l’article 59 du code de procédure pénale qui dispose que : « sauf
réclamation faite de l’intérieur de la maison ou exceptions prévues par la loi, les
perquisitions et les visites domiciliaires ne peuvent être commencées avant 6h et après
21h (...) ». Cependant, la deuxième dérogation concerne justement ces heures légales
de perquisitions. En matière de criminalité organisée, et à fortiori de terrorisme, l’article
706-90 du Code de procédure pénale prévoit que si les nécessités de l’enquête portant
sur l’une des infractions énumérées aux articles 706-73 et 706-73-1 l’exigent, le JLD
peut à la requête du procureur de la République décider que ces opérations se feront en
dehors des heures légales dès lors, que les lieux à perquisitionner ne sont pas des lieux
d’habitation. Toutefois, la loi Urvoas du 3 juin 2016 est intervenue pour autoriser les
perquisitions de nuit dans les locaux à usage d’habitation « lorsque leur réalisation est


93
B. BOULOC, H. MATSOPOULOU, Droit pénal général et procédure pénale, 20ème édition, Sirey,
2016.
94
Crim. 6 mars 2013, Bull. crim. n°62
44

nécessaire afin de prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique »95. En


outre, en cas d’urgence, l’article 1er de la loi du 3 juin 2016 ayant inséré l’article 706-90
alinéa 2 du Code de procédure pénale énonce que ces perquisitions nocturnes seront
autorisées dès lors qu’il s’agit d’une infraction visées au 11° de l’article 706-73 du Code
de procédure pénale, c’est à dire les « crimes et délits constituant des actes de
terrorisme prévus par les articles 442-1 et 442-2 ». Ainsi en sont exclus les délits de
provocation et d’apologie du terrorisme. Les autorités compétentes pour autoriser ces
perquisitions nocturnes sont le JLD (dans le ce cadre d’une enquête préliminaire) et le
juge d’instruction (dans le cadre d’une enquête sur commission rogatoire). Des
garanties sont toujours présentes, puisque l’ordonnance judiciaire doit être motivée par
référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires96.

En second lieu concernant l’enquête de flagrance, qui est une enquête menée par la
police relativement à une infraction en train de se commettre ou qui vient de se
commettre, le législateur autorise également à titre exceptionnel des perquisitions
nocturnes. La loi Perben II du 9 mars 2004 modifié par la loi Urvoas du 3 juin 2016 les
autorise en matière de criminalité organisée. L’article 706-89 du Code de procédure
pénale prévoit que « si les nécessités de l’enquête de flagrance relative à l’une des
infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73 et 706-73-1
l’exigent, le JLD du TGI peut, à la requête du procureur de la République, autoriser
que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction soient
opérées en dehors des heures prévues par l’article 59 ». Le juge d’instruction peut
également autoriser ces perquisitions nocturnes en cas d’urgence. L’urgence est
comprise ici, lorsqu’il s’agit « d’un crime ou délit flagrant », ou encore lorsqu’il « existe
un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels » 97 . Les
perquisitions sont déterminées et soumises à autorisation judiciaire, et doivent faire
l’objet d’ordonnance précisant la qualification de l’infraction dont la preuve est
recherchée. L’ordonnance doit être motivée par référence aux éléments de fait et de
droit qui doivent justifier la nécessité de ces opérations et notamment, selon la loi du 3


95
Art. 1, 2° b), de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le
terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
96
Art. 706-92 du Code de procédure pénale
97
Voir la liste complète à l’art. 706-91 du Code de procédure pénale.
45

juin 2016, qu’elles « ne peuvent être réalisées pendant les heures légales » prévues par
l’article 59 du Code de procédure pénale.

On remarque ainsi que ce régime dérogatoire prévoyant des dispositions exceptionnelles


pour les perquisitions en matière de terrorisme, est le même qu’il s’agisse d’enquête de
flagrance ou d’enquête préliminaire. En effet, une extension de ce régime dérogatoire
est appliquée à l’enquête préliminaire. Des voix s’élèvent contre cette extension, aux
motifs que la notion d’« urgence » inhérente à l’enquête de flagrance n’est que peu
compatible avec l’enquête préliminaire98, même si le législateur a prévu des garanties
par l’intervention du JLD, contrôlant a posteriori les mesures de perquisition (exemple :
il peut se déplacer sur les lieux pour contrôler l’opération). Mais un autre paramètre est
à prendre en compte permettant de fustiger cette extension à l’enquête préliminaire ; et
concernant le fait que les saisies incidentes lors de ces perquisitions soient valides. en
d’autres termes, si la perquisition permet de révéler d’autres infractions que celles liées
au terrorisme, l’article 706-93 alinéa 2 du Code de procédure pénale autorise les saisies
qui interviendraient à ce titre. Ainsi des abus, des détournements de procédure peuvent
être commis pouvant se révéler dangereux pour les libertés individuelles ; la recherche
de preuve étant confiée à la police, des dérives sont à craindre, même l’enquête
préliminaire présente divers avantages par rapport à l’enquête de flagrance.

C’est par ce risque de dérives que le Conseil constitutionnel s’est prononcée plusieurs
fois concernant le régime des perquisitions. Plus récemment, il s’est interrogé sur la
constitutionnalité du caractère nocturne des perquisitions (notamment administratives
dans le cadre de l’état d’urgence) en dégageant plusieurs critères quant à leur validité.


98
H. MATSOPOULOU, Les nouveaux moyens de preuve au service de la criminalité organisée. - A
propos de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016. JCP G. 2016. 707, p. 1222 ; O. CAHN, Réflexions
désabusées sur le chapitre I du titre I de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016 - AJ pénal 2016. 408
46

Section 2. La constitutionnalité du régime des perquisitions

La constitutionnalité du régime des perquisitions s’est posée plusieurs fois. Ainsi en


1996 par rapport à la loi du 16 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du
terrorisme, puis en 2004 sur la loi Perben II du 9 mars 2004. Enfin dernièrement le
Conseil constitutionnel saisi par deux QPC s’est penché sur la constitutionnalité des
dispositions de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, dans sa
rédaction résultant de la loi du 20 novembre 1955.
En outre, il a statué sur les dispositions prévoyant des perquisitions administratives.

En premier lieu, le Conseil constitutionnel s’était prononcé sur la constitutionnalité des


perquisitions dans le cadre des enquêtes préliminaires et de flagrance en 199699. Ainsi
plusieurs critères furent dégagés concernant la validité de ces perquisitions. Retenons
que, les perquisitions, qui mettent en jeu la liberté individuelle, ne peuvent être
conduites que dans le respect de l’article 66 de la Constitution qui confie à l’autorité
judiciaire, le pouvoir d’autoriser ou non ces opérations. Le conseil avait déjà rappelé à
ce propos que « l’intervention de l’autorité judiciaire doit être prévue pour conserver à
celle-ci toute la responsabilité et tout le pouvoir de contrôle qui lui reviennent de façon
à vérifier concrètement le bien fondé de la demande de perquisition »100, lui permettant
« des possibilités d’intervention et de contrôle dans le déroulement des opérations
autorisées »101.

Retenons également, que la loi relative aux perquisitions doit prévoir des garanties
procédurales suffisantes. En d’autres termes, le conseil exige que le droit de perquisition
soit limité dans le temps et l’espace.102 En statuant ainsi, le respect de la vie privée est
protégé.
Par la suite, la Haute juridiction fut amenée à se prononcer sur la constitutionnalité de la
loi Perben II du 9 mars 2004 dans une décision du 2 mars de la même année. À propos
des perquisitions, le conseil, rappelle ce qu’il avait déjà énoncé en 1996 : « Considérant,
en second lieu, qu’eu égard aux exigences de l’ordre public et de la poursuite des

99
Cons. const., 16 juill. 1996, n°96-377 DC
100
Cons. const., 29 décembre 1983, n°83-164 DC
101
Cons. const. 29 décembre 1989, n°89-268 DC
102
Ibid
47

auteurs d’infractions, le législateur peut prévoir la possibilité d’opérer des


perquisitions, visites domiciliaires et saisie de nuit dans le cas où un crime ou un délit
relevant de la criminalité organisée et de la délinquance organisées vient de se
commettre, à condition que l’autorisation de procéder à ces opérations émane de
l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, et que le déroulement des
mesures autorisées soit assorti de garanties procédurales appropriées »103. Il rapelle
constitutionnel rappelle encore une fois son attachement au respect de la vie privée,
même si il retient dans cette décision, une conception restrictive de la liberté104, en
exigeant, au moins pour les perquisitions nocturnes, un contrôle de l’autorité judiciaire.

Il semble ainsi que le dispositif actuel relatif aux perquisitions en matière de criminalité
organisée, soit conforme aux exigences traditionnelles du Conseil constitutionnel datant
de 1996.
Pour en terminer, le caractère nocturne des perquisitions effectuées dans un local
d’habitation (notamment administrative eu égard à l’état d’urgence), a encore donné
lieu à des commentaires. Le Conseil constitutionnel a en effet rendu une récente
décision datée du 19 février 2016 à ce propos, à la suite d’une QPC transmise par le
Conseil d’État. La Haute juridiction juge ainsi conforme au bloc de constitutionnalité
les perquisitions administratives fondées sur l’état d’urgence. En revanche, des limites
sont posées aux perquisitions nocturnes105, à travers le considérant n°10 qui précise :
« une perquisition se déroulant la nuit dans un domicile doit être justifiée par l’urgence
ou l’impossibilité de l’effectuer le jour ». Le dispositif en vigueur applicable aux
perquisitions, vise expressément « l’urgence »106 en imposant de plus que l’ordonnance
judiciaire précise en quoi il est impossible d’accomplir les perquisitions pendant les
heures légales. La Haute juridiction rappelle que l’ordonnance judiciaire doit être
motivée, expliquant en quoi il est impossible de procéder à une perquisition aux heures
légales.


103
Cons. const., 2 mars 2004, n° 2004-492 DC (v. consid. 4)
104
J. ALIX, Politique criminelle : les ultimes leçons d’un Conseil constitutionnel, RSC 2016 p. 163
105
Cons. const., 19 février 2016, déc. n°2016-536 QPC, JCP G 2016, n° 477, note C. Ribeyre
106
v. art. 706-91 du Code de procédure pénale
48

Ainsi le dispositif en vigueur applicable aux perquisitions répond aux exigences


constitutionnelles posées dès 1996, s’affinant par la suite jusqu’en 2016. Des critères
ont été dégagés permettant un respect apparent des libertés fondamentales par le prisme
de garanties procédurales, tout en prenant en compte, la situation exceptionnelle que
constitue l’état d’urgence, à la suite des attentats de novembre 2015.

CHAPITRE 2. Les innovations concernant les moyens de preuve.

Face à la spécificité du terrorisme, mais aussi aux nouveaux outils technologiques


utilisés par cette criminalité pour arriver à ses fins, le législateur a étendu et créé de
nouveaux moyens de preuves destinés à faciliter la lutte contre le terrorisme.
En effet, on peut observer avec les dernières lois intervenues en la matière qu’une
« spécialisation d’un droit du terrorisme dérogatoire au droit commun »107 voit le jour,
entre prévention et répression. Le législateur procédant à une dématérialisation des
moyens d’investigations a étendu le régime dérogatoire déjà applicable pour les crimes
et délits relevant de la criminalité organisée.

La loi du 13 novembre 2014 amorça en premier lieu ce virage en amplifiant les moyens
d’investigations dérogatoires (Section 1). La loi du 3 juin 2016 quant à elle, a recours
aux nouvelles technologies de manière plus approfondie dans le but de ne laisser aucun
champ d’action aux auteurs d’actes de terrorisme (Section 2).

Section 1. Une extension des moyens d’investigations par la loi du 13 novembre


2014

L’utilisation accrue d’internet, important outil utilisé par le terrorisme pour faciliter le
recrutement d’individus, y faire de la propagande ou encore vanter les mérites d’auteurs
d’actes terroristes, a poussé le législateur à étendre les moyens d’investigations.


107
C. MAURO, Une nouvelle loi contre le terrorisme : quelles innovations ? - A propos de la loi n°2014-
1353 du 13 novembre 2014, JCP G n°48, 24 nov. 2014, p. 1203
49

La loi du 13 novembre 2014 y a répondu en partie en amplifiant le régime dérogatoire


applicable aux actes de terrorisme par des moyens d’investigations numériques.
En premier lieu, l’extension des moyens d’investigations se traduit par l’amélioration du
régime des perquisitions informatiques. Celles ci, autrement appelées perquisitions
numériques ou « cyberperquisitions », consistent en la recherche d’éléments de preuve
d’une infraction commise sur internet. Cette recherche pouvant nécessiter la
perquisitions de l’outil informatique, ayant permis la réalisation de cette infraction ou
simplement ayant permis à l’individu de se connecter sur internet. Cet accès aux
données informatiques était déjà prévu à l’article 57-1 du Code de procédure pénale. En
effet, il était possible pour les officiers de police judiciaire, au cours d’une perquisition
d’accéder aux systèmes informatiques présents sur les lieux. Mais ce moyen
d’investigation s’est vite retrouvé désuet avec « l’émergence du cloud computing »108
ainsi que de l’utilisation massive des smartphones agissant comme de véritables
ordinateurs. C’est ainsi que l’article 13 de la loi du 13 novembre 2014 est venu modifié
l’article 57-1 du Code de procédure pénale, en permettant aux officiers de police
judiciaire de mettre en œuvre ces « cyberperquisitions » de données stockées à distance
ou sur des mobiles, depuis leurs locaux. Une plus grande marge de manoeuvre est
accordée aux enquêteurs pour leur permettre d’accéder à des données informatiques
« intéressant l’enquête en cours et stockées dans un autre système informatique, si ces
données sont accessibles à partir du système initial »109. Il faut tout de même noter que
ces perquisitions numériques restent soumises aux règles prévues par l’article 57 du
Code de procédure pénale concernant la présence de l’intéressé, ou à défaut de son
représentant ou deux témoins, ainsi qu’aux règles relatives aux perquisitions prévues
pour certaines professions aux articles 56-1 et suivants du même code.

En second lieu, une autre interrogation s’est présentée au législateur en raison des
« techniques d’anonymisation utilisés par les internautes »110. En effet l’identification
des délinquants en relation avec un projet terroriste étant difficile, la loi du 13 novembre
2014, en son article 19 généralise l’enquête sous pseudonyme. Le législateur étend le


108
M. QUEMENER, Les nouvelles dispositions de lutte contre la cybercriminalité issues de la loi du 13
novembre 2014 renforçant la lutte contre le terrorisme, AJ Pénal 2015 p. 32
109
Art. 57-1 du Code de procédure pénale
110
M. QUEMENER op. cit.
50

champ d’application de ce type d’enquête à la délinquance et criminalité organisées


dont font partie les infractions terroristes111. Ainsi, des agents et officiers agréés peuvent
réaliser des enquêtes pénales relatives au terrorisme sur internet en utilisant un
pseudonyme. Par ce procédé, le recueillement des preuves d’infractions commises sur
internet ou par l’intermédiaire d’un réseau informatique (comme par exemple les
infractions de provocation et d’apologie du terrorisme) s’en trouve facilité.
L’irresponsabilité pénale des enquêteurs est consacrée. Elle leur permet d’échanger des
contenus illicites avec des suspects, sous réserve de ne pas inciter à la commission d’un
crime ou d’un délit112. Il est à noter que cette enquête en ligne sous pseudonyme est
quelque peu contestée pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, ces contestations s’élèvent au nom du principe de loyauté dans
l’acquisition des preuves, mais également au nom de l’article 6 §1 de la Convention
européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable, compte tenu de
la frontière ténue qui existe entre l’échange de contenu illicite autorisé et l’incitation à
la commission d’un crime ou d’un délit prohibé.
Ensuite, parce que la généralisation de l’enquête sous pseudonyme est un exemple de
digression de la loi113 comme le révèle un rapport rendu par la commission des lois au
Sénat « sans doute, l’extension du procédé de cybersurveillance à l’ensemble des délits
et des crimes relevant de la criminalité organisée dépasse en partie l’objet du texte,
dans la mesure où le terrorisme ne représente qu’une partie de ces délits et de ces
crimes » 114 . On ne peut ainsi que regretter cette généralisation de l’enquête sous
pseudonyme qui étend des dispositifs dérogatoires à des infractions ne présentant aucun
lien avec le terrorisme, même si l’intitulé de la loi du 13 novembre 2014 laisser penser
le contraire.

La loi du 13 novembre 2014 entend donc lutter contre le terrorisme, sur le terrain du
web, plus précisément contre le « cyberterrorisme ». Le droit pénal se trouve ainsi
imbibé par la sphère du numérique au nom de la lutte contre le terrorisme démontrant


111
Art. 706-73 du Code de procédure pénale
112
CEDH 9 juin 1998, Teixera de Castro c/ Portugal ; CEDH, gde ch., 5 février 2008, Ramanauskas c/
Lituanie
113
H. ROUIDI, AJ pénal, op. cit. 2014, p. 555
114
Rapport n°9 (2014-2015) de J.-J HYEST et A. RICHARD, fait au nom de la commission des lois,
déposé le 9 octobre 2014.
51

tout de même une certaine dangerosité quant aux droits et libertés fondamentaux. Il faut
tout de même souligner les innovations apportées en la matière et les réponses qu’elles
permettent face à la gravité des actes de terrorisme.

La loi du 3 juin 2016 a emprunté le même chemin concernant les moyens de preuve et
exploite de manière plus poussée les nouvelles technologies au nom de l’efficacité de la
lutte contre le terrorisme.

Section 2. Le recours aux nouvelles technologies par la loi du 3 juin 2016

La loi du 3 juin 2016 élargit de façon significative les pouvoirs d’enquête et


d’instruction en matière de terrorisme et plus largement en matière de criminalité
organisée, par le recours aux nouvelles technologies. Le législateur tout en étendant les
moyens d’investigations, réservés originellement à l’instruction, créer de nouveaux
moyens d’enquêtes de façon à faciliter la poursuite des infractions en relation avec un
projet terroriste.

En premier lieu, la loi du 3 juin 2016 procède à une extension des techniques
probatoires déjà existantes. Tel est le cas des sonorisations et fixations d’images. Les
articles 706-96 et suivants du Code de procédure pénale permettent celles-ci dans les
enquêtes en matière de criminalité organisée et de terrorisme. Ces techniques sont
soumises à la requête du procureur de la République et sur autorisation du JLD. Leur
durée pendant l’enquête de police ne peut excéder 2 mois. En revanche, durant
l’information judiciaire, la durée maximale est portée à 2 ans. La loi du 3 juin 2016 a
donc étendu cette technique probatoire aux enquêtes de police, bien que le délai en soit
plus bref pour éviter une éventuelle censure de la part du Conseil constitutionnel.
De plus une amélioration est nettement percevable dans la loi précitée concernant le
dispositif procédural d’accès aux correspondances électroniques. Le législateur a
constitué trois dispositifs distincts.
En premier lieu, les articles 100 et suivants du Code de procédure pénale concernent
l’interception de correspondances dont le régime est applicable à toutes les
52

correspondances électroniques, « incluant les courriels échangés à compter de la date


d’autorisation de l’interception »115.
En second lieu, le deuxième dispositif est relatif à l’accès aux courriels conservés sur
des serveurs distants. Les enquêtes et instructions relatives à des faits en lien avec le
terrorisme, le JLD ou le juge d’instruction peut y autoriser l’accès à distance et à l’insu
de l’individu concerné116. A ce titre, il convient de noter la faible protection accordée
aux individus concernés puisque les conditions d’application ne sont pas précisées. En
effet, la durée de l’accès aux correspondances n’est pas déterminée, alors que la CEDH
rappelle que « la conventionalité de l’ingérence dans la vie privée dépend de la durée
de la mesure » 117 . De plus un silence règne sur une nécessaire motivation de
l’ordonnance autorisant cette technique, ainsi que sur les correspondances litigieuses :
« tous les comptes de messageries de l’intéressé ou certains seulement » 118 sont
concernés ? Des précisions seraient les bienvenues.
En troisième lieu, le dernier dispositif est relatif à l’accès aux courriers électroniques
contenus sur tout support informatique comme les ordinateurs, smartphones, tablettes
etc...
En matière de terrorisme et plus largement de criminalité organisée, le JLD ou le juge
d’instruction peut autoriser par ordonnance motivée qu’un dispositif technique soit mis
en place (par exemple un code malveillant) permettant, sans l’accord des personnes
visées, d’accéder dans n’importe quel endroit, à des données de nature informatique
quelle que soit leur forme. Les enquêteurs peuvent les enregistrer, les conserver et les
transmettre selon l’article 706-102-1 du Code de procédure pénale.
En tout état de cause un régime propre aux correspondances stockées par la voie des
communications électronique est institué par la loi du 3 juin 2016. Ce régime n’est donc
plus lié à celui applicable aux perquisitions. De plus il permet de neutraliser une
solution de la chambre criminelle qui avait affirmé que « n’entrent pas dans les
prévisions des articles 100 à 100-5 du Code de procédure pénale l’appréhension,


115
E. VERGES, La procédure pénale à son point d’équilibre, - (À propos de la loi n°2016-731 du 3 juin
2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant
l’efficacité et les garanties de la procédure pénale), RSC 2016 p. 551
116
Art. 706-95-1 et s. du CPP.
117
CEDH, 2 déc. 2010 n°35623/05, Uzun c/ Allemagne, D. 2010. 2161, obs. S. Lavric et 2011. 724, note
H. Matsopoulou ; RSC 2011. 217, obs. D. Roets.
118
O. DÉCIMA, Terreur et métamorphose, (À propos de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016 sur la lutte
contre le terrorisme), Recueil Dalloz 2016 p. 1826
53

l’enregistrement et la transcription de correspondance émises ou reçues par la voie des


télécommunications antérieurement à la date de la décision écrite d’interception prise
par le juge d’instruction, lesquels doivent être réalisés conformément aux dispositions
légales relatives aux perquisitions »119. La chambre criminelle était opposée à ce que
soit saisi l’ensemble des correspondances stockées sur une messagerie électronique120.
Ces dispositifs sont réalisables en enquêtes de flagrance ou en enquêtes préliminaires.

Les investigations numériques se sont donc considérablement développées au mépris de


certains droits fondamentaux comme le droit au respect de la vie privée.

Mais la loi du 3 juin 2016 ne s’est pas arrêtée là. Elle a mis également en place de
nouvelles techniques probatoires, de nouveaux moyens d’investigations ayant comme
support les nouvelles technologies. Le législateur légalise ainsi ces nouvelles techniques
en matière de criminalité organisée, et de terrorisme.
Parmi ces innovations, une des plus importantes concernant l’utilisation des nouvelles
technologies en matière de criminalité organisée et de terrorisme, est la mise à
disposition des enquêteurs de l’IMSI catcher121. Cette nouvelle technique probatoire est
insérée aux articles 706-95-4 et 706-95-5 du Code de procédure pénale et n’est plus une
technique utilisée exclusivement par les services de renseignement. L’IMSI catcher
fonctionne comme une fausse antenne relais, et consiste en l’utilisation d’un appareil
qui va permettre de détecter des données de communication pour identifier un numéro
de téléphone ou pour révéler l’identité des destinataires, mais également des émetteurs à
proximité de cet instrument (l’identifiant comportant 15 ou 16 chiffres à l’intérieur de la
carte sim sera dévoilé permettant d’identifier l’usager). Cette technique a très vite
trouvé son utilité notamment pour des suspects dont le numéro de téléphone est
inconnu, ou encore lorsque ces derniers changent fréquemment de téléphone ou en
utilisent plusieurs (ce fut le cas lors de l’attentat de l’Hyper Cacher en janvier 2015, ou
le terroriste Amedy Coulibaly utilisait pas moins de 13 téléphones portables122). L’IMSI
catcher « se présente ainsi comme une technique d’investigation préalable à une


119
Crim. 8 juil. 2015, n°14-88.457, D. 2015. 1542 ; AJ pénal 2016. 90, obs. G. ROUSSEL
120
H. MATSOPOULOU, JCP n°25, op. cit. 2016
121
IMSI = International Mobile Subscriber Identity
122
v. E. CAZI et E. VINCENT, Le Monde, « Amedy Coulibaly et ses sous-traitants » 17 fév. 2015
54

interception de communication »123. Des garanties procédurales sont consacrées. C’est à


la demande du procureur de la République que le JLD va décider ou non, durant
l’enquête de recourir à l’utilisation de cet appareil qui ne peut excéder deux mois
maximum (renouvellement compris). En cas d’information judiciaire c’est le juge
d’instruction qui donne son accord pour une durée ne pouvant excéder six mois
(renouvellement de deux mois maximum). Il faut préciser qu’une mesure dérogatoire
est prévue à cette procédure (elle même dérogatoire) :
- le procureur de la République peut ne pas solliciter l’autorisation du JLD et avoir
recours à l’IMSI catcher pour intercepter des données de connexion et les récupérer
durant une période de quarante-huit heures. Cette période est renouvelable une fois, et
cette fois ci l’autorisation du JLD pendant l’enquête, ou du juge d’instruction pendant
l’information judiciaire, est requise. Cependant « à la lecture des travaux
parlementaires124, cette utilisation dérogatoire semble réservée à des circonstances très
précises, telles qu’une prise d’otage » 125 . La matière terroriste pour cette dernière
hypothèse semble visée de manière exclusive.
Toutefois ce nouveau moyen d’investigation présente des dangers en raison de l’atteinte
à l’intimité de la vie privée, car permet de capter tous les échanges dans une zone
déterminée, quel qu’en soit l’auteur126.
Le législateur a donc anticipé ce problème à l’article 706-95-10 du Code de procédure
pénale « les correspondances interceptées (...) ne peuvent concerner que la personne ou
la liaison visée par l’autorisation d’interception ». Une motivation à cet égard est donc
attendue.

Cet ensemble de mesures destinées à améliorer les techniques probatoires semble


satisfaire aux nécessités de la répression en matière de terrorisme et plus largement, de
criminalité organisée au regard de la gravité que ces actes portent à la société.
Le législateur ayant prévu des garanties pénales par l’intervention du JLD en amont de
ces procédés, évite ainsi une éventuelle censure de la part du Conseil constitutionnel.


123
E. VERGÈS, RSC, op. cit. 2016
124
Rapp. n°491, 23 mars 2016, M. Mercier, p. 57
125
E. VERGÈS, RSC, op. cit. 2016
126
O. DÉCIMA , Recueil Dalloz, op. cit. 2016
55

Néanmoins des réserves peuvent être formulées, concernant notamment la validité des
saisies incidentes dans toutes les hypothèses précitées, permettant d’appliquer le régime
dérogatoire à des infractions de degré moindre. L’intervention du JLD peut susciter
également quelques interrogations puisqu’il « ne pourrait être qu’une simple formalité
s’il n’a pas une connaissance réelle du dossier de la procédure »127. Son indépendance
à l’égard du procureur de la République pourrait ainsi être compromise.
Enfin une inquiétude doit être formulée au regard du renforcement de l’enquête de
police en la matière. En effet, cette enquête peut se retrouver identique avec
l’information judiciaire concernant les moyens d’investigations. On peut ainsi se poser
la question de l’opportunité de garder l’information judiciaire en matière de terrorisme.
L’avenir législatif nous le dira.



127
H. MATSOPOULOU, JCP n°25, op. cit., 2016
56

Conclusion

Les dernières évolutions législatives en matière de terrorisme se sont calquées sur les
évènements qui ont touché la France.
Après l’affaire « Mérah », l’incrimination d’entreprise terroriste individuelle fut créée.
Après l’affaire Charlie Hebdo, ce sont les incriminations de provocation et d’apologie
du terrorisme qui furent introduites dans le Code pénal etc....
En d’autres termes, et à chaque événement majeur en lien avec le terrorisme, le
législateur a adapté l’arsenal législatif, et durcit la répression, démontrant une relative
impuissance face à cet adversaire.

Le dispositif antiterroriste semble s’articuler autour de l’anticipation des passages à


l’acte d’apprentis terroristes ou de terroristes confirmés. L’accent est mis sur la
prévention à l’aide d’une répression accrue concernant la préparation d’actes de
terrorisme, qu’elle soit liée à l’activité d’un individu isolé, ou à une véritable
organisation.
Cette prévention s’étend également à la lutte grandissante sur Web, véritable terrain de
jeux des réseaux terroristes (concernant le recrutement, la propagande, l’apologie
d’actes de terrorisme etc...).
Selon le Professeur Nicolas Catelan, des questions subsistent quant à l’arsenal répressif
en matière de terrorisme qui peut se résumer ainsi : « que sont les lois terroristes ? Sont-
elles encore des lois d’exception ? Des lois dérogatoires de la criminalité organisée ?
Des lois de circonstances (qui durent) ? »128 . De plus, sa réflexion sur le point de savoir
de savoir si « les lois terroristes ne seraient-elles pas devenus le droit commun de
demain ? »129

Le législateur, au nom de la protection de la Nation et de ses citoyens, et dans un souci


de lutter contre le fanatisme et l’intolérance130, n’hésite plus à mettre à mal les droits et
libertés fondamentaux.


128
N. CATELAN, Lutte contre le terrorisme, RSC 2015. 425
129
Ibid.

57

Les garanties procédurales manquent également d’effectivité concernant certains


moyens de preuve. Se pose ainsi la question de savoir jusqu’où les garanties
constitutionnelles et conventionnelles seront malmenées au nom de la lutte contre le
terrorisme ?

La législation antiterroriste n’a pas fini de faire couler beaucoup d’encre...


58

Bibliographie

OUVRAGES NON JURIDIQUES

• M. PRAZAN, Une histoire du terrorisme, Éditions Flammarion, 2012.


• A. REY, Dictionnaire historique de la langue française, Tome 3, Paris, Le
Robert, 1998
• Dictionnaire Le Petit Robert, Édition 2015

OUVRAGES GÉNÉRAUX

• B. BOULOC, H. MATSOPOULOU, Droit pénal général et procédure pénale,


Sirey, 20ème édition, 2016
• G.CORNU, Vocabulaire juridique de l’Association Henry Capitan, PUF, 2015

• E. DREYER, Droit pénal spécial, Ellipses, 3ème édition, 2016

• A. LEPAGE, H. MATSOPOULOU, Droit pénal spécial, 1ère édition, PUF, 2015

• Y. MAYAUD, Droit pénal général, PUF, 5ème édition, 2015

OUVRAGES SPÉCIAUX

• B. BEIGNIER, B. de LAMY, E. DREYER, Traité de droit de la presse et des


médias, Litec, 2009, 1re édition, 2009
• B. BOULOC, Problèmes actuels de science criminelle, Presses Universitaires
d’Aix-Marseille, PUAM 1989, p. 70
• L. DEBEAUSSE, La lutte contre le terrorisme : les réponses du droit, Mémoire
de recherche sous la direction du Professeur Y. MAYAUD, Université Paris II
Panthéon-Assas, 2014

ENCYCLOPÉDIES

• J. ALIX, Jurisclasseur, Code pénal Art. 421-1 à 422-7, Fascicule 20, Terrorisme,
30 juin 2014
• Y. MAYAUD, Répertoire de Droit pénal et de procédure pénale, Terrorisme,
février 2015
• J.- B. THIERRY, Jurisclasseur, Lois pénales spéciales, Fascicule 60, Presse et
communication – Provocation aux crimes et délits, 29 mars 2017

ARTICLES ET CHRONIQUES

• J. ALIX, La répression de l’incitation au terrorisme, Gazette du Palais, 24


février 2015, n°55 p. 55
59

• J. ALIX, Politique criminelle : les ultimes leçons d’un Conseil constitutionnel,


RSC 2016 p. 163
• O. CAHN, Réflexions désabusées sur le chapitre I du titre I de la loi n°2016-731
du 3 juin 2016 - AJ pénal 2016. p. 408
• M.-E. CARTIER, Le terrorisme dans le nouveau code pénal français, RSC
1995, p. 225
• N. CATELAN, Lutte contre le terrorisme, RSC 2015. p. 425
• O. DÉCIMA, Terreur et métamorphose, (À propos de la loi n°2016-731 du 3
juin 2016 sur la lutte contre le terrorisme), Recueil Dalloz 2016 p. 1826
• S. DETRAZ, Le délit de préparation d’une infraction en lien avec une entreprise
individuelle terroriste, Gazette du Palais, 27 novembre 2014, n°331, p. 5
• E. DUPIC, Une nouvelle loi pour renforcer les dispositions relatives à la lutte
contre le terrorisme Gazette du Palais, 26 novembre 2014, n°331 p. 5
• S. FUCINI, « Ce que prévoit la loi renforçant la lutte contre le crime organisé et
le terrorisme », Dalloz,14 juin 2016,
• A. GOGORZA, B. de LAMY. Lutte contre le terrorisme- « L’abrogation par le
Conseil constitutionnel du délit de consultation habituelle de sites terroristes »,
JCP G, n°13, 27 mars 2017, p.343.
• H. MATSOPOULOU, Les nouveaux moyens de preuve au service de la
criminalité organisée. - A propos de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016. JCP G.
2016. 707, p. 1222
• C. MAURO, Une nouvelle loi contre le terrorisme : quelles innovations ? - A
propos de la loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014, JCP G n°48, 24 nov. 2014,
p. 1203
• Y. MAYAUD, La politique d’incrimination du terrorisme à la lumière de la
législation récente, AJ pénal 2013, p. 442
• R. OLLARD, La réforme pénale du 3 juin 2016 : aspects de droit pénal,
Lexbase, la lettre juridique, n°662, 7 juillet 2016
• M. QUEMENER, les nouvelles dispositions de lutte contre la cybercriminalité
issues de la loi du 13 novembre 2014 renforçant la lutte contre le terrorisme, AJ
Pénal 2015 p. 32
• R. ROUIDI, La loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les
dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme : quelles évolutions ? AJ
Pénal 2014, p. 555
• A. SEID ALGADI, Inconstitutionnalité partielle des dispositions relatives au
délit d’entreprise individuelle de terrorisme, Lexbase, 10 avr. 2017
• E. VERGES, La procédure pénale à son point d’équilibre, - (À propos de la loi
n°2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le
terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la
procédure pénale), RSC 2016 p. 551

ARTICLES DE PRESSE

• Propos recueillis par A. VECRIN et N. ROUSSEAU, Terrorisme, mot à mues,


Libération, 22 juin 2016.
60

• Propos recueillis par E. CAZI et E. VINCENT, Amedy Coulibaly et ses sous-


traitants, Le Monde, 17 fév. 2015
• Propos recueillis par S. JOAHNY Apologie du terrorisme : 385 personnes
condamnées en France en 2015, le Journal du Dimanche, 3 septembre 2016

SOURCES LEGALES ET CONVENTIONNELLES

• Convention pour la prévention et la répression du terrorisme, Genève, 16


novembre 1937
• Convention de l’OEA pour la prévention ou la répression des actes de
terrorisme, Washington D.C, 2 février 1971
• Convention européenne sur la répression du terrorisme, Strasbourg, 27 janvier
1977
• Convention dite de Varsovie du Conseil de l’Europe pour la prévention du
terrorisme, 16 mai 2005
• Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse
• Loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence
• Loi n°86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme
• Loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal
relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes
• Loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme
et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées
d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la
police judiciaire
• Loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne
• Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure
• Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions
de la criminalité
• Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique
• Loi n° 2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre
le terrorisme
• Loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la
lutte contre le terrorisme
• Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le
terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la
procédure pénale
• Loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385
du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de
la lutte antiterroriste
• Loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique

SOURCES JURISPRUDENTIELLES

Conseil constitutionnel

• * DC n°83-164 du 29 décembre 1983


61

• DC n°86-213 du 3 septembre 1986


• DC n°89-268 du 29 décembre 1989
• DC n° 96-377 DC du 16 juillet 1996
• DC n° 2004-492 du 2 mars 2004
• DC n°2013-679 du 4 décembre 2013
• DC n°2016-536 QPC du 19 février 2016
• DC n°2016-611 QPC du 10 février 2017
• DC n°2017-625 QPC du 7 avril 2017

Cour de cassation

• Crim. 7 mai 1987, Bull. crim. n°186
• Crim. 24 septembre 1987, Bull. crim. n°313.
• Cass. 1ère civ. 17 octobre 1995, Bull. civ. I, n°368
• Crim. 6 mars 2013, Bull. crim. n°62
• Cass. 1ère Civ. 10 avril 2013 n°11-19530, Bull. civ. I, n°70
• Crim. 21 mai 2014, n°13-83758, Bull. crim. n°136
• Crim. 8 juil. 2015, Pourvoi n°14-88.457
• Crim., 29 novembre 2016 Pourvoi n°16-90.024

Cour d’appel

• CA, Paris, 1ère ch. Corr. 5 juillet 2001 n°2001-164804

Tribunal correctionnel :

• TGI, Paris, 16e ch. corr. 18 mars 2015
• Trib. corr. Montpellier, 31 août 2016
• Trib. corr. Marseille, 15 septembre 2016

Cour européenne des droits de l’homme

• CEDH 9 juin 1998, Teixera de Castro c/ Portugal ;


• CEDH, gde ch., 5 février 2008, Ramanauskas c/ Lituanie
• CEDH, 2 décembre 2010, req. n° 35623/05, Uzun c/ Allemagne

SITES INTERNET

• www.sinelege.hypothèses.org : J.-B. THIERRY, Actualité du droit criminel –


Loi du 3 juin 2016 (date de consultation 20 avril 2017)





62

Table des matières





Introduction..................................................................................................................... 6

PARTIE 1. LA SPÉCIFICITÉ DES INFRACTIONS DANS LA LUTTE


CONTRE LE TERRORISME..................................................................................... 12

CHAPITRE 1. Le terrorisme, objet d’incriminations particulières .................... 12


Section 1. Les infractions poursuivant une finalité terroriste ................................. 13
A) Les éléments communs aux différentes infractions terroristes par le biais de
l’article 421-1 du Code pénal.............................................................................. 13
B) Les particularités des infractions terroristes traduisant une diversité ............ 16
Section 2. Le contexte terroriste comme circonstance particulière nécessaire à la
qualification d’infractions terroristes ...................................................................... 20
A) L’exigence d’un contexte terroriste ............................................................... 21
B) L’intention terroriste poursuivant un but spécifique...................................... 23

CHAPITRE 2. La création d’incriminations nouvelles et spécifiques................. 26


Section 1. Le terrorisme par entreprise individuelle, une innovation de la loi du 3
novembre 2014 ....................................................................................................... 27
A) L’incrimination de terrorisme par entreprise individuelle ............................. 27
B) La constitutionnalité du délit questionnée ..................................................... 30
Section 2. L’incitation à la commission d’actes de terrorisme ............................... 33
A) La définition de l’article 421-2-5 du Code pénal réprimant le terrorisme par
provocation ou apologie...................................................................................... 34
B) La création d’incriminations réprimant l’apologie « dérivée » du terrorisme
............................................................................................................................ 36
63

PARTIE 2. LE PARTICULARISME DE LA PROCÉDURE PÉNALE DANS LA


LUTTE CONTRE LE TERRORISME ...................................................................... 41

CHAPITRE 1. La spécificité du régime des perquisitions .................................... 41


Section 1. Le régime dérogatoire des perquisitions en matière de terrorisme ........ 42
Section 2. La constitutionnalité du régime des perquisitions ................................. 46

CHAPITRE 2. Les innovations concernant les moyens de preuve. ..................... 48


Section 1. Une extension des moyens d’investigations par la loi du 13 novembre
2014 ........................................................................................................................ 48
Section 2. Le recours aux nouvelles technologies par la loi du 3 juin 2016 ........... 51

Conclusion ..................................................................................................................... 56

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