1 C-5 Kabou Rendue Là
1 C-5 Kabou Rendue Là
1 C-5 Kabou Rendue Là
Ce livre est très mal écrit et très mal construit. Plusieurs idées centrales sont répétées, mais
pas assez développées. L’ensemble de l’argument est circulaire et ne débouche pas sur ses
conclusions naturelles. En particulier, les conséquences des lacunes de l’historicité ne sont pas
tirées correctement. Bref, c’est comme si le travail d’édition n’avait pas été fait. Cette
mauvaise finition fait en sorte qu’il est possible de ne pas voir tout l’attrait que représente la
thèse de l’auteur. Sa thèse rejoint celle de Weber, celle que j’ai reprise dans mon article
(2007).
Pour aller à l’essentiel et sans nier l’immensité des défis particuliers qui se pose à l’Afrique
subsaharienne, l’auteur défend la thèse que les causes principales des problèmes de l’Afrique
sont endogènes, d’ordre culturel1, et qu’ils tiennent à un mauvais leadership de ses classes
dirigeantes. En gros, les choix des dirigeants ont toujours favorisé les voies les plus faciles de
l’économie de prédation et les ruptures d’ordre culturelles n’ont pas été effectuées avec assez
de régularité, de profondeur et de principes.
Avant-propos
Il y a un problème d’historicité en Afrique. Les difficultés ne remontent pas au passé colonial,
mais elles s’enracinent dans l’anthropologie. Le « coeur du problème… relève avant tout de la
production de soi et du changement social compris comme processus historique » (10). Pour
dire les choses autrement, ou bien l’Afrique est un « objet » de l’histoire, l’objet des
puissances coloniales, qu’elle n’assume pas sa subjectivité, qu’elle est totalement manipulée
par « les autres », qu’elle ne s’assume pas comme entité, ou bien elle refuse le
développement. L’alternative à ce dualisme est que les dirigeants africains n’y sont que pour
eux-mêmes, qu’ils ne sont pas solidaires de leurs populations.
Depuis combien de temps le sort des dirigeants africains est-il dissocié du sort de ses
populations? « Au-delà des procès de corruption (…) se posent (…) deux questions (…) : par
quel processus et à quel horizon pourrait-on voir émerger, dans cette région, des coalitions
dominantes porteuses d’autres projets que la prédation sans fin? » (12) Car, Kabou le note, la
prédation est le trait économique le plus répandue des économies africaines, historiquement et
géographiquement, et cela donc, bien avant le colonialisme et cela se poursuit encore
actuellement, comme dans le cas du gouvernement Wade, où le clan de la classe politique au
pouvoir semble s’être servie des deniers publics comme caisse personnelle destinée à son
enrichissement.
Les considérations d’ordre économique de l’insertion de l’Afrique dans le monde sont à trop
courte vue pour être utile. Il faut regarder plus loin, plus globalement l’ordre du problème
central. La considération d’ordre économique se limite alors à des recettes qui servent
d’injonction, qui viennent de l’extérieur : elles ne peuvent se substituer aux transformations
des « procédures par lesquelles les sociétés africaines produisent leur histoire. » (17)
1
Il faut comprendre culturel dans son sens fondamental, anthropologique de ce qui structure l’ontologie, pas la
manifestation esthétique de la culture. Ce n’est pas la culture africaine qui pose problème, ce n’est pas sa
dimension esthétique, sa nourriture, son habilement, ses politesses, etc., c’est sa structuration traditionnelle, ses
lourdeurs. La culturel traditionnelle est parfaite pour la société traditionnelle, mais pour la société moderne, la
culture doit être modernisée .
1
L’insertion de l’Afrique à l’économie monde remonte au moins à l’antiquité et conserve ce
trait caractéristique de se passer de ses populations (y compris lorsque celles-ci sont soit
disant vendues comme esclaves2) et se limite à la prédation des richesses, à l’échange de
matières précieuses et à la prestation de redevances. L’ensemble des nouveaux plans (Lagos,
Panudera, Pad, Nepad, etc.) demeure conforme à cette tendance historique. « Les institutions
et autres acteurs censés produire les résultats escomptés font partie des problèmes préalables à
résoudre. » (19)
La marginalisation en question
La première partie du livre est consacrée à la question de la marginalisation de l’Afrique et à
la démonstration qu’aucun consensus n’émerge de ce d ébat, pour la simple raison que là n’est
pas la question cruciale. En fait, les principaux indicateurs choisis pour étaler la thèse de la
marginalisation sont d’ordre économique, fabriqué et répandu par les institutions financières
internationales.
« L’Afrique représente 12 % (15 % fb) de la population mondiale, 1,5 % du PIB de la planète.
Elle exporte des combustibles, quelques maigres produits manufacturés et des matières
premières non énergétiques vers l’Asie, l’Union européenne, l’ALENA, etc. Elle n’a reçu, en
2007, que 2,4 % des investissements directs étrangers mondiaux. Ces derniers sont allés, pour
la moitié, au secteur des mines et du pétrole. » (38) À partir de là, il est clair que l’Afrique est
marginalisée dans le monde, mais pourquoi? Parce que son poids économique est moindre
que son poids démographique? Mais pourquoi en est-il ainsi?3
Y a-t-il ou non marginalisation? L’Afrique doit-elle ou non s’insérer dans le monde? Refuser
volontairement, vers une forme d’autarcie? Garder sa négritude comme horizon de
développement? Et que signifierait-elle en fait? Quelle est donc la particularité de l’Afrique?
Est-elle culturelle? Comment pourrait-on alors définir cette dimension culturelle? À quoi
s’opposerait-elle? À la science? À la rationalité? À la forme de la famille? À la place de la
religion dans la société? À la solidarité? Laquelle solidarité, celle que l’on retrouve dans les
2
Olivier Pétré-Grenouilleau a estimé, en 2004, à 42 millions le total de victimes pour les trois traites négrières :
17 millions de personnes pour la traite orientale ; 14 millions pour la traite intra-africaine (surtout vers Afrique
du Nord) ; et de 11 à 13 millions de personnes pour la traite Atlantique, surtout à partir de la fin du XVIIe siècle.
Hugh Thomas (1997) a estimé ce total de la traite Atlantique à 13 millions de personnes. David Eltis (2008) dans
The Trans-Atlantic Slave Trade Database, estime à 12,5 millions le nombre de personnes déportées entre 1501 et
1866. Serge Daget (1990) estime la traite atlantique à 11,7 millions ; la traite transsaharienne à 7,4 millions ; la
traite orientale à 4,28 millions. Il semble, à la fin, que l’essentiel à retenir n’est pas un chiffre exact, mais l’idée
générale que c’est par millions que l’Afrique a vendu des esclaves au monde qui l’entoure (est, nord, ouest),
c’est un trait caractéristique de son insertion historique dans le commerce mondial, et cela même à partir de ses
élites. Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Traites_négrières
3
Pour les fins de la réflexion, voici quelques chiffres sur l’Afrique en 2010 : Population : 1 032 532 974
habitants ; Superficie : 30 520 630 km2 ; Densité : 33.83 habitants/km2 ; Nombre de pays & territoires : 59 ;
Espérance de vie : 53.20 ans ; Taux de natalité : 35.60 ‰ ; Taux de mortalité : 13.00 ‰ ; Taux de mortalité
infantile : 84.90 ‰ ; Nombre de langues parlées : 1 302 ; PIB/habitant 2007 : 1 380 $USD.
2
villages ou celle qui prévaut dans les villes? Et l’éducation, doit-elle être généralisée? Quel
serait son contenu? L’Éducation aux valeurs universelles (droit, justice, équité, etc.) ou aux
valeurs traditionnelles ? L’éducation des madras, la cuisine pour les jeunes filles et la rue pour
les jeunes garçons? Et l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, de la géographie, de
l’histoire? L’apprentissage de l’arabe pour l’insertion dans cette civilisation? Consciemment
ou non?
S’il y a crise en Afrique, est-ce une crise conjoncturelle ou une crise structurelle? Est-ce une
crise des valeurs conséquente au contact continu avec l’Occident ou est-ce une crise
conséquente du désengagement de l’Occident? Est-ce une crise qui se prolonge depuis le
dépeuplement conséquent à l’esclavagisme? Si c’est cela, pourquoi ce dépeuplement (15 à 30
à 60 millions) a-t-il eu des conséquences insurmontables alors que le développement de
l’Europe a procédé malgré l’émigration de plus de 60 millions de personnes à la fin du XIXe
siècle? Alors que les deux guerres mondiales ont fait plus de 80 millions de morts dans la
première moitié du XXe siècle?
Est-ce que l’Afrique est marginalisée parce que ses couts de production sont élevés? Et
pourquoi en est-il ainsi, alors que les Africains sont les plus pauvres de la planète? Pourquoi
est-il si difficile d’augmenter la productivité en Afrique? Pourquoi le leadeurship africain
prend-il tant de temps à se développer? Pourquoi si peu de dirigeants politiques « éclairés »?
Pourquoi les « éclairés » peinent-ils tant à se faire émuler? Pourquoi les coups d’État à
répétition? Pourquoi l’éternelle succession des élections corrompues? Pourquoi l’éternelle
corruption de la classe politique? Le pilage systématique des coffres publics?
« Les scénarios de sortie de crise généralement proposés aux Africains sont essentiellement de
type mimétique. Ils préconisent l’intégration dans le commerce international grâce à
l’instauration d’un partenariat dynamique entre l’État et l’entreprise privée comme cela s’est
fait ailleurs. » (100) Mais pour cela, il faudrait que l’Afrique ait une bonne maitrise de son
système de production, ce qui n’est actuellement pas le cas! L’économie mondiale est
largement fondée sur la matière grise, or, celle-ci tend à émigrer massivement Voir Boudreau,
2011). Aussi, cette forme économique suppose un très grand degré de discipline au travail, de
raffinement et d’innovation technique, d’innovation scientifique, de créativité à tous les points
de vue, ce qui ne se remarque guère dans l’histoire récente et moins récente de l’Afrique. Il
faudrait alors un tournant radical et rapide! Et en quoi consisterait ce tournant, sinon qu’en
une « révolution culturelle »?
« Au lieu de consulter des chercheurs en science politique [et en sociologie], les institutions
économiques chargées de réfléchir aux problèmes de l’Afrique emploient surtout des
économistes. Ceux-ci se contentent, pour des raisons comptables, de supposer que les États
africains ont des problèmes de gouvernance, alors qu’ils ont des problèmes de gouvernabilité,
3
de crédibilité qui ne sont solubles ni dans la tenue d’élection concurrentielle ni même dans
l’absence de conditionnalités qui caractérise leur nouvelle coopération avec la Chine. La
“bonne gouvernance” ne serait, du reste, qu’un ridicule colifichet, si elle ne constituait depuis
des années un bon prétexte pour jeter des millions de dollars par les fenêtres très opaques de
la “gestion transparente” des ressources de l’État et autres balivernes » (104)
En Afrique, il y a « confusion entre l’historicité des sociétés et leur histoire. [Les Africains]
minimisent l’influence du passé sur la formation du présent et du futur. » (108) Prendre un
autre pays pour modèle in abstracto, sans considérer l’histoire particulière de ce pays, sans
considérer la subjectivité particulière du peuple qui le constitue, c’est prendre un saut dans le
vide de l’histoire, c’est faire preuve d’incompréhension des mécanismes de fonctionnement
des sociétés, c’est faire preuve d’incompréhension de l’irréductibilité de l’histoire à
l’historicité (ce sont deux choses différentes), de la différence entre les conditions objectives
et les conditions subjectives, c’est faire preuve de pensée magique.4
« L’expansion “réussis” du capitalisme n’est pas une mécanique autonome. Elle doit, pour
être possible, — en supposant qu’elle soit souhaitable – prendre la forme d’un projet portée
par des coalitions d’acteurs mus par la fièvre de l’investissement générateur d’innovation. Or
de telles conspirations sont inexistantes en Afrique subsaharienne. » (114)
Malgré le contact constant avec les « colonisateurs » depuis plus de cinq siècles, les Africains
sont virtuellement absents du commerce international, de la construction navale, etc. Les
Africains qui ont profité de la traite négrière, ont investi leur immense fortune dans
l’immobilier en Europe, aucun n’a investi dans les bases de l’économie d’exportation, ni dans
les plantations. Comment expliquer cela alors même que de nombreux Occidentaux se sont
installés sur des terres fertiles et ont développé de larges exploitations agricoles… pour se
faire ensuite exproprier par les dirigeants africains? (116-117)
« Il faudrait changer de figure d’historicité davantage que de dirigeants. » (119) Après les
indépendances, les dirigeants ont continué à exporter les ressources naturelles et à toucher des
rentes, comme à l’époque des économies de comptoir! Ainsi s’envole l’argent du pétrole, de
l’or, du diamant, du coltan, etc. Un chercheur conclut « non à l’absence d’homme d’affaires
dans le pays, mais à l’inexistence d’un éthos qui leur serait commun. » (121)
À propos du legs colonial, Kabou note : depuis les indépendances, « ces acteurs ont échoué à
rénover les aspects les plus critiques de leur système de production (…) l’agriculture
arachidière, caféière et cacaoyère de l’époque du commerce “licite” s’est fait à la main ; sans
révolution technique et technologique, sans passage à l’intensif » (126) « Ce capitalisme
marchand africain n’a donc pas su ou pu se muer en capitalisme industriel. » (127) la situation
demeure « un système où on produit ce que l’on ne consomme pas et où on consomme ce
qu’on ne produit pas. » (127)
L’Afrique n’a pas la même histoire que les autres : « le problème fondamental de l’Afrique se
définit comme une étroite interaction entre la pauvreté extrême et des niveaux de productivité
4
Bob Marley disait à propos de l’histoire de l’esclavage, dans Redemtion song, c’est bien arrivé, mais
« emancipate yourself from mental slavery.» Tiken Jah Fakoley dit quant à lui, de manière encore plus
précise, «Intelligent revolution, Must be African education (…) In your mind brother, There is the
power to change your world ». C’est de cela dont il s’agit, une transformation des manières de penser,
de l’ontologie. La sociologie doit se réapproprier les concepts philosophiques dans l’analyse, ils sont
indissociables. Et ici, encore une fois, l’art est à l’avant-garde de la sociologie!
4
dérisoire, étant donné les graves lacunes que l’on observe en ce qui concerne les
infrastructures économiques et sociales, notamment les équipements, les capacités de
recherche, la connaissance technologique et la mise en valeur des ressources humaines, autant
de facteurs indispensables à une économie intégrée et dynamique. » (128, note de la
CAPRAS, ONU, 1984). Cela « résume à merveille la figure d’historicité actuelle des sociétés
africaines [il s’agit du] mode d’accumulation, le mode de connaissance et le modèle éthique
ou le sens, l’orientation donnée à ces activités. » (128)
« on sait que les économies retardataires peuvent rejoindre des économies avancées lorsque
l’histoire de leurs rapports sociaux, leurs modes d’accumulation, leurs modèles de
connaissance et leurs modèles éthiques présentent des “affinités électives” » (129) « Les pays
européens et le Japon ont en commun la féodalité, une paysannerie qui a été tondue par des
seigneurs pendant des siècles, l’achèvement des guerres internes de domination politique, la
profondeur historique de l’État et de l’administration, l’emprise de cette dernière sur le
territoire et sur les gens, l’existence d’une classe de marchands lettrés, distincte de la classe
politique, la propriété privée de la terre, la similitude des fonctions assignées à l’agriculture et
à la terre dans l’accumulation primitive et au-delà, une compréhension identique de
l’investissement, l’existence d’un sentiment national, d’un État capable de mobiliser les gens
autour d’un projet national, l’écriture, la raison graphique, des traditions d’emprunts et
d’échange avec d’autres pays relevant de grandes aires géographiques et culturelles,
l’appartenance à de grandes civilisations matérielles, celle du blé et celle du riz. » (129-130)
Au lieu de s’étendre sur la multiplicité des expériences historiques (« les Africains sont
pauvres aujourd’hui parce que les dirigeants du IXe au XIXe siècles ont préféré exporter des
êtres humains plutôt que de les mettre au travail » [131]), Kabou aurait du, ici, présenter les
conclusions de sa thèse : il faut travailler à l’historicité, il faut une « révolution culturelle »,
changer son rapport au monde, le rationaliser, le mettre en adéquation avec la réalité, c’est-à-
dire lutter contre l’animisme et le rapport magique au monde, contre la tendance à la
satisfaction immédiate dans la consommation ostentatoire du paraître, etc.
Plus encore, « en Afrique subsaharienne (…) à peu près rien n’est institutionnalisé, tout est
sujet à négociation permanente, où les politiciens tendent davantage à dominer qu’à diriger
(…) où le mode de connaissance reste tributaire de l’oralité, où le passage de l’outil à la
machine n’est pas encore produit, la civilisation matérielle héritée du passé reste fortement
imbriqué dans le présent et continu à le structurer. » (141)
« Les ressources énergétiques sont si faiblement développées qu’on n’a pas dépassé “la
maximisation des techniques du néolithique”. (…) Malgré sa forte tendance à l’urbanisation,
l’Afrique reste un continent rural en transition aux caractéristiques bien connues : agriculture
5
extensive et stagnante ; secteur moderne envahi par des services régressifs ; industrialisation
si parcellaire qu’on ne peut parler de tissus industriels ; prolifération de l’économie non
enregistrée ; inachèvement de l’emprise de l’État sur le territoire et sur les populations ;
prédominance de l’analphabétisme ; système éducatif branlant ; absence de recherche
scientifique appliquée à la production ; stagnation des techniques ; faible productivité et
faiblesse de l’investissement ; prédominance du capital marchand par rapport au capital
industriel, etc. » (141-142)
« On feint d’ignorer que les générations, sous toutes les latitudes, sont héritières d’anciens
régimes à tête d’hydres qui doivent d’abord être occis pour qu’un Nouveau Monde
apparaisse. » (143)
« Les guerres en Afrique ont, du reste, gardé des objectifs archaïques : elles ne servent ni à
accélérer l’histoire [comme les guerres napoléoniennes, fb], ni à changer de mode
d’accumulation, mais à transposer de vieilles logiques d’accaparement et d’extorsion dans un
contexte mondial caractérisé par des opportunités d’enrichissement de plus en plus
faramineuses. En résumé, le montant de trésor à rafler a changé, mais les enjeux et les types
d’entrepreneurs politiques, eux, sont demeurés les mêmes. » (145)
« Les héritiers politiques (…) parviennent parfois à rallonger de quelques kilomètres, des
routes vaguement goudronnées ; ajouter quelques salles de classe et case de santé au bilan du
prédécesseur. Mais peu d’entre eux inaugurent une ère nouvelle marquée par de nouvelles
manières de voir, faire, accumuler, régler les conflits. » (146)
« Pourquoi treize siècles d’échange avec le monde extérieur ont produit un monde où l’ancien
est toujours à l’agonie, où le nouveau ne parvient pas à prendre racine? » (159)
En Europe, la classe des marchands ne s’est jamais identifiée à la classe des princes, ces deux
entités étaient distinctes. « Il convient de souligner que le développement des villes a stimulé
la production artisanale et l’agriculture. Cette évolution a permis de créer un marché national
de consommateurs de produits industriels. Ces processus n’ont, en rien, été pacifiques. Ils ont
été accompagnés par des guerres interminables entre nations protectionnistes, des conflits
sociaux extrêmement violents, des bouleversements, des souffrances, la criminalisation de
classes populaires déclarées dangereuses, des pertes humaines considérables. » (165) Hier, la
France a joué ce rôle dans l’urbanisation de l’Afrique, aujourd’hui c’est la Chine!
Les théories courantes sur le développement africain soulignent que les héritages
précoloniaux, coloniaux et postcoloniaux « expliquent la crise actuelle », ce qui est faire
l’économie de la situation historique réelle et des défis qu’ont du relever les autres régions du
monde. Cette manière de voir la traite négrière et l’occupation coloniale transforme les causes
de la faiblesse de l’Afrique en ses conséquences. C’est de sa faiblesse préalable que ces
épreuves s’érigent en obstacles. Car, c’est depuis l’antiquité que les dirigeants africains
6
vendent des Hommes pour en récolter une richesse qui ne servent que leurs intérêts
individuels.
Kabou souligne que « Ce sont les djihads peuls du XIXe siècle (…) qui permettent à l’Islam
de s’enraciner plus profondément au Sahel par le biais de confréries assises sur des cultures de
rapports telles que le coton, l’arachide et sur l’esclavage. » (201)
Les importations des élites africaines ont toujours été de l’ordre de produits de luxe : armes,
ustensiles richement engravés, chevaux, barre de fer et de cuivre, etc. » (225)
« Le mode d’insertion actuel des économies africaines dans les échanges mondiaux est
littéralement ancien. Il se caractérise, depuis les origines, par une dépendance de ces systèmes
à l’égard des partenaires extérieurs dans au moins trois domaines vitaux pour le
développement de soi : 1) les moyens de transport à longue distance, les moyens de
découverte et de connaissance du monde extérieur ; 2) les outils d’extension de la domination
politique au-delà des appartenances claniques (monothéisme, écriture, produits de luxe, armes
de guerre moderne, etc.) ; 3) les outils et les techniques permettant d’améliorer la production
et la productivité économique. Cette dépendance a été et reste fatale à l’Afrique. » (270) À
l’appui de cette idée, elle cite Ki-Zerbo : « les vrais maitres du négoce transdésertique
n’étaient pas les marchands noirs. C’était des hommes d’affaires du Maghreb et des princes
berbères… » (270) « La plupart des entrepreneurs politiques africains s’appuieront sur l’Islam
et le christianisme, les fusils, la poudre et d’autres produits importés pour accéder au pouvoir
et y demeurer. » (271)
7
islamique (…) L’arrivée des caravelles portugaises sur la côte atlantique africaine au milieu
du XVe siècle a amplifié ce mode d’insertion subalterne. » (279)
Les Européens n’ont jamais été présent en grand nombre en Afrique, n’atteignant jamais
100 000 personnes au XIXe siècle, bien peu comparé à la cinquantaine de millions qui ont
quitté l’Europe pour le Nouveau Monde! (287). Des côtes, ce sont toujours des intermédiaires
africains qui ont assuré le relais commercial avec l’intérieur, sans jamais que ces marchands
africains ne réussissent à construire quelque chose de permanent et de productif. Ce qui laisse
perplexe face à l’imputation au monde extérieur les difficultés de l’Afrique, qui semble dès
lors être davantage redevable de sa faible capacité à produire sa propre histoire et à en
assumer pleinement la charge.
Les sociétés africaines ne sont pas les seules a avoir vendu des esclaves. L’antiquité
européenne a été caractérisée d’esclavagisme, et il est même établi qu’à son apogée
civilisationnelle, Athènes comptait autant d’esclaves que de citoyens. La décimation des
populations ne tient pas non plus la route comme explication charnière du sous-
développement. « La peste noire de 1347-1351 a tué plus du tiers de la main-d’œuvre agricole
européenne » (301) Kabou donne de très nombreux exemples d’esclavage partout dans le
monde et termine en disant : « Le Mali (…) importait des pages turcs, des chanteuses
égyptiennes achetées au Caire pour le prestige et non pour la production de biens… » (305)
« Contrairement à ce que dit un mythe persistant, les négriers africains n’étaient ni des
irresponsables ni des ignorants soumis au bon vouloir des Arabes et des Européens. D’une
manière générale, il s’agissait d’aristocrates, de rois et de princes, de chefs de maison
parfaitement licite, qui avaient le monopole du commerce ou qui tentaient de s’en emparer. »
(315) Kabou donne une longue liste des négriers africains aux pages 327-333.
Il est aussi possible de noter que la fin de la traire négrière est le fait d’humanistes anglais et
français, souvent contre les intentions des négriers africains, et non le fait d’une opposition
systématique des Africains eux-mêmes à une pratique disgracieuse et in-humaine. Sans
compter que le commerce licite colonial s’est ensuite tout simplement appuyé sur la structure
commerciale négrière pour poursuivre le « développement » avec les mêmes élites africaines.
8
« Un autre mythe à propos de l’ignorance des négriers africains veut qu’ils aient été rétribués
avec de la gnole, de la verroterie et des pétoires. (…) [de telles marchandises ont existé] on
peut difficilement passer sous silence les énormes bénéfices matériels, symboliques,
politiques, économiques et sociaux que procurait la possession de ces articles importés en
Afrique précoloniale et bien au-delà. (…) L’Afrique négrière administre l’écoulement d’une
production qu’elle régule à l’occasion selon l’intensité de la demande. Elle sait raréfier le
produit. Les techniques consistent en la création de réseaux de distribution de l’intérieur vers
la côte, avec péage, taxation, points de vente intérieurs en concurrence avec ceux du littoral.
Les enjeux sont par conséquent clair, mais demeurent incompris de nos jours. (…) on rate
l’essentiel des effets politiques des traites négrières et des enjeux de l’histoire économique de
l’Afrique. » (335-336) Et on pourrait ajouter, qu’on rate l’essentiel de l’incohérence d’une
conception qui ferait des Africains des « objets » de l’histoire, un peuple qui n’aurait aucun
rôle dans sa propre histoire, et on s’empêche ainsi de comprendre qui nous sommes
réellement et ce que nous avons été. C’est cela l’enjeu de l’historicité, la capacité de se
comprendre soi-même dans l’histoire et de tirer les acquis de notre propre action sur nous-
mêmes. Il s’agit du mode de connaissance de sa propre autoconstitution. Il est en effet
difficile de concevoir que les Ashanti, avec leur État constitué et fort, aient, vers la fin du
XVIIe siècle, cédé deux tonnes d’or aux Européens contre de simples verroteries! (338)
Les exemples affluent, mentionnons celui-ci : « Entre 1600 et 1790, les processus de
différenciation sociale et de formation de l’État sont allés de pair avec le commerce extérieur
sur la côte de la Haute-Guinée, qui va de la Gambie au Cap des Palmes, situé sur le littoral de
la Côte d’Ivoire actuelle. Les Mandés (Malinké, Dan, Gouro, Kpelle et Loma) y ont joué un
rôle prédominant, en créant des liens puissants entre l’hinterland de la savane et la côte de la
Haute-Guinée. » (339) Sans compter que « la traite atlantique a par ailleurs favorisé
l’apparition ou le renforcement de nombreuses structures politique à l’intérieur le long des
côtes et à l’intérieur des terres. » (342)
Kabou indique la faillite par les élites africaines elles-mêmes de l’insertion des économies
africaines à l’économie mondiale tiendrait à trois facteurs : 1) la nature des systèmes
économiques africains ; 2) la spécificité de leur commerce extérieur ; 3) la nature
intrinsèquement violente et destructrice de la traite négrière. (347)
Sur le deuxième facteur, Kabou indique : « pourquoi les négriers africains n’ont rien construit
avec le produit de leur négoce tient à la nature même de la traite négrière. (…) [C’est] un
commerce guerrier et violent qui repose sur le rapt, l’enlèvement, la violence, la poudre et le
fusil, la guerre, la contrainte, la mort, la transformation de l’autre en gibier. Ce type
d’économie est peu favorable à l’amélioration des techniques de production en général. (…) Il
incite à la violence pour accéder au pouvoir, installe entre les gouvernants et les gouvernés
des relations de violence arbitraire, rend les dominants durablement tributaires de l’extérieur
pour leur enrichissement5. » (353)
9
productivité du travail était faible, celle de couches dominantes dévorées par une faim de
quincaillerie importée, souvent de meilleures qualités que leur propre production, etc. » (354)
« Pourquoi les couches dominantes des sociétés africaines ont appliqué cette stratégie aussi
longtemps et à une échelle aussi impressionnante? » (355)
Kabou compare ensuite ce « mode de production » (qui n’est cependant pas le concept qu’elle
utilise) avec les stratégies déployées en Europe et en Asie. Elle indique que ce sont les
européens qui, à partir de 1830, ont introduit la monnaie frappée, qui ont construit les chemins
de fer, construit les routes vers l’intérieur, introduit les camions, etc., de manière à desserrer
les forts liens du clientélisme, à introduire le salariat, etc., et conclut : « Dès lors, se pose la
question colossale qui est systématiquement évitée en raison de sa grande complexité : qu’est-
ce qui devrait se produire pour que les couches dominantes des pays africains se sentent enfin
solidaires de leurs peuples, responsable de leur sort et obligé de favoriser la mise en place de
mécanismes susceptibles de stimuler la production de richesses au niveau local, comme cela
s’est fait ailleurs? Les développements qui précèdent suggèrent que la promotion
d’organismes de la société civile ne saurait suffire à déclencher une telle révolution 6 : ce
débat, entamé il y a longtemps par le CODESRIA, notamment, reste par conséquent
largement ouvert. » (365)
« Plus tard, le commerce «licite» sera le creuset d’économies fondées sur l’exportation de
matières premières dont l’Afrique subsaharienne n’est toujours pas débarrassée. Nul besoin de
sanctifier ces évènements. Il suffit de les reconnaitre pour ce qu’ils sont : des faits historiques
structurants dont les effets refusent de partir. » (384) « La continuité entre les traites négrières,
le commerce «licite», le commerce colonial, le commerce postcolonial [j’ajouterais le
commerce avec la Chine, fb] et la plongée actuelle de l’État africain dans l’économie
6
Voir Boudreau, 2007, où j’indique que, dans un premier temps, le développement par l’économique est
impossible : «Il est impossible de mettre la charrue (l’économie) devant les bœufs (le politique). Pour que le
développement de l’économie soit efficace, il doit s’appuyer sur son support naturel, soit un fondement
institutionnel législatif, règlementaire et administratif ‘transparent’.» J’indique ensuite, dans un second temps,
que la transparence institutionnelle et démocratique n’est possible que si ceux qui regardent savent distinguer ce
qu’il y a à voir : «Les dirigeants des IFM n’ont donc pas encore réellement compris tout le sens de l’histoire, et
tentent encore de tirer le développement par la queue, mettant cette fois correctement la charrue (l’économie)
derrière les bœufs (le politique), mais sans penser à la nécessaire présence d’une subjectivité humaine (la culture
rationnelle « moderne ») devant guider « correctement » (rationnellement) le mouvement de la charrue et des
bœufs.»
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criminelle mondialisée n’est pas uniquement d’ordre chronologique : elle tient avant tout à la
similitude des stratégies mises en œuvre par les couches politico-marchandes subsahariennes
d’une époque à l’autre ; à l’identité du souffle qui anime leurs entreprises, à la centralité des
relations de collaboration dépendante vis-à-vis de l’extérieur, au perpétuel inachèvement de
leurs entreprises de domination internes. » (385)
« Aujourd’hui encore, les structures politiques africaines peinent à nouer des partenariats
porteurs de changement sociaux d’envergure avec leurs interlocuteurs étrangers. Les progrès
accomplis dans ce domaine se limitent encore trop souvent à répondre à des problèmes de
déclassement en diversifiant les bailleurs de fonds là où on attend un changement des modes
et des résultats de la coopération avec des partenaires extérieurs. » (386)
Kabou rappelle que des millions d’Africains ont été vendus comme esclave, mais que plus
d’Européens encore, en un laps de temps plus court, ont quitté l’Europe vers l’Amérique et
que non seulement l’Europe ne s’est pas effondré, elle s’est développée, non seulement cela,
mais l’Amérique elle-même s’est développée « à partir de rien », sinon de son ingéniosité à
adapter son comportement à ses conditions en tirant des acquis de son rapport au monde.
« Les sociétés africaines payent aujourd’hui le prix de plus d’un millénaire de traites négrières
et d’économie de comptoir par divers maux : persistance d’un modèle éthique axé sur le
prestige et le pouvoir que confère la capacité de redistribuer, faible développement des
ressources énergétiques, prédominance du travail pénible, à faible valeur ajoutée et
consommateur de temps, pauvreté et paupérisation massive des populations, jeunesse
condamnée au chômage dès le berceau, quasi inexistence du salariat, étroitesse des bases
internes de l’accumulation, faiblesse des investissements productifs, stagnation technique et
technologique, problèmes persistants de territorialisation des espaces, répétition indéfinie des
cycles d’enrichissement rapide de groupes restreints par des processus obscurs ou par la
guerre, prédominance de la prédation et de la cueillette sur la production, difficulté d’emprise
sur des sociétés sur elles-mêmes, panne de production de soi et de l’élargissement de soi,
crispation politique et manipulation identitaire meurtrière, problèmes d’accumulation,
d’exploitation, d’application et de renouvellements des connaissances. » (387-388)
Elle donne l’exemple : « même les exploitations de cire d’abeille avaient des effets adverses,
car les collecteurs tuaient les abeilles avec du feu, détruisant ainsi les ruches au lieu d’adopter
des méthodes de production intensives et moins destructrices permettant de les réutiliser. »
(388)
Ainsi, Kabou identifie des « inerties » qui sont associées « au déploiement de soi » dans le
monde, qui sont en lien direct avec l’insertion de soi dans le monde, une insertion qui serait
irrationnelle, in-efficace, qui tarderait à s’accomplir et qui reste aveugle à ce qu’elle pourrait-
être. « La marginalisation actuelle des économies africaines est moins le produit du
détournement d’une trajectoire originelle de développement, que celui de relations inter
sociales largement insuffisantes ; la conséquence de l’inaptitude des couches dominantes des
sociétés africaines à tirer parti du commerce avec autrui pour renforces significativement des
assises économiques branlantes et aller à la conquête du monde. » (393)
Elle donne l’exemple de ce roi bornouan qui, au XVIIe siècle, se rend au Caire avec 7000
personnes pour s’acheter… un prestige religieux. Puis cet autre exemple d’une caravane qui
se rend au Caire, toujours, avec 1500 esclaves qui sont vendus… pour payer le voyage. Mais
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jamais personne ne revient de ces voyages avec des idées de transformation radicale des
rapports sociaux, d’innovations techniques, etc., tout reste comme avant!
« La colonisation de l’Afrique par les Européens se situe, on l’aura compris, dans le
prolongement du commerce «licite» (…) Moins qu’un départ, ces évènements sont au
contraire révélateurs de l’épuisement des sociétés africaines après des siècles de guerres, de
razzias et d’insécurité qui n’ont été bénéfiques que pour une fraction infime de la
population. » (409) Les Africains ont ensuite été dominés par un nombre insignifiant
d’Européens qui se sont facilement érigés en « majorité sociologique » (410)
« Le bilan de l’ère coloniale en terme de changement de figure d’historicité est, en effet, très
maigre. À la fin de cette époque, les groupes urbains et les élites représentaient environ 20 %
de la population. Le reste était constitué de «paysans» analphabètes qui avaient conservé leurs
valeurs, leurs croyances, leurs modèles. » (414) « La colonisation, que l’on tend trop souvent
à considérer comme un moment inaugural est l’aboutissement de siècles d’échanges entre des
négociants africains et européens aussi libres, cruels et avides les uns que les autres.
L’occupation coloniale a résulté de l’échec de la stratégie d’accumulation (traites négrières,
exportation de produits non transformés) mise en œuvre par les couches dominantes des
sociétés africaines… » (415)
«Il est difficile de croire que la domination coloniale a gelé l’initiative historique des
Africains. (…) la domination coloniale (…) n’a nulle part duré cent ans en Afrique
subsaharienne. (416) «La période coloniale a été marquée par l’émergence d’élites
nationalistes africaines qui ont hérité d’autant plus joyeusement des frontières tracées à
Berlin, qu’elles constituaient le cadre idéal pour réaliser l’accumulation rapide dont elles
avaient toujours rêvé. Elles n’ont pas su introduire, dans leurs pays, des changements porteurs
d’un monde nouveau.» (420)
«Ce débat, qui devrait être limpide, n’a cessé d’être perverti par l’étrange habitude qui
consiste à considérer les élites africaines comme des acteurs étrangers à l’histoire de leur
continent et non à l’inexistence de bénéficiaires africains de la colonisation et des
indépendances : l’alliance des acteurs dominants des sociétés subsahariennes avec des
étrangers, au détriment de leur peuple est une constance de l’histoire économique de cette
région. La permanence de ce système explique la césure quasi insurmontable qui sépare les
gouvernants des gouvernés en Afrique.» (421) Sans cette compréhension, la situation de
l’Afrique demeure en effet «in-com-pré-hen-si-ble» (421)
Conclusion
Kabou revient sur la construction de son texte. Elle indique qu’elle a considéré l’histoire
africaine depuis 7000 ans, qu’elle a considéré la situation difficile de l’Afrique, de son climat,
de ses sols, de ses parasites, insectes, flore et faune. Elle indique qu’elle a surtout considéré
tout cela comme toile de fond à l’action humaine, à celle des Africains, de ses élites surtout.
Une constante : les élites n’ont jamais dépassé la conception d’un rapport au monde, dans sa
forme économique, qui se limite à la prédation. Le monde est exploité dans sa forme la plus
simple, jamais on ne réfléchit sa mise en valeur, jamais on ne le réfléchit de manière créative,
toujours de manière réactive.
La razzia, la prédation, la violence, etc. sont les termes qui expliquent la difficile insertion de
l’Afrique et de son économie dans le monde. Car l’Afrique existe bel et bien dans le monde,
et l’Afrique n’a pas été marginalisée, l’Afrique a choisi (s’est limité) à un mode d’insertion
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marginal. L’Afrique est aussi un «sujet» de l’histoire, son propre «sujet» de sa propre histoire.
Il s’agit là de la constitution de sa figure d’historicité et là, il y a beaucoup de travail à faire
«sur soi». Voir les choses autrement c’est adopter une attitude condescendante, qui
consisterait dire que les Africains ne font pas leur histoire, qu’ils ne sont que des pantins
(objets) que l’on manipule. Elle juge que son effort de synthèse débouche moins sur un
constat d’échec que sur une voie de réflexion et une stratégie de travail sur soi.
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