Memoire Potier

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Université de Strasbourg

École nationale d’administration

Master « Administration publique »


Parcours « Administration publique générale »

Le partenariat public-privé :

Une solution pour l'investissement dans le cas des politiques


de développement en Afrique – le cas de la construction de
logements sociaux au Gabon
Sous la direction de
Monsieur Dominique BADARIOTTI
Professeur des Universités

soutenu par
Jules Bertrand POTIER LOEMBE
CIL Promotion Jean Zay (2012-2013)
le 23 septembre 2013

Jury composé de :
Monsieur Gabriel ECKERT, président
Monsieur Dominique BADARIOTTI, directeur de mémoire
Fabrice LARAT, membre du jury
L’Université n’entend pas donner ni approbation ni improbation aux
opinions contenues dans les mémoires, lesquelles doivent être
considérées comme propres à leurs auteurs.

1
Table des matières

REMERCIEMENTS ............................................................................................................................ 3
INTRODUCTION ................................................................................................................................ 4

PREMIÈRE PARTIE : LE PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ : UN CONCEPT ANCIEN D’UNE EFFICACITÉ ÉPROUVÉE11

Chapitre 1 : L’origine ancienne du phénomène de partenariats public-privé................................ 12

I. Un héritage de l’Antiquité ..................................................................................................................... 13


A. Le recours aux partenariats public-privé de l’Empire romain à l’ère moderne .................................... 13
B. L’influence du modèle français : de la concession au contrat de partenariat ...................................... 15

II. Une résurgence stimulée par la PFI : le succès d’une politique britannique........................................ 22
A. Un objectif politique : le financement des biens publics dans un contexte de baisse de la dépense .. 22
B. Un instrument de mise en œuvre : le contrat ...................................................................................... 25

Chapitre 2 : Une diffusion croissante sous l’impulsion des organisations internationales ............ 30

I. Une solution permettant de concilier plusieurs impératifs .................................................................... 31


A. Atteindre l’équilibre budgétaire tout en développant l’offre de biens publics ....................................... 32
B. Garantir l’efficacité opérationnelle et la qualité des services publics ................................................... 33

II. Les conditions de mise en œuvre des PPP exigées par les Institutions financières internationales ... 36
A. La définition d’une stratégie de développement validée par les IFI..................................................... 37
B. L’évaluation préalable du projet........................................................................................................... 38
C. De l’engouement au grippage de la dynamique : vers une crise des PPP dans les PED ? ................ 39

DEUXIÈME PARTIE : UN INSTRUMENT APPROPRIÉ AUX BESOINS DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT - LE CAS
SPÉCIFIQUE DES LOGEMENTS SOCIAUX AU GABON ................................................................................ 43

Chapitre 1 : Les raisons de la crise .............................................................................................. 45

I. Les défaillances structurelles du marché du logement ........................................................................ 46


A. Une démographie croissance confrontée à une urbanisation non maîtrisée ...................................... 46
B. Un secteur bancaire hors de portée des couches défavorisées.......................................................... 49
C. La difficile accession à la propriété ...................................................................................................... 51

II. L’inadéquation des mécanismes classiques de réalisation des logements ......................................... 53


A. Assurer le préfinancement de l’ouvrage .............................................................................................. 53
B. Une nécessité technique : le savoir-faire de partenaire privé.............................................................. 58
C. Un besoin d’équilibre: le partage des risques entre État et constructeurs ......................................... 59

Chapitre 2 : Les conditions d’une mise en œuvre optimale des partenariats public-privé............ 61

I. Le cadre institutionnel doit être adapté aux exigences d’un contrat complexe .................................... 62
A. Le recours aux partenariats public-privé requiert un cadre juridique sécurisant ................................. 62
B. La mise en œuvre des partenariats public-privés requiert une administration experte ....................... 66

II. Bilan économique du partenariat public-privé: une charge pour les générations futures ? ................. 71
A. Quelles conséquences financières pour la collectivité ? ..................................................................... 72
B. Renforcer les contrôles et impliquer la société civile ........................................................................... 76

CONCLUSION ...................................................................................................................................... 79
ANNEXES ............................................................................................................................................ 80
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................... 82

2
REMERCIEMENTS

Au seuil de cette étude, ma pensée va à ceux qui m’ont aidé et soutenu. Je

souhaite en premier lieu, remercier le personnel de l’ENA en charge des Masters, dirigé

par M. Fabrice LARAT, ainsi que les enseignants et professeurs qui ont assuré, dans le

cadre du Master administration publique générale, des cours de grande qualité et riches

par leur contenu.

Je souhaite exprimer ma gratitude envers M. Dominique BADARIOTTI, mon

directeur de recherches. J’aimerais également remercier M. Gabriel ECKERT, qui a

toujours été d’une grande disponibilité.

Mes remerciements vont également à Messieurs DIVUNGI DI NDINGE, Ancien

Vice-Président de la République gabonaise et Serge Maurice MABIALA, Directeur de

Cabinet adjoint du Président de la République gabonaise, ainsi qu’à Maître Ludovic

BABAIN, Avocat associé au Cabinet HOGAN LOVELLS à Paris. Toutes ces personnes

m’ont apporté un soutien décisif dans le choix du thème et dans la compréhension des

enjeux.

J’ai une pensée particulière pour mes proches, en particulier mon frère aîné, ma

compagne ainsi que mon fils, qui m’ont entouré de leur affection.

Enfin, je n’oublie pas ma dette à l’égard de toutes les personnes qui ont

contribué de quelque manière que ce soit, à la réalisation de cette étude. Qu’elles

trouvent ici l’expression de ma plus profonde reconnaissance.

3
INTRODUCTION

Dans sa définition la plus large, le terme de partenariat public-privé (PPP)


couvre toutes les formes d’association du secteur public et du secteur privé destinées à
mettre en œuvre tout ou partie d’un service public. Ces relations s’inscrivent dans le
cadre de contrats de long terme : elles se distinguent en cela des privatisations, de la
sous-traitance ou des marchés publics plus généralement. Bien que largement utilisée,
la notion de PPP ne bénéficie pas d’une définition juridique unanimement admise, que
ce soit en droit français, en droit communautaire ou en droit comparé.

La multiplicité des définitions proposées souligne bien les réalités multiformes et


complexes que peut revêtir un PPP. Selon le PNUD, le terme de partenariat public-
privé « décrit les relations possibles entre les secteurs publics et privés pour assurer la
délivrance de services en étroite collaboration. Les acteurs privés peuvent inclure des
entreprises privées, des organisations non gouvernementales et aussi des
organisations communautaires ». Pour le FMI, les partenariats public-privé « impliquent
l’offre d’infrastructures ou de services qui sont traditionnellement fournis par le
gouvernement »1. Quant à la Commission économique pour l’Afrique (CEA), elle le
définit comme « la combinaison d’un besoin public avec des ressources et des
capacités privées pour créer une opportunité qui satisfera le besoin et de faire un
profit ». Enfin, le Livre vert de la Commission européenne du 30 avril 2004 propose une
définition, mais qui n’a aucune portée juridique : « des formes de coopération entre les
autorités publiques et le monde des entreprises qui visent à assurer le financement, la
construction, la rénovation, la gestion ou l’entretien d’une infrastructure ou la fourniture
d’un service »2.

Il existe en réalité plusieurs modèles de PPP. On distingue deux grandes formes


: les PPP contractuels et les PPP institutionnels. Dans sa forme contractuelle, le PPP
recouvre des montages divers attribuant une ou plusieurs tâches plus ou moins
étendues au partenaire privé, qui incluent la conception, le financement, la réalisation,
la rénovation ou l’exploitation d’un ouvrage ou d’un service. Selon le degré de

1
FMI, « Investissement public et partenariats public–privé », Dossier économique 40, 2007, p. IV.
2
Commission européenne, Livre vert sur les partenariats public-prive et le droit communautaire des marches publics et des
concessions, 30 avril 2004, p.3.

4
responsabilité de l’opérateur privé dans les opérations de gestion et de maintenance,
de prise en charge du risque et des investissements nouveaux, on distingue les
contrats de service, de gestion, d’affermage, les concessions ou les Built-Operate-
3
Transfer (BOT). Le modèle de type institutionnel (PPPI) implique une coopération
entre le secteur public et le secteur privé au sein d’une entité distincte détenue
conjointement par les partenaires publics et privés. L’entité commune a pour mission
de veiller à la livraison d’un ouvrage ou d’un service au bénéfice du public.

Si modèle de partenariat public-privé bénéficie d’une large diffusion au sein des


pays de l’OCDE, il ne constitue pas pour autant l’apanage des pays industrialisés. En
effet, les pays en développement expriment depuis une vingtaine d’années un intérêt
croissant à recourir aux partenariats public-privé, notamment sous l’impulsion des
institutions financières internationales, qui considèrent les PPP comme l’un des
principaux instruments de réforme de la gestion publique dans le cadre des politiques
de développement.

Il convient de préciser que si en France, la doctrine opère des distinctions entre


des instruments emportant des effets juridiques aussi différents que le contrat et
l’autorisation administrative unilatérale, le droit du Common Law et le droit
communautaire les traitent indifféremment et visent autant les schémas contractuels
que les partenariats public-privé institutionnels. Toutefois, la présente étude exclura de
son champ les PPPI (GIE, SEM!) pour se consacrer essentiellement aux PPP.

I – Présentation de l’étude

Dans un contexte de demande sociale importante, la nécessité de disposer de


services publics efficients et d’infrastructures publiques essentielles au développement,
s’impose aux dirigeants des pays africains qui prônent l’essor de leurs pays. La tension
est d’autant plus forte que la multiplicité des demandes à satisfaire et le caractère limité
des ressources budgétaires, ne permettent pas toujours aux gouvernements de
disposer dans l’immédiat, des moyens financiers indispensables à la réalisation de
leurs politiques publiques.

3
Ibid.

5
Par ailleurs, même dans l’hypothèse où des aides financières sont directement
accordées aux gouvernements - sous forme de prêts ou de dons - pour leur permettre
de construire les équipements indispensables aux populations et au décollage
économique, les crises successives de la Dette et l’échec des politiques d’aide au
développement ont démontré les insuffisances en matière de gouvernance, dans la
mise en œuvre les réalisations attendues.

En effet, malgré le transfert par les pays riches aux pays pauvres, durant les
cinquante dernières années, de plus de mille milliards de dollars sous forme d’aide au
développement, auxquels il conviendrait d’ajouter les ressources financières que
certains pays pauvres tirent de l’exploitation de leurs ressources naturelles, le constat
n’est pas à la hauteur des espoirs : au-delà d’une progression de la croissance des
pays africains observées dernièrement4, l’Afrique a la proportion des pauvres la plus
élevée de la planète5; tandis que la population vivant dans pauvreté a augmenté de
près de 50 % entre 1981 et 2002, l’espérance de vie stagne6. Les infrastructures de
base, qu’elles concernent l’habitat, la santé, l’enseignement et la formation, les voies et
moyens de communications font défaut et lorsqu’elles existent, elles sont de mauvaise
qualité par manque d’entretien. Les politiques publiques portées par des
administrations souvent mal équipées et des agents peu formés viennent accroître des
difficultés sociales déjà entretenues par des carences en matière de gouvernance. En
outre, la capacité des États concernés à lever des fonds sur les marchés de capitaux
internationaux est bien plus restreinte et d’un coût plus élevé que pour les pays
développés.

Le domaine du logement illustre et cristallise à la fois toutes les difficultés


auxquelles sont confrontées les populations des couches intermédiaires et pauvres. La
crise du logements est devenue un enjeu majeur dans les pays en développement et
singulièrement au Gabon, où les besoins son estimés à plus de 200 000 logements
pour une population de près d’un million et demi d’habitants. Chaque année la
demande s’accroît de près de 6000 demandes. Ce phénomène frappe surtout des
populations que le système financier ne permet pas d’accéder au crédit, c'est-à-dire
une grande partie de la population. La lutte contre la pauvreté exige que la puissance

4
PNUD, Rapport sur le développement humain 2013, p. 28.
5
Selon la Banque mondiale, l’Afrique comptait près de 50% des pauvres de la planète en 2012 :
http://go.worldbank.org/363B1XFPE0.
6
D. MOYO, L’aide fatale, JC Lattès, 2009.

6
publique, dans l’intérêt général, mette en œuvre des instruments permettant aux
couches exposées de bénéficier de conditions de vie acceptables. Cela passe par
l’accès à un logement décent. C’est tout l’enjeu de la question du logement social.

En outre, au-delà des moyens financiers, les États africains n’ont pas toujours
l’expertise technique interne pour pallier les carences en matière de gestion des
services publics, dans tous les domaines dans lesquels l’intervention de la puissance
publique est requise. Bien évidemment, il ne serait pas souhaitable que l’impuissance
cède à la renonciation et que l’État, plutôt que d’accompagner le changement, le
progrès et le bien être des populations, les confie entièrement aux soins d’opérateurs
privés au moyens des privatisations.

II - Intérêt de l’étude

Dans ce contexte, le partenariat public-privé peut apparaître comme un outil


susceptible de résoudre, dans les pays d’Afrique, la difficulté liée à la limitation de la
capacité d’engagements financiers publics face à des besoins d’investissements
croissants, lourds et indispensables, notamment en matière de logements. Les PPP qui
ont démontré leur efficacité en contribuant à l’équipement et au développement des
pays riches, permettraient aux autorités publiques des pays pauvres de bénéficier de
financements immédiats, ainsi que de l’expertise et le savoir-faire des entreprises
privées, pour répondre aux attentes en services publics des populations et pour
amorcer véritablement le décollage économique, par la mise en place d’infrastructures
et de services publics de qualité, sous le contrôle des pouvoirs publics.

III - Méthodologie et difficultés

L’étude s’est appuyée sur une variété de documents : les cours dispensés dans
le cadre du Master, des ouvrages consultés principalement en France (articles de
presse, ouvrages, revues juridiques, revues d’administration publique). Compte tenu de
l’éloignement et de la difficulté à obtenir une documentation suffisante au Gabon, les
documents consultables sur internet (sites internet des administrations gabonaises et
françaises, sites des institutions financières internationales) ont permis d’enrichir et de
compléter les recherches. Les PPP ont suscité de nombreux travaux universitaires et
des rapports officiels qui permettent de réaliser des comparaisons internationales

7
documentées. La présente contribution s’appuie largement sur ces sources,
notamment sur les travaux réalisés par les organismes internationaux.

Enfin, des entretiens ont été réalisés : avec M. MABIALA, qui le premier avait
souligné l’intérêt d’une étude sur cette question, à un moment où il était Conseiller
spécial du Président de la République gabonaise en charge de l’économie et des
finances ; avec M. DIVUNGI DI NDINGE, les échanges ont davantage porté sur
l’expérience en demi-teinte du partenariat public-privé entre l’État gabonais et le
groupe Veolia, concernant l’exploitation et la gestion de la société d’énergie et d’eau du
Gabon (SEEG) ; société qu’il connaît très bien pour en avoir été le directeur général
puis le ministre assurant la tutelle durant près de 20 ans. Avec Maître BABAIN, les
échanges ont porté sur le contenu juridique de la notion de PPP et sur son expérience
en tant qu’avocat ayant participé à la réalisation en France, de plusieurs projets dans le
cadre de partenariats public-privé.

IV- Problématique et hypothèses retenues

Le sujet soulève la question des alternatives aux investissements étatiques dans


les pays en développement, en particulier pour résorber le déficit en logements. Il
permet d’envisager cet outil comme un moyen permettant de mettre efficacement en
œuvre des politiques de développement dans un contexte africain et en particulier celui
du Gabon. Dans ce dernier cas précis, les hypothèses retenues s’appuient sur
plusieurs constats :

- La baisse continue de la production pétrolière, qui contribue à hauteur de 80 %


aux ressources budgétaires de l’État, exige d’envisager pour l’avenir d’autres types de
financements des équipements et des services publics ;

- L’échec constaté en matière de maîtrise d’ouvrage publique, dans la mesure


où les sommes importantes consacrées aux marchés publics de travaux depuis
l’indépendance en 1960, n’ont pas permis d’atteindre un niveau d’équipement
satisfaisant en 2013;

- Les insuffisances dans gestion des services publics en régie, y compris ceux
en charge de l’habitat, n’ont pas permis de garantir l’entretien convenable des

8
équipements publics existants et de développer de nouvelles infrastructures destinées
aux populations ;

- La désillusion résultant de certaines concessions qui n’ont pas contribué à


l’amélioration du service rendu aux usagers7 ;

- Enfin, l’échec de la politique classique d’aide au développement : les


financements provenant des prêts consentis au Gouvernement par les bailleurs
internationaux n’ont pas toujours été correctement utilisés.

Il ressort de ce qui précède que le recours aux partenariats public-privé pourrait


présenter plusieurs avantages au Gabon en matière de logement :

1. le financement initial des équipements, en particulier dans le logement social,


incomberait principalement à l’opérateur privé ;

2. dans le cadre des prêts consentis par les partenaires financiers, les fonds
seraient directement confiés aux opérateurs privés ;

3. la maîtrise d’ouvrage confiée à l’opérateur privé garantirait la réalisation


effective des équipements ;

4. les techniques de gestion du monde de l’entreprise garantiraient une


meilleure administration des services publics confiés aux partenaires privés
tout en réservant aux autorités publiques le contrôle relatif aux objectifs
poursuivis ;

5. le PPP sous-tend un meilleur partage des risques concernant les


investissements réalisés.

7
En 1997, dans le cadre d’un contrat de concession d’une durée de 20 ans, l'État gabonais a confié la gestion de la société
d'énergie et d'eau du Gabon (SEEG) à Veolia Water qui est devenu actionnaire majoritaire avec 51% du capital. Pourtant, faute
d’investissements, depuis plus d’une dizaine d’années les populations doivent faire face à des coupures régulières d’électricité et à
une pénurie d’eau potable dans les grands centres urbains. Veolia et l’État gabonais s’accusent mutuellement d’être à l’origine de
cette situation.

9
Au vu de ce qui précède, le partenariat public-privé est-il l’outil le mieux adapté
pour assurer la réalisation des politiques publiques de développement notamment dans
le domaine du logement social, dans les pays d’Afrique et en particulier au Gabon ?

Le recours aux entreprises privées dans le cadre de contrats de longue durée


pour réaliser les activités relevant traditionnellement de la puissance publique est un
phénomène ancien, qui s’est avéré d’une grande efficacité pour doter les pays
industrialisés en équipements nécessaires au développement (première partie). Malgré
la complexité inhérente aux modalités de mise en œuvre de ce type de partenariat,
ainsi que les résistances suscitées par la crainte de voir les États dépossédés de
certaines de leurs prérogatives en ce qui concerne la gestion des services publics, il
n’en demeure pas moins que ce type d’instrument pourrait permettre aux pays sous-
équipés en infrastructures et ne disposant pas de services publics efficients, de relever
efficacement le défi du développement. Cet instrument peut être approprié pour la
réalisation de logements sociaux au Gabon (deuxième partie).

10
PREMIÈRE PARTIE : LE PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ : UN
CONCEPT ANCIEN D’UNE EFFICACITÉ ÉPROUVÉE

Des études historiques montrent que le procédé consistant pour l’autorité


publique à confier aux opérateurs privés la réalisation et la gestion de biens d’intérêt
général n’est pas nouveau et cela a permis la réalisation et l’entretien de nombreux
équipements publics. L’origine lointaine et l’emploi continu de cette technique qui a
traversé les âges démontrent son efficacité (Chapitre I), ce qui est confirmée par le
regain d’intérêt actuel en sa faveur, notamment sous l’influence des Institutions
financières internationales (Chapitre II).

11
Chapitre 1: L’origine ancienne du phénomène de
partenariats public-privé

En échos à l’article bien connu du Professeur Didier Truchet, évoquer les


partenariats public-privé reviendrait à donner « des nouvelles récentes d’un illustre
vieillard »8. En effet, plutôt qu’une nouveauté, le succès contemporain rencontré par
cette technique marque davantage une redécouverte en ce sens que le PPP, hérité de
l’Antiquité (I), est un mode de financement largement inspiré de la concession et sa
dimension actuelle loin de rompre avec ce procédé, lui donne une nouvelle jeunesse
stimulée par la PFI (II).

8
D. TRUCHET, « Nouvelles récentes d'un illustre vieillard : label de service public et statut de service public », AJDA, 20 juillet
1982, p. 427.

12
I. Un héritage de l’Antiquité

L’intérêt d’une collaboration entre autorités publiques et prestataires privés pour


la réalisation et la gestion de biens publics est reconnu depuis des temps anciens.
Comme le révèle Xavier Bezançon9, le recours aux contrats de type concessif fut
fréquemment observé en Europe et de nombreux exemples viennent l’en attester dès
l’Empire romain au début de l’ère moderne (A), mais c’est en France que le phénomène
prendra une ampleur considérable et fera l’objet d’une conceptualisation à travers la
figure juridique de la concession de service public (B).

A. Le recours aux partenariats public-privé de l’Empire romain à l’ère moderne

Dès l’époque romaine, la gestion du service postal fait l’objet d’un PPP. Le
système de transport postal romain, le cursus publicus, était organisé autour du contrat
qualifié en latin de manceps : le transport proprement dit des courriers de l’Empire
romain était pris en charge par l’Empereur, s’agissant de la vehiculatio, et par les
collectivités locales (les municipalités) s’agissant des stationes, c’est-à-dire des stations
postales qui constituaient d’imposantes bâtisses capables d’accueillir des centaines
d’animaux (bœufs et chevaux), des troupes entières de voyageurs, le gouverneur et sa
suite qui tenaient leurs réunions et leurs « plaids », résidaient plusieurs jours dans
celles-ci10.

Le contrat passé après adjudication par les municipalités avec des gestionnaires
de ces hôtels postaux confiaient à ceux-ci la construction, l’entretien des lieux ainsi que
leur fonctionnement pendant une durée de cinq ans (un lustrum), durée habituelle en
droit romain et qui s’appliquait fréquemment dans le domaine foncier (les contrats
précaires notamment).

Plus tard, vers la fin du Moyen-âge, les Cités-États en Italie octroyaient des
concessions aux Banques. Du Moyen-Âge à la Renaissance, apparurent des contrats
d’exploitation du domaine éminent du roi, nécessitant des investissements et des
9
X. Bezançon, Essai sur les contrats de travaux et de services publics, Paris, LGDJ (coll. « Bibliothèque de droit public »), tome
206, 1999.
10
P.-E. Noël « Le partenariats public-privé (PPP), technique de réalisation et de financement des équipements publics », Journal
des Tribunaux 2005, n°21, p. 370.

13
travaux : des mines, des colonies nouvellement découvertes, l’assèchement des
marais ou la construction de nouvelles cités dans des zones vides. Un officier du roi
était chargé de développer les concessions ou devenait lui-même concessionnaire
pour l’exécution de ce programme11. Toutefois, les premiers contrats de concession
d’infrastructures et de transports se généralisent en Europe au XVIème siècle. À cette
époque, ils concernaient essentiellement la canalisation des rivières et la construction
des canaux qui servent de routes de transport, pour desservir les villes en biens
alimentaires, en matériaux de construction et en produits de chauffage.

En France, c’est principalement au XVIIème siècle que plusieurs contrats


importants sont conclus dans le domaine du pavage des rues de Paris ainsi que pour
l’enlèvement des ordures ménagères (baux de Claude Voisin en 1604 et de Le Duchat
en 1607). Henry IV, excédé de la malpropreté de la ville, avait entendu transformer les
vieilles obligations médiévales jamais respectées, d’enlever ses ordures « par
manequins » (les poubelles de l’époque) et de « paver endroit soy », par un service
public organisé et régulier, confié à une personne privée capable d’en répondre
pendant une vingtaine d’années, contre un paiement effectué par le roi lui-même. Ces
contrats furent exécutés avec succès et ceux de pavage se poursuivirent jusqu’en
1830 par succession de baux décennaux régulièrement mis en adjudication.

Colbert, à l’affût de toutes les méthodes efficaces (il développa dans une même
énergie les régies, les délégations et même l’économie mixte) posa un principe général
dans une circulaire aux intendants du 10 décembre 1669 ; un principe tiré de son
expérience de grand gestionnaire public :

« Monsieur, étant important pour la commodité publique et la facilité du commerce, que


les ponts et chaussées et tous les grands chemins de chaque généralité du royaume soient
toujours en bon état, je vous prie de passer promptement des marchés pour l’entretennement
des ouvrages nouvellement faits dans votre département, et d’observer avec soin à l’avenir de
ne faire aucun marché pour le rétablissement des ouvrages desdits ponts et chaussées que
vous n’obligiez en même temps les entrepreneurs à se charger de les entretenir pendant huit
ou dix années, en leur donnant par chacun an la somme que vous croirez raisonnable pour les
y engager, de laquelle je ferai ensuite le fonds. »12

11
Voir le site de l’Institut de la gestion déléguée : http://www.fondation-igd.org/page.asp?ref_arbo=2123#sthash.D5N6G6nU.dpuf
12
Cité par Xavier Bezançon, « Sur l’origine des contrats de partenariat », La revue du Trésor, mars 2007, p. 195.

14
Au XIXème siècle et presque dans toute l’Europe, les chemins de fer, les
tramways, l’éclairage public sont presqu’intégralement concédés. Ce sont les lois de
municipalisation des services publics du début du XXème siècle et les conséquences
économiques de la Première Guerre mondiale qui ont entraîné la disparition des
concessions, à laquelle seule la France a su résister. C’est pourquoi, la période
actuelle marquée par le développement des PPP marque davantage un retour à des
pratiques anciennes et largement répandues plutôt que la découverte d’un nouveau
procédé de financements des équipements13.

B. L’influence du modèle français : de la concession au contrat de partenariat

1) La consécration juridique de la notion

En droit français, la définition la plus précise de la concession résulte des


conclusions de Chardonnet, sous un arrêt du Conseil d’État de 1916 : « La concession
est un contrat qui charge un particulier (ou une société) d'exécuter un ouvrage public
ou d'assurer un service public, à ses frais, avec ou sans subvention, avec ou sans
garantie d'intérêt, et que l'on rémunère en lui confiant l'exploitation de l'ouvrage public
ou l'exécution du service public avec le droit de percevoir des redevances sur les
usagers de l'ouvrage ou sur ceux qui bénéficient du service public. »14. Il est à cet
égard intéressant de noter qu’en Grande-Bretagne, pays de Common Law, c’est une
loi de 1991 - la loi sur les nouvelles routes et les travaux de voirie (New Roads and
Street Works Act 199129) – qui définit le régime des accords de concession
(concession agreements), qui sont rendus possibles par l’adoption d’une autorisation
de péage (toll order) par le ministre des transports. En vertu de l’article 1 de la loi, « il y
a accord de concession lorsqu’une personne, en contrepartie de la conception, la
réalisation, la maintenance et l’exploitation ou l’amélioration d’une route, se voit
conférer le droit de percevoir des péages pour son usage15 ». Cette définition
comparée à la définition française de la concession présente le mérite de la clarté et de
la simplicité.

13
J.-F. Auby, « le contrat de partenariat était-il nécessaire ? », RFDA 2004, p. 1095.
14
CE, 30 mars 1916, Compagnie d'éclairage de Bordeaux, conclusions Chardonnet, Rec. Lebon p. 125.
15
...concession agreement means an agreement entered into by a highway authority under which a person (the ‘concessionnaire’),
in return for undertaking such obligations as may be specified in the agreement with respect to the design, construction,
maintenance, operation or improvement of a special road, is appointed to enjoy the right (conferred or to be conferred by a toll order
under this Part) to charge tolls in respect of the use of the road”.

15
2) Le rôle déterminant de la concession de service public dans le développement des
biens publics en France

La révolution industrielle sonna l’apogée de la concession en incitant fortement


les autorités à y recourir pour les aménagements urbains, l’assainissement et les
chemins de fer. C’est dans cette période de « fièvre de la concession» que la
réalisation des boulevards et rues de Paris par Haussmann nécessita quarante-deux
conventions de ce type et qui pour certaines, prévoyaient un paiement des travaux
exécutés sur dix ans, à compter de leur livraison à la ville de Paris.

Probablement le partenariat public privé le plus connu au monde, en 1887 la


Tour Eiffel fit l’objet d’une convention tripartite entre le ministre du Commerce et de
l’Industrie, commissaire général de l’Exposition universelle de 1889, la Ville de Paris et
Gustave Eiffel, ingénieur constructeur. Cette concession prévoyait notamment que
« pour prix de ces travaux, tels qu’ils sont évalués dans le devis ci-annexé, il est
accordé en paiement à M. Eiffel une somme de quinze cent mille francs sur les crédits
alloués à l’Exposition, et la jouissance de l’exploitation de la Tour pendant l’année de
l’Exposition et pendant les vingt années qui suivront, à dater du premier janvier mil huit
cent quatre-vingt dix, le tout dans les conditions suivantes (!) »16.

Aussi est-ce très naturellement que la ville de Marseille décida de signer en


1890 (entériné par la loi du 24 juillet 1891) un contrat de concession de cinquante ans
confiant à un M. Genis (fondateur des grands travaux de Marseille) le soin de
préfinancer, réaliser et entretenir pendant cette longue période, les égouts de la ville.

Le doublement des voies de chemin de fer fut également exécuté dans les
années 1875 à 1883 par ce même procédé, à savoir l’exécution des travaux par des
concessionnaires qui préfinançaient les travaux contre un paiement public des
prestations, jusqu’à ce que l’équilibre économique des lignes soit atteint, ce qui
n’arrivait jamais dans certains cas.

Un arrêt Pasquet du Conseil d’État du 8 février 1878 consacra ce procédé de


concession à paiement public17. Cet arrêt eut un effet important dans la doctrine
française car il trancha, pour un siècle environ, la question du paiement public dans les

16
X. Bezançon, Essai sur les contrats de travaux et de services publics, op. cit., p. 126.
17
CE, 8 février 1878, Pasquet, n° 50726.

16
contrats de concession : la source publique ou privée du paiement du concessionnaire
n’était pas un critère de classification de ce contrat.

3) Une construction juridique française pour un phénomène qui l’est moins

Bien que la construction théorique de la concession de travaux et de services


publics en France a eu une grande influence en Europe, il convient cependant de
rappeler que la concession en tant qu’institution juridique n’a pas précédé la pratique :
elle en a pérennisé les principales caractéristiques. Il est erroné à cet égard de croire
que la « concession de service public » soit un « phénomène » français.

Il est en revanche incontestable que la concession en tant que pratique d’abord,


puis comme instrument juridique ensuite, accompagna l’équipement de la France dans
la plupart des grands services publics en réseau, au plan local comme au plan national
(autoroutes, etc.). Cette technique juridique fut reprise par de nombreux pays et connut
un tel succès que le terme générique de « concession » est parfois utilisé dans la
littérature anglo-saxonne, y compris dans la période récente, comme synonyme de
partenariat public privé contractuel, en faisant référence explicitement au « modèle
français »18.

La jurisprudence à l’ombre de laquelle la construction juridique de la notion de


concession s’est construite fut également à l’origine de son déclin. Bien qu’elle ait tout
d’abord consacré cette notion en opérant une forme « d’autonomisation » du contrat de
concession, elle procédera par la suite à sa suppression sans tenir compte d’une
longue tradition d’autonomie des collectivités locales et d’une place centrale dans
l’éventail des outils de la commande publique. Le Conseil d’État utilisa dans un premier
temps la notion de « marché de concession » pour ne réserver la qualification de
concession qu’à des contrats complexes où les travaux étaient associés à une période
de gestion et parfois à des acquisitions immobilières. Puis, dans une étape suivante
d’évolution de sa jurisprudence, il créa la notion de « marché d’entreprise de travaux
publics » (METP) en 1963 dans un arrêt Ville de Colombes, qui concernait
l’indemnisation d’une personne qui avait subi un préjudice de la part d’un camion
d’ordures ménagères. Le contexte correspond à la naissance du Code des marchés
publics. C’est à partir de cette date que, contrairement à la jurisprudence Pasquet qui
18
Voir par exemple, World Bank: World developement report, 1994.

17
n’opérait pas de distinction selon le mode de paiement, la concession fut définie par le
paiement des usagers.

Ce critère simple, la source publique ou privée du paiement du contractant de


l’administration, est aussi un critère unique de classification, car les autres éléments du
contrat, qui sont pourtant caractéristiques de la concession dans tous les arrêts portant
sur les METP, s’effacent devant le critère du paiement. Entre 1963 et les années 1990,
ce « contrat de concession à paiement » public devait être passé selon les règles
prévues pour les marchés publics. Pourtant, le juge se garda de le qualifier de marché
public et conserva la dénomination spécifique de METP pour ce type de contrat de
longue durée, qui avait tous les éléments de la concession à paiement public. La
jurisprudence finit par mettre fin à la légalité du METP, sans définir clairement une
zone intermédiaire entre la concession et les marchés publics. Ce mouvement traduit
l’introduction progressive d’une plus grande rigidité : le droit français définit de manière
de plus en plus stricte les relations contractuelles entre les personnes publiques et les
opérateurs privés. La jurisprudence et la loi consacrent ainsi la distinction des contrats
publics en deux grandes catégories : d’un côté, les marchés publics ; de l’autre, les
délégations de service public. Cela abouti à l’instauration d’un système juridique
intermédiaire jusqu’à la création du contrat de partenariat en 2004.

4) Le contrat de partenariat, la forme la plus aboutie de partenariat public-privé à


paiement public au sein des instruments de la commande public en droit français

Le partenariat public-privé au sens large, tel qu’il a été défini en introduction,


présente un certain nombre d’atouts par rapport aux autres outils de la commande
publique et c’est pour prendre en compte les opportunités qu’il offre, que le contrat de
partenariat fut adopté en droit français19. En effet, le développement en Grande-
Bretagne d’une série impressionnante de contrats de délégation dans le domaine des
écoles, des hôpitaux, des routes et de bien d’autres services publics à paiement public,
a été rapidement suivi d’une même législation dans de nombreux pays d’Europe.

Présenté comme directement inspiré de la Private finance initiative (PFI)


britannique, voire comme une simple importation de pratiques anglo-saxonnes, bien
qu’historiquement, c’est soit l’inverse qui s’est produit20, la création du contrat de

19
F. Marty, S. Trosa et A. Voisin, Les partenariats public-privé, La Découverte, 2006, p. 96 et s.
20
Ainsi qu’il a été démontré précédemment, les schémas concessifs « à la française » existaient bien avant la vague de délégations

18
partenariat (sous entendu public-privé) résulte formellement de l’Ordonnance n° 2004-
559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat. La nouveauté constituée par la
création de ces contrats n’est pourtant que très relative puisque contrairement à une
opinion largement répandue, le droit français connaît le partenariat public-privé de
longue date avec les contrats de concession. Il convient dès lors de revenir
succinctement sur les raisons qui ont conduit à cette évolution (a), avant de le
distinguer des autres instruments de la commande publique à la disposition de l’État
(b).

a) Origine et définition du contrat de partenariat

Dès les années 1990, les deux types de contrat public (marchés publics et
délégation de service public) n’apparaissaient plus en mesure de répondre à
l’ensemble des besoins des personnes publiques. Parallèlement à l’utilisation des
délégations de service public, les années 1990 virent en effet se développer des
montages contractuels dans lesquels des personnes publiques cherchaient à mobiliser
leurs actifs immobiliers pour réaliser des infrastructures nécessaires à l’exécution de
services publics mais auxquelles il n’était pas possible de faire contribuer
financièrement les usagers.

Ce sont ces besoins qui ont conduit dans cette période au développement de
montages contractuels inventifs, pour ne pas dire complexes, utilisant les seules
ressources de la jurisprudence ou d’avis ponctuels du Conseil d’État. À de rares
exceptions près – notamment le bail emphytéotique administratif, ou BEA, réservé aux
seules collectivités territoriales – ces montages n’ont pas donné une réponse
totalement satisfaisante, en raison de leur complexité et de leur insécurité juridique21.
Ces handicaps se sont révélés alors déterminants pour empêcher un recours régulier à
ce type de montage. En effet, plutôt que des montages ad hoc qui ne garantissaient
pas nécessairement la transparence de ces opérations, le juge a renvoyé
l’Administration devant le législateur pour trouver la réponse face aux limites imposées
au recours aux contrats globaux par le Code des marchés publics et par la loi MOP de
1985.

Le constat de ce manque apparaissait d’autant plus déterminant qu’il était


concomitant au développement à l’étranger de formes contractuelles nouvelles,

et d’externalisations observée dans le monde anglo-saxon à partir des années 1990.


21
J.-F. Auby, « le contrat de partenariat était-il nécessaire ? », Op. cit.

19
notamment la Private Finance Initiative britannique. C’est ainsi que le législateur est
intervenu à plusieurs reprises, à partir de 2000, afin de créer des contrats permettant
de faire intervenir un partenaire privé pour satisfaire les besoins de la commande
publique complexe.

Ces contrats permettent de confier au « partenaire » de la personne publique


une mission globale relative au financement des investissements, à la conception et à
la construction des ouvrages, à leur maintenance et à leur gestion22. Le partenaire
privé prenant en charge le financement des investissements nécessaires au projet.

Le législateur avait précédemment instauré ce type de dispositif dans les


secteurs hospitalier et pénitentiaire. Sur le fondement de ces différents textes, de
nombreux projets virent le jour, dans des secteurs aussi variés que les infrastructures
(projets routiers, de réseaux de télécommunication ou d’éclairage public) et, depuis
2006, le secteur ferroviaire (GSM-R, contournement Nîmes-Montpellier, Bretagne-Pays
de Loire etc.), les bâtiments (construction de gendarmeries, de prisons, d’hôpitaux,
etc.) voire les services (école de formation des pilotes d’hélicoptères de Dax, etc.). Si à
l’origine le texte de l’ordonnance réservait le recours au PPP à des projets identifiés
comme « complexes » ou « urgents », les conditions d’éligibilité de ce montage
contractuel ont été assouplies : la loi du 28 juillet 2008 a élargi ses conditions à la
démonstration d’un bilan coût-avantage favorable en comparaison des autres outils de
la commande publique.

b) distinction entre contrat de partenariat et les autres contrats de la commande


publique

Parmi les instruments que le droit français de la commande publique met à


disposition de l’État pour satisfaire ses besoins, la doctrine opère généralement une
distinction entre d’un côté les délégations de service public (DSP) et de l’autre les
marchés publics. Les délégations de service public sont des contrats par lesquels la
personne publique confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à
un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux
résultats de l’exploitation du service23, tandis que les marchés publics sont globalement

22 er
Article 1 ord. et L.1414-1 CGCT.
23
la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des
procédures publiques, dite « loi Sapin ».

20
des contrats conclus à titre onéreux par lesquels l’acheteur public se porte acquéreur
des fournitures, services ou travaux nécessaires à l’exercice de ses missions auprès
d’un partenaire privé, moyennant le paiement d’un prix déterminé. Les marchés publics
sont ainsi des contrats dans lesquels les relations entre les personnes publiques et les
opérateurs privés sont identiques à celles d’un client et d’un fournisseur.

La délégation de service public présente des limites, inhérentes à sa définition-


même, qui impliquent de déléguer la gestion d’un service public et non seulement celle
d’un bâtiment ou d’un équipement, et qui ne sont qu’un moyen de fonctionnement du
service public. De plus, il résulte de sa définition que la rémunération du délégataire
doit être principalement assurée par les usagers et non par la collectivité.

Ainsi, cet outil était inadapté pour mettre en œuvre certains projets, tels que, par
exemple, les « shadow tolls »24, alors même que l’opérateur supporte le risque de
fréquentation.

En ce qui concerne les marchés publics, ils semblaient également peu adaptés
au financement privé d’ouvrages publics, du fait essentiellement de certaines
dispositions du Code des marchés, notamment celles qui interdisent les clauses de
paiement différé au bénéfice du pouvoir adjudicateur. Or, c’est précisément ce mode
de paiement qui est privilégié dans de nombreux contrats de partenariats public-privé.
De plus, l’article 10 de la loi MOP25 prévoit que pour la réalisation d’un ouvrage, la
mission de maîtrise d’œuvre doit être distincte de celle d’entrepreneur, ce qui empêche
un même contrat de marchés publics de porter à la fois sur la conception et sur la
construction d’un équipement.

Il a été noté précédemment que si le concept de partenariat public-privé n’est


pas à l’origine propre à la France, la figure juridique qui s’en rapprochait le plus à
savoir la concession et une construction jurisprudentielle française. En revanche, la
popularité du concept de PPP observée ces 20 dernières années, résulte en majeure
partie de l’ampleur, de la systématisation et de la médiatisation des « private finance
initiative » (PFI) en Grande-Bretagne qu’il convier d’examiner à présent.

24
Cette expression utilisées dans les contrats de partenariat anglo-saxons renvoie à la notion de « péages fictifs ».
25
Loi n° 85-704 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée.

21
II. Une résurgence stimulée par la PFI : le succès d’une politique
britannique

La « private finance initiative », littéralement « initiative pour le financement


privé » a d’abord été conçue comme une politique active de relance de l’investissement
dans les services publics (A) avant d’être une forme générique de contrat (B).

A. Un objectif politique : le financement des biens publics dans un contexte


de baisse de la dépense

1) La PFI : Une politique en réalité dirigiste

Le but poursuivi par la PFI était de rattraper un retard important en termes


d’investissements publics résultant de l’ère Thatcher26. L’objectif annoncé était
d’augmenter la capacité de financement du secteur public tout en diminuant la dépense
publique, en profitant de la compétence et de la capacité d’innovation du secteur privé,
ainsi que des économies réalisées par l’adéquation des infrastructures au service rendu
et enfin, améliorer la qualité des services publics en imposant au secteur privé des
critères de qualité dont le respect conditionnerait le montant des paiements.

La littérature consacré au sujet résume globalement les attentes des pouvoirs


publics vis-à-vis des opérateurs privés à deux points essentiels : apport de
financements et savoir-faire des entreprises privées, qui faisaient défaut à
l’administration britannique.

Des subventions furent octroyées par le gouvernement pour encourager au


niveau local l’adoption de mécanismes de PFI. Ainsi, selon un modèle qui se
rapprocherait de la tutelle technique pratiquée en France dans les années 1970, le
montant des aides versées par l’État était étroitement lié au respect, par les autorités
locales, de modèles techniques et procéduraux définis par le gouvernement. L’efficacité
du mécanisme était accentuée par une grande centralisation du pouvoir, bien plus
importante que celle qui était en vigueur en France après les lois de décentralisation de
1982 : aucun principe d’autonomie ou de liberté des autorités locales comparable à

26
Programme lancé en 1992 sous à l’occasion du discours sur le Budget de Norman Lamont, Chancelier de l’Échiquier de John
Major, Premier ministre.

22
celui que prévoit l’article 72 de la Constitution française, ne viendrait limiter les formes
de tutelles administratives.

2) Une évaluation constante des résultats

Lors du lancement de la PFI, il fallait vaincre les réticences des autorités locales.
Pour cela, le recours à la PFI s’est intégré dans un processus plus large d’évaluation
des politiques publiques. Le système d’encadrement des autorités locales est
aujourd’hui très élaboré dans ce pays. Il est fondé sur le principe d’évaluation préalable
des politiques publiques dans le but d’atteindre la best value for money, c’est à dire la
recherche du meilleur rapport qualité-prix. Même si ce concept n’est pas dénué
d’ambiguïté et sert parfois de justification a posteriori, les autorités locales doivent
justifier leurs choix, non seulement par rapport au contenu des politiques mais
également en ce qui concerne les modalités de gestion des services.

C’est dans cet esprit que chaque opération de PFI doit donner lieu au calcul d’un
Public sector comparator, une sorte de budget et compte de résultat virtuels de
l’opération selon les deux modalités : régie traditionnelle ou externalisation. Le projet ne
n’est admis en PFI que si le résultat du comparator est en faveur de cette dernière.
Cette technique du Public sector comparator et cette discipline de l’évaluation préalable
ont très clairement inspiré les rédacteurs de l’ordonnance de 2004, relative au contrat
de partenariat en France.

3) La PFI est dans sa phase de maturité

En comparaison de la situation qui prévaut en France où le Gouvernement actuel


manifeste certaines réticences ou du moins une forme de frilosité à l’égard des contrats
de partenariat, la politique de PFI, initiée par les conservateurs, loin d’avoir été remise
en cause par les changements de majorité survenus depuis son adoption, fut au
contraire poursuivie et amplifiée par les travaillistes. Quinze ans seulement après son
adoption, en 2007, étaient dénombrés plus de 600 opérations dont 500 en exploitation,
pour un montant total d’environ 71 milliards d’euros, soit 10 à 15 % de l’investissement
public.

Cependant, cette politique fit l’objet d’un réexamen critique qui a débouché sur
une réforme annoncée en décembre 2012. Cette nouvelle approche, baptisée « Private

23
finance 2 » était destinée à en corriger les faiblesses et améliorer les avantages pour le
secteur public dans la perspective d’un recours continu à ce mode innovant de la
commande publique27. Il ne s’agit donc pas d’une volonté de rompre avec ce procédé
mais de l’améliorer afin d’un garantir un usage continu. Il faut en effet admettre que la
PFI n’occasionna pas dans tous les cas les économies espérées pour le contribuable et
un certain tassement était perceptible depuis environs 3 années.

Cette stabilisation s’explique par plusieurs faiblesses exposées dans un rapport


du ministère des Finances britannique (HM Treasury) intitulé « a new approach to PPPs
», rendu public en décembre 2012, à l’issue de consultations approfondies28 :

- quelques sinistres emblématiques : faillite de Metronet29 ;


- un transfert de risques trop systématique, et parfois inefficient vers le privé30 ;
- échec de l’informatisation des tribunaux et de la fabrication des passeports ;
- des procédures d’attribution souvent longues (et donc trop coûteuses) ;
- une rigidification des dépenses en période d’exploitation31 ;
- un certain manque de transparence32 ;
- un coût de financement privé croissant depuis la crise de 2008.

Mais inversement, les avantages majeurs du PPP, liés à la capacité du secteur


privé d’innovation et de gestion du projet et de ses risques, sont reconnus dans le
rapport :

- respect global des délais et des budgets de réalisation et des exigences de


performance ;
- et maintien des ouvrages et équipements en bonne condition sur leur durée
de vie.

Ce retour d’expérience, positif dans l’ensemble, explique d’ailleurs le


développement rapide de ce mode de commande publique : 700 projets lancés en vingt

27
Études économiques de l’OCDE Royaume-Uni, février 2013 synthèse, p. 34.
28
Plus d’une centaine d’auditions et témoignages recueillis.
29
L’un des deux contrats pour le métro de Londres.
30
Due à l’excès de transfert de risque vers le secteur privé et à une raréfaction des projets les plus simples (le PPP connaissait une
phase de rendements décroissants en Grande-Bretagne).
31
Résultant d’un manque de flexibilité des contrats.
32
Tant sur les coûts futurs pour le public que sur les profits côté privé, dont les gains apparaissent parfois disproportionnés, par le
jeu d’effets d’aubaine suite notamment à un refinancement de la dette ou de l’equity – des capitaux propres.

24
ans pour 55 milliards de livres sterling d’investissement cumulé.

Sur ces bases, le gouvernement britannique considéra que le recours au secteur


privé pour la mise en œuvre d’investissements et de fournitures de services publics
restait justifié, moyennant un certain nombre d’ajustements. Certains d’entre eux
avaient déjà été décidés en 2011-2012 comme la publication d’un bilan consolidé du
secteur public, destiné à mieux refléter les engagements au titre des PPP, la
renégociation de contrats de PPP en exploitation pour dégager des économies ou
l’abolition des « PFI credits », forme de subvention spécifique aux projets lancés en
PFI.

Parallèlement, ont été annoncées plusieurs initiatives destinées à soutenir et


accélérer la livraison des projets d’infrastructures, tels qu’un schéma de garantie
publique de 40 milliards de livres sterling, la mise en place de la Green Investment
Bank ou de co-financements publics sur certains projets PFI.

B. Un instrument de mise en œuvre : le contrat

1) Les contrats de PFI sont des contrats de travaux et de services à paiement public

La plupart des contrats de PFI sont des contrats de longue durée, par lesquels
l’administration confie à un cocontractant le financement, la conception et la réalisation
d’une ou plusieurs infrastructures et du service dont elles sont le support. Cette
description fait penser à la délégation de service public, et plus particulièrement à la
concession. Mais dans le cas de la PFI, le cocontractant est rémunéré essentiellement
par un prix payé par l’administration, ce qui l’assimile aux marchés d’entreprise de
travaux publics (METP).

2) Une grande liberté contractuelle dans un cadre juridique sécurisé

Du point de vue du droit comparé, il est remarquable d’observer que La PFI, en


tant que forme générique de contrat, n'a pas fait l'objet d'un texte de loi, mais de
« guides » du ministère des finances33. Quatre guides publiés à l’origine et complétés
par un très grand nombre de publications d'organes spécifiques, dont le groupe de
33
Cela est contraire à l’idée entretenue en France au sujet du droit britannique.

25
travail du Trésor (Treasury Taskforce) suffirent pour établir les principaux fondements
de cet instrument juridique34.

La Common Law permet de faire l’économie de difficiles typologies


contractuelles, puisque le régime des contrats est unique. L’imagination contractuelle
peut donc se développer sans entrave, en s’appuyant sur les techniques de project
finance, utilisant elles-mêmes la souplesse du contrat privé. C’est la faisabilité
financière qui est le moteur de ce type de montage. Chaque opération s'organise autour
d'un montage contractuel comprenant au moins trois contrats, qui forment une
« matrice contractuelle » :

- le contrat principal lie l'administration à un consortium d'entreprises auquel est


confiée la construction d'un équipement et son exploitation, à travers une société de
projet ad hoc (Special Purpose Vehicle, ou SPV). Les financiers de l'opération,
établissements bancaires ou fonds d'investissements, peuvent participer au SPV. Cette
société de projet ne réalise pas directement l'objet du contrat ; elle lui sert seulement de
support et en confie l'exécution-même aux entreprises membres ou à des sous-traitants
;

- un ou plusieurs contrats lient la société de projet avec les entreprises chargées


de la construction et de l'exploitation ;

- le contrat de financement est tripartite : il lie la société de projet aux financiers


qui fournissent les fonds nécessaires au préfinancement de l'équipement, mais aussi,
directement, ces deux cocontractants avec la collectivité publique, notamment pour
prévoir les éventuelles garanties apportées par celle-ci et en sens inverse, les
conditions de transfert du contrat en cas de défaillance, à travers des clauses dites de
« step in ». Il faut en outre replacer cette politique dans son cadre juridique d’origine. En
particulier, celui-ci ne connaît pas de domanialité publique stricto sensu. Les terrains et
immeubles utilisés par le service public y sont de simples actifs dont les cocontractants
peuvent disposer au mieux des contraintes financières et techniques de l’opération,
selon une infinité de combinaisons.

34
The PFI – Breaking New Ground (BNG) (H.M. Treasury, novembre 1993). (2) Private Opportunity, Public Benefit – Progressing
the PFI (POPB) (H.M. Treasury, Private Finance Panel, novembre 1995). (3) Partnership for Prosperity – The PFI (PFP) (Treasury
Taskforce on Private Finance, novembre 1997). (4) A Step-by-Step Guide to the PFI Procurement Process (Treasury Taskforce on
Private Finance, novembre 1997).

26
Au sein du vaste éventail de montages PFI, deux principaux types de contrats
peuvent être identifiés :

- les contrats financially free standing, fondés sur le principe d’un paiement par
l’usager, correspondent globalement à la DSP (et plus particulièrement à la
concession) ;

- les services sold to the public sector, qui prévoient une rémunération de
l’opérateur par l’administration se rapprochent des contrats de partenariat du droit
français.

Une seconde typologie classe les contrats en fonction du sort des biens qui en
sont l’objet. Si les biens sont destinés à devenir propriété de l’administration en fin de
contrat, il s'agira d'un BOOT35 ou d'un DCMF36. Si les biens doivent rester propriété de
l’exploitant, il s'agit d'un BOO37. Le DBFO38, quatrième élément de cette typologie, est
un contrat « neutre » : sa dénomination ne dépend pas de la propriété des biens en fin
de contrat.

Cette seconde typologie n’est pas très pertinente dans la mesure où les quatre
termes sont en réalité quasiment synonymes. En outre, le terme DCMF semble réservé
aux contrats de prisons. La seule typologie efficiente est donc celle fondée sur l’origine
des ressources. Les contrats PFI, réduits la plupart du temps à la dénomination de
DBFO, sont principalement des services sold to the public sector, donc des contrats
dans lesquels le cocontractant est essentiellement rémunéré par un prix versé par
l’administration. Le modèle concessif est réservé, pour l’instant, à de très grands
projets, comme les ponts ou le métro de Londres. Aucune autoroute n’a à ce jour fait
l’objet d’une concession.

Malgré l’existence de guides, des lois furent adoptées pour assurer la légalité du
recours aux contrats de PFI (Deregulation and Contracting Out Act de 1994), afin
d’apaiser les craintes des établissements financiers. Le gouvernement britannique a par
ailleurs utilisé ses « Royal Prerogatives »39 afin d’encadrer très précisément le recours

35
BOOT : “Build, Own, Operate and Transfer”, littéralement « Construire, Posséder, Faire fonctionner et Transférer ».
36
DCMF : « Design, Construct, Manage and Finance », « Dessiner, Construire, Diriger et Financer ».
37
BOO : « Build, Own and Operate », « Construire, Posséder et Exploiter ».
38
DBFO : « Design, Build, Finance and Operate », « Dessiner, Construire, Financer et Gérer ».
39
Pouvoir discrétionnaire qui relève légalement de la Couronne, mais qui dans la pratique est largement exercé parles ministres.

27
à la PFI. Enfin, l’éligibilité aux subventions implique le respect de nombreux
« guidelines » et contrats-types au statut quasi réglementaire.

Fig. 1 : structure financière d’un contrat de DBFO

Cette structure de financement est similaire à celle qui est utilisée dans le cadre du Contrat de
partenariat : c’est une structure financière caractéristique des financements de projets (conf. Figure 2).

28
Fig. 2 : structure financière d’un Contrat de partenariat

40
Source : Institut de la Gestion Déléguée

40
http://www.fondation-igd.org/upload/pdf/Publi/FinancPPP.pdf

29
Chapitre 2 : Une diffusion croissante sous l’impulsion des
organisations internationales

Au début des années 1990 et suite aux vagues de privatisations préconisées


dans les années 1980 qui ont eu un bilan mitigé41, la Banque mondiale fut la première
institution multilatérale à préconiser les PPP, notamment dans le domaine des
infrastructures42. Cette option fut rapidement relayée par les agences bilatérales de
développement participant à la mise en œuvre du « cadre intégré de développement ».

En 1999, le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, lança, à l’occasion du


Forum économique de Davos, un « Pacte mondial », le Global Compact, qui consistait
à stimuler l’application, par les entreprises transnationales, des droits sociaux et
économiques ainsi que des normes environnementales. Enfin, lors de la Conférence de
Monterrey, en 2002, portant sur le financement du développement, les gouvernements
soulignèrent l’importance des PPP comme instrument permettant de mobiliser de
nouvelles ressources pour permettre de se rapprocher des Objectifs du millénaire. Dans
ce contexte d’échec des privatisations, la création de nouveaux partenariats s’imposait.

Si ce mouvement trouve sa source dans le contexte budgétaire contraint qui


entraîne une baisse de l’aide au développement, il est surtout inspiré des idées prônées
par l’École du public choice, qui contestent l’efficacité de l’action publique traditionnelle
et qui tendent à présenter les PPP comme « l’horizon unique de la nouvelle action
publique »43.

Sans trop insister sur les querelles idéologiques, il convient de rappeler que les
Organismes internationaux envisagent le PPP comme une solution permettant de
concilier plusieurs impératifs auxquels doivent faire face les pays en développement (I),
puis d’examiner ensuite la façon dont ils sont mis en œuvre notamment par les
Institutions financières internationales (II).

41
Agence Française de Développement, « Les privatisations en zone franc : synthèse des travaux du groupe de travail MINEFI /
AFD », document de travail, septembre 2006, p. 7.
42
La distinction principale entre une privatisation stricto sensu et un PPP est que la privatisation prévoit le transfert de la propriété
du bien privatisé à l’opérateur privé.
43
http://www.guglielmi.fr/spip.php?article111

30
I. Une solution permettant de concilier plusieurs impératifs

Bien que le rôle traditionnel de l’État est d’assumer la responsabilité de l’accès


de la population aux services essentiels, l’importance croissante du rôle du secteur
privé dans la santé et l’éducation ainsi qu’une tendance à la privatisation de
l’approvisionnement en eau et en électricité et des services d’assainissement est
observée depuis plus de deux décennies dans les pays du sud. Les raisons avancées
pour justifier cette évolution sont de trois ordres : la faiblesse des ressources publiques,
la médiocre qualité du service public et les pressions en faveur de la libéralisation
économique.

Dans ses publications, le FMI confirme que les PPP prirent une dimension
considérable lorsque la vague de privatisations des années 1990 perdit de son élan44.
Toutefois, le FMI souhaite limiter la notion de partenariats public-privé aux accords
correspondant au schéma « design-build-finance-operate » (DBFO : concevoir-
construire – financer – exploiter). Dans ce schéma, les services étatiques déterminent
quelles infrastructures ou prestations ils attendent du secteur privé. La différence par
rapport au financement public traditionnel réside dans l’hypothèse selon laquelle le
transfert de certains domaines de compétence - pour ce qui est de la conception, de la
construction, du financement et de l’exploitation d’infrastructures - de l’État à des
opérateurs privés augmenterait l’efficience45. Pour les organisations internationales qui
prônent l’orthodoxie financière, le PPP est avant tout un outil permettant de limiter les
dépenses publiques46, en particulier dans le domaine sociale pour les consacrer
principalement aux infrastructures. C’est donc un instrument qui vise à assurer
l’équilibre budgétaire sans pour autant constituer un frein au développement des
infrastructures (A). Dès lors que la gestion des infrastructures ainsi créées et
l’exploitation des services qu’elles portent, se voit confiée à un opérateur privé qui
recourt à des modes de gestion inspirés du monde de l’entreprise, cela garantirait selon
les organisations internationales, une meilleure efficacité opérationnelle et un service
public de meilleur qualité (B).

44
IMF (FMI), « Public-Private Partnerships, Prepared by the Fiscal Affairs Department (In consultation with other departments, the
World Bank, and the Inter-American Development Bank) », 12 mars 2004, p. 5.
45
Ibid.
46
Selon ce point de vue, l’endettement public doit être réservé aux seules dépenses d’investissement.

31
A. Atteindre l’équilibre budgétaire tout en développant l’offre de biens publics

Selon une approche budgétaire, la contrainte résultant de l’accroissement de la


dette et des déficits publics, aboutit à des arbitrages défavorables à l’investissement. En
effet, les dépenses courantes notamment consacrées au secteur social, qui
représentent dans les pays pauvres une masse considérable, sont beaucoup plus
difficiles à réduire que les dépenses en capital. Ces dernières ayant une moindre
sensibilité politique, leurs conséquences ne sont visibles qu’à long terme. Selon le
constat des institutions financières internationales, au sein de l’investissement public
même, la réduction des budgets se traduit en général par une priorité aux
investissements nouveaux, y compris au détriment de l’entretien des infrastructures
existantes. Cela a pour conséquence qu’en l’absence d’une comptabilité patrimoniale,
qui permettrait de constater la perte de valeur des infrastructures mal entretenues, leur
dégradation n’a pas d’incidence budgétaire et reste de ce fait une stratégie de gestion
courante.

Pour ne prendre qu’un exemple emblématique, le Royaume-Uni a connu depuis


la fin de la Seconde Guerre mondiale un sous-investissement chronique dans le
domaine des transports et des infrastructures publiques. La politique de Private Finance
Intiative constituait une réponse à une situation de dégradation générale et de besoin
de renouvellement urgent des infrastructures. L’austérité budgétaire conduit donc à un
goulet d’étranglement préjudiciable à la croissance, c’est en ce sens que les
partenariats sont considérés comme susceptibles de résoudre la quadrature du cercle
tenant à la limitation des engagements financiers publics face à des besoins
d’investissements massifs, croissants et impérieux. En effet, alors que les besoins
annuels d’investissements dans les infrastructures se situent entre 1 et 2 % du PIB
dans les pays industrialisés (3 % en intégrant la maintenance), ces derniers s’élèvent à
plus de 4.5 % dans les pays en développement (près de 10 % en tenant compte de la
maintenance des ouvrages). L’intérêt budgétaire d’un PPP est qu’il permet de maintenir
un niveau élevé de production des équipements collectifs sans nécessairement
engager dans l’immédiat des investissements considérables qui viendraient accroître le
service de la dette et affecter le solde budgétaire : s’il s’agit d’un PPP à paiement
public, le paiement est étalé sur une longue période, ce qui constitue « un paiement à
crédit ».

32
Ainsi, le développement de l’approche partenariale fait-il écho à la montée en
puissance de l’exigence de transparence et de responsabilité budgétaire, traduite en
anglais par le concept d’accountability et la mise en place d’une organisation comptable
fondée sur le modèle du privé.

B. Garantir l’efficacité opérationnelle et la qualité des services publics

Aucune étude objective n'a permis d’attester de la supériorité de la gestion privée


d'un service public sur la gestion en régie. Toutefois, trois bénéfices sont attendus de la
gestion déléguée au secteur privé en plus de l’externalisation des charges
d'investissement et de fonctionnement du service délégué : une meilleure prévision des
coûts et un meilleur respect des délais de livraison des infrastructures, une optimisation
de la prestation tout au long de la durée du contrat et enfin, une plus grande implication
des usagers dans la fourniture du service.

1) Le respect des délais et des coûts de construction

Contrairement aux difficultés rencontrées lors du recours aux marchés publics,


qui sont souvent liées aux délais et difficultés de paiement par la personne publique et
qui entraînent donc un retard dans la réalisations des infrastructures par la personne
privée, les opérations en PPP comportent toujours une puissante incitation au stade de
l’étape de la construction. Dans ce type de partenariat, la rémunération de l’opérateur
privé due au titre de la réalisation de l’ouvrage est liée, pour partie, au respect des
délais de livraison. Il a été vu précédemment qu’en Grande-Bretagne, le principe
général est que la rémunération du cocontractant ne peut commencer qu’après la
remise des ouvrages.

Pour certaines formes de délégation, cette incitation est structurelle puisque


dans le cadre d’une concession (PPP à paiement privé), la perception d’une redevance
sur les usagers ne pourra débuter qu’après la réalisation des ouvrages. Souvent, les
délais de préparation et de mise en concurrence, par la procédure du dialogue
compétitif, sont considérés par les critiques du PPP comme un inconvénient de ce type

33
de montage. Cependant, le caractère global des opérations de partenariat public privé
(incluant tout ou partie de la conception et souvent l’ensemble des étapes de
réalisation) permet de contracter en une seule opération les procédures successives de
sélection dans le cadre des différents marchés nécessaires à une maîtrise d’ouvrage
publique classique. Même si unitairement la procédure préalable au contrat de
partenariat est sans doute plus longue, elle permet en théorie de gagner des délais
importants au final.

2) Une optimisation tout au long de la durée du contrat

Un autre atout du partenariat public privé : l’optimisation tout au long du contrat.


Sur la forme, il permet de trouver des solutions optimales et de rendre les projets
possibles. Sur le fond, il présente l’avantage de la flexibilité : le partenaire privé prend
en charge la maîtrise d'ouvrage et le contrat est amené à évoluer au cours des années
afin de s'adapter à des changements d'environnement. Ces qualités peuvent se
résumer par une caractéristique de ces contrats globaux : ils incitent l’opérateur privé à
optimiser tout au long du contrat entre la phase de construction et la phase
d’exploitation de l’équipement. Dès lors que le même opérateur est chargé de la
création et de la maintenance d’un ouvrage, cela l’incite à doser son investissement
pour optimiser les charges de maintenance, et réciproquement, puisqu’il sera tenu de
remettre l’équipement en bon état de marche à l’issue du contrat. La durée du contrat
vient, de ce point de vue, accroître ces incitations qui peuvent être qualifiées
« d’incitations endogènes ».

3) Vers une redéfinition du rôle des populations et de leurs organisations


représentatives dans la fourniture des services essentiels

Un rapport du secrétaire des Nations unies sur la société civile exprime


parfaitement cette nouvelle vision du développement et de l’accès aux services publics
basé sur la promotion des partenariats public-privé. L’idée centrale est qu’il faut tirer
parti des synergies potentielles ou existantes entre les différents acteurs du
développement et travailler à mettre en contact les diverses parties prenantes
concernées par un problème. L’enjeu est donc autant politique – la satisfaction plus
rapide des besoins du service public – qu’économique : la réduction des délais pour

34
disposer d’infrastructures performantes améliore le rendement socioéconomique de
l’opération. Encore est-il nécessaire de disposer des capacités d’analyse pour
précisément identifier et quantifier ces gains socio-économiques. De fait, l’adoption des
mode de gestion du monde de l’entreprise, c’est-à-dire la préoccupation d’une certaine
rentabilité, ainsi que le contrôle des objectifs par les pouvoirs publics associés à une
plus grande implication des usagers des services, perçus comme des consommateurs,
conduisent, selon les bailleurs de fonds, à proposer un service de bien meilleure qualité
aux populations. À cet égard, les PPP innovent en ce qu’ils s’inscrivent dans un
nouveau paradigme du développement qui a profondément bouleversé la distribution
des rôles et des responsabilités des acteurs étatiques et non étatiques.

35
II. Les conditions de mise en œuvre des PPP exigées par les
Institutions financières internationales

La Banque mondiale, en association avec d’autres organismes internationaux,


développa des dispositifs novateurs afin d’assurer un rôle croissant du secteur privé
dans la gestion des services essentiels. Les garanties de la Banque mondiale, la
Société financière internationale et l’Agence multilatérale de garantie des
investissements continuent à aider les gouvernements à attirer les investisseurs privés
dans le secteur de l’eau et l’assainissement, grâce à l’atténuation des risques liés à la
performance des gouvernements. La Banque mondiale fournit aussi des prêts visant à
financer des projets qui respectent les conditions de privatisation et de recouvrement
des coûts. C’est le cas, par exemple, du projet de fourniture d’eau à Luanda, en Angola,
dont les objectifs sont notamment de recruter des entreprises privées pour gérer le
système de distribution d’eau dans les principaux centres urbains et d’adopter un
système tarifaire permettant le recouvrement des coûts par la société de distribution de
l’eau47.

Cette nouvelle vision dominante de la gestion des services essentiels et des


biens publics marque aussi le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique
(NEPAD), lancé en 2001, qui encourage les partenariats entre le secteur public et le
secteur privé pour attirer de nouveaux investissements dans différents secteurs
essentiels, dont l’eau. Cette position marque un changement profond chez les élites
dominantes africaines, qui étaient pourtant hostiles aux privatisations mais qui jouent
désormais le jeu de la globalisation en ouvrant leurs portes aux investissements directs
étrangers des firmes multinationales et en leur proposant des opportunités de
valorisation du capital dans de nouveaux secteurs d’activités (transport, énergie,
logement, eau ou encore assainissement).

On compte aujourd’hui plus de 2350 partenariats public-privé dans les secteurs


de l’eau et de l’assainissement alors qu’ils étaient quasiment inexistants au début des
années 1990. La promotion des partenariats et la redéfinition des champs de
responsabilité public-privé ne sont toutefois pas sans poser de problèmes car sous le

47
C. D. Torres, « The future of water in african cities why waste wayer ? », The World Bank édition.

36
couvert d’améliorer la qualité et l’accès aux services essentiels, ces politiques se sont
traduites par des résultats parfois controversés lorsqu’ils ont été associés à la
privatisation de ces services. Le problème se pose à chaque fois que les sociétés
privées ne souhaitent pas assurer l’approvisionnement en eau des campagnes ou des
quartiers populaires dans les pays à faible revenu, considérant cette activité comme
non rentable compte tenu de l’absence de marchés solvables dans ces zones. Par
exemple, à Cartagena, en Colombie, un grand bidonville n’était pas raccordé au réseau
parce que le prestataire estimait qu’il ne faisait pas partie de l’agglomération.

Les institutions financières internationales assurent la diffusion du modèle de


partenariat public-privé en faisant de la mise en place de cet outil, une condition d’aide.
Cette conditionnalité apparaît à deux niveaux : au stade de la définition des stratégies
de développement validées par elles (A), ainsi qu’au moment de l’évaluation préalables
des projets (B). Toutefois, leur mise en œuvre dans les pays concernés soulève de
nombreuses difficultés qu’il convient d’évoquer (C).

A. La définition d’une stratégie de développement validée par les IFI

L’accès aux ressources des principaux bailleurs de fonds est de plus en plus
soumis à la préparation par le pays demandeur d’un document spécifiant la situation
socio-économique du pays, les objectifs relatifs à la baisse de la pauvreté sur une
perspective à long terme et les moyens prévus pour atteindre ces objectifs. Il s’agit du
Document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP). L’originalité de ce document
est qu’il doit être le fruit d’un processus consultatif faisant appel une participation très
large des différents acteurs et, en particulier, des acteurs non étatiques48. Les objectifs
des DSRP sont multiples mais parmi ceux-ci figurent en bonne place la promotion de la
participation des entreprises privées avec lesquels les pouvoirs publics sont amenés à
collaborer pour la réalisation des infrastructures de développement.

48
Depuis 1999, le dispositif des DSRP s’est largement propagé dans les pays pauvres. Fin septembre 2003, 14 pays avaient
achevé leur DSRP final et 32 pays avaient commencé le leur (IMF 2003). La mise en place des DSRP a constitué une étape
importante dans l’évolution de la coopération au développement car ces documents visent à accroître la coordination de l’aide et
l’harmonisation des procédures des bailleurs de fonds. Ils déterminent les objectifs, priorités et séquences dans la lutte contre la
pauvreté à partir desquels l’aide bilatérale et multilatérale va s’organiser.

37
De plus, le rôle dominant des organisations de Bretton Woods dans la
hiérarchisation des objectifs et le choix des politiques à mettre en œuvre reste crucial.
Le gouvernement est formellement responsable de la mise en œuvre du programme
mais ce sont la Banque mondiale et le FMI qui valident ou non, à travers l’octroi de
crédits destinés aux projets de développement ou d’allégement de la dette. Ce pouvoir
de veto détermine la nature des politiques proposées.

Il est pour le moins regrettable que les choix des investissements réalisés dans
le cadre de PPP, en particulier lorsqu’ils sont financés par les institutions financières
internationales résultent essentiellement de leur propre stratégie, de leur volonté de
financer un secteur plutôt qu’un autre, conformément aux priorités qui sont celles des
gouvernements qui les dirigent. Le résultat de cette tendance est que bien souvent
l’accord de financement est plus ou moins facilité, selon que l’investissement à réaliser
correspond à une ligne directrice fixée par le conseil d’administration, voire la tutelle
politique du prêteur. Cela est particulièrement vrai pour les bailleurs bilatéraux qui
restent sensibles à des investissements en accord avec leurs gouvernements ou leurs
opinions publiques. Ainsi, sur le fondement du DSRP qu’ils « valident » les bailleurs de
fonds accordent leur aide en fonction des programmes d’action correspondant aux
priorités politiques de leurs gouvernements : si l’emprunteur souhaite réaliser dans le
cadre d’un PPP une infrastructure jugée comme portant atteinte à l’environnement49,
même si cela est indispensable pour son développement, il aura beaucoup plus de
difficulté à obtenir une aide auprès d’une institution dépendant d’un ou de plusieurs
pays, qui souhaiteraient imposer aux pays en développement des conditions
contraignantes en matière de respect de l’environnement.

B. L’évaluation préalable du projet

Le contrôle opéré est ici moins politique que celui précédemment évoqué. Il est
plus technique et d’une certaine façon, plus objectif. L’évaluation préalable poursuit un
objectif d’ordre contractuel mais il ouvre également la voie à un examen des conditions
budgétaires, qui constituent une préoccupation majeure des organisations financières

49
Cela fait penser au débat actuel sur la dangerosité de l’huile de palme - qui n’a pas été démontrée – et qui fait l’objet de
réticences de la part de certains bailleurs, lorsqu’il s’agit de financer dans le cadre de PPP, des projets comme celui qui est
actuellement mené au Gabon, qui résulte d’un accord entre l’État gabonais et l’entreprise singapourienne Olam, qui a pour objet la
création et l’aménagement de zones franches, mais qui prévoit en contrepartie d’attribuer à ladite entreprise de vastes espaces
pour la production d’huile de palme.

38
internationales.

D’un point de vue contractuel, elle vise à identifier et justifier la solution de


réalisation la plus adaptée aux besoins de la personne publique. Par exemple le choix
entre un marché public classique et un PPP. Il est attendu que cette comparaison soit
menée de façon objective, sans privilégié un arrangement plutôt qu’un autre, mais il
résulte de ce qui précède que le PPP a en réalité les faveurs de donateurs. Le second
objectif de l’évaluation préalable est de présenter aux partenaires financiers, en
particulier lorsque l’État doit apporter sa garantie au projet, des éléments probants
justifiant de sa capacité à assurer sur le moyen et le long terme le paiement de la
prestation auprès de l’opérateur privé.

Satisfaire ces différents objectifs entraine un certain nombre d’avantages dès lors
qu’ils incitent à une définition précise des besoins exprimés par la personne publique. Il
convient de noter à cet égard que pour les bailleurs internationaux, l’exigence d’une
évaluation préalable est beaucoup plus forte lorsqu’il s’agit de projets qui comportent
une dimension environnementale significative en ce sens qu’ils peuvent porter atteinte à
la préservation des espèces, de la biodiversité et à la protection de l’environnement,
sujet auquel leurs opinions publiques demeures sensibles.

C. De l’engouement au grippage de la dynamique : vers une crise des PPP


dans les PED ?

Dans les pays en voie de développement une multitude de partenariats se sont


avérés décevants car, contrairement à ce qui était prévu, le transfert de la gestion au
partenaire privé ne permit pas d’obtenir les améliorations escomptées faute d’une
implication suffisante du partenaire privé pour améliorer la qualité du service. C’est
notamment le cas de la concession des aéroports de Madagascar, qui concerne un
domaine pourtant rentable : le secteur aéroportuaire. Recherchant une gestion plus
efficace des principales plates-formes aéroportuaires du pays, le gouvernement
malgache décida, en 1990, de nouer un partenariat public-privé (PPP) et créa la société
Aéroports de Madagascar (ADEMA). Le partenaire stratégique (Aéroport de Paris)
devait permettre de dynamiser l’exploitation, de favoriser l’accès aux bailleurs de fonds
et d’apporter des financements pour les investissements de renouvellement.

39
L’implication insuffisante du partenaire stratégique ainsi qu’une présence persistante et
multiforme des pouvoirs publics ont conduit à l’échec du projet ; la conséquence a été
une renationalisation des biens dont la gestion fut précédemment concédées50.

Un autre exemple concerne la concession relative à la gestion de l’eau et de


l’électricité au Gabon confiée à la compagnie Veolia Eau à travers sa filiale Veolia
Waters. Cette concession présentée par de nombreuses publications notamment de la
Banque mondiale comme un partenariat réussi, fait l’objet de nombreuses difficultés
depuis plusieurs années entre le pouvoir et le concessionnaire, du fait des délestages
répétés et une pénurie permanente en eau potable imposés aux populations. Les
investissements nécessaires à l’expansion du réseau pour tenir compte de l’évolution
démographique n’ont pas été suffisants.

Il est possible, à partir de la base de données établie par la Banque Mondiale, de


dégager quelques faits caractérisant le recours aux PPP dans les pays en
développement. Ces derniers traduisent à la fois de fortes disparités régionales et
sectorielles, mais aussi et surtout une concentration sur des types d’opérations plus
proches de contrats de concessions voire de privatisation que de contrats de
partenariats tels qu’ils sont désormais envisagés en France51. Les partenaires privés
s’intéressent volontiers aux PPP à paiement privé plutôt que des mécanismes à
paiement public. Si l’instabilité caractérisant certains pays peut justifier de tels
comportements opportunistes, la question se pose de savoir si les PPP à paiement
public pourront réellement se développer dans les secteurs sociaux.

Par ailleurs, en ce qui concerne les PPP à paiement privé, le constat fait dans les
pays du sud est que les populations les plus démunies font les frais de la réticence des
opérateurs privés à financer des investissements peu rentables dans les zones
populaires et doivent faire face au principe du paiement des services par le client,
principe sur lequel repose un grand nombre de partenariats public-privé. Ainsi, en 2000,
dans la ville bolivienne de Cochabamba, par exemple, le prix de l’eau devint trois à
quatre fois plus élevé quelques semaines seulement après l’obtention du marché de
l’alimentation en eau de la ville par entreprise privée londonienne.

50
Agence française de Développement, « La concession des aéroports de Madagascar, une privatisation en trompe-l’œil ? »,
Document de travail, août 2007.
51
P. MARTY, A. VOISIN, S. TROSA, Les partenariats public-privé, La Découverte, Paris 2006.

40
Ces problèmes mettent en lumière quelques limites des partenariats public-privé.
C’est pour prendre en compte les risques d’exclusion des couches populaires de
l’accès à ces services essentiels qu’une réflexion est menée sur les biens publics
globaux, qui ne sont pas des biens comme les autres et doivent à ce titre être fournis
par des mécanismes échappant à la logique du marché ou alors par des mécanismes
modifiés de marché assurant que nul n’en soit exclu52. L’apparition de la notion de
responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) fit suite à la montée des inquiétudes
concernant le processus de « privatisation » de services essentiels. Elle signifie qu’un
nouveau type de responsabilité, une responsabilité sociale, est inclue et que l’entreprise
doit être considérée non plus comme une entité économique poursuivant le seul objectif
de maximisation du profit mais aussi comme une partie prenante parmi d’autres dans
son environnement. À cet égard, elle doit également viser l’amélioration des conditions
de vie et de travail des populations tout en préservant sa rentabilité. Ce type de
réflexion ne vise donc pas à dissuader de recourir aux partenariats public-privé, mais à
les accompagner d’une plus grande implication sociale et d’une meilleure prise en
compte par les prestataires privés des objectifs d’intérêt général qui sont au fondement
des activités qui leur sont confiées.

52 ème
I. Kaul, I. Grunberg, A. Stern, « Les biens publics à l’échelle mondiale : la coopération internationale au XXI siècle », publ.
PNUD, Oxford University press, 1999.

41
Conclusion intermédiaire

La première partie de la présente contribution avait pour objectif de démontrer


l’efficacité du mécanisme de partenariat public-privé à travers son rôle déterminant
dans le développement des infrastructures au sein des pays développés et en
particulier en Europe. Au-delà des résultats satisfaisants liés au recours à ce procédé
dans la réalisation des équipements essentiels, son efficacité se manifeste également à
travers son ancienneté qui, de l’Empire romain à la Public Finance initiative britannique,
en passant par la concession française, témoigne à elle-seule de son succès. Si
l’histoire ancienne et récente fait la démonstration de son efficacité, il est alors évident
de se demander s’il peut aider à réaliser aujourd’hui, dans les pays en développement,
ce qu’il permit de bâtir à travers les siècles dans les pays industrialisés : les partenariats
public-privé constituent-ils un outil approprié pour développer l’accès aux services
essentiels dans les pays en développement ou sont-ils le produit d’une pensée
occidentale ethnocentriste peu adaptée aux réalités sociales des pays du Sud ?

Bien que correspondant à une tradition ancienne en Afrique, les PPP sont
aujourd’hui encore limités. L'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement
(OMD) passant nécessairement par la réalisation du plus grand nombre
d'infrastructures et la mise à disposition d'équipements performants, l'objectif dans la
seconde partie consistera à examiner, à travers le cas des logements sociaux au
Gabon, l’adaptabilité et les conditions de la mise en œuvre des partenariats public-
privé.

42
DEUXIÈME PARTIE : UN INSTRUMENT APPROPRIÉ AUX BESOINS
DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT - LE CAS SPÉCIFIQUE DES
LOGEMENTS SOCIAUX AU GABON

L’amélioration des conditions de vie des populations constitue dans les pays en
développement un défi majeur. Au Gabon, l’ambitieux programme de développement
économique du gouvernement se heurte à plusieurs obstacles qui favorisent la
pauvreté et ces difficultés se manifestent avec une acuité particulière dans le domaine
l’habitat. Certes la tâche est immense et les enjeux sont multiples car ils ne se limitent
pas uniquement à la question du logement, mais concernent plus généralement celle
des infrastructures et des biens essentiels. Ce dont les populations aspirent réellement
ce n’est pas tant l’existence de logements décents que de villes modernes qui
répondent à leurs besoins quotidiens. Toutefois, la crise du logement illustrent le lien
qui existe entre d’une part, l’émergence d’un environnement structurel favorisant la
compétitivité de l’économie et d’autre part, la nécessité pour les familles d’accéder à un
cadre de vie harmonieux.

Doté d’une superficie de 2677 667Km2 et d’une population de 1,5 million


d’habitants le pays est classé dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire (PRI),
avec un revenu par habitant de l’ordre de 8 833 dollars E.U53. Le Gabon connaît
cependant un niveau de pauvreté comparable à celui des pays à faible revenu :

Risque lié à la forte dépendance de l’économie nationale sur le pétrole.

Malgré les efforts de diversification en cours, la prédominance du pétrole reste


forte à moyen terme. L’économie est fortement tributaire de cette ressource qui
représente près de 50% du PIB, 60% des recettes fiscales et 80% des exportations.
Compte tenu des réserves prouvées actuelles et du rythme d’exploitation, le Gabon
jouirait de la rente pétrolière pendant encore une trentaine d’années. Cela soulève la
question d’une alternative au financement des investissements. En 2005, l’Enquête
gabonaise sur l’évaluation et le suivi de la Pauvreté (EGEP) révélait un niveau élevé de

53
Source BEAC, principaux indicateurs économiques.

43
pauvreté atteignant jusqu’au tiers de la population gabonaise54. Cette situation,
exacerbée par un taux de chômage élevé, en particulier chez les jeunes, met en
exergue la nécessité de développer des politiques et programmes qui favorisent la
création d’emplois durables, une meilleure répartition des richesses ainsi que la
réalisation d’infrastructures nécessaires au développement.

L’insuffisance des infrastructures handicape le développement

La tâche est immense : le réseau routier (9170 km) est insuffisamment


développé avec moins de 11% des routes bitumées (1055 km) et 8115 km de routes
non revêtues. Il souffre surtout d’un niveau de dégradation élevé avec moins de 20% du
réseau non revêtu en bon état. Ces conditions qui pèsent lourdement sur le
développement de l’activité économique dans les zones de production, handicapent le
commerce régional et inhibent le développement du tourisme. D’autre part, le coût
élevé de l’électricité et la recrudescence des délestages ces dernières années, qui
traduisent une offre de plus en plus déficitaire, mettent en évidence l’urgence de
renforcer les moyens de production et de transport de l’énergie électrique. Aussi,
l’approvisionnement en eau potable est caractérisé par un déficit de l’offre aggravé par
les pertes techniques importantes et des coupures d’eau régulières.

Sur le plan des télécommunications, le taux de pénétration du téléphone fixe est


de l’ordre de 5% et d’environ 90% pour le mobile. L'usage de l’internet concerne 5,76%
de la population et le haut débit est très peu développé (1,8%).

Il apparaît que les besoins en investissements sont multiples et les solutions de


financement, plus rares. La priorité en matière de financement étant donnée aux
équipements collectifs et aux infrastructures essentielles, il semble nécessaire
d’envisager la planification d’une politique de logement qui pourrait bénéficier
d’investissements sous forme de PPP.

Il conviendrait d’examiner dans un premier temps les raisons de la crise du


logement (chapitre I), puis d’envisager ensuite les conditions d’une mise en œuvre
optimale d’une politique de logement en recourant aux PPP (chapitre II).

54
Source : Banque africaine de Développement, http://www.afdb.org/fr.

44
Chapitre 1 : Les raisons de la crise

L’accès au logement est l’une des grandes priorités du Gouvernement. Politique


phare de sa stratégie de développement économique55, le programme de fourniture
massive de logements sous forme d’appartements ou de petites maisons individuelles
pour les personnes les plus démunies devait permettre de fournir près de 5000
logements par an pendant 7 ans à partir de 2009. Il s’agit du programme de réalisation
de logements sociaux. Cette politique répondait au besoin de trouver des solutions
rapides et quantitatives à la crise du logement. Compte tenu de l’état d’avancement du
programme, cet objectif pourrait être difficilement atteint et sa mise en œuvre peut
susciter des réserves, pour son approche exclusivement centrée sur la livraison de
maisons sans prendre véritablement en compte la nécessité d’une planification
préalable et d’un aménagement qui permettraient aux populations d’être desservies en
infrastructures publiques, dans des espaces intégrés, comprenant des équipements
sociaux et des infrastructures économiques.

Il existe des raisons structurelles qui freinent l’accession au logement (I), et qui
sont renforcées par l’inadaptation des mécanismes traditionnels de réalisation des
équipements dans le domaine du logement (II)

55
Le programme stratégique « Gabon émergent » (PSGE) : http://www.legabon.org

45
I. Les défaillances structurelles du marché du logement

Il existe un marché du logement au Gabon, dans la mesure où il y a une offre et


une demande. Cependant l’offre, souvent constituée de logements de luxe à de prix
très élevés, ne rencontre pas la demande, qui elle, correspond à une recherche de
logements à de prix abordables pour les classes intermédiaires et les couches
défavorisées. Cette situation aboutit donc à une défaillance du marché du logement qui
s’explique principalement par trois raisons. Tout d’abord par une démographie
croissante et l’absence de politique d’urbanisation dans un contexte de fort exode rural
(A), ensuite par l’impossibilité de recourir au crédit bancaire pour les populations moins
nanties et les couches moyennes (B) et enfin, par l’existence d’un régime foncier qui
rend difficile l’accession à la propriété (C).

A. Une démographie croissance confrontée à une urbanisation non maîtrisée

Le Gabon est un « pays vide ». Sur les neuf dixièmes du territoire, la densité de
la population est inférieure à 2 habitants par km2 et sur toute l’étendue du territoire,
celle-ci est estimée à 6 habitants par km2.

1) Les grands centres urbains concentrent l’essentiel de la population

La croissance démographique constitue un premier élément pour comprendre


les enjeux. Entre 1960 et 2011 la population du Gabon a été multipliée par 3, passant
de près de 500 000 habitants en 1960 à près d’un million et demi en 2012 (conf.
graphique 1). Bien que modérée sur la période, celle-ci est en croissance.

46
Graphique 1 : évolution de la population gabonaise entre 1960 et 2012

Cette population se concentre essentiellement dans les deux principales villes


du pays, Libreville la capitale politique et Port-Gentil, la capitale économique. L’une des
grandes caractéristiques de cette population est sa forte urbanisation qui est l’une des
plus élevée du Continent Africain, soit plus de 87% de la population vivant en milieu
urbain (conf. graphique 2).

Graphique 2 : évolution de la population urbaine

47
2) l’absence de planification et d’aménagement favorise l’habitat informel

L’absence de politique pragmatique d'aménagement urbain a emmené les néo-


citadins à s’installer de façon anarchique et illégale sur des terrains appartenant à
l'État, sur des parcelles non viabilisées, difficilement accessibles, souvent en forte
pente ou en zone inondable, et dépourvues de voies et/ou de réseaux divers (eau,
électricité, assainissement). Ces installations anarchiques ont pour conséquence la
multiplication des risques d'inondation, d’éboulements, de glissements de terrain et
d’incendies ravageurs, tous des phénomènes qui occasionnent d’importants dégâts et
des réparations très coûteuses pour l'État, aussi bien sur le plan financier
(indemnisation des sinistrés), que sur le plan humain (pertes de vies humaines). En
outre, les sinistrés qui en sont victimes, se retrouvent sans abri, obligés d’occuper
illégalement certains édifices appartenant à l'État ou des aires d'utilité publique, autant
d’éléments qui accentuent davantage leur exposition à la pauvreté et leur
marginalisation.

Il est vrai que l’État n’a pas suffisamment pris la mesure du phénomène de forte
urbanisation de la population dans la mesure où il n’a pas mis en place (i) les
conditions pour retenir les populations dans les zones rurales, en les dotant de
l’infrastructure susceptible d’y garantir des conditions de vie acceptables, à travers des
structures offrant l’emploi aux populations, ainsi que les équipements suffisants en
matière d’enseignement et de santé et (ii) en procédant à la planification urbaine et à
une structuration de l’espace au sein des villes accueillant les populations, malgré
l’existence d’une législation en vigueur56. Par ailleurs, il n’existe aucune politique de
décentralisation véritablement crédible pour permettre le développement des
collectivités locales.

Il est important de rappeler le rôle de la planification urbaine qui est un outil au


service d’une plus grande cohérence de l’action publique. Cette capacité de mise en
cohérence s’entend généralement de différentes manières. En termes spatiaux tout
d’abord : les documents d’urbanisme ont vocation à être élaborés au sein de larges
périmètres, définis sur la base de critères fonctionnels et dépassant les frontières de
l’organisation administrative locale ; en termes intersectoriels ensuite : le plan définit

56
Loi N° 3/81 du 8 juin 1981 fixant le cadre de la réglementation d’urbanisme au Gabon.

48
pour un territoire des objectifs ou des orientations dont la mise en œuvre repose sur la
coordination de plusieurs politiques sectorielles ; en termes temporels enfin : la
réflexion prospective permet d’anticiper les besoins futurs et, plus généralement,
d’intégrer les enjeux de long terme.

Or au Gabon, l’absence de mise en œuvre d’un schéma directeur à travers une


stratégie visant à structurer l’espace urbain pour en garantir la diversité, une certaine
qualité de vie, et la maîtrise de l’expansion de l’espace urbain ont favorisé l’habitat
informel, au détriment des règles élémentaires d’urbanisme dans un pays pourtant
faiblement peuplé, où le véritable problème n’est pas celui de la disponibilité de
l’espace sur l’ensemble du territoire mais de son utilisation au sein des grands centres
urbains. La Stratégie nationale d’habitat et de développement urbain initiée en 2010
devrait permettre d’aboutir à un consensus national sur ces questions et permettre de
combler un déficit en logements estimé à environ 200 000. Le gouvernement compte
investir près de 9 milliards d’euros dans les secteurs du bâtiment et de l’immobilier sur
la période 2009-2016.

B. Un secteur bancaire hors de portée des couches défavorisées

Le système financier repose largement sur un secteur bancaire fortement


concentré. En 2011, le système bancaire du Gabon comptait neuf banques en activité
dont une Banque de l’habitat du Gabon (BHG)57 qui a notamment pour mission
d'octroyer des crédits à tous les gabonais à des conditions avantageuses, pour leur
permettre de devenir propriétaires de leur logement.

Les prêts consentis par la BHG - à taux réduit et dont la durée de


remboursement peut atteindre vingt ans - servent à financer aussi bien l'acquisition de
parcelles et de logements que la construction ou la réhabilitation de logements
existants. Bien que la création d’une telle institution soit louable, ses résultats ne
permettent pas de penser qu’elle puisse régler le problème du logement. Cela est
d’autant plus vrai que les autres difficultés structurelles demeurent, notamment le
défaut de planification urbaine et l’absence d’un cadre légal clair et opérationnel
permettant l’obtention de titres fonciers sur les terrains à bâtir ou déjà bâtis. La BHG
n’a pas seule vocation à consentir des crédits destinés à la construction ou à l’achat de
57
Source : Banque de France.

49
logements. Toutes les banques gabonaises sont en théorie capables de financer ce
type de projet. Mais il existe à ce niveau d’autres difficultés qu’il convient de souligner.

Tout d’abord, l’ouverture d’un compte bancaire demeure inaccessible pour 80%
des gabonais, du fait de l’existence de procédures contraignantes : pour contracter un
prêt, qu’il s’agisse d’un crédit à la consommation ou un prêt lié au logement, il faut
apporter de solides des garanties assorties d’une visite médicale dans la plupart des
cas. Malgré leur surliquidité actuelle et les possibilités de réescompte offertes par
l’Institut d’émission (BEAC)58, elles ne souhaitent pas prendre le risque d’investir dans
l’immobilier par crainte de l’insolvabilité de la clientèle. Selon l’Annuaire statistique du
Gabon 2004-2008, environ 58 crédits immobiliers ont été accordés par le secteur
bancaire gabonais entre 2004 et 2007 pour un montant annuel de près de 1,28 milliard
de francs CFA59.

Si les taux d’intérêt nominaux sont en général compris entre 7.5 % et 8.5 % pour
les opérations les plus sûres, la crainte du risque conduit certaines banques à proposer
un taux de crédit prohibitif pouvant atteindre 15%60. Cela a pour conséquence de
réserver les services et potentialités offertes par les banques à la tranche hautes des
ménages, c’est-à-dire à une clientèle corporate, aux expatriés et aux hauts cadres de
la fonction publique. En effet, dans un pays où le salaire minimum légal est de l’ordre
de 150 euros et que de nombreux salariés perçoivent un réalité un revenu moins élevé
que le minimum légal, il serait quasiment impossible pour une personne dont le salaire
avoisine ce montant, d’obtenir un crédit consenti, pour un temps court, pour financer un
logement dont le coût peut représenter jusqu’à 200 fois son revenu mensuel.

Par ailleurs, dans la mesure où le titre foncier reste difficilement accessible, la


garantie foncière ne peut pas être apportée par les personnes issues des couches
défavorisées ou de la classe moyenne. Compte tenu des taux prohibitifs actuellement
pratiqués, une dose de concurrence devrait pouvoir aboutir au décloisonnement
progressif du secteur61. Mais sans une impulsion politique forte et une véritable
stratégie des autorités publiques qui auraient pour objectif l’abaissement des taux

58
Banque des États d’Afrique centrale.
59
PNUD, Étude diagnostique pour l’élaboration d’une stratégie nationale d’habitat et de développement urbain au Gabon, p. 34.
60
Selon un cadre bancaire gabonais interrogé.
61
Le Gabon, représenterait 228.000 comptes pour une population estimée à environ 1,6 million d’habitants, avec des placements
bancaires de l’ordre 1,1 milliard d’euros, soit une hausse soutenue de +52,8% depuis deux ans, selon l’Association des
professionnel des établissements de crédits (Acep).

50
d’intérêt dans un cadre sécurisé pour les banques, toute politique ambitionnant de
faciliter l’accès au logement pour toutes les couches de la population serait vouée à
l’échec.

C. La difficile accession à la propriété

Le régime de la propriété foncière actuellement en vigueur est fondé sur la loi


14/63 du 8 mai 1963 qui ne faisait que reprendre le régime instauré par le système
colonial à la fin du XIXème siècle, tout en renforçant les moyens de contrôle de
l'administration sur l'utilisation du sol. L'archaïsme colonial du régime de la propriété au
Gabon s'explique par l'histoire mais il constitue aujourd'hui une entrave à son
développement. Le décalage entre le foncier légal et le foncier réel constitue un
handicap pour le développement.

Le processus d’accession à la propriété est particulièrement lourd, pointilleux,


inefficace et illisible pour les demandeurs. Chaque année, à l'issue d'un long
processus, environ une centaine de terrains dans tout le pays reçoit un titre foncier
définitif, tandis que dans le même temps des milliers de constructions sont réalisées
non seulement sans permis de construire, mais aussi en dehors de tout cadre foncier
légal, dans l'insécurité juridique la plus totale62.

L'attribution de la propriété devient une sorte de récompense qui ne peut être


obtenue qu'à la suite d'un long parcours d'obstacles au cours duquel le requérant aura
multiplié les démarches et les sollicitations.

Du point de vue de l'administration, le système légal de régularisation foncière


tel que prévu par les textes en vigueur est incroyablement coûteux à gérer puisqu'il
suppose, pour chaque parcelle, une longue succession de procédures impliquant au
moins quatre visites sur le terrain et l'intervention de sept administrations différentes
(Cadastre, Domaines, Conseil des ministres, Urbanisme, Commission d'attribution,
Conservation foncière, Tribunal). Le rapport de 1977 sur l'informatisation des
procédures cadastrales ne dénombre pas moins de 134 opérations successives depuis
la demande d'attribution jusqu'à l'inscription du titre foncier avec des délais pouvant

62
J. Comby, « Quel cadastre pourquoi faire ? Le cas du Gabon », extrait d’un document de travail, mars 1995.

51
aller jusqu’à dix ans63.

Du point de vue de l'usager, la procédure constitue un parcours du combattant


qui suppose de multiples démarches et le paiement des droits successifs (en s'en
tenant aux seules taxes légales). De fait, la plupart des intéressés ne dépassent pas le
stade de l'attribution provisoire, même si leur situation devient théoriquement illégale
passé le délai accordé pour la « mise en valeur » et rare sont ceux qui transforment,
pour finir, leur attribution définitive en titre foncier. Ce système conduit à une incertitude
sur le statut des sols, mais aussi à l'impossibilité d'acheter un terrain disposant de
droits reconnus et tout en décourageant les réelles capacités d'investissement
immobilier, il favorise l'auto-construction informelle de la population.

Face aux dysfonctionnements de l’administration du cadastre, le Gouvernement


a procédé à sa suppression et créée en 2011 une Agence nationale de l’urbanisme,
des travaux topographiques et du cadastre (ANUTTC)64 chargée, entre autres,
d’organiser et de réaliser des programmes de travaux en matière d’urbanisme,
d’aménagements fonciers, de travaux topographiques et cadastraux ; d’organiser et
d’exécuter les procédures cadastrales en vue de l’établissement par les services
provinciaux de la Direction générale des Impôts, des actes de cession des terrains et
de concession des baux ordinaires et emphytéotiques.

Toutefois, les améliorations espérées ne pourraient pas résulter simplement de


la suppression d’une administration et de son remplacement par une autre ayant une
dénomination différente. Les dysfonctionnement constatés ne constituent en définitif
qu'un aspect mineur d'un problème beaucoup plus vaste, celui de l’absence d’un cadre
légal approprié mis en œuvre par une administration compétente, structurée, dotée de
moyens et ayant pleinement conscience des enjeux du développement économique.

63
Ibid.
64
Décret n°1500/PR/MHUEDD du 29 décembre 2011.

52
II. L’inadéquation des mécanismes classiques de réalisation des
logements

L’inadéquation des mécanismes traditionnels de réalisation des infrastructures


se mesure au regard des faiblesses institutionnelles et de financement de l’habitat,
mais également par rapport aux outils juridiques utilisés durant de nombreuses années
pour la réalisation des logements, à savoir le contrat de marché public.

Par ailleurs, la question du logement social bien qu’importante, rejoint celle plus
générale du financement des infrastructures et des biens essentiels, c’est-à-dire une
multitude de priorités auxquelles il faudrait urgemment apporter des réponses, dans un
contexte de baisse progressive des ressources pétrolières. Cela oblige à faire des
choix et trouver des moyens de financement innovants.

Ces constats permettent d’envisager le recours au partenariat public-privé qui


présenterait, contrairement au marché public, trois avantages : assurer le
préfinancement des ouvrages (A), bénéficier du savoir-faire du partenaire privé au
niveau de la maîtrise d’ouvrage (B) et assurer un partage de risques entre le pouvoir
adjudicateur et le constructeur-gestionnaire (C).

A. Assurer le préfinancement de l’ouvrage

Il importe de tirer toutes les conséquences de l’obsolescence du système


classique, caractérisé par l’inanité des acteurs institutionnels (1), l’inefficacité des
instruments juridiques utilisés (2), pour donner la priorité à un mode contractuel qui
envisagerait de confier le financement des ouvrages et leur réalisation aux opérateurs
privés (3).

1) L’inanité des acteurs institutionnels nationaux

Les financements mis en place ont toujours connu des difficultés liées à leur
déficience, instabilité, cherté, insuffisance d’encadrement monétaire et fiscal suffisant
et absence de mécanismes de mobilisation de l’épargne institutionnelle et l’épargne
des particuliers. En effet, depuis les années 70, plusieurs institutions, sans compter les
partenaires techniques et financiers (PTF), sont intervenus dans le financement de

53
l’habitat : FNH65, CRH66, CREFOGA67, SNI68, CNSS69, BHG70. Divers mécanismes ont
également été développés : aide gouvernementale à la pierre, bonification d’intérêt etc.
Malgré toutes ces interventions, les ressources pour l’habitat n’ont pas suffi : ce qui a
mis en panne toute politique du logement.

La dépendance du Gabon vis à vis de l’extérieur en ce qui concerne les


matériaux importés et l’absence de politique efficace de promotion de matériaux locaux
de construction pèsent lourdement sur les prix dans le domaine de la construction et
contribuent à renchérir les coûts des logements. L’absence d’outil de contrôle de
qualité des matériaux en général et des matériaux locaux en particulier constitue
également un problème.

La problématique déjà soulignée du crédit immobilier (taux d’intérêt élevé,


garanties difficiles à constituer des garanties et durée de remboursement inadaptée)
relève de la politique monétaire et financière du Gouvernement et des soucis de
protection de la monnaie communautaire. La contrainte essentielle demeure l’absence
de ressources appropriées au financement de l’habitat. Il n’existe aucun mécanisme
efficace d’encadrement de la mobilisation de l’épargne et de son recyclage en
instrument spécifique de financement de l’habitat (long terme). Cette absence de
politique de mobilisation des ressources est réelle pour toute sorte d’épargne. Les
institutions de micro finance, de création récente, n’ont pas encore pris, quant à elles,
la mesure de la problématique du crédit immobilier, pour lui adapter des instruments
spécifiques.

65
Fonds national de l’habitat.
66
Compte de refinancement de l’habitat.
67
Crédit foncier du Gabon.
68
La Société Nationale Immobilière (SNI) est l’opérateur immobilier de l’État. Elle a pour mission de bâtir et d’offrir aux populations
des logements sociaux accessibles aux revenus modestes. Toutefois, entre 2001 et 2009 sa production n’excédait pas 523
logements. Elle a produit en moyenne 74 logements par an alors qu’elle enregistrait dans la même période près de 4000
demandes. Il apparaît cet opérateur ne dispose pas des capacités qui permettraient de satisfaire la demande actuelle en logements
sociaux au niveau national avec un ratio de 6 demandes pour un logement. De 2001 à 2007, la SNI a mis en vente 232 parcelles
viabilisées. Au regard de la demande, l’offre de parcelles viabilisées reste également mitigée : 232 parcelles vendues contre 1143
demandes enregistrées soit 1 parcelle pour 5 demandes.
69
Caisse nationale de sécurité sociale.
70
Banque de l’habitat du Gabon.

54
2) L'inefficacité des instruments juridiques utilisés

Traditionnellement l’État ou ses établissements opérant dans le domaine du


logement recourent au marché de travaux public pour la réalisation des ouvrages. Le
code gabonais des marchés publics le définit comme :

« le contrat qui a pour objet, la réalisation de tous les ouvrages liés à la


construction, à la reconstruction, à la démolition, à la préparation ou à la rénovation
d'un bâtiment, d'une structure ou d'une usine, tels que la préparation du chantier, les
travaux de terrassement, l'érection, la construction, l'installation d'équipements ou de
matériels, la décoration et la finition ainsi que les services accessoires aux travaux tels
que les forages, les levés topographiques, la topographie par satellite, les études
sismiques et les services similaires fournis dans le cadre du marché, si la valeur de ces
services ne dépasse pas celles des travaux eux-mêmes. »71

Le marché de travaux public présente l’inconvénient de confier la maîtrise


d’ouvrage au pouvoir adjudicateur qui n’a pas toujours l’expertise et les outils innovants
du secteur privé. De plus, il décharge le prestataire retenu des risques liés à des
défaillances éventuelles contenues dans le contrat et le cahier des charges, dans la
mesure où sa mission est considérée comme accomplie s’il respecte leurs dispositions,
y compris celles qui sont inadaptées. Le contrat et le cahier de charges constituent
donc le périmètre de l’engagement et de la responsabilité de constructeur. En outre,
l’attribution de marchés négociés et groupés pourraient s’avérer préférable à la formule
d’appel d’offres car cela favorise l’entente entre acteurs (producteurs de matériaux,
concepteurs et réalisateurs) et elle permettrait des économies d'échelle tout en
contribuant au développement d’entreprises locales et à l'abaissement des coûts.

Par ailleurs, le marché de travaux publics accentue dans la pratique le manque


de transparence, les phénomènes de corruption et les ententes illicites, facilités par un
contrôle parlementaire faible du fait du manque de ressources techniques et humaines
dans ces assemblées, qui permettraient d’opérer les contrôles appropriés72. Le
décalage qui existe entre les montants considérables débloqués en matière
71
Décret 0254/PR/MEEDD du 19 juin 2012 portant code des marchés publics, art 2.
72
Il est cependant trop tôt pour dresser un bilan complet, les attentes en ce domaine devront sans doute être révisées.

55
d’infrastructures depuis des décennies et les réalisations existantes, permet de croire
que les dépenses enregistrées au Budget de l’État pour l’investissement en
équipements n’ont pas été correctement effectuées. Ce problème ne se poserait pas si
le financement initial provenait directement de l’opérateur privé chargé de la conception
et de la réalisation des logements ainsi que de la vente ou de la location de ces biens.

Enfin, au-delà de la gestion technique, le mode de financement constitue une


autre faiblesse du recours au marché de travaux public pour ce type de réalisation dès
lors que c’est un contrat à titre onéreux, faisant l’objet d’un paiement immédiat par la
personne publique. Étant donné que les besoins de financement pour résorber le
retard accumulé dépasse largement les capacités financières de la collectivité
publique, la conséquence immédiate est qu’en terme quantitatif les travaux réalisés ne
puissent pas être à la mesure des besoins : au prix du mètre carré aménagé, le
financement de 5000 logements pourraient représenter environ 1000 milliards de
francs CFA (environ 1,5 milliard d’euros), soit près du tiers du budget actuel de l’État.

3) Confier le financement aux opérateurs privés

Le partenariat public-privé permettrait d’assouplir à court et moyen terme la


contrainte budgétaire de l’État, qui pourrait ainsi consacrer ses fonds à d’autres
politiques publiques, notamment dans les domaines sociaux non marchands. Au
regard des contraintes actuelles, le PPP répondrait au besoin de financement privé
pour la mission d’intérêt général consistant en la réalisation de logements sociaux.

Par ailleurs, si l’existence d’une défaillance de marché dans le domaine plus


général du logement a été précédemment soulignée et bien que subsiste une carence
de l’initiative privée, certains pourraient malgré tout soutenir que le rôle de l’État dans
une économie de marché n’est pas de financer des logements. Dans cette hypothèse,
le PPP est une réponse appropriée dès lors que l’initiative du financement, la
réalisation et l’exploitation ou la vente des ouvrages, relèveraient du privé. L’État ne
conserverait qu’un rôle d’organisateur-facilitateur ou de garant. Ce procédé consistant
à confier le financement et la réalisation d’ouvrages dans le domaine du logement
social a déjà été retenu dans le cadre d’un partenariat conclu entre l’État marocain et
un groupe opérant dans le domaine de l’immobilier.

56
En l’espèce, il s’agit d’un PPP portant sur la construction de 35 000 logements
sociaux par an. Pour attirer les partenaires privés et les inciter à réaliser ce projet, l’État
marocain a proposé une exonération fiscale au promoteur immobilier. Ainsi, par
exemple, une maison d’un coût initial de 35 000 dollars E-U est finalement vendu 30
000 dollars aux marocains et les 5000 dollars restant étant pris en charge par l’État
sous forme de subvention.

Dans cet exemple, le mécanisme utilisé, prévoit l’aménagement des terrains, la


construction puis la vente des logements et probablement l’entretien des espaces
communs. Il n’est pas exactement l’équivalent d’un contrat de concession
(d’aménagement et de travaux) en droit français73 ni à un contrat de partenariat, mais
tous ces instruments demeurent des PPP.

En effet, la concession repose sur une logique de transfert maximale des


risques vers l’opérateur privé, qui prend également le risque de fréquentation (aussi
appelé « risque trafic) et se rémunère substantiellement auprès des usagers-clients
tout en prévoyant la rétrocession du bien à la personne publique à la fin du contrat.

Le contrat de partenariat repose quant à lui sur une logique de répartition


optimale des risques entre secteur public et secteur privé : un opérateur privé se voit
confier une mission globale de construction, d’exploitation, d’entretien et de
financement d’infrastructures. Le contrat de partenariat prévoit la mise à disposition de
cette infrastructure, selon des critères de performance prédéterminés, au profit de la
personne publique pendant une durée assez longue (de 15 à 40 ans), l’opérateur privé
étant rémunéré par des « loyers » payés par le pouvoir adjudicateur. À la différence de
la concession, le titulaire du contrat de partenariat en droit français ne supporte pas le
risque de fréquentation.

En l’espèce, il semble qu’il n’y ait pas de « loyer » payé par la personne
publique, qui par ailleurs ne supporterait pas le risque de l’opération ; de plus la
rémunération étant principalement perçue sur les bénéficiaires, tous ces indices
invitent à penser que l’opération se rapproche davantage du mécanisme DBFO
(« Design, Build, Finance and Operate » : « dessiner, construire, financer et gérer »,

73
Art. L300-1 du code français de l’urbanisme

57
rencontré dans le cadre de la PFI.

B. Une nécessité technique : le savoir-faire de partenaire privé

L’apport de l’opérateur privé n’est pas seulement économique ou financier : il


réside surtout dans la possibilité pour la collectivité publique de bénéficier d’un savoir-
faire dont elle ne dispose pas, à plusieurs niveaux :

- pour rechercher des recettes annexes de type commercial qui viendraient alléger
le coût de l’opération. Or très souvent, l’administration ne sait pas rechercher ce
type de revenus, soit techniquement, soit juridiquement : un exemple illustre ce
fait, c’est celui des logements situés au quartier « Likouala » construits par le SNI
au Gabon dans les années 80 et qui furent vendus ou mis en location. Ces
logements ainsi que leur environnement se trouvent aujourd’hui dans un état de
délabrement très avancé et ne remplissent plus les conditions minimums d’un
habitat décent. Il est certains qu’un opérateur privé, pour tirer le meilleur parti de
son investissement aurait envisagé la gestion, contre rémunération, après la vente
des biens ou durant la location, du nettoyage des espaces communs, de
l’entretien des voiries et toutes autres prestations qui aurait permis de conserver
les logements construits et leur environnement dans un état de propreté
satisfaisant. L’état n’a pas su le faire ;

- pour l’entretien des constructions : la construction de nouvelles infrastructures et


l’entretien des infrastructures existantes restent des enjeux d’actualité au Gabon.
Au-delà de la conception et de la réalisation, le PPP s’expliquerait par une volonté
du secteur public de bénéficier davantage du savoir-faire et des méthodes de
fonctionnement du secteur privé pour mieux gérer les infrastructures et les
ouvrages. Il est de notoriété publique au Gabon que l’entretien, notamment des
routes, est médiocre ;

- pour des raisons dues à la connaissance des marchés ou à la structure des


incitations, les bonnes décisions technologiques et managériales sont souvent
plus facilement prises lorsqu’un capital privé est en jeu. Ce qui devrait induire une
réduction des coûts, à qualité constante, dont le client souhaitant faire l’achat de
logement pourrait bénéficier.

58
Autrement dit, le contrat de partenariat permet de faire bénéficier le secteur
public des solutions innovantes du secteur privé.

C. Un besoin d’équilibre: le partage des risques entre État et constructeurs

Dans les nombreux exemples de montage de PPP en Afrique visant à réaliser


des logements sociaux, que ce soit en Afrique du sud, au Maroc ou au Sénégal, il
apparaît que le secteur privé soulage le secteur public d’une partie du risque financier
lié aux investissements en infrastructures. Certes les autorités doivent en général
garantir à l’opérateur privé une forme de rétribution qui prend le plus souvent la forme
d’une mise à disposition du foncier, d’avantages fiscaux ou de subventions.

Toutefois, dans le cas du PPP, ces avantages ou rétributions sont conditionnés


aux résultats effectifs de l’opérateur, ce qui le distingue du service d’une dette dont la
contrepartie n’est pas toujours évidente.

Il est évident que les différents modèles de PPP présentés auparavant


entraînent une répartition et des manifestations différentes des risques. Dans le contrat
de gestion, par exemple, le risque que le prix des ressources varie est supporté par le
partenaire public, alors qu’il incombe au partenaire privé en cas de concession. La
répartition judicieuse des risques entre les deux partenaires est une condition
primordiale de la réussite d’un projet de PPP. Le principe est que chacun assume les
risques sur lesquels il peut exercer une influence ou qu’il peut réduire par
diversification. L’analyse doit prendre en considération et anticiper convenablement
tous les risques non seulement du côté privé, mais aussi du côté public.

En matière de logements sociaux, le risque concernant le foncier ou, selon le


modèle économique retenu, la garantie sur la solvabilité des personnes démunies
devant accéder aux logements, peut être pris en charge par la personne publique. Il en
est de même en général pour les risques concernant l’incidence de la fiscalité sur le
coût final de l’opération.

Ce type de partage de risques ne se retrouve pas dans les marchés de travaux


publics, dans la mesure où le maître d’ouvrage, c'est-à-dire la personne publique, a

59
tendance à supporter seul tous les risques inhérents qui font suite à la réalisation de
l’ouvrage réalisé.

La répartition convenable des risques est d’autant plus importante qu’elle a une
incidence directe sur les coûts et les prix, puisque les risques font partie du calcul du
rendement effectué par chaque partie. Le partenaire privé qui encourt un risque élevé
attend un rendement élevé, ce qui aurait des conséquences sur les coûts et les tarifs
imposés à la clientèle souhaitant accéder aux logements. C’est sous cet angle que
doivent être considérés les efforts des donateurs internationaux pour atténuer les
risques encourus par le partenaire privé en lui offrant des garanties notamment dans le
cas où, comme en Afrique du sud, des bailleurs internationaux consentent des prêts à
des organismes chargés de la réalisation des logements sociaux74.

Lors de l’évaluation des risques avec des sociétés internationales, il convient


surtout d’accorder une grande attention au risque de change, car une situation
macroéconomique instable et le risque concomitant de fluctuation des cours
constituent un des obstacles les plus redoutés des investisseurs, sur lequel ils n’ont
guère d’influence. Si la monnaie locale se déprécie et qu’il n’est pas possible de
reporter la différence sur le client, les recettes de l’investisseur diminueraient alors
même qu’il aura, dans la plupart des cas, assumé des obligations en devises fortes
pour l’achat de biens d’équipement provenant de l’étranger. Le risque peut être réduit
en sollicitant autant que possible des sources locales de financement (en monnaie
locale).

Après avoir examiné les difficultés structurelles du marché du logement au


Gabon et l’avantage que représenterait le recours au PPP pour résorber le déficit de
logements destinés aux populations démunies et aux couches intermédiaires, il
convient à présent d’envisager les conditions d’une mise en œuvre optimale des PPP
pour résoudre en particulier la question du logement et plus généralement celui du
retard dans les infrastructures car, comme cela a été souligné auparavant, le problème
du logement fait partie d’un problème plus grand qui est celui du manque
d’infrastructures favorisant un habitat harmonieux et le développement économique.
Ces différents éléments participant à la lutte contre la pauvreté.

74
http://www.afd.fr/home/pays/afrique/geo-afr/afrique-du-sud/projets-afrique-du-sud/acces-services-essentiels/AFHCO-logement-
locatif-Johannesburg

60
Chapitre 2 : Les conditions d’une mise en œuvre optimale
des partenariats public-privé

Dans le cadre des politiques publiques de développement, le PPP demeure un


moyen de « faire-faire » sans « laisser-faire ». Cela signifie qu’en matière de logements
sociaux, si l’État n’est pas à la manœuvre pour ce qui concerne la maîtrise d’ouvrage,
la conception, la réalisation et la vente, son rôle est crucial en ce sens qu’il facilite
l’opération en créant des conditions incitatives pour le partenaire privé. De plus, son
rôle consiste également à encadrer l’opération en établissant des normes dont le
respect par le partenaire privé permettrait d’assurer une prestation de qualité
correspondant aux attentes des populations concernées et qui serait conforme à
l’intérêt général, notamment en matière de respect de l’environnement et pour ce qui
concerne la valorisation des ressources locales. Ce système est donc caractérisé par
une sorte « d’exclusion et d’inclusion » de la personne publique.

En matière de construction de logements sociaux, une mise en œuvre efficace


des partenariats public-privé exigerait donc l’établissement préalable d’un cadre
institutionnel stable et adapté (I) et examen particulier de l’incidence économique du
PPP, notamment en ce qui concerne le coût pour les générations futures, que
représenterait son utilisation (II).

61
I. Le cadre institutionnel doit être adapté aux exigences d’un
contrat complexe

L’institution d’un cadre institutionnel adapté exige d’une part de garantir une
réelle sécurité juridique au prestataire privé et un contrôle des engagements souscrits
par la personne publique75 (A), mais il requiert aussi l’existence d’une administration
compétente et efficiente pour s’assurer du respect des objectifs fixés au prestataire
privé (B).

A. Le recours aux partenariats public-privé requiert un cadre juridique


sécurisant

1) les insuffisances de la règlementation gabonaises relative aux partenariats


public-privé

Le code gabonais de marchés publics contient la définition suivante du


partenariat public-privé, dénommé « marché de partenariat public-privé » :

« Contrat par lequel une personne publique fait appel à un ou plusieurs


prestataires privés pour financer et gérer un bien assurant ou contribuant au service
public. Ce contrat de partenariat est un contrat global comprenant au moins trois
éléments:

- « le financement d'investissements nécessaires au service public sur une longue


durée;

- « la construction ou la transformation d'ouvrages ou d'équipements ou d'autres


investissements;

- « leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion.

La rémunération du cocontractant fait l'objet d'un paiement par la personne publique


et/ou de perception de redevances auprès des usagers du service public concerné
pendant toute la durée du contrat »76.

Les dispositions spécifiques au « marché de partenariats public-privé »


contenues dans le code font l’objet du titre V, qui compte 7 articles (114 à 121) et qui

75
L’amélioration de l’environnement général des affaires constitue un préalable au développement des PPP. En effet, l’enquête
annuelle Doing Business réalisée régulièrement depuis par la Banque mondiale permet de désigner avec précision les points
faibles de la réglementation des affaires au Gabon.
76
Décret 0254/PR/MEEDD du 19 juin 2012 portant code des marchés publics, en son article 2 contenant les définitions des
différents contrats.

62
en tout et pour tout représentent l’équivalent d’une page et demi au format de feuille
utilisé pour les usages courants77, c’est-à-dire qu’il ne correspond pas aux attentes en
termes de précisions et d’encadrement qu’exige ce type d’instrument. Par exemple en
ce qui concerne la durée, l’article 116 du code est rédigé ainsi qu’il suit :

« Le contrat de PPP a une durée limitée qui tient compte de l'amortissement des
dépenses de l'opérateur du projet.

« La durée du contrat de PPP ne peut être allongée qu'en raison de conditions


particulières, prévues dans le contrat, et pour une durée maximale de cinq ans. »

À la lecture de cet article il apparaît que la durée n’est pas véritablement


encadrée, l’horizon temporel reste flou. Le code contient plusieurs autres éléments qui
ne sont pas précisément définis en ce qui concerne le partenariat public-privé : le texte
ne permet pas de répondre à toutes les particularités des PPP ; il n’insiste pas
davantage sur la livraison des produits attendus ; aucun lien n’est fait entre le paiement
et la qualité des services rendus ; il reste imprécis sur le partage du risque entre
secteur public et secteur privé.

2) l’exigence d’une refonte du code des marchés publics et la nécessité


d’adopter un cadre règlementaire général puis des dispositions sectorielles pour
les PPP

Le code des marchés publics gabonais a vocation à contenir tous les contrats
permettant à la personne publique de satisfaire ses besoins, c’est-à-dire l’ensemble
des outils de la commande publique existant dans le droit gabonais. Il serait plus
indiqué de changer sa dénomination en « code de la commande publique » afin
permettre une distinction immédiate et plus aisée entre les notions de marché public de
travaux, marchés publics et les différentes catégories de contrats que cette dernière
notion englobe.

La fixation d’un cadre juridique spécifique au partenariat public-privé est une


nécessité. Ce cadre s’imposerait aux opérations de financement, de conception, de
réalisation d’équipements collectifs et à la gestion d’activités d’intérêt général
notamment à la production de logements au profit des ménages à revenus faibles et

77
Format A4.

63
aux classes intermédiaires. Il est regrettable à cet égard qu’aucune loi majeure ne
vienne encadrer précisément les conditions d’utilisation et les modalités de mise en
œuvre d’un instrument aussi complexe.

Selon Maître Ludovic Babin du cabinet HOGAN LOVELLS à Paris, qui participe
à la mise en œuvre des contrats de type PPP en France et en Afrique, il faut
préalablement au recours au partenariat public-privé s’interroger sur l’intérêt de recourir
à cet instrument, qui ne doit en aucun cas être perçu comme une solution miracle ; il
faut donc identifier auparavant les projets qui exigent d’opter pour le PPP (quels
besoins, quelles attentes, quelle rentabilité ?). Une fois sa nécessité admise, il faudrait
garantir un cadre réglementaire favorable aux affaires en général et surtout à l'exercice
du PPP et des codes légaux. Ce travail sur le cadre législatif et institutionnel peut
consister en l’élaboration d’une loi générale encadrant les PPP et qui viendrait fixer le
régime des PPP, puis des lois sectorielles (énergie, eau, routes, logements etc.). Bien
entendu, ces textes devront organiser le système de recours pour les investisseurs non
retenus ; prévoir toutes les modalités concernant le prix payé par les usagers, la
révisons des contrats, leur durée, les solutions alternatives en cas de suspension du
contrat (du fait de l’État ou du cocontractant) ; des mesures de protections de
l’environnement (zones à protéger) ; la mise en œuvre des expropriations susceptibles
d’être menées ; les modalités de restitutions des biens à l’État ainsi que les sûretés.

3) S’inspirer des exemples étrangers

Toutes ces conditions ne sont pas remplies par les dispositions du code
gabonais des marchés publics dans sa rédaction actuelle. La rédaction d’un code de la
commande publique intégrant les dispositions claires, précises et opérationnelles en
matière de PPP pourrait également s’inspirer de la législation espagnole sur les
marchés Publics. En effet, la loi sur les contrats du secteur public est exhaustive et
particulièrement bien organisée78. La lecture des dispositions concernant la concession
ou le « contrat de collaboration du secteur public avec le secteur privé » est d’une
particulière simplicité.

78
Loi n° 30/2007 du 30 octobre 2007, de Contratos del Sector Público, texte refondu le 14 novembre 2011.

64
Dans la mesure où le droit gabonais est fortement inspiré du droit français
(Constitution, dualité des ordres de juridictions, existence d’un droit administratif), il
faudrait en matière de commande publique éviter certaines difficultés qui complexifient
le droit français de la commande publique. En effet, les achats publics sont un élément
important de la mise en œuvre des politiques publiques et le partenariat public-privé
constitue l’une des modalités par lesquelles l’administration commande une prestation
de service, une fourniture ou des travaux à un tiers. Il importe donc de le replacer dans
son contexte. Or, l’une des difficultés pour analyser la commande publique française
réside dans des distinctions de régimes juridiques qui définissent alors différents
instruments:
- les marchés publics d’un côté ;
- et l’ensemble des contrats créant des partenariats public-privé.

Par ailleurs, dans l’hypothèse où le texte actuel du code des marchés publics
gabonais serait refondu pour devenir un « code de la commande publique », intégrant
notamment l’ensemble des dispositions spécifiques aux PPP, un effort devrait être fait
dans le sens du maintien d’une unicité de régime. De façon générale, les autorités
gabonaises gagneraient dans bien des cas à adopter des solutions juridiques déjà en
vigueur sur les marchés qui appliquent avec succès ces programmes, le secteur privé
étant déjà familiarisé avec ces approches.

En ce qui concerne la problématique des logements sociaux réalisés par PPP, le


rôle de l’État est aussi de veiller à assurer le respect par l’opérateur privé, des lois en
vigueur. En effet, comme cela a été souligné précédemment, l’opérateur privé reçoit
des rétributions de la part des pouvoirs publiques79. Les pouvoirs publics devraient en
contrepartie exiger la prise en considération de règles concernant le respect des droits
des consommateurs, la réglementation relative au respect de l’environnement et
d’autres règles contenues dans diverses règlementations, qui auraient pour objectif soit
de protéger les populations à qui les logements sont destinés, soit de garantir la qualité
des matériaux utilisés car le risque d’être confronté à des entrepreneurs opportunistes
uniquement intéressés à faire du profit au détriment des règles éthiques les plus
élémentaires existe. Tout cet encadrement exige une administration compétente et
dotée de moyens de contrôle.

79
Par exemple une mise à disposition du foncier, des avantages fiscaux ou des subventions.

65
B. La mise en œuvre des partenariats public-privés requiert une
administration experte

Le recours au PPP en Afrique répond en général au besoin d’introduction des


capitaux et des compétences du secteur privé dans les secteurs auparavant réservés à
l’administration directe. Les réformes qu’il entraîne ne peuvent pas être uniquement
juridiques : elles sont également administratives.

1) Une administration capable d’évaluer précisément les besoins

L’autorité publique voit son rôle redéfini : il passe d’un rôle d’opérateur direct à
un rôle d’organisateur, de régulateur et de contrôleur. Comme le soulignait le
professeur Gabriel Eckert au cours d’une intervention concernant le contrat de
partenariat en France, ce type d’instrument semble entraîner « une transformation de
l’action publique et le développement de nouvelles compétences en matière
d’évaluation, de négociation et de contrôle de l’exécution des conventions80. »

L’administration devrait donc être en mesure d’évaluer et exprimer précisément


ses besoins. Cela passe par le renforcement d’une « culture de l’évaluation »81, qui est
inexistante sinon résiduelle au sein de l’actuelle administration gabonaise. Comme le
notait un rapport récent du FMI : « au Gabon, les capacités administratives dans le
domaine des investissements publics sont extrêmement faibles par rapport à la
moyenne en Afrique subsaharienne, surtout au stade de l'évaluation ex ante. »82

Pour y remédier en matière d’infrastructures, les autorités ont créé une Agence
nationale des grands travaux publics (ANGT), dirigée et composée en grande partie
par des cadres du cabinet d’ingénierie américain Bechtel, qui a une longue expérience
dans l'administration de grands projets d'investissement et une expertise technique
avérée qui permettrait d’accélérer l’avancement de nombreux projets, y compris dans
le domaine du logement social. Toutefois, si cette mesure est compréhensible et peut
se justifier à moyen terme, il faudrait assurer un transfert de connaissances en gestion
de projet, entre les experts de l’entreprise Bechtel et les cadres gabonais. Sans cela,
comme le notait le FMI : « les autorités pourraient renouer avec leurs anciennes
méthodes d'investissements publics moins efficaces lorsque le contrat de Bechtel aura
80
G. Eckert, « Les contrats de partenariat et l’évolution de l’action publique », Sixièmes Journées du Pôle Européen Jean Monnet,
Université de Metz, novembre 2005.
81
G. Le Chatelier, « l’encadrement institutionnel et financier des nouveaux contrats » : RD immo., 2003, p. 516.
82
Fonds monétaire international, rapport n° 13/55, Gabon, consultations au titre de l’article IV, mars 2013, p. 15.

66
expiré. »83

Les investisseurs veulent être assurés du fait que le cadre opérationnel en place
au sein de l’administration est à même d’assurer une gestion adéquate du processus et
que les entités qui préparent les projets ont une notion réaliste des PPP et de leur
complexité. Dans bien des cas les responsables des marchés publics ne saisissent pas
bien toutes les différences qui existent entre les PPP et les formes traditionnelles de
passation des marchés, ni les incidences que cela a pour le niveau de ressources, les
compétences spécialisées et les procédures et institutions nouvelles à mettre en jeu.

2) Une administration capable de négocier avantageusement les contrats

La mise en place d’un PPP constitue en fait une réelle négociation entre le
pouvoir adjudicateur et l’opérateur privé. Chacun doit connaître son propre intérêt mais
aussi celui de son futur partenaire. L’État doit renforcer ses capacités humaines et
institutionnelles pour pouvoir mener à bien de telles négociations. Cela passe par
l’existence d’unités PPP compétentes, dotées d’individualités également compétentes,
ainsi que leur aptitude à travailler à tous les échelons de l’administration, pour la mise
en œuvre concluante d’un programme PPP dans l’intérêt de la collectivité publique.

Par exemple, en ce qui concerne la réalisation de logements sociaux, les


questions qui pourraient se poser sont les suivantes : vaudrait-il mieux accorder une
exonération fiscale plutôt que concéder du foncier au promoteur, voire les deux ?
Vaudrait-il mieux exiger une proportion de logements sociaux au sein d’un ensemble
plus vaste de logements construits, pour favoriser la mixité sociale, plutôt
qu’uniquement de logements sociaux, isolés? De nombreuses questions se posent et
doivent être prises en compte par l’administration au moment de la négociation. Il
existe au Gabon une autre difficulté qui résulte de l’existence de nombreux
interlocuteurs et les investisseurs potentiels ignorent en réalité qui décide. Depuis la
mise en place de l’ANGT, qui dépend directement du Président de la république qui en
est le président du Conseil d’administration84, le gouvernement semble avoir perdu

83
Ibid.
84
En violation de la Constitution gabonaise puisqu’une telle fonction peut d’une part engager sa responsabilité personnelle et
d’autre part, la Constitution ne prévoit pas que le Président de la République soit en même temps président du Conseil
d’administration d’un établissement public.

67
l’initiative sur la question des infrastructures en matière de constructions et de travaux
publics. Il semble que ce soit le cabinet Bechtel qui est chargé de la négociation des
aspects techniques et financiers des projets de constructions d’infrastructures routières
et en ce qui concerne les logements. Dans la mesure où les cadres de Bechtel n’ont
pas vocation à s’implanter définitivement au Gabon, il n’est pas dans l’intérêt de la
collectivité de tenir exclus du cycle des négociations, les responsables des
administrations qui devront dans l’avenir négocier des contrats ou contrôler l’exécution
des contrats actuellement négociés.

2) Une nouvelle organisation de l’administration pour mieux diffuser en son sein


une culture et des méthodes adaptées à la collaboration public-privé en matière
de commande publique

Le passage de l’administration directe à l’administration contractuelle pose la


question des contrôles sur l’exécution des activités déléguées. Les outils traditionnels
de contrôle sur l’action administrative sont parfois inadaptés à l’environnement des
contrats de PPP. L’exemple anglais donne une idée des changements nécessaires
pour introduire une meilleure prise en compte des PPP par les agents de
l’administration :

- En 1999 a été créé un « Government Procurement Service », « service des


marchés publics » qui est en réalité un corps de fonctionnaires dans lequel ont été
versés 1500 fonctionnaires occupant des postes importants en matière de
marchés publics dans l’ensemble de l’administration de l’État.

- En 2003, un « Program and Project Management Specialism » fut lancé


conjointement par l’Office du commerce du gouvernement et le « Cabinet Office
corporate development Group » dont l’objectif est d’assurer une carrière aux
fonctionnaires chargés en particulier d’achats publics.

- Puis tous les fonctionnaires des services d’achats publics furent invités à suivre la
formation dispensée par le « Chartered Institute of Purchasing and Supply »
(« Institut de la fonction achat et fourniture ») pour en obtenir la qualification. Selon

68
certains observateurs, 23 % de tous les personnels en poste de responsabilité en
matière d’achat public avaient cette qualification ou une équivalence, et 11 %
étaient en cours d’obtention de cette qualification.

- Le NAO85 a quant à lui appuyé fortement ces initiatives, estimant que la formation
à l’achat public était « une compétence essentielle pour assurer les services
publics en général » (« a key competence needed to improve the delivery of public
services »), et suggérant, pour accélérer les formations à l’achat public, que les
compétences dans ce domaine soient « plus largement prises en considération
dans les nominations aux postes supérieurs » (« more widely recognised to
progress to senior posts »).

Il n’existe pas de règles générales pour mettre en place des cellules consacrées
à la définition et la coordination d’une politique de PPP. Dans certains pays, l’unité
administrative en charge des PPP se situe au sein même du ministère de l’économie et
des finances ; dans d’autres cas, chaque département ministériel dispose de sa propre
cellule PPP. Une solution institutionnelle pourrait être la réunion au sein de la direction
des marchés publiques, qui deviendrait une « direction de la commande publique »,
des compétences en matière de prévision, de contrôle d’exécution et d’évaluation ex
post, de la mise en œuvre des PPP. Elle aurait également un rôle de conseil et
d’assistance aux différentes collectivités locales, dans la mise en œuvre de leurs PPP.
En revanche, les exemples britannique, espagnol et l’expérience de l’État en France,
montrent l’importance cruciale d’allouer des moyens importants pour assister la
collectivité publique tant au niveau de la préparation des opérations qu’au stade de son
exécution.

Quelle que soit la solution adoptée, ces « cellules PPP » ont des
responsabilités importantes : formulation de la politique de PPP, choix des secteurs,
proposition des réformes législatives et réglementaires favorables à la promotion et
gestion des PPP, analyse de la viabilité économique et financière des PPP, formulation
des projets de contrat, etc.

85
National Audit Office. Équivalent d’une Cour des comptes.

69
3) la mise en place d’organes de régulation indépendants

Une autre solution pourrait consister à mettre en place une administration


chargée de la préparation et de conclusion de PPP, puis d’instituer un organe
indépendant chargé de la régulation. Ainsi, une fois le PPP défini et signé, il resterait à
veiller à sa mise en œuvre effective en conformité avec les engagements pris. Pour
arbitrer entre intérêts publics et contraintes privées et pour éviter une trop grande
implication au jour le jour de l’État dans la gestion des PPP, l’une des voies à suivre
peut être la mise en place d’une instance de régulation indépendante, au dessus de
tout soupçon.

Il est parfois recommandé au-delà de l’autorité régulatrice générale, de mettre


en place pour chaque secteur, un mécanisme de régulation propre disposant de
pouvoirs étendus et bénéficiant d’un régime budgétaire spécifique. Cette autorité
comptabiliserait, contrôlerait et publierait des engagements d’affectation des bénéfices
socio-économiques.

Mais les entreprises qui sont souvent puissantes, peuvent détourner l’autorité du
régulateur à leur profit. Il est donc conseillé d’instituer un mécanisme obligeant
l’autorité de régulation à rendre compte aux différents groupes d’acteurs concernés par
le PPP : l’État, les opérateurs privés mais aussi les usagers, la société civile et les
associations de consommateurs. Un rapport annuel auprès du parlement constitue
également une voie à explorer.

De plus, compte tenu de l’impact financier du PPP dans le Budget de la


collectivité publique, qu’il s’agisse d’un PPP à paiement public ou, comme dans le cas
du financement de logements sociaux, de PPP à paiement privé mais avec une
participation ou une forme de rétribution de l’État en faveur du promoteur et des
usagers, le rôle du parlement pourrait être renforcé non seulement dans le suivi-
évaluation d’un PPP mais au moment même de la signature du contrat et du choix des
partenaires privés. Cette approche aurait l’avantage de diminuer le risque de corruption
propre à des négociations bilatérales86.

86
Il conviendrait également de biens choisir les organismes ou personnalités qualifiés qui participeraient à la mise en place d’un tel
cadre opérationnel, car certains organismes notamment internationaux possèdent des experts compétents mais coûteux, sans avoir
vocation à être présents dans toutes les étapes du projets.

70
II. Bilan économique du partenariat public-privé: une charge
pour les générations futures ?

Le bilan des premières expériences de PPP Afrique concerne surtout le


domaine des infrastructures en bien qu’encore difficile à établir, il apparaît cependant
décevant : problèmes financiers et politiques, renégociation des contrats aboutissant
dans de nombreux cas à un abandon ou à un non renouvellement, amélioration des
services inférieure à des objectifs souvent trop ambitieux, répartition inégale des
bénéficiaires, mauvaise perception par les opinions publiques.

La Banque mondiale entretient une base de base de données sur les


investissements en PPP dans les différents pays de la planète87. D’après les
statistiques de la Banque mondiale, 2500 projets d’infrastructures en PPP ont été
lancés dans les pays en développement entre 1990 et 2001, pour un montant de 750
milliards de dollars E-U, couvrant des domaines variés : infrastructures de transport,
lignes ferroviaires, installations portuaires et services aux collectivités (gestion de
l’électricité, de l’eau et des déchets), les hôpitaux et les établissements
d’enseignement. Selon une étude du cabinet Ernst & Young, environ 90 milliards de
dollars E-U devront être investis par an entre 2010 et 2020 pour combler le retard
infrastructurel de l'Afrique par rapport aux autres marchés émergents88.

Dans le secteur du l’habitat, en particulier celui du logement social, la plupart


des projets sont relativement récents, il y a plus d’annonces de projets que de
réalisations abouties. Les données disponibles ne permettent pas de conclure dans le
sens d’une réussite ou d’un échec du recours au PPP pour résorber le déficit en
logements sociaux, mais elles témoignent d’un fort engouement vis-à-vis de cet
instrument. C’est la raison pour laquelle, les conditions de succès et les facteurs de
risques financiers entourant ces contrats doivent être précisément identifiés afin d’en
mesurer les avantages comme les inconvénients.

À la lumière de ce qui vient d’être dit, il conviendrait de s’interroger dans un


premier temps sur les risques financiers que les PPP font prendre à la collectivité (A)
avant d’évoquer la nécessité pour la société civile d’en contrôler l’usage, par une
implication plus grande dans les projets (B).
87
PPI project database.
88
Ernst & Young, Baromètre 2012 de l’attractivité de l’Afrique.

71
A. Quelles conséquences financières pour la collectivité ?

L’étendue du développement des PPP et l’éventail de leurs domaines


d’application ne va pas sans susciter des inquiétudes. Des échecs emblématiques,
enregistrés dans les pays industrialisés comme dans les pays en développement, ont
contribué à forger l’image d’arrangements opaques, excessivement favorables aux
intérêts privés et source de corruption des pouvoirs publics. Symétriquement, les
succès constatés ont suscité des enthousiasmes inconditionnels pour une solution
censée palier l’ensemble des limites de la gestion et des finances publiques. Cette
controverse a également touché la France où le Gouvernement actuel manifeste la
plus grande prudence face à cet outil.

L’enjeu est de prévenir au Gabon, le risque de détournement de ces contrats


pour lancer des investissements que les finances publiques ne peuvent prendre en
charge et le risque d’un dévoiement progressif du service public. Le premier risque se
traduirait par un report indu du financement des investissements publics sur les
générations futures, qui n’en bénéficieront pas ou peu. Le second risque mettrait en
cause le service public, dont la nécessaire adaptabilité se verrait au mieux réduite par
la conclusion de contrats à long terme avec le privé, sinon assurée a minima par une
firme privée, motivée par la seule maximisation de sa marge d’exploitation.

1) Un coût de l’opération au final plus élevé bien qu’étalé dans le temps

Ainsi que le notait l'architecte Mirela Constantin dans le Moniteur, le 30


novembre 2008:

« Qu’il s’agisse du PPP ou de marchés publics, le coût des équipements publics est de
toute façon payé par les contribuables. Dans le cadre du PPP, le financement des
équipements publics est apporté au départ par le banquier et l’entreprise vend deux
services à la fois : la construction, la maintenance. Ceci est cohérent avec la volonté de
89
simplifier les tâches de l’État et des collectivités locales. »

La majoration du coût de l’investissement public représente le coût d’opportunité


que la collectivité accepte pour réaliser l’investissement. Finalement, le risque est que
l’État ait recours de façon excessive aux PPP pour financer les investissements publics

89
http://www.lemoniteur.fr/157-realisations/article/point-de-vue/517919-ppp-questions-et-complement-d-eclairage-sur-l-apport-d-un-
sachant-par-mirela-constantin-architecte

72
et n’intègrent pas leur conséquence financière sur le budget à moyen et long terme.
Pour ces raisons, la mise en place d’un cadre comptable de suivi des PPP est
recommandée et fait l’objet d’une réflexion de la part des organisations internationales
(FMI, Eurostat, etc.). Le manuel du trésor sud africain sur les PPP s’efforce également
d’établir des directives pour prévenir ces risques.

Si la délégation à un partenaire privé d’une activité d’intérêt général consistant


en la construction de logements sociaux permet de dégager des ressources publiques
pour d’autres besoins que seule la puissance publique est à même d’assurer, elle
représente cependant un coût non négligeable pour la collectivité.

En effet, dans les cas examinés en ce qui concerne la réalisation de logements,


les États concernés ont mis à disposition des promoteurs, du foncier qui leur permet
réaliser des logements rentables destinés à une clientèle aisée, tout en y intégrant une
part significative de logements destinés aux plus démunis. En plus de la cession à titre
gratuit ou à moindre coût du foncier, d’autres mesures sont en général adoptées :
exonération fiscale, exonération du paiement de droits de douanes sur l’importation de
certains matériaux, subventions accordées pour chaque achat de logement social.
Toutes ces mesures constituent bien souvent un manque à gagner ou une dépense,
certes moindre dans l’immédiat, mais considérable dans la durée, surtout s’il faut
multiplier ce type d’arrangement, tant les besoins en logements pour les plus pauvres
sont considérables.

La question du coût pour la collectivité est autrement plus importantes pour les
PPP à paiement public, c’est-à-dire ceux qui, contrairement à la concession en droit
français, ne prévoient pas une rémunération substantielle par les usagers mais plutôt
par la personne publique : c’est par exemple le cas du contrat conclu entre le
Gouvernement gabonais et l’entreprise française SODEXO pour la gestion du service
de restauration à l’Université de Libreville ainsi que pour de la formation en
restauration. Ce contrat de 14 milliards de francs CFA par an (environ 21 millions
d’euros) selon le site d’information en ligne « gabonactu »90 semble élevé au regard de
l’objectif poursuivi. Certes, la gestion en régis s’est révélée médiocre mais elle n’élude
pas la question de savoir si le PPP était l’outil le plus approprié ou si une

90
http://www.gabonactu.com/ressources_g/actualites_gabon_2011.php?Article=2171

73
réorganisation du service tant en ce qui concerne son encadrement, sa gestion qu’une
modernisation de ses locaux, n’était pas plus indiquée.

Il est certain que l’un des intérêts d’un PPP et notamment à paiement public est
de permettre à la collectivité d’être en définitive propriétaire de l’infrastructure. Mais en
contrepartie, elle devra supporter à terme toutes les charges récurrentes consécutives
à l’exploitation des infrastructures. Même si le pouvoir adjudicateur opte pour leur mise
en location à un opérateur privé sous la forme d’un contrat d’affermage, certains
risques reviendront à sa charge. Dans ces cas, l’investissement public sous forme de
PPP se distingue difficilement d’un investissement public standard, si ce n’est que le
profil temporel des charges est différent. La contrainte budgétaire est assouplie,
puisqu’à court terme, le secteur privé supporte le coût de l’investissement public, celui-
ci est en fait majoré des différentes garanties et facilités accordées par l’État pour
convaincre l’opérateur privé.

En ce qui concerne la réalisation de logements sociaux, les potentialités


géologiques et forestières du Gabon permettraient de tirer un grand avantage des
ressources naturelles pour la promotion des matériaux locaux et la production de
l’habitat ; cela devrait constituer un levier à utiliser par l'État pour la réduction du coût
des logements. L’amenuisement des réserves foncières à très long terme et les
contingences écologiques risquent, cependant, de limiter ce potentiel dans les bassins
d’emploi. Il conviendrait que cette politique aille de concert avec un objectif de créer
dans l’arrière pays, les facteurs qui inciteraient les populations à s’y installer et y
demeurer. Cela suppose une politique de décentralisation forte et ambitieuse qui
n’existe pas pour le moment.

2) Adopter des règles comptables et financières publiques qui soient opérantes

En donnant accès aux capitaux privés, les PPP peuvent contribuer à réduire les
contraintes budgétaires. Il n'empêche qu'ils donnent aussi la possibilité de contourner
les mécanismes de contrôle des dépenses, de placer l'investissement public hors
budget et d'extraire la dette publique du solde budgétaire, principalement pour obéir à
des principes ou à des objectifs de finances publiques auto imposés ou imposées de
l'extérieur. Mais le gouvernement peut rester exposé à de lourdes charges budgétaires,

74
à moyen terme notamment.

Recourir à l'octroi de garanties pour mobiliser un financement privé en


particulier, peut exposer l'État à des risques importants qui s'accompagnent de coûts
invisibles et souvent plus élevés que les financements publics classiques. Une norme
comptable et financière internationale régissant les PPP, qui n'existe pas à l'heure
actuelle au Gabon, devrait privilégier la transparence de l'incidence budgétaire des
PPP. Ainsi, en aidant à combler les vides juridiques, cette norme ferait de la recherche
de gains d'efficience, plutôt que de la réalisation d'objectifs budgétaires, leur principale
raison d'être.

Les normes comptables et financières actuelles couvrent les versements en


espèces de/à l'État, le transfert d'actifs, et la réalisation des garanties. En réfléchissant
à une norme comptable et financière internationale, l'aspect le plus épineux serait peut-
être celui de la comptabilisation des risques de transfert limités. Lorsqu'un projet PPP
ne donne pas lieu à un transfert significatif de risque au secteur privé, les meilleures
pratiques en vigueur consistent à en classer les actifs dans les actifs publics.

3) Renforcer la logique de mise en concurrence pour abaisser les coûts

La collectivité doit pouvoir évaluer et justifier ses choix de gestion des services
publics. Les autorités recourant à un instrument aussi coûteux que le PPP devraient
pouvoir étayer et expliquer les raisons qui ont conduit à l’adoption de ce mécanisme ou
au choix d’un prestataire en particulier pour satisfaire un besoin d’intérêt général.

Afin de renforcer les conditions d’une mise en concurrence optimale, il


nécessaire que le déroulement de la procédure soit parfaitement connu de l’ensemble
des candidats dès la publication de l’appel d’offres. À cet égard il serait regrettable que
l’urgence des réformes et la vitesse à laquelle les nouveaux investissements publics
sont déployés compromettent l'efficacité et la transparence des méthodes de travail.

En l’absence du respect des règles de concurrence, la négociation se déroule


dans une certaine opacité qui profite au délégataire sortant et limite la capacité des
autres candidats à proposer une offre alternative.

75
Ainsi, l’efficacité réelle des partenariats passe à la fois par une évaluation
comptable et budgétaire rigoureuse (les directives du Trésor britannique utilisent le
concept de Value for Money), par une appréciation de leurs impacts sur le service
public rendu à l’usager à court et long terme, mais également par l’application
systématique des règles de mise en concurrence en recourant par exemple au
dialogue compétitif.

L’exigence d’une plus grande transparence en la matière s’accompagne aussi


de l’existence de mécanismes de contrôle et d’une implication de la société civile.

B. Renforcer les contrôles et impliquer la société civile

1) Un devoir de transparence

Bien qu’il ne soit pas signataire du contrat de PPP, l’acteur de la société civile
demeure concerné, il faut en tenir compte. La société civile s’entend ici au sens large
du terme, comprenant, sans que cette liste soit limitative, usagers, associations de
consommateurs, les entreprises, les employeurs, les travailleurs, les ONG et les
milieux universitaires. L’acteur de la société civile est concerné en tant que
contribuable à défaut d’être usager, ou citoyen, intéressé à la vie de la collectivité.

Les autorités auraient grand intérêt à impliquer la société civile car c’est un gage
de transparence. C’est pourquoi, de l’idée à la réalisation, tout doit être fait pour
emporter l’adhésion des acteurs de la société civile. Cela passe par l'établissement
d’un cadre propice à un échange de vues ouvert et transparent sur la mise en œuvre
du PPP, entre les signataires du contrat et les autres acteurs concernés, à différents
niveaux : gouvernement, administration, responsables locaux etc. Il serait ainsi
possible d'accroître le niveau d'adhésion et de compréhension de la société civile, ainsi
que de fournir un retour d'information utile aux décideurs et aux responsables de la
mise en œuvre du projet réalisés en PPP. Malheureusement, cet effort de pédagogie
nécessaire est très souvent sous-estimé par les autorités qui s’accommodent volontiers
d’un tête à tête avec le partenaire privé.

76
L’absence de ce dialogue inclusif qui doit permettre une communication dans les
deux sens aboutit à des incompréhensions et nourrit les craintes, que peuvent susciter
à juste titre, les PPP auprès des populations qui risquent le percevoir comme un outil
de dévoiement de l’État. Un dialogue ouvert et constructif est important pour améliorer
l'acceptation des mesures adoptées, notamment les coûts, les propositions législatives
et les plans d'infrastructures.

Ce dialogue serait également l’occasion de soulever des problèmes concrets en


ce qui concerne les logements : l'accessibilité pour les personnes handicapées ; la
mixité sociale (pour éviter la création de ghettos et plus tard de zones de non-droit) ; la
proximités des transports ; des services publics et l'adéquation, dans des contextes
déterminés, de certains objectifs de la politique de sécurité, comme la prévention de la
délinquance aux abords et au sein des sites construits.

Un dialogue fondé sur ces principes est de nature à améliorer la compréhension


et l'acceptation des objectifs des réalisations recourant au PPP, ainsi que les mesures
de mise en œuvre proposées.

Le dialogue devrait être basé dans une large mesure sur la communication par
internet, notamment sur un site internet spécialement dédié à la promotion des PPP et
expliquer en détail les enjeux. L'utilisation des médias sociaux devrait être envisagée.
Une gestion adéquate du dialogue sur internet est importante pour garantir que le
système fonctionne. Il conviendrait également d’encourager des débats, à travers des
tables-rondes ou des colloques. Tout cela contribuerait à promouvoir au sein de la
société, une culture de l’évaluation. Cet exercice de transparence aurait pour corolaire
la confiance qu’elle ne manquerait pas de susciter auprès des populations.

2) Un vecteur de confiance

De nombreux échecs suggèrent une conception plus « collaborative » des PPP


en insistant sur l’importance de la synergie potentielle entre les entités impliquées91.
Ainsi, il s’agirait d’un arrangement collaboratif s’appuyant sur un engagement mutuel,
allant au-delà de l’engagement formel impliqué par le contrat, entre une organisation

91
L’exemple de l’échec du contrat de concession des aéroports de Madagascar conclu entre l’État malgache et ADP illustre cette
absence de conception « collaborative ».

77
du secteur public et un partenaire privé, mais qui impliquerait dans le même temps des
entités de la société civile dont notamment les usagers, leurs organisations
représentatives et les organisations non gouvernementales.

De façon plus générale, les secteurs public et privé ne peuvent mettre en place
des partenariats que si les usagers, les travailleurs et la société civile perçoivent les
avantages d’une telle approche. Le rôle du secteur privé ne peut être reconnu et
accepté durablement par les populations que s’il existe un mécanisme de suivi régulier
des performances des entreprises privées et de leur contribution aux objectifs de
développement.

78
CONCLUSION
Il est rare d’entendre expliquer que la collaboration entre secteurs public et privé
est souhaitable afin de permettre aux entreprises de s’imprégner de l’esprit des
fonctionnaires. On évoque en général l’inverse : le secteur public aurait beaucoup à
apprendre du monde de l’entreprise, de sa force d’innovation et de son efficacité ; on
attend des partenariats public-privé qu’ils assument les tâches publiques avec plus
d’efficacité et d’inventivité. L’idée dominante est qu’un service public ne constitue pas
toujours la meilleure solution lorsque les institutions sont peu solides et que l’utilisation
des fonds publics manque de transparence92.

Le problème identifié par les organisations de Bretton Woods, entre autres, était
la mauvaise gestion des services publics par les autorités publiques responsables. Il ne
faudrait pas cependant identifier les bons problèmes et leur apporter de mauvaises
solutions.

Certes, le partenariat public-privé peut constituer dans les pays en


développement confrontés à plusieurs défis, une solution à un certain nombre de
difficultés, mais il ne saurait être ni la solution à toutes la carences en infrastructures et
en gestion de services publics, ni la solution à tous les obstacles liés au
développement. Le croire, ce serait apporter de mauvaises solutions à des problèmes
bien identifiés.

La première partie de l’étude a permis de démontrer le rôle décisif pour le


développement, de la collaboration entre personne publique et entreprise privée, à
travers le mécanisme de partenariat public-privé. Elle posait en substance la question
de savoir si un tel partenariat qui a fait ses preuves dans les pays industrialisés, était la
solution pour résorber le retard des pays pauvres en infrastructures. Dans la seconde
partie de la contribution, nous nous sommes attachés à apporter une réponse à cette
question en s’appuyant sur le cas des logements sociaux au Gabon. Si nous répondons
par l’affirmative, nous insistons également pour poser des conditions. Les PPP peuvent
en effet tenir une place importante dans la stratégie de développement des
infrastructures de base (routes, électricité, eau et assainissement, etc.) et en particulier
en ce qui concerne la réalisation de logements sociaux, mais dans un cadre bien défini.

92
PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 2003, p.111.

79
ANNEXES

Annexe n°1 : Ancienne procédure d’acquisition de titre foncier au Gabon

80
Annexe n°2 : Procédure actuelle d’acquisition de titre foncier au Gabon

 
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Source : Agence nationale de l’urbanisme des travaux topographique et du cadastre

81
BIBLIOGRAPHIE

Lois et Règlements

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d’œuvre privée (France)

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Décret 0254/PR/MEEDD du 19 juin 2012 portant code des marchés publics (Gabon)

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Comby (Joseph), Quel cadastre pourquoi faire ? Le cas du Gabon, extrait d’un document de
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Ouvrages

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Revues

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Truchet (Didier), Nouvelles récentes d'un illustre vieillard : label de service public et statut de
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Sites web consultés

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Banque de France : http://www.banque-france.fr

Banque mondiale, base de données sur les partenariats public-privé : http://go.worldbank.org.

Gabonactu : http://www.gabonactu.com

Institut de la Gestion Délégué : http://www.fondation-igd.org

Le Moniteur : http://www.lemoniteur.fr

Le programme stratégique « Gabon émergent » (PSGE) : http://www.legabon.org

Professeur Gilles Guglielmi : http://www.guglielmi.fr

84

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