Les FinTech Et La Reglementation Bancair
Les FinTech Et La Reglementation Bancair
Les FinTech Et La Reglementation Bancair
Juridique
Les FinTech
et la réglementation
bancaire et financière
L’effet Bâle III Quel monopole bancaire ? veulent aller plus loin dans l’exer-
Quels sont les effets de la réglemen- Quant au second type de régula- cice de leurs activités, il existe des
tation sur l’apparition des FinTech ? tion – celle relative à l’exercice de ces statuts « légers » ou moins lourds
S’agissant du premier type de régula- activités, autrement dit le « mono- que celui des établissements à voca-
tion – la régulation prudentielle –, on pole bancaire » ou assimilé pour les tion universelle : le statut de « PSI
sait que celle-ci vise à s’assurer de la assurances et activités de gestion – allégé », d’« établissement de paie-
bonne adéquation des risques portés elle apparaît de prime abord comme ment allégés » et, dans une certaine
par les établissements financiers avec une barrière à l’entrée. Ne peuvent mesure, de société de financement
leurs fonds propres. Il s’agit bien sûr de exercer les activités bancaires (ou (comparativement au statut d’éta-
la série Bâle I, II, III. L’évolution de cette assimilées) que les établissements blissement de crédit). Loin d’avoir
régulation tend sans aucun doute vers agrées comme tel ; idem pour l’assu- été une barrière, les divers « mono-
plus de complexité, plus d’exigences rance, la gestion et les paiements. poles » (c’est-à-dire l’obligation
de fonds propres, plus de supervision. La finance étant une activité régle- d’obtention d’un agrément spéci-
Ce qui bien sûr conduit les acteurs à mentée, l’exercice de celle-ci passe fique pour l’exercice d’une activité)
se doter d’équipes expertes dans le nécessairement par l’octroi d’une ont même été des opportunités, dans
calcul de ces risques et leur contrôle. Il « licence » par le régulateur compé- la mesure où ils ont permis à ces nou-
suffit de regarder l’évolution des pro- tent (ACPR ou AMF). La vie semble veaux entrants de concentrer leurs
fils des employés dans les banques au claire : noir ou blanc, in ou out. Ici, efforts sur la relation client, et non
cours des dix dernières années pour la question à se poser n’est pas de sur la production et la distribution
constater l’augmentation, en valeur savoir si cette barrière de l’agrément de produits, et toute l’infrastructure
absolue comme en valeur relative, a freiné la capacité d’adaptation des que nécessite ensuite le back-office
des fonctions risques, comptables et acteurs, mais si elle constitue un de ces activités.
contrôle. Dès lors, jusqu’à quel point frein, voire une limite, à l’apparition
des nouveaux acteurs. Là encore, la Les effets néfastes
première impression est trompeuse. de la régulation
On pourrait estimer que, dès lors des relations
que le monde est noir ou blanc, pour avec les clients
Il existe de plus en plus proposer des services financiers, les Reste à examiner le dernier cas,
de statuts « au rabais » ou, FinTech doivent nécessairement opter celui de la régulation des relations
pour un statut bancaire (ou assurance avec les clients, que l’on peut sim-
pour être positif, peu contraignants. ou de sociétés de gestion). Tel n’est plifier en l’appelant la régulation de
pas le cas, et ce à double titre. Tout compliance ou de conformité. Depuis
d’abord, parce qu’il existe de plus en plusieurs années, cette forme de
plus de statuts « au rabais » ou, pour régulation ne cesse de se complexi-
être positif, peu contraignants. C’est fier et de s’alourdir. Véritable Lévia-
le poids de cette réglementation, sur- le cas du statut de CIF (conseiller en than des temps modernes, elle est
tout après Bâle III, affecte la capacité investissement financier), de celui de plus en plus intrusive dans la vie
d’innovation et d’adaptation de ces d’IOBSP (intermédiaire en opération privée, obligeant les intermédiaires
acteurs ? S’agissant de l’innovation de banque et service de paiement) ou financiers à aller chercher et vérifier
en matière de techniques financières, encore de celui, plus récent, de CIP la réalité de l’identité, la provenance
on a vu que celle-ci n’était plus (ou (conseiller en investissement par- des fonds, à mesurer l’étendue des
beaucoup moins) à l’ordre du jour. ticipatif ) et IFP (intermédiaire en connaissances de leurs clients en
Quant à l’adaptation « au monde qui financement participatif ) en matière matière financière afin de s’assurer
bouge », une première approche pour- de crowdfunding, sans oublier toute que les produits correspondent à leur
rait laisser croire que les banques sont la gamme des courtiers et man- profil de risques. Ce mouvement de
« asphyxiées » par ces normes pruden- dataires en matière d’assurance. compliance a une double origine : en
tielles, qui les limiteraient dans leurs Ces statuts se caractérisent par un matière de sécurité des transactions,
activités tout en jugulant leur capacité point commun : d’une manière ou les événements du 11 septembre 2011
de s’adapter à ce « monde qui bouge », d’une autre, le cœur de leur activité marquent un changement drastique
du fait du « carcan » qu’imposeraient consiste dans le conseil apporté à dans la relation client : celui-ci est
ces normes. Ce discours – qui n’est la clientèle. L’exécution des opéra- vu potentiellement comme un ter-
pas étayé par des études – ne convainc tions est le plus souvent laissée aux roriste, un « blanchisseur » ou un
pas. Ou pour être plus précis, les effets acteurs traditionnels. C’est bien là fraudeur. L’ère est au soupçon. Au
négatifs de Bâle III sur les activités des la souplesse recherchée par ces nou- point que les intermédiaires sont
banques ne sont pas (encore) visibles. veaux acteurs : éviter les contraintes obligés à déclarer à un organisme
Même s’il est probable qu’ils le seront de la régulation des activités, pour de lutte contre la criminalité finan-
dans un avenir de plus en plus proche. se concentrer sur le conseil, en tant cière les soupçons qu’ils ont sur leurs
Ainsi en est-il de la distribution du cré- que valeur ajoutée aux clients. C’est clients. Mais à ce premier niveau de
dit qui, tout au moins pour les banques d’autant plus « facile » que les acteurs contrôle, il faut ajouter la réglemen-
françaises, n’a pas (ou peu) souffert de traditionnels ont justement délaissé tation de protection du consomma-
l’application de ces nouvelles normes. cette relation client. Et pour ceux qui teur (ou ici de l’investisseur) qui
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