Collin Bouveret 2020 Sous Le Sable La Radioactivite

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E-PAPER

Les déchets des essais nu-


cléaires français en Algérie
Sous le sable,
la radioactivité !
Analyse au regard du
Traité sur l’interdiction
des armes nucléaires

JEAN-MARIE COLLIN ET PATRICE BOUVERET


Publié par la Fondation Heinrich Böll, juillet 2020
Sous le sable,
la radioactivité !

Contents

Avant-propos 3

Sommaire 5

Introduction 8

1. Les sites d’essais nucléaires français 11

La zone d’essais nucléaires atmosphériques de Hamoudia :


13 février 1960 – 25 avril 1961 16

La zone d’essais nucléaires souterraines de In Ekker :


7 novembre 1961 – 16 février 1966 21

2. Sous le sable, des déchets ! 26

Les déchets non radioactifs 26

Matériels contaminés volontairement enfouisdans le sable 30

Les déchets nucléaires issus des essais et autres expérimentations 37

3. La situation environnementale et sanitaire au regard du traité sur


l’interdiction des armes nucléaires 41

Les obligations positives : articles 6 et 7 44

Application des articles 6 et 7 en Algérie 45

Cas d’assistance aux victimes et de remise en état de l’environnement


entre États 47

Recommandations 50

Ressources 53
Avant-propos
Lorsque nous pensons aux essais nucléaires, nous imaginons de gros nuages en forme de
champignon au-dessus de l'océan Pacifique, de la steppe du Kazakhstan, du désert du
Nouveau-Mexique ou en Algérie. La plupart de ces photos ont été prises il y plus d'un
demi-siècle, à l'époque où les essais atmosphériques en surface étaient encore couramment
pratiqués par les puissances nucléaires.

Les choses se sont nettement améliorées depuis : les essais d'explosifs nucléaires ont été
souterrains à partir du milieu des années 60, et à partir de 1998, seule la Corée du Nord a
eu recours aux essais nucléaires. Toutes les grandes puissances nucléaires, à savoir les
États-Unis, la Russie, la France, le Royaume-Uni, la Chine, l'Inde et le Pakistan ont déclaré
une forme de moratoire sur les essais avant la fin du 20e siècle, et certaines d'entre elles
ont signé ou même ratifié le traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) par
la suite.

Ainsi, à première vue, les essais nucléaires peuvent sembler être une pratique obsolète
d'une époque révolue, une aberration qui a été abandonnée au siècle dernier.

Pourquoi alors ouvrir à nouveau cette boîte radioactive maintenant ? Avec leur étude de
cas actuelle sur les essais nucléaires français en Algérie dans les années 1960, Jean-Marie
Collin d'ICAN France (International Campaign to Abolish Nuclear Weapons France) et
Patrice Bouveret de l'Observatoire des Armements fournissent de nombreuses raisons
techniques et politiques qui expliquent pourquoi nous ne pouvons et ne devons pas clore le
chapitre des essais nucléaires.

Premièrement, il existe héritage radiologique qui s'applique à tous les anciens sites d'essais
nucléaires. Une explosion nucléaire produit en effet d'importants effluents radioactifs qui
représentent un risque sanitaire important pour les populations avoisinantes pendant de
nombreuses années, voire des décennies, après l'explosion. Que sait la population locale de
ces résidus toxiques présents dans le Sahara algérien ? De combien d'informations dispose
la société civile en général ? De plus, comment les gouvernements français et algérien
ont-ils traité cette question ?

Deuxièmement, le moratoire mondial sur les essais nucléaires est en danger : à ce stade,
nous ne sommes même pas en mesure d'exclure un retour aux essais nucléaires à grande
échelle au 21e siècle. Alors que les États-Unis soupçonnent depuis quelques années la Russie
et la Chine de procéder à des « essais sous-critiques » secrets sur leurs sites d'essai, des
rumeurs ont circulé en juin 2020 selon lesquelles l'administration Trump envisagerait
bientôt un essai nucléaire souterrain à grande échelle. Nous devons supposer qu'un tel essai
serait également suivi par des essais russes, chinois, indiens et pakistanais, car Pékin et

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New Delhi, en particulier, ont lié leur restriction nucléaire au moratoire américain sur les
essais. Il est donc essentiel de surveiller de près les essais nucléaires dans les années à venir.

Troisièmement, cette étude de cas montre une fois de plus une asymétrie du pouvoir et une
injustice que l'on retrouve tout au long de l'histoire du nucléaire. Ce n'est pas un hasard si la
France a testé sa première arme nucléaire en Algérie, qui était encore une colonie française
en 1960. En réalité, le scénario des essais nucléaires a très souvent suivi le même schéma :
les décisions de procéder à des essais ont été prises dans les centres de pouvoir du monde
industrialisé, à Washington, Moscou, Paris ou Londres, tandis que les essais ont été effectués
ensuite quelque part en « périphérie », sur des territoires autochtones où vivaient les « misé-
rables de la terre » (pour reprendre les termes du célèbre philosophe politique Frantz Fanon).

Par notre étude, nous souhaitons donc contribuer à un débat qui aborde les trois dimensions
des essais nucléaires : leur irresponsabilité du point de vue de l'environnement et de la santé
publique, leurs effets déstabilisateurs d'un point de vue politique et leur injustice d'un point
de vue postcolonial.

Les auteurs font référence au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) comme
un outil efficace pour traiter les trois dimensions susmentionnées, car ce traité contient des
obligations positives pour la décontamination des zones touchées et une interdiction claire
de toute forme d'essai nucléaire ; en outre, le TIAN met fin à la pratique du deux poids deux
mesures, car ses droits et obligations sont les mêmes pour tous les États parties au traité.

En juin 2020, le TIAN compte 81 signataires et 38 ratifications. Le traité entrera en


vigueur lorsqu'il aura atteint 50 ratifications.

Cependant, les prochains mois et années ne seront pas seulement cruciaux pour le TIAN.
Pour le seul premier trimestre 2021, le calendrier nucléaire prévoit l'expiration du plus
important traité bilatéral de réduction des armes stratégiques nucléaires (New START) et
le réexamen après 50 ans du plus important (et du plus contesté) traité multilatéral de
non-prolifération et de désarmement (le Traité sur la non-prolifération des armes nu-
cléaires TNP). Si le renouvellement du traité New START échoue, les États-Unis et la
Russie risquent de relancer une dangereuse course aux armements nucléaires. Par ailleurs,
si le processus de réexamen du TNP ne donne pas de résultats tangibles, d'autres pays
pourraient envisager d'acquérir des armes nucléaires dans les années à venir.

Par notre étude, nous espérons insuffler de nouvelles idées dans le débat à venir sur le
nucléaire et nous espérons faire avancer cette discussion dans une direction positive.

Berlin, juillet 2020

Giorgio Franceschini
Directeur de la division Politique étrangère et sécuritaire de la Fondation Heinrich Böll

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Sommaire
Le massif du Hoggar est situé à l’ouest du Sahara algérien. Les hommes de la préhistoire
ont laissé des gravures rupestres fabuleuses. Les hommes du XXe siècle ont laissé eux des
déchets nucléaires.

Entre 1960 et 1996, la France a réalisé 17 essais nucléaires en Algérie et 193 en Polyné-
sie française. En Algérie, les essais atmosphériques et souterrains ont été effectués sur les
sites de Reggane et d’In Ekker, dans une atmosphère de secrets et de conflit, entre une
nation algérienne en construction et une puissance coloniale en quête d’une autonomie
stratégique. Une majorité d’essais — 11 — a été réalisée postérieurement aux accords
d’Évian du 18 mars 1962 qui actent l’indépendance de l’Algérie.

Il faudra attendre les années 1990 pour lire les premières études indépendantes relatant
certains évènements sombres de cette période. Les révélations sur des accidents lors de
certains essais, sur la mise en danger des populations comme des soldats, en Algérie
comme en Polynésie, permettront de parvenir à l’adoption de la loi « du 5 janvier 2010
relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires fran-
çais ». Mais celle-ci ne prend pas en compte les conséquences environnementales.

En Polynésie française, la forte mobilisation de nombreuses associations a permis une prise


en compte des conséquences environnementales et la mise en place d’un début de réhabili-
tation. Pour l’Algérie, la situation est différente. En raison de relations franco-algérienne
tumultueuses, d’absence d’archives consultables, d’absence de registres des travailleurs
locaux ayant participé aux essais, les données sur les conséquences des essais restent très
parcellaires et incomplètes. C’est ainsi seulement en 2010, grâce à une expertise indépen-
dante, que fut révélé une carte du ministère de la Défense montrant que le continent euro-
péen fut aussi affecté par des retombées des essais nucléaires réalisé tout au sud du Sahara.

Si aujourd’hui, les connaissances sur les essais nucléaires, les accidents et leurs consé-
quences, sont plus nombreuses, il manque toujours d’importantes informations concernant
la présence de grandes quantités de déchets nucléaires et non nucléaires pour assurer la
sécurité des populations et la réhabilitation de l’environnement.

Dès le début des expérimentations nucléaires, la France a pratiqué une politique d’enfouis-
sement de tous les déchets dans les sables. Le désert est alors vu comme un « océan », ou
du simple tournevis — comme le montre dans cette étude des notes « Secret défense » et
des photos — aux avions et chars, tout ce qui est susceptible d’avoir été contaminé par la
radioactivité doit être enterré. La France n’a jamais dévoilé où étaient enterrés ces dé-
chets, ni leur quantité. À ces matériaux contaminés, laissés volontairement sur place aux
générations futures, s’ajoutent deux autres catégories : des déchets non radioactifs (issus
du fonctionnement et du démantèlement des sites et de la présence de l’armée algérienne

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depuis 1966) et des matières radioactives (sables vitrifiés, roche et lave contaminées)
issues des explosions nucléaires. Cet ensemble de déchets se retrouve en très grande partie
à l’air libre, sans aucune sécurité, et accessible par les populations créant une forte insécu-
rité sanitaire et environnementale.

En 1997, un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et


technologiques français reconnaissait que « sur la question des déchets qui auraient pu
résulter des campagnes d’essais réalisées au Sahara, il n’existe aucune donnée précise ».

Cette présente étude « Sous le sable, la radioactivité ! » est une première réponse et dresse
ainsi un inventaire de l’ensemble des déchets, notamment radioactifs, présents sur ces sites.
Des déchets qui devraient faire l’objet d’un travail approfondi de repérage et de récupéra-
tion sur le terrain par des équipes spécialisées et avec des observateurs indépendants.

Un travail qui apparaît désormais possible avec l’adoption, le 7 juillet 2017, du Traité sur
l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Les articles 6 (« Assistance aux victimes et
remise en état de l’environnement ») et 7 (« Coopération et assistance internationales »)
comportent des obligations pour s’assurer que les zones contaminées soient pleinement
connues, pour protéger les populations, les générations futures, l’environnement et la faune
de cette pollution. Cette étude s’inscrit donc aussi sur la mise en œuvre de ce droit qui est
en cours de création.

Tout oppose la France et l’Algérie. L’un est dit « doté » et l’autre « non doté » au sens du
Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et leur vue sur le TIAN sont à l’opposé.
La France n’a cessé de le dénoncer, l’Algérie a participé aux négociations du TIAN, signé le
traité et débuté son processus de ratification. Une fois que le traité sera ratifié par l’État
algérien et entré en vigueur (perspective pour 2020-2021), Alger devra mettre en œuvre
ses obligations positives (articles 6 et 7).

Même si la France refuse de se lier au TIAN, elle pourrait très bien participer à ce proces-
sus. En effet, l’ouverture depuis 2012 « d’un nouveau chapitre de leurs relations », selon la
Déclaration d’Alger, comme la poursuite d’initiative (groupe de travail mixte sur l’indemni-
sation des victimes algériennes des essais, Comité intergouvernemental de haut niveau
algéro-français) montre que ce travail de coopération peut être réalisé, sans que la France
ne rompt avec sa position actuelle concernant le TIAN. Il existe de nombreux cas de coopé-
ration interétatique de programmes d’assistance, dont l’histoire les a opposés ou dont l’un
des deux ne reconnaît pas des obligations légales internationales. Des cas qui peuvent
constituer un modèle à suivre pour la relation entre la France et l’Algérie.

Cette étude propose ainsi un ensemble de recommandations (mesures de dialogue entre les
deux États pour améliorer la situation humanitaire ; mesures concernant les déchets
nucléaires ; mesures de protections sanitaires ; mesures auprès des populations,

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réhabilitation et protection de l’environnement) pour parvenir à faire évoluer cette sombre
page atomique de l’histoire entre la France et l’Algérie.

Le « passé nucléaire » ne doit plus rester profondément enfoui dans les sables.

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Introduction
« La parole des témoins qui vivent encore aujourd’hui les
conséquences humanitaires des armes nucléaires incite la
communauté internationale à conclure de toute urgence un
traité d’interdiction totale des armes nucléaires », dé-
cembre 2016.

Bruno Barrillot, co-fondateur de l’Observatoire des armements,


récipiendaire du « Nuclear Free Future Award 2010 ».

Les autorités politiques et militaires françaises ont attendu près de 50 ans avant de recon-
naître les conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires atmosphé-
riques et souterrains réalisés entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996, au Sahara
algérien puis en Polynésie française.

La situation des sites d’essais nucléaires français au Sahara est particulière. L’Algérie est
en effet le seul État à avoir accédé à l’indépendance alors que son « colonisateur » réalisait
des essais sur son sol. Sur les 17 essais nucléaires français au Sahara, une majorité (11
essais, tous souterrains) a été réalisée postérieurement aux accords d’Évian (18 mars
1962) qui actent l’indépendance de l’Algérie, après une guerre particulièrement meurtrière.

En effet, l’article 4 de la Déclaration de principes relative aux questions militaires des


accords d’Évian[1], en date du 19 mars 1962, permet à la France d’utiliser jusqu’en 1967
les sites du Sahara : « La France utilisera pour une durée de 5 ans les sites comprenant les
installations d’In Ekker, Reggane et de l’ensemble de Colomb-Béchar-Hammaguir, dont le
périmètre est délimité dans le plan annexé, ainsi que les stations techniques de localisation
correspondantes. »

Mais, compte tenu du contexte, aucune obligation de démantèlement complet, de remise en


état de l’environnement et de suivis sanitaires des populations locales n’a alors été négo-
ciée. Ainsi, « après sept années d’expériences diverses, les deux sites de Reggane et d’In
Ekker ont été remis à l’Algérie sans qu’aucune modalité de contrôle et de suivi de la ra-
dioactivité n’ait été prévue[2] ». Il semble même que « les circonstances politiques qui ont
conduit à l’abandon de ces deux sites peuvent expliquer l’indifférence avec laquelle on [la

1 Publié au Journal officiel n° 3019, 20 mars 1962, p. 3030.


2 Christian Bataille, rapport n° 179 (Sénat), L’évolution de la recherche sur la gestion des déchets
nucléaires à haute activité, Tome II : Les déchets militaires, Office parlementaire d’évaluation des
choix scientifiques et technologiques, 7 décembre 1997, p. 69.

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France] a alors traité ces problèmes. Il n’en demeure pas moins qu’on a fait preuve d’une
certaine légèreté, pour ne pas dire plus[3] ».

La relation postcoloniale complexe entre ces deux États fait que les incidences environne-
mentales et sanitaires des essais nucléaires au Sahara n’ont jamais vraiment donné lieu par
la suite, tant de la part des autorités politiques françaises, qu’algériennes, à de véritables
publications officielles et scientifiques ou encore à des actions de coopération sur ce sujet.
Ainsi, à la différence de ce qui s’est passé avec la Polynésie — où la France a réalisé 193
essais nucléaires —, il est frappant de constater à quel point les conséquences environne-
mentales et sanitaires des essais nucléaires en Algérie ont suscité peu d’intérêt durant
plusieurs décennies et restent aujourd’hui encore un sujet compliqué à traiter.

Toutefois, il faut prendre en compte le fait que jusqu’à la fin des années 1990, la priorité
des organisations françaises et internationales de la société civile était mise sur l’arrêt des
essais nucléaires ; obtenu en 1995 avec l’adoption par l’Organisation des Nations unies
(ONU) du traité d’interdiction complète des essais nucléaires.

Les premières recherches spécifiques sur les conséquences des essais nucléaires français
ont débuté en 1990, avec les travaux de l’Observatoire des armements, sous la direction de
Bruno Barrillot. Face à l’absence de documents et au poids du secret défense, l’objectif
était alors d’apporter de l’information sur le programme des essais nucléaires et sur leurs
conséquences, en recueillant le plus grand nombre de témoignages sur les différents ac-
teurs, sur l’implantation des sites, sur les conditions de vie et sur les accidents qui se sont
produits tant au Sahara qu’en Polynésie.

L’adoption, le 7 juillet 2017, du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) a
ouvert une nouvelle voie juridique. Ce traité vient compléter le Traité sur la non-prolifération
des armes nucléaires (TNP), notamment en interdisant (article 1) l’utilisation, la fabrica-
tion, le financement et la menace d’utilisation des armes nucléaires. Il a, de plus, la particu-
larité d’introduire des obligations positives par les articles 6 (« Assistance aux victimes et
remise en état de l’environnement ») et 7 (« Coopération et assistance internationales »).

Le TIAN, dont l’entrée en vigueur est attendue pour fin 2020, est pour ses détracteurs un
traité qui ne peut fonctionner sans l’implication des puissances nucléaires. Il est évident
que tant que ceux qui détiennent des armes nucléaires n’adhèrent pas au traité, le proces-
sus de désarmement nucléaire concret ne peut pas véritablement s’enclencher. Mais le
TIAN peut tout de même commencer à fonctionner[4] avec la mise en œuvre de diverses

3 Ibid., p. 69.
4 Les États qui possèdent des armes nucléaires américaines pré-positionnées sur leur territoire (Alle-
magne, Belgique, Italie, Pays-Bas, Turquie) devront, en adhérant au TIAN, faire retirer de leur
territoire ces armes, ce qui sera une véritable action de désarmement nucléaire.

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interdictions (assistance, investissement, renoncement à bénéficier du « parapluie » d’une
puissance nucléaire alliée) et aussi, avec la mise en œuvre par les États de leurs obligations
positives.

En s’appuyant sur des témoignages, diverses sources d’information et des archives, cette
étude dresse un inventaire de l’ensemble des déchets, notamment radioactifs, qui ont été
laissés par la France sur les zones algériennes de Reggane et d’In Ekker. Cette présence
implique des risques sanitaires importants pour les populations locales et les générations
futures ; l’environnement et la faune sont aussi affectés durablement.

« Sur la question des déchets qui auraient pu résulter des campagnes d’essais réalisées au
Sahara, il n’existe aucune donnée précise[5] », constatait, en 1997, un rapport de l’Office
parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. La présente étude est
une première réponse.

5 Christian Bataille, op. cit., p. 69.

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1. Les sites d’essais nucléaires français
La France s’est lancée dans un programme nucléaire militaire à partir de la création du
Commissariat à l’énergie atomique (CEA) en octobre 1945. Des recherches furent alors
rapidement entreprises pour trouver un site d’expérimentation. Les îles Kerguelen, l’atoll
de Clipperton ou l’archipel des Tuamotu ont été évoqués, mais ces territoires furent jugés
trop éloignés pour des raisons techniques. Après plusieurs missions de reconnaissance
réalisées en 1957, le Sahara algérien fut retenu, malgré les troubles naissants, en raison de
sa proximité géographique avec la France et de ses vastes zones désertiques à faible densité
de population. Le 5 novembre 1959, Jules Moch, délégué français aux Nations Unies,
s’exprimait ainsi sur le choix de ce site : « Les populations de tous les États voisins du
Sahara : Maroc, Tunisie, Libye, courront moins de dangers que les habitants de la Califor-
nie et de la Sibérie qui n’en coururent aucun. Le Sahara se prête mieux que toute autre
région à cette expérimentation parce que le site choisi est à la fois désert et beaucoup plus
proche que les atolls des antipodes de la France. » Deux zones (Reggane et In Ekker) furent
désignées pour être les sites de ces expérimentations. Dix-sept essais nucléaires ont été réa-
lisés, ainsi que des « essais complémentaires » n’ayant pas entraîné de réaction en chaîne,
mais une dispersion de plutonium. Une troisième zone (Colomb-Béchar-Hammaguir) fut
utilisée pour des essais chimiques et pour la propulsion des missiles. L’obligation de quitter
le territoire algérien devenu indépendant en 1962, obligea les autorités françaises à trou-
ver un nouveau lieu. Ce sera la Polynésie.

Après des décennies d’affirmations mensongères, il faudra attendre 2016 pour qu’un
président de la République, François Hollande, lors d’un déplacement en Polynésie, théâtre
de 193 essais nucléaires, déclare : « Je reconnais que les essais nucléaires menés entre
1966 et 1996 en Polynésie française ont eu un impact environnemental, provoqué des
conséquences sanitaires[6]. » Les Algériens attendent toujours de la France une telle décla-
ration de reconnaissance de l’impact des essais nucléaires.

Les essais nucléaires français en Polynésie 

La Polynésie française devient le second site d’essais nucléaires de la France, en raison


de l’obligation de quitter le Sahara dans le contexte du processus de décolonisation
algérien. 193 essais nucléaires atmosphériques et souterrains seront menés dans les
atolls de Moruroa (principal site d’essais nucléaires du 2 juillet 1966 au 27 décembre
1995) et de Fangataufa (du 19 juillet 1966 au 27 janvier 1996).

Les atolls de Moruroa, de Fangataufa et de Hao vont devenir le théâtre de gigan-


tesques travaux du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) : ports, pistes

6 Discours du président François Hollande à Tahiti, 22 février 2016.

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d’aviation, blockhaus, logements remplaceront les cocoteraies. Si la nature est modi-
fiée, c’est aussi toute la vie sociale qui est totalement bouleversée, avec l’arrivée de
plusieurs milliers de métropolitains.

Dès le départ, il y aura en Polynésie des opposants à cette « bombe française », tels que
le député John Teariki qui prononcera le 7 septembre 1966 un discours vindicatif lors de
la visite du général de Gaulle : « Puissiez-vous, Monsieur le Président, rembarquer vos
troupes, vos bombes et vos avions. Alors, plus tard, nos leucémiques et nos cancéreux
ne pourraient pas vous accuser d’être l’auteur de leur mal. Alors, nos futures généra-
tions ne pourraient pas vous reprocher la naissance de monstres et d’enfants tarés. »

Les essais nucléaires atmosphériques seront stoppés, en 1974, en partie à cause de la


pression néo-zélandaise et de la procédure engagée par cet État auprès de la Cour
internationale de Justice. Par la suite, jusqu’en 1996, le CEP va effectuer 147 explo-
sions souterraines à Fangataufa et à Moruroa. Le 25 juillet 1979, une partie de la
falaise récifale de Moruroa va s’effondrer dans l’océan, suite à l’accident du tir Tydée
provoquant un tsunami qui balaiera des travailleurs présents sur le récif. Les derniers
essais nucléaires seront réalisés entre septembre 1995 et janvier 1996, à la suite de la
décision du président Jacques Chirac de rompre le moratoire décidé en avril 1992 par
le président François Mitterrand.

Plus de 25 ans après, les atolls ont été certes « nettoyés » des déchets visibles, mais la
radioactivité demeure au cœur des dizaines de puits creusés. L’atoll de Moruroa néces-
site désormais une surveillance constante. En effet, un système de surveillance
géo-mécanique (programme Telsite) analyse en permanence les mouvements sismiques
du lagon, celui-ci n’étant plus stable à cause des détonations nucléaires. Le risque est
réel. Outre le relâchement d’une quantité astronomique de radioactivité dans le Paci-
fique, il existe aussi le risque, pour les populations civiles vivant aux abords du lagon de
Tureia (situé à une centaine de kilomètres), de l’arrivée (en moins de 10 minutes) d’une
vague géante de 3 mètres.

Les associations polynésiennes Moruroa e tatou et 193 travaillent activement pour que
l’histoire ne soit pas oubliée et que les populations affectées puissent enfin être recon-
nues comme des victimes.

La loi n° 2010-2, datée du 5 janvier 2010, relative à la reconnaissance et à l’indemnisation


des victimes des essais nucléaires français s’applique à l’ensemble des essais, qu’ils aient
eu lieu en Algérie ou en Polynésie, et concerne l’ensemble des populations, civiles comme
militaires. Mais la dimension environnementale a été écartée du projet de loi déposé en
novembre 2008 par le ministre de la Défense Hervé Morin. Les différentes propositions de
loi déposées à partir de 2002 par les parlementaires — y compris la proposition de loi
« commune » à tous les partis politiques —, traitaient pourtant des conséquences

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environnementales. Mais la prise en compte de cette dimension aurait nécessité pour les
sites du Sahara la négociation d’un accord bilatéral avec le gouvernement algérien. Ce qui
— en l’absence d’une réelle volonté politique de part et d’autre de la Méditerranée — au-
rait conduit à un blocage de tout le processus d’indemnisation.

La loi Morin

« Toute personne souffrant d’une maladie radio-induite résultant d’une exposition à


des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste
fixée par décret en Conseil d’État conformément aux travaux reconnus par la commu-
nauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice »,
selon l’article 1 de la loi relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes
des essais ou accidents nucléaires, dite Loi Morin, adoptée le 5 janvier 2010, après une
dizaine d’années d’actions menées par les associations de victimes et leurs soutiens.
L’adoption de cette loi par le Parlement français représente une première étape impor-
tante, car elle constitue une admission officielle que les essais nucléaires français
atmosphériques et/ou souterrains ont créé des problématiques sanitaires.

Selon les chiffres du ministère de la Défense, 150 000 personnes civiles et militaires ont
participé aux essais nucléaires entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996, sans
compter les populations saharienne et polynésienne. Cette participation ouvre, en cas de
la reconnaissance d’une maladie radio-induite due à une présence au Sahara ou en
Polynésie lors des campagnes d’essais, des droits à une indemnisation. Depuis le décret
n° 2014-1049, daté du 15 septembre 2014, la loi reconnaît désormais 23 maladies
(dressées à partir des rapports de l’Unscear, le comité scientifique des Nations Unies
pour l’étude des effets des rayonnements ionisants) au lieu seulement de 18 pathologies.

Au total, 1 476 dossiers (déposés par des Français de métropole, des Polynésiens et
des Algériens) ont été, entre 2010 et le 31 mars 2019, enregistrés par le Comité d’in-
demnisation des victimes des essais nucléaires (Civen). Ce chiffre global est assez faible
au regard du nombre total de victimes. Cela s’explique principalement par l’absence
d’information et la difficulté d’accès aux documents pour prouver sa participation aux
essais. On constate sur les 1 476 dossiers, que seulement 49 proviennent de popula-
tions résidant en Algérie au moment des essais.

Depuis la modification de la loi en décembre 2013 (n° 2013-1168 du 18 décembre


2013), la zone polynésienne ne se limite plus à un périmètre précis (les atolls de Moru-
roa et de Fangataufa et les « zones exposées proches »), mais s’étend à toute la Poly-
nésie française [7]. Ce n’est pas encore le cas pour le Sahara où les zones dites affectées

7 Ainsi le tribunal administratif de Papeete a traité 31 affaires au cours de l’année 2019, soit autant
que lors des huit premières années de l’application de la loi.

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ont été déterminées de manière très restrictive.

Le nombre de victimes indemnisées, depuis 2010 au 31 décembre 2018, est de 217


personnes[8]. Nous ne disposons pas encore des chiffres, mais le nombre d’indemnisa-
tion a fortement augmenté en 2019, grâce à la suppression, en 2017, de la notion de
« risque négligeable », ouvrant la voie au principe de présomption légale.

Si 47 dossiers représentant des civils et des militaires français ayant séjourné en


Algérie ont débouché sur une indemnisation, en près de 10 ans, une seule indemnisa-
tion a été accordée à un Algérien ! Cette importante différence de traitement s’ex-
plique en grande partie par l’impossibilité pour les habitants et les « populations
laborieuses des oasis » (PLO)[9], selon le nom donné aux travailleurs algériens recrutés
pour effectuer différents travaux, de prouver leur présence [10] par des documents écrits
(feuille de salaire, contrat, preuve de résidence), sur les zones désignées par la loi, sans
oublier l’absence de documents pour la demande d’indemnisation en langue arabe…

Dans le traité signé entre l’Algérie et la France en 2012, figurait la mise en place d’une
commission franco-algérienne dédiée aux questions d’indemnisation des victimes des
essais nucléaires. Cette commission s’est réunie une seule fois, le 3 février 2016 [11].
Cela témoigne clairement de l’absence de volonté politique (française et algérienne)
d’accélérer le processus d’indemnisation des victimes algériennes.

Nous disposons désormais d’une meilleure connaissance de la contamination radiologique


des différentes installations[12] qui appartenaient au Centre d’expérimentation du Pacifique
(CEP). Bien sûr, le fait que ces 193 essais aient été réalisés sur un territoire toujours
français a facilité une prise de conscience du risque environnemental comme sanitaire.

8 Rapport annuel d’activité 2018 du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen).
9 À Reggane, le terme de PLBT (populations laborieuses du Bas-Touat) était employé pour désigner une
main-d’œuvre non spécialisée (affectée à des tâches de déchargement des camions, de déplacement de
pierres, de création de tranchées), principalement issue du peuple touareg du Touat et même du nord
de l’Adrar.
10 Selon l’article 2, il faut avoir résidé ou séjourné « soit entre le 13 février 1960 et le 31 décembre 1967
au Centre saharien des expérimentations militaires, ou entre le 7 novembre 1961 et le 31 décembre
1967 au Centre d’expérimentations militaires des oasis ou dans les zones périphériques à ces centres ».
11 Rapport annuel d’activité 2015 du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen).
12 L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) établit depuis 2013 un inventaire
géographique qui liste les trois sites de stockages historiques (Fangataufa, Hao, Moruroa) où le minis-
tère de la Défense a stocké et/ou réalisé des immersions de déchets. Sur les cinq inventaires (2013,
2014, 2015, 2016, 2017) publiés et disponible sur leur site, nous trouvons le détail de la nature des
déchets, des activités radiologiques de chacun et le type de radionucléide. De plus, il est spécifié que sur
les sites polynésiens, il est exercé une surveillance qui « concerne l’environnement des deux atolls » et se
compose « d’un suivi en continu des aérosols atmosphériques et de la dose intégrée » et « d’une cam-
pagne annuelle de prélèvement d’échantillons, la mission Turbo, menée chaque année de mars à juin ».

Sous le sable, la radioactivité ! 14/ 55


Mais celle-ci résulte avant tout de l’action menée par quelques lanceurs d’alertes[13] et
relayée par des personnalités et des organisations aux niveaux national et international, y
compris par certains États[14], de manifestations citoyennes et politiques locales et enfin,
d’épisodes mêlant actions secrètes et interventions militaires[15].

Pour ce qui concerne les sites d’essais situés en Algérie, territoire indépendant, ce n’est pas
le cas. Selon les données disponibles dans un rapport de 266 pages daté de 1996, classé
« confidentiel défense », versé aux archives du ministère de la Défense et non déclassifié,
« il n’a été retrouvé aucune synthèse et aucun compte rendu donnant l’état radiologique
dans lequel les champs de tir ont été restitués [en 1967] à l’autorité algérienne[16] ». Cette
phrase traduit une situation dans laquelle nous sommes toujours, soixante ans après le 13
février 1960, date du premier essai nucléaire français.

Le « passé nucléaire » reste profondément enfoui dans les sables. Les sites ne font pas
l’objet de contrôles radiologiques et encore moins d’actions de sensibilisation des popula-
tions locales aux risques sanitaires.

Les essais nucléaires dans le monde

L’élaboration d’une arme nucléaire nécessite l’application de connaissances scienti-


fiques extrêmement complexes. Une fois les hypothèses scientifiques appliquées à la
construction d’un dispositif nucléaire, il est nécessaire de les valider en procédant à
l’expérimentation de plusieurs exemplaires. En effet, un seul tir ne suffit généralement
pas pour s’assurer du bon fonctionnement du dispositif. De multiples essais sont néces-
saires pour valider des séries de calculs, s’assurer de la sécurité de la bombe (essais de
sécurité), affiner de nouveaux postulats scientifiques, poursuivre la recherche et enfin
procéder à l’ultime essai, celui de la qualification. Cependant, à ces objectifs

13 À ce titre, il faut rendre hommage au travail précurseur de Bengt et Marie-Thérèse Danielsson en


Polynésie, de Bruno Barrillot co-fondateur de l’Observatoire des armements, de John Doom, qui
dirigea le « Bureau Pacifique » du Conseil œcuménique des Églises, de Roland Oldhamn, président de
l’association Moruroa e tatou, ainsi qu’aux travaux réalisés par l’Observatoire des armements et par
la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), sans oublier
les actions des militants du Fri et des différentes équipes de Greenpeace dans le Pacifique.
14  Notamment auprès de la Cour internationale de Justice « Affaire des essais nucléaires Nouvelle-Zé-
lande c. France, 9 mai 1973.
15 Cf. le sabotage du navire de Greenpeace, le Rainbow Warrior, le 10 juillet 1985 par les services
secrets français amarré à Auckland en Nouvelle-Zélande qui fit un mort : le photographe portugais
Fernando Pereira.
16 Rapport sur les essais nucléaires français 1960-1996, tome 1 : La genèse de l’organisation et les
expérimentations au Sahara CSEM et Cemo, p. 236. Ce rapport sera cité à de nombreuses reprises et
afin de faciliter la lecture, celui-ci sera cité ainsi dans le texte : « rapport confidentiel défense ». Il ne
fait pas partie des documents qui ont été déclassifiés suite au recours judiciaires des associations de
victimes des essais (Aven et Moruroa e tatou).

Sous le sable, la radioactivité ! 15/ 55


techniques et militaires se sont aussi ajoutés des raisons politiques (comme notamment
lors des essais nucléaires indiens et pakistanais de 1998). Outre le Sahara algérien et
la Polynésie française, ce sont au total plus de 60 sites à travers le monde (dont Semi-
palatinsk au Kazakhstan, l’île de Nouvelle-Zemble dans l’Arctique, les îles Marshall,
Maralinga en Océanie, dans le Xinjiang en Chine…) qui ont été utilisés pour faire
exploser plus de 2 000 dispositifs nucléaires à des fins militaires ou pacifiques.

En 2020, en raison de la complexité scientifique et financière, seuls les cinq États dotés
d’armes nucléaires mèneraient des programmes de simulation d’essais nucléaires pour
garantir la sécurité, la technologie et le renouvellement de leurs ogives nucléaires. Ces
programmes s’appuient sur des superordinateurs et des installations laser (Mégajoule
au Barp (Landes) et Épure à Valduc (Côte-d’Or) pour la France, National Ignition
Facility pour les États-Unis, ISKRA-6 pour la Russie). La France [17] est la première
puissance nucléaire au monde à avoir conçu une ogive nucléaire, la tête nucléaire
aéroportée (TNA) pour le missile de croisière ASMP-A, avec son programme de
simulation.

Les essais nucléaires depuis le 16 juillet 1945


États Premier essai Dernier essai Essais atmos- Essais Total
nucléaire nucléaire phériques souterrains
États-Unis 16 juillet 1945 23 septembre 1992 215 817 1 032
URSS 29 août 1949 24 octobre 1990 221 494 715
France 13 février 1960 27 janvier 1996 50 160 210
Chine 16 octobre 1964 29 juillet 1996 23 22 45
Royaume-Uni 3 octobre 1952 26 novembre 1991 21 24 45
Inde 18 mai 1974 13 mai 1998 - 3 3
Pakistan 28 mai 1998 30 mai 1998 - 2 2
Corée du Nord 9 octobre 2006 3 septembre 2017 - 6 6
Israël et Afrique du Sud 22 septembre 1979 22 septembre 1979 1 - 1
531 1 528 2 059

La zone d’essais nucléaires atmosphériques de Hamou-


dia : 13 février 1960 – 25 avril 1961
L’implantation du Centre saharien d’expérimentations militaires (CSEM) sur une zone de
108 000 km2 fut décidée au début de l’année 1957. Ce site va accueillir, en plein désert :

17 Rapport 2007 du Commissariat à l’énergie atomique : « La sécurité et la fiabilité de fonctionnement


auront été démontrées sans essais nucléaires, à l’aide du programme simulation. »

Sous le sable, la radioactivité ! 16/ 55


–  une véritable petite ville — Reggane ville — comportant piste d’aviation, hôpital,
station de pompage d’eau (avec une production de 1 200 m3 par jour), bâtiments
administratifs et logements…) ;

–  une base-vie, dite Reggane plateau (à 12 kilomètres à l’est de la ville de Reggane)


principalement constituée de baraquements, d’une piscine, d’un poste de commande-
ment militaire d’où les ordres de tir sont donnés et d’un bâtiment du Commissariat à
l’énergie atomique où est recueilli l’ensemble des informations liées à l’essai nu-
cléaire. Une partie des installations est souterraine, creusée au cœur de la falaise ;

–  la base de Hamoudia, qui comporte une centrale électrique, mais essentiellement des
bureaux et installations techniques, des installations de décontamination et différents
baraquements[18]. À une quinzaine de kilomètres se trouve le polygone de tir.

Les quatre essais nucléaires atmosphériques (Gerboise bleue, blanche, rouge, verte) ont
provoqué des dépôts de particules radioactives dans le désert du Sahara, mais aussi,
comme il a été révélé[19] en 2014, dans toute l’Afrique du Nord et même subsaharienne. En
fait, même le continent européen fut touché, puisque 13 jours après le premier essai nu-
cléaire (13 février 1960), des retombées radioactives ont atteint les côtes espagnoles et
« des particules chaudes dans les précipitations et dans l’air au sud-ouest de la Suède[20] »
ont également été détectées au début du mois de mars 1960.

Le premier essai nucléaire (Gerboise bleue, 13 février 1960), avait pour but principal de
valider la bombe française. Mais cette expérience devait aussi permettre d’observer et de
vérifier le comportement, devant les effets de souffle et de chaleur, de nombreux matériels
utilisés par les différentes armées. Selon un témoin, les trois armées ont réparti du maté-
riel sur la zone d’essai : « [On trouvait sur] la zone terre des mannequins, des chars, des
véhicules blindés de toute nature, des canons. [Sur la] zone air, des avions prêts au décol-
lage ou parqués derrière des monticules de sable. [Sur la] zone mer : des superstructures de
navires de guerre avec leurs tourelles et leurs canons[21]. » Nous retrouvons cette liste dans
le rapport confidentiel défense[22]. Ce positionnement de matériel fut réalisé pour chacun
des quatre essais nucléaires atmosphériques.

18 Rapport confidentiel défense, op. cit., p. 66 et 67.


19 Le Parisien, « Le document choc sur la bombe A en Algérie », 14 février 2014.
20 Gunnar Lindblom, Advection over Sweden of Radioactive Dust from the First French nuclear Test
Explosion, Tellus, 13:1, 106-112,15 novembre 1960.
21 Jean Chaussat, in La guerre d’Algérie, Témoignages, Fnaca, 1989, p. 505.
22 Op. cit., p. 54.

Sous le sable, la radioactivité ! 17/ 55


Image 1 : Liste de matériel soumis aux effets de la première bombe atomique française

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Image 2 : Effets d’un tir nucléaire sur les matériels positionnés sur une zone de tir

Sous le sable, la radioactivité ! 19/ 55


Le second essai nucléaire (Gerboise blanche, 1er avril 1960) a provoqué une contamination
importante, comme en témoigne le général Ailleret : « L’engin étant placé sur un socle en
béton […] il y avait lieu de s’attendre à la formation d’un assez important cratère et à une
très forte contamination par des retombées de particules lourdes des environs dudit cra-
tère[23]. » À noter également, comme lors du troisième essai (Gerboise rouge, 27 décembre
1960), la présence d’animaux vivants : « un millier de rats et de souris et quelques
chèvres », placés autour du point zéro pour voir « comment ils ont résisté à l’épreuve. Les
examens portant surtout sur l’état de leurs cellules sanguines[24] ».

Lors de l’explosion de Gerboise verte (25 avril 1961), on alla jusqu’à simuler une guerre
nucléaire. « Juste après l’explosion, des manœuvres en char, mais aussi à pied ont été orga-
nisées à proximité du point zéro […] pour tester les matériels de protection, mais aussi et
surtout connaître les réactions des hommes de troupe dans une ambiance fortement radioac-
tive[25]. » 195 hommes furent ainsi volontairement exposés aux retombées radioactives.

En plus de ces « essais nucléaires », des expérimentations nucléaires complémentaires avec


dispersion de plutonium furent réalisées, mais sans provoquer de dégagement d’énergie
nucléaire. Ce sont les expériences dites Augias et Pollen. Trente-cinq expériences Augias
ont été réalisées sur le site de Gerboise rouge entre 1961 et 1963, utilisant chacune une
quantité maximum de 25 grammes de plutonium.

–  12 expérimentations furent réalisées dans des cuves en acier, « [a]fin de pouvoir


éventuellement récupérer le plutonium de la première série[26] ». Une première série
de 6 expériences fut effectuée du 28 avril au 7 mai 1961 en remplissant les cuves à
moitié de sable puis en y posant un couvercle fermé. Dans la seconde série, du 14 avril
au 28 avril 1962, il est cette fois indiqué que « le sable fut remplacé par du carbonate
de sodium pour, théoriquement, mieux récupérer le plutonium ». L’utilisation des
termes « éventuellement » et « théoriquement » s’est avérée particulièrement appro-
priée, étant donné que ces cuves ont été tout simplement enterrées !

–  23 expérimentations ont été réalisées (du 21 avril au 14 mai 1963) « en plein air sur
un tabouret, au-dessus d’un trou préalablement creusé dans le sol vers lequel était
projeté le plutonium ».

Cinq expériences Pollen[27] (pollen, rose, rouge, safran, jonquille) ont été réalisées entre
1964 et 1966 sur le site du Cemo (au nord-ouest du massif de Taourirt Tan Ataram), cette

23 Charles Ailleret, L’aventure atomique française, Paris, Éditions Grasset 1968, p. 385.
24 Le Monde, « Les animaux soumis aux effets des radiations vont être examinés dans la région pari-
sienne », 31 décembre 1960.
25 Vincent Jauvert, « Sahara : les cobayes de Gerboise verte », Le Nouvel Observateur n° 1735, 5 février 1998.
26 Rapport secret défense, op. cit., p. 113 et 114.
27 Ibid., pp. 198 à 203.

Sous le sable, la radioactivité ! 20/ 55


fois avec des quantités de plutonium allant de 20 à 200 grammes. L’objectif, comme le
rapporte l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)[28], était de « simuler un
accident impliquant du plutonium, pour mesurer ses conséquences, y compris le degré de
contamination qui pourrait survenir à proximité ». Ces essais[29] avaient donc comme fonc-
tion de vérifier, d’une part, comment se comportait une arme nucléaire[30], sans que son
mécanisme de réaction en chaîne ne se mette en action et, d’autre part, de vérifier quelles
étaient les réactions entre matières nucléaires et explosifs conventionnels, ainsi que le
processus de dispersion de ces différentes matières.

La zone d’essais nucléaires souterraines de In Ekker :


7 novembre 1961 – 16 février 1966
Le Centre d’expérimentations militaires des oasis (Cemo), site de réalisation de 13 essais
nucléaires souterrains, est aménagé dans le massif du Hoggar (dans la montagne grani-
tique du Tan Afella), à proximité du bordj de In Ekker, situé à 150 kilomètres au nord de
Tamanrasset. Le personnel est logé dans une base-vie située à 30 kilomètres au sud d’In
Ekker (dite « Oasis 1 ») puis un second site, « Oasis 2 » sera construit, à 10 kilomètres au
sud d’In Ekker. Les essais sont conduits dans des galeries, creusées en colimaçon, d’une
profondeur de 800 à 1 200 mètres.
Date Essais nucléaires souterrains - nom de code Puissance en kilotonnes de TNT
7 novembre 1961 Agathe 10 kt
1er mai 1962 Béryl 40 kt
18 mars 1963 Émeraude 10 kt
30 mars 1963 Améthyste 2,5 kt
20 octobre 1963 Rubis 52 kt
14 février 1964 Opale 3 kt
15 juin 1964 Topaze 2,5 kt
28 novembre 1964 Turquoise 10 kt
27 février 1965 Saphir/Monique 127 kt
30 mai 1965 Jade 2,5 kt
1er octobre 1965 Corindon 2,5 kt
1er décembre 1965 Tourmaline 10 kt
16 février 1966 Grenat 13 kt

28 AIEA, « Radiological Conditions at the Former French Nuclear Sites in Algeria: preliminary assess-
ment and recommendations », Radiological assessment reports series, 2005.
29 Les catastrophes nucléaires militaires de Palomares en Espagne (17 janvier 1966) ou de Thulé au
Groenland (21 janvier 1968), avec des quantités de matières radioactives beaucoup plus importantes
ont « reproduit » ce type d’expérience.
30 Les deux premières bombes atomiques françaises AN11 et AN21 ont été testées lors de ces expériences.

Sous le sable, la radioactivité ! 21/ 55


La montagne du Tan Afella est devenue un véritable gruyère, creusée de toute part pour
réaliser les 13 essais nucléaires souterrains. Quatre essais (Béryl, Améthyste, Rubis, Jade)
n’ont pas été totalement contenus ou confinés, entraînant la libération dans l’environne-
ment de gaz, aérosols et de laves radioactives[31].

L’accident Béryl du 1er mai 1962 fut le plus important accident en termes de contamina-
tion des sols et du personnel. Nous disposons désormais d’informations précises et bien
documentées, grâce aux nombreux témoignages recueillis par l’Observatoire des arme-
ments en lien avec l’Association des vétérans des essais nucléaires (Aven) : « Vers 12 h 30,
nous entendons un immense boum en face de nous. Très beau spectacle immédiat, la mon-
tagne change de couleur, elle est transparente, mais tout de suite, presque en face de nous,
à droite, nous voyons un bouchon qui part accompagné d’une fumée très noire[32]. »

Un ensemble de données portant sur la pollution engendrée par cet essai souterrain qui
déboucha sur un « essai atmosphérique » est disponible. Ainsi, « une fraction égale à 5 à
10 % de la radioactivité est sortie par la galerie, sous forme de laves et de scories projetées
qui se sont solidifiées sur le carreau de la galerie[33] ». La quantité de lave et de scories
serait « d’environ 700 m3 [34] » qui se seraient solidifiés à la sortie de la galerie dite « E2 ».
Selon ces mêmes données, la zone la plus radioactive représente une « superficie d’environ
2,5 ha, la contamination est fixée dans des laves (épaisseur moyenne des coulées 40 cm) et
dans des blocs de scories ». Mais cette pollution s’est aussi étendue sur « une zone intermé-
diaire jonchée de fragments de laves et de scories sur une superficie d’environ 15 ha » et sur
une troisième « plus vaste sur 135 ha [comprenant] des débris de scories peu volumineux »
où, selon les données prélevées en 1965 (donc 3 ans après le tir), « l’activité radiologique se
serait affaiblie très fortement ». Si cela reste à vérifier sur site, ce rapport note bien que
« l’activité piégée dans les laves et les scories, d’environ 5 000 Ci en 1962, peut être esti-
mée à 25 Ci de plutonium en 1994 et à une centaine de Ci de césium 137 et de strontium
90. Elle est très localisée dans une zone de quelques hectares sur le carreau E2 et à son
voisinage ». Ces chiffres sont monstrueux en termes de pollution radioactive et de dangero-
sité.

31 Christiane Taubira, Rapport n° 1264 sur la proposition de loi (n° 1258) relative à la reconnaissance et
à l’indemnisation des victimes des essais ou accidents nucléaires, 19 novembre 2008, Assemblée
nationale, p. 10.
32 Témoignage de Jean-Pierre P., lettre datée du 2 février 2004, archive de l’Observatoire des arme-
ments.
33 Henri Revol et Christian Bataille, Les incidences environnementales et sanitaires des essais nucléaires
effectués par la France entre 1960 et 1996 et les éléments de comparaison avec les essais des autres
puissances nucléaires, rapport n° 207 (Sénat), Office parlementaire d’évaluation des choix scienti-
fiques et technologiques, 6 février 2001, p. 35.
34 Rapport confidentiel défense, op. cit., p. 195.

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Image 3 : Carte représentant le massif du Tan Afella, zone des essais nucléaires souter-
rains. Les différentes galeries implantées, avec leurs entrées, sont représentées par la
lettre E (E1, E2, E3, …). À noter l’entrée du tunnel E2, qui est la zone contaminée par
l’accident du tir Béryl.

Sous le sable, la radioactivité ! 23/ 55


Le ministère de la Défense a également reconnu que l’essai Améthyste (30 mars 1963)
avait libéré de la montagne (par la galerie E3 creusée pour placer la bombe) une grande
quantité de scories et de roches fondues.

Les associations de victimes algériennes en manque de reconnaissance

À Alger ce 24 janvier 2020, à l’occasion du 49e vendredi du hirak [35], des manifes-
tants[36] brandissent des écriteaux sur lesquels sont inscrits : « Les habitants du Sahara
ne sont pas des cobayes. Non au gaz de schiste. Gouvernement de la bande, vous n’êtes
pas différents de la France et ce qu’elle a commis à Reggane. » Ou encore : « En 2020,
ils veulent essayer la gerboise noire en exploitant le gaz de schiste. » La mémoire des
conséquences des essais nucléaires reste vive en Algérie. Pourtant les associations de
victimes peinent à obtenir des réponses concrètes à leurs revendications.

Au début des années 2000, comme en métropole ou en Polynésie, plusieurs associa-


tions voient le jour en Algérie. Il s’agit notamment de l’Association 13 février 1960 à
Reggane, l’Association des victimes des essais nucléaires de Taourirt à In Ekker (fon-
dée en 2011) et l’Association algérienne des victimes des essais nucléaires à l’initiative
de M. Bendjebbar, un officier algérien qui a procédé à la fermeture des sites d’essais
français et s’est retrouvé à la suite gravement malade.

Des liens se sont établis entre les différentes associations algériennes et françaises
malgré les entraves liées à l’éloignement et à la difficulté des échanges directs [37].

Ces associations tentent de mobiliser les autorités politiques malgré le peu d’écoute.
Elles réalisent également un travail d’information et de recensement des victimes.
Elles demandent « réparation à la France pour les dégâts qu’elle a commis[38] ». Leurs
principales revendications sont :

– Mise en place d’un observatoire des sites ayant servi aux essais nucléaires pour
mesurer l’évolution de la radioactivité ;

35 Mot arabe, qui signifie « mouvement ». Ce mouvement a débuté le 16 février 2019 pour protester
contre la candidature du président Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat présidentiel.
36 Mustapha Benfodil, « 49e vendredi de mobilisation populaire : le Hirak rejette énergiquement le gaz
de schiste », El Watan, 25 janvier 2020.
37 À l’occasion de plusieurs colloques organisés par l’Observatoire des armements à Paris, notamment à
l’Assemblée nationale ou au Sénat, l’ambassade de France a refusé de délivrer des visas pour les
intervenants algériens.
38 Berriah, « 41 ans après la bombe atomique de Reggane. Une association demande réparation à la
France », El Watan, 13 février 2001.

Sous le sable, la radioactivité ! 24/ 55


– Décontamination des sols et des nappes souterraines dont la présence de la radioacti-
vité représente une « bombe à retardement » pour la santé publique ;
– Création d’une structure de santé spécialisée dans le traitement des maladies ra-
dio-induites, proche des zones impactées pour éviter les déplacements des victimes
vers Alger (1 500 km) ;
– Transmission des archives secrets défense et ouverture d’un centre de mémoire.

La loi de reconnaissance et d’indemnisation adoptée par la France en 2010, a été


rejetée pour son insuffisance : « Ce n’est pas avec quelques sous que nous résoudrons
un problème qui touche plusieurs générations d’affilée » déclarait en février 2010, M.
L. Abderrahmane, président de l’association du 13 février 1960. Pour H. M. Waer,
président de l’association de Taourirt, « la reconnaissance par la France du statut de
victimes à environ 500 ouvriers de la région recensés est la priorité ». Car « les retom-
bées nucléaires radioactives des essais […] n’ont épargné personne, ni l’humain, ni la
faune, ni la flore. Au-delà de l’Algérie, toute l’Afrique du Nord et le sub-sahara ont été
victimes d’une politique nucléaire dont la France nie la responsabilité et les sé-
quelles[39] ».

D’autres acteurs tentent de faire avancer ce sujet, ainsi, l’hôpital de Reggane, a


plusieurs fois alertés les autorités publiques et organise des événements avec l’associa-
tion El-Amel[40] pour alerter des difficultés, notamment le 13 février, jour anniversaire
du premier essai nucléaire français. La Ligue algérienne des droits de l’Homme
(Laddh), engagée également aux côtés de ces associations, est « persuadée que les
victimes des explosions nucléaires de la France au Sahara algérien, n’ont pas besoin
qu’on parle d’eux uniquement chaque 13 février[41] ».

Les difficultés de ces organisations algériennes à faire émerger dans l’agenda politique
la question des conséquences des essais nucléaires est sans aucun doute une des rai-
sons, qui fait que soixante ans après le premier essai nucléaire français, un seul Algé-
rien a été reconnu comme victime et indemnisé à ce titre par la France !

39 « Essais nucléaires : l’Algérie a ficelé le dossier », El Watan, 16 février 2018.


40 Cette action est réalisée conjointement par la Commission nationale consultative de promotion et de
protection des droits de l’Homme et l’association El-Amel du CPMC. Cette caravane depuis 2011
réalise un travail de prévention et d’information sur le cancer et a obtenu dès 2012 la mise en place
chaque année pour le 13 février d’un cours national sur les essais nucléaires par le ministère de
l’Éducation nationale. Voir : « La caravane El-Amel à Adrar et Reggane la semaine prochaine »,
Liberté-Algérie, 13 février 2012 et « La Caravane El-Amel sillonne le Sud », Liberté-Algérie, 14
février 2016.
41 Houari Kaddour, « Essais nucléaires en Algérie : la Laddh exige des réponses de la France », Le Matin
d’Algérie, 20 août 2014.

Sous le sable, la radioactivité ! 25/ 55


2. Sous le sable, des déchets !
L’armée française s’est installée à partir de 1957 sur le site de Reggane, puis de In Ekker
et les a quittés en 1967. À sa suite, l’armée algérienne[42] a pris possession d’une partie des
installations (non déconstruites) telles la base-vie de In Amguel (constituée de baraque-
ments, de bâtiments en dur…). De même, la Société nationale de recherche et d’exploita-
tion minières (Sonarem) s’y est implantée. Il faut dire que cet espace géographique est
idéal pour la surveillance du territoire, avec notamment la route transsaharienne qui relie
la frontière du Niger à Tamanrasset, puis se poursuit en direction du nord et longe la
montagne du Tan Afella, avec ses zones fortement contaminées…

Les derniers mois de la présence de soldats français ont été pleinement consacrés au
démontage des sites et au rapatriement de matériels militaires en direction de la France ou
à destination de pays africains. Du matériel militaire fut également cédé aux autorités algé-
riennes. Près de soixante ans après ce retrait, après le séjour de plusieurs milliers
d’hommes, certains sites ont l’apparence de vastes décharges, avec la présence de déchets
qui peuvent être classés en trois catégories :

–  des déchets non radioactifs liés à l’installation française, au démantèlement des sites
et à la présence de l’armée algérienne depuis 1966 ;

–  du matériel contaminé par la radioactivité qui a été volontairement enterré ;

–  des matières radioactives issues des explosions nucléaires.

Les déchets non radioactifs


Tous les acteurs (journalistes, chercheurs, scientifiques[43]) qui se sont rendus sur les sites
d’essais nucléaires depuis une quinzaine d’années rapportent des témoignages similaires
concernant la présence de nombreux déchets (bidons de bitume, aluminium, tôles…). Ainsi,
Bruno Barrillot, qui visita le site de Reggane du 13 au 19 novembre 2007, rapporte que
« les abords de la route en contrebas, qui conduit à l’entrée du CSEM, témoignent d’un
manque flagrant de respect de l’environnement. Des centaines de fûts métalliques, proba-
blement de bitume, ont été, depuis les années 1960 abandonnés là sur un vaste espace

42 Entre 1992 et 1995, l’armée utilisa de nombreux baraquement des sites de In Amguel et de Reggane
comme prisons pour toute personne liée au Front islamique du salut (parti d’opposition islamiste). Ces
révélations ont été faites par la réalisatrice Élisabeth Leuvrey et le journaliste Bruno Hadjih dans le
documentaire « At(h)ome » (Les écrans du large, 2016).
43 Larbi Benchiha, journaliste, Roland Desbordes, scientifique membre de la Criirad, Bruno Barrillot et
Patrice Bouveret, chercheur et directeur de l’Observatoire des armements.

Sous le sable, la radioactivité ! 26/ 55


simplement entouré de barbelés[44] ». Une grande partie de ces déchets sont sans aucun
doute issus de la période de la présence de la France ; mais il ne peut être exclu qu’une
partie soit aussi le résultat de l’occupation par l’armée algérienne. Il ajoute que les an-
ciennes installations du Commissariat à l’énergie atomique, qui se trouvent en contrebas de
la falaise de Reggane plateau, « montrent de nombreux vestiges : câbles électriques, fer-
railles, tuyaux, conduites d’eau jonchent le sol sur quelques hectares ».

À ces déchets, qui reposent sur le sable et peuvent être enlevés assez facilement, il faut
rajouter deux énormes blockhaus (le poste de commandement avancé et un second surnom-
mé le Sphinx), qui abritaient principalement des instruments de mesure. Ces bâtiments
demanderaient de plus gros moyens pour être déconstruits. (voir photo ci-dessous)

44 Bruno Barrillot, « Visite du site d’essais français de Reggane au Sahara algérien », Damoclès, lettre
d’information de l’Observatoire des armements, n° 121, 2007.

Sous le sable, la radioactivité ! 27/ 55


Image 4 : Pose de câbles souterrain sur le site nucléaire de Hamoudia, 1959

Même si de récentes descriptions indiquent toujours la présence de déchets, ceux-ci tendent


à diminuer fortement. Cela tient principalement au fait que les populations vivant dans ces
zones — ou les traversant — ont récupéré au fil des années les éléments ferreux (voir
photos page suivante) pour réaliser des clôtures, toits de maison et autres constructions et
le cuivre, métal ayant une forte valeur à la revente. Des dizaines, voire peut-être des cen-
taines de kilomètres de fil de cuivre furent utilisés pour mener à bien les essais nucléaires.
Certaines sections étaient largement enterrées, alors que d’autres étaient posées sur le
sable et sont fortement radioactives.

Sous le sable, la radioactivité ! 28/ 55


Les témoignages sont nombreux sur les personnes qui allaient récupérer ce cuivre, tel
Moustapha d’Im Amguel[45] qui raconte que « la plupart des barbelés ont été arrachés par
les trafiquants de cuivre qui viennent du côté de Béchar et l’ont vendu au Maroc. Ils ont
volé les installations électriques irradiées pour récupérer le cuivre. Je connais des vieux à In
Amguel, de gros commerçants qui viennent jusqu’à Béchar. Ils remplissent les citernes
d’essence de cuivre pour avoir des camions de transport. Ils les amènent à Adrar et Béchar
pour les revendre aux commerçants marocains ».

Nous pourrions croire que ces récupérations de métaux sont terminées depuis longtemps ;
mais là aussi les récents témoignages[46] indiquent que ces actions se poursuivent.

Voilà sans aucun doute une grave erreur faite par l’État français. En ne récupérant pas et
en ne donnant aucune information sur les dangers sanitaires potentiels de ces déchets, il est
certain que des populations ont été contaminées après la fin des essais.

Matériels contaminés volontairement enfouis


dans le sable
La situation radiologique des différents sites n’a jamais — au vu de l’information actuelle-
ment disponible — été pleinement établie avec les autorités algériennes. Ainsi, Mohamed
Bendjebbar, officier du génie responsable de la prise en charge du démantèlement de la
base de Reggane, a appris en mai 1967 — en raison de la « sympathie » et de l’« esprit de
corps » qui semblent le relier à son homologue français — « que l’autorité française avait
procédé à l’enfouissement de matériel, outillages, moyens mécaniques ayant servi et sus-
ceptibles d’être contaminés sur deux sites : le premier à dix kilomètres au nord-est du
plateau de la base-vie, le second à cinq kilomètres du point zéro. Quant aux autres déchets
hautement radioactifs, ils auraient été placés dans des bunkers bétonnés[47] ». Cette infor-
mation confirme, non seulement l’enfouissement massif de déchets nucléaires, mais montre
plus généralement qu’il régnait une politique d’enfouissement du matériel radioactif. Si les
règles de sécurité étaient peu contraignantes à cette période, le CEA disposait tout de
même d’installation de stockage en France. Il faut relever que la France s’est toujours

45 Solange Fernex, Essais nucléaires en Algérie, recueil de témoignages, Bruxelles, Les Verts au Parle-
ment Européen, 1992.
46 Conversation avec Roland Desbordes scientifique, alors président de la Criirad qui visita In Ekker en
2007 et Larbi Benchiha, journaliste, réalisateur de plusieurs documentaires sur les essais nucléaires
qui s’est rendu à plusieurs reprises sur les sites du Sahara.
47 Bruno Barrillot, Les irradiés de la République : Les victimes des essais nucléaires français, prennent la
parole, collection Les Livres du GRIP, Coédition GRIP-Editions Complexe, Observatoire des armes
nucléaires/CDRPC, 2003, p. 45.

Sous le sable, la radioactivité ! 30/ 55


gardée d’évoquer ce sujet et, plus surprenant, que l’AIEA[48] n’a fait aucune mention de ces
matériaux contaminés à la suite de sa visite en 1999.

Les témoignages ci-dessous font ressortir le fait que ces opérations ont pour la plupart été
réalisées avec certaines précautions (comme l’enterrement des avions Vautour), laissant
penser que les militaires, et sans doute plus spécifiquement la Direction des applications
militaires du CEA, disposent des plans de dépôts.

Le témoignage de Jean-Pierre D., présent à Reggane entre le 17 novembre 1960 et le 21


février 1962 montre bien cette facilité de « cacher » dans le désert : « Affecté au Bureau du
matériel comme dactylo, je tapais les notes de service et les états du matériel. Lorsqu’un
homme travaillant sur un échafaudage laissait tomber un marteau ou un tournevis, il était
souvent impossible de le retrouver dans le sable. Tout ce qui était perdu était ainsi classé :
“enfoui dans les sables”. J’avais bien remarqué que souvent, des objets d’une taille impor-
tante, et quelquefois énorme étaient aussi classés ”enfoui dans les sables”. J’ai ainsi
compris que des engins de terrassement étaient “du matériel contaminé qui était volontai-
rement enfoui dans les sables”[49]. »

La note du Groupement des essais air, datée du 8 juin 1961, ci-dessous, relative à la
« contamination d’outillage », vient confirmer un acte qui apparaît alors être normal pour
aussi bien, comme l’explique Jean-Pierre D., du matériel de très petite taille (tournevis),
que pour des véhicules entiers. Cette politique semble reposer sur l’idée selon laquelle le
désert absorberait tous les déchets.

André F. précise qu’en 1963, « tous les avions, canons, camions, hélicoptères étaient restés
sur le champ de tir depuis la dernière explosion [Gerboise verte, 25 avril 1961] en atten-
dant d’être enterrés[50] ». Le fait d’avoir ainsi laissé sur le site de Gerboise verte pendant
deux années complètes (photos datées de 1963) ces véhicules exposés délibérément aux
explosions nucléaires confirme qu’il n’existait pas de directives précises concernant leur
sort, outre celui de les enterrer.

48 AIEA, « Radiological Conditions at the Former French Nuclear Sites in Algeria: preliminary assess-
ment and recommendation », Radiological assessment reports series, 2005.
49 Lettre datée du 6 septembre 2002, archive de l’Observatoire des armements.
50 Information apportée dans une interview téléphonique le 6 février 2004 entre M. Foudriat et Bruno
Barrillot, chercheur à l’Observatoire des armements.

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Image 5 : Note relative à la contamination d’outillage

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Image 6 : Véhicules militaires abandonnés sur le site nucléaire de Hamoudia, 1963

Les opérations d’enfouissement sur le site du CSEM auraient débuté au cours de l’année
1963. Daniel B., qui a été présent quasiment pendant toute la durée des essais en Algérie de
novembre 1957 au 30 mars 1964, mentionne ainsi, le 16 septembre 1963, le « début des
travaux d’enfouissement sur le champ de tirs et [la] destruction de la base d’Hamoudia[51] ».

Un autre témoignage est celui de Lucien V.[52], appelé au service militaire, il est affecté au
3ème groupe saharien de transport à Reggane. Il sera sur le site au début de l’année 1967
où il participe au démantèlement de toutes les bases du Hoggar. « Nous avons détruit ou
transporté du matériel ou des véhicules […]. Après que le génie ait creusé d’énormes trous,
nous avons enterré nombre de matériels et de véhicules (dont la limite de radioactivité était
soi-disant passée). »

51 Archive de l’Observatoire des armements.


52 Lettre datée du juillet 2002, archive de l’Observatoire des armements.

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Au vu de la description faite par Lucien V., les hommes du génie en charge de « creuser
d’énormes trous » ne devaient pas être en tenue de protection complète contre la radioacti-
vité. Par contre, comme on peut le voir sur les photos de « l’enterrement des avions Vau-
tour », les hommes revêtent bien des combinaisons de protection radiologique, soulignant
la présence d’une très forte radioactivité. Le procédé décrit par Jacques G. est l’utilisation
de bulldozers pour creuser de profondes et larges tranchées dans le sable. Les avions
Vautour sont détruits à l’explosif avant, comme il le mentionne, « un enterrement civil ».

Image 7 : Enterrement des avions Vautour

Sous le sable, la radioactivité ! 35/ 55


Ces avions sont sans aucun doute ceux qui ont été utilisés pour enregistrer les différents
effets de l’explosion d’une arme atomique. Leur nombre est inconnu. Mais d’autres avions
ont-ils aussi été contaminés ? On peut notamment penser aux avions qui ont réalisé diffé-
rents types de prélèvement dans les nuages formés à la suite des essais atmosphériques.
André L., présent à Reggane du 7 février 1960 au 8 mars 1961, mentionne que « sur une
zone éloignée de l’aérodrome de Reggane, il y avait une zone interdite où était stationné un
avion Vampire ou Mistral, cet appareil étant celui qui, radioguidé, avait traversé le matériel
radioactif. Il y avait également les réacteurs des Vautours qui avaient volé à proximité du
nuage radioactif. Si la rumeur est exacte, ce matériel volant était déposé à cet endroit car
impossible à décontaminer[53] ».

À ces matériels militaires, il est nécessaire d’ajouter un ensemble d’autres « déchets »


radioactifs dont les cuves en acier (et leurs contenus) utilisées dans le cadre d’expériences
complémentaires (Augias). Selon le « rapport confidentiel défense » sur la zone du CSEM,
« les cuves de pastilles de plutonium furent cimentées et enfouies sous terre[54] ». Évidem-
ment, il est pris soin d’indiquer que « si aucune action de mise au jour n’a été entreprise
depuis l’abandon du champ de tir, elles ne représentent pas un risque significatif pour les
populations et la faune sahariennes ». Lors de la visite du site de Reggane par Bruno
Barrillot en 2007, alors qu’il était sur le site de Gerboise rouge, il nota que « des cuves
métalliques de grandes dimensions se trouvent là, entourées de dizaines de boules de béton,
de la grosseur d’un ballon de foot et dispersées alentour en plein désordre ». Ces cuves
furent-elles utilisées lors des expériences Augias ?

Enfin, il faut noter que l’accident de Béryl obligea à procéder à la décontamination, selon
un décompte du ministère de la Défense, de 1 675 personnes et de 120 véhicules et autres
matériels. Une partie du matériel a également été enfouie dans les sables. Ainsi selon les
éléments relevés à propos de cet événement « 400 kg d’effets militaires sont expédiés à
Reggane pour décontamination. Ces effets ne seront pas tous décontaminés et certains
devront être enfouis au CSEM[55] ».

Les zones de Hamoudia et plus généralement de Reggane ne sont malheureusement pas les
seules zones où du matériel radioactif a été enterré.

D’autres témoignages indiquent également que du matériel fut enterré autour de la mon-
tagne du Tan Affella. Ainsi, Patrice C.[56], qui appartenait au 621e Groupe d’armes spé-
ciales (d’avril 1965 à avril 1966), mentionne, suite à une explosion proche de la sortie du
tunnel E3 (soit probablement pour le tir Améthyste), « la galerie fut fermée par trois portes

53 Lettre datée du 12 mars 2003, archive de l’Observatoire des armements.


54 Rapport confidentiel défense, op. cit., p. 237.
55 Ibid. p. 159.
56 Archive de l’Observatoire des armements.

Sous le sable, la radioactivité ! 36/ 55


blindées de quatre tonnes chacune et bourrée de sacs de sables. Après le tir, ils ont tous été
retrouvés sur la colline d’en face, à environ 100 mètres. Le tout a été enterré sous plus d’un
mètre de béton. »

L’océanisation des déchets nucléaires en Polynésie

« L’utilisation de la radioactivité dans de nombreux secteurs est à l’origine de la


production de déchets radioactifs qui ont la particularité d’émettre des rayonnements
pouvant présenter un risque pour l’homme et l’environnement. Ils ne peuvent donc pas
être gérés comme des déchets classiques et doivent être pris en charge de manière
spécifique. Un des premiers moyens utilisés pour gérer ces déchets et les isoler de
l’être humain a été l’immersion dans les océans[57]. » On peut supposer que l’enfouisse-
ment de déchets nucléaires dans le Sahara s’inscrivait dans une logique similaire, le
désert ayant été vu comme un « océan de sable ».

Cela illustre bien à quel point dans la période 1960-1980, les considérations environne-
mentales étaient totalement hors du champ de pensée des acteurs politiques et mili-
taires.

La France a immergé — ou « océanisé » selon l’expression consacrée — dans le


Pacifique, à proximité des atolls de Moruroa et de Hao, entre 1972 et 1982, un total
de 3 188 tonnes de déchets nucléaires (conditionnés en fûts de béton ou en vrac) sur les
sites Hôtel, Novembre et Oscar. Ces déchets résultaient des différentes campagnes
d’essais réalisés au Centre d’expérimentations du Pacifique. Suite aux travaux du
Grenelle de la Mer, qui s’est tenu en 2009, il a été décidé de mettre en place une
meilleure surveillance et un contrôle plus efficace des zones où se trouvent ces déchets,
et de « consolider l’inventaire des décharges sous-marines de déchets nucléaires, en
apprécier la dangerosité et établir des priorités pour réaliser des analyses sur la faune
et la flore sédentaire et les sédiments ». La réalisation d’un rapport complet sur Les
déchets radioactifs immergés fut la première mesure mise en œuvre. Cet acte de
transparence pourrait servir de modèle dans le dossier des déchets radioactifs du
Sahara…

Les déchets nucléaires issus des essais et autres


expérimentations
Cette catégorie comprend les déchets (sable vitrifié, galettes radioactives) qui ont été créés
par les différents essais nucléaires atmosphériques, ainsi que par les essais nucléaires

57 Les déchets radioactifs immergés - Dossier thématique de l’Inventaire national des matières et déchets
radioactifs, Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, mars 2017.

Sous le sable, la radioactivité ! 37/ 55


souterrains Béryl (1962) et Améthyste (1963). Des déchets issus de la réaction physique
des matières fissiles contenues dans les dispositifs nucléaires et les éléments situés alen-
tour, en particulier le sable et les objets (tours, engins…).

Sur la zone du site d’essais atmosphériques d’Hamoudia, le sol est couvert de fragments
noirs de sable vitrifié, qui créent un effet de « peau de léopard » entre taches de sable jaune
et noir. Le site de Gerboise blanche est particulier, car l’explosion a créé un cratère. Cepen-
dant, en 2007 selon le témoignage de Bruno Barrillot, celui-ci n’est plus visible, ce qui
confirme les dires de l’AIEA lors de leur visite réalisée en 1999. Mais, le rapport de cette
institution précise que si ce cratère a été ultérieurement comblé, « la radioactivité rési-
duelle est dans les matériaux enterrés sous quelques mètres du point zéro[58] ».

La situation sur le site de In Ekker est sans aucun doute la plus préoccupante. D’une part,
la zone est contaminée par les essais en son cœur, mais il existe aussi, selon le compte
rendu d’une réunion de la Commission de sécurité ayant eu lieu le 3 octobre 1961, « un
stockage de déchets radioactifs de roches contaminées extraites des galeries dans le flanc
sud du Tan Afella, en un endroit entouré d’une enceinte sommaire[59] ». On peut supposer
que le CEA détient des documents fournissant une évaluation (de l’époque) de la radioacti-
vité renfermée dans le massif.

Il est évident que les autorités françaises étaient conscientes de la forte pollution engendrée
par l’essai raté Béryl. Selon les chiffres, la zone Béryl contaminée « à l’origine correspon-
dait à 250 hectares[60] », comprenant 2,5 hectares situés sur le versant du Tan Afella (les
fameuses coulées de lave et de scories), des espaces qui « n’ont pas été [traités] et sont
certainement en l’état », comme le concède le rapport de 1996 du ministère de la Dé-
fense[61].

La Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) a


réalisé une série d’analyses[62] (29 et 30 octobre 2009) sur ce site, prélevant un morceau de
lave qui s’avéra « très contaminé » et à haut risque, en raison d’une « forte contamination
par le césium 137 » ainsi que par la présence d’un transuranien, l’américium 241, qui
indique « la présence de plutonium 241 ». D’autres mesures radiométriques, réalisées à
1 kilomètre de l’axe du tunnel de sortie du tir Béryl pour contrôler le niveau de radiation
résiduelle (analyse de crottes de chameau, de cendres de brûlage) justifie les précautions
sur le terrain pour limiter l’exposition des populations.

58 AIEA, op. cit., p. 9.


59 Ibid., p. 238.
60 Ibid., p. 238.
61 Rapport confidentiel défense, op. cit., p. 238.
62 Criirad, Analyses radiologiques de matériaux prélevés sur l’ancien site d’essais nucléaires d’In Ekker
(Algérie), Note n° 09-113, 11 février 2010.

Sous le sable, la radioactivité ! 38/ 55


Image 8 : Carte de la zone correspondant à la dispersion du nuage radioactif à la suite du
tir Béryl, montrant l’activité résiduelle moyenne (Activité de 5-10 TBQ de Césium 137)
- Carte de l’AIEA

Concernant l’essai Améthyste, qui a donné lieu à un dégagement de matière, il faut noter
qu’une décontamination des sols fut réalisée. C’est sans doute la seule et véritable opéra-
tion de ce genre réalisée par la France dans le Sahara. Cette opération[63], qui s’est étalée
sur six mois, a été réalisée par le 620e Groupement des armes spéciales. Il a « ramassé les
matériels présents, les a nettoyés au karcher, l’eau étant évacuée dans le sable » et il aussi
récupéré de l’herbe contaminée. De plus « en terrain plat, les zones les plus radioactives ont
été recouvertes d’une épaisseur d’environ un mètre de sable. Les zones les plus contaminées
ont été raclées sur 5 à 10 cm, recouvertes de matériaux sains puis goudronnées[64] ». Se
pose la question du sort des « 5 à 10 cm » de terre qui ont probablement été enterrés…

Il est extrêmement compliqué d’établir un bilan sanitaire pour les populations locales. Car
à l’époque, il n’y a jamais eu de suivi de santé sur ces populations, ni d’études médicales
recensant les cas de cancers (potentiellement dus aux essais nucléaires). À cela vient
s’ajouter le faible nombre de dossiers de résidents algériens adressé au Comité

63 L’ensemble des témoignages sur cette opération ont été recueillis par Bruno Barrillot, Les essais
nucléaires français 1960-1966 : conséquences sur l’environnement et la santé, Lyon, Édition CDRPC,
p. 75.
64 Rapport confidentiel défense, op. cit., p. 238.

Sous le sable, la radioactivité ! 39/ 55


d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen). Cependant, comme l’ont exposé
différentes enquêtes journalistiques (notamment celle de Larbi Benchiha et Élisabeth
Leuvrey), le nuage radioactif créé par l’accident Béryl a atteint le village de Mertoutek (à
une soixantaine de kilomètres), où de nombreuses personnes (17) seraient décédées soudai-
nement à la suite de cet épisode. La population de ce village souffre encore de la présence
de la radioactivité.

Suite aux expériences complémentaires Pollen réalisées sur la zone du Cemo, « une zone de
3 hectares proche du point zéro fut recouverte de terre saine puis fixée au goudron. Les
déchets et débris d’installations récupérés sur la zone ont été enfouis dans des tranchées
comblées ensuite de terre saine[65] ».

La France aurait donc caché des zones extrêmement contaminées. Si les autorités algé-
riennes ont une connaissance partielle des informations (au moins depuis la visite en 1999
de l’AIEA, puis la publication de son rapport en 2005) concernant le risque radiologique de
certaines de ces zones, on constate que rien n’a été fait depuis pour protéger les popula-
tions et l’environnement[66].

65 Ibid. p. 236.
66 Cf. Patrice Bouveret, « 13 février 1960-13 février 2020 : des réparations qui tardent », Damoclès
n° 155, 1/2020, p. 3 à 7.

Sous le sable, la radioactivité ! 40/ 55


3. La situation environnementale et sanitaire
au regard du traité sur l’interdiction des
armes nucléaires

Le 7 juillet 2017, la conférence des Nations Unies de négociation d’un instrument juridi-
quement contraignant pour interdire les armes nucléaires adoptait, à une large majorité
(122 États pour ; 1 voix contre, les Pays-Bas ; une abstention, Singapour), le Traité sur
l’interdiction des armes nucléaires (TIAN)[67]. Le TIAN, qui s’appuie sur le droit internatio-
nal humanitaire (DIH) et les droits de l’homme, va créer, une fois en vigueur, une nouvelle
norme internationale. Il intègre et renforce les normes établies par le Traité sur la non-pro-
lifération des armes nucléaires (TNP), les traités régionaux portant sur la création de zones
exemptes d’armes nucléaires ainsi que le Traité d’interdiction complète des essais nu-
cléaires (TICE). Les normes de vérification sont égales ou supérieures[68] à celles inscrites
dans le TNP et encadrées par l’AIEA. Ce traité ouvre ainsi la porte au désarmement nu-
cléaire pour renforcer la non-prolifération nucléaire et la sécurité internationale.

Dans son préambule, le TIAN mentionne (alinéa 6) que les États parties sont « conscients
des souffrances et des dommages inacceptables subis par les victimes de l’emploi d’armes
nucléaires (hibakushas) et par les personnes touchées par les essais d’armes nucléaires ».
En plus de témoigner d’une volonté de rendre hommage à ces populations, cette mention
constitue une reconnaissance de leur souffrance. L’article 1er interdit la mise au point, la
production, la possession, l’emploi et la menace d’emploi d’armes nucléaires, ainsi que
l’assistance ou l’encouragement à des activités liées au nucléaire militaire.

En outre — et c’est pour cela qu’il est classé dans la catégorie des traités dit de désarme-
ment humanitaire —, il comporte des obligations positives, directement issues des conclu-
sions des trois conférences humanitaires sur les armes nucléaires (Oslo en 2013, Nayarit et
Vienne en 2014)[69] et des Conventions sur l’interdiction des mines antipersonnel et des
armes à sous-munitions, entrées respectivement en vigueur en 1999 et en 2010. Ces
obligations se trouvent dans les articles 6 et 7 qui stipulent que chaque État partie en

67 Jean-Marie Collin, « Transparence et désarmement nucléaire », Éclairage, Grip, 28 décembre 2019.


68 Le terme de « futurs instruments supplémentaires » est inscrit dans l’article 3, alinéa 1er, portant sur
les garanties. Cela indique ainsi la possibilité de créer à l’avenir une norme plus stricte que le proto-
cole additionnel, norme à ce jour la plus exigeante, actuellement en vigueur.
69 Jean-Marie Collin « L’impact humanitaire des armes nucléaires : un nouveau forum du désarme-
ment ? », Notes d’analyse du Grip, 25 avril 2013 ; « Conférence de Nayarit sur l’impact humanitaire
des armes nucléaires : un point de non-retour ! », Notes d’analyse du Grip, 5 mai 2014 ; « La troi-
sième conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires, un nouveau cycle d’actions », Notes
d’analyse du Grip, 3 février 2015.

Sous le sable, la radioactivité ! 41/ 55


mesure de le faire, doit fournir une assistance aux victimes de l’utilisation ou de la mise à
l’essai d’armes nucléaires et œuvrer à l’assainissement de l’environnement dans les zones
contaminées par des détonations d’armes nucléaires. Ils autorisent également les États
parties à solliciter et à recevoir une assistance d’autres États parties.

Il est ouvert à la signature depuis le 20 septembre 2017. Au 20 mai 2020, le TIAN compte
81 signataires et 37 États ont déposé leur instrument de ratification auprès de l’ONU. Ce
traité entrera en vigueur 90 jours après la cinquantième ratification, selon l’article 15.

Les générations futures

La prise de conscience internationale de la nécessité de protéger notre environnement


est à l’origine d’une nouvelle notion juridique, celle du droit des générations futures.
« Pour les juristes, intégrer les générations futures dans le droit, c’est réaliser une
révolution copernicienne », selon le professeur de droit international de l’environne-
ment Alexandre Kiss.

Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), pierre angulaire du


régime de non-prolifération nucléaire, se limite selon le premier alinéa de son préambule
« aux dévastations qu’une guerre nucléaire ferait subir à l’humanité entière » ; soit à un
impact immédiat sur la vie. Or, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN)
réalise une première juridique pour un traité portant sur une arme de destruction mas-
sive, en intégrant cette nouvelle notion qui souhaite protéger une population future. Cela
s’inscrit dans une logique à la fois intellectuelle et juridique, comme le souligne la juriste
Émilie Gaillard[70] : « Le droit des générations futures est un droit en irrépressible
ascension. Il est possible de l’identifier comme une force inscrite dans toute dynamique
de protection de l’environnement, ou encore de la condition humaine future[71]. »

À tous les stades de leur production ou leur utilisation, les armes nucléaires produisent
des effets à long terme :

– Lors de leur production et lors des essais, elles créent des déchets radioactifs qu’il
faut traiter et entreposer à très long terme ; les zones contaminées ne sont plus
propices aux activités humaines.

70 Émilie Gaillard, Générations futures et droit privé. Vers un droit des générations futures, LGDJ, 2011,
673 p.
71 Émilie Gaillard, « La question des générations futures », in Agathe Euzen, Laurence Eymard et Fran-
çoise Gaill (dir.) Le développement durable a découvert, Paris, CNRS Éditions, 2013, pp. 208-209.

Sous le sable, la radioactivité ! 42/ 55


– Lors de leur utilisation, de très nombreuses personnes survivantes sont confrontées
à des problèmes de santé dus aux radiations [72] et la contamination des zones
bombardées ou utilisées comme sites d’essais nucléaires reste et restera souvent
forte durant des milliers d’années.
– Enfin, les générations nées après la production, les essais et l’utilisation de ces
armes peuvent aussi se voir transmettre des maladies radio-induites[73] par un lien
transgénérationnel ou en vivant sur des zones non décontaminées.

Le TIAN est un texte juridique qui se situe dans la lignée d’une série de traités dits de
désarmement humanitaire [74], visant à contrôler et à interdire des catégories entières
d’armes. En raison de l’impact dans le temps des effets de ces armes et de la prise de
conscience de la nécessaire protection des générations futures, il était logique que le
TIAN introduise des considérations juridiques à ce sujet.

Le terme anglais « future generations », traduit en français par « générations fu-


tures », apparaît à différentes reprises dans le préambule et dans les articles du Traité
d’interdiction sur les armes nucléaires de façon indirecte :

– L’alinéa 4 contient la première référence directe au concept de « générations


futures » : « Gardant à l’esprit que les effets catastrophiques des armes nucléaires
[…] ont des répercussions profondes sur […] la santé des générations actuelles[75]
et futures. »
– Il faut noter également une prise en compte indirecte dans cet alinéa de la dimen-
sion du genre [76] : les effets des armes nucléaires sont plus importants sur les
femmes et les filles. On constate ainsi une volonté de préserver leur santé et leur
capacité à donner la vie à de nouvelles générations.
– L’alinéa 23 est une troisième référence, directe : « Constatant l’importance de
l’éducation en matière de paix et de désarmement sous tous leurs aspects et de la
sensibilisation aux risques et aux effets des armes nucléaires pour les générations
actuelles et futures, et déterminés à diffuser les normes et principes inscrits dans
le présent Traité […]. »

72 Comme le montrent les nombreux cas des hibakushas et des populations ayant participé aux essais
nucléaires.
73 Bruno Barrillot, « Nos enfants marchent sur du plutonium », Les notes de l’Observatoires, n° 4,
Observatoire des armements, février 2016.
74 La Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel (1999) et la Convention sur les armes à sous
munitions (2010).
75 Le mot « actuelle » fut rajouté sur demande de l’Égypte lors des discussions sur le préambule. Le
délégué souhaitait ainsi faire ressortir le fait que les problématiques sanitaires affectent d’ores et déjà
des populations.
76 Ce qui est une première dans un traité portant sur les armes de destruction massive.

Sous le sable, la radioactivité ! 43/ 55


La notion de « générations futures » est ainsi directement liée aux articles 6 et 7 qui
portent sur les obligations positives. Il y a bien eu une volonté de la part des rédacteurs
de garantir que les populations actuelles et à venir puissent vivre à nouveau dans un
environnement sain, sans souffrir des pollutions radioactives présentes sur les zones
d’essais nucléaires à travers le monde.

Les obligations positives : articles 6 et 7 [77]

L’article 6 (« Assistance aux victimes et remise en état de l’environnement ») du TIAN est


constitué de 3 paragraphes. Il demande que « chaque État Partie [fournisse] de manière
suffisante aux personnes relevant de sa juridiction qui sont touchées par l’utilisation ou la
mise à l’essai d’armes nucléaires, conformément au droit international humanitaire et au
droit international des droits de l’homme applicables, une assistance prenant en considéra-
tion l’âge et le sexe, sans discrimination, y compris des soins médicaux, une réadaptation et
un soutien psychologique, ainsi qu’une insertion sociale et économique. » La définition de
« victime » est donc très large, comprenant autant des problématiques de santé physique
(maladie radio-induite par exemple) et psychologique (pour les femmes devenues infertiles
ou ayant subi des fausses couches, par exemple) que des problématiques économiques
(l’eau pouvant être polluée et impropre à l’agriculture).

Le second paragraphe stipule que l’État partie « prend les mesures nécessaires et appro-
priées en vue de la remise en état de l’environnement des zones [sous sa juridiction contami-
née par suite d’activités liées à la mise à l’essai ou à l’utilisation d’armes nucléaires] ainsi
contaminées. » Il y a une reconnaissance indirecte de l’altération de l’environnement après
les essais ou l’utilisation d’armes nucléaires, puisque le législateur fait mention de mesures
« nécessaires ». De plus, notons l’absence de mention de délais, ce qui souligne le caractère
imprescriptible de ces obligations de « nettoyage », qui s’inscrivent dans le long terme.

L’article 7 (« Coopération et assistance internationales ») donne le droit aux États parties


de demander et de recevoir l’assistance d’autres États parties au traité, et tous les États
parties qui sont en mesure de le faire ont pour mandat d’aider les autres à remplir leurs
obligations positives. En effet, le paragraphe 3 mentionne que « chaque État partie qui est
en mesure de le faire fournit une assistance technique, matérielle et financière aux États
parties touchés par l’utilisation ou la mise à l’essai d’armes nucléaires afin de contribuer à
la mise en œuvre du présent Traité ». Cette assistance (tant financière que technique) peut
prendre la forme de mesures de réhabilitation de l’environnement ou d’aide aux personnes,
tel que stipulé au paragraphe 4 : « Chaque État partie qui est en mesure de le faire fournit
une assistance aux victimes de l’utilisation ou de la mise à l’essai d’armes nucléaires ou

77 Harvard Law School International Human Rights Clinic, Victim assistance and environmental
remediation, the Treaty on the Prohibition of Nuclear Weapons: Myths and Realities, avril 2019.

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d’autres dispositifs explosifs nucléaires. » Notons bien que ces deux paragraphes emploient
le terme de « en mesure de le faire » dans l’objectif d’encourager les États parties à mettre
en œuvre de telles mesures. Mais il s’agit aussi de donner une chance à ces processus de
débuter rapidement. En effet, si l’assistance ne devait venir que d’États dotés de l’arme
nucléaire (dans le cas qui nous intéresse, la France) et déjà parties au TIAN, l’attente
pourrait être très longue. Cela ne ferait alors qu’accroître les souffrances des populations
et les dangers auxquels elles font face.

L’assistance peut aussi être fournie par diverses organisations (dont l’ONU ou le CICR,
Comité international de la Croix-Rouge) qui sont listées dans le paragraphe 5. Ce modèle
d’action fonctionne déjà très bien dans de nombreux domaines (santé, protection des
civils…) et peut certainement être rapide à mettre en œuvre.

Néanmoins, les auteurs du TIAN tenaient à nommer les responsables de ces situations
humanitaires et environnementales. C’est pourquoi le paragraphe 7 stipule qu’« il incombe
à l’État partie qui a utilisé ou mis à l’essai des armes nucléaires ou tout autre dispositif
explosif nucléaire de fournir une assistance suffisante aux États parties touchés aux fins
d’assistance aux victimes et de remise en état de l’environnement ». Bien sûr, il a été préci-
sé que cet État partie (une puissance nucléaire, donc) n’est pas absous de « tout autre
devoir ou obligation que pourrait lui imposer le droit international ».

Le TIAN reconnaît le principe du pollueur-payeur[78]. C’est la première fois que les puis-
sances nucléaires sont « montrées du doigt » dans un traité sur les armes nucléaires et que,
d’autre part, la communauté internationale leur demande de réparer leurs actions.

Application des articles 6 et 7 en Algérie


L’Algérie a participé aux négociations du TIAN, contrairement à la France qui n’a cessé de
le dénoncer[79] dès son adoption. Ouvert à la signature le 20 septembre 2017, l’Algérie a
fait partie des premiers États qui ont décidé de signer ce texte et elle a débuté le processus
de ratification. Il n’y a pas de doute sur la volonté algérienne de ratifier ce texte au vu des
nombreuses annonces diplomatiques[80]. Une fois devenue État partie et une fois le traité en

78 Le principe « pollueur-payeur » a été consacré pour la première fois comme principe général du droit
international de l’environnement par la Déclaration de Rio de 1992 sur le développement et l’environ-
nement à travers le principe numéro seize.
79 Déclaration de presse des représentants permanents des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France
auprès des Nations Unies à la suite à l’adoption d’un Traité d’interdiction des armes nucléaires - New
York, le 7 juillet 2017.
80 Discours de M. Mohammed Bessedik, ambassadeur d’Algérie, Débat général première commission de
l’ONU, 74ème session de l’Assemblée générale, 11 octobre 2019.

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vigueur, l’Algérie devra donc mettre en œuvre ses obligations, notamment celles liées aux
articles 6 et 7.

En vertu de l’article 6, c’est bien à l’État partie touché (ici l’Algérie) qu’il incombe en
premier de fournir une assistance aux victimes, ou à tout le moins de débuter véritablement
un processus d’action auprès des victimes. Comme il est indiqué dans les Recommandations
(page 50), les mesures mises en œuvre peuvent être tant de nature sanitaire qu’écono-
mique. En effet, si des terres ou des palmeraies ont bien été contaminées et que cette
contamination empêche toute production agricole (car potentiellement dangereuse pour la
santé humaine comme animale), cela risque de mettre en danger les moyens de subsistance
de nombreuses familles.

Alger peut demander une assistance internationale, notamment auprès de la Fédération


internationale de la Société de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge et de la Société
nationale du Croissant Rouge. Ces organisations, déjà présentes sur ce territoire, pour-
raient ainsi rapidement protocoliser les témoignages et produire un premier bilan sanitaire.

Pour sa part, la France ne veut pas signer et ratifier le TIAN. Mais cela l’empêche-t-elle
d’apporter une assistance humanitaire et technique à l’Algérie ? Non. En effet, comme le
montrent certaines actions de coopération internationale entre des États à l’histoire trou-
blée, des gestes positifs pour les populations et l’environnement peuvent être posés.

De plus, les relations entre ces deux États sont nombreuses, notamment sur le plan de
l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. Ainsi, le Commissariat à l’énergie atomique
algérien (Comena) et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) mènent différents
programmes en commun, preuve d’une confiance et d’une connaissance mutuelles des
acteurs. Un dialogue pourrait s’initier sur le sujet des déchets nucléaires actuellement
présents au Sahara.

D’autant qu’un début de dialogue a déjà eu lieu, notamment suite à la visite du président
Nicolas Sarkozy en Algérie en décembre 2007, avec la mise en place d’un comité conjoint
franco-algérien. Celui-ci a été chargé de l’expertise civile sur les sites pollués et de rassem-
bler toutes les indications et les études, afin de diagnostiquer la radioactivité des sites
pollués et de déterminer les risques pour les habitants et l’environnement. Apparemment,
cette commission s’est bien réunie, notamment en 2009, selon des propos du ministre des
Affaires étrangères algérien tenus en 2010. Toutefois, elle a œuvré dans le plus grand
secret : aucun rapport n’a été rendu public avant qu’il soit mis fin à ses travaux.

La reprise du dialogue pourrait très bien s’inscrire dans le cadre du Comité intergouverne-
mental de haut niveau algéro-français (CIHN), créé à la suite de la Déclaration d’Alger de
2012. Selon les communiqués conjoints franco-algériens (de 2012, 2014 et de 2017), il a
été question, lors des sessions du CIHN, de travaux en lien avec les essais nucléaires. Il fut
ainsi décidé, le 11 décembre 2017, « de la mise en place d’un dialogue spécifique dans les

Sous le sable, la radioactivité ! 46/ 55


meilleurs délais[81] » pour poursuivre les initiatives du groupe de travail mixte sur l’indem-
nisation des victimes algériennes des essais nucléaires français au Sahara ou leurs ayants
droit. Lequel, à ce jour, n’aurait tenu qu’une seule réunion, le 3 février 2016.

Cas d’assistance aux victimes et de remise en état de


l’environnement entre États
Il existe plusieurs exemples de coopération interétatique de mise en œuvre de programmes
d’assistance, alors même que ces États ont eu une histoire très troublée ; tout comme il y a
au moins un exemple de participation d’un État (en l’occurrence les États-Unis) à un
programme de réhabilitation de l’environnement, alors même que sur le plan juridique
celui-ci n’est pas soumis à des obligations légales. Ces cas peuvent constituer un modèle à
suivre pour la relation entre la France et l’Algérie.

États-Unis/Viêt-Nam sont deux États qui se sont férocement affrontés. Les États-Unis
utilisèrent, entre 1962 et 1971, des agents chimiques (plus de 80 millions de litres) très
puissants, dans le but intentionnel de détruire les forêts pour repérer les lieux et pistes de
transports des soldats du Front national de libération du Sud Viêt-Nam. Près de deux
millions d’hectares ont ainsi été brûlés, provoquant une vaste catastrophe environnemen-
tale et des conséquences humanitaires (brûlures) importantes. Dans ces deux États, une
culture de haine de l’autre s’est largement installée, avant — avec le temps — l’ouverture
d’une ère nouvelle. Si Washington n’a jamais reconnu une responsabilité directe de ces
contaminations, malgré des demandes claires de la part de Hanoï, des actions de déconta-
mination ont été entreprises depuis 2011, comme, par exemple, le projet d’assainissement
de l’aéroport de Danang. En 2019, l’Agence américaine pour le développement internatio-
nal (USAID)[82] a débuté un programme d’une durée de dix ans, (avec un investissement de
183 millions de dollars) pour nettoyer l’aéroport de Bien Hoa, qui est considéré comme le
site le plus pollué du pays. De plus, une lettre d’intention a été signée pour que les agences
gouvernementales des deux États travaillent ensemble pour aider les ressortissants vietna-
miens vivants qui ont un handicap dû à l’exposition à cet agent chimique.

Union soviétique/Russie et Kazakhstan : 456 essais nucléaires atmosphériques (340) et


souterrains (116) ont été réalisés sur le site de Semipalatinsk au Kazakhstan. Dès l’indé-
pendance du pays en 1991, son président Nazarbyev décida de fermer ce site d’essais et
d’engager un programme d’aide aux populations vivant dans les zones contaminées. Même

81 Communiqué du gouvernement français, Quatrième Session du Comité intergouvernemental de haut


niveau franco-algérien (CIHN), 11 décembre 2017.
82 Communiqué de presse, The United States and Vietnam Strengthen Partnership to Address War Lega-
cies, USAID, 5 décembre 2019.

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si la Russie a longtemps été réticente à introduire un programme d’aide médicale directe à
l’intention des populations kazakhes, une assistance s’est mise en place avec le programme
international Cooperative Threat Reduction. Cet accord, conclu entre les États-Unis, le
Kazakhstan et la Russie, sécurise du matériel nucléaire pour éviter une prolifération de
matière radioactive susceptible de servir à la production d’armes nucléaires ou de bombes
sales. Le Kazakhstan a également décidé de créer un centre de recherche[83] chargé d’étu-
dier et de traiter l’héritage sanitaire et environnemental de la contamination, reconnais-
sant ainsi son obligation de protéger ses citoyens.

Les États-Unis et leur politique d’aide aux opérations de déminage : Alors que les États-Unis
n’ont pas ratifié les conventions sur l’interdiction des mines antipersonnel et des armes à
sous-munitions, ce pays est l’un des principaux donateurs (ayant débuté avec 113,5 mil-
lions de dollars en 2013 pour atteindre progressivement une contribution de 309 millions
de dollars en 2017) pour assurer des opérations de déminage à travers le monde.

Enfin, il faut relever une coopération secrète, initiée en 2012, entre la France et l’Algérie
au sujet des conséquences des essais d’armes chimiques françaises dans le Sahara. Cela
démontre qu’aborder le sujet des déchets enfouis dans le Sahara peut-être possible :

France/Algérie : Selon les accords d’Évian du 19 mars 1962, la France est autorisée à
utiliser jusqu’en 1967 les sites du Sahara (In Ekker, Reggane et Colomb-Béchar-Hamma-
guir) pour une durée de 5 ans. En réalité, la base secrète B2 Namous (dans la région de
Beni Ounif) servant à des expérimentations pour des armes chimiques et bactériologiques,
sera conservée par la France jusqu’en 1978 avec l’accord des autorités algériennes. L’exis-
tence de cette base sera rendue publique seulement en 1997[84]. Les 19 et 20 décembre
2012, le président Hollande rencontre le président Bouteflika pour ouvrir une nouvelle
page de coopération et d’amitié entre les deux États. Lors de cette visite, ils signent « un
accord confidentiel portant sur l’engagement de dépolluer un ancien site d’essais d’armes
chimiques[85] » ; c’est-à-dire le site de B2 Namous. Cet accord secret montre qu’une coopé-
ration est donc possible sur un sujet extrêmement sensible entre ces deux États. Toutefois,
le caractère « secret » de l’accord pose un problème pour assurer le suivi de cette dépollu-
tion, ainsi que l’information auprès des populations civiles résidant dans cette zone. À ce
jour, il est seulement possible d’affirmer que c’est le Centre d’études du Bouchet, un éta-
blissement de la Direction générale pour l’armement (DGA), spécialisé sur les risques
chimiques et bactériologiques qui à la charge de cette dépollution. Nous pouvons affirmer

83 Le Centre nucléaire national de la République du Kazakhstan, créé le 21 janvier 1993, a comme


principal domaine d’activité le soutien au régime de non-prolifération et la sécurité environnementale.
84 Vincent Jauvert, « Nom de code : B2-Namous. Quand la France testait des armes chimiques en
Algérie », Le Nouvel Observateur, n° 1720, 23 octobre 1997.
85 Jean-Dominique Merchet « Exclusif : la France va dépolluer un ancien site d’essais d’armes chimiques
en Algérie », Marianne, blog Secret Défense, 25 février 2013.

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que rien n’a été réalisé au cours des années 2013 et 2014. En effet, selon un document
interne (daté du 20 mars 2013) du Comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail
(CHSCT) de la DGA, il est indiqué que « le 23 janvier 2013, la CGT s’était exprimée contre
l’envoi de 10 personnels de la DGA en Algérie » à cause du risque terroriste. Un an plus
tard, le 4 décembre 2014, selon un document du Comité technique de réseau, il est indiqué
cette fois que le CHSCT a obtenu l’« abandon de l’envoi de civils (DGA-TT Bourges et
DGA-MNRBC site de Vert-le-Petit) en mission sur le site de B2-Namous en Algérie (Pb de
pollution chimique / pyrotechnique) suite aux essais nucléaires des années 60 ». Cette
mission a t-elle depuis été réalisée ? Rien ne permet de l’affirmer.

Sous le sable, la radioactivité ! 49/ 55


Recommandations
Ce rapport souligne que les zones du Sahara (Reggane et In Ekker) qui ont servi pour la
France de terrain d’expérimentation pour 17 explosions nucléaires ont laissé des traces,
dont la dangerosité pour les populations, comme pour la faune et la flore, est loin d’être
négligeable. Les déchets non radioactifs ou issus des essais nucléaires (sables vitrifiés,
roche et lave contaminées) ainsi que les outils et autres engins potentiellement radioactifs
laissés par les autorités politiques et militaires françaises de l’époque, qui les ont simple-
ment enfouis dans les sables, doivent faire l’objet d’un travail approfondi de repérage et de
récupération sur le terrain afin d’assurer la sécurité sanitaire des populations et de créer
un environnement plus sain.

Les obstacles à surmonter pour mettre fin à plus de soixante ans de secrets et de tabous
entre la France et l’Algérie sont nombreux. Mais il est certain que si les autorités algé-
riennes et françaises faisaient un pas vers la résolution de ce problème humanitaire, cela
serait une preuve de la mise en œuvre de la première phrase de la Déclaration d’Alger : « La
France et l’Algérie sont déterminées à ouvrir un nouveau chapitre de leurs relations, cin-
quante ans après l’indépendance de l’Algérie. »

Concernant la France, la loi du 15 juillet 2008[86] renforce très fortement le secret sur les
archives liées au nucléaire. Comme l’énonce son article 17 : « ne peuvent être consultées les
archives publiques dont la communication est susceptible d’entraîner la diffusion d’informa-
tions permettant de concevoir, fabriquer, utiliser ou localiser des armes nucléaires, biolo-
giques, chimiques ou toutes autres armes ayant des effets directs ou indirects de destruction
d’un niveau analogue ». Cependant, il importe que l’interprétation de cette loi aille dans le
sens de son but premier, qui est de lutter contre la prolifération nucléaire. En effet, l’accès
à certaines archives (les cartes permettant de localiser les déchets enfouis en particulier)
permettrait de renforcer la sécurité.

Les recommandations proposées ne sont pas exhaustives et d’autres pourraient être ajoutées :

Mesures de dialogue entre les deux états pour améliorer la situation humanitaire

–  Dans le cadre des sessions du CIHN, les deux gouvernements doivent mettre en place
le dialogue spécifique (annoncé en 2017) en s’appuyant sur les travaux du groupe de
travail mixte sur l’indemnisation des victimes algériennes des essais nucléaires
français au Sahara ou leurs ayants droit.

86 Loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives, article L. 213-2. II.

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–  Comme le recommande le Civen (rapport de 2018), il est nécessaire que l’État fran-
çais améliore, pour les populations algériennes, l’accès aux archives médicales
détenues par le Service des archives médicales hospitalières des armées.

–  En vue d’accélérer le processus d’indemnisation des populations algériennes impac-


tées par les essais nucléaires, il est recommandé que les informations sur le processus
d’indemnisation soient rendues disponibles en langue arabe et accessibles aux per-
sonnes concernées, sur le site internet du Civen ; de même des missions du Civen
— comme elle en a conduites à plusieurs reprises en Polynésie — devraient être
effectuées dans les zones concernées pour faciliter la constitution des dossiers de
demande d’indemnisation.

–  Il serait également indispensable de modifier le décret délimitant les zones affectées


au Sahara afin de les élargir, comme cela a été fait pour la Polynésie.

–  Il est important que les acteurs (civils et militaires français et les populations algé-
riennes) inscrivent leur témoignage dans une « mémoire collective » pour les généra-
tions futures. La création de cette « mémoire commune » pourrait être diligentée par
des associations des deux États avec l’aide d’universitaires de ces États.

–  Toutes les mesures et actions réalisées doivent l’être dans les langues officielles de la
France et de l’Algérie.

Mesures concernant les déchets nucléaires

–  La France doit remettre aux autorités algériennes la liste complète des emplacements
où ont été enfouis des déchets contaminés ainsi que, pour chacun d’eux, la localisa-
tion précise (latitude et longitude), un descriptif de ce matériel, de même que la
nature et l’épaisseur des matériaux de recouvrement utilisés ;

–  Les données relatives aux zones contaminées par des scories et laves traitées par
simple recouvrement (sable, revêtement d’asphalte, couche de goudron, etc.) doivent
être publiées ;

–  La France doit remettre à l’Algérie les plans des installations souterraines du CEA
sous la base militaire de Reggane plateau, ainsi que les plans des différentes galeries
creusées dans la montagne du Tan Afella.

Mesures de Protections sanitaires

–  Les autorités algériennes doivent mieux communiquer l’interdiction d’accès à ces


zones par le biais de mesures simples : renforcement des clôtures, installation de
nombreux panneaux d’information sur les sites en langues arabe et française, affichage
d’information dans les mairies et service de santé des villes et villages de ces zones.

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Mesures auprès des populations

–  Réalisation d’une étude indépendante[87] sur les enfants et les petits-enfants, afin de
voir s’il existe un risque transgénérationnel ;

–  Réalisation d’une enquête de détection auprès de la population sur du matériel


contaminé actuellement utilisé ;

–  Mise en place de mesures sanitaires à destination en premier lieu des habitants du


village de Mertoutek, puis des autres populations locales.

–  Information et sensibilisation des populations (dans les écoles, auprès des mouve-
ments associatifs) sur les risques radiologiques encourus.

Réhabilitation et protection de l’environnement

–  Malgré l’impossibilité de revenir à un état pleinement naturel, un premier processus


d’évaluation des possibilités de réhabilitation environnementale des sites d’essais
nucléaires doit être mené, et un suivi régulier des zones contaminées, avec la partici-
pation de scientifiques indépendants, doit être assuré.

–  Les zones les plus contaminées (principalement la coulée de lave située sur le flanc du
Tan Afella) doivent être nettoyées ou, à tout le moins, couvertes pour limiter l’épar-
pillement des particules radioactives par le vent et les pluies. Un suivi régulier (an-
nuel) devra également être mis en place.

Utilisation de nouvelles technologies :

–  Les autorités devraient avoir recours à de nouvelles technologies pour permettre


d’améliorer la sécurité des populations :

1 ) Utilisation de drones[88] équipés d’un radar de pénétration des sols et d’un rayon
de détecteur gamma pour détecter des déchets enfouis.

2 ) Utilisation d’images satellites pour assurer une surveillance et permettre une


comparaison dans le temps des zones d’essais.

87 Une étude similaire a été réalisée pour la Polynésie française par le docteur Christian Sueur, psychiatre
et praticien hospitalier : Conséquences transgénérationnelles des essais nucléaires réalisés au CEP de
Polynésie française durant la période 1966-1974, sur la descendance (F2) des ‘vétérans’ (F0), 2018.
88 Ikechukwu K. Ukaegbu, Kelum A. A. Gamage, and Michael D. Aspinall, Non intrusive Depth Estima-
tion of Buried Radioactive Wastes Using Ground Penetrating Radar and a Gamma Ray Detector,
Remote Sensing, 12 janvier 2019.

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Ressources

Bibliographie
Barrillot Bruno, Villierme Marie-Hélène, Hudelot Arnaud, Les Témoins de la bombe,
Éditions Univers Polynésiens, 2013, 111 p.
Barrillot Bruno, Essais nucléaires français. L’héritage empoisonné, Éditions Observatoire
des Armements/CDRPC, 2012, 320 p.
Barrillot Bruno, préface de Christiane Taubira, Victimes des essais nucléaires. Histoire d’un
combat, Observatoire des armements, 2010, 200 p.
Barrillot Bruno, Les Irradiés de la République. Les victimes des essais nucléaires français
prennent la parole, co-éditions Complexe, Grip, Observatoire des armements, 2003,
240 p.
Chanton Christine, Les vétérans des essais nucléaires français au Sahara, 1960-1966,
L’Harmattan, 2006, 200 p.
Davis Mary, Barrillot Bruno, Les déchets nucléaires militaires français, Éditions CDRPC,
1994, 384 p.
Drandov Albert, Alarcon Franckie, Au nom de la bombe : histoires secrètes des essais
atomiques français, Delcourt, 2009, 65 p.
Larceneux André, Leprince Juliette olivier (dir.), Le secret nucléaire, Éditions universitaire
de Dijon, collection Sociétés, 2014, 430 p.
Revue internationale de la Croix-Rouge, « Le coût humain des armes nucléaires », volume
97, 2015/3.
Damoclès, revue de l’Observatoire des armements, consacre de nombreux dossiers et
articles aux conséquences des essais nucléaires.

Filmographie
At(h)ome, documentaire réalisé par Élisabeth Leuvrey, 2013.
Aux enfants de la bombe, film de Christine Bonnet, Jean-Philippe Desbordes, 2012.
Mémoire de sable, film de Larbi Benchiha, 2011.
L’Algérie, De Gaulle et la bombe, film de Larbi Benchiha, coproduction France 3, 2010.
Gerboise bleue, documentaire de Djamel Ouahab, Bladi Films, 2009.
Vent de sable, le Sahara des essais nucléaires, film de Larbi Benchiha, coproduction TV
Rennes 35, France 3 Corse, 2008.

Sites internet
Association des anciens travailleurs et des victimes de Moruroa et Fangataufa, voir face-
book @moruroaetatou.com

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Association 193, voir facebook @association193
Association des vétérans des essais nucléaires, aven.org
CRIIRAD, Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité,
criirad.org
ICAN France, icanfrance.org
ICAN, International Campaign to Abolish Nuclear Weapons, icanw.org
UNODA, United Nations Office for Disarmament Affairs, un.org/disarmament/
Observatoire des armements, obsarm.org

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Les auteurs
Jean-Marie Collin, expert en désarmement nucléaire, co-porte-parole de ICAN France
(International Campaign to Abolish Nuclear Weapons France).

Patrice Bouveret, directeur de l’Observatoire des armements, co-porte-parole de ICAN


France.

Images
Pour protéger l'identité des photographes, aucun nom n'est mentionné dans ce document.

Image 1: Rapport sur les essais nucléaires français 1960-1996, tome 1 : La genèse de
l’organisation et les expérimentations au Sahara CSEM et Cemo, p. 54.

Image 3: DICOD, Dossier de présentation des essais nucléaires et leur suivi au Sahara,
p. 23, Janvier 2007.

Image 5: Archive de l’Observatoire des Armements, Lyon.

Image 8: Agence internationale de l'énergie atomique, Radiological conditions at the


former French nuclear test sites in Algeria : preliminary assessment and recommendations,
p. 15, Vienne, 2005.

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Editeur:  Heinrich-Böll-Stiftung e.V., Schumannstraße 8, 10117 Berlin
Contact:  Giorgio Franceschini, division politique étrangère et sécuritaire  E franceschini@
boell.de

Lieu de publication:  www.boell.de


Date de sortie:  juillet 2020
Licence:  Creative Commons (CC BY-NC-ND 4.0)
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0

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