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Commerçantes et commerçants

sénégalais à Casablanca :
du pèlerinage au business *

Les relations historiques, tant culturelles, religieuses que commerciales Laurence


entre le Maroc et le Sénégal sont connues. Il s’agit ici pour nous de présenter Marfaing
leur toile de fond sur la longue durée et de voir comment elles ont débouché Historienne, Centre de
sur des échanges commerciaux aujourd’hui en plein essor, dont la Recherches sur l’Orient
dynamique relève toutefois de structures informelles et de réseaux dont Moderne (ZMO), Berlin,
Allemagne.
la logique est ancrée dans les systèmes endogènes présents tant au Sénégal
qu’au Maroc.
Dans un premier temps, nous évoquerons le fondement des relations
religieuses, lesquelles son liées à la confrérie tidjane, entre le Sénégal et Fès,
ville sainte du Maroc et lieu de pèlerinage, entre autres, pour les Sénégalais.
Nous verrons, ensuite, comment les relations commerciales qui, à * Cet article est une
l’origine, découlaient de ce pèlerinage, sont devenues aujourd’hui telles que, version réactualisée d’une
version allemande parue
même si le commerce a relégué le pèlerinage à l’arrière-plan et si les lieux dans : Steffen Wippel
se sont déplacés de Fès à Casablanca, la religion en reste toujours un élément (éd.), Wirtschaft im
important. Vorderen Orient,
Interdisziplinäre
Pour ce, le groupe-cible des commerçants et commerçantes actifs et actives Perspektiven, Klaus
à Casablanca offre un champ d’investigation intéressant permettant la collecte Schwarz Verlag, Berlin,
de données empiriques fort utiles. 2004.

En ce qui concerne la méthode, nous avons opté pour la présentation


de ces relations depuis la fin du 19e siècle pour essayer de percevoir comment
elles ont évolué. Nous avons privilégié cette démarche plutôt que celle d’une
histoire à rebours qui risquerait de mener à la non-considération de
trajectoires parallèles, également parce qu’elle permet de replacer ces relations
dans le temps historique et de voir leurs modes de déploiement. Elle met
en évidence comment certaines décisions d’acteurs produisent des impasses
ou, au contraire, permettent des ouvertures intéressantes.
Il reste que si ces relations sont anciennes et ont beaucoup évolué, il
faut se demander quels concepts sont susceptibles de les mettre en valeur
et, au-delà, cerner ce qu’elles présentent de nouveau par rapport au passé
et quel est leur impact actuel.
C’est ici que les phénomènes de trans-localité et de création d’espaces
sociaux offrent une approche prometteuse. A partir de celle-ci, il est possible
de tenter une représentation de la trans-localité dans la longue durée – la

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Laurence Marfaing

trans-localité jouant ici le rôle du signifié alors que les acteurs en seraient
le signifiant – et, ainsi, de reconnaître les espaces sociaux qui se sont ainsi
constitués.

Fès et la confrérie tidjane comme toile de fond


Fès, fondée au 8e siècle par Idriss I et première capitale du Maroc au
9 siècle sous Idriss II après les émeutes de Cordoue (Lugan, 2000 : 61 ;
e

171), est la ville des zaouïas et des courants religieux. Ses centres religieux,
(1) Le courant soufi est
un courant mystique
qui sont les mausolées et autres lieux d’initiation religieuse et d’expérience
caractérisé par la mystique, se sont transformés depuis le 18e siècle en centres d’études et de
dimension intérieure de réunions communautaires. La confrérie soufie (1) tidjane a été fondée par
l’islam et l’effacement du
paraître dans l’adoration Cheikh Ahmed Tidjani, algérien d’origine, à Fès où son fondateur chassé
de Dieu selon une par les Turcs se réfugia en 1798 et y fit élever la zaouïa où il faisait chaque
définition parmi tant jour ses prières et enseignait le Coran à ses disciples. Il y mourut en 1815
d’autres parue dans le
Matin du Sahara et du et y fut enterré (2). Une clause particulière de son testament provoqua des
Maghreb du 25/12/2002. rivalités suivies de la fragmentation de l’ordre en trois branches. C’est à la
(2) Sur Cheikh Amed branche marocaine dont le siège est à Fès que se rattache le tijânisme africain
Tdjani in Fès, cf. (Quesnot, 1962 : 133). La Tijâniyya, issue de la Qadria, et le wird tidjane
Amadou Makhtar Samb
(1994) : 55. Sur la
seront diffusés dans l’espace saharien par Mohammed al-Hafiz originaire
Tijâniyya se reporter à du Trarza qui avait rencontré le Cheikh à la Mecque en 1780. Ils trouvèrent
l’ouvrage de Triaud et un écho favorable auprès des commerçants transsahariens de Chingetti,
Robinson (2000).
Tischit et Tombouctou (3). La position de Fès sur le chemin de la caravane
(3) Schmitz (2000 : 123) du sel par Sijilmassa (Lugan, 2000 : 173) qui rejoignait l’axe transversal
donne comme raison au
succès de la propagation vers la Mecque à partir de Chingetti, elle-même point de ralliement des
de la doctrine de Si caravanes venant du sud, jouera un rôle important dans la diffusion de la
Ahmed Tidjani, d’une Tijâniyya. Fès, premier pôle d’arabisation et d’islamisation au nord de
part, le fait que la
Tijâniyya, contrairement l’Afrique depuis la conquête almoravide au 9e siècle, ne perdit jamais de
aux autres confréries, ne son aura et devint le pôle de formation des populations soudanaises (4).
condamne pas le luxe Tout au long du 19e siècle, certains éléments vont favoriser la propagation
mais y voit au contraire
une bénédiction de Dieu des préceptes de la Tijâniyyia. L’un d’entre eux est l’essor de la traite de la
et, d’autre part, la gomme dans la vallée du fleuve Sénégal où, à partir de la ville de Saint-
Tijâniyya ne permet pas
Louis, l’administration coloniale française avait permis l’installation de points
l’affiliation à une autre
confrérie, ce qui en de traite, exacerbant par là la concurrence entre les tribus maraboutiques,
augmente la solidarité et propriétaires des forêts de gommiers et des territoires pastoraux, et les tribus
les relations entre les
membres.
guerrières, qui contrôlaient les axes linéaires de la transhumance, et renversant
les rapports de force. Un autre est le rôle joué par El Hadj Oumar qui,
(4) Pour le rôle de Fès cf.
entre autres Penda Mbow, contrecarré dans ses objectifs par l’implantation coloniale française, en fut
1996 : 110. un grand résistant (5). Il avait rencontré le successeur de Cheikh Tidjane
(5) Au sujet des lors de son pèlerinage à la Mecque ; pèlerinage après lequel il était passé
polémiques quant au rôle par Fès. Il fut investi de la propagation de la tariqa comme calife en Afrique
d’El hadj Oumar, homme
noire (Samb, 1994 : 59) et, lors de la guerre sainte qu’il mena contre
de foi et/ou résistant, cf.
Iba der Thiam 2003. l’implantation coloniale, il rassembla de nombreux adeptes. A sa mort en
1862, le Fouta était complètement islamisé.

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Commerçantes et commerçants sénégalais à Casablanca : du pèlerinage au business

Au Sénégal, la tariqa s’est répandue surtout après El Hadj Oumar dont


les relais ont été El Hadji Malick Sy à Tivaouane et Al hadji Abdoulaye
Niass dans le Sud sénégalais à Kaoloack (6). Les adeptes de la Tijâniyya (6) Pour les différentes
furent, à l’origine, surtout des aristocrates et des intellectuels et, de part familles de marabouts
tijanes cf. entre autres
les relations transsahariennes, des commerçants. Quesnot (1962) :
Les Tidjanes se tournent vers le tombeau du fondateur, c’est-à-dire vers 136 ff. ; Samb 1994 : 62 ;
Fès, ou Fass comme disent les Sénégalais (ou les Turcs), où les populations Rüdiger Seesemann,
(2004).
du Sénégal et de la Mauritanie visitent la zaouïa. Souvent, les Tidjanes, avant
(7) En 1953, sur les
de poursuivre le pèlerinage vers La Mecque (7) ou s’ils qui n’ont pas les 553 pèlerins sénégalais de
moyens d’aller en Arabie, font le « petit pèlerinage » à Fès. Les Tidjanes retour de la Mecque,
sénégalais s’y rendent également en grand nombre lors de la fête du Mawlid, 313 avaient fait le voyage
par Fès (Kane, 1996 :
commémorant la naissance du prophète, ainsi que lors de la commémoration
22).
du 7e jour (dossier du Quotidien 2003).
Fès est également le lieu d’un séjour obligé pour tout Sénégalais de passage
au Maroc.
Cette sensation d’appartenance commune des peuples marocain et
sénégalais, entretenue par l’adhésion non seulement à l’islam mais à la
Tijâniyya, est encore vivace. Evénements socio-religieux, commémorations
sont autant d’occasions de fêter et d’entretenir cette fraternité. C’est le cas
par exemple, des “journées culturelles islamiques” consacrées à Cheikh
Ahmed Tidjani et organisées tous les ans à Dakar ou des festivités autour
du pèlerinage à Fès (le Matin, 25/12/2000 ; 30/12/2002). Tous les ans,
pendant le mois de Ramadan, des ouléma sénégalais sont invités à séjourner
à Fès et, malgré les contrôles accrus dus aux problèmes de migration des
Subsahariens au Maroc, la compagnie aérienne marocaine, Royal Air Maroc,
continue d’affréter des vols spéciaux pour le pèlerinage à Fès (O. Kane 1996 :
23-24). (8) Pierre Loti faisait
parti de la délégation
Pèlerinage et relations commerciales française qui a
accompagné le ministre
A Fès arrivaient les marchandises venues du Sud : le sel, le sucre et surtout de France à Tanger, Jules
Patenôtre, à Fès pour
les esclaves. Ces derniers étaient acheminés à Mogador (actuelle Essaouira)
présenter ses lettres de
d’où ils étaient répartis sur les marchés de Fès et de Marrakech. Le Maroc, créances auprès du Sultan
qui a su résister à la conquête coloniale, reste à la fin du 19e siècle le dernier Moulay-Hassan, du
« entrepôt » au nord de l’Afrique pour le commerce des esclaves (Wright, 4 avril au 4 mai 1889.

2002 : 53). (9) « Il y a ici un grand


nombre de marchands de
Pierre Loti (8) arrivant à Fès en avril 1889 confirmait que Fès n’est pas toutes sortes ; une
« seulement la capitale religieuse du Couchant, la ville de l’islam la plus certaine fièvre de l’or,
sainte après la Mecque, où viennent étudier les prêtres de tous les points bien que très différente
de la nôtre, sévit dans ces
d’Afrique ; c’est aussi le centre du commerce de l’ouest qui communique murs ; des gens enrichis
par les ports du nord avec l’Europe et par le Tafilalet et le désert avec le trop vite – au retour, par
Soudan noir jusqu’à Tombouctou et la Sénégambie » (Loti, 1991 : 214). exemple, de quelque
caravane heureuse du
Sa description du bazar et du marché aux esclaves ainsi que sa perception Soudan – se hâtent de
des riches commerçants fassis (9) donnent une idée de la splendeur de Fès jouir de la vie […] »
et de l’activité qui y régnait alors. Loti, 1991 : 251.

Critique économique n° 16 • Eté-automne 2005 139


Laurence Marfaing

Toutefois, le commerce caravanier a été rendu difficile depuis le début


du 20e siècle tant par les politiques coloniales qu’à cause des résistances
que celles-ci ont fait naître et ce jusqu’à la « pacification » de l’espace
maroco-saharien en 1935. A partir de ce moment, les commerçants sénégalais
et soudanais rétabliront avec le Sud marocain le courant d’affaires « qui
(10) Rapport trimestriel n’a jamais cessé de les intéresser vivement » (10) et qui avait subsisté grâce
du territoire autonome au marché noir et à la contrebande. Cependant, les Sénégalais avaient peur
des confins du Dra, 1er
trimestre 1935 cité par du voyage par la route. Les vieux commerçants, encore actifs dans les années
Aouad, 1995 : 242. 50, en ont conservé un souvenir de crainte. Ils estiment que même dans
le temps, il fallait être courageux pour « emprunter la route de terre » parce
qu’on risquait de se faire enlever. Après, dans les années 70, l’insécurité
qui continuait à régner dans l’espace nord du fleuve Sénégal et les guerres
d’indépendance des colonies espagnoles suivies du conflit lié au Sahara
inhibèrent le commerce des Sénégalais dans cet espace, où déjà la politique
coloniale avait imprimé une certaine rupture (Marfaing, 2004 : 259).
Du commerce pendant le pèlerinage à l’époque coloniale
Les besoins de l’économie coloniale ont pour conséquences que les
Français cherchent à s’octroyer une zone économique dans laquelle ils
dominent les échanges commerciaux. Ils décident donc des marchandises
et des produits qui seront échangés et mettent en place les infrastructures
qui leur permettent de contrôler le commerce. Le commerce africain, le
commerce à longue distance seront détournés, et les commerçants
africains se retrancheront dans des structures en marge des besoins de la
colonisation (Marfaing, 2004 : 256). Pour des raisons tant économiques
(11) En ce qui concerne que de domination et de paix sociale (11), l’administration coloniale voit
la politique musulmane d’un mauvais œil l’activité des Subsahariens dans le Nord et s’évertuera d’en
de la France coloniale
entre soutien des éloigner les populations en réorganisant la route du pèlerinage vers La
confréries soufies et Mecque et en détournant ou bloquant les routes caravanières. La
crainte de la propagation résistance maure à l’implantation coloniale exploite la non-entente entre
de l’islam tout comme
l’introduction de la les différents blocs coloniaux. Elle est ponctuée par des razzias soutenues
notion d’ « islam noir », ou organisées par des groupes musulmans sur les nomades et les caravanes
cf. entre autres : Triaud de pèlerins assimilés, malgré leur religion musulmane, aux mécréants en
et Robinson, op. cit. et
également Loimeier
ce sens qu’ils se faisaient accompagner par l’armée française ou parce que
(2000). les Sénégalais qui souvent les composaient servaient la colonisation française.
Ils légitiment leurs exactions par la théorie de résistance aux mécréants en
(12) Bulletin de terre d’islam (DAN E/2 dossier 129 (12)). L’insécurité était telle que les
renseignements, 16 juin commerçants africains qui fréquentent les postes français, les désertent
au 15 juillet 1929 (?),
Gouvernement général de (Aouad, 1995 : 223). Dès les années 1880, les méharistes, les militaires
l’AOF, colonie de la français, escortent les caravanes de pèlerins jusqu’à Mogador, d’où ces derniers
Mauritanie, affaires continuaient en bateau pour rejoindre Le Caire puis La Mecque (Schmitz,
politiques, annexe n° 3.
2000 : 127). Ils accompagneront d’ailleurs les caravanes de commerce à
partir de Atar vers le nord jusqu’à la « pacification » du nord de la
Mauritanie et des confins algéro-marocains, c’est-à-dire jusque dans les années

140 Critique économique n° 16 • Eté-automne 2005


Commerçantes et commerçants sénégalais à Casablanca : du pèlerinage au business

30 où on note une recrudescence des échanges caravaniers dans cet espace


et où l’on constate que dans ces « zones sous influence tidiane réformée
[...] ces courants religieux sont apportés par les caravanes là où aboutissent
les pistes venant de Nioro, de Kayes, de Chinguetti et d’Ouadan [...] Il est
intéressant d’étudier les possibilités économiques de la croisée des routes
(13) ANS 9 G 69 [107] :
en question » (13). liaisons mauritaniennes.
C’est l’ouverture du port de Casablanca, à partir des années 20, qui Direction des affaires
permettra à la colonisation française de mener à bien sa politique économique politiques et
administratives.
dans laquelle cette liaison maritime sert également la mise en valeur du Lieutenant-gouverneur de
commerce maritime tout en portant un coup au commerce par terre (14). Mauritanie à Gouverneur
A cette époque, les échanges entre le Maroc et le Sénégal sont peu développés général de l’AOF le 4 juin
1931. Tournée
mais ne demandent qu’à être intensifiés : du nord vers le sud, des babouches d’inspection sur les
et des fruits et légumes (15), et du Sénégal vers le Maroc, de la gomme. confins de la colonie,
D’autre part, l’administration coloniale pourra aussi canaliser le pèlerinage 1er trimestre 1931 (DAN
E/2 136).
directement à partir de Saint-Louis, puis plus tard à partir de Dakar, par
(14) Bulletin de
la mer. La même logique dictera le comportement de la France qui veut
renseignements
garder un droit de regard sur les activités du pèlerinage quand elle préconisera économiques, Agadir.
d’organiser une communication par bus entre Casablanca et Fès lorsqu’en Rapport de tournée
1956 une liaison aérienne Dakar-Casablanca sera établie. Les derniers trajets effectuée du 29 janvier au
28 février 1937 :
en bateau fonctionneront jusqu’au début des années 70. Aujourd’hui, il Tidjikdja, le 17 mars
n’y a plus de liaison maritime passagers régulière entre Casablanca et Dakar. 1937.
Cependant, les Sénégalais ne se sont jamais vraiment laissés influencer (15) « Le protectorat
par la politique coloniale qui les incitait à interrompre leurs relations avec importe annuellement en
AOF des babouches
le Maroc. Ils passeront outre, et les relations seront mêmes renforcées entre d’origine indigène pour
Fès et la communauté tidiane du Sénégal grâce aux voyages d’affaires et une valeur d’environ
aux pèlerinages, surtout après la fin de la Seconde Guerre mondiale et dans 5 millions de francs [...]
débouché essentiellement
les années 50 et ce malgré l’agitation nationaliste au Maroc, en Tunisie et pour l’artisanat de Fez. »
en Algérie“ (Kane, 1996 : 20). Rapport de mission au
Maroc de M. Mondon,
Déplacement de Fès vers Casablanca Directeur général des
services économiques de
Le déclin de Fès était ainsi, à partir des années 20, inscrit dans l’histoire l’AOF en vue des
qui a fait dire que la caravelle avait supplanté la caravane. Au début du relations communes entre
le Maroc et l’AOF et dans
20e siècle, le système économique est en pleine mutation, et Fès est l’Union sud-africaine
condamnée par l’ouverture de l’Europe à s’adapter ou à péricliter (Rivet, 1935 – Rapport mission
1999 : 107). Dans cette logique, les villes portuaires, Tanger d’abord puis au Maroc du 25 mars au
6 avril 1935 –
Casablanca, prennent dès lors leur essor au détriment des anciennes escales exemplaire destiné à
sahariennes. Cependant, même si le trafic maritime à Casablanca est intense Monsieur le gouverneur
depuis le début du siècle, c’est indubitablement à partir de la construction général : objet :
intensification des
du port que son activité va être décuplée. Jusque là, le « port » de Casablanca relations commerciales
ressemblait à ceux des cartes postales coloniales où l’on voit les gros navires entre protectorat et AOF
restant au large tandis que les barcasses amènent les marchandises et les et amorce d’un nouveau
courant d’échanges en
passagers sur la côte ou le wharf. La construction du port débuta en 1907 vue d’une entente
avec l’édification de plusieurs infrastructures, dont la voie ferrée, et économique entre les
s’amplifiera réellement sous le gouvernement de Lyautey à partir de 1914 deux pays.

Critique économique n° 16 • Eté-automne 2005 141


Laurence Marfaing

qui dotera Casablanca d’infrastructures portuaires des plus modernes qui


en feront un centre économique, certes, mais également un vecteur de la
pénétration du système colonial et de la ‘’modernité’’. C’est dans les années
20 que le boom démographique touchera les villes atlantiques, dont
Casablanca. Tous ceux qui se considèrent « hommes d’affaires » afflueront
vers Casablanca : ceux d’Essaouira, de Marrakech ou de Fès, ce qui achève
la dissémination des Fassis (Rivet 1999 : 245) ; la veille de la Seconde Guerre
mondiale assoira l’hégémonie de Casablanca.
De l’opportunité du pèlerinage pour gérer ses affaires
Casablanca devient donc une place économique sur la route de Fès. Même
si le pèlerinage offre encore une opportunité pour les affaires et même si
Fès reste jusqu’en 1981 pour beaucoup de commerçants sénégalais le sésame
qui leur permet de sortir du Sénégal, ce sont les affaires qui vont devenir
plus importantes (entretien n° 7 à Dakar du 13/8/2002 et interview n° 9
du 1/8/2002).
A l’indépendance, le Sénégal va reproduire les schémas de l’économie
coloniale et se soumettre au monopole de fait de l’économie française : les
Sénégalais seront confrontés à toutes sortes de tracasseries administratives,
particulièrement ceux qui luttaient contre les monopoles commerciaux des
Français et critiquaient de la sorte ouvertement la politique économique
du président Senghor. Les facilités d’accès aux opportunités d’affaires seront
vite proportionnelles au degré d’adhésion au gouvernement en place, si bien
que beaucoup de commerçants seront obligés de se reconvertir dans d’autres
créneaux voire d’abandonner le commerce (Marfaing & Sow 1999 : 100-
118). Pour quitter le Sénégal, les Sénégalais, tout comme à l’ère coloniale
où les ressortissants des colonies voulant se déplacer devaient avoir une
permission de l’administration coloniale, doivent être en possession d’une
permission de sortie du territoire. Dans ce contexte, il était préférable de
demander une autorisation de sortie pour effectuer le pèlerinage et non
pour aller faire des affaires (interview n° 3 les 6/11/1996, 23/7 et 2/8/2002
(16) Ce commerçant actif à Dakar (16)). C’est en 1981, sous le président Abdou Diouf, que cette
de la fin de la Seconde loi a été abrogée.
Guerre jusque dans les
années 50 et 60 est Malgré la concurrence des Marocains installés à Dakar, à laquelle sont
décédé en 1975. Ses fils confrontés les commerçants sénégalais actifs dans leurs propres créneaux,
aujourd’hui eux-mêmes ce genre de commerce reste rentable. Régulièrement, les commerçants
opérateurs économiques
et impliqués dans les effectuent le trajet et cumulent commerce et pèlerinage : « J’atterrissais à
syndicats d’hommes Casablanca et continuais par la route ou le train vers Fès. Je faisais mes
d’affaires au Sénégal achats en cours de route. » Les commerçants continueront à expédier leurs
m’ont beaucoup parlé de
leur père. marchandises par fret maritime jusqu’à Dakar, même lorsqu’il y eut une
liaison aérienne à la fin des années 50. En général, ce voyage se fait au rythme
d’une quinzaine de jours tous les 2 mois (interview n° 6 à Dakar du
26/7/2002). Les femmes, elles, pouvaient se permettre d’effectuer un
pèlerinage tous les deux ou trois mois (interview n° 11 à Dakar le 6/8/2002).

142 Critique économique n° 16 • Eté-automne 2005


Commerçantes et commerçants sénégalais à Casablanca : du pèlerinage au business

Ces commerçants descendaient dans les hôtels de la place, mais avec le temps
ils finissaient par être logés chez leurs fournisseurs et à être considérés comme
des membres de la famille. Les femmes étaient souvent logées chez leur
marabout. A partir de 1956, les Sénégalais de passage à Fès logeaient dans
“la Maison du Sénégal”, un cadeau – pris à Abdelhay El Kettani – du roi
Mohamed V aux Tidjanes.
Casablanca est également une escale importante sur la route de La
Mecque. Le vol Dakar-Djedda prévoit une escale de 24 heures à
Casablanca (dans les années 1950-1960, 72 heures), temps utilisé pour faire
les achats des marchandises commandées à partir de Dakar et dont la revente
à La Mecque financera le pèlerinage et l’achat d’autres marchandises qui
seront à leur tour importées au Sénégal. La logique dans ce genre de
commerce reste celle du commerce à longue distance, où le nombre de
rotations du capital investi augmente le capital initial ; c’est une espèce de
commerce de relais.
Si les relations diplomatiques officielles sont plus actives entre le Sénégal
et le Maroc que les échanges commerciaux, dont les montants ne sont pas
vraiment importants (cf. Wippel), il n’empêche que les échanges informels
entre Casablanca et Dakar sont particulièrement dynamiques surtout dans
le domaine de l’exportation de marchandises vers le Sénégal. Babouches,
habits pour femmes, djellabas et autres gabardines sont particulièrement
prisés et représentent les atours indispensables du musulman sénégalais à
l’occasion de la prière du vendredi (P.D. Fall, 2004 : 285) mais aussi à
l’occasion des fêtes musulmanes comme la Korité ou la Tabaski. Les plus
jeunes font le commerce de chaussures et de vêtements, jeans, bodies, tops,
etc., en général importés d’Italie, d’Espagne ou des îles Canaries, mais aussi
des vêtements de sport, des jeans fabriqués au Maroc et également de
matériels électroniques et de téléphones portables. Ce commerce est organisé
sous forme de va-et-vient entre Dakar et Casablanca à un rythme mensuel
ou bi-mensuel, à raison d’un séjour de une ou deux semaines en moyenne
dans cette dernière ville.

Commerçants et commerçantes sénégalaises à Casablanca


aujourd’hui
Profil des commerçants et commerçantes hier et aujourd’hui
Alors que traditionnellement les Tidjanes étaient majoritaires au Maroc,
tout indique actuellement que les Mourides les ont supplantés dans leur
fief tout comme au Sénégal (Marfaing & Sow, 1999 : 120), même si certains
ont tendance à atténuer cette perception : « les Tidjanes ne sont pas moins
succesfull que les Mourides, ils sont plus discrets, c’est tout ! » (Interview
n° 22 à Dakar du 12/8/2003.) C’est à partir de la fin des années 80, dans
la foulée des émigrations mourides au niveau international, que les spécificités
d’appartenance ont commencé à s’estomper, même à Casablanca. Les

Critique économique n° 16 • Eté-automne 2005 143


Laurence Marfaing

disciples de ces deux confréries étant à l’origine qadir, cela ne semble pas
être un problème pour que tous cumulent commerce et pèlerinage entre
Dakar, Fès et Casablanca. Une commerçante mouride qui va régulièrement
à Fès l’exprimait ainsi : « Cheikh Tidjane est bien, et c’est écrit que l’on
doit honorer les hommes pieux. » (Interview n° 23 à Casablanca, le
22/4/2003.)
Alors que par le passé ceux qui effectuaient le commerce étaient en grande
majorité des hommes, même si les femmes n’en étaient pas complètement
exclues, aujourd’hui à Casablanca, les femmes sont en majorité.
Les femmes étaient apparues dans le sillage du pèlerinage et du commerce
déjà depuis les années 50. En général, elles étaient d’un certain âge, bien
souvent des premières épouses libérées de leurs obligations maternelles, mais
aussi des hadja qui pour pouvoir faire le pèlerinage devaient être ménopausées
et ne pouvaient, socialement parlant et selon les traditions sénégalaises,
espérer prétendre élargir une activité commerçante d’une envergure
internationale qu’à partir de ce moment. En ce sens, « la voie du Maroc
sera la voie libératrice des femmes » (Fatou Sarr, 1998 : 55-56). C’est avec
l’apparition des charters dans les années 70 qu’elles vont participer aux
convois organisés. Les commerçantes que l’on rencontre à Casablanca ont
souvent eu un parent déjà actif dans le commerce avec le Maroc :
l’opportunité du pèlerinage permettait de prendre avec soi « un carton de
mangues ou d’ananas et une somme de 300 000 FCFA pour acheter la
marchandise » (interview n° 23 du 22 avril 2003 à Casablanca) qu’on
ramenait à Dakar. Depuis 1995 environ, l’organisation est nettement plus
élaborée et présente une structure professionnelle. La dévaluation du franc
CFA et la fermeture de l’Europe aux migrants potentiels (re)font du Maroc
une destination attractive. Pour les femmes sénégalaises qui veulent s’adonner
au commerce, le fait que le Maroc soit un pays musulman où la culture et
le mode de vie sont similaires aux leurs et qui, de plus, entretient des relations
traditionnellement bonnes avec le Sénégal, est un atout de taille pour que
les familles, les maris notamment, les laissent partir dans un climat de
confiance. Le va-et-vient vers le Maroc est pour les femmes sénégalaises
socialement valorisant ; ces voyages réguliers au Maroc, où elles vont tous
les deux ou trois mois, leur confèrent un statut social dans leur quartier
(17) Des sabots à 90 Dh sans doute plus en vue que pour celles qui font les voyages réguliers en
se revendent à Dakar à
20 000 FCFA ; des
Mauritanie ou dans un pays africain de la sous-région. Casablanca joue ici
chaussures à 500 Dh le rôle d’une destination finale qui permet une élévation sociale à partir
rapportent 50 000 FCFA d’un petit commerce qui est socialement admis et qui ne complique pas
quand elles sont payées
cash, à crédit en fin de
les relations dans les structures sociales. Ce qui peut expliquer le nombre
mois : 60 000 ou 70 000. important de femmes sénégalaises à Casablanca. Cependant, Casablanca
Les bijoux fantaisie peut aussi représenter le tremplin qui permettra l’essor des affaires vers Dubaï,
rapportent le double
la Mecque, l’Asie du Sud-Est. Au Maroc, les prix des marchandises sont
(interview n° 26 à
Casablanca du très peu élevés par rapport aux prix de vente au Sénégal (17), ce qui permet
23/4/2003). des bénéfices substantiels parce que les billets d’avion ne sont pas chers et

144 Critique économique n° 16 • Eté-automne 2005


Commerçantes et commerçants sénégalais à Casablanca : du pèlerinage au business

les ballots transportables en avion. L’envergure du commerce peut être


minimale. Elle va de l’expédition de quelques ballots plus ou moins régulière
vers le Sénégal (« un colis à partir de 5 paires de chaussures ; les colis
dépendent de l’épargne ; je les envoie par la poste » interview n° 27 du
24/4/2003 à Casablanca) à l’envoi de 2 à 3 containers par mois (« à mes
débuts [années 70], je ramenais tous les mois par le Lyautey une dizaine de
colis de 100 kg chacun : des kaftans, des djellabas, des vêtements d’enfants »,
interview n° 4 du 23/7/2002 à Dakar).
Les commerçantes de Casablanca, qui considèrent le business à Dubaï
comme le summum de la réussite, calculent ainsi : « Quand tu payes un billet
1 million [de FCFA], il te faut 20 millions en poche pour le business ; seules
les grandes commerçantes peuvent se le permettre » (interview n° 23 à
Casablanca du 23/4/2003). Or, selon une commerçante sénégalaise
impliquée dans ce commerce, le capital nécessaire pour tenter un
élargissement des activités est estimé à au moins 3 ou 4 millions de FCFA ;
(18) Le montant de ces
en moyenne, les commerçantes doivent posséder un fonds de roulement qui
bourses s’élève à 750 Dh
s’élève à 6-7 millions de FCFA et pouvant aller jusqu’à 100 millions de FCFA : par mois dont 10 % sont
« Même 100 millions, ce n’est rien pour la marchandise ! Elles [les utilisés pour le logement
commerçantes] portent tout en liquide sur elles… » (Interview à Dakar n° 34 en cité universitaire.

le 13/8/2003.) Les jeunes commerçantes sénégalaises estiment qu’elles pourront (19) Nous avions
constaté, lors d’un
sauter le pas au bout de 4 ou 5 ans passés à faire le commerce à Casablanca. précédent projet portant
La moyenne d’âge des Sénégalais au Maroc aujourd’hui a baissé. Le sur les opérateurs
phénomène migratoire n’est pas étranger à cette observation. Bon nombre économiques sénégalais :
les grands opérateurs des
de Sénégalais, tout comme nombre de Subsahariens qui sont au Maroc, sont années 80 avaient
des ‘’candidats‘’ à la migration. Ils y sont en transit, attendant une opportunité tendance après un fort
pour continuer leur périple vers un pays européen, les USA, le Canada ou engouement pour les
écoles de commerce
les Emirats arabes (cf. Mehdi Lahlou 2003). Ceci est particulièrement vrai américaines à préférer le
pour les hommes qui vivent souvent du commerce pour financer non Maroc. Ils légitimaient
seulement leur voyage mais également pour subsister au Maroc. En majorité, leur nouvelle option par
le fait que les études dans
les femmes font le va-et-vient entre Dakar et Casablanca. Elles jouent un la société américaine
rôle important en ce sens qu’elles sont pourvoyeuses des marchandises éloignaient les enfants des
sénégalaises (notamment fruits et artisanat, mèches, Lagos sénégalais et jembés) valeurs de la société
sénégalaise, qu’à leurs
qu’elles laisseront, souvent à crédit, aux jeunes candidats à l’émigration qui retour, ils étaient
se chargeront de leur distribution dans les villes marocaines. Une autre déconnectés des pratiques
explication au rajeunissement de la population sénégalaise au Maroc est le commerciales habituelles
au Sénégal. Le Maroc, de
fait que ce pays soit (re)devenu une destination préférentielle depuis 1994, part la similitude des
notamment pour les étudiants. Des accords bilatéraux permettent l’octroi valeurs religieuses et
de bourses (18) à ceux qui viennent étudier le commerce (19), l’informatique sociales, offre la
possibilité d’une
et la pharmacie. Le statut d’étudiant est pour nombre d’entre eux une
formation professionnelle
possibilité de cumuler études et commerce ou de faire exclusivement du alliée aux valeurs de
commerce. Ils ramènent des produits de l’artisanat sénégalais qu’ils écoulent l’islam et à un prix
en tant que commerçants ambulants dans les galeries marchandes et passages moindre que celui qui est
demandé aux USA ou au
piétions de Casablanca malgré la traque de la police marocaine qui les en Canada (Marfaing et
déloge régulièrement (cf. Libération du 9 juin 1999). Sow, 1999 : 206).

Critique économique n° 16 • Eté-automne 2005 145


Laurence Marfaing

Emergence d’espaces sociaux translocaux


Les Sénégalais installés au Maroc jouent un rôle d’intermédiaires entre
le Maroc et le Sénégal, entre les Marocains et les Sénégalais. Au niveau du
commerce certes, mais également au niveau des relations sociales sous forme
de réseaux. Ces derniers sont tissés autour de relations sociales translocales,
lesquelles trouvent leur place dans les espaces sociaux ainsi créés. Quand
une commerçante abandonne sa place au sein du groupe pour élargir ou
déplacer ses activités, elle se fait remplacer par une partenaire, « une sœur »,
qu’elle a pris soin d’introduire avant son départ et qu’elle aura ainsi
« formée ». Ceci équivaut à une transmission de « savoir-faire » ou à une
« formation ».
Restaurants, hôtels, cafés, appartements sont détournés de leur
fonction d’origine et transformés en espaces sociaux, en lieux de
sociabilité.
Tel est le rôle de ces restaurants sis dans des appartements privés, connus
des connaisseurs concernés exclusivement. Ils offrent une cuisine sénégalaise
aux Sénégalais de passage « qui ne digèrent pas la cuisine marocaine ».
Les convives s’annoncent la veille ou l’avant-veille à partir de Dakar. La
tenancière des lieux prépare jusqu’à une cinquantaine de repas par jour à
raison de 25 dirhams le repas (interview n° 23 à Casablanca le 24 avril 2003).
Les hôtels sur lesquels les commerçantes ont placé leur dévolu sont de
véritables centres d’affaires où les hôteliers jouent le rôle de transitaires dont
l’objectif est de mettre en rapport les sociétés et les entreprises marocaines
(20) Cette organisation a et les commerçants subsahariens (20). Les commerçantes séjournent à l’hôtel
déjà fait l’objet d’un où elles peuvent partager des chambres à 4 pour 30 dirhams (2 000 FCFA)
article dans un journal
marocain, Libération, la nuit ou mieux à deux personnes pour 86 dirhams (5 500 FCFA) la nuit.
le 15/6/1999. Elles s’informent mutuellement sur les hôtels potentiels et descendent ainsi
dans les mêmes hôtels qui se trouvent en général dans la médina de
Casablanca ou non loin. Avec le temps, leur groupe a pignon sur rue.
D’habitude, quand les Sénégalais sont de passage dans une ville étrangère,
ils cherchent comme point de chute le dahiras local. Ceci n’est pas le cas
au Maroc. Les amis des amis ont les contacts depuis Dakar et ils téléphonent
pour s’annoncer. Avec les voyages répétés, ces commerçantes finissent par
(21) Ceci pourrait être loger chez leur “ami”. Cette manière de vivre mènera souvent à des vies
perçu sous l’angle d’une parallèles : une au Sénégal et une à Casablanca (21), laquelle est ignorée
vieille tradition
sénégalaise où les au Sénégal (interview n° 22 du 12 avril 2003). Et puisque ces jeunes femmes
commerçants sénégalais sont au Maroc, qu’il y a une opportunité de pèlerinage vers Fès, personne
avaient l’habitude ne pose de questions : « Mes parents sont fiers de voir leur fille voyager –
d’épouser des femmes des
villes et des pays dans plus elle monte au nord, plus ils sont fiers ! » (Interview n° 27/4/2003 à
lesquels ils séjournaient Casablanca.)
pour pénétrer la société Cette organisation favorise l’émergence d’un espace social où les
dans laquelle ils faisaient
du commerce (Marfaing ressortissants sénégalais se regroupent selon des codes connus d’eux seuls et
et Sow, 1999 : 116). où sont reproduits les comportements et les hiérarchies de la société sénégalaise.

146 Critique économique n° 16 • Eté-automne 2005


Commerçantes et commerçants sénégalais à Casablanca : du pèlerinage au business

Indépendamment des formes de sociabilité qui se mettent en place et des


informations qui circulent, ces regroupements permettent un démarquage
face à la population marocaine avec laquelle les rapports, s’ils sont ancestraux
et fraternels, peuvent être aussi entachés de connotations racistes issues de
la mémoire d’esclavage (22). Une jeune commerçante exprimera cela ainsi : (22) La Gazette du Maroc
« Les gens sont étonnés quand on se promène ensemble, ils ne nous a consacré un dossier au
rapport des Subsahariens
considèrent pas comme des êtres humains, ils ne nous respectent pas : les et des Marocains le
rapports sont difficiles. » (Interview n° 27 du 23/4/2003 à Casablanca.) 11 février 2003. Le
rapport sénégalo-
Organisation du business marocain, la sociabilité
qui s’y construit sur fond
Les Sénégalaises qui s’adonnent au commerce à Casablanca sont bien de ressentiments dus à la
organisées. Un réseau existe entre les Sénégalais installés dans cette ville colonisation et de
mémoire d’esclavage est
qui sert d’intermédiaire entre les commerçants sénégalais et les grossistes un thème central d’un
marocains, de point de chute voire de structure d’information. Ce commerce projet de recherche actuel
est informel, il s’effectue sans facture, avec paiement comptant ou avec des mené au ZMO par
l’auteur.
lettres de crédit et des bordereaux de livraison comme seules preuves des
transactions. Les commerçants « font de tout en fonction des opportunités
et des saisons » (interview n° 24 le 22/4/2003 à Casablanca). A la fin des
années 90, un journal qui avait tenté de quantifier les opérations évoquait
des transactions tournant autour de 15 000 à 100 000 dirhams dans les
périodes fastes (l’Economiste du 2 juillet 1998). Les politiques dénoncent (23) Les coxeurs sont des
régulièrement le manque à gagner pour l’Etat que représentent ces circuits, rabatteurs qui, avec le
temps, accèdent à un
tant au Maroc (cf. notamment le Matin du 6/10/2003) qu’au Sénégal statut d’intermédiaires et
(cf. notamment le Quotidien du 23/9/2003). de transitaires auprès des
Les commerçantes se déplacent rarement seules. Elles s’organisent pour grossistes et ont leurs
commerçantes et
passer des commandes en commun et, éventuellement, affréter un container commerçants attitrés.
pour le retour des marchandises. Il arrive aussi qu’une commerçante se (24) Pour cette étude
déplace et représente un groupe d’une dizaine d’autres pour pouvoir acheter nous avons mené
de plus grandes quantités et ainsi pouvoir mieux négocier les prix. La 36 interviews et
entretiens. 13 interviews
commerçante qui fait le va-et-vient de Dakar à Casablanca régulièrement, qui ont débouché sur un
c’est-à-dire quelques jours tous les quinze jours ou y prévoit une escale sur questionnaire auprès de
la route d’une destination plus lointaine, passe sa commande par fax à partir commerçants sénégalais
actifs à Casablanca, 4
de Dakar ou par téléphone à ses coxeurs (23) qui sont chargés de lui trouver
auprès de commerçants
la marchandise désirée. Le coxeur fait payer ses efforts à raison de 10 % sénégalais vivant à Dakar
perçus sur le prix de la marchandise commandée (interview n° 28 du et actifs en Mauritanie,
14/4/2003 à Casablanca) ; parfois, les plus petits ou les coxeurs occasionnels, 11 entretiens auprès de
personnalités, de
se rémunèrent sous forme de « cadeaux » (interview n° 26 du 23/4/2003 groupements
à Casablanca). Il se peut que la commerçante téléphone directement à ses économiques et militaires
grossistes attitrés pour négocier marchandises et prix et passer sa tant à Dakar qu’à
Casablanca. Les autres
commande. Quand elle arrive à Casablanca, son colis est prêt. Les quelques interviews et entretiens
jours qui lui restent au Maroc sont passés à prospecter dans le but d’affaires ont été menés à
futures, pour soigner ses relations et, pour beaucoup d’entre elles, pour aller Nouakchott auprès de
commerçants sénégalais
à Fès. Sur 13 interviews (24) menées auprès de Sénégalais qui font le ou mauritaniens et de
commerce entre Dakar et Casablanca (5 femmes et 8 hommes), 12 ont migrants.

Critique économique n° 16 • Eté-automne 2005 147


Laurence Marfaing

déclaré aller à Fès sur la tombe de Cheikh Ahmed Tijani, de “parfois” à


“chaque passage” (3 étaient mourides, 8 tidjanes, 1 qadir). Une commerçante
musulmane a déclaré ne pas mêler les affaires et la religion, mais une autre
tidjane dira : « J’aime le Maroc, c’est beau, surtout la route Casa-Fès.
J’organise même le convoi avec les autres femmes » (interview n° 34 à Dakar
le 14/8/2003 à Dakar).
Les marchandises ainsi achetées sont transportées vers Dakar par container
pour celles qui peuvent se le permettre ou pour celles (et ceux) qui se sont
regroupées pour en affréter un dans lequel chacune embarque ses colis. On
compte dans ce cas une dizaine de personnes par container à raison de douze
containers par an (interview n° 28 du 14/4/2003 à Casablanca). Pour nombre
d’entre elles, les commerçantes voyageront par avion avec leurs marchandises
« en colis accompagné » ou elles en confieront une partie à des voyageurs
voyageant « léger ». La commerçante fait transporter à l’aéroport sa
marchandise, dont le poids excède en général le poids autorisé par la
(25) La Royal Air Maroc compagnie d’aviation concernée (25), par un intermédiaire, sénégalais en
(RAM) accepte 30 kg en général, payé au prorata de la marchandise, qu’il fait transiter en leur nom
colis accompagné alors
qu’Air Sénégal et qui négocie avec les douaniers les expéditions sur Dakar.
International (ASI) en A Dakar, le même genre de négociations aura lieu avec les douaniers
accepte 47. Cependant, de l’aéroport. L’évidence avec laquelle les femmes critiquent le comportement
un aller-retour
Casablanca-Dakar sur la des douaniers qu’elles rendent responsables de faire monter les prix des
RAM coûte marchandises alors qu’elles-mêmes sont absolument informelles, ne
300 000 FCFA payant ni impôts, ni frais de douane, ni transport laisse parfois pantois.
sensiblement moins cher
qu’un aller-retour sur ASI L’une d’elle confiera le plus simplement du monde que « sa famille qui
(dossier du Soleil du travaille à l’aéroport [de Dakar] récupère les sacs » ; une autre fustigera
14 mars 2002). Quand « les douaniers [qui] te fatiguent; ils sont méchants avec les commerçants ».
une commerçante confie
ses ballots à un voyageur,
Cette dernière considère que les droits de douane sont trop élevés mais qu’on
le prix habituel pour ce peut négocier avec le douanier pour les faire baisser de moitié, « mais c’est
dernier est de encore beaucoup : sur une valeur de 1 million [de FCFA] de marchandises
600 Dh/20 kg (interview
n° 26 à Casablanca du
je donne 80 000 [de FCFA] au douanier » (interview n° 26 à Casablanca
23/4/2003). Sinon, le du 23/4/2003).
prix officiel des excédents On rencontre depuis quelque temps aussi des commerçants sénégalais,
de bagages s’élève à 105
Dh/kg. Les intermédiaires
informels, mais intégrés dans les réseaux internationaux et surtout dans la
auprès des douaniers vente par internet. Ce commerçant sénégalais nous expliquait être de passage
peuvent négocier à 30 à à Casablanca où il avait obtenu un marché pour livrer 1 container de
40 Dh/kg (interview
n° 28 du 14/4/2003 à
mangues. Il utilisait l’opportunité pour répondre à un appel d’offre de Libye
Casablanca). qui demandait deux containers de thon originaire du Sénégal dont la conserve
était étiquetée au Maroc : il était à deux doigts de réaliser l’affaire (interview
n° 24 du 22/4/2003 à Casablanca) et se situait ainsi entre des structures
de transactions à la fois formelles et informelles.
Casablanca en perte de vitesse pour les Sénégalais ?
Depuis quelques années cependant, les affaires avec le Maroc deviennent
plus difficiles. Les grossistes deviennent plus exigeants : « Ils veulent être

148 Critique économique n° 16 • Eté-automne 2005


Commerçantes et commerçants sénégalais à Casablanca : du pèlerinage au business

payés comptant et ne [lui] font pas un bon prix et il y a toujours l’image


servile. » (Interview à Dakar n° 13, le 7/8/2002.)
L’aéroport Mohamed V de Casablanca était réputé comme lieu de passage
particulièrement facile pour faire passer les excédents de bagages. Depuis
le 11 septembre 2001, les structures ont changé. Les compagnies aériennes
sont plus regardantes sur les quantités de marchandises qu’elles acceptent
de prendre (26), et la facturation des excédents est devenue beaucoup plus (26) Certains estiment
chère. qu’une bonne partie des
difficultés des
La pression qui est exercée par les Etats européens sur le Maroc pour compagnies, notamment
qu’il jugule la migration venant des pays subsahariens est ressentie par les celles de la défunte Air
populations qui en sont originaires. Les Sénégalais sont exemptés de visa Afrique, sont liées dans
les pays africains au
pour entrer au Maroc pour une durée de trois mois ; mais ils sont confrontés manque à gagner dû
à la suspicion ambiante : Noirs, ils sont suspectés d’être d’une autre origine : aux fraudes au niveau
« Les Marocains sont des Blancs : ils contrôlent les Noirs, les Sénégalais. des transports de
marchandises (entretien
Il faut 1 000 € d’argent de poche ; si tu n’es pas en règle tu es refoulé dans n° 25, le 22/4/2003 à
le transit et tu perds ton billet. » (Interview n° 28 du 14/4/2003 à Casablanca).
Casablanca.) (27). Les commerçants qui ont été victimes de mesures (27) Je n’ai pas vérifié le
arbitraires les expliquent ainsi : « La représentation sénégalaise au Maroc fondement de cette
information. Ce qui
est inefficace. Si tu obtiens quelque chose, c’est par recommandation ou
m’importait ici était la
relation ; ils ont peur de se mêler des “problèmes des Sénégalais” par peur perception des Sénégalais
des problèmes de migration. » (interview n° 24 le 22/4/2003.) Beaucoup qui jusqu’à présent
d’opérateurs et de grands commerçants dénoncent les accords bilatéraux s’estimaient privilégiés
sur le territoire marocain
Sénégal-Maroc qui ne profiteraient qu’au Maroc, évoquent des politiques grâce à des relations
politiciennes où les conventions n’existeraient que sur le papier (entretien ancestrales.
n° 37 à Dakar du 27/8/2002).
Depuis les années 80, qui ont vu des vagues de migrations importantes
de Sénégalais vers l’Europe, les marchandises marocaines ne sont plus
compétitives. Les opérateurs qui ont des partenaires ou des membres de leurs
familles dans les pays européens les utilisent pour faire venir les marchandises
directement sur Dakar. Les marchandises asiatiques transitent également par
les ports européens auxquels les importateurs sénégalais peuvent ainsi avoir
accès. Le Maroc reste une destination pour le petit commerce. Ceux et celles
qui ont l’opportunité de faire des affaires en Europe, à Dubaï ou en Asie du
Sud-Est ne restent pas à Casablanca mais ont tendance à utiliser cette ville
comme escale, zone de transit ou comme tremplin pour continuer sur l’Italie
ou même Dubaï. Certaines continuent d’ailleurs le business sur Casablanca
à partir de l’Italie. Aux dires d’une commerçante, c’est depuis qu’ils ont compris
cela que les douaniers marocains sont plus durs avec les femmes et leurs
excédents de bagages ! (Interview n° 21 du 27/8/2002 à Dakar.)
Le pèlerinage est également en perte de vitesse. Si avant il y a avait un
amalgame entre affaires, religion et culture, certains estiment que c’est du
passé : « On ne fait pas du business par amour, et si les offres sont meilleures
en Asie ou en Europe, on achète là-bas et on ne va pas au Maroc. » (Entretien
n° 7 à Dakar du 13/8/2002.)

Critique économique n° 16 • Eté-automne 2005 149


Laurence Marfaing

Faire venir du fret vers Dakar en provenance du Maroc n’est pas facile :
il n’y a plus de liaisons maritimes régulières, seuls les gros navires y font
des escales de fret. Les opérateurs estiment même que « les relations avec
le Maghreb ont été coupées et la route prévue demandera beaucoup de temps
pour que les mentalités la perçoivent en termes de “relations par le bas” »
(entretien n° 7 du 13/8/2002 à Dakar). Cette route entre Dakar et Tanger
ouverte en février 2002 n’est pas encore terminée, et les Sénégalais qui
l’utilisent sont ceux qui s’en servent pour un petit business de proximité
et n’ont pas les moyens de se payer un billet d’avion (Marfaing & Wippel
2004). Il est cependant possible de spéculer qu’à plus ou moins long terme,
devant les difficultés de fret que rencontrent les commerçants sénégalais à
partir de Casablanca, ils se rabattront sur la route, quitte à expédier par
containers routiers leurs marchandises, pendant qu’eux-mêmes continueront
à prendre l’avion pour leur propre trajet.

Conclusion
Aujourd’hui, ce ne sont plus les hommes qui suivent leurs marchandises,
comme à l’ère des caravanes, mais bel et bien les marchandises elles-mêmes
qui utilisent les ruptures de charge, c’est-à-dire les opportunités de fret et
d’escales des grandes compagnies de transit internationales (entretien 11
à Dakar le 6/82002 ; interview 13 à Dakar du 8/8/2002). Ainsi, ce ne sont
plus les hommes qui agissent en relais mais les marchandises elles-mêmes :
les hommes, eux, prennent l’avion, passent la commande et rentrent. Un
container de marchandises commandées à Casablanca peut très bien repartir
vers Anvers ou Amsterdam avant d’atteindre Dakar où ils le récupéreront.
Les commerçants sénégalais, tout en jonglant entre comportement formel
et informel en fonction des opportunités qui se présentent, utilisent les
avantages apportés par la mondialisation en termes de transport et de
communication et s’y adaptent en remettant stratégies, marchandises et
savoir-faire en question à chaque fois que ceux qui existent arrivent à leurs
limites ou sont confrontés à d’autres mécanismes.
Le champ d’études présenté ici permet une approche de la mondialisation
non pas comme discours mais comme processus (Cooper, 2001 : 103) et la
constatation qu’il est possible d’en tirer est qu’on se trouve face à une certaine
appropriation des mécanismes qu’elle engendre, ce qui permet une
reconfiguration du local et une re-modélisation des identités et des rapports
avec le pays d’origine. Cette re-modélisation permet de faire la synthèse entre
les modes de fonctionnement anciens – ici la représentation du pèlerinage
à Fès, le contrôle social et les habitudes économiques qui régissent tant les
comportements que les rapports entre les acteurs – et les nouveaux qui
apparaissent dans les opportunités offertes par la mondialisation. C’est dans
ce dynamisme que réside la constante re-création des rapports socio-
économiques et relationnels, tant dans l’espace qu’entre les acteurs.

150 Critique économique n° 16 • Eté-automne 2005


Commerçantes et commerçants sénégalais à Casablanca : du pèlerinage au business

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Critique économique n° 16 • Eté-automne 2005 151


Laurence Marfaing

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152 Critique économique n° 16 • Eté-automne 2005

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