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Ciné-Bulles
Le cinéma d’auteur avant tout

Lever le voile sur le cinéma du Maghreb

Louise Carrière

Volume 14, Number 2, Summer 1995

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Association des cinémas parallèles du Québec

ISSN
0820-8921 (print)
1923-3221 (digital)

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Carrière, L. (1995). Lever le voile sur le cinéma du Maghreb. Ciné-Bulles, 14(2),
28–31.

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 Les Journées du cinéma africain et créole

LE PALMARÈS 1995
Lever le voile Zinai Koudil représentaient respectivement l'Egypte
et l'Algérie en compétition officielle. Plusieurs
PRIX DE LA
COMMUNICATION
INTERCULTURELLE -
sur le cinéma courts métrages (films ou vidéos) donnaient du
Maghreb un portrait dense et complexe et mettaient
Catégorie long métrage:
Xime
du Maghreb en évidence les différentes forces sociales actives
en Egypte, au Maroc, en Tunisie et en Algérie. La
de Sana Na N'Hada
(Guinée Bissau)
programmation ne comprenait pas de films en pro-
PRIX DE LA venance de la Libye, mais y fait-on du cinéma?
par Louise Carrière
COMMUNICATION
INTERCULTURELLE - L'Algérie recomposée et revisitée
Catégorie court métrage:
Un taxi pour Aouzou
d'Issa Serge Coelo L'univers du cinéaste algérien Merzak Allouache
(Tchad) exerce une véritable fascination. Son film sur les
PRIX DU MEILLEUR revendications kabyles donne de l'espoir. Jours

V
AMBASSADEUR: ues d'Afrique proposait cette année ses tranquilles en Kabylie propose une série de
Nono Lontange
dans la Femme blanche
ll e s Journées du cinéma africain et créole. portraits sur cette région non arabe qui lutte pour
de Ferdinand Batsimba Bath Plusieurs films connus en Europe y ont été sa culture et ses droits. On découvre à moins de
et Philippe Turcot présentés une première fois ici. Occasion rare car, si 100 km d'Alger des organisations populaires acti-
(Congo-France) la télévision québécoise s'intéresse périodiquement ves et des femmes non voilées qui travaillent en
PRIX DE LA MEILLEURE à l'Afrique, il en va autrement des distributeurs de usine. Mais un problème de taille est mis en lumière:
AMBASSADRICE:
Les femmes de l'atelier
films. Aussi les salles de cinéma ne programment- l'école forme des terroristes par son incapacité à
de couture dans elles que rarement des films africains. prendre appui sur le réel, à éduquer et à former des
My Vote is my Secret I jeunes qui seront utiles à la société. L'éducation
Chroniques sud-africaines Que peut nous apprendre ce continent en ebullition, offerte ne donne pas accès au monde du travail et
de Julie Henderson, attise la révolte. Les Kabyles essaient, par plusieurs
Thulani Mokoena
ce continent qu'on dit sacrifié, ce continent d'après
et Donne Rundle les luttes de libération nationale? Plus spécifique- moyens, dont des comités de vigilance dans chaque
(Afrique du Sud) ment, quelles images nous renvoie le cinéma du village, de contrer l'intégrisme islamique qui cher-
PRIX DU PUBLIC: Maghreb, témoin d'une culture qui oppose constam- che à se frayer un chemin auprès d'une jeunesse dé-
le Démon au féminin ment les mondes arabe et européen. Tous baignés couragée. Malgré les nombreux attentats contre les
de Hafsa Zinaï Koudil dirigeants et les démocrates kabyles, la résistance
(Algérie)
par la Méditerranée, les pays d'Afrique du Nord,
PRIX REGARD SUR héritiers d'un passé jadis glorieux, connaissent ac- se poursuit; l'Algérie n'est pas réductible au mono-
LES TÉLÉVISIONS tuellement une montée foudroyante de l'intégrisme lithisme arabe musulman.
AFRICAINES: religieux.
Dilemme au féminin Avec Bab el-Oued City, Allouache revient filmer
de Zara Mahamat Yacoub
(Tchad) Cette 1 Ie édition soulignait le travail du cinéaste al- dans sa ville de prédilection, 17 ans après Omar
PRIX BANN ZIL KREOL: gérien Merzak Allouache avec la présentation de Gatlato, son premier long métrage, retrouvant les
l'Exil de Behanzin Omar Gatlato, Jours tranquilles en Kabylie, Un personnages du quartier populaire algérien, petits
de Guy Deslauriers amour à Paris et Bab el-Oued City. Mercedes de commerçants, ménagères et «services d'ordre». Le
(Martinique)
PRIX KARL-LÉVESQUE - Nasrallah Yousry et le Démon au féminin de Hafsa film est une chronique de la vie populaire, beaucoup
Ex-œquo:
Port-au-Prince, la Troisième
Guerre mondiale a déjà
eu lieu
d'Arnold Antonin
(Haïti)
et la Mémoire du fleuve
de Serge Bile
(Guyane)

Bab el-Oued City

Vol. 14 n° 2 CWË3ULLES

28
 Cinéma du Maghreb

plus travaillée que Gatlato qui reposait sur des pays. Fatima et la mer de Nadia Cherabi et Marek PRIX DES DROITS
moments disparates liés par une voix off. Ici, nous Laggoune propose deux portraits de femmes, Fatima DE LA PERSONNE:
My Vote is my Secret I
faisons connaissance avec trois groupes de person- et Nadjette, vivant du travail relié à la mer. La fille Chroniques sud-africaines
nages: les boulangers, les intégristes et les femmes. part tous les jours dans son petit bateau exercer un de Julie Henderson,
Chaque groupe compte ses caractères différents, ses métier dangereux et peu payant mais qui la passionne Thulani Mokoena
moutons noirs et sa figure principale. pourtant, la pêche; la grand-mère gère seule toute et Donne Rundle
l'entreprise familiale, s'occupe de l'intendance, par- (Afrique du Sud)
PRIX IMAGES
Tout l'art de raconter d'Allouache consiste à croiser ticipe à l'encan de poissons à Mostaganem. On sai- DE FEMMES:
les intérêts divergents de ces trois groupes. Ces his- sit tout le courage des cinéastes à oser traiter d'un Dilemme au féminin
toires qui s'entremêlent sont ponctuées par deux pareil sujet dans l'Algérie actuelle comme on s'in- de Zara Mahamat Yacoub
leitmotivs, celui de la Mercedes et celui du duo fran- quiète de leur absence à Montréal et de l'incapacité (Tchad)
des organisateurs à les rejoindre dans leur pays. PRIX IMAGES DE
çais en visite en Algérie. Le premier révèle les visi- FEMMES POUR LA
tes nombreuses d'un riche magnat avec le chef des CRÉATION ORIGINALE:
intégristes chargé de retrouver le voleur d'un haut- Le Démon au féminin de Hafsa /.maï Koudil aborde Un cri dans le Sahel
parleur. On ne comprend pas très bien qui encou- de front un sujet tabou dans plusieurs médias algé- de Martine Condé llboudo
rage ces intégristes dans leur acharnement à châtier (Burkina Faso)
riens: le refus de porter le voile. Le film trace un PRIX DU
un geste irréfléchi. Cette campagne vise le jeune portrait minutieux d'une famille de la petite bour- DOCUMENTAIRE:
boulanger: dans un geste d'impatience, et à moitié geoisie: père architecte, mère enseignante, filles étu- la Tête dans les nuages
endormi, il a décroché le haut-parleur qui diffuse, diantes, fils rebelle. Le père est gagné progressive- de Jean-Marie Téno
cinq fois par jour, les paroles du muezzin. Or, ce ment par la maladie mentale qui s'accompagne d'une (Cameroun)
PRIX VIDÉOCUP:
jeune homme, lui-même croyant, s'est déjà amendé ferveur religieuse soudaine. Sa piété nouvelle l'as- Tann Pou Tann
auprès de son iman qui déplore aussi l'intolérance socie au fils rebelle pour expurger le diable de la de Masterdji Grasset
des fanatiques religieux. C'est un autre film algé- maison familiale, sa femme refusant de porter le et Jean-Pierre Grasset
rien, l'Algérie dévoilée d'Ali Akika, qui donne la voile. Des religieux sont invités à venir exorciser (Haïti)
clef de ces apparitions constantes de la Mercedes, l'opposante et utilisent la torture pour la «libérer». PRIX JEUNESSE:
Noli
en associant fermement la direction du Front isla- L'oncle paternel poursuit en justice les responsables, de Pierre Rouamba
mique du salut (F.I.S.) aux riches industriels algé- critique l'époux et le fils complices puis soustrait (Burkina Faso)
riens de la viande et des agrumes. ses deux nièces à l'autorité parentale. Inspiré d'un PRIX REGARD CANADIEN
fait réel, le scénario propose une finale hâtive: un SUR L'AFRIQUE ET
procès factice où les agresseurs sont libérés, la LES PAYS CRÉOLES:
Le deuxième leitmotiv, un Français revisitant Alger le Péril «jeunes»
30 ans plus tard avec sa vieille tante aveugle, ap- femme demeure paralysée à jamais, le père se sui- de Chantai Lapaire
porte au film un élément romantique et nostalgique. cide et le fils se repent. (Canada)
Ils parcourent ensemble les lieux aimés, les jardins, MENTION À:
le front de mer, les terrasses, le cimetière. L'homme On connaît les démêlés de la cinéaste avec les auto- Fati et les autres...
de Françoise Wera
commente pour sa tante tous ces paysages, lui ca- rités algériennes et canadiennes. Koudil milite en (Canada)
chant les murs décrépits et lézardés, les tombes re- faveur d'un Islam tolérant, loin du fanatisme reli- PRIX ÉCRANS
couvertes de hautes herbes, bref l'Algérie en crise gieux. Film aux propos religieux très respectueux NORD-SUD:
économique, qui rejette son passé français. de la parole du Prophète, le Démon au féminin est les Derniers Colons
de Thierry Michel
pourtant jugé séditieux dans son pays et frappé sous
(Belgique)
Cette présentation multiforme est affaiblie par le le coup de l'interdit. Dans un pays où les religieux PRIX TOLÉRANCE -
personnage mythique de la «prostituée», ancienne modérés sont taxés de provocateurs, on est loin des Document du Sud:
militante amoureuse d'un révolutionnaire (de quelle revendications kabyles pour une Algérie laïque et A Gulf Between Us
cause?) qui sauve in extremis, avec sa fortune, le démocratique. de Khaled El Hagar
(Egypte)
héros boulanger des attaques intégristes. Une femme PRIX TOLÉRANCE -
arabe patiente, réservée mais pleine de vie, ouvre et Le chemin à parcourir apparaît clairement dans l'Âge Document du Nord:
clos cette chronique algérienne. On ne peut s'empê- mur de Sarah Taouss-Matton, l'histoire de retrou- le Quatuor de l'exil
cher d ' y voir la transposition de 1 ' Algérie elle-même, vailles ratées entre trois anciennes amies algérien- d'Yves Bisaillon
inquiète, en attente d'une réconciliation, déplorant (Canada)
nes séparées par la guerre d'indépendance en 1962.
l'abandon et ne sachant ce que lui réserve l'avenir. Sarah, juive berbère et cinéaste, vit en France. A
Alger, elle recherche Salilah, sa compagne de classe,
Les femmes algériennes et Rachel. Les récits des deux femmes se chevau-
chent, celui de Salilah la disparue et celui de Ra-
Les films de trois réalisatrices font une entrée re- chel, immigrée en Israël. Les souvenirs affluent sur
marquée dans la cinématographie masculine de leur cette Algérie de l'enfance perdue et des jours paisi-

CÊ&JLLES Vol. 14 n" 2

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 Les Journées du cinéma africain et créole

Notes sur le cinéma algérien

Dès 1990, la situation de l'in-

dustrie cinématographique
était déplorable: les studios
d'État, la Cinémathèque, la té-
lévision, tout indiquait que le
cinéma algérien était mal en
point, surtout à cause des res-
sources financières insuffisan-
tes. C'était avant la montée du
terrorisme fondamentaliste et
la chasse systématique aux in-
tellectuels. Il est donc intéres-
sant de constater ce qu 'il en est
à l'heure actuelle de ce cinéma
qui fut un porte-drapeau des
jeunes cinematographies du
tiers monde. On peut dater la
naissance de celle-ci à l'immé-
diat après-guerre lorsque les
jeunes cinéastes combattants
de l'indépendance font leurs
premiersfilmsavec des moyens
ridicules: ce furent l'Aube des
damnés d'Ahmed Rachedi en
1965 et surtout le Vent des
Aurès de Mohamed Lakhdar
Hamina en 1966 qui propul- a
sent le cinéma algérien à un E
n
niveau de reconnaissance in- %
'S
ternational.

La restructuration des organis- blés malgré le colonialisme. Pourtant, la disparition politiques visent à faire taire ces voix hardies et que
mes nationaux de production mystérieuse de Salilah jette une ombre sur son com- le pouvoir actuel ne se mouille pas trop pour les dé-
crée une situation où les lour-
deurs administratives briment bat pour une Algérie moderne, comme le portrait de fendre, lui qui promulguait en 1984 une des lois les
l'éclosion de talents. Mais la la riche Rachel vantant les mérites de la vie israé- plus rétrogrades contre les femmes et les démocra-
production de courts métrages lienne laisse le spectateur sur sa faim. La sœur de tes: le code de la famille, qui officialise la dépen-
permet à des jeunes cinéastes Rachel, qui travaille dans un kibboutz, éprouve de dance des femmes envers les hommes de leur en-
défaire leurs premières armes
comme Mohammed Bouamari
la difficulté à traduire concrètement sa passion pour tourage.
avec l'Obstacle (1966). Vien- la vie spirituelle juive. Sans doute, les chemins dif-
nent ensuite des films comme férents parcourus par les femmes montrent que les La fable égyptienne
le Charbonnier (Mohamed liens communs permettent des retrouvailles affec-
Bouamari, 1972), les Nomades tueuses mais sont insuffisants pour combler le fossé Deux films defictionégyptiens exposent de manière
(Sid'AUMazif, 1975) ou Omar
Gatlato (Merzaq Allouache,
entre les cultures différentes. Une même foi ne ga- différente les tentations, les égarements, les dif-
1976) qui manifestent un inté- rantit plus des positions sociales semblables. ficultés auxquels se heurtent les Egyptiens
rêt pour les personnages ordi- aujourd'hui.
naires, voire marginaux, de la L'Algérie dévoilée d'Ali Akika donne la parole aux
société algérienne. Cette ten-
dance s'oppose à celle des ci- intellectuels algériens. Historiquement, ils sont, avec A Gulf Between Us de Khaled El Hagar suggère, à
néastes qui se penchent plus les femmes, les premières victimes des changements travers l'histoire d'un couple, la possible réconci-
sur le passé comme Abdellaziz sociaux et des périodes de transition. Document re- liation entre Israël et l'Egypte, opposés depuis 1948.
Tolbi (Noua, 1972), Lakhdar marquable par la clarté de ses exposés et de ses pri- À Londres, en plein cœur du quartier juif, Ali, un
Hamina avec Chronique des ses de position, on nous présente ici l'image d'une cuisinier d'origine égyptienne, loue une chambre
années de braise. Palme d'or
en 1975, ou Béni Hendel (les Algérie démocratique, désireuse de mener un com- chez Ruth. D'emblée, il tombe amoureux de la jeune
Déracinés, 1976). Plus en bat à la fois contre les politiciens du Front de libéra- femme et multiplie les démarches pour comprendre
prise sur le quotidien, des films tion nationale (F.L.N.) et du F.I.S., les deux forces la culture juive. Les amis et parents respectifs des
comme le Peuplier de Moussa principales qui se disputent le pouvoir, position in- deux protagonistes s'acharnent à détruire cette union
Haddad (1972), les Bonnes
Familles de Djaffar Damarji
confortable pour ces intellectuels prônant une so- illicite. Malgré un scénario intéressant au départ, le
(produit par ie F.L.N. en 1973) ciété bilingue et trilingue, laïque et favorable à l'éga- film s'égare dans la simplification et multiplie les
ou l'Héritage de Bouamari lité des femmes. On comprend que les assassinats invraisemblances.

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 Cinéma du Maghreb

Pourquoi cet intérêt soudain et compulsif pour la L'aspect le plus pertinent des films maghrébins de- (1974) tentent de coller encore
culture juive? Pourquoi Ruth ne fait-elle pas aussi meure sans conteste le discours général. A ce chapi- au projet de société socialiste
qui est celui de l'Algérie de
des efforts pour partager la culture arabe? Pourquoi tre, les films présentés cette année parlent haut et cette époque.
ne déménagent-ils pas dans un quartier ni arabe ni fort. À ceux qui glorifient l'existence d'une Algé-
juif pour tenter de vivre cette relation? Le film sent rie, d'un Maroc et d'une Egypte monolithiques, les De nouveaux noms apparais-
trop la thèse pour convaincre. L'échec de la fin con- cinéastes répondent clairement. Le peuple algérien sent ensuite qui font croire à
firme que des intérêts culturels parents sont insuffi- est composé de Kabyles, de Juifs, d'Arabes, de mu- un nouvel essor de ce cinéma
avec la romancière Assia
sants pour amener la paix entre les deux peuples. La sulmans et de non-musulmans, de femmes et d'hom- Djebar (la Nouba des femmes
haine et les préjugés vont perdurer à jamais. mes. L'histoire du Maroc s'est construite aussi avec du mont Chenoua. 1977. la
l'apport de la communauté juive comme celle de Zerda et les chants de l'oubli.
Mercedes de Yousry Nasrallah raconte l'histoire l'Egypte avec l'apport de ses groupes composites. 1982), Mehdi Charef (le Thé
au Harem d'Archimède,
invraisemblable d'un homme à la recherche de son Vouloir réduire les différences au nom de la sainte 1985) ou Mohammed Rachid
frère qui finalement rencontre l'amour dans le sosie harmonie ou du nationalisme arabe revient à tuer Benhadj (la Rose des sables,
de sa propre mère. Les péripéties de cet héritier de toutes les différences. À l'heure où l'on cherche à 1989). De ces réalisateurs,
famille nous promènent du roman policier au mélo- taxer les opposants de tous les crimes, il faut revenir beaucoup ont continué à faire
sur les causes du désarroi de la jeunesse, bras ven- des films mais surtout à partir
drame en passant par la fresque sociale dans le plus de la France et peu ont la pos-
pur style baroque méditerranéen. Dans ce flot d'ima- geur et armé de l'intégrisme religieux. Il faut espé- sibilité de construire une re-
ges et d'anecdotes se profile l'Egypte actuelle: les rer que les défenseurs de la démocratie liés au ci- lève.
néma continueront de regarder et d'entendre les for- (Henry Welsh)
classes sociales, la corruption, le rôle du foot comme
ces vives du progrès et de la tolérance. •
catharsis (remplacement des guerres par les joutes
sportives, exutoire du nationalisme amplifié par les
médias, etc.). Il faut avoir de sérieuses balises pour
naviguer dans ce dédale d'histoires aux personna-
ges rocambolesques: une tante lesbienne trafiquante
de drogues, un ancien policier lié aux politiciens
socialistes désabusés qui veut pincer la tante, un
cousin homosexuel devenu religieux, un héros naïf,
légèrement efféminé, redresseur de tort, ex-
psychiatrisé et ancien militant de gauche, à la re-
cherche de la prostituée au cœur d'or, vierge et pure.
Tout un portrait de société!

Certes, ce pays, jadis leader culturel du monde arabe

et deuxième pays producteur de films du monde, a
perdu bien des plumes depuis 1960. La natalité in-
contrôlée, l'incapacité des nationalistes à bâtir une
Egypte moderne et leur acharnement à poursuivre
une politique pour les riches accentuent le mécon-
tentement et favorisent la montée des opposants re-
ligieux. L'impossibilité des cinéastes à traiter ouver-
tement de ces problèmes les conduit inévitablement
vers la fable et la transposition.

Un Maghreb déchiré

La facture de plusieurs de ces films du Maghreb est

décevante. Le Diable au féminin insiste sur le
délire du père de manière caricaturale et tombe sou-
vent dans le mélodrame. Fatima et la mer ne res-
serre pas assez son propos et abonde en images
inutiles. L'Âge mur éprouve des difficultés certai-
nes à unifier son sujet et à traduire de façon juste la
vie de ces trois anciennes amies.
A Gulf Between Us

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