Pirogue
Pirogue
Pirogue
La Pirogue
Sortie en salles
1
Disciplines et thèmes
concernés :
Histoire :
L’immigration clandestine et
ses conséquences.
La réponse des Etats au
phénomène migratoire.
L’Afrique de l’Ouest ;
colonisation, eclavage,
indépendance.
Géographie :
Afrique de l’Ouest, Sénégal,
Iles Canaries.
2
la coexistence dans une autour du fossé grandissant entre
embarcation en haute mer. Les tradition et modernité. Une scène de
relations y sont rendues très lutte ouvre ainsi le film, faisant
complexes en raison des différences penser à une transe ancestrale alors
profondes entre communautés et que, peu après, un jeune homme se
individus. Le travail de Moussa vante devant son père de posséder
Touré avec son chef-opérateur s’est un iPhone « avec lequel on peut tout
ainsi rapidement orienté vers un faire ». Le réalisateur déclare à ce
cadrage des personnages en propos : « C’est une sorte de miroir
enfilade afin d’accentuer la notion tendu aux Sénégalais, qu’ils soient
d’horizon vers lequel tous les tentés par la modernité occidentale
regards sont tendus. Cette forme de ou qu’ils gardent un ancrage dans la
prise de vue, inspirée par le cinéaste religion. Et la lutte se mêle de
canadien Gilles Groulx, tente de transes, phénomène qui occupe une
restituer au mieux le fait que le place importante dans notre culture,
Sénégal est un pays ouvert sur car si nous sommes pour la majorité
l’horizon et que sa population est un musulmans, nous sommes aussi
peuple du regard. D’autres axes animistes. »
narratifs se développent également
___________________________________________________
Objectifs pédagogiques
__________________________________________________
3
Pistes pédagogiques
1. 5. Définir le rôle
Chercher la signification de des « passeurs ». Peut-on
la scène d’ouverture comparer leur rôle, comme
(générique) du film. le suggère Moussa Touré,
Travailler sur la à celui de l’Etat sénégalais
métaphore de la lutte. La du temps d’Abdoulaye
transe qu’elle suscite va Wade (qui a quitté la
puiser ses racines dans la présidence en 2012) ?
nuit des temps. A-t-elle
encore une actualité, une 6. L’un des
modernité aujourd’hui ? personnages déclare à un
moment : « Je suis un
2. Que dit le film sur la homme africain qui a
thématique émigration / décidé de rentrer dans
immigration ? Le point de l’Histoire ». Cette phrase
vue développé est-il local renvoie au discours de
ou universel ? Quel regard Nicolas Sarkozy
le réalisateur porte-t-il sur le prononcé le 26 juillet
sujet : est-il neutre, partial, 2007 à l’université de
accusateur ? Dakar, déclarant que le
« drame de l'Afrique » vient
du fait que « l'homme
3. Etudier le thème de africain n'est pas assez
l’émigration en Afrique en entré dans l'Histoire. […] Le
cherchant des études sur problème de l'Afrique, c'est
le sujet et en proposant des qu'elle vit trop le présent
articles parus dans la dans la nostalgie du
presse française ou paradis perdu de l'enfance.
africaine (quelques […] Dans cet imaginaire où
références sont données ci- tout recommence toujours,
dessous). Distinguer les il n'y a de place ni pour
différentes routes l'aventure humaine ni pour
empruntées. Nous l'idée de progrès ». Très
connaissons surtout celles critiqué par de nombreux
de la Méditerranée via les Africains, ce discours
pays du Maghreb. Qu’en paternaliste a également
est-il des autres ? irrité le Parti socialiste
Français, en particulier
4. Travailler sur les Ségolène Royal, elle-même
décalages et les née à Dakar. Quelle est
contrastes dans le film : de votre analyse de la
la culture traditionnelle à déclaration de Nicolas
l’usage des smartphones Sarkozy ? (Texte complet à
par exemple. lire sur le site Afrik.com)
___________________________________________________
http://www.rezofilms.com/distribution/la-pirogue
4
Dialogue sur les migrations en Afrique de l’Ouest
http://www.iom.int/jahia/webdav/shared/shared/mainsite/policy_and_research/
rcp/MIDWA/MIDWA_Overview_FR.pdf
Quelques sites qui traitent du film de Peter Weir « Master and Commander »
(voir entretien ci-dessous)
http://archive.filmdeculte.com/film/film.php?id=711
http://www.imdb.com/title/tt0311113/
___________________________________________________
Bibliographie
- « Le ventre de l’Atlantique » de Fatou Diome (Editions Anne Carrière
2003)
- De très nombreux ouvrages de Essè Amouzou parus à L’Harmattan
dont :
o « Pauvreté, chômage et émigration des jeunes africains.
Quelles alternatives ? »
o « L'Afrique 50 ans après les indépendances »
o « L'impact de la culture occidentale sur les cultures
africaines »
- « Migration clandestine africaine vers l'Europe - Un espoir pour les uns,
un problème pour les autres » de Rachid Chaabita. Collectif.
(L’Harmattan 2010)
- « Les traverseurs des mers. L'ultime assaut » de Cheikh Tidiane Diop
(Editions Le Manuscrit 2009)
- "Portrait du Gulf Stream : Eloge des courants ", d'Erik Orsenna (Seuil,
2005)
___________________________________________________
Marc Pahud, programmateur cinéma,
membre OCCF, septembre 2012.
5
ENTRETIEN AVEC MOUSSA TOURÉ, RÉALISÉ A LAUSANNE LE 24
Eme
AOÛT 2012 A L’OCCASION DU 7 FESTIVAL CINEMAS D’AFRIQUE
J’ai lu que vous vous étiez inspiré du film de Peter Weir Master and Commander. Pouvez-vous en
dire plus au sujet de ce film et du rôle qu’il a joué pour vous ?
C’est un film de mer et j’ai souhaité que mes comédiens, qui ne sont pas des professionnels, le voient pour
s’imprégner des relations des hommes avec cet environnement et également entre eux à bord d’un bateau,
comment bouger, comment être subtils dans le jeu.
On sait que le budget « pharaonique » de cette superproduction atteignait les 150 millions de $. Et
celui de « La Pirogue » ?
Le budget de La Pirogue est, selon les calculs, de 1,3 à 1,9 million d’euros. Là où nous sommes malins et
malicieux, c’est que, comme pour le reste, nous arrivons à nous débrouiller pour faire des films adaptés à
nos moyens. Lorsque vous, Européens, jetez une canette à la poubelle, nous en faisons de jolis jouets. La
qualité ne dépend pas de la cherté.
Le montage de cette production a-t-il été complexe ? Quel est le rôle joué par Omar Sy ?
Le financement a été assez facile, grâce à ma notoriété et au succès de certains de mes films précédents.
Je sais qu’il y a eu quelques soucis de coproduction entre la France et l’Allemagne, mais de notre côté, il
n’y a pas eu trop de problèmes. Quant à Omar Sy, il ne s’agit pas du tout du comédien d’ « Intouchables » ;
c’est un homonyme. Le producteur, assez malin, laisse volontiers planer le doute.
Quelles ont été vos autres références bibliographiques ou filmographiques pour l’écriture du
scénario ?
Ma première référence est un documentaire de moyen-métrage, issu de la nouvelle vague canadienne, qui
a pour titre Un jeu si simple, surnommé parfois « Le Hockey », réalisé par Gilles Groulx en 1966. Ma
manière de filmer les gens dans la pirogue est directement inspirée par la manière dont Groulx saisit les
spectateurs de ce match. Sur le plan bibliographique, le scénario de La Pirogue a également été à l’origine
un livre d’Abbas Ndione, mais je ne l’ai pas lu.
Quels autres ouvrages ou films pourriez-vous conseiller à un jeune public afin de mieux
comprendre la situation de détresse qui prévaut en Afrique actuellement ?
Le ventre de l’Atlantique de Fatou Diome (Editions Anne Carrière, 2003) traite de ce sujet
Est-il plus difficile de tourner des films en Afrique aujourd’hui qu’il y a 20 ou 30 ans, au temps de la
coopération française ? Qu’est-ce qui a changé ?
La coopération a disparu il y a dix ou quinze ans environ. Cette année à Cannes, nous avons mis en place
un Fonds Panafricain dont je suis le parrain, il y a aussi le Fonds Sud. Globalement les documentaires sont
de plus en plus produits par les réalisateurs eux-mêmes et les fictions font l’objet de co-productions
6
internationales. Pour La Pirogue, l’équipe technique était constituée de Français et de Sénégalais, mais
c’est la production qui les a engagés.
Vous parlez de votre « notoriété » qui doit sans doute vous aider dans certains cas et vous poser
aussi des problèmes. Courez-vous un risque au Sénégal en réalisant un film sur une telle
problématique ?
Avec l’ancien régime, je courais un risque dans le sens qu’ils m’auraient mis les bâtons dans les roues.
Mais aujourd’hui, cela a changé. Du côté français de la production aussi, j’aurais eu des problèmes dans la
mesure où le film critique le discours de Sarkozy. Mais, en France aussi, le régime a changé.
Au moment du départ, le pilote de la pirogue renverse de l’eau et casse un œuf devant la porte de la
maison familiale. Quelle est la signification et la portée symbolique de ce geste ?
Vous ne la comprenez pas, nous non plus. Ce sont des gestes ancestraux, perpétrés par les gens pour
leur porter chance, mais comme moi, la plupart ne connaissent pas l’origine de ces traditions. Chez, nous,
on se pose moins de questions, on est animistes, pas cartésiens.
Le film raconte une odyssée tragique qui a une valeur universelle. Cependant les gens qui
connaissent un peu l’Afrique de l’Ouest aimeraient sans doute mieux connaître le détail du
parcours emprunté par ces boat-people et la saison à laquelle ont eu lieu ces tentatives (n’est-ce
pas impossible durant les alizés en raison du vent et de la houle ?).
Vous avez raison, ces voyages avaient lieu lors de la saison des pluies, alors que la mer est calme.
L’opération était impossible lors des alizés d’hiver. L’itinéraire menait de Dakar aux Canaries, pas trop près
du rivage, car les gardes-côtes étaient vigilants. Aujourd’hui, depuis le changement de régime au Sénégal,
ces voyages en pirogue ont disparu. A l’époque, le pays était bloqué. Aujourd’hui l’espoir est revenu.
On voit sur le bateau des Guinéens. Y a-t-il d’autres ressortissants de pays limitrophes du Sénégal
qui choisissaient cette route plutôt que l’option de rejoindre la Méditerranée ? Si oui, lesquels ?
Dakar est plus près et le Sahara difficile à traverser. Il y avait des ressortissants de tous les pays d’Afrique
de l’Ouest, des Maliens, des Ivoiriens, des Ghanéens, des Nigériens, des Togolais…
Durant la terrible tempête que traverse la pirogue, les passagers vivent une descente aux enfers.
Que se passe-t-il vraiment ?
Toute est détruit durant la tempête, l’eau et le carburant sont perdus, les hommes sont projetés dans le
fond du bateau par les vagues et assommés ou alors passent par-dessus bord. Le réalisme de cette scène
est dû à des effets que nous avons réalisés nous-mêmes, mais aussi grâce à Jacques Perrin qui nous a
donné des images tournées lors de son film « Océans ».
Le film a-t-il déjà été montré au Sénégal ? Où peut-il être projeté dans la mesure où la quasi-totalité
des cinémas d’Afrique subsaharienne ont vu fermer leurs portes ces dernières années ?
Le film va sortir à Dakar le 15 septembre. Il reste dans cette ville encore quatre ou cinq cinémas. D’autre
part, nous sommes en train d’étudier la création de plusieurs cinémas en plein air, en banlieue, dans
d’autres villes, villages et en brousse. Il faut construire quatre murs, mettre un écran, des bancs et une
cabine pour le projecteur numérique. La population, dans sa majorité, n’a pas les moyens de payer le prix
d’un billet pour un vrai cinéma avec air conditionné. Notre projet est plus populaire et le climat s’y prête.
Propos recueillis par Marc Pahud le vendredi 24 août 2012 à Lausanne, jour de la projection de La
ème
Pirogue au Festival Cinémas d’Afrique 2012 (7 édition)