Crépuscule by Branco Juan
Crépuscule by Branco Juan
Crépuscule by Branco Juan
Voilà donc l’élément révélé par l’ouvrage Mimi et que, par pudeur, le
petit Paris n’osait point faire connaître jusque là au reste du pays, y
compris le plus grand journal de France, Le Monde, ce grand
quotidien qui se targue pourtant d’une indépendance à toute
épreuve.
Cet élément est le suivant, et se décompose en deux temps : Xavier
Niel et Emmanuel Macron sont amis longue date, et le premier a
mobilisé sa fortune et son réseau pour faire élire le second alors que
celui-ci était encore un parfait inconnu. Que Xavier Niel soit le
propriétaire du groupe Le Monde, mais aussi de l’Obs et possède des
participations minoritaires dans la quasi totalité des médias français
n’étant pas détenus par un autre oligarque, y compris Mediapart,
n’est probablement pour rien dans le fait que nos journalistes, fort
pudiques, n’aient jamais révélé leurs liens, et a fortiori que ces liens
auraient nourri la mise à disposition de certaines de ses ressources
au service de M. Macron, qui auraient dû être comptabilisés en argent
comptant. Pourtant, cette mise à disposition remonterait a minima à
l’orée des années 2010. Soit entre trois à six ans avant l’élection de M.
Macron.
L’élément n’est pas anodin. Outre l’évidente infraction au code
électoral et aux réglementations sur les frais de campagne
qu’implique la mise à disposition des moyens d’un milliardaire à un
candidat sans déclaration quelconque, rappelons que la fortune de
Xavier Niel est directement dépendante des décisions de nos
gouvernants – il suf irait à l’État de retirer les licences téléphoniques
octroyées à Free pour que sa fortune s’effondre immédiatement. Sa
dépendance à l’égard du pouvoir politique, immense, est d’ailleurs
telle que François Fillon aurait décidé de l’octroi d’une licence
téléphonique à Free – faisant exploser la capitalisation boursière de
Free, dont M. Niel est propriétaire à plus de 50% encore – dans le seul
but d’« emmerder » Nicolas Sarkozy (décidément).
En effet M. Sarkozy détestait M. Niel, qui le lui rendait bien, l’amitié
que le premier vouait à Martin Bouygues, qui voyait son empire
trembler du fait du second, n’y étant pas pour rien.
M. Fillon, dans sa guerre larvée à l’encontre de celui qui l’avait
nommé, avait trouvé là matière à vengeance, et peut-être, à faire
trembler l’un des appuis de celui qu’il trahirait.
*
L’on comprend bien l’importance qu’a pour M. Niel de plaire aux
élites politiques et technocratiques de notre pays, et dès lors, de se
constituer en oligarque en investissant dans la presse a in de
s’assurer que ces hommes politiques lui prêtent une in luence sur
laquelle il pourra jouer – exactement comme le fait son adversaire M.
Bouygues avec le 20H de TF1, y invitant les dirigeants de notre pays
selon leur capacité à servir ses intérêts5.
M. Niel prend de fait un in ini plaisir à déjeuner avec tout jeune
intrigant qui lui montrerait son intérêt, pour peu qu’il soit passé par
l’une de ces fabriques à élite qui vous garantissent un destin doré –
Polytechnique, l’Ecole Normale supérieure ou encore l’ENA6. Il invite
et toise alors ces camarades de cordée7 en un restaurant proche de la
Madeleine, leur fait tout un numéro visant à leur donner
l’impression qu’ils pourraient s’allier, et s’assure du maintien de
liens cordiaux qui par la suite il n’hésitera pas à mobiliser. Ainsi,
plusieurs centaines de haut-fonctionnaires ont été déjà curieusement
in luencés, à l’heure où ces lignes sont écrites, en une période où la
chair est encore tendre, et les idées mal formées.
Tout cela est su et connu par quiconque participe à ce landerneau
politico-médiatique qu’est le petit Paris. L’on s’étonne dès lors qu’il ait
fallu attendre septembre 2018 pour que les liens entre l’un des plus
importants oligarques de notre pays et son Président aient été
révélés. Non pas seulement en ce qu’ils étaient à connaître pour
contrôler les éventuels con lits d’intérêts et interventions dans
l’espace démocratique que M. Niel aurait pu mettre en œuvre, mais
aussi en ce qu’ils auraient permis de lever un voile sur l’immaculée
conception qui it miracle lors de l’élection de Macron. Aurait-on
identiquement voté, si l’on avait su que ce jeune admirable, touché par
la grâce et sorti de nulle part par la seule force de son talent, était en
fait propulsé par l’un des hommes les plus puissants et les plus
in luents de France, dont on se doute qu’il n’agissait pas sans intérêts,
avant même qu’il ne fut aux Français présenté ?
*
Bien sûr que non. Et pourtant, alors que l’affaire était sue, l’on s’est
tu. Personne n’a moufté. Il aura fallu attendre qu’au détour d’un
ouvrage où il n’est affaire de l’un et de l’autre qu’en deux petits
chapitres, un an et demi après cette élection et quatre ans au moins
après leur première rencontre, pour que l’information soit révélée –
et reprise, discrètement et sans commentaires, par une journaliste du
Monde pourtant bien au fait de ces affaires, une certaine Raphaëlle
Bacqué.
L’on s’étonne d’autant plus que c’est bien chez Xavier Niel, au sein de
la très vantée Station F – construite à Paris avec l’appui de la maire de
Paris, Anne Hidalgo, auprès de qui Xavier Niel a introduit son missi
dominici Jean-Louis Missika, compagnon de route de Free depuis la
première heure et nommé opportunément premier adjoint d’une
Maire dont le second adjoint, Christophe Girard, est parallèlement
employé d’un autre oligarque, Bernard Arnault, dont nous
reparlerons – ; c’est donc au sein de cette très vantée Station F
construite à l’aide de la puissance publique et pourtant toute dédiée à
la gloire de Xavier Niel qu’Emmanuel Macron a été accueilli à
plusieurs reprises et a même parlé de ces « riens » que l’on croiserait
dans les gares, ces citoyens réduits, contrairement à lui et à ses
acolytes, à prendre RER et métro.
Le citoyen mal-informé avait pu penser qu’il s’était agi, en ces
multiples visites et monstrations d’affection et de soutien que M. Niel
et M. Macron avaient échangé, en des lieux qui, de l’école 42 à la
Station F, semblaient avoir pour objectif de servir le bien commun et
non leur in luence et réputation, d’un pur et bienheureux hasard.
Mais les journalistes, alors même que M. Niel se vantait dans le tout
Paris d’aimer et chercher à faire élire, puis soutenir son ami ? Alors
même qu’ils étaient au courant de l’appui que la puissance publique
avait donné à la mise en œuvre de ces plateformes, qu’ils voyaient bien
les dif icultés que pouvaient causer l’organisation de ces simili-
meetings, démonstrations de force hyper-contrôlées mises en scène
avec une apparence d’insouciance pour moderniser l’image de M.
Macron, donner l’impression qu’il était l’incarnation du nouveau,
susciter par là-même la con iance de ses congénères les plus inquiets
de ces révolutions qui en inquiètent tant ?
*
N’en restons pas là, bien que le fait seul que cet élément soit tout ce
temps resté masqué suf ise à interroger l’intégrité de notre espace
médiatique et la santé démocratique de notre pays. Car il se trouve
que nos confrères s’aventurent quelque peu plus loin. Ils ne se
contentent en effet pas, l’air de rien, de nous apprendre que deux
êtres liés par la pègre et restés proche de celle-ci se sont alliés pour
faire élire un inconnu à la Présidence de la République, mobilisant
fortune et réseaux pour le faire connaître et l’imposer aux Français,
dans l’idée qu’il serve leurs intérêts.
*
5 https://fr.news.yahoo.com/xavier-niel-free-accuse-bouygues-faire-lobbying-grâce-133915069.html
6 Ce fut notre cas, en janvier 2014, date à laquelle il nous annonça qu’un jeune secrétaire général adjoint de la République
deviendrait Président.
7 car oui, M. Niel, contrairement à ce que raconte une légende fabriquée avec l’aide de Mimi, est bien participe de ce
système, en bon héritier d’une bourgeoisie confortable qui le fit inscrire en l’une de ces classes préparatoires d’élite
scientifique, distorsions de l’école républicaine qui sacrent et consacrent les plus jeunes héritiers de notre pays.
Il se trouve que l’affaire a si bien marché que l’on ne s’étonnera dès
lors pas que le directeur de la rédaction de Paris Match – nommé
suite à la destitution du précédent sur demande de Nicolas Sarkozy –
devant être démissionné à l’été 2018, ne le fut pas par la grâce d’un
appel de Brigitte Macron à l’homme à tout faire d’Arnaud Lagardère,
Ramzy Khiroun, appel effectué sur demande de Mimi Marchand, qui
craignait de perdre là son principal relais, et la principale source de
ses inancements. Brigitte Macron savait ce qu’elle avait à perdre en
perdant Mimi Marchand. C’est pourquoi quelques jours plus tôt avait
été proposé le recrutement de Mimi Marchand à l’Élysée aux services
administratifs du palais, qui avaient rechigné. Arnaud Lagardère, lui,
acquiescerait.
Pourquoi cela n’est pas dit dans l’ouvrage Mimi, comme il n’est pas dit
qu’Arnaud Lagardère a été le client – failli - d’Emmanuel Macron, et
que M. Khiroun et ses berlutti en a été le missi dominici ? Parce que
l’éditeur de cet ouvrage, Grasset, est propriété d’Hachette, qui a été
racheté par une holding nommée Lagardère Active, dont le
propriétaire est un certain Arnaud Lagardère, et dont le directeur
effectif est un certain Ramzy Khiroun.
Mais cela va plus loin : ce que nous avons découvert, c’est que ces
Unes de presse ont été vendues par Mimi Marchand à des magazines
détenus pour grande partie par des oligarques qui avaient été en
liens d’affaires avec le futur Président de la République
spéci iquement. Qu’il y a tout à penser que cela a été fait parce que
tous y trouvaient intérêt, et non seulement parce qu’ils étaient séduits
par la couleur des yeux du futur Président et la beauté du couple qu’il
formait avec Brigitte Macron.
Et cela, nous l’apprenons alors que nous savons par ailleurs que ces
magazines ont accepté, et cela sans que personne ne s’en offusque
vraiment – c’est-à-dire lui donne une importance suf isante pour le
faire censurer – de publier des « fausses exclusivités » et des «
fausses paparazzades » fabriquées de toutes pièces par l’agence de
Mimi Marchand, Bestimage.
Qu’en somme, M. Macron a été présenté sur papier glacé tout en
prétendant qu’il ne le voulait pas et n’y pouvait rien, et que les
Français, croyant découvrir des images spontanées, ont découvert
des images fabriquées, fabriquées et inancées par certains des
hommes les plus puissants de France pour leur présenter un couple
idéal qui servirait leurs intérêts.
Revenons-en aux faits. Voilà que ceux que nous venons d’exposer
issurent quelque peu l’image du jeune premier aux blondes tempes et
yeux azurés qui, venant du rien, aurait conquis le pays par la seule
force du mérite et l’amour passionnel dont sa brillante femme
l’entretenait. La pureté du nouveau monde d’Emmanuel Macron,
courageux jeune homme capable de voler et d’épouser une femme
plus âgée que lui, fait qui fut souligné jusqu’à la nausée par une
presse creuse et évidée, en prend un coup, et le lecteur honnête
s’étonne de ne pas avoir été mis au courant de ses liens d’amitié et de
vassalité plus tôt.
Continuons, car ce n’est pas le seul fait qui, sut, n’a pas seulement été
masqué, mais que l’on s’est appliqué à ne pas relier à d’autres faits
a in de permettre aux tiers, aux citoyens, de comprendre ce qui, dans
l’arène politique, se jouait. Rappelons à ce stade que M. Arnault, qui
est par ailleurs un grand propriétaire de médias – sans raisons
prétendrait-il là aussi – est aussi le premier annonceur de France.
Qu’il détient par cela un droit de vie et de mort sur n’importe quel
média. Qu’il n’a pas hésité à faire retirer des publicités des quotidiens
qui lui déplaisaient – les menaçant ainsi de faire faillite, a in de leur
faire comprendre ce qu’ils auraient à payer si jamais ils décidaient de
s’y attaquer. Qu’il est par ailleurs ce même Bernard Arnault qui,
détenteur d’une fortune permettant de faire vivre plusieurs nations, a
voulu s’exiler iscalement pour favoriser l’héritage de ses brillants
enfants – et s’indigna qu’on le lui reprocha. Qu’il est en in celui-là
même qui a recruté l’ancien directeur des services secrets de notre
pays, celui-là même qui n’hésita pas à af irmer il y a quelques temps
qu’il regrettait de ne pas avoir, au long de sa vie, gagné plus d’argent.
Ce même Bernard Arnault qui fait et défait les princes et dont,
étrangement, vous ne savez rien des compromissions et corruptions,
liens d’in luence et relais invisibles, af idés et hommes de main dont
il use et dispose depuis des décennies .
Sur cet être, l’un de ces autres faits « connus du tout Paris » et
pourtant masqués au reste de la population au prétexte que cela ne la
concernerait pas, n’est pas anodin, et nous allons voir pourquoi. L’un
de ces faits qui ne présenterait pas le moindre enjeu démocratique
et justi ierait d’être tenu éloigné des « gens », fut cependant
exposé par un certain Jean-Jacques Bourdin lors du fameux entretien
du Trocadéro qu’il mena avec M. Plenel face au Président. Sous les
regards attentifs de tout le pays, M. Bourdin se permit alors
l’indécence : à savoir révéler que le principal béné iciaire en France
des politiques iscales mises en œuvre par Emmanuel Macron
entretenait avec sa femme et avec lui des rapports intimes, qu’il était
en somme leur ami, et que le principal béné iciaire dont nous parlons
n’était rien moins que… Bernard Arnault.
*
Comment cela se fait-il en somme que l’ensemble de nos délégataires,
qui béné icient de par leur fonction d’abattements iscaux, de
privilèges légaux et réglementaires, ceux dont dépend le
fonctionnement de la démocratie représentative, nos journalistes, se
soient tus ou ait préféré esquiver toutes ces années ces faits –
prétendant qu’il y aurait là un geste idéologique alors qu’il s’agit
d’interroger une indéniable corrélation, pour ne pas dire causalité –
mais aussi une fois que le fait fût révélé, ils se soient indignés qu’il le
fut, plutôt que de s’être lancé sur leurs téléphones et ordinateurs
pour harceler leurs interlocuteurs et ainsi s’assurer que démocratie
n’avait pas été pervertie, que probité et intégrité étaient respectées,
que nos valeurs les plus fondamentales étaient protégées ? Pour tout
simplement, faire émerger la vérité ?
Se pourrait-il là encore qu’entre Bernard Arnault et son gendre, entre
leur pouvoir publicitaire et leurs propriétés, ajoutés aux réseaux de
pouvoir qu’ils entretenaient, ces êtres aient créé une telle oppression
que sa conscience s’en soit diluée, faisant naître un conformisme de
tout instant, puisque de toute façon, les journalistes se savent
maintenant ne plus devoir à la société mais à leurs propriétaires, à
des annonceurs plutôt qu’à leurs lecteurs, qui comptent toujours
moins dans leur business model ? Se pourrait-il que l’on comprenne
ainsi comment peu à peu la fabrique de l’information en France s’est
effondrée, acceptant avec toujours plus de naturel l’aberrant, faisant
s’amollir jusqu’à laisser s’effondrer la société, emprise dans la
mélasse d’un sentiment de pourri généralisé, alimenté non pas par la
vigueur de la presse, mais au contraire par son incapacité à dénoncer,
à se défaire de ces liens incestueux qui partout ne cessent de se
déployer ?
Se peut-il qu’au fondement de cette dégradation, de cette perte
absolue d’énergie qui transforme les journalistes en zombies, se
trouve leur asservissement littéral aux mains de quelques
milliardaires ayant un tel pouvoir qu’ils n’ont même plus besoin d’en
user, se contentant ponctuels de faire taire, acheter, intimider, ou
simplement désintéresser un quelconque journaliste ne voulant voir
sa carrière s’achever, pour chez tous les autres, construire un
impérieux besoin de conformité ?
Pourquoi a-t-on attendu que le peuple se soulève pour commencer,
en in, sincèrement, à dénoncer ce qui jusqu’ici apparaissait naturel –
des politiques iscales brutalement injustes, produites au service de
quelques-uns – si ce n’est que quelque part, un asservissement
conscient ou inconscient s’est installé ? Où sont les dizaines de Unes
faisant miroir à celles qui vantaient les mérites intimes de M. Macron
et de sa femme, interrogeant ses liens avec Messieurs Niel et Arnault,
qui auraient dû paraître au lendemain de la publication de Mimi, la
veille lorsqu’il décidait de supprimer l’ISF sans à aucun moment
l’argumenter, lors de la loi sur le secret des affaires ? Où est donc
passée cette absence de pudeur qui amène tout le monde à parler de
la vie privée des puissants lorsque celle-ci leur dessert, lorsque ces
derniers en décident, et à se taire dès qu’elle pourrait les gêner ? Où
sont ces photographies et ces papiers chargés de décortiquées non
pas ses yeux bleus, mais les relations d’intérêt qu’il entretient et
entretenait ? Non pas ici et là une enquête, mais partout et en tout
temps, des dizaines de Unes et de reportages, systématiquement
agressifs et mis en avant ?
Pour s’assurer que tout cela n’est que fantasme, forcer M. Macron à
démontrer ce que tout le monde sait : qu’il n’est évidemment que
blanche colombe, qu’il n’y a rien à suspecter, que tout cela a été
soigneusement compartimenté ?
Une fois le fait relationnel établi – et il le fut –, nous serions allés plus
loin. Outre l’interrogation sur le lien existant entre ces fréquentations
et les biais politiques de M. Macron, n’aurions-nous pas eu à chercher
les compromissions et con lits d’intérêts qu’elles pouvaient susciter ?
D’aller chercher en ces espaces protégés, ces non-lieux de la
République qui en certains arrondissements de Paris, fabriquent
toutes les compromissions, les données permettant de prouver les
interventions dans l’espace public de ces oligarques en faveur de leurs
protégés ? Les recrutements et défonctions, les interventions
factuelles dans leurs vies et celles de leur proche, ce que l’on nomme
corruption ?
Il ne serait alors plus seulement agit de se demander depuis quand
donc M. Macron était devenu ami du couple le plus fortuné de France,
ni comment l’on accédait à ces individus, contre quelle engeance
obtenait-on leur estime – puisqu’il n’y a, dixit Xavier Niel, et l’on
commence à comprendre le sens de sa phrase, nulle amitié en ces
rapports, ce qui veut dire, de sa propre admission, qu’il n’y a que des
intérêts – alors que l’on est censé être un gentil gamin d’Amiens, venu
perdu seul à Paris, fuyant l’oppression familiale pour se construire
son destin pour un amour tant de fois magni ié ?
Et quel est le lien entre le fait que cette fable ait été fabriquée pour
être contée au grand nombre, et le masque qu’immédiatement elle
faisait porter sur les relations que nous venons de mentionner ?
Etait-ce une pure corrélation, où y avait-il justement volonté de
masquer l’un en mettant en scène l’autre ? S’agirait-il en somme, dès
le départ, d’une fabrication ?
Et n’aurait-il pas fallu alors s’indigner, ou a fortiori s’excuser, d’avoir
parlé de ce gentilhomme de province qui, projeté sans le sous dans
Paris par le fait d’un amour brisé, s’était dévoué au bien commun suite
à de brillantes études avant d’être propulsé aux plus hautes
responsabilités de l’État, sans ne jamais s’être compromis, prêt à tout
pour se sacri ier ? N’était-ce pas là l’histoire que, de Paris Match à
France Télévision, des journalistes par centaines avaient raconté,
dépensant des millions laborieusement arrachés à la société pour
mettre en scène documentaires, récits, enquêtes et portraits relayant
non pas la réalité, mais une fable fabriquée ?
Cet être en fait appuyé – nous n’oserions dire fait – par quelques
puissants en quête de relais, à un moment où tous les candidats du
système s’effondraient, n’avait rien de l’innocence que l’on clamait. Et
il ne faudrait pas s’excuser de l’avoir pitoyablement prétendu ?
L’on entend déjà s’indigner tous les petits soldats du régime, ces
journalistes qui ne se contentent pas de placer leur indépendance au-
delà de tout soupçon, mais accusent, face à qui leur présente les faits
exposant leur compromission, de complotisme ces mises en doute de
leur intégrité – comme si cela avait, face à l’évidence de leur échec, un
quelconque intérêt ! Ceux-là même qui passent leur journée à arguer
de leur absence de servilité tout en ne se trouvant jamais en
désaccord avec l’ordre ; écrasant de leur morgue et mépris les
dissidents qui oseraient les questionner ; tous ceux-là qui, tout en
clamant leur liberté, n’auront cessé de cacher pendant cette période
ces faits, et qui, par leur récit avarié de la campagne présidentielle,
portent une immense responsabilité dans l’effondrement du régime
auquel nous sommes en train d’assister.
L’on entend les indigner, mais on ne peut, à ce stade, que les mépriser.
Car ces êtres ont démontré qu’on ne pouvait leur faire con iance. Soit
du fait de leur bêtise crasse – incapacités à l’intelligence minimale qui
rend politique un rapport d’amitié entre un oligarque détenant des
moyens d’agir sur le réel supérieurs à ceux d’un État et un Président –
soit de leur compromission.
Non, rien de tout cela ne fut fait. L’on préféra au contraire s’étrangler
face à l’exposition de ce fait, croire aux explications de M. Macron – sa
prétention, contre toute évidence, de ne pas avoir d’amis, et contre
toute évidence supplémentaire, d’avoir agi rationnellement en
supprimant l’ISF là où tous les experts et les études le contredisaient.
L’on préféra s’indigner contre celui qui tout cela tentait d’exposer,
alors pourtant que l’on découvrait dans le même temps que la
première fortune de France, M. Arnault, était bel et bien invité
d’honneur par M. Macron au dîner d’Etat donné par Donald Trump
quelque temps plus tôt. Mais, en in, après tout, cela relevait
probablement du hasard, et encore : en quoi, si cela se véri iait, cela
devrait intéresser le public ? Nous y revenions, l’ordre trouvant
toujours à justi ier sa lâcheté pour ne pas avancer. Après tout,
qu’importait, quelques milliards par ci, quelques milliards par là ? Le
politique n’était-il pas affaire d’empirisme, ne fallait-il pas les laisser
essayer, et qu’importe si entre temps l’on dégradait pour ce faire la vie
de millions de gens ?
Notre président n’avait-il pas en somme eu pour seul tort, pendant
l’entretien du Trocadero, de s’être montré embarrassé d’un fait
insigni iant, et d’avoir nié l’existence d’une amitié somme toutes
naturelle ? Voilà l’argument que suivraient, une fois tous les autres
épuisés, les soldats du système, dans le but non plus de convaincre,
mais de s’apaiser et de se tranquilliser. Voilà où mène la
compromission.
Avançons cependant car nous n’y sommes pas tout à fait, et vendons
la mèche : tous ces éventrements indignes ne sont encore rien, et vont
nous mener à un point de synthétisation.
Rappelons donc à ce stade qu’un ouvrage nous a permis de découvrir,
en septembre 2018, c’est-à-dire « seulement » un an et demi après
qu’une campagne présidentielle censément démocratique et rendue
transparente par une presse indépendante et féroce ait permis au
peuple de se choisir ses dirigeants, que Michèle Marchand, alias Mimi,
femme de peu de bien, dégradante par tous aspects, étant passée de
la prison et de plus basses œuvres encore, à devenir de facto et dès
2016 conseillère en communication d’un inconnu qui deviendrait
Président. Qu’elle a agi avec l’appui d’un obscur homme de main et
d’un oligarque délinquant repenti, avec l’appui d’un autre oligarque et
de l’homme le plus puissant de France, utilisant pour cela des réseaux
qui tiennent pour certains à des ma ias et pour d’autres au plus
profond de l’Etat – nous invoquerons plus tard le cas Squarcini ; le
tout pour, par un matraquage médiatique inédit, faire découvrir et
consacrer un individu sorti de nulle part qui appliquerait des
politiques extrêmement favorables à ces individus.
Que ce matraquage médiatique n’a été compensé, contredit, par
aucune enquête sérieuse, si ce n’est celle de M. Endeweld, alors
journaliste indépendant. Un seul journaliste.
Que ce matraquage s’est doublé, ou a nourri, par suivisme et
conformisme, des centaines d’articles élogieux, parfois prétendant
seulement à une inatteignable objectivité, chez des journalistes
sérieux et inconscients de ce qu’il se jouait, mais aussi de
documentaires et de mises en scènes diverses - on se rappellera
notamment les meetings à moitié vides présentés comme glorieux,
ou les proses poussives présentées comme brillantes, ou encore les
propositions programmatiques inexistantes justi iées au nom du
pragmatisme et de l’intégrité.
Car l’on sait bien la nature grégaire de l’être humain, et ses dif icultés,
face à un phénomène que tous présentent comme naturel et de
masse, à préserver son jugement.
L’on a donc a appris que ce matraquage avait été le fait entre autres
d’un oligarque, Xavier Niel, lui aussi donc délinquant condamné,
détenteur d’une septième fortune de France dépendant de l’État et
ayant pour cela béné icié de l’appui établi d’un homme politique ;
oligarque qui a décidé, après avoir racheté les plus importants
médias du pays, de se mettre au service d’un jeune premier pour
l’aider à se faire connaître et consacrer.
Puis, par nos soins et non plus par ceux de nos enquêteurs qui ont dû
taire un certain nombre d’informations pour des raisons évoquées et
d’autres qui seront à évoquer, que ce même Xavier Niel était le gendre
de Bernard Arnault, première fortune de France, que ce même
Bernard Arnault connaissait intimement Brigitte et Emmanuel
Macron depuis une période indéterminée, que cela se savait, que cela
n’avait pas été dit, et que M. Arnault, outre les avantages iscaux que
M. Macron lui octroierait par loi plutôt que par exception – cela se
serait trop rapidement vu – avait béné icié pendant la même période
des services de la même personne que lui et M. Niel pour façonner son
image auprès des Français. Et que donc la conseillère en
communication de deux des plus puissants oligarques de France était
aussi celle du Président de la République, et l’avait servi «
gratuitement » sans que personne n’en sache jusqu’en septembre
2018 rien, le tout sans contrat écrit, en topant – le tout alors que M.
Macron faisait payer à des millions de Français des politiques iscales
qui ne servaient que les premiers, et que M. Lagardère couvrait tout
cela en autorisant ces politiques de communication.
Mais continuons notre procès, car nous n’en avons pas ini avec nos
révélations. De la même façon que l’on ne devient pas milliardaire
sans raison, l’on ne devient pas président n’importe comment. Cela
est évident. L’exceptionnalité de la fonction qui consiste à diriger un
pays nous fait trop souvent penser qu’elle serait le fruit de
l’exceptionnalité de la personne qui s’en est saisie. Or certains
mécanismes de cooptation et de corruption jouent bien plus
fortement que les qualités que l’on croit intrinsèques et nécessaires à
la direction des peuples. Et Xavier Niel, qui a décidé - comme Bernard
Arnault10 - d’investir sa fortune dans les médias et pour alimenter ses
réseaux, le sait bien. On ne fréquente pas Mimi Marchand sans raison.
Bien entendu, l’être naïf pourrait le penser. Il faut alors à nouveau le
rediriger vers l’ouvrage que nous citions, Mimi, et qui révèle dans la
suite de M. Endeweld que Xavier Niel, avant de proposer aux «
Macron » de coopérer avec Michèle Marchand, avait offert à ces
derniers d’utiliser ses « réseaux » pour tenter de véri ier et
d’éventuellement faire taire une information.
Nous parlons bien là oui du plus important détenteur de titres de
presse du pays. Celui-là même qui a mis la main sur Le Monde et
quelques autres journaux, tout en prétendant ne jamais intervenir
dans leur contenu. Nous parlons bien là du futur Président et de la
future première dame, Monsieur et Madame Macron, qui acceptèrent
ce service, et par là-même, déjà, acceptèrent de s’asservir à un tiers
qui leur devenait tout puissant, devenant redevables d’un fait qu’il
pourrait à tout moment réutiliser, se liant à jamais à sa capacité à les
faire chanter.
Tout cela, on prétend le découvrir, mais c’est une façon de parler. Car
la toute-puissance à ses défauts, et si Xavier Niel, m’annonça en
personne dès janvier 2014, alors qu’Emmanuel Macron n’était que
secrétaire général adjoint de l’Elysée et inconnu du grand public, qu’il
deviendrait Président de la République, alors on peut imaginer que je
ne fus pas le seul à être mis au courant. Et qu’il y aurait eu tout intérêt
à, dès ce moment là, le faire savoir, pour prévenir tout con lit
d’intérêt, et comprendre d’où venaient toutes les marques d’estime
qui recouvriraient l’intrigant concerné.
Là où le fondement même de notre système démocratique a été
atteint, la presse se contente de relever liens de corruption ou de
dénoncer stratégies iscales erronées. Personne ne semble se
troubler que l’on continue à dire que M. Niel, la famille Arnault et les
Macron se seraient rencontrés pour la première fois six mois après
que M. Niel m’ait indiqué que son ami Emmanuel Macron deviendrait
Président de la République, et qu’ils l’auraient fait – comble de
l’absurdité – lors d’un dîner à New York ou Los Angeles, information
que tous, sans ne l’avoir jamais véri iée, ne cessent pourtant de
relayer depuis que M. Bourdin a forcé les journalistes à faire
semblant de s’intéresser à ces sujets, comme pour mieux, tout cela,
étouffer.
Personne ne cherche, sur tout cela, alors que pour la première fois,
un pouvoir s’est institué en une grossière et évidente oligarchie, à
véritablement enquêter.
Vous saturez ? Et pourtant, cela n’est pas tout ! Et ce n’est même que
le début. Car le beau-père putatif de Xavier Niel, Bernard Arnault, qui
s’est permis le luxe de recruter le tout puissant ancien directeur des
services secrets du pays, Bernard Squarcini, au sein de LVMH pour en
faire son « monsieur sécurité » – ce même M. Squarcini qui continue
d’appeler ses anciens subordonnés pour leur demander des
informations sur telle ou telle personne, et qui pour cela s’apprête à
être condamné, car les magistrats du siège sont peut-être le dernier
corps de fonctionnaires « d’élite » à ne pas avoir été absorbés par
l’oligarchie –, Bernard Arnault donc, a mis au service du Macron
candidat son appareil de sécurité pour compléter la protection que
lui offrait médiatiquement, via son gendre Xavier Niel, Michèle
Marchand. Cela est certes plus intéressant que de savoir que LVMH
habille Brigitte Macron – de bonne grâce – mais étrangement, c’est la
seconde information et non la première qui ne cesse d’être racontée
– sans que personne ne trouve d’ailleurs à s’en indigner.
Pourtant, s’interroger sur et dénoncer le fait que notre première
dame se soit muée en enseigne publicitaire mouvante pour LVMH et
LVMH exclusivement, abusant en cela de ses fonctions, créant un
con lit d’intérêt évident, pourrait être un premier pas. Un premier pas
qui aurait permis de remonter aux basses œuvres de M. Squarcini,
mais peut-être au-delà. Qui aurait amené à s’interroger, et dès lors
découvrir, que M. Arnault connaissait en fait Brigitte Macron bien
avant Xavier Niel, qu’il a en fait présenté M. Macron à Xavier Niel, par
la grâce de Brigitte Macron qui s’était faite la professeure de ses
enfants au sein du très sélectif et fermé lycée privé Franklin, temple
de l’oligarchie où se forment les héritiers de l’élite du pays ; et que
c’est en fait bien Bernard Arnault, via Delphine Arnault, et non
l’insigni iant Pascal Houzelot, comme le prétend l’ouvrage Mimi - qui
a fait se connaître Xavier Niel et Emmanuel Macron en premier. Et
l’on comprend donc que non contents de cacher des informations, nos
joyeux impétrants du landerneau médiatique s’amusent à en relayer
des fausses pour cacher les réseaux, compromissions et con lits
d’intérêt qu’ils prétendent exposer et contrôler.
Rions jaune, et pensons plutôt aux télés ou radios publiques, dont les
directeurs sont nommés par le pouvoir politique – indirectement
certes, en ces affaires, l’on aime à rester pudiques, même s’il l’on ini
par nommer, comme à RadioFrance, une camarade de promotion – et
dont nous venons de montrer comment l’un des piliers de
l’information compromettait l’intégrité du groupe pour servir son ami
président et se venger de sa Présidente – où jamais la plus brillante de
ses investigatrices, Elise Lucet, ne s’est attaquée à ces sujets. Au
Parisien ou aux Échos, chez Bernard Arnault, à Vanity Fair, qui publie
des articles de commande et qui coulerait immédiatement si ce
dernier cessait de le inancer ?
A Canal + ou chez C8, chez Vincent Bolloré à qui Macron con ia part
de sa communication alors qu’il était ministre de l’économie via
Havas – avant qu’Hanouna, pilier capitalistique du groupe, n’en
devint le meilleur relais, l’invitant régulièrement à communiquer par
téléphone lors de ses émissions ? A TF1 ou TMC, chez Martin
Bouygues, là encore compromis jusqu’aux ongles et dépendant de la
commande d’État ? Au JDD ? Là où Gattegno a montré toute sa
capacité à servir ceux qui plaisaient à son propriétaire, un certain…
Arnaud Lagardère !
L’on tremble parce que soudain, l’on commence à se sentir
étrangement seul et bizarrement encerclé, pour peu que l’on ne serve
nul intérêt, ou nul relais qui pourrait un jour être, par l’un de ceux-là,
mobilisé. Ce qui apparaissait comme un paysage pluraliste, empli de
journalistes courageux et indépendants, ou du moins suf isamment
nombreux pour se faire concurrence et éviter ainsi de trop grandes
compromissions systémiques, n’apparaît plus, lorsque l’on tente d’y
avancer à sec, que comme un putride espace où la peur et
l’incertitude, l’asymétrie règnent pour écraser toute diction de
l’information qui ne servirait pas l’un des appareils de pouvoir en
place, réduisant notre espace public de façon à ne le permettre de
relayer que des interdisant toute compréhension globale du système
en question.
Car il faut l’admettre : en tous ces lieux, l’on peut faire fuiter part de
la vérité. Ainsi le rival de M. Arnault, M. Pinault, a-t-il fait publier au
Point les bonnes feuilles de l’ouvrage étrillant le protégé du premier,
quelques temps après que Raphaëlle Bacqué publie un portrait
élogieux – pour ne pas dire transi – de ce dernier. Mais en aucun de
ces lieux peut-on véritablement exposer les compromissions
auxquels tous, d’une façon ou d’une autre, ne cessent de se livrer.
Ainsi même au Monde, où Ariane Chemin peut se permettre le luxe de
révéler l’affaire Benalla, init-on par nommer une journaliste sans
aucune expérience sur ces sujets, Virginie Malingre pour couvrir
l’Elysée, celle-là même qui avait été nommée par Louis Dreyfus à la
direction du service économie sur instruction de Xavier Niel, pour
s’assurer que celui-ci s’épuiserait sans ne jamais rien révéler.
L’on nous dira que l’on exagère. Il y a bien des radios. Puisque le
service public a les problèmes que l’on sait, peut-être Europe 1 ?
Lagardère, encore ! RMC ? Alain Weil, c’est-à-dire, depuis quelques
années Patrick Drahi, Alain Weil qui est par ailleurs comme on le
montrera, via sa sœur, intime de la macronie. RTL, qui appartient à
M6, l’un des principaux partenaires de Mediawan, le fond
d’investissement dans l’audiovisuel de Xavier Niel ? Bon. Disons que
cela pourrait se faire, suite à un contact qu’il faudrait encore établir,
pour peu qu’aucun des dirigeants ne craigne de s’exposer aux
regards de leur pair ainsi dénoncés. Et alors la grande question : qui
d’entre eux en parlerait, et lancerait en in le grand débat que l’on
attends toujours sur ces questions ?
Après avoir parcouru en pensées l’ensemble de l’espace médiatique
français, s’être arraché les cheveux, l’on pense à des éditeurs.
Puisqu’une chronique disparaîtrait immédiatement, engloutie dans le
fatras de l’information produite au quotidien, un ouvrage permettrait
au moins de faire un point sur la situation. Fayard ? Mais Fayard a été
racheté par Hachette, c’est-à-dire par Arnaud Lagardère, dirigé
effectivement par ce même Ramzy Khiroun qui est intervenu pour
protéger Mimi Marchand à Paris Match, et dont la numéro 2 est la
femme du « grand ami » du Président, le fameux Bernard Mourad !
Grasset ? Sous les apparences de différences, le même propriétaire, la
même hiérarchie, et l’on comprend maintenant pourquoi l’ouvrage
attribuait à Marchand ce que M. Khiroun faisait, on le dit en passant,
mais il faut mesurer ce que de manque d’intégrité cela signi ie.
Gallimard ? Ils viennent de censurer Annie Lebrun, auteur historique
de la maison, parce qu’elle critiquait LVMH dans son dernier ouvrage
sur la mode. Tout lien avec la prise de participation récente de la
société de Bernard Arnault au capital de la maison n’y serait pour
rien. Un instant, pour éviter le rire cathartique ou l’atonie, l’on tente
de se dire que de tout temps… mais non, comme la plupart de nos
médias, longtemps, la maison a été indépendante, et jamais pareille
concentration ne s’était vue ! Car continuons ! Flammarion ? Racheté
par Gallimard il y a quelques années ! Actes Sud, chez Françoise
Nyssen ? Rions, jaune toujours, d’un rire toujours moins riant. Mais il y
a bien encore moult d’éditeurs indépendants. Le Seuil, La Découverte,
La Fabrique, peut-être. Certes, certes. Mais avec quels distributeurs,
et quels moyens de diffusion ? Ceux-là même qui sous la coupe des
premiers… ? Et là encore, quelle capacité à se signi ier ?
Revenons-en à la presse. Le Point alors. Mais Le Point est propriété
d’Artemis, la holding de François Henri-Pinault ! Et alors nous
répondrait-on ? N’est-il pas l’ennemi de Bernard Arnault ? N’aurait-on
à gagner en participant à ces jeux de… ? Rions, et laissons quelques
lignes plus loin expliquer pourquoi, là encore… La solitude s’accroît.
Et encore. Qui prendrait encore le risque juridique de tout cela
supporter, lorsque l’appareil juridique concernant la diffamation est
constitué de telle sorte à ne prendre qu’à la marge la disproportion
des mesures protectrices en ce qui concerne les puissants ? N’a-t-on
pas vu que cet ouvrage, qui pourtant en préservait tant, Mimi, a
manqué ici et là d’être exposé ?
Où tout cela nous mène-t-il ? A Ludovic Chaker donc qui, après avoir
été nommé à SciencesPo pour superviser le développement du
campus asiatique au Havre la même année où M. Philippe devenait
maire de la ville, avoir été le premier secrétaire général du parti de M.
Macron au domicile de l’ex-futur successeur de Richard Descoings, un
certain Laurent Bigorgne, se voit chargé par le nouveau président de
créer sa « garde prétorienne » après avoir été recruté par M.
Descoings et avoir fait le pont entre les réseaux de celui-ci et de M.
Bigorgne, dont M. Philippe, et ceux de M. Emelien. Ludovic Chaker
donc, l’alter ego d’Alexandre Benalla, arrivé au plus haut de l’Etat pour
protéger l’intimité de tous ces gens et détruire celles de ceux qui les
menaceraient, intimité élevée par la préséance bourgeoise au titre de
valeur sacrale tant qu’elle ne peut servir le pouvoir d’une façon ou
d’une autre, menaçant qui la compromettrait, alimentant le pouvoir
et par ricochet la presse pour couvrir tous ces réseaux et leurs
compromissions. Ludovic Chaker donc, au rôle obscur nous y a mené,
point de jonction rhétorique de tout cela via Ismaël Emelien, le très
discret « conseiller spécial » de Macron, ayant of icié chez Havas où il
rencontrerait sa conjointe, y travaillant encore alors qu’il ferait
attribuer à son ancien employeur, violant la loi, un marché de plus de
300 000 euros sans appels d’offre au nom du ministère de
l’économie, de notre ministère de l’Economie, pour lancer la
campagne of icieuse de Macron à Las Vegas, en un événement
multitudinaire dont le seul objectif était de marquer la presse et de
faire connaître le Président. Opération construite ex nihilo grâce à un
subterfuge dont se ferait complice Business France, agence de l’État
permettant tous ces débordements, violant à dessein la loi sur de sa
dirigeante d’alors, une certaine… Muriel Penicaud19.
Ismaël Emelien qui, cela n’a encore une fois pas été raconté,
rencontre Emmanuel Macron lors d’un voyage en Amérique La- tine
organisé par la Fondation Jean-Jaurès, fondation inancée sans raison
par la puissance publique, pour accompagner Laurent Fabius, à qui
M. Macron s’offre un premier temps, avant d’hésiter avec Fillon puis
de s’offrir à M. Hollande sur recommandation de M. Jouyet.
Fondation Jean-Jaurès alors dirigée par Gilles Finchelstein, directeur
des études à Havas, détenue par Vincent Bolloré, agence
récipiendaire des contrats que son ancien employé Ismaël Emelien lui
octroierait au nom de l’Etat une fois nommé conseiller de M. Macron à
l’Elysée, où M. Emelien travaillait en parallèle à Havas – après tout, un
mélange des genres n’en exclue pas un autre – et qui se mettrait au
service de M. Macron.
Tout cela, ces petits entre-gens et jeux de ville nous aura été dessiné,
déguisé, masqué par une presse rendue complice de façon à nous
faire croire à une fable populaire où les enjeux démocratiques, les
questions de programme et d’engagement, le choix du peuple en in
primaient d’une quelconque façon. En un système qui fut dans les
faits couvée par le triumvirat Arnault-Niel-Lagardère, chargés de
propulser des vaillants soldats sélectionnés par Emmanuel Macron,
dont M. Philippe serait le plus docile et le plus recommandé, par la
grâce notamment d’une introduction par le truchement de Taittinger
et Jouyet, parfait alliage de l’aristocratie d’Etat et la bourgeoisie du
pays cherchant en de jeunes intrigants la sève autorisant leur
reproduction, l’ensemble s’assurant de son invisibilité, puis de sa
con irmation sous forme d’élection, avec la bienveillante attention
d’une certaine Mimi Marchand et des hommes de main précités, nous
peinons cependant quelques peu à découvrir où la démocratie tend à
s’in iltrer. L’on comprend mieux maintenant pourquoi, après une
intervention cataclysmique où se jouait ce régime, lors de laquelle M.
Macron annonçait qu’il demanderait aux patrons de verser une prime
à leurs salariés, Messieurs Niel, Drahi, Levy et Richard – ce dernier
ayant été sauvé par M. Macron après avoir été conseillé chèrement
par M. Emelien, annonceraient immédiatement et de façon quelque
peu piteuse leur soutien au président en proposant une prime
exceptionnelle visant à masquer l’absurdité d’une telle proposition.
Mimi Marchand dont on découvre qu’après avoir protégé et élevé
tous ces êtres dès lors qu’ils risquaient – par l’effet d’une exposition
publique – de se trouver dénoncés, a depuis l’été 2018 pour
nouveaux clients – il n’y a en ces affaires nuls contrats, comme le
rappelle l’ouvrage dont nous parlions, mais des signatures qui se
devinent et des mots qui leurs échappent a in d’éviter toute
compromission – deux jeunes noms, Gabriel Attal et Benjamin
Griveaux, dont nous nous apprêtons maintenant à conter l’histoire,
cette fois à temps. En ces espaces, l’on ne perd pas son temps.
Il aurait fallu bien entendu, pour compléter le tableau, s’introduire
dans les réseaux de la bourgeoisie d’Amiens, l’aisance et la force du
père d’Emmanuel Macron, Jean-Michel Macron, Professeur de
médecine au CHU d’Amiens, mais surtout de la famille Trogneux, dont
les alliances plus encore que la puissance inancière ont été
déterminantes pour accompagner les débuts d’un pouvoir qui, à
travers les soutiens des baronnies locales et notamment celles de
Messieurs Collomb et Le Drian, Patriat et Ferrand, aura compensé un
temps son absence d’assise sociale par le tissage d’un réseau de
solidarité et de redistribution de prébendes crapuleux, tenant les
territoires secondaires, mais qui, n’ayant pas été institué par ce
pouvoir, se déliterait à la première dif iculté. Il aurait ensuite fallu
décrire comment, à partir de tout cela – à travers Laurent Bigorgne et
le clan Descoings, puis la revue Esprit et le groupe de ré lexion Terra
Nova, le journal Le 1 inancé par le millionnaire Henry Hermand20
pour, comme l’admettrait publiquement son directeur Eric Fottorino,
soutenir M. Macron –, l’on organiserait la mobilisation des ressources
intellectuelles, politiques et inancières autour du futur Président
pour « substantialiser son pouvoir » et faire admettre sa cooptation
aux élites secondaires, alors que tombaient ses concurrents entre
affaires de corruption et luttes fratricides éberluées. Il faudrait
raconter à chaque fois les mille et une compromissions honteuses
visant à berner le public à travers des journalistes toujours moins
indépendants, habillant cet entrelacs d’intérêts visant à propulser une
coquille vide en quelques mois sans ne jamais l’exposer, malgré les
évidentes compromissions de ces sous-élites censées nous en
protéger. Il faudrait raconter ce colloque de Terra Nova organisé à
Lyon par Marc-Olivier Padis, qui deviendrait directeur de la vénérable
revue Esprit, qui pris tant des allures de meeting qu’il lui fallut
annuler au dernier moment la prestation de Macron pour laquelle il
avait pourtant été organisé. Il faudrait en in montrer comment tous
ces réseaux secondaires chargés de faire la propagande de ce pouvoir
naissant dans l’incompréhension du public utilisèrent les ressources
de l’Etat pour le corrompre, faire des cabinets ministériels des
machines à récolter des fonds au service d’une ambition, Ismaël
Emelien utilisant les fonds de l’État non seulement pour attribuer des
contrats sans appel d’offres de plusieurs centaines de milliers d’euros
à son ancien employeur, Havas – propriété d’un certain… Bolloré -, où
sa concubine se chargeait de les dépenser au service de la
communication personnelle de M. Macron, mais aussi pour mobiliser
les six conseillers ministériels chargés de la communication de M.
Macron, confortablement payés par la puissance publique pour
organiser des événements avec M. Séjourné, conviant ensuite les
mêmes invités à des levées de fond - permettant d’obtenir de 900
personnes près de 7 millions d’euros et ainsi, en respectant
formellement la législation, propulsant M. Macron. Il faudrait les
décrire, ces Bruno Tertrais, chargés d’élaborer à la hâte un
programme destiné à vendre l’opération au grand public, interrogés
suite à l’élection par Le Monde comme des experts indépendants sur
ces mêmes questions pour juger de l’action de M. Macron…
Et en in il faudrait montrer comment tout cela a fabriqué un candidat
au service de quelques-uns, incapable d’agir de façon autonome, ni
d’élaborer une pensée, mais seulement de distribuer des prébendes,
en in : de se vendre au plus offrant, en détaillant par le menu
l’ensemble des compromissions qui, de distributions de poste en
instructions judiciaires en passant par attribution de mandats de
négociations ont permis à tout ce système de tenir à prix coûtant,
tandis que le peuple exsangue tenu loin de ces informations, subissait
et se voyait piller jusqu’à, épuisé, inir par se rebeller.
Et comment ceux-là mêmes alors dénonceraient les violences,
chercheraient à écraser moralement ceux qu’ils avaient jusqu’ici
exploité jusqu’à les essouf ler et les dévaster.
Ce que nous apprêtons à révéler, c’est donc bien la fable d’un individu
qui, né au cœur des réseaux ci-exposés, s’apprêtait à en devenir le
relais nécessaire autant qu’évidé et évidant, servant des pouvoirs
pourrissants à l’instant même où ils se seront montrés mourants. En
remontant les temps et en nous projetant en amont de la
constitution du pouvoir qui actuellement nous étreint, cette
excursion nous permettra de comprendre comment ces destins se
forment aux berceaux, ce qu’ils disent de nos sociétés, et comment
tout argument lié à une compétence ou un talent, une innéité qui dès
leur plus jeune âge aurait justi ié la stellaire propulsion qui par la
suite leur sera accordée, ne saurait être invoqué pour en expliquer les
fondements.
8 De la loi sur le secret des affaires aux privatisations en passant par la flat tax, l’exit tax, la suppression de l’ISF, la
CICE et bien d’autres dispositifs plus discrets, l’on ne compte plus les dispositifs ayant eu pour visée d’alimenter les intérêts
des individus l’ayant appuyé, créant un système d’impunité qui parallélisait une réduction des libertés publiques, via
l’intégration de l’État d’urgence dans l’état de droit et toute une série de dispositions législatives et réglementaires
régulièrement dénoncées.
9 Ce fait est le seul que nous ajoutions dans cette version actualisée du texte d’octobre 2018, tant il nous semble grossier.
10 Que l’on rappelle à ce stade être le propriétaire non seulement du plus grand conglomérat de luxe au monde, capable
par leur puissance publicitaire de tuer un média s’ils le décidait, mais aussi directement du plus important média de France, le
Parisien, et du seul quotidien d’information économique de notre pays, excusez du peu, Les Echos, après avoir achevé La
Tribune, son concurrent.
11 Philosophe « parfait », puisque n’ayant jamais rien publié, et ne pouvant dès lors, à ce titre, être jugé.
12 Nommé par la suite et de ce fait patron de Bank of America France, qui se verrait miraculeusement attribuer par le
pouvoir la gestion de la privatisation des Aéroports de Paris. Il avait été nommé, avant sa mise à disposition auprès
d’Emmanuel Macron, directeur du pôle presse du groupe de Patrick Drahi, et donc de facto dirigeant de l’Express et de
Libération, racheté par Patrick Drahi sur suggestion de François Hollande, présenté à ce dernier par Emmanuel Macron via
Bernard Mourad, afin d’obtenir la « neutralité bienveillante » de l’État dans son rachat de SFR.
13 Fait unique dans la Ve République : jamais un civil n’avait été intégré au chef d’État-major particulier de la
Présidence de la République
14 Si M. Chaker est le point de contact par le bas, M. Kohler, secrétaire général de l’Elysée, le sera par le haut. Choisi
par Macron avec l’assentiment Jean-Pierre Jouyet comme directeur de cabinet lors de son arrivée à Bercy, celui qui fut
l’adjoint du second à la direction du trésor avant de devenir directeur de cabinet de Pierre Moscovici – où il pilotera la mise en
œuvre du CICE décidée par M. Macron – est nommé en 2017 secrétaire général de l’Élysée, où il deviendra l’âme damnée de
M. Macron.
15 Qui lui avait lui-même cédé sa place à l’inspection des finances pour qu’il pût par la suite lui faire la courte-échelle et
qu’il retrouverait peu après.
16 L’affaire est encore plus signifiante si l’on y ajoute le nom d’Antoine Gosset-Grainville, pantouflard devenu avocat
ayant accueilli M. Macron lorsque ce dernier quitta le ministère de l’économie. Ce dernier, loin de vouloir créer une « start-up
dans l’éducation », se trouva au contraire prêt à se lancer en une carrière juteuse en tant que conseil auprès de grandes
multinationales afin de les aider à remporter leurs contentieux contre l’État, obtenir des mandats de privatisation, etc. C’est cet
être qui proposera formellement la nomination de M. Macron à Matignon, ce que M. Macron lui revaudra en lui proposant la
direction de la caisse des dépôts. M. Gosset Grainville refusera pour conserver des émoluments littéralement captés au
détriment de l’État.
17 Le simple aménagement des locaux a coûté 11 millions d’euros, financés par la région à hauteur de 6 millions, la
communauté d’agglomération à hauteur de 3,5 millions et la mairie à hauteur de 1,5 millions.
18 https://www.challenges.fr/challenges-soir/comment-macron-a-tres-habilement-sature-l-espace- mediatique_414866
19 Muriel Penicaud, dont on rappellera pour la forme qu’elle se trouverait récompensée en étant nommée, contre toute
évidence, ministre du travail d’Emmanuel Macron
20 Qui en finançant la vie privée d’Emmanuel Macron s’assurerait que son poulain ne se compromettrait jamais
personnellement auprès de l’un de ses protecteurs et pourrait arriver avec l’apparence d’absence de corruption à la tête de
l’État
21 Soit directement en utilisant les différents services de police et de renseignement, soit indirectement en rendant
service à des oligarques influents qui remboursaient la chose en révélant tel ou tel élément sur un concurrent.
II
16 octobre 2018. Gabriel Attal, 29 ans, est nommé par le président de
la République, sans annonce au perron, secrétaire d’État auprès du
ministre de l’éducation, en charge de la jeunesse. Sur BFMTV, au
Monde22 et plus encore à Paris Match, l’on s’émeut du parcours
fulgurant de ce jeune député des Hauts-de-Seine au teint hâlé et à
l’allure de gendre idéal. Le grand public découvre le visage de celui qui
vient de devenir le plus jeune ministre de la Ve République. Si son
nom, qui circulait dans les cagnottes depuis plusieurs mois, reste
largement inconnu du pays, dans les salons et les alcôves du petit-
Paris, cette consécration, préparée de longue date, ne suscite qu’un
bruissement de satisfaction. Une nouvelle fois, un pur produit du
système vient d’être adoubé, sidérant tous ceux qui auraient pu, à
temps, s’y opposer.
Les crimes ont toujours leurs lieux, et celui où est né notre sujet n’est
pas des moins insigni iants. Sise au sein du sixième arrondissement
de Paris, l’École Alsacienne est dirigée par un aimable homme de
droite, Pierre de Pana ieu. Pendant rive- gauche de Franklin – où
enseigna Brigitte Macron –, Sainte-Dominique et l’école bilingue,
l’Alsacienne est lieu de reproduction et de propulsion des héritiers de
l’intelligentsia culturelle de Paris, auxquels s’ajoutent au il des
promotions quelques supplétifs provenant des espaces politiques,
économiques et diplomatiques de notre pays. Sous contrat avec l’État,
l’école a le contrôle absolu sur les processus de sélection de ses
élèves et de son corps professoral, et n’est soumise à aucun quota,
qu’il soit géographique ou économique. Ainsi l’on peut s’y reproduire
et se socialiser sans crainte de contamination.
Contrairement à bien des institutions, l’objectif qui y est assumé est
celui de « l’émancipation » de ses enfants. A Paris, la concurrence,
sans être féroce, est importante entre ces institutions chargées de
capter et de propulser les héritages des plus belles familles du pays,
et chacune cherche à trouver son créneau. Alors que les villes de
province sont le plus souvent dotées d’une ou deux institutions
faisant référence – La Providence à Amiens, Fermat à Toulouse, etc –
la lutte est plus vive en une capitale où se multiplient les héritages à
préserver.
Ainsi, à quelques pas du lieu où M. Attal a fait sa scolarité, Stanislas
revendique une stricte discipline nourrie par une tradition catholique
surannée, tandis que Notre-Dame-de-Sion s’attribue les héritiers les
plus irrécupérables, se chargeant de les mener à bon port, cahin-
caha, c’est-à-dire à une diplomation minimale qui ne fera pas honte
en société. Un peu plus loin, dans l’Ouest parisien, Saint Dominique
lutte féroce avec Saint-Louis de Gonzague et la bilingue, mais aussi
outre-frontières avec le lycée Charles-de-Gaulle de Londres, pour
récupérer les grandes lignées des bourgeoisies inancières et
noblesses historiques, sous le regard attentif de Janson-de-Sailly, qui
réussit l’exploit, avec quelques autres lycées publics, dont Saint-
Louis, qui met en avant son excellence scienti ique, de tenir tête à ces
lieux de reproduction sociale en attirant les plus brillants des
garnements du seizième arrondissement. Ailleurs en in, quelques
lieux, comme le lycée de la légion de l’honneur, achèvent un tableau
par nécessité incomplet.
L’Alsacienne, insérée en cet écosystème, a dû lutter pour occuper la
place de choix qu’elle occupe aujourd’hui. Il ne s’agit pas seulement
de survivre à la concurrence des autres établissements privés, qui
tous entretiennent leur réputation avec soin, enserrant leurs élèves
d’un sens du récit et de traditions désuètes pour charmer des parents
en quête de distinction. Mais aussi de résister au solaire rayonnement
d’Henri IV et de Louis-Le-Grand, qui à quelques encablures de la rue
Notre-Dame-des-Champs où est sise l’Alsacienne, toisent insolents les
établissements de tout le pays, s’appuyant pour cela sur des
réglementations dérogatoires aussi injustes que rassurantes, attirant
à la fois les meilleurs élèves et professeurs de la nation. Il y a en in les
lycées moins impressionnants, mais qui de Montaigne à Duruy en
passant par Lavoisier et Fénelon, savent offrir à quelques pas de là
une formation à la qualité incomparable à celle du reste du pays, que
le fonctionnement en entonnoir de l’Education nationale garantit
sans peine, attirant des professeurs en in de carrière auprès d’élèves
maîtrisant tous les codes nécessaires à la réussite en notre système
scolaire, à commencer par une af inité naturelle pour des
programmes scolaires conçus par leurs pairs et à leur seule
destination.
Survivre et se distinguer en un tel environnement est une gageure.
L’Alsacienne l’a réussi tout d’abord du fait d’un extraordinaire
emplacement, au con luent des cinquième, sixième et quatorzième
arrondissements. Sur les cimes de Port-Royal, entre les rues d’Assas
et de Notre-Dames-des Champs, à quelques minutes de marche de
l’École normale supérieure, les Sorbonnes et Assas, sise en l’une des
rues les plus chères et paisibles de France, l’école offre à ses élèves un
environnement sécurisé et aisé à rejoindre par différents moyens de
transport, entouré de commerces, bibliothèques et institutions
diverses, face à un jardin du Luxembourg où il fait bon de se reposer.
Offrant la possibilité d’y faire toute sa scolarité, de la troisième de
maternelle jusqu’à la terminale, l’école pêche certes par l’absence de
prépa, du nom de ces classes post-bac réservées de facto aux plus
aisés de la République, nourries par des moyens doublant ceux des
universités et garantissant aux héritiers de la bourgeoisie sinon
l’accès à des écoles là encore sur- inancées, du moins la possibilité de
prolonger de deux ans leurs études en un environnement hors du
monde, a in de s’offrir les codes nécessaires à leur pleine intégration
en la société.
Cela est une faute qui dégrade quelques peu la réputation d’une
institution qui a par ailleurs tous les atouts pour dominer ces
mondes. En ces lieux où l’on ne sort le plus souvent jamais des beaux
quartiers, il n’est pas étonnant d’entendre tel ou tel élève dire, aux
abords de la terminale, qu’il n’a jamais connu « la banlieue ». Faute
d’être primus interpares, l’école garantit cependant les 100% de
réussite au bac général à ses élèves, ainsi qu’une grande majorité de
mentions. Se sachant incapable de concurrencer les établissements
de la montagne Sainte-Geneviève, elle préfère se gargariser d’une
réputation humaniste et libérale qu’elle perpétue en cultivant un
entre-soi étouffant qui trouva son acmé à l’orée des années 2010,
avec le suicide par défenestration depuis le sixième étage de l’école,
de l’un de ses élèves. Comme toutes les écoles « sous contrat », elle
inance par l’impôt ses professeurs et se contente de prélever auprès
des parents d’élèves une dîme modeste, de près de 2700 euros par
an, pour en organiser le vivre-ensemble.
*
Il faut mesurer l’assurance, la certitude d’être unique et particulier
qu’offre la réussite en un système aveuglé à sa violence et son
injustice, l’ayant mise à ce point sous le boisseau qu’il nourrit l’une
des sociétés les plus rigides et igées sans que personne ne songe,
autrement qu’intuitivement à la contester. La capacité de ces lieux de
conformation à vous faire croire en votre propre qualité pour peu
que vous adhériez à ses dogmes est telle qu’il devient dif icile,
lorsque l’on n’est jamais confronté à d’autres milieux – et tout est
organisé à cette in – de ne pas croire à ces fables, et de ne pas
considérer comme siens des succès d’un système qui n’aura fait que
vous porter.
L’idéologie républicaine se révèle en cela néfaste, faisant croire, par la
supposée universalité objectivante du baccalauréat et de ses
concours, qu’il y aurait en la réussite gloire individuelle là où le
système se contente de faire de vous un soldat à son service, victoire
sur l’ensemble de la société là où seule une concurrence entre gens
bien nés a été organisée. Les statistiques les plus féroces démontrant
à quel point l’éducation nationale est devenue une machine à triturer
ne suf iront jamais à convaincre ceux qui auront été sacrés par le
système, et a fortiori les rares qui, provenant des milieux des plus
modestes, seront mis en avant pour démontrer « qu’il est possible de
s’en tirer », devenant parfois par ignorance et avec une ferveur
redoublée les défenseurs d’un système qui écrase les leurs, mais qui
leur aura permis de se distinguer et de mettre à distance la misère qui
les cernait – en sacri iant pour cela tout ce qui constituait leur
identité25.
Loin des angoisses ou préventions que l’accumulation de privilèges
fait naître parfois chez les êtres les mieux occupés, Gabriel Attal a pu
se reposer sur ce capital initial pour devenir le soldat inconditionnel
d’un ordre pourtant pétri d’injustices et de violences, se faisant le
chantre de ce système qui l’a couronné. Sa nomination, auprès d’un
ministre de l’Education dont les politiques rances visent à renforcer
encore plus les inégalités produites par notre éducation nationale,
après avoir défendu une réforme d’une violence insigne pour une
grande partie de la jeunesse de la population, n’est le fruit d’aucun
hasard - et il faudrait être bien naïf pour protester du fait que cet
individu n’ayant jamais connu ni l’université ni l’école publique ait
aujourd’hui à les réguler.
*
L’inconfort pousse à la distinction, et explique pourquoi Attal ne
sombrera, contrairement à la plupart de ses congénères, dans
l’insigni iance la plus totale une fois sortie de ce maelstrom, et
continuera de tenter de se construire un destin. Malgré un cumul de
capitaux tel qu’en n’importe quel système sain, une concurrence et
stimulation béné ique aurait poussé non seulement les impétrants,
mais aussi la société dans son ensemble, à s’en trouver bienfaits,
l’Alsacienne incite au confort et à l’installation. Cela, on ne pourra pas
lui reprocher de l’éviter.
En un lieu où la politique est une affaire de tous, et la formation d’un
jugement une nécessité, les débats sur la constitution européenne et
le con lit israélo-palestinien animent les dernières classes de collège
et premières de lycée. Le jeune Gabriel se dit alors d’une droite
revendiquée. La force de son af irmation politique et sociale tranche
paradoxale en un monde où l’on se gargarise de s’intéresser aux
choses du monde, mais où l’héritière Giscard elle-même porte avec
retenue des opinions distinguées. Revendiquant un sarkozysme
lamboyant là où tous méprisent cet arriviste qui ne dispose d’aucun
des codes de leur société, le jeune adolescent fait déjà preuve d’une
morgue assumée, emprise d’un esprit de sérieux vindicatif dont il ne
se départira jamais. Le mépris pour ses congénères ne se tait que
lorsqu’il se trouve face à l’héritier d’une grande famille, qu’il se trouve
alors à tenter de séduire. Au sein d’une école où la domination se
construit silencieuse, l’être fait grand bruit. L’urgence de la
distinction semble imposer en lui l’outrance, et la sur-revendication
d’une aisance matérielle et sociale qui fonderaient ses choix étonne
en un environnement où personne ne pourrait se plaindre de
manquer, et dès lors aurait intérêt à tenter par ces biais à se
distinguer.
Comme toute école d’élite, l’Alsacienne est un lieu cruel pour qui n’en
dispose pas les clefs. Quelques outsiders, généralement recrutés pour
leur très bon dossier scolaire ou au sein d’une classe musicale faite
pour attirer les talents extérieurs, sont le plus souvent le fruit des
campagnes d’ostracisation orchestrées par les plus intégrés. A eux
dont l’habit, le nom, l’accent ou d’autres petits gestes trahissent
l’habitus d’une origine sociale, culturelle ou économique différenciée,
sont destinés les dispositifs d’exclusion les plus manifestes, qui ne se
résorberont qu’en in de lycée. Formant une plèbe minoritaire et
paradoxale qui suscite au mieux l’indifférence, le plus souvent les
railleries, et peine à organiser sa subsistance par la constitution de
communautés propres, ceux qui demain auront les destins les plus
intéressants sont en ces terres humiliés lorsqu’ils cherchent à se
distinguer, et choisissent le plus souvent une discrétion qu’on leur
apprend à respecter. Loin d’être le lieu d’accueil des héritiers de la
méritocratie républicaine, ni de ceux qui se sont distingués en des
domaines requérant abnégation et talent, la Scola Alsatica valorise en
effet avant tout l’intégration à l’existant. Le génie y est rare, la
distinction domine, et favorise dès lors de façon écrasante ceux qui se
contentent de se comporter en héritiers d’une reproduction sociale
conformée.
Voilà donc Gabriel Attal qui peut, certes sans succès tant les
entreprises sont menées avec morgue, se présenter à la direction de
la section SciencesPo d’un PS qu’il admettait quelques mois
auparavant haïr férocement – et où il se trouvera confronté à la future
tête de liste aux européennes de la France Insoumise Manon Aubry –
avant de tenter de s’imposer par le truchement d’un ami de la famille
comme l’homme fort des comités de soutien à Ingrid Betancourt, y
trouvant là une ressource pour construire des réseaux de socialité
verticaux parfaitement complémentaires de l’assise sociale que lui
donne son intégration à SciencesPo.
Le vernis d’engagement qui lui est attribué tient cependant mal, tant il
peine à masquer arrogance et pure volonté de dominer. S’installant à
Vanves, à quelques pas de l’appartement que ses parents inancent, il
tente de s’imposer dans la section locale du Parti Socialiste,
organisant une visite de Marisol Touraine, ce qui lui permet d’être
présenté et adoubé au secrétaire socialiste et conseiller municipal
d’opposition, qui lui laissera sa place après leur échec aux élections de
2014 et l’intronisera comme son successeur au conseil municipal
avant de se voir brutalement trahi27. L’échec aux municipales frustre
les ambitions d’Attal, pressé, qui continue cependant à tenter de se
rapprocher de l’inteligentsia socialiste. Si son entrisme auprès la
famille Betancourt lui a certes permis de commencer à élargir ses
réseaux politiques, sa tentative d’inscription dans la roue d’Hervé
Marro, qui deviendra rapidement conseiller à la mairie de Paris,
échoue. Sa présence sur le Tarmac de Villacoublay lors du retour de
Madame Betancourt, en un événement lacrymal longuement raconté
à Paris Match lors de l’un des articles de l’été 2018, ne lui a rien
apporté.
Rue de Ségur, Gabriel Attal se sent vite à son aise. Entouré d’êtres
sans idées ni ambitions autres que pour eux-mêmes, il se voit
présenter un certain Stéphane Séjourné, jeune héritier de la
bourgeoisie versaillaise, passé par les très chics lycées français de
Mexico et de Madrid, alors en poste au sein du cabinet du président
de région socialiste Jean-Paul Huchon, et qui s’apprête à à peine
trente ans à mobiliser les réseaux moscovicistes pour devenir le tout
puissant conseiller politique d’Emmanuel Macron31.
L’affaire est enclenchée. Alors que le pouvoir socialiste s’effondre, ces
jeunes intrigants n’ayant jamais démontré la moindre capacité à la
pensée, l’idée ou l’engagement, n’ayant jamais été au contact du réel
ni éprouvé la moindre dif iculté – n’ayant de fait montré aucune
qualité ni compétence particulière autre que celle de se montrer
autoritaires et cinglants – préparent la relève et se voient en 2017,
via le parti socialiste, consacrés. Griveaux s’oppose à Montebourg qui
lui a pourtant permis d’obtenir poste en Saône-et-Loire pensant
pouvoir un jour le concurrencer, et s’introduit via Emelien au sein de
la cour de l’une des valeurs montantes de ce social-libéralisme
inexistant dans la population, et pourtant dominant dans les élites
parisiennes : Emmanuel Macron. Pur apparatchik devenu conseiller
parlementaire du nouveau ministre de l’économie, Séjourné, qui tente
de faire recruter Pierre Person, devient l’alter-égo de Gabriel Attal.
Formé à l’université de Poitiers où il a rencontré ce qui formera
l’avant-garde de la macronie – alors socialiste – ces « Jeunes avec
Macron » qui, de Pierre Person à Aurélien Taché, avaient déjà tenté de
prendre sans succès le MJS et qui deviendront tous députés, Séjourné
associe Gabriel Attal à leur bande et tente dans un premier temps
d’appuyer Moscovici. Las, la manœuvre échoue, et celui-ci, ex iltré à
la Commission Européenne, les laisse orphelins.
Alors que le peuple bruisse, achevons cette fable par cette simple
af irmation : ces êtres ne sont pas corrompus car ils sont la corruption.
Les mécanismes de reproduction des élites et de l’entre-soi parisien,
aristocratisation d’une bourgeoisie sans mérites, ont fondu notre
pays jusqu’à en faire un repère à mièvres et arrogants, médiocres et
malfaisants.
Nulle part ne réside plus la moindre ambition, la moindre recherche
d’un engagement ou d’un don. Reste une question. Pensait-on que ces
êtres serviraient des idées, eux qui se sont constitués au service
d’intérêts ? Pensait-on que ces individus nous grandiraient, eux qui
se sont contentés, tout au long de leur vie, de servir pour construire
une ambition que rien ne venait sustenter ? Et pense-t-on vraiment
qu’en de telles circonstances, la suite de l’histoire ait à être contée ?
22 Dont le portrait flagorneur et évidé, dont l’auteur est Alexandre Lemarié, dit beaucoup de l’effondrement du
journalisme politique en notre pays. https://abonnes.lemonde.fr/gouvernement- philippe/article/2018/10/16/gabriel-attal-
secretaire-d-etat-aupres-de-blanquer_5369998_5129180.html?
23 https://www.parismatch.com/Actu/Politique/Gabriel-Attal-J-ai-monte-le-fan-club-d-Orelsan-a-l-Assemblee-1567267 ;
https://www.parismatch.com/Actu/Politique/Gabriel-Attal-Le-jour-ou-je-rencontre-Ingrid-Betancourt-1569221et
https://www.parismatch.com/Actu/Politique/La-jeune-garde-macroniste-se-ressource-en-Bretagne-et-croise-Jospin-1568893.
24 21 avril 2018, https://www.youtube.com/watch?v=j9gvmwVPzd0
25 En cela, Gabriel Attal et Edouard Louis – exact revers de ce dernier - forment les deux faces d’une même et dépérissante
médaille signifiante d’effondrement pour notre époque et notre civilisation, criant chacune à la conformation.
26 Sa particule, encore présente lors de son admission à SciencesPo, disparaîtra rapidement. https://www.sciences-
po.asso.fr/profil/gabriel.attaldecouriss13
27 http://www.leparisien.fr/espace-premium/hauts-de-seine-92/conseiller-de-marisol-touraine-et-dans-l- opposition-locale-
08-04-2014-3749023.php
28 http://ps-scpo.over-blog.com/article-profession-de-foi-de-gabriel-attal-candidat-a-l-election-de-secre- taire-de-section-
57039874.html
29 http://leplus.nouvelobs.com/contribution/195980-primaire-ps-six-concurrents-nicolas-sarkozy-comme- seul-
adversaire.html
30 http://lapeniche.net/election-bde-44-tabula-rasa-des-insatisfaits-pour-mieux-renover
31 « La simple évocation du nom de Séjourné suffit à faire blêmir ou frémir n'importe quel élu de la majorité », Le Point,
12 octobre 2017
32 Qui a son tour fera nommer son camarade de promotion Hugo Vergès, comme « conseiller Amérique » à 27 ans, en
charge des relations avec l’administration Trump après avoir eu pour seule expérience professionnelle deux stages, et sa
proximité avec le là-aussi futur conseiller de Macron Aurélien Lechevallier. M. ferait ainsi partie, aux côtés de Bernard Arnault,
Christine Lagarde, et de Thomas Pesquet de la cinquantaine d’invités chargés de représenter la France au dîner d’État donné à
Washington en l’honneur d’Emmanuel Macron en 2018.
33 D’autres cadres de la macronie l’imiteront, Cédric O., conseiller de Hollande devenu l’un des plus proches conseillers
de Macron, faisant de sa sœur Delphine O. la suppléante de Mounir Mahjoubi et donc députée dès lors que ce dernier est
nommé, comme prévu, au gouvernement.
34 Voir à titre d’exemple : https://wikileaks.org/macron-emails/emailid/8357
35 « Il connaît - « pour les avoir choisis », fanfaronne-t-il devant ses proches - chaque élu LREM ». Le Point, 12 octobre
2017.
36 https://www.liberation.fr/checknews/2018/09/17/quel-depute-a-vote-pour-ou-contre-l-interdiction-du-
glyphosate_1679273
37 https://www.ladepeche.fr/article/2018/06/12/2816259-aquarius-imagine-france-participe-trouver- solution-humanitaire-
bateau-declare-gabriel.html
38 https://www.20minutes.fr/societe/2328551-20180831-depute-lrem-gabriel-attal-demande-mesures- contre-momo-
challenge-gerard-collomb