Le Surréalisme
Le Surréalisme
Le Surréalisme
1. Le dadaïsme
Pendant la guerre 14-18, plusieurs artistes ont constaté les
faiblesses de leur société qui les ont menés à la guerre, l’absurdité
universelle. C’est dans ce climat de désabusement qu’apparaît le
dadaïsme dès 1916. Ce courant rejette alors les valeurs de son
époque. Dans de nombreux pays tels la Suisse, la France ou
l’Italie, le mouvement dada est constitué d’anarchistes qui
professent des idées subversives (contre la religion, les institutions,
la morale). Pour se faire connaître, les dadaïstes vont proposer au
public des manifestations de type culturel, mais qui,
paradoxalement, visent à détruire la culture et les autres piliers de
la société. Leur art est celui de la dérision et de la destruction. Ils
voulaient choquer les gens pour les faire réfléchir.
Tout produit du dégoût susceptible de devenir une négation de la famille, est dada ; protestation aux poings de tout son être
en action destructive : DADA ; connaissance de tous les moyens rejetés jusqu'à présent par le sexe publique du compromis
commode et de la politesse : DADA ; abolition de la logique, danse des impuissants de la création : DADA; de toute
hiérarchie et équation sociale installée pour les valeurs par nos valets : DADA ; chaque objet, tous les objets, les sentiments
et les obscurités, les apparitions et le choc précis des lignes parallèles, sont des moyens pour le combat : DADA ; abolition de
la mémoire : DADA ; abolition de l'archéologie : DADA ; abolition des prophètes : DADA ; abolition du futur :
DADA ; croyance absolue indiscutable dans chaque dieu produit immédiat de la spontanéité : DADA ; saut élégant et sans
préjudice d'une harmonie à l'autre sphère; trajectoire d'une parole jetée comme un disque sonore cri; respecter toutes les
individualités dans leur folie du moment : sérieuse, craintive, timide, ardente, vigoureuse, décidée, enthousiaste; peler son église
du tout accessoire inutile et lourd; cracher comme une cascade lumineuse la pensé désobligeante ou amoureuse, ou la choyer —
avec la vive satisfaction que c'est tout à fait égal — avec la même intensité dans le buisson, pur d'insectes pour le sang bien
né, et doré de corps d'archanges, de son âme. Liberté : DADA DADA DADA, hurlement des douleurs crispées,
entrelacement des contraires et de toutes les contradictions, des grotesques, des inconséquences : LA VIE.
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Les manifestations des dadaïstes étaient diversifiées.
Chacune dénonçait une facette de la société. Lesquelles de
ces facettes pourraient être dénoncées par les actes
suivants ? Pouvez-vous expliquer les exemples de
manifestations dadaïstes qui suivent en vous référant au
manifeste de Tristan Tzara ?
2. Le surréalisme
Quelques années après le dadaïsme, le mouvement
surréaliste apparaît. André Breton comme beaucoup d’autres
s’écarte du mouvement artistique de Tristan Tzara (la rupture
eut lieu en 1923) pour se déclarer surréaliste. On peut
comprendre cet éloignement du courant dadaïste en lisant le
manifeste du surréalisme de Breton1 et en le comparant à celui
du dadaïsme de Tzara.
"Faites-vous apporter de quoi écrire, après vous être établi en un lieu aussi
favorable que possible à la concentration de votre esprit sur lui-même. Placez-vous dans l'état le plus passif, ou réceptif, que
vous pourrez. Faites abstraction de votre génie, de vos talents et de ceux de tous les autres. Dites-vous bien que la littérature
est un des plus tristes chemins qui mènent à tout. Ecrivez vite sans sujet préconçu, assez vite pour ne pas retenir et ne pas être
tenté de vous relire. La première phrase viendra toute seule, tant il est vrai qu'à chaque seconde il est une phrase étrangère à
notre pensée consciente qui ne demande qu'à s'extérioriser. Il est assez difficile de se prononcer sur le cas de la phrase suivante
; elle participe sans doute à la fois de notre activité consciente et de l'autre, si l'on admet que le fait d'avoir écrit la première
entraîne un minimum de perception. Peu doit vous importer, d'ailleurs ; c'est en cela que réside, pour la plus grande part,
l'intérêt du jeu surréaliste. Toujours est-il que la ponctuation s'oppose sans doute à la continuité absolue de la coulée qui nous
occupe, bien qu'elle paraisse aussi nécessaire que la distribution des noeuds sur une corde vivante. Continuez autant qu'il vous
plaira. Fiez-vous au caractère inépuisable du murmure. Si le silence menace de s'établir pour peu que vous ayez commis une
faute : une faute, peut-on dire, d'inattention, rompez sans hésiter avec une ligne claire. A la suite du mot dont l'origine vous
semble suspecte, posez une lettre quelconque, la lettre l, et ramenez l'arbitraire en imposant cette lettre pour initiale au mot
qui suivra."
« Atteindre ce point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et
l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement. »
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Après avoir participé aux manifestations Dada, André Breton s’écarte du mouvement et entreprend de définir le
surréalisme en théorie (le Manifeste) et en acte (il écrivit de nombreuses œuvres surréalistes, sous des formes
variées). Ce nouveau courant dont il est considéré comme l’instigateur (il est surnommé « le pape du
surréalisme ») acquérra ses lettres de noblesse avec des auteurs tels que Éluard, Desnos ou Aragon, entre autres.
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« SURRÉALISME, n. m. Automatisme psychique pur, par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par
écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé
par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.
- Encycl. Philos. Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d’associations négligées
jusqu’à lui, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement tous les autres
mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la vie. »
Quelles sont les différences entre ce manifeste et celui de Tzara (en ce qui concerne la forme
et le ton) ? Que pouvez-vous trouver comme points communs et points de divergence entre
les deux courants ?
Mais les surréalistes s’inspirent tout de même des dadaïstes. Ainsi, comme eux, ils porteront
un grand intérêt pour Freud et l’inconscient,
ils prôneront la destruction de certaines
valeurs et rejetteront la société telle qu’ils la
connaissent, avec ses mœurs, ses idées, sa
bêtise ou son absurdité. Ils attaqueront ainsi
la religion, les institutions, le travail
obligatoire, le pouvoir dominant. Ils voudront
libérer l’homme. Ils usent aussi de la
provocation pour heurter les esprits, et
fondent tous leurs espoirs de renversement
dans l’idée de révolution.
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La terre est bleue comme une orange Les guêpes fleurissent vert
Jamais une erreur les mots ne mentent pas L’aube se passe autour du cou
Ils ne vous donnent plus à chanter Un collier de fenêtres
Au tour des baisers de s’entendre Des ailes couvrent les feuilles
Les fous et les amours Tu as toutes les joies solaires
Elle sa bouche d’alliance Tout le soleil sur la terre
Tous les secrets tous les sourires Sur les chemins de ta beauté.
Et quels vêtements d’indulgence
A la croire toute nue. Paul Éluard, « La terre est bleue »
dans l’Amour la poésie, 1929.
2.2.1 La poésie
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Dans les rues de la ville, il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n’est plus mon
amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus ; qui au juste l’aima ?
Il cherche son pareil dans le vœu des regards. L’espace qu’il parcourt est ma fidélité. Il dessine l’espoir et
léger l’éconduit. Il est prépondérant sans qu’il y prenne part.
Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand
méridien où s’inscrit son essor, ma liberté le creuse.
Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n’est plus mon
amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus ; qui au juste l’aima et l’éclaire de loin pour qu’il ne
tombe pas.
(René CHAR, « Allégeance »)
2.2.2 Le roman
Nous l’avons vu, les surréalistes privilégient la poésie au roman. Cependant, une des œuvres
les plus célèbres d’André Breton appartient au genre romanesque. Il s’agit de Nadja, parut en
1928. Ce roman raconte la rencontre entre Breton et une jeune femme nommée Nadja, qui lui
fera voir le monde d’une autre façon. Elle lui permettra de découvrir derrière le réel tangible un
autre monde, celui du surréel que nous ne voyons pas. Elle lui apprendra à décoder les signaux
signifiants qu’il faut pouvoir capter dans notre réalité pour pouvoir accéder à l’autre monde.
L’objectif de l’auteur
Je n’ai dessein de relater, en marge du récit que je vais entreprendre, que les épisodes les plus marquants de ma vie
telle que je peux la concevoir hors de son plan organique, soit dans la mesure même où elle est livrée aux
hasards, au plus petit comme au plus grand, où regimbant contre l’idée commune que je m’en fais, elle m’introduit
dans un monde comme défendu qui est celui des rapprochements soudains, des pétrifiantes coïncidences, des réflexes
primant tout autre essor du mental, des accords plaqués comme au piano, des éclairs qui feraient voir, mais alors
voir, s’ils n’étaient encore plus rapides que les autres.
Si l’on en croit la première phrase, l’auteur nous introduit dans cet extrait une œuvre
biographique. Cette biographie répondra-t-elle aux critères du genre ?
Cet extrait laisse-t-il penser que Nadja est une oeuvre surréaliste ?
Nadja
Comme arrive le dessert, Nadja commence à regarder autour d’elle. Elle est certaine que sous nos pieds passe
un souterrain qui vient du palais de justice (elle me montre de quel endroit du palais de justice, un peu à droite du
perron blanc) et contourne l’hôtel Henri IV. Elle se trouble à l’idée de ce qui s’est déjà passé sur cette place et de se
qui s’y passera encore. Où ne se perdent en ce moment dans l’ombre que deux ou trois couples, elle semble voir une
foule. « Et les morts, les morts ! » […] Le regard de Nadja fait maintenant le tour des maisons. Vois-tu, là-bas,
cette fenêtre ? Elle est noire, comme toutes les autres. Regarde bien. Dans une minute, elle va s’éclairer. Elle sera
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rouge ». La minute passe. La fenêtre s’éclaire. Il y a, en effet, des rideaux
rouges […] J’avoue qu’ici la peur me prend, comme aussi elle commence à
prendre Nadja. « Quelle horreur ! Vois-tu ce qui passe dans les arbres ? Le
bleu et le vent, le vent bleu. Une seule autre fois, j’ai vu sur ces mêmes
arbres passer ce vent bleu. C’était là, d’une fenêtre de l’hôtel Henri IV, et
mon ami, le second dont je t’ai parlé, allait partir. Il y avait aussi une voix
qui disait : Tu mourras, tu mourras. Je ne pouvais pas mourir mais
j’éprouvais un tel vertige… Je serais certainement tombée si l’on ne m’avait
retenue. »
Le roman d’André Breton se distingue des romans habituels car il ne narre pas une histoire
construite logiquement. Breton ne s’intéresse pas au récit de ses journées, à son histoire ou à celle
d’un autre, mais porte intérêt aux moments particuliers, aux coïncidences, aux moments où la
logique et la raison ne valent plus.
En outre, dans Nadja, Breton ne fait aucune description écrite des personnes et des lieux,
mais préfère inclure dans son œuvre des photographies. Il évite ainsi les descriptions qu’il
considère trop littéraires et pas assez conformes à ce que pourrait constater le regard du lecteur. Il
va donc privilégier photos et images pour que le lecteur puisse également utiliser son regard, voir
les choses comme lui-même les a vues.
Breton, dans son Manifeste du surréalisme, propose une méthode pour atteindre au merveilleux, à la
surréalité.
Les surréalistes prônent donc une écriture de l’inconscient en dehors de tout contrôle de la
raison. L’artiste doit être passif et son écriture en devient incohérente. Une des manifestations de
cette écriture automatique est le cadavre exquis. Ce jeu d’écriture se pratique à plusieurs et peut
avoir différentes réalisations. Par exemple, une première personne écrit le premier élément d’une
phrase sur un papier qu’il plie ensuite afin que le participant suivant ne puisse pas lire ce qu’il a
écrit. Ce nouveau participant écrit alors la deuxième partie de la phrase, plie le papier et le tend au
suivant, et ainsi de suite. Le dernier joueur déplie totalement la feuille, corrige les erreurs
grammaticales inévitables (accords grammaticaux) puis lit la phrase composée. Il existe plusieurs
variantes du cadavre exquis. Ainsi, celle qui consiste à écrire un poème à plusieurs personnes :
chacun écrit un vers sans connaître les vers des autres (ils peuvent toutefois se mettre d’accord
sur la rime et le nombre de pied à respecter).
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2.2.4 « Les objets bouleversants »
C’est l’un des noms donnés à un type de créations verbales qu’appréciait particulièrement le
surréaliste belge Paul Nougé2 (1895-1967) ami et complice de René Magritte.
VOS LES
OREILLES
VOUS ÉCOUTENT
VOS
YEUX
IDEES
VOUS ÉPIENT
SAISIR
ODEUR
Commentez ces deux créations de Nougé en vous référant à cet éclaircissement de l’auteur à
propos de ces travaux : « Les objets qui se présentent ici, il vaut mieux tenir pour fortuite leur
assemblée, pour regrettable ce coudoiement, cet espace limité qui n’est pas à leur mesure. »
Quelle est la particularité du second « objet bouleversant » ?
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Paul Nougé, surréaliste belge qui appréciait tous les types de jeux de mots qu’il préférait à l’écriture
automatique. Il ne s’inspirait pas des théories freudiennes, celles des rêves et de l’inconscient. Cependant, il
s’accordait avec Breton sur la fonction attribuée à l’acte poétique.
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En vous aidant ce que vous connaissez des habitudes des surréalistes, sauriez-vous expliquer
pourquoi Nougé apprécie les calligrammes ?
Plusieurs personnes écrivent des questions sur un morceau de papier ; d’autres écrivent des
réponses. On tire des questions et des réponses deux à deux après qu’elles ont été rassemblées
dans deux « chapeaux » différents.
Breton explique ce jeu de la manière suivante : Vous vous asseyez autour d’une table, chacun de vous
écrit, sans regarder sur son voisin, une phrase hypothétique commençant par « si » ou par « quand » d’une part, et,
d’autre part, une proposition au conditionnel ou au futur sans lien avec la précédente. Puis les joueurs, sans choisir,
ajustent deux à deux les résultats obtenus. Voici quelques-uns des produits de cette activité qui n’est pas sans
charme :
3. Evaluation
Première évaluation : un texte surréaliste et une peinture vous seront proposés. Il vous sera
ensuite demandé de rédiger un court texte dans lequel vous tenterez d’expliquer en quoi ces deux
œuvres sont surréalistes. /20
Deuxième évaluation : je vous demanderai de choisir un poème surréaliste. Vous devrez ensuite
prendre une photo qui pourrait l’illustrer et dans lequel on peut distinguer un élément qui vous
semble surréel. /10
Troisième évaluation : par groupe de quatre, vous devrez me rendre un petit travail de deux ou
trois pages ou figureront un calligramme, un cadavre exquis, un « si » ou « quand », un jeu de
question réponse et un objet bouleversant. Chacun de ses objets poétiques sera d’abord créé ou
imaginé sur des feuilles de brouillon, puis recopier soigneusement sur les feuilles que vous
rendrez. La mise en page de ces « œuvres » devra, si possible, être « surréaliste » (collage, dessin,
photo, etc.). /20
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