La Fraude Fiscale en Tunisie
La Fraude Fiscale en Tunisie
La Fraude Fiscale en Tunisie
Université de Sfax
PROJET DE MEMOIRE
Juin 2016
1
LA FRAUDE FISCALE EN TUNISIE : MANIFESTATIONS,
dévouement. Aucun mot ne saurait leur exprimer mon profond respect, mon
amour et ma gratitude.
Mes amis : en souvenir de tous les merveilleux moments que nous avons
partagés ensemble.
REMERCIEMENTS
Je tiens tout d’abord à remercier les membres du jury qui ont bien voulu évaluer
rigueur.
m’ont inculqué leurs connaissances, leur savoir et leurs valeurs au cours de mon
cursus universitaire.
de stage Mr Tarak Zouari pour leur formation et leur encadrement tout au long
de mon stage.
Enfin je remercie vivement tous ceux et celles qui ont bien voulu répondre à
la réalisation de ce mémoire.
Table des matières
De nos jours, la fraude fiscale est devenue une pratique courante dans plusieurs pays.
Sa prolifération est telle, qu’elle devient une menace importante pour les recettes fiscales et
une source d’inquiétude permanente pour l’économie réelle.
Cette fraude sévit dans le monde entier avec des taux plus ou moins importants.
Les administrations fiscales et les gouvernements concernés se trouvent souvent dépassés par
les nouvelles techniques perpétuellement innovantes des fraudeurs, d’autant plus que ce
phénomène dépasse parfois les frontières et se hisse au niveau international à la recherche des
niches fiscales et des paradis fiscaux.
En février 2015, plusieurs médias dans le monde ont révélé un système international de fraude
et de blanchiment d’argent qui aurait été mis en place par la banque britannique HSBC à
partir de la Suisse. Dans les listings de Swissleaks on découvre notamment 256 personnalités
tunisiennes, dont 32 noms de sociétés off-shore, détenant au total 679 comptes et un montant
s’élevant à un peu plus de 550 millions de dollars.2
Le dernier scandale en date est celui des « Panama papers », dévoilé par les médias en avril
2016. Il s’agit là de la plus grande fuite de l’histoire du journalisme avec 11,5 millions de
documents provenant des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca, spécialiste dans la
domiciliation offshore et ce pour la période s’étalent entre 1977 et 2015.
1
Rapport d’activité « le contrôle fiscal », portail du ministère de finance 2014, disponible sur
http://www.finances.gov.tn/index.php?option=com_content&view=article&id=104&Itemid=521&lang=fr
(consulté le 16/10/2015)
2
Sana Sbouai & Malek Khadraoui , Swiss Leaks: Que révèlent les listings tunisiens ?, 2015, Enquête disponible
sur https://inkyfada.com/2015/02/swissleaks-listings-tunisie-hsbc-fraude/ (consulté le 16/10/2015)
10
Ces documents révèlent- entre autres- la création de 214 488 sociétés durant cette période
avec l’implication de 511 banques et 202 pays. Le listing des « Panama papers » comporte
outre des milliers d’anonymes, de nombreux chefs d’Etat, des milliardaires, de grands noms
3
du sport, des célébrités ou des personnalités sous le coup de sanctions internationales.
Le scandale des « Panama papers » n’est probablement que le début d’une longue série.
Ainsi, grâce aux « lanceurs d’alertes », « dénonciateurs » ou le « whistelblowing », on peut
s’attendre à voir éclater demain les « Hongong papers », « Pekin papers » ou encore
« Dubaï papers ».
L’étude de la fraude fiscale requiert une attention particulière aux causes et facteurs
favorisant sa prolifération. Ce n’est qu’en remontant à ses origines qu’il est possible de
rechercher les solutions adéquates pour affronter ce fléau, véritable cancer de l’économie.
Il est également primordial d’établir la distinction entre la fraude fiscale et les notions
voisines pour bien la délimiter et cerner son ampleur.
Quelles sont donc les causes et circonstances ayant conduit au développement de la fraude
fiscale en Tunisie ? Quels sont les remèdes adoptés de par le monde pour l’éliminer ? Et les
quelles de ces solutions sont envisageables pour limiter sa prolifération voire même son
éradication en Tunisie ?
3
Evasion fiscale, l’affaire des « Panama papers » en 7 chiffres ; 2016, article disponible sur
http://www.lemonde.fr/panama-papers/article/2016/04/04/evasion-fiscale-l-affaire-des-panama-papers-en-7-
chiffres_4895015_4890278.html#umIX8QWEbSZpWFCJ.99 (consulté le 14/05/2016)
11
La deuxième partie est consacrée à la recherche des solutions envisageables pour la
lutte contre la fraude fiscale. Cette recherche passe nécessairement par l’étude de ce
phénomène au niveau international pour se situer par rapport au benchmark et s’en
inspirer afin de dégager les solutions applicables dans le cas de la Tunisie.
Cet apport théorique sera par la suite enrichi par une enquête menée auprès d’un
échantillon diversifié et représentatif composé d’experts comptables, de chefs
d’entreprises et d’agents de l’administration fiscale.
Cette enquête administrée à travers un questionnaire vise à recueillir les avis des
répondants sur l’ampleur et les causes de la fraude fiscale et à connaitre leurs
recommandations et leurs suggestions pour la lutte contre ce phénomène.
12
PREMIERE PARTIE : Etude du phénomène de la fraude fiscale en Tunisie
13
INTRODUCTION
Historiquement, la fraude fiscale a toujours été présente dès l’apparition des premiers
impôts, dans tous les pays et à toutes les époques. Conjointement à cette fraude, d’autres
phénomènes d’évitement de l’impôt se sont développés, tel que l’évasion fiscale ou
l’optimisation fiscale. La distinction entre la fraude fiscale et les notions voisines est donc
primordiale pour bien la délimiter et cerner son ampleur.
Bien qu’il n’existe aucune statistique ou publication officielle révélant l’ampleur de la fraude
fiscale en Tunisie, il y a lieu de tenter de cerner ce phénomène à travers ses manifestations et
le taux d’adhésion des contribuables à l’impôt. La fraude fiscale a plusieurs visages allant du
simple contribuable qui dissimule une partie de ses revenus dans sa déclaration d’impôt aux
grandes entreprises utilisant des stratagèmes ingénieux pour frauder l’impôt.
Les manifestations de la fraude fiscale peuvent donc être recherchées dans les résultats de
contrôle de l’administration fiscale, l’amplitude du secteur informel ou les techniques de
fraude développées par les entreprises. Par ailleurs, le taux d’adhésion à l’impôt représente
un bon indicateur de la fraude fiscale en Tunisie.
4
Cyril Janvier, Michel-Pierre Prat, Petit dictionnaire de la fraude fiscale, éditions Dalloz-sirey, 2011, P 10
14
Cette première partie du mémoire est dédiée à une revue de la littérature. Elle présentera donc
les définitions de la fraude et des concepts voisins en précisant les points communs et de
divergence et en clarifiant les ambiguïtés suscitées à ce sujet. Elle abordera ensuite les
manifestations et les méthodes de quantification de la fraude fiscale et les limites inhérentes à
leur application en Tunisie ainsi que la catégorisation des contribuables et leurs taux
d’adhésion à l’impôt. Enfin, elle recherchera les causes de ce phénomène.
15
CHAPITRE 1 : Constat de la fraude fiscale en Tunisie
La lutte contre tout phénomène nécessite au préalable une connaissance approfondie de tous
ses aspects, de son ampleur et de ses manifestations. C’est en particulier, le cas de la fraude
fiscale en Tunisie. Cette notion requiert une attention particulière à cause de la multitude de
concepts qui lui sont voisins. Il y a lieu donc dans ce chapitre de commencer par définir la
fraude fiscale, ses contours et ses frontières afin de la distinguer des notions voisines. En
second lieu, il faudra procéder au constat de la fraude fiscale en Tunisie à travers l’exposé des
méthodes de quantification, ses manifestations et les taux d’adhésion à l’impôt.
La fraude fiscale est apparue avec l’instauration des premiers impôts. Comme le disait si
bien Georges Pompidou : « la fraude est à l’impôt ce que l’ombre est à l’Homme ». Les
premiers cas de fraudes apparurent dès l’antiquité dans les empires Grecs et Romains car
c’étaient les premières sociétés à posséder un système fiscal digne de ce nom. A l’époque, les
citoyens les plus riches tendaient à dissimuler une partie de leurs richesses de manière à
devoir payer le moins d’impôt possible. « Aujourd’hui, la confusion est totale. Les grands
groupes multinationaux usent d’astuces juridiques et réglementaires pour amoindrir, voire
annihiler l’effet de l’impôt sur leur rentabilité. Ils vont jusqu’à utiliser les mêmes techniques
et circuits que les organisations criminelles transnationales qui veulent maximiser leurs
procédures et opérations de blanchiment d’argent sale »5
5
Eric vernier, fraude fiscale et paradis fiscaux, collection fonctions de l’entreprise, éditions Dunod, 2014, P7
6
David Caviglioli, Fraude fiscale: Shakespeare aussi; 2013, article disponible sur
http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20130429.OBS7579/fraude-fiscale-shakespeare-aussi.html (consulté le
14/05/2016)
16
Etymologiquement, la fraude vient du mot latin « fraus » associé à une action faite de
mauvaise foi dans le but de tromper et de porter préjudice. En droit général, la qualification de
fraude fut possible dès le 17éme siècle en s’appuyant sur les trois éléments repris plus tard
dans la théorie moderne du droit pénal à savoir l’élément matériel, l’élément légal et l’élément
intentionnel. 7
L’élément matériel de la fraude désigne le ou les procédés utilisés pour échapper à l’impôt
tandis que l’élément intentionnel qualifie la volonté de contrecarrer la loi qui représente, elle-
même l’élément légal. En fait, c’est ce dernier élément qui permet de distinguer entre évasion
et fraude fiscale, dans la mesure où l’évasion ne peut être qualifiée de fraude que lorsqu’elle
enfreint la loi. En effet, l’évasion fiscale est une forme de minoration d’impôt qui n’enfreint
pas la loi, mais profite de ses failles et la manipule de façon habile.
On lui attribue alors comme synonyme « l’évitement licite de l’impôt »8 pour l’exempter des
connotations péjoratives.
De nombreux auteurs se sont penchés sur la question de la fraude fiscale ainsi que l’évasion
fiscale, puisqu’ils qu’ils présentent la même réaction d’incivisme envers la légalité et la
moralité. Lucien MEHL et Pierre BELTRAME définissent techniquement la fraude fiscale
comme « une infraction à la loi fiscale ayant pour but d'échapper à l'impôt, d'en réduire les
bases »9
Honoré BOSTEL quant à lui, rétorque ironiquement que « la fraude fiscale est un sport
national dont les résultats ne sont pas publiés »10. Ces paroles trouvent tout leur sens dans la
mesure où de plus en plus de citoyens sont tentés par l’appât de la richesse générée par la
fraude et la difficulté rencontrée dans l’évaluation et l’estimation de l’ampleur de ce
phénomène.
Le concept d’évasion fiscale est une forme particulière de minoration de l’impôt apparue
conjointement à la fraude fiscale. Dans une ancienne optique, avant la seconde guerre
mondiale, le terme évasion désignait la fraude fiscale internationale11.
7
Cécile Bazart, thèse pour le doctorat en sciences économiques, Modélisation du face à face Etat-contribuables ,
2000
8
Thierry Afshrift, L’évitement licite de l’impôt et la réalité juridique, éditions Larciers, 2003
9
Mohamed Salah Ayari, Fraude et évasion fiscales : similitudes et particularités. 2002
10
Ibid
11
Gaston Lerouge, Théorie de la fraude en droit international, 1944, p 156
17
Bien que l’élément légal ne soit pas présent, en termes d’évasion fiscale, l’élément matériel et
l’élément intentionnel sont indiscutables. Ainsi, on s’accorde le plus fréquemment sur le fait
que l’évasion est une manipulation habile des lois fiscales permettant de se soustraire à
certaines obligations en la matière.
Parfois, dans sa quête de la voie la moins imposée, le contribuable cherche à utiliser les
divergences existantes entre les systèmes fiscaux des différents pays, et c’est là que les choses
se compliquent. En effet, certains auteurs distinguent à ce stade, l’évasion fiscale dite
« légale » ou « légitime » et l’évasion fiscale « illégale ». En 1992, André Barilari et Robert
Drapé considéraient que l’évasion fiscale est une « Action visant à soustraire à l’impôt tout ou
partie de la matière imposable sans contrevenir formellement à la loi. En ce sens, l’évasion
fiscale se distingue de la fraude fiscale, qui implique un comportement, actif ou passif, en
infraction avec les règles fiscales »12. Néanmoins, la proximité entre la fraude et l’évasion
fiscales est si intense que le seul critère de la légalité ne suffit pas pour les départager. En
effet, bien que l’évasion fiscale ne constitue pas en soi un acte délictueux, comme c’est le cas
pour la fraude, l’utilisation abusive des failles de la loi se rapproche considérablement de
l’infraction.
Le dictionnaire Black’s law définit la fraude comme étant « All multifarious means which
human ingenuity can devise, and which are resorted to by one individual to get an advantage
over another by false suggestions or suppression of the truth. It includes all surprises, tricks,
cunning or dissembling (disguising, concealing), and any unfair way which another is
cheated." [Black's Law Dictionary, 5th edition]13
La fraude correspond donc à tous les actes accomplis dans l’illégalité, consistant à tromper
délibérément pour tirer profit. C’est cette particularité qui la différencie par rapports aux
erreurs et aux inexactitudes.
La fraude fiscale est le détournement illégal d’un système fiscal afin de minorer ou d’éluder la
contribution aux charges publiques.
12
André Barilari, Robert Drapé, Lexique fiscal, édition Dalloz-sirey, 1992, P 80
13
La traduction « tous moyens déployés par l’ingéniosité humaine, et qui sont faits par un individu pour tirer
profit sur un autre, par le biais de fausses propositions ou suppression de vérité. Ils incluent toutes les surprises,
les combines, les ruses, la dissimilation et toute manière irrégulière par le biais de laquelle une autre personne est
trompée »
18
L’évasion fiscale consiste à contourner ou diminuer l’impôt en profitant des lacunes des
règles fiscales.
L’optimisation fiscale est l’emploi de procédés légaux dans le but de minimiser la charge
fiscale du contribuable.
La nuance entre fraude fiscale, évasion fiscale et optimisation fiscale n’est pas aisée à
déterminer. Néanmoins, une quasi majorité des analystes affirment que l’optimisation fiscale
est légale dans la mesure où elle recourt à des techniques et procédés non prohibés (régimes
dérogatoires, niches fiscales…). La fraude quant à elle, est un acte volontaire de se soustraire
au payement d’une partie ou de la totalité de ses impôts en usant de moyens illégaux.
L’évasion fiscale tient des deux concepts, en effet lorsque cette évasion utilise des moyens
légaux, elle s’apparente à l’optimisation fiscale, et lorsque l’évasion profite des failles des lois
en vigueur, elle s’approche plutôt de la fraude.
En second lieu, elles émargent toutes les deux d’une intention claire d’évitement de l’impôt
et, comme cité plus haut, la proximité de ces deux concepts fait que le seul critère de la
légalité n’est pas déterminant pour les distinguer.
Contrairement à l’erreur qui est commise en bonne foi par le contribuable, la fraude implique
une mauvaise foi avérée. La distinction entre ces deux notions est importante puisque c’est le
caractère intentionnel qui permet de déterminer les mesures à entreprendre à l’égard du
contribuable : Dans le cas d’une erreur, il s’agira de pénalité-réparation et dans le cas d’une
fraude, il s’agira de pénalité-sanction.
19
Le schéma ci-dessous illustre parfaitement ces différents concepts.
L’intérêt de l’estimation de la fraude fiscale réside dans le fait de se forger une idée sur
l’ampleur du manque à gagner au niveau des finances publiques. En effet plus ce manque à
gagner est conséquent, plus les politiques de lutte contre cette fraude seront optimales et
rentables.
20
Ces différentes approches peuvent être résumées dans le tableau qui suit :
Enquêtes
Approches directes
Les approches directes sont de nature micros économiques et se fondent sur des informations
collectées directement auprès des particuliers : firmes, ménages ou individus, soit à partir
d’enquêtes, soit par le contrôle fiscal.
Le questionnaire vise à collecter entre autres des réponses sur le nombre d’heures de travail au
noir et le salaire horaire.
14
Hafsatou Diallo, Güngör Karakaya, Danièle Meulders, Robert Plasman (Dulbea, Université Libre de
Bruxelles), Estimation de la fraude fiscale en Belgique, Etude réalisée à la demande de la FGTB, page 14 ; Mai
2010
21
D’autres enquêtes portant sur le budget des ménages sont menées dans l’objectif de confronter
les informations recueillies sur le revenu des ménages à celles émanant des déclarations
fiscales. La comparaison des résultats ainsi obtenus à partir des deux sources permet d’estimer
la sous déclaration des revenus et d’évaluer l’ampleur de la fraude fiscale.
Les approches monétaires sont les plus répandues dans la littérature économique et se
fondent sur l’hypothèse que la majorité des transactions de l’économie souterraine
s’effectuent en espèces. Les trois approches ayant émergé de cette littérature économique se
basent sur la variation du ratio d’encaisses monétaires sur les dépôts à vue, la théorie
quantitative de la monnaie (approche des transactions) et la fonction de demande de la
monnaie. La méthode du ratio d’encaisses monétaires sur le dépôt à vue repose sur
l’hypothèse que celui-ci est constant dans le temps, et par conséquent toute variation positive
qu’il enregistre est attribuée à l’économie souterraine.
La méthode des transactions monétaires est fondée sur la théorie quantitative de la monnaie :
M x V = P x T où M est la masse monétaire, V sa vitesse de circulation et P x T la valeur des
transactions (P = prix et T = nombre de transactions). Cette méthode suppose l’existence d’un
rapport entre le montant total des transactions et le PIB, connu pour une année pendant la
quelle aucune transaction occulte n’a eu lieu. C’est en se référant à ce rapport considéré
hypothétiquement constant que le PIB qui aurait été obtenu si toutes les transactions
pouvaient apparaitre dans les statistiques publiques, est estimé. Et le PIB souterrain est
dégagé par différence par rapport au PIB officiel.
22
L’inconvénient de cette méthode est qu’un nombre considérable d’informations est nécessaire
pour l’estimation convenable du taux de rotation de la monnaie. De plus, elle repose sur
l’hypothèse irréaliste que la vitesse de circulation de la monnaie est la même dans l’économie
souterraine et dans l’économie officielle 15 . Bien que cette méthode soit théoriquement
attractive, elle a été critiquée par plusieurs auteurs parce que les impératifs nécessaires pour
obtenir des résultats fiables sont difficiles à remplir, et peuvent mener à des résultats douteux.
(Giles, 1999 16et Schneider, 200517).
La méthode de l’input physique ou des facteurs de production est basée sur l’existence d’une
relation étroite entre un facteur dont les statistiques de production et de consommations sont
considérés comme fiables, et le PIB. Ainsi, c’est la consommation d’électricité qui est
généralement retenue par la littérature économique comme le meilleur indicateur matériel de
l’activité globale. Une croissance démesurée de la consommation de l’électricité par rapport
au PIB est donc attribuée à l’économie souterraine.
La méthode de la variable non observée est fondée sur le principe que l’économie informelle
est une variable latente non observée. Cette variable est affectée par plusieurs causes et se
répercute sur plusieurs variables macro-économiques ou indicateurs.
15
Hafsatou Diallo, Güngör Karakaya, Danièle Meulders, Robert Plasman (Dulbea, Université Libre de
Bruxelles), Estimation de la fraude fiscale en Belgique, Etude réalisée à la demande de la FGTB, page 25 ; Mai
2010
16
Giles D.E.A (1999) « Measuring the hidden economy: implications for econometric modelling », Economic
Journal, 109 (456), pp 370-380.
17
Schneider F. (2005) « Shadow Economies around the world: what do we really know? », European Journal of
Political Economy, 21 (3), pp 598- 642.
23
C’est pour cette raison que cette méthode porte communément le nom de « MIMIC » :
Multiple Indicators and Multiple Causes. Les causes développées sont principalement le
fardeau fiscal, le chômage, la charge des réglementations, l’attitude face à la taxation et le
revenu par habitant. Quant aux indicateurs, on parle essentiellement du taux de participation
de la population masculine, les heures de travail par semaine et la croissance économique.
La citation d’Honoré Bostel « la fraude fiscale est un sport national dont les résultats ne sont
pas publiés » prend tout son sens en Tunisie puisqu’il n’existe quasiment pas de chiffres
révélant l’ampleur de la fraude fiscale dans notre pays et les quelques données disponibles ne
sont pas officiellement ratifiées.
Malheureusement, le contrôle de l’administration fiscale, avec ses modestes moyens n’est pas
suffisant pour faire face à l’ampleur de ce phénomène de fraude fiscale quoiqu’une
amélioration notable du rendement global est observée entre 2012 et 2014 et se détaille
comme suit :
18
Achraf Ayadi, l’économie informelle en Tunisie, inquiétudes et injustices, 2013, article disponible sur
http://www.tunisiensdumonde.com/enjeux/2014/01/leconomie-informelle-en-tunisie-inquietudes-et-injustices/
(consulté le 30/09/2015)
19
Webmanagercenter, 85% des entreprises tunisiennes opèrent dans l'économie parallèle, 2012, article
disponible sur http://www.webmanagercenter.com/actualite/economie/2012/12/15/128798/85-des-entreprises-
tunisiennes-operent-dans-l-economie-parallele (consulté le 14/05/2016)
24
Rendement global
En millions de TND
www.finance.gov.tn
Dans son rapport intitulé « Réseaux politiques et fraudes douanières, données tirées de
l’expérience tunisienne » et publié en juin 2015, la banque mondiale estime que la fraude
douanière a couté 1,2 milliards de dollars à l’Etat tunisien entre 2002 et 2009.
Ainsi la pratique de la déclaration frauduleuse a permis aux entreprises proches du pouvoir de
récolter 217 millions de dollars en fraude fiscale rien que pour l’année 2009.
Il s’agit là d’estimations qualifiées de « très prudentes » par la banque mondiale car
l’utilisation des prix moyens au lieu de prix médians augmenterait le chiffre de la fraude
douanière totale entre 2002 et 2009 de 1,2 milliards à 2,6 milliards de dollars. Ces chiffres
sont réellement très alarmants mais le plus inquiétant demeure que, selon ce même rapport, et
bien que le non-paiement des droits à l’importation après la révolution ait baissé de 16,2 %
pour les lignes de produits dominés par les entreprises qui étaient proches du pouvoir, une
augmentation simultanée de l’ordre de 5,7 % est notée dans les autres lignes de produits.20
20
Bob Rijkers, Leila Baghdadi, Gael Raballand, Rapport de la banque mondiale, Réseaux politiques et fraude
douanière, données tirées de l’expérience Tunisienne, juin 2015
25
L’une des manifestations les plus perceptibles de la fraude fiscale en Tunisie se concrétise à
travers le secteur informel qui est ancré dans la culture tunisienne depuis bien longtemps.
En effet, dès la proclamation de l’Independence, on a vu se forger un tissu économique
baignant dans l’ambiance de l’informel et ce, à cause notamment de la rareté du capital et de
l’inexistence de l’esprit de l’organisation et de l’entreprise. La prolifération de ce secteur n’a
pas été stoppée par les réformes fiscales et économiques de l’Etat qui visaient à moderniser
l’économie. Elle s’est même accrue et ce, pour réduire le coût du travail et éviter toute
fiscalisation. « L’économie parallèle représente un tiers de l’économie tunisienne. Avec son
poids grandissant qui constitue aujourd’hui 40% du PIB, et sa valeur de près de 28 milliards
de dinars, elle pose à l'économie formelle et régulière de vrais problèmes. L'économie
informelle emploie 140.000 personnes et porte préjudice à 85% des PME du pays qui opèrent
dans des secteurs d’activités directement concurrencés par la sphère informelle. »21
Le mécanisme de l’économie informelle est bien connu : Des produits provenant du circuit
informel inondent le marché local pour faire concurrence aux autres produits provenant de
l’économie formelle. Ces produits n’auraient pas existé s’il y avait un bon contrôle en amont
de la douane et des frontières. Mais malheureusement, le secteur informel cache le plus
souvent un système bien rodé de pots de vins.
Le secteur informel englobe l’ensemble des activités dont l’exercice illégal constitue une fuite
devant les différentes normes fiscales, sociales, commerciales et autres. Les entreprises
agissant dans le secteur informel exercent dans la plupart des cas, des activités tout à fait
légales mais les personnes qui les contrôlent ne sont déclarées ni au fisc ni à la sécurité
sociale. Ces entreprises se trouvent donc naturellement favorisées par rapport à celles agissant
en toute légalité du fait que les biens et services produits par le secteur informel sont moins
coûteux et donc plus compétitifs.
L’entreprise organisée se trouve dans ces cas fortement pénalisée et souffre à cause de sa
transparence d’une concurrence déloyale. Cet état peut même la conduire à la faillite,
l’amener à recourir à la fraude fiscale pour alléger ses charges ou carrément à se convertir à
l’informel.
21
Nadia Bentamansourt, 2014, Tunis : L’économie informelle accapare un tiers de l’économie tunisienne ; article
disponible sur http://africanmanager.com/tunis-l%C2%92economie-informelle-accapare-un-tiers-de-
l%C2%92economie-tunisienne/ (consulté le 14/05/2016)
26
Généralement, les entreprises relevant du secteur informel sont des entreprises familiales
travaillant dans des conditions précaires en l’absence des principaux services publics
nécessaires à toute exploitation viable d'une entreprise: eau, électricité, infrastructure
indispensable. Cette précarité représente un risque accru pour les travailleurs dans ces
milieux. Ces micros entreprises n’ont pas les moyens de se développer correctement du fait
qu’ils n’ont pas accès aux circuits officiels de financement.
Ce secteur est par nature difficile à quantifier et son ampleur le rend aussi difficile à contenir
et à contrôler. Est-ce cependant pour ces raisons que l’Etat manifeste une quasi résignation ou
tolérance face à ce secteur ou bien est-ce pour son impact sur des catégories sociales
défavorisées et qui ne peuvent pas espérer trouver de l’emploi dans les secteurs organisés ?
Il est très fort probable que le problème complexe du chômage oblige parfois l’Etat à faire des
compromis au profit du social et au détriment de la rationalité de gestion.
Depuis la révolution, l’Etat tunisien ne cesse de renforcer ses efforts pour lutter contre
l’économie parallèle qui représente une véritable gangrène pour le secteur formel.
Moez Joudi, président de l’association tunisienne de gouvernance a indiqué que les chiffres
officiels faisant état de 38 % du PIB sont sous-estimés et que les institutions financières
internationales considèrent que le secteur informel couvre 53 % du PIB, soit l’équivalent de
40 milliards de dinars. 22Le plus alarmant dans ces faits c’est que le secteur informel s’étend à
tous les secteurs d’activités et à tous les produits. Même les produits subventionnés n’ont pas
été épargnés.
Dans certaines régions du pays, l’informel est entrain de « tuer » carrément quelques
industries. Ainsi, à cause des importations gigantesques relevant du secteur informel en
provenance de la chine, la zone industrielle de chaussures à Sfax ne compte plus aujourd’hui
que 2 000 ouvriers contre 42 000 il y a quelques années. Par ailleurs, l’Etat ne contrôlant plus
toutes les règles du jeu de l’offre et de la demande à cause de l’approvisionnement à partir de
circuits irréguliers, l’économie informelle entraine une forte inflation. Enfin, le marché des
devises est aussi fortement infiltré par le secteur informel dans la mesure où les transferts de
devises de la région de Ben Guerdane sont évalués selon une enquête de terrain menée par
22
Webmanagercenter, L’informel pèse 40 milliards de dinars dans l’économie Tunisienne, article disponible sur
http://www.webmanagercenter.com/actualite/economie/2015/04/06/162227/l-informel-pese-40-milliards-de-
dinars-dans-l-economie-tunisienne www.webmanagercenter.com (consulté le 14/05/2016)
27
l’économiste Mohamed Haddar, entre 1 et 3 millions de dinars par jour, soit l’équivalent de
750 millions de dinars par an.23
Au niveau de l’entreprise, la fraude fiscale se manifeste par de multiples procédés qui n’ont
de limite que l’imagination des fraudeurs. En effet, « Les techniques de la fraude fiscale sont
d’autant plus variées, nombreuses et diversifiées qu’elles se multiplient et évoluent avec le
temps sous l’effet d’imagination et d’ingéniosité des fraudeurs »24. Le plus classique de ces
procédés est probablement la minoration du chiffre d’affaires à travers des ventes sans
factures, la dissimulation de factures ou la minoration des tarifs facturés avec pour
conséquence directe de minorer la TVA collectée ainsi que les bénéfices soumis à l’impôt.
Concomitamment à ce procédé, il y a lieu de citer la majoration des charges par la
constatation de charges fictives ou non liées à l’exploitation (Charges personnelles du dirigent
ou des membres de sa famille...) tandis que certaines charges sont comptabilisées dans des
comptes inappropriés de manière à éviter leur imposition (cas des charges de personnel
comptabilisée en services extérieurs de manière à éviter le payement des taxes salariales : TFP
et FOPROLOS).
Un autre paramètre très prisé par les fraudeurs se matérialise dans la rubrique de stock qui est
pour ainsi dire la seule donnée « parachutée » du bilan et permet donc par sa manipulation de
contrôler le résultat à sa guise.
Outre la minoration de la TVA collectée, une autre méthode de frauder cette taxe consiste à
déduire la TVA sur des charges ou des actifs fictifs.
Au niveau des groupes de sociétés, la fraude fiscale vise à transférer le bénéfice vers les
sociétés soumises à un taux réduit d’imposition ou disposant d’un report déficitaire via des
opérations démunies de fondement juridique et de réalité économique.
Quand cette fraude se hisse au niveau international, elle recourt généralement à des
subterfuges et des montages complexes se fondant sur la manipulation des prix de transfert, la
rémunération de services fictifs, ou encore la déclaration des activités dans les paradis fiscaux.
23
Webmanagercenter, L’informel pèse 40 milliards de dinars dans l’économie tunisienne, article disponible sur
http://www.webmanagercenter.com/actualite/economie/2015/04/06/162227/l-informel-pese-40-milliards-de-
dinars-dans-l-economie-tunisienne www.webmanagercenter.com (consulté le 14/05/2016)
24
Fayçal Derbel, les artifices comptables de la fraude fiscale, la revue comptable et financière n° 90, quatrième
trimestre 2010
28
Dans certains cas, les fraudeurs recourent à la comptabilité pour commettre des fraudes
fiscales en utilisant le compte courant associé afin de dissimuler un chiffre d’affaires au noir
ou une cession de déchet ou d’immobilisation. De même, le passage par le compte 128
« modifications comptables » dédié à l’enregistrement des effets de changements de méthodes
et corrections d’erreurs devant affecter les capitaux propres d’ouverture, au lieu du compte
« gains ordinaires » conduit à éviter l’imposition des gains qui auraient résulté de
l’annulation de dettes devenues fictives. Enfin, les changements de méthodes comptables et
les changements d’estimations peuvent servir de moyens de fraude fiscale quand ils sont
utilisés non pas à des fins d’amélioration de la qualité de l’information ou le respect des
dispositions d’une nouvelle norme, mais dans le but de diminuer la valeur des stocks finaux
ou d’augmenter la dotation d’amortissement de l’exercice pour alléger frauduleusement la
charge fiscale.
Toutes ces manifestations de la fraude fiscale suscitent naturellement des interrogations sur
son ampleur et son étendue. Malheureusement les méthodes de quantification de la fraude
fiscale exposées dans la Sous-section précédente se heurtent à plusieurs limites. Certaines
d’entre elles sont générales et d’autres sont propres au contexte tunisien.
D’abord, les approches indirectes monétaires souffrent de plusieurs lacunes à cause des
hypothèses utilisées qui sont souvent qualifiées de surréalistes ou d’« héroïques » par
plusieurs auteurs (Thomas, 1999)25.
Ensuite, Les approches indirectes monétaires nécessitent quant à elles des conditions difficiles à
atteindre telles que l’indépendance entre les modes de collecte de l’information et l’exemption
d’erreurs dans les différentes façons d’appréhender le revenu.
25
Thomas J. (1999) « Quantifying the black economy: ‘Measurement without Theory’ Yet Again? », Economic
Journal, 109 (456), pp 381 –389.
29
En Tunisie, la quantification de la fraude fiscale est d’autant plus difficile que la littérature y
afférente est quasi inexistante. De plus les données nationales publiées sont insuffisantes pour
réaliser de telles études. Si on a recours aux méthodes directes, on se heurte aussi à plusieurs
obstacles. D’abord, pour les enquêtes sur terrain auprès des ménages, ceux si sont très
réticents à répondre aux questions relatives au travail au noir ou l’achat de biens et services au
noir. Ensuite, l’estimation de l’économie souterraine à partir des données issues du contrôle
fiscal nécessite une stratification des résultats de contrôle selon les contribuables vérifiés.
Cette stratification est indispensable pour la correction des biais résultant de l’extrapolation.
Cependant les données disponibles sont globales et ne se prêtent pas à cette opération.
Dans son article « la vraie fraude fiscale est la TVA », Mr Abderraouf Yaich a tenté de
quantifier la fraude fiscale de manière scientifique en comparant les recettes théoriques de
cette taxe avec celles réalisées. En prenant pour base l’année 2013 cette étude a abouti à
estimer la fraude fiscale en matière de TVA à 1,2 milliards de dinars. 26
L’évolution des catégories de contribuables au cours des années 2010 à 2014 se présente
comme suit :
26
Abderraouf Yaich, La vraie fraude fiscale est la TVA, La revue comptable et financière N° 105 – Troisième
trimestre 2014
30
Evolution des contribuables en Tunisie selon le régime période 2010 à 2014
Une légère évolution du pourcentage des personnes morales est notée entre 2010 et 2014 avec
une augmentation de 3%. Néanmoins le pourcentage des personnes physiques reste largement
dominant au cours de la période étudiée avec plus de 80 %. Les commerçants, industriels,
prestataires de services et artisans relèvent majoritairement du régime forfaitaire avec plus de
80 %.
Le régime forfaitaire est largement favorisé par rapport au régime réel d’imposition. C’est
pourquoi toutes les entreprises se ruent carrément vers ce régime par tous les moyens.
Ainsi, selon les résultats de l’enquête micro-entreprises réalisée par l’institut national des
statistiques, presque 25 % des forfaitaires dont le chiffre d’affaires est supérieur à 30 000
27
TND sont des faux forfaitaires.
En 2015, les recettes fiscales se sont élevées à 66,3 % des ressources de l’Etat et se détaillent
comme suit :
27
Mohamed Ben Naceur, 2015, “Fraude fiscale, la partie immergée de l’iceberg, article disponible sur
http://www.realites.com.tn/2015/02/fraude-fiscale-la-partie-immergee-de-liceberg/ (consulté le 14/05/2016)
31
Evolutions des recettes fiscales en Tunisie période 2010 à 2015
En millions de TND
Rubriques 2010 2011 2012 2013 2014 L.F 2015 L.F.C 2015
Impôts Directs 5032,7 5914,3 6089,2 7118 8167,9 8671,1 7868
8,30% 17,50% 3,00% 16,9% 14,70% 6,20% -3,70%
Impôts sur le Revenu 2 600,10 2 873,00 3 187,90 3 707,40 4 095,10 4 428,80 4 520,00
9,30% 10,50% 11,00% 16,3% 10,50% 8,10% 10,40%
Impôts sur Salaire 2 005,50 2 325,80 2 640,00 3 068,0 3 261,30 3 628,00 3 600,00
Autres 594,6 547,2 547,9 639,5 833,8 800,8 920
Impôts sur les Sociétés 2 432,60 3 041,30 2 901,30 3 410,60 4 072,80 4 242,30 3 348,00
7,40% 25,00% -4,60% 17,6% 19,40% 4,20% -17,80%
Sociétés pétrolières 812,5 999,4 1 285,20 1 682,1 1 791,70 1 590,00 955
Sociétés non pétrolières 1 620,10 2 041,90 1 616,10 1 728,5 2 281,10 2 652,30 2 393,00
Impôts Indirects 7666 7715,6 8775,4 203,8 9 10412,7 11148,9 10642
8,90% 0,60% 13,70% 4,9% 13,10% 7,10% 2,20%
Régime intérieur 4 139,00 4 340,60 4 737,30 5 064,2 5 861,30 6 537,30 6 153,00
Régime Douanier 3 527,00 3 374,90 4 038,10 4 139,6 4 551,50 4 611,70 4 489,00
Droits de Douanes 563,9 561,2 715,5 728,9 809,3 844 800
8,40% -0,50% 27,50% 1,9% 11,00% 4,30% -1,10%
TVA 3 749,80 3 848,40 4 375,80 4 452,00 5 105,80 5 338,00 5 032,50
10,30% 2,60% 13,70% 1,7% 14,70% 4,50% -1,40%
Droits de Consommation 1 563,30 1 468,70 1 597,60 1 656,00 1 684,80 1 841,00 1 840,50
-2,10% -6,10% 8.8% 3,7% 1,70% 9,30% 9,20%
Autres Impôts indirects 1 789,00 1 837,30 2 086,50 2 366,90 2 812,80 3 125,90 2 969,00
17,40% 2,70% 13,60% 13,4% 18,80% 11,10% 5,60%
Fonds Spécials de Trésort 887,6 892,1 1 109,00 1 228,5 1 532,30 1 582,70 1 635,00
Fonds de Concours 48,7 48,5 48,9 48,4 19,2
Autres 852,7 896,7 928,6 1 090,0 1 260,80 1 543,20 1 334,00
Total 12 698,70 13 629,90 14 864,60 16 321,8 18 580,60 19 820,00 18 510,00
8,70% 7,30% 9,10% 9,8% 13,80% 6,70% -0,40%
www.finance.gov.tn
L’impôt sur salaire occupe la première place dans la contribution aux impôts directs avec
3 600 millions de dinars en 2015, soit près de 46 %. Ceci s’explique par l’importance de la
pression fiscale exercée sur les salariés mais surtout par le fait que leur imposition se fait via
le mécanisme inéluctable de retenue à la source.
D’ailleurs, comme l’indique le tableau ci-dessous, l’impôt moyen par contribuable est en
constante augmentation tant pour les salariés que pour les personnes physiques et morales.
32
Impôt moyen par contribuable en TND
On peut donc estimer sans prendre trop de risques que le taux d’adhésion des salariés à
l’impôt avoisine les 100 %. En deuxième place, les sociétés contribuent aux impôts directs à
hauteur de 42 % en 2015 avec 3 348 millions de dinars.
Cependant pour les personnes morales comme pour les autres contribuables, hormis les
salariés, le taux de dépôt des déclarations fiscales dépasse rarement les 50 % et se détaille
comme suit :
Régime Forfaitairre 38,9 33,8 35,9 31,7 65 54,6 45,4 58,1 52,3 44,4
Professions non commerciales 57,7 55,4 55 49,8 83,8 78,1 68,8 81 76,2 68,9
Total 40,5 36,6 38,7 32,9 67,8 58,7 49,3 62,4 56,6 48,6
www.finance.gov.tn
Ce taux de dépôt des déclarations qui ne dépasse pas les 50 % est très inquiétant et laisse
présager une ampleur de fraude exorbitante, mais le plus alarmant c’est que même ceux qui
déclarent leurs revenus ont tendance à frauder l’impôt par des déclarations minimalistes.
33
Ainsi, « En 2010, la contribution moyenne par forfaitaire a été de 104,5 dinars, ce qui est
dérisoire par rapport à la contribution des salariés de la classe moyenne soumis à la retenue à
la source. »28
28
Ridha Lahmar, évasion et injustice fiscale, 2014, article disponible sur http://www.realites.com.tn/2014/06/la-
reforme-du-regime-forfaitaire-solution-au-deficit-budgetaire/ (consulté le 14/05/2016)
34
CHAPITRE 2 : Facteurs incitant les entreprises tunisiennes à la fraude
L’étude de tout phénomène passe inexorablement par la recherche et l’analyse de ses causes.
Ainsi, les causes de la fraude fiscale, en tant que phénomène socioéconomique, sont multiples
et complexes. La réglementation et la pression fiscale, la conjoncture économique et sociale
ou encore la complexité du système fiscal influent directement sur le comportement des
entreprises et leur tendance à frauder l’impôt. Quels sont donc les caractéristiques et les
spécificités de ces facteurs en Tunisie ?
Il existe en Tunisie une grave distorsion entre le régime réel et le régime forfaitaire. En effet,
les entreprises imposées selon le régime réel sont confrontées à un dispositif fiscal des plus
complexes imposant une gestion lourde et contraignante. On peut donc parler d’une véritable
discrimination fiscale qui se manifeste par un taux de pression fiscale élevé pour les
entreprises qui s’acquittent des charges fiscales et sociales conformément au droit commun, et
d’un taux très réduit pour les entreprises qui y échappent (celles éligibles au régime forfaitaire
d’imposition et celles éligibles aux avantages fiscaux).
« L’impôt forfaitaire est libératoire de la taxe sur la valeur ajoutée au régime réel, de l’impôt
sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux et il comprend la taxe sur les
établissements à caractère industriel, commercial ou professionnel. Toutefois, il est déductible
de l’impôt sur le revenu ou de la taxe sur la valeur ajoutée pour les personnes qui sont
classées dans le régime réel suite à une vérification fiscale29 ».
29
Article 44 quater code de l’IRPP et de l’IS
35
La loi de finances 2016 a proposé :
Ce régime forfaitaire d’imposition est limité dans le temps à une période de 3 ans
renouvelables si le contribuable apporte les justificatifs confirmant son droit d’obtention de ce
régime.
Par ailleurs, les personnes bénéficiant du régime forfaitaire selon l'article 44 ci-dessus et dont
le chiffre d'affaires ne dépasse pas 150 000 dinars peuvent opter pour la tenue d'une
comptabilité simplifiée au même titre que l'article 62 du code de l'IRPP et l'IS à savoir la
tenue
a) D’un registre côté et paraphé par les services du contrôle fiscal sur lequel sont portés
au jour le jour les produits bruts et les charges, sur la base des pièces justificatives ;
b) Et d’un livre d'inventaire côté et paraphé par les services du contrôle fiscal où sont
enregistrés annuellement les immobilisations et les stocks
Bien qu’elle soit un impôt neutre, la TVA qui n’est pas supportée par l’entreprise mais
seulement collectée par celle-ci, est source de distorsions graves dans la mesure où elle n’est
pas généralisée à tout le circuit économique. De ce fait les entreprises non assujetties à la
TVA se retrouvent pénalisées puisque la taxe ayant grevé leurs achats se trouve
définitivement perdue.
30
Article 17, loi de finances pour la gestion 2016
36
Même dans le cas où la TVA est récupérable, elle peut être pénalisante pour l’entreprise et ce
dans le cas où la vente se fait à crédit, ce qui est une pratique très courante en Tunisie.
L’entreprise se retrouve donc à payer des taxes sur des ventes dont le produit n’est pas encore
encaissé.
Cette situation est d’autant plus grave lorsque la créance en question se retrouve impayée et
que l’entreprise ne procède pas au reversement de la TVA facturée sans être encaissée, car
elle risque d’être soumise à une sanction pénale anormalement grave prévue par l’article 92
du CDPF (emprisonnement de 16 jours à trois ans et amende de 1.000 dinars à 50.000 dinars).
La retenue à la source pèse aussi lourd sur la trésorerie de l’entreprise et pénalise aussi bien
l’entreprise qui l’opère que celle qui la supporte. En effet, l’entreprise qui opère la retenue
peut être en pratique amenée à négocier les produits et services qu’elle acquiert sur une base
nette. Il en résulte un renchérissement du coût pour cette entreprise « citoyenne » et une
atteinte à sa compétitivité. Quant à l’entreprise qui subit la retenue à la source, elle voit sa
trésorerie affectée surtout lorsque le taux de la retenue est élevé et/ou la marge bénéficiaire est
faible.
Bien que le régime de retenue à la source apporte certains avantages par rapport au système
traditionnel de paiement des impôts (simplification du recouvrement de l’impôt, évitement
des pénalités de retard…), la généralisation parfois « hasardeuse » des retenues représente un
frein non négligeable à la pérennité financière de l’entreprise.
Les acomptes provisionnels représentent aussi une charge importante pour l’entreprise. Il
s’agit d’une avance sur l’Impôt sur le revenu ou sur l’impôt sur les sociétés dont la valeur se
situe à 90% du montant de l’impôt payé au titre de l’année précédente. Ces acomptes sont
perçus chaque année en trois échéances égales (Juin, septembre et décembre) à partir de la
2ème année d’activité de l’entreprise. Cette technique permet au trésor de percevoir l’IR et
l’IS au cours de l’année et ce, sans attendre l’écoulement de l’exercice fiscal. Ces acomptes
ainsi perçus sont par la suite imputables sur le montant de l’impôt à payer au titre de
l’exercice en question. Le problème qui se pose souvent c’est que l’entreprise qui réalise des
bénéfices moins importants que l’année précédente paye un surplus d’impôt qui étouffe sa
trésorerie surtout lorsqu’elle traverse une mauvaise conjoncture économique.
37
1-1-3 Allégements fiscaux discriminants :
Le système fiscal tunisien comporte une multitude d’avantages et d’incitations fiscales qui ne
produisent pas toujours les effets escomptés en termes de croissance et de développement de
l’investissement privé.
Cette défaillance est relevée à cause de l’absence d’un système de suivi et d’évaluation
périodique et rigoureux de ces allégements et de leur impact. Ainsi « Le coût des incitations
fiscales aux investissements a presque triplé entre 2005 et 2010, passant de 0,75 % à 2,2 % du
PIB. Cette augmentation a bénéficié surtout aux exportateurs, pour qui la dépense fiscale est
passée de 0,65 % à 2 % du PIB, alors que la part des exportations dans le PIB a peu
évolué ».31
Cette situation laisse présager une augmentation des pertes indirectes se manifestant par les
fraudes et l’optimisation à travers ces incitations fiscales qui attisent la convoitise des
chasseurs de primes et d’avantages au détriment parfois d’activités plus prometteuses.
Il est donc primordial surtout dans ce contexte post révolutionnaire de bien cibler les
entreprises profitant de ces avantages et de mettre en place le système de suivi adéquat au cas
par cas.
L’impôt est défini par Gaston Jèze comme « Une prestation de valeurs pécuniaires exigée
des individus d’après des règles fixes, en vue de couvrir des dépenses d’intérêt général, et
uniquement à raison du fait que les individus qui doivent les payer sont membres d’une
communauté politique organisée »32.
L’impôt est une charge pécuniaire plus ou moins ressentie par les individus qui la subissent.
On parle alors du concept de pression fiscale et bien que certains auteurs la considèrent
comme un rapport qualitatif, l'usage courant l'appréhende comme un rapport quantitatif.
31
Association IDEES : Initiative pour le Développement Economique et Social, « Quelle réforme fiscale: les
constats et les recommandations », 2013, article disponible sur http://www.leaders.com.tn/article/11832-quelle-
reforme-fiscale-les-constats-et-les-recommandations (consulté le 14/05/2016)
32
Cours de finances publiques 1936-1937, LGDJ, 1937, p. 38 cité par https://fr.wikipedia.org
38
Ainsi, la pression fiscale (ou rendement fiscal ou coefficient fiscal) se définit comme le
rapport existant entre le prélèvement fiscal subi par une personne, un groupe social ou une
collectivité territoriale et le revenu dont dispose cette personne, ce groupe ou cette
collectivité.
La Tunisie est caractérisée par un système fiscal complexe et la pression fiscale qu’il enduit
est en hausse quasi permanente surtout après la révolution. Ainsi en 2010, la pression fiscale
représentait 20,1 % du PIB. En 2012, elle a augmenté d’un point pour atteindre 21,1 %. Et
Elle a même atteint 21,7 % en 2013 et 23.1% en 2014. 33
« Trop d’impôt tue l’impôt » ; ce concept est bien connu et remonte au quatorzième siècle
avec Ibn Khaldoun et Jean-Baptiste Say qui disait qu'un « impôt exagéré détruit la base sur
laquelle il porte »
L’arrêté du parlement français de 1782 énonçait que « les impôts ont des bornes au-delà
desquelles ils se nuisent réciproquement ; c'est que, ces bornes passées, ils ne sont plus qu'une
charge pour les peuples et une ressource faible, quelquefois même illusoire pour l’État »
La courbe de Laffer (du nom de l'économiste américain Arthur Laffer) institue le principe
qu'au-delà d'un certain seuil de prélèvement fiscal, toute augmentation de la pression fiscale
entraine une diminution des recettes fiscales à cause de l'effet dé incitatif sur l'offre de travail ;
les mêmes recettes fiscales auraient donc été plus élevées avec des taux d'imposition plus bas.
Elle est résumée par la formule « trop d'impôt tue l'impôt » ou encore « les hauts taux tuent
les totaux »
Cette courbe est illustrée comme suit
www.wikiberal.org
33
www.finance.gov.tn
39
1-2-2 La pression fiscale en Tunisie :
Il est de notoriété publique qu’aucun Etat ne pourrait survivre sans le prélèvement d’impôt.
Cet impôt ainsi prélevé permet le fonctionnement de l’Etat et l’expression de sa souveraineté
à travers le financement des services publics fondamentaux tels que : la défense du territoire,
la sécurité des citoyens, la représentation des intérêts des Tunisiens à l’étranger, la formation,
la santé, l’éducation, le transport public…
La loi de finances pour la gestion 2016 a prévu un financement de l’Etat à hauteur de 70,4 %
à travers des recettes fiscales.
Ce taux considérable implique une forte pression fiscale sur les contribuables personnes
physiques et morales. Le reliquat du budget de l’Etat est financé par des emprunts.
Cet arbitrage entre impôt et emprunt est toujours une tâche assez difficile et délicate.
Le financement par emprunt est utilisé pour couvrir le déficit budgétaire. Cela revient à
transférer sur les générations futures des charges de dépenses actuelles. Ce procédé est donc
considéré comme légitime uniquement lorsqu’il permet de financer des investissements qui
augmentent le potentiel de création de richesses de l'économie (dépenses d'investissements
rentables). Le déficit budgétaire de l’Etat correspond au surplus des dépenses, hors
remboursement du principal de la dette, sur les recettes. Ce déficit est considéré comme
raisonnable lorsqu’il est de l’ordre de 3 %. Ce taux reflète une gestion saine des finances
publiques. La loi de finances complémentaire pour l’année 2015 a dégagé un déficit
budgétaire de l’ordre de 4,8%.
Le taux de pression fiscale mesure la part du Produit Intérieur Brut (P.I.B.) au prix du marché
prélevé par l'Etat sous la forme de recettes fiscales.
Comme illustré dans le tableau ci-après la pression fiscale tunisienne est en hausse quasi
permanente depuis 2010
Taux de la pression fiscale en Tunisie
Année 2010 2011 2012 2013 2014 2015
Pression fiscale en % du PIB 20,1% 21,1% 21,1% 21,7% 23,1% 21,6%
www.finance.gov.tn
Cette évolution inquiétante de la pression fiscale est probablement l’une des principales
causes de la fraude fiscale en Tunisie.
40
Section 2 : Limites du système fiscal tunisien
Alors qu’avant la révolution, le taux de croissance du PIB se situait autour de 5%, le taux de
croissance de l’année 2015 s’est situé à 0,8 %, une reprise modérée est prévue pour 2016 avec
une estimation de 1,8 %. 34
Grâce à une saison exceptionnelle, les exportations d’huile d’olive ont atteint des records, ce
qui a permis de contracter le déficit de la balance commerciale pour se situer à 10,2 milliards
de dinars. Le taux de chômage s’est accru au cours du troisième trimestre de 2015 pour
s’établir à 15,3 % avec 32% pour les diplômés de l’enseignement supérieur.35
Au cours de l’année 2015, la hausse des prix des produits manufacturés, notamment ceux de
l’habillement et chaussures et en particulier ceux du tabac a engendré une accentuation des
tensions inflationnistes avec un taux qui a atteint les 5 %.
34
Tunisie : rapport de suivi de la situation économique (avril 2016) ; disponible sur
http://www.banquemondiale.org/fr/country/tunisia/publication/economic-outlook-spring-2016 (consulté le
14/05/2016)
35
Banque centrale de Tunisie, évolution de la conjoncture économique (10 premiers mois 2015) disponible sur
http://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/documents/IC_201511_fr.pdf (consulté le 14/05/2016)
41
2-1-2 Conjoncture sociale : La culture fiscale de non transparence
La transparence fiscale nécessite une culture profonde de civisme fiscal qui fait défaut en
Tunisie. En effet malgré l’instauration d’une instruction de haut niveau, le citoyen tunisien n’a
pas intégré dans ses coutumes l’acquittement de ses impôts vis-à-vis du fisc. Cet acte était
considéré pendant la colonisation comme un acte de nationalisme et de patriotisme puisque le
fisc était contrôlé par les forces de l’occupation. Ce manque de civisme trouve son origine
aussi dans les failles de la législation fiscale actuelle qui « encouragerait » presque à la fraude
en instaurant les méthodes d’évaluation forfaitaire de l’impôt dû (forfait légal) et de l’assiette
imposable (forfait d’assiette) et ce, même pour des catégories sociales aisées tel que les
professionnels libéraux.
A ce manque de civisme fiscal s’ajoute une inintelligibilité des textes et une diffusion limitée
de la jurisprudence fiscale qui ne sont pas de nature à favoriser la transparence. Enfin ; il
existe chez certains contribuables un sentiment d’impunité face à la fraude fiscale. Ce
sentiment est née de la politique de l’Etat qui, en voyant ses recettes fiscales diminuer, aura
tendance à taxer plus les contribuables honnêtes ainsi que ceux qui ne peuvent pas échapper à
l’impôt à cause du mécanisme de la retenue à la source.
On tombe ainsi dans un cercle vicieux qui bénéficiera aux fraudeurs qui vont se développer
au détriment des entreprises qui s’acquittent régulièrement de leurs obligations fiscales.
Dans un contexte post révolutionnaire caractérisé par un déni total des autorités
administratives et publiques, il est très difficile pour l’Etat d’imposer sa souveraineté en
matière de réglementation fiscale et de recouvrement d’impôt.
Outre ces facteurs, l’administration fiscale manque considérablement de moyens aussi bien
humains que financiers pour effectuer son rôle de vérification et de contrôle.
En effet, nous notons une insuffisance de moyens humains: uniquement 1 600 agents chargés
du contrôle (dont 450 chargés de la VA) et insuffisance de moyens matériels (Un véhicule
pour 16 agents; Un ordinateur pour 3 agents)36.
36
Réforme fiscale, modernisation de l’administration fiscale, juillet 2013, disponible sur
http://www.finances.gov.tn/images/actualites/doc_ar/rf_3_ar.pdf (consulté le 14/05/2016)
42
Sous-section 2 : Complexité du système fiscal tunisien
Une lecture sommaire des différentes lois et réglementations fiscales en Tunisie fait ressortir
un constat alarmant en l’occurrence : une inintelligibilité des textes et une diffusion limitée de
la jurisprudence fiscale qui ne sont pas de nature à favoriser la transparence.
Nous notons même parfois une contradiction des textes législatifs relatifs à la fiscalité. Ceux-
ci sont dispersés entre le code sur la Taxe à la valeur ajoutée et du droit de consommation
(1988), le code de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’impôt sur les sociétés
(1989), le code des droits d’enregistrement et de timbre (1993), le code d’incitations aux
Investissements (1993), le code de la Fiscalité locale (1997) et le code des Droits et
Procédures fiscaux (2000).
Plusieurs autres mesures sont inscrites dans le cadre des conventions fiscales de non- double
imposition et d’autres textes ne sont pas incorporés aux codes fiscaux.
Par ailleurs, il est inquiétant de constater une inégalité d’imposition flagrante entre les
catégories des contribuables. En effet, en 2013, « Les petits entrepreneurs, environ 395.000,
bénéficiant d’un régime spécial dit forfaitaire, ne contribuent qu’à hauteur de 0,2% des
recettes fiscales, soit seulement 23,5 millions de dinars. Ceux qui exercent des métiers non
commerciaux n’assurent que 3% du total des impôts sur le revenu, ce qui serait, selon la
directrice générale des études et de la législation fiscale, très peu par rapport à leur nombre et
à leurs revenus. Les salariés, par contre, contribuent à 80% des impôts sur le revenu »37.
Il est encore plus grave de voir les mesures d’incitations à l’investissement, d’encouragement
au développement régional et de l’exportation détournées de leur vocation pour disposer
d’une défiscalisation totale et parfois abuser de leurs prérogatives.
Le système fiscal tunisien est un système complexe comportant plusieurs impôts et taxes qu’il
convient ici de rappeler pour mesurer l’ampleur de cette complexité. Les principaux impôts et
taxes sont donc :
37
Opération réforme fiscale, 2013, article disponible sur
http://www.leconomistemaghrebin.com/2013/05/13/operation-reforme-fiscale/ (consulté le 14/05/2016).
43
le droit de consommation,
les droits de douane,
les droits d'enregistrement et de timbre,
les taxes locales,
Les taxes professionnelles de compétitivité,
et diverses taxations touchant certains produits, le transport, les assurances...
L’IRPP est dû par toute personne physique ayant sa résidence habituelle en Tunisie. Les non-
résidents sont également soumis à l’impôt sur le revenu à raison de revenus de source
tunisienne. L’IRPP touche toutes les catégories de revenus tel que les traitements, salaires,
pensions et rentes viagères ; les revenus de valeurs mobilières et les revenus de capitaux
mobiliers, les bénéfices industriels et commerciaux; les bénéfices des professions non
commerciales; les bénéfices des exploitations agricoles et de pêche; ainsi que les revenus
fonciers et les revenus de source étrangère s'ils n’ont pas subi l’impôt dans le pays de la
source.
L’IRPP est un impôt annuel, progressif et strictement personnel. C’est aussi un impôt
déclaratif. Il est liquidé au vue d’une déclaration annuelle souscrite par le contribuable et
soumise au droit de contrôle de l’administration.
L’impôt sur les sociétés s’applique aux personnes morales. Sous réserve de certaines
exonérations l’IS est dû par :
- Les entreprises étrangères non établies en Tunisie à raison de certains revenus (redevances,
intérêts...).
44
La base de l’IS : « Bénéfice imposable » est le bénéfice comptable déterminé en fonction des
règles admises en Tunisie (en l’occurrence le système comptable tunisien) auquel on opère les
déductions et réintégrations imposées par la réglementation fiscale en vigueur.
Cette baisse du taux d’IS a été accompagnée par l’instauration d’une retenue à la source
libératoire de 5 % sur les bénéfices distribués. La retenue à la source au titre des bénéfices
distribués est déductible de l’impôt sur le revenu des personnes physiques dont les dividendes
ne dépassent pas 10 000 dinars. Cette retenue peut même faire l’objet de restitution.
Par ailleurs, Le taux d’IS est fixé à 35 % pour les établissements de crédit, les sociétés
d’investissement, les compagnies d’assurance et de réassurance, les sociétés de recouvrement
des créances, les opérateurs de réseaux de télécommunication, les sociétés de services dans le
secteur des hydrocarbures, et les entreprises exerçant dans le secteur de production et de
transport des hydrocarbures et les entreprises exerçant dans le secteur de raffinage du pétrole
et de vente des produits pétroliers en gros.
La TVA est un impôt indirect du fait que cette taxe est perçue d’une personne qui ne supporte
pas la totalité de la taxe. En fait, cette dernière est refacturée de l’amont à l’aval de la chaine
pour être répercutée sur le consommateur final du produit ou du service. Ainsi la TVA payée
sur les intrants est déductible de la TVA collectée sur le chiffre d’affaires du mois. Le crédit
éventuel est restituable selon des conditions exigées par la loi.
45
Le droit de consommation : « DC »
Le droit de consommation s’applique aux produits de luxe dont essentiellement les vins,
bières et boissons alcoolisées, le tabac, le carburant, et les véhicules de tourisme.
Il est à noter que la loi de finances pour la gestion 2016 a prévu une baisse substantielle des
taux sur le café, le thé, les liqueurs et certains produits de luxe. A titre d’exemple, le droit de
consommation sur les whiskies, cognac, vodka et gin est ramené de 648% à 50% et ce dans le
cadre de la lutte contre la contrebande.
Le droit de douane :
Le droit de douane est un droit applicable sur les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour
l’exportation à destination de la Tunisie. La valeur transactionnelle est la base de
détermination de la valeur en douane des marchandises importées. La transaction en question
doit représenter une vente à destination de la Tunisie impliquant un transfert effectif de la
marchandise à l’échelon international.
Droits d’enregistrement
Les actes soumis aux droits d’enregistrement sont les ventes d’immeubles, les ventes de fonds
de commerce, les donations et successions, les actes de sociétés et les jugements et arrêts. Les
droits d’enregistrement sont perçus suivant un taux déterminé appliqué à la valeur du bien ou
selon un droit fixe.
46
Taxes professionnelles de compétitivité
Les fonds spéciaux du trésor : fond de développement de la compétitivité dans les secteurs de
l’agriculture, de la pêche et des industries agro-alimentaires, ont été institués en vertu de la loi
n° 94-127 de la 26/12/1994 portant loi de finances pour la gestion 1995. Cette loi a connu
depuis d’innombrables compléments et amendements visant à fixer les règles d’organisation,
de fonctionnement et les modes d’intervention de ces dits fonds, à élargir leurs ressources et
leurs champs ou à les simplifier. Cependant, cette abondance de la législation n’a fait que
compliquer davantage la compréhension des textes.
Il est déconcertant de constater que malgré la multitude d’impôts et taxes constituant le droit
fiscal tunisien, celui-ci est marqué par la doctrine administrative qui prend une importance
considérable de nos jours.
47
La doctrine administrative est l’ensemble des instructions et circulaires publiées par
l'administration fiscale. Elle devient si abondante qu'elle a tendance à se substituer à la loi et
au règlement. Face à ce foisonnement des documents et leur degré de technicité, même les
plus chevronnés des fiscalistes ont parfois du mal à s’y retrouver. Cette intelligibilité des lois
fiscales est de nature à favoriser les erreurs d’interprétation, les erreurs et la fraude fiscale. De
nombreux litiges sont alors créés entre le contribuable et l’administration fiscale. Il s’agit du
contentieux fiscal.
Le contentieux fiscal est régi en Tunisie par le code des droits et procédures
fiscaux « CDPF ». Ce code fixe les dispositions relatives aux droits et obligations fiscales du
contribuable et aux procédures y afférentes.
L'accomplissement du devoir fiscal suppose la déclaration spontanée de l'impôt dans les délais
impartis et le respect des autres obligations prescrites par la législation fiscale.
L’administration fiscale dispose en vertu du CDPF d’un droit de contrôle fiscal qui se traduit
par :
48
L’administration fiscale dispose également d’un droit de communication auprès :
• Elle se déroule dans les locaux de l’entreprise. Toutefois, elle peut avoir lieu dans les
bureaux de l’administration fiscale sur demande écrite du contribuable ou à l’initiative
de l’administration en cas de nécessité, dans ce cas les échanges des registres et
documents se font contre récépissés.
• Elle nécessite une notification préalable d’au mois 15 jours au contribuable.
• Elle se base sur la comptabilité pour les contribuables soumis à cette obligation et dans
tous les cas sur la base des renseignements et des présomptions de fait et de droit.
• Elle concerne les actes déclarés et les actes non déclarés.
• Le contribuable a le droit d’être assisté pendant la VA par une personne de son choix.
49
• L’administration peut différer la date de commencement de la vérification pour une
durée ne dépassant pas 60 jours et ce, à son initiative ou sur une demande écrite du
contribuable. Un PV doit être signé entre les deux parties en cas de report.
• Les interruptions de la VA ayant fait l’objet de correspondance ne peuvent dépasser
les 60 jours.
L’administration fiscale répond à son tour au contribuable qui dispose cette fois d’un droit à
une deuxième réponse dans un délai de quinze jours. Au cours de cette étape de la
vérification, le contribuable a la possibilité de saisir la commission d’encadrement du contrôle
fiscal.
Dans le cas où le contribuable est d’accord avec le résultat de la vérification, il établit une
déclaration rectificative avec une reconnaissance de dette. Dans le cas d’un accord partiel, il
établit une déclaration rectificative avec une reconnaissance de dette et l’administration établit
quant à elle un arrêté de taxation d’office « ATO ».En cas de désaccord, l’administration
établit un ATO. Le contribuable qui refuse de se conformer à cet arrêté peut saisir les
tribunaux compétents pour s’opposer à la taxation dont il a fait l’objet.
50
CONCLUSION
La fraude fiscale constitue un vrai fléau pour l’économie tunisienne. Sa quantification est
difficile et se heurte à de nombreux obstacles. L’ampleur de cette fraude peut néanmoins être
perçue à travers ses différentes manifestations.
Les manifestations de fraude fiscale les plus marquantes se concrétisent dans la prolifération
du secteur informel, les fraudes en entreprises et les faibles taux d’adhésion à l’impôt.
Cette partie a expliqué que la fraude fiscale est causée par une culture fiscale de non
transparence renforcée par un système fiscal complexe et défaillant regorgeant de distorsions
et engendrant une très forte pression fiscale sur les contribuables. Ce système fiscal est la
source de distorsions graves et de ponctions fiscales pénalisantes pour la trésorerie de
l’entreprise.
A ce stade il est légitime et primordial de s’interroger sur les différentes solutions et remèdes
envisageables pour limiter, voire même essayer d’éradiquer la fraude fiscale afin de préserver
l’économie.
51
DEUXIEME PARTIE : Lutter contre la fraude fiscale :
Solutions envisageables
52
INTRODUCTION
La fraude fiscale n’est pas l’exclusivité de la Tunisie. En effet, partout où on trouve des
impôts, on retrouve des personnes qui essaient d’y échapper par tous les moyens. Ainsi, tous
les pays du monde sont confrontés à ce fléau avec des proportions plus ou moins importantes.
Chacun de ces pays a donc développé ses propres stratégies pour lutter contre la fraude
fiscale. Quelles sont alors ces stratégies et lesquelles peuvent être appliquées en Tunisie ?
Cette deuxième partie du mémoire est consacrée à la recherche des solutions envisageables
pour lutter contre la fraude fiscale en Tunisie. Pour ce faire, il y a lieu d’abord d’explorer cette
fraude dans les pays comparables afin de bien saisir l’ampleur de ce phénomène au niveau
national et de rechercher les remèdes les plus adaptés au contexte Tunisien. Les pays
considérés seront le Maroc, l’Égypte et la Jordanie, et ce en raison de la proximité
géographique avec la Tunisie ainsi que la similitude au niveau des économies et des cultures.
Cet apport théorique sera par la suite validé et enrichi par une enquête menée auprès d’un
échantillon représentatif composé d’experts comptables, de chefs d’entreprises et d’agents de
l’administration fiscale afin de recueillir leur avis et recommandations sur les solutions
envisageables d’éradication de la fraude fiscale en Tunisie.
53
CHAPITRE 1 : La fraude fiscale de par le monde
La fraude fiscale au Maroc est sans équivoques. En effet, bien que son évaluation est une
mission très difficile et qu’il n’existe pas de données précises, les chiffres extraits des résultats
du contrôle fiscal révèlent qu’il s’agit là d’un phénomène bien réel, quoique son poids ne peut
être déterminé de façon fiable. « Aussi, les études et réflexions menées sur le système fiscal
marocain n’ont abordé qu’accessoirement l’évaluation de la fraude fiscale. Au Maroc les
statistiques officielles en 2011 indiquaient que 115 000 entités soumises à l’IS déclarent un
déficit de manière répétitive, soit 65% de la population totale d’assujettis. Une situation
d’autant plus anormale que 2% des entreprises paient 80% de l’IS »38.
Sur le plan économique, la fraude fiscale est expliquée par le niveau élevé des prélèvements et
les coûts supportés par le contribuable découlant de la complexité des opérations de paiement
de ces prélèvements qui pèsent sur son attitude par rapport à ses obligations fiscales.
Politiquement, Les choix d’octroi des avantages fiscaux et le poids fort des groupes de
pression dans la décision fiscale ont attisé la tendance à la fraude.
38
Rapport du conseil économique et social, le système fiscal marocain, développement économique et cohésion
sociale, 2012
54
Moralement, la fraude fiscale est tributaire de la perception des politiques de lutte contre ce
phénomène, les normes sociales et culturelles ainsi que les interactions avec les pouvoirs
publics et l’appréciation des contribuables de l’administration fiscale, le système fiscal et les
politiques publiques en général.
Comme en Tunisie, le secteur informel au Maroc est une vraie menace pour l’économie
formelle. En effet, son poids est unanimement considéré comme un obstacle au
développement de l'économie marocaine. « On le crédite de 41 % des emplois (hors
agriculture, administration et collectivités locales) et de 14 % du PIB et on l'accuse de tous les
maux : fraude fiscale et sociale, exploitation de la main d'œuvre et corruption »39
Selon des sources de la Direction Générale des Impôts, plus de 70% des sociétés déclaraient
des pertes au titre de l’impôt sur les sociétés pour l’année 2006, et plus de 50 % des
déclarations de la TVA sont créditrices.40
Malgré les différences entres les estimations, toutes les études s’accordent sur le fait que le
constat de la fraude fiscale au Maroc est un phénomène bien réel et alarmant.
La proportion des recettes fiscales par rapport aux dépenses publiques est ainsi passée de
47,1% en 2005/2006 à 44% en 2011/2012. En d'autres termes, les recettes fiscales couvrent
moins de la moitié des dépenses de l'Etat.
Le secteur informel absorbe plus de 50% de la population active en Egypte. Ce taux atteint
82,3 % dans les zones rurales, comparativement à 42,8 % dans les villes.41
39
Hamid Bouchikhi, Et si le secteur formel marocain était le véritable obstacle au développement
économique? 2015, article disponible sur http://www.huffpostmaghreb.com/hamid-bouchikhi/et-si-le-secteur-
formel-m_b_7124012.html, (consulté le 03/05/2016)
40
Dossier relatif à la fraude fiscale au Maroc, « AL ALAM Hebdomadaire », n° 20704 du 14/15 Avril 2007
55
Une étude réalisée par l’économiste péruvien Hernando de Soto en 2004 révèle que
l’économie souterraine est le plus grand employeur de la nation avec 9,6 millions de
personnes tandis que le secteur privé emploie 6,8 millions de personnes et le secteur public
n’en emploie que 5,9 millions. En outre 92 % des égyptiens possèdent leur propriété sans titre
juridique normal, ce qui entrave leur capacité à en tirer parti pour des garanties de prêt ou des
capitaux d’investissement. La même étude a mis en exergue des exemples surprenants
illustrant l’extrême difficulté rencontrée par les entrepreneurs souhaitant intégrer le secteur
formel. Ainsi, pour ouvrir une petite boulangerie, il faut compter plus de 500 jours et
l’obtention du titre de propriété d’un terrain vacant nécessite plus de 10 ans. L’exemple le
plus éloquent est celui qu’un entrepreneur souhaitant faire affaire en Egypte devra passer par
56 organismes gouvernementaux et des inspections gouvernementales répétitives. 42
L’Egypte est aussi caractérisée par un taux élevé de fraudes fiscales dû principalement à la
complexité et l’ambigüité des lois fiscales d’une part, et au manque de consentement à l’impôt
d’autre part. Cette insubordination fiscale est le fruit d’une certaine inconscience des
contribuables qui voient l’impôt comme un fardeau inutile. De plus, ils ressentent un
sentiment d’impunité à cause des peines négligeables encourues en cas de fraude.
En outre, les multiples exonérations fiscales accordées par les autorités sont mal orientées et
ce, au détriment de plusieurs activités économiques et sociales, ce qui crée un sentiment
d’iniquité fiscale.
41
Abdel-Fattah El Gebaly, Tax policy and social justice in Egypt , article published by the Egyptian center For
Economic and Social Rights, 2013
42
Hernando De Soto, Egypt's Economic Apartheid, article published by the wall street journal, 2011
56
Les taxes sur ventes, une forme d'impôt indirect, sont alors devenues progressivement la
principale source de revenus du gouvernement indiquant que l'objectif de l'augmentation des
recettes, qui se basait auparavant sur l’impôt sur le revenu et les droits de douane a privilégié
comme nouvelle source les taxes sur ventes.
En Jordanie, il y a moins de cas de fraude fiscale liée à l'impôt sur le revenu que la taxe sur
vente. Dans l'ensemble, il existe différents moyens pour se soustraire à l’impôt sur le revenu,
les taxes de vente et de douane dans le pays.43
du défaut de déclaration des entités privées auprès du département des taxes sur les
ventes et le revenu,
de la non-présentation des déclarations de revenus,
de la non-délivrance d'une facture pour la valeur des ventes,
et de la dévaluation d'une facture dans le cas d'un paiement en espèces.
La fraude fiscale sur le revenu pour les particuliers et les entreprises se fait à travers :
43
Jordan Economic & Social Council, Tax Evasion in Jordan: causes, means, and size,2014, P30, disponible sur
http://inform.gov.jo/en-us/By-Date/Report-Details/ArticleId/20/Tax-Evasion-in-Jordan-causes-means-and-size
57
L’estimation de la taille de l’économie informelle en Jordanie selon la méthode du contrôle
fiscal donne un résultat avoisinant les 1 526,4 millions de dollars pour l’année 2012 sans
prendre en compte les exonérations fiscales. Alors qu’une approche différente menée à l'aide
des tableaux d'entrées-sorties, le revenu des ménages et les enquêtes sur les dépenses, et les
données sur le revenu et la taxe de vente estime une perte fiscale totale en 2012 de l’ordre de
2,68 milliards de dollars répartie comme suit:
Une étude réalisée par la banque mondiale en 2011 a estimé la taille du secteur informel entre
20% et 25% du PIB tandis qu’un rapport émettant du fond monétaire international l’a estimé à
26% du PIB 44 .
Les Etats unis sont considérés comme un des pays pionniers dans les études portant sur
l’évaluation de la fraude fiscale ou la « compliance » (conformité) dont font preuve les
contribuables. Ainsi, l’administration fiscale américaine a lancé un des programmes de
recherches les plus importants à ce sujet dès les années 1960. Les données utilisées par ce
programme sont tirées de contrôles choisis de façon aléatoire dans le but d’éluder le biais qui
résulte du ciblage. Ce programme de recherche dénommé « Taxpayer Compliance
Measurment Program » (TCMP) est piloté par l’Internal Revenue Service. Ce dernier estime
le « Tax gap », c'est-à-dire l’écart entre le produit théorique des impôts et ce qui est
effectivement collecté. Une compréhension de l'écart de l'impôt et de ses composants permet
aux branches législatives et exécutives du gouvernement de prendre les décisions adéquates
concernant la politique fiscale et la répartition des ressources pour l’administration fiscale.
Cet écart peut être divisé en trois composantes : le non-dépôt, la sous-déclaration et le
paiement insuffisant.
44
Jordan Economic & Social Council, Tax Evasion in Jordan: causes, means, and size,2014, P40, disponible sur
http://inform.gov.jo/en-us/By-Date/Report-Details/ArticleId/20/Tax-Evasion-in-Jordan-causes-means-and-size
58
La principale catégorie du Tax gap pour la période de 2008 à 2010 est la sous- déclaration
avec 387 milliards de dollars, suivie de très loin par le sous paiement avec 39 milliards de
dollars, contre 32 milliards seulement pour le non dépôt45.
La démarche entreprise par les Etats unis a été suivie par de nombreux pays membres de
l’OCDE conscient de l’importance capitale d’estimer la fraude fiscale. Ainsi, plusieurs pays
se sont engagés dans un processus d’estimation régulière du Tax gap.
Dans certains cas, ce sont les administrations fiscales elles-mêmes qui réalisent ces
estimations, comme au Royaume uni ou en Suède. Dans d’autres cas, ce sont les travaux
universitaires qui se penchent sur ces études comme par exemple en Nouvelle-Zélande, aux
Philippines, au Brésil ou encore au Canada.
Au Canada, c’est l’agence du revenu qui mène une politique de recherche très active sur la
conformité aux règles fiscales et la fraude sans pour autant procéder à une estimation globale
de son montant.Le 29 avril 2015, « Statistique Canada » a publié de nouvelles estimations sur
l’économie clandestine au Canada de 1992 à 2012. Selon ces estimations, la croissance de
l’économie clandestine au Canada a été plus lente que celle de l’économie globale canadienne
entre 1992 et 2012, et elle est demeurée stable par rapport au PIB officiel au cours des dix
dernières années. En 2012, l’ensemble des activités clandestines au Canada était estimé à
42,4 milliards de dollars, ce qui correspond à 2,3 % du PIB. Ces résultats sont en accord avec
les estimations publiées en 201446.
45
Internal Revenue Service, Tax Gap Estimates for Tax Years 2008–2010; avril 2016, disponible
https://www.irs.gov/PUP/newsroom/tax%20gap%20estimates%20for%202008%20through%202010.pdf,
(consulté le 03/05/2016)
46
www.cra-arc.gc.ca
59
Sous-section 2: Cas des Royaumes unis
Le Royaume-Uni présente l'un des écarts fiscaux les plus bas dans le monde. Cet écart reflète
la détermination du gouvernement à poursuivre la lutte contre la fraude partout où elle se
produit.
Le « tax gap » ou écart fiscal au Royaume uni a été estimé en 2014 à 48 milliards de dollars,
soit 6,4 % de l’impôt dû. Ce taux a connu une légère baisse par rapport à l’année 2006 où il se
situait à 8,4 % de l’impôt dû47.
Les petites et moyennes entreprises représentent la plus grande partie de l'écart fiscal global
(un peu moins de la moitié), suivie par les grandes entreprises (Un peu plus d'un quart).
Le Royaume Uni est particulièrement dynamique dans la mesure de l’écart fiscal. En effet,
celui-ci est non seulement réparti par type de contribuable, mais aussi par type de taxe et type
de comportement fiscal (Fraude, économie souterraine, non-paiement…).
On note cependant que la définition retenue par le HMRC (Her Majesty’s Revenue and
Customs) pour l’écart fiscal s’étend non seulement à la fraude fiscale et l’économie
souterraine, mais aussi aux cas d’optimisations fiscales ou d’évitement ; d’interprétations
juridiques et même d’erreurs. Selon cet organisme, l’écart fiscal est la différence entre le
montant de la taxe qui devrait, en théorie, être recueillie par le HMRC, contre ce qui est
effectivement collecté. Or le montant théorique dont il est question représente l'impôt qui
serait payé si tous les individus et toutes les entreprises respectent à la lettre la loi et
l'intention du Parlement dans la promulgation de loi (c’est à dire l'esprit de la loi).
L'écart fiscal peut aussi être décrit comme la taxe qui est perdue par le non-paiement,
l'utilisation de stratagèmes d'évitement, l’interprétation des effets fiscaux des transactions
complexes, les erreurs, l’échec dans la prise d’un soin raisonnable dans l’enregistrement des
opérations, la fraude, l’économie souterraine et l'attaque criminelle sur le système fiscal.
47
HM Revenue & Customs : Measuring tax gaps 2015 edition, tax gap estimates for 2013-14 an official statistics
release, 2015, P 7
60
L’écart fiscal de 6,4 % de l’impôt dû est répartit selon les comportements des contribuables
comme suit 48 :
1,3 % de l’impôt dû au titre des attaques criminelles : Les gangs criminels organisés
engagent des attaques coordonnées et systématiques sur le système fiscal. Cela
comprend les marchandises de contrebande comme l'alcool ou le tabac, la fraude de
remboursement de la TVA et la fraude intra-communautaire de la TVA,
0,8 % de l’impôt dû au titre de la fraude fiscale,
1,1 % de l’impôt dû au titre de l’économie souterraine,
0,7 % de l’impôt dû au titre de l’évitement de l’impôt ou l’optimisation fiscale : Le
HMRC la définit comme étant l’exploitation des règles fiscales pour obtenir un
avantage fiscal que le parlement n’a jamais prévu,
1 % au titre de l’interprétation juridique : L'interprétation juridique se rapporte à la
perte potentielle d'impôt dans le cas où le HMRC et des particuliers ou des entreprises
ont des vues différentes de la façon dont, ou si, la loi applique à des transactions
spécifiques et souvent complexes. Les exemples incluent la catégorisation correcte
d’un atout pour les allocations, la répartition des bénéfices dans un groupe de sociétés,
ou de la TVA d'un élément particulier,
1 % de l’impôt dû au titre du non-paiement : Le non-paiement se réfère aux dettes
fiscales qui sont radiées par le HMRC et considérées comme une perte permanente de
l'impôt, principalement en raison de l'insolvabilité,
0,8 % de l’impôt dû au titre de l’échec dans la prise d’un soin raisonnable dans
l’enregistrement des opérations : Il s’agit du manque d’attention ou de la négligence
du contribuable lors de l’enregistrement des transactions ou la préparation des
déclarations de revenus,
et 0,5 % de l’impôt dû au titre d’erreurs : Les erreurs résultent de fautes dans le calcul
de l’impôt ou le remplissage des déclarations malgré le soin raisonnable dont a fait
preuve le contribuable,
48
HM Revenue & Customs : Measuring tax gaps 2015 edition, tax gap estimates for 2013-14 an official
statistics release, 2015, P 11
61
Le HMRC a mis en place un suivi du niveau de la « non compliance », en matière de crédit
d’impôt en faveur des familles, en matière d’accises sur les alcools et les tabacs ainsi qu’un
calcul de la fraude imputable aux carrousels de TVA. Ces évaluations constituent un des
indicateurs pour apprécier l’efficacité de l’action de l’administration fiscale britannique.
« La fraude carrousel est une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée qui s’est multipliée, depuis
la création du Marché unique européen, notamment dans les secteurs du commerce des
composants électroniques, de la téléphonie mobile et du textile. Cette fraude est organisée
entre plusieurs entreprises pour obtenir le remboursement, par un État de l’Union, d’une taxe
qui n’a jamais été acquittée en amont, ou réduire le montant de la TVA à payer» 49.
Cette politique d’évaluation continue de l’écart fiscal ainsi que l’affinement des études par
type de taxe et par type de comportement du contribuable constitue probablement le secret de
la réussite du Royaume uni pour atteindre le niveau d’écart fiscal classé parmi les plus bas au
monde.
49
Direction générale des finances publiques, fraude TVA de type carrousel, juin 2014
62
La lutte contre la fraude fiscale constitue l’une des préoccupations majeures de l’OCDE
puisqu’elle porte préjudice aux budgets des gouvernements à travers le monde.
Sa contribution à ce processus se concrétise à travers le Forum mondial sur la transparence et
l’échange de renseignements à des fins fiscales.
Le principal outil de lutte contre la fraude fiscale mis en œuvre par l’OCDE est la convention
concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale. Celle-ci a été élaborée par
le Conseil de l'Europe et l'OCDE en 1988 et a été amendée en 2010 par un Protocole.
Elle constitue l’instrument multilatéral le plus complet et offre toutes les formes possibles de
coopération fiscale pour combattre la fraude fiscale, la rendant ainsi une priorité pour tous les
pays. A l’heure actuelle plus de 90 juridictions participent à la convention dont tous les pays
du G20, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), presque tous les pays de
l’OCDE, les centres financiers les plus importants, et un nombre croissant de pays en voie de
développement51.
Cette convention facilite la coopération internationale pour une meilleure application de lois
fiscales nationales, tout en respectant les droits fondamentaux des contribuables et en offrant
toutes les formes possibles de coopération entre états pour déterminer et collecter les impôts,
en particulier en vue de combattre la fraude fiscale. Cette coopération va de l’échange de
renseignements, y compris les échanges automatiques à l’assistance au recouvrement des
créances fiscales étrangères.
50
Néji Baccouche ; la lutte contre la fraude fiscale ; revue tunisienne de fiscalité n°16, novembre 2010
51
OCDE, Convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, article disponible sur
http://www.oecd.org/fr/ctp/echange-de-renseignements-fiscaux/convention-concernant-l-assistance-
administrative-mutuelle-en-matiere-fiscale.htm (consulté le 14/05/2016)
63
Comme expliqué dans le schéma ci-dessous, les bénéfices clés de la convention de l’OCDE
sont la multi latéralité, la portée étendue, la flexibilité et l’uniformité.
www.oecd.org/Fr
En matière de prix de transfert, L’OCDE souligne que les règles actuelles sont remises en
cause par la mondialisation de l’économie et l’utilisation abusive des con ventions fiscales ou
les lacunes des règles d’établissement de ces prix susceptibles de faciliter un découplage entre
le lieu où les bénéfices sont déclarés et le lieu où se déroulent les activités économiques et la
création de valeur qui ont généré ces bénéfices.
La manipulation des prix de transfert est l’une des principales sources de fraude
internationale. Il est donc d’une importance capitale pour l’administration fiscale de s’armer
contre ce genre de manipulations. L’OCDE émet un ensemble d’instructions relatives à la
documentation de ces prix et aux déclarations pays par pays. Elle fournit aux administrations
fiscales des orientations à prendre en compte pour l’établissement des règles et/ou de
procédures relatives aux documents à demander aux contribuables dans le cadre d’une
enquête ou d’une évaluation des risques liés aux prix de transfert. Ces instructions de l’OCDE
ont pour objectifs de garantir la prise en considération par le contribuable des prescriptions
relatives aux prix de transfert lorsqu’ils établissent les prix et de fournir aux administrations
fiscales les informations nécessaires pour qu’elles puissent évaluer en connaissance de cause
les risques liés aux prix de transfert tout en leur fournissant des informations utiles pour
réaliser une vérification suffisamment approfondie de ces dits prix.
L’approche de documentation des prix de transfert retenue par l’OCDE est une approche à
trois niveaux qui consiste en un fichier principal contenant des informations normalisées
relatives à l’ensemble des membres du groupe multinational considéré, un fichier local faisant
spécifiquement référence aux transactions importantes du contribuable local, et une
64
déclaration pays par pays contenant certaines informations relatives à la répartition mondiale
des bénéfices de l’entreprise multinationale et des impôts qu’elle acquitte, accompagnées de
certains indicateurs concernant la localisation des activités du groupe multinational considéré.
Le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) est l’un des principaux
organismes multilatéraux de développement contribuant à éradiquer la pauvreté et réduire les
inégalités et l’exclusion. Il est présent dans près de 170 pays et territoires.
Le 15 juillet 2015, Le PNUD lance une nouvelle initiative pour aider les pays en
développement à accroître leurs recettes intérieures en renforçant leurs capacités en matière
de vérification fiscale avec la coopération de l’OCDE. Ce projet est dénommé « inspecteurs
des impôts sans frontières » (IISF).
L’IISF facilitera le déploiement d’une assistance ciblée en matière de vérification fiscale dans
les pays en développement du monde entier à travers l’envoi de spécialistes de la vérification
fiscale qui travailleront aux côtés de fonctionnaires d’administrations fiscales de pays en
développement afin de les aider à renforcer leurs capacités en la matière, y compris sur des
questions concernant des dossiers de fiscalité internationale. « Un certain nombre de projets
pilotes et d’ateliers internationaux sont en cours, notamment en Albanie, au Ghana et au
Sénégal. Les données recueillies à partir des dossiers traités en temps réel font apparaître une
hausse notable des recettes fiscales en Colombie, où elles sont passées de 3,3 millions USD
en 2011 à 33,2 millions USD en 2014, grâce aux orientations adressées et aux conseils
dispensés aux services vérificateurs52.»
52
OCDE, Inspecteurs des impôts sans frontières : L’OCDE et le PNUD œuvrent avec les pays en développement
à l’amélioration de l’efficacité des vérifications fiscales, disponible sur
http://www.oecd.org/fr/presse/inspecteurs-des-impots-sans-frontieres-locde-et-le-pnud-uvrent-avec-les-pays-en-
developpement-a-lamelioration-de-lefficacite-des-verifications-fiscales.htm (consulté le 14/05/2016)
65
3-1-3 Recommandations de l’Union Européenne :
L'Union Européenne (UE) forme un partenariat politique et économique, sans équivalent dans
le monde, entre 28 pays couvrant une bonne partie du continent européen. Le conseil de
l’union européenne a crée le dispositif baptisé EUROFISC dans le cadre du renforcement de
la coopération en matière de lutte contre la fraude à la TVA pour déceler les nouvelles formes
de ce phénomène. Ce dispositif a été adopté à l’unanimité par le conseil des affaires
économiques et financières (Ecofin) du 7 octobre 2008 et il est entré en vigueur le 1 er janvier
2011. EUROFISC consiste à échanger entre les Etats membres, instantanément des
informations ciblées sur les opérateurs intracommunautaires frauduleux et ce, de manière
volontaire.
Ce dispositif est réparti en quatre domaines d’activité couvrant l’ensemble de la fraude
transfrontalière à la TVA :
la fraude carrousel : c’est un système de fraude à la TVA sophistiqué apparu au
courant des années 1970. Ce système consiste à créer des sociétés dans différents Etats
membres de l’Union Européenne réalisant entre elles des opérations fictives de revente
à perte en se faisant à chaque fois rembourser le trop perçu de TVA. Ces sociétés
disparaissent en détournant le trop perçu de TVA avant que les administrations
fiscales des différents pays se soient aperçues de la supercherie,
la fraude aux véhicules et aux moyens de transport,
la fraude à la procédure 42 53 (respect des conditions d’exonération de TVA d’une
importation suivie d’une livraison intracommunautaire),
et un observatoire des nouvelles fraudes à la TVA.
Le dispositif EUROFISC s’est révélé très efficace puisque il a permis, depuis ses débuts,
l’échange de 45 000 informations entre les Etats membres portant sur 16 000 sociétés pour un
montant de transaction de 10 milliards d’euros, ainsi que la mise sous surveillance de 1 751
sociétés par les Etats membres54.
Le succès d’EUROFISC a ouvert les portes pour d’autres dispositifs d’échanges
d’informations. Il en est ainsi pour la directive 2011/16/UE. Cette directive instaure un
échange automatique et obligatoire d’information, à compter du 1er janvier 2015 sur cinq
catégories de revenus (revenus professionnels, jetons de présence, produits d’assurance vie,
53
Le régime douanier 42 permet d’importer en exonération de TVA des biens qui font ensuite l'objet d'une
livraison intracommunautaire
54
Éric Bocquet , Rapport n° 673 fait au nom de la Commission d'enquête Evasion des capitaux, déposé le 17
juillet 2012, disponible sur http://www.senat.fr/rap/r11-673-2/r11-673-21.pdf
66
pensions, propriété et revenus de biens immobiliers). L’échange d’information en question
peut porter sur des personnes physiques ou morales, sur des associations de personnes ou sur
toute autre construction juridique.
La loi FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) a été mise en vigueur aux Etats unis
dès le 1er janvier 2014. Elle a été adoptée dans le cadre de la loi du Congrès Hiring Incentives
to Restore Employment Act signé par le président Obama le 18 mars 2010. Cette loi oblige les
établissements financiers du monde entier à déclarer aux Etats Unis les comptes des
ressortissants américains de par le monde. Cette déclaration doit être précédée par l’accord du
client concerné. Le cas échéant, l’établissement financier sera dans l’obligation d’opérer une
retenue à la source égale à 30 % du montant de tous les paiements provenant des Etats unis.
Les établissements financiers qui ne s’acquittent pas de ces obligations risquent de se
retrouver à terme exclus du plus grand marché financier au monde, le marché américain.
FATCA s’est heurtée à certaines limites légales et contractuelles protégeant le secret bancaire
en Suisse, mais elle a tout de même été appliquée moyennant quelques assouplissements.
Par ailleurs, la loi FATCA oblige les contribuables américains à déclarer leurs actifs
financiers étrangers dépassant les 50 000 dollars. Toute omission de cette déclaration peut
donner lieu à une pénalité de 10 000 dollars (et une pénalité allant jusqu'à 50.000 $ pour le
défaut de déclaration après la notification de l’IRS).
En outre, les paiements d’impôt insuffisants attribuables à des actifs financiers étrangers non
divulgués sont soumis à une pénalité supplémentaire de 40 pour cent.
Au niveau de l’Europe ; un dispositif similaire a été proposé par la Suisse en 2011. Il s’agit
des accords bilatéraux dits « accords Rubik » conclus avec l’Allemagne, le Royaume-Uni et
l’Autriche. Ces accords garantissent à l’Etat partenaire d’imposer les fonds non déclarés que
ses ressortissants détiennent en Suisse par le bais d’un prélèvement forfaitaire libératoire.
Ces accords présentent néanmoins plusieurs lacunes dont principalement :
les avoirs détenus au sein de groupement de personnes ou de patrimoines, de trusts ou
de fondations ne sont pas couverts par ces accords si le bénéficiaire effectif ne peut
pas être établi de manière effective,
67
l’imposition forfaitaire permet au contribuable de continuer de bénéficier de la
confidentialité sur ses avoirs détenus en Suisse et éteint toutes ses créances fiscales,
et la clause spécifique d’échange de renseignement au profit des pays contractants est
restreinte à un nombre limité de demandes selon les négociations avec le pays en
question.
Au Canada, le gouvernement mise sur le fait que le meilleur moyen d’éluder la fraude fiscale
consiste à favoriser le consentement à l’impôt. Il s’agit certainement d’une tâche très difficile
mais dont les conséquences pourraient se révéler très efficaces. Pour ce faire, il y a lieu
d’améliorer l’image de l’impôt et de faire en sorte qu’il ne soit plus perçu comme l’éternel
ennemi du contribuable. Cette démarche nécessite de démontrer que l’impôt permet de
financer les services publiques auxquels tout le monde peut accéder gratuitement. Dans ce
sens, l’impôt permet de réduire les inégalités et de favoriser la cohésion sociale. Dès lors, la
fraude devra être perçue comme un comportement incivique et dommageable pour la société.
55
David Masclet, Caire Montmarquette, Nathalie Viennot-Briot, Comment réduire la fraude fiscale ?
Une expérience sur le signalement, Montréal 2013
68
ce que le contribuable prenne conscience du montant des pénalités et des peines
encourues. L’idée est alors de communiquer non pas sur les probabilités d’audit mais
sur le montant des pénalités afin de modifier le comportement du contribuable et de
l’amener à surpondérer les probabilités d’occurrence de la détection des fraudes,
les politiques de communication visant à sensibiliser la population sur les
conséquences de la fraude fiscale pour l’ensemble de la société : Toute fraude fiscale a
pour conséquence inévitable de réduire le potentiel de dépenses publiques et donc
l’offre de biens publics. Ainsi la fraude ne pénalise pas seulement l’Etat, mais aussi
l’ensemble des personnes qui auraient pu bénéficier du service public. Une
considération particulière est donc à attribuer à la dimension morale et le rôle des
interactions sociales dans l’analyse du choix du contribuable. Ce dernier a tendance à
chercher à maximiser ses seuls gains pécuniaires sans aucune considération morale et
abstraction faite des interactions sociales. Ce comportement est d’autant plus répandu
lorsque le contribuable a un sentiment d’injustice fiscale. Il est donc essentiel de
mettre en œuvre des politiques de communication ciblées visant à augmenter le niveau
de responsabilisation de l’individu vis-à-vis des conséquences de la fraude sur la
société,
et les politiques qui reposent sur les interactions sociales et leur impact émotionnel :
Le niveau de fraude est très influencé par la conformité sociale et la pression des pairs.
Ainsi un individu pourrait adhérer aux normes de bonne conduite fiscale pour se
conformer au groupe de référence auquel il appartient. C’est l’effet de conformité
sociale. Inversement, un individu observe des comportements de fraude chez ses
concitoyens est incité lui-même à frauder. C’est l’effet de mimétisme.
Ces politiques sont elles mêmes subdivisées en trois catégories :
1. la politique visant à informer le contribuable sur le taux de déclaration des
autres contribuables : L’effet de cette politique est ambigu dans la mesure où
elle peut amener à deux comportements opposés : conformité aux règles de
bonne conduite ou incitation à la fraude. Cela dépend donc de la proportion de
fraudeurs en période initiale,
2. la politique visant à donner l’information quant à l’utilisation qui sera faite des
taxes,
69
3. et la politique visant à donner la possibilité aux contribuables de signaler les
contribuables fraudeurs dès lors qu’ils ont la possibilité de les observer.
Les études expérimentales menées partout à travers le monde ont démontré que la politique
permettant aux contribuables de signaler les fraudeurs est la plus rentable. Pour être rentable,
chaque dollar consacré à une politique doit générer au moins un dollar de réduction de la
fraude fiscale. Généralement, les individus n’ont aucune hésitation à dénoncer ceux qui se
comportent de façon opportuniste et qui dévient de la norme sociale établie au sein du groupe.
La décision de dénonciation est d’autant plus aisée à prendre que les Etats mettent en place
des dispositifs permettant de simplifier cet acte et de le rendre totalement anonyme. Ainsi, en
Italie un programme dénommé « evasori » a été mis en place pour réduire la fraude fiscale et
ce, en encourageant chaque citoyen à signaler tout cas de fraude fiscale par l’intermédiaire
d’un site web dénommé « evasori.info » de manière anonyme. Grâce à ce programme, plus de
75 341 cas de fraude pour un montant total de 18 367 338 euros ont été signalés en fin juin
2010.56
Un dispositif similaire mis en place par la Grèce s’appuie sur les dénonciations téléphoniques.
Ces dénonciations ont été multipliées par cinq en quatre ans entre 2009 et 2012.57
Le montant des amendes est passé ainsi de 1,7 milliards d’euros en 2009 à 4,5 milliards
d’euros en 2012. Au Québec, le bureau de lutte aux produits de la criminalité incite la
population à dénoncer les voisins ayant un train de vie luxueux (jet privé, bateaux, maison
immense…) sans avoir l’air de travailler outre mesure.
Pour dénoncer une fraude, il suffit de remplir un simple formulaire en donnant le plus de
renseignements possibles sur le contribuable objet de la dénonciation et en laissant son
commentaire.
L’originalité de ce site réside dans le fait que ce n’est pas seulement une plateforme de
dénonciation mais aussi un outil pédagogique définissant la fraude, l’évasion fiscale et
56
Philippe Ridet ; Italie : le gouvernement s'attaque à la fraude fiscale pour financer le plan de rigueur ; 2010 ;
article disponible sur http://www.lemonde.fr/europe/article/2010/06/02/italie-le-gouvernement-s-attaque-a-la-
fraude-fiscale-pour-financer-le-plan-de-rigueur_1366557_3214.html?xtmc=18_367_338&xtcr=5
57
David Masclet, Caire Montmarquette, Nathalie Viennot-Briot, Comment réduire la fraude fiscale ? Une
expérience sur le signalement, Montréal 2013
70
l’optimisation fiscale. Ce site donne aussi un aperçu sur le coût de la fraude ainsi que les
sanctions y relatives. Ainsi, une simple plateforme numérique réussit à combiner trois
politiques de communications : une politique de communication visant à sensibiliser les
individus sur les conséquences qu’ils pourraient subir en cas de fraude détectée (aperçus des
sanctions de la fraude), une politique de communication visant à sensibiliser la population sur
les conséquences de la fraude fiscale pour l’ensemble de la société (coût de la fraude) et une
politique visant à donner la possibilité aux contribuables de signaler les contribuables
fraudeurs dès lors qu’ils ont la possibilité de les observer.
www.Fraude-fiscale.fr
71
CHAPITRE 2 : Remèdes envisageables à la fraude fiscale en Tunisie
Plusieurs solutions sont envisageables pour la lutte contre la fraude fiscale en Tunisie.
Certaines sont urgentes et visent à limiter la fraude fiscale dans le court et moyen terme.
D’autres, moins urgentes, ciblent le degré de citoyenneté et de transparence du contribuable.
Elles nécessitent donc un travail de fond, de longue haleine, mais les résultats escomptés à
long terme sont plus efficaces et visent l’éradication de la fraude fiscale.
La fraude fiscale est souvent la conséquence directe d’un sentiment d’injustice fiscale du
contribuable. Il convient alors de réformer la fiscalité dans le sens d’une plus grande justice
fiscale et sociale. Cette justice passe inévitablement par un meilleur équilibre entre les impôts
directs et les impôts indirects ainsi que par des assiettes plus larges et plus diverses.
Les orientations prioritaires de cette réforme concernent essentiellement le régime forfaitaire
et l’économie informelle.
Malgré leur nombre démesuré, les forfaitaires ne contribuent que très faiblement aux recettes
fiscales (0,2% des recettes fiscales) avec seulement 12 millions de dinars de rendement
annuel pour 45 000 interventions des services de contrôle.58 En effet, l’administration fiscale
trouve beaucoup de mal à cerner les forfaitaires à cause du peu d’informations fiscales les
concernant, et de leurs obligations fiscales qui ne permettent pas de déterminer avec précision
le chiffre d’affaires. Partant de tous ces problèmes, une réforme urgente semble plus que
nécessaire. Cette réforme devrait s’orienter autour des axes suivants :
58
Ministère de l’économie et des finances, projet de réforme du système fiscal tunisien, novembre 2014
72
Cet investissement sera rentable à moyen terme puisqu’il permettra d’augmenter les
recettes fiscales par l’élargissement du spectre de contribuable relevant du régime réel
d’imposition. Pour une meilleure adhésion des contribuables à ce processus de
conversion vers le régime réel, il y a lieu de le réhabiliter pour le rendre plus attractif
pour les forfaitaires.
En effet, à ce jour, le régime réel est porteur d’obligations lourdes impliquant non
seulement la tenue d’une comptabilité, mais aussi plusieurs obligations formelles
comme la tenue des livres légaux, l’obligation de retenue à la source… Il serait donc
judicieux d’apporter certains privilèges pour les contribuables relevant du régime réel
et de renforcer les obligations des forfaitaires afin de les amener à plus de
transparence. Ainsi, on pourrait envisager de généraliser l’obligation de retenue à la
source pour les forfaitaires. L’obligation de justifier le chiffre d’affaires et les achats
constituerait aussi une obligation contraignante. Et l’on pourrait même pousser ce
raisonnement jusqu’à l’institution de certaines obligations redoutables qui ne seraient
applicables que pour les forfaitaires. Dans un effort de réduction des forfaitaires, la loi
de finances 2014 a déjà prévu l’exclusion de 67 activités de ce régime.59
Et limitation dans le temps du bénéfice du régime forfaitaire à trois ou quatre années
avec la possibilité de renouvellement si les conditions d’éligibilité sont toujours
remplies ainsi que la préservation du droit de contrôle pour l’administration fiscale. La
loi de finances 2016 a convergé dans ce sens en limitant l’octroi de ce régime à trois
années, à compter de la déclaration d’existence, renouvelables en cas d’apport de
justificatifs prouvant l’éligibilité pour le bénéfice de ce régime. On peut imaginer le
renforcement de cette mesure avec dans un premier temps la suppression de la
possibilité de renouvellement. Et ensuite le raccourcissent de la période initiale de
trois ans.
Le deuxième volet de la réforme fiscale urgente concerne l’économie informelle qui ne cesse
de s’amplifier au détriment de l’économie formelle. La maitrise de l’économie informelle et
du commerce parallèle est une mission délicate qui doit se dérouler d’une manière
progressive. L’approche à adopter devra tenir compte des priorités économiques et de
l’importance des secteurs touchés. Cette démarche pourrait débuter par la création d’une zone
pilote dédiée à accueillir les commerçants exerçant dans l’informel en contre partie de leur
59
Décret n° 2014-2939 du 1er août 2014, portant fixation de la liste des activités exercées par les entreprises
dans les zones communales exclues du bénéfice du régime forfaitaire prévu par l'article 44 bis du code de l'impôt
sur le revenu des personnes physiques et de l'impôt sur les sociétés
73
adhésion à un régime forfaitaire symbolique. Plusieurs campagnes de communications seront
nécessaires pour diffuser les informations concernant ce programme et encourager les
contribuables à y adhérer.
La loi de finances complémentaire 2014 a prévu des avantages fiscaux et financiers, ainsi que
des sanctions dissuasives pour inciter les personnes exerçant dans le secteur informel à
adhérer spontanément à l’économie structurée.
la Limitation des transactions en espèces et la saisie des sommes en espèce (10 000
dinars en 2015 et 5 000 dinars à partir du 01/01/2016) dont l’origine n’est pas justifiée,
et confiscation de tous les biens meubles et immeubles et des avoirs financiers et
prolongation des délais de prescription jusqu’à 15 ans pour les personnes qui ont été
précédemment condamnées par des jugements ayant acquis la force de la chose jugée
dans des procès relatifs à la contrebande ou au commerce parallèle,
l’allégement de la pression fiscale sur certains produits par la réduction des taux des
droits et taxes les grevant,
60
Loi de finances complémentaire 2014
74
et le renforcement de l’obligation de l’accompagnement des opérations de transport de
marchandises des factures ou des documents en tenant lieu : Une amende de 20 % de la
valeur de la marchandise est prévue en cas de non observation de cette obligation avec
un minimum de 500 dinars.
Ces différentes mesures semblent être très efficaces sur le plan théorique, elles doivent
néanmoins faire l’objet d’un suivi rigoureux sur le plan pratique pour vérifier la réalisation
des objectifs poursuivis et recadrer ou recalibrer certaines d’entre elles.
La maitrise du secteur informel nécessite un effort soutenu et constant impliquant tous les
acteurs économiques. La conjugaison des contributions de la direction générale des douanes,
de la direction des enquêtes économiques (ministère du commerce et de l’artisanat) et de la
direction générale des impôts au sein d’une commission technique nationale sera utile pour la
préparation, le lancement et la supervision d’un plan d’action visant à lutter contre l’économie
informelle et le commerce parallèle.
Bien que le régime forfaitaire et l’économie informelle constituent les principaux axes de la
réforme fiscale urgente, celle-ci doit aussi couvrir d’autres aspects afin de pallier aux
multiples défaillances du système fiscal et atténuer sa complexité.
75
celles dont la comptabilité n’est pas soumise légalement à l’audit d’un commissaire
aux comptes,
l’harmonisation entre la législation fiscale et la législation comptable : Dans le cadre
de la simplification du système fiscal tunisien, il y a lieu de réduire les divergences
entre les règles comptables et fiscales notamment en matière de détermination du
résultat fiscal. Par exemple, il faudrait prévoir l’élargissement du champ d’application
des provisions déductibles ainsi que l’augmentation progressive de la limite de
déduction. De même, il est souhaitable d’élargir le champ de déduction des charges
d’exploitation tout en révisant les conditions de déduction de certaines charges,
la simplification de la norme fiscale : La complexité de la norme fiscale et la
dispersion des textes légaux engendrent parfois un sentiment de vulnérabilité chez le
contribuable et l’incitent à la fraude. Cette situation n’est pas non plus favorable pour
l’administration fiscale puisqu’elle crée des difficultés lors de l’exercice du contrôle.
Dans l’intérêt de toutes les parties prenantes, il serait donc utile de simplifier autant
que possible la norme fiscale. Cette mesure facilitera certainement l’adhésion
spontanée du contribuable au système fiscal et allégera le travail de l’administration,
et la généralisation de la TVA : Tant qu’elle ne sera pas généralisée à tout le secteur
économique, la TVA représentera une source de distorsions graves qu’il convient de
neutraliser. La généralisation de la TVA permettra la réduction de la fraude puisque
les faux forfaitaires seront facilement identifiés. Ceci permettra donc leur reclassement
vers le régime réel. En outre les entreprises transparentes ne seront plus victimes de la
concurrence déloyale. Par ailleurs, la suppression du régime des exonérations évitera
toute rupture dans la chaine des déductions et permettra un rehaussement de la masse
imposable en matière d’impôts directs puisqu’il n’y aura plus de TVA rémanente.
Ainsi la TVA qui était incorporée au coût et incluse parmi les charges de l’exercice
grevant le résultat fiscal deviendra une taxe neutre61.
La réforme fiscale est primordiale pour la lutte contre la fraude fiscale. Néanmoins, cette lutte
ne peut être efficace que si elle est accompagnée conjointement par un bon contrôle fiscal
bien conçu et adapté en aval. De ce fait, une réforme du contrôle fiscal est aussi requise pour
consolider l’effort de lutte contre ce phénomène.
61
Ministère de l’économie et des finances, projet de réforme du système fiscal tunisien, novembre 2014
76
Cette réforme s’orientera autour des axes suivants :
le renforcement des garanties du contribuable pour équilibrer ses droits face aux
prérogatives de l’administration fiscale : cette mesure se matérialise à travers
l’encadrement de certaines prérogatives redoutables comme la perquisition, la saisie
ou encore la reconstitution extracomptable des bases d’impôt. Elle consiste aussi à
recadrer la vérification préliminaire pour éviter tous les abus possibles et à réhabiliter
la garantie d’un droit de recours effectif devant le juge de l’impôt,
le renforcement de la sécurité juridique du contribuable : le contribuable se retrouve
bien souvent démuni face à certaines mesures législatives comme la rétroactivité des
textes ou le recours aux présomptions. Par ailleurs, le changement constant de la
doctrine administrative obscurcit sa compréhension de la loi. Il y a lieu à ce sujet de
renforcer ses droits pour instaurer un sentiment de justice et de protection et un climat
favorable entre l’administration fiscale et le contribuable,
l’assouplissement de l’application de la loi fiscale : certaines sanctions fiscales sont
disproportionnées par rapport à la gravité des infractions y afférentes.
Il en est notamment le cas du défaut ou de l’insuffisance de retenue à la source qui est
passible d'une pénalité égale au montant des retenues non effectuées ou
insuffisamment effectuées (même dans le cas où la mauvaise foi du contribuable n’est
pas avérée). Cette pénalité est doublée en cas de récidive dans une période de deux
ans. De même, l’entreprise qui ne procède pas au reversement de la TVA facturée sans
être encaissée risque d’être soumise à une sanction pénale anormalement grave prévue
par l’article 92 du CDPF (emprisonnement de 16 jours à trois ans et amende de 1.000
dinars à 50.000 dinars). 62
En outre, un formalisme et une bureaucratie excessifs lors de l’application de la loi
fiscale ne peuvent qu’encourager le contribuable à la fraude fiscale. De ce fait, les
agents de l’administration fiscale doivent faire preuve de compréhension et de
souplesse dans l’application des lois,
plus de pertinence dans la sélection des dossiers fiscaux à vérifier : le contrôle fiscal
cible souvent les groupes de sociétés transparentes suite à leur demande de restitution.
Face à ce constat, il semble judicieux de remettre en cause les critères de sélection
pour les orienter vers les zones où la fraude est plus présumée,
62
Article 92 du CDPF
77
et la modernisation de l’administration fiscale : la lutte contre la fraude fiscale ne peut
pas être assurée efficacement avec les moyens archaïques dont dispose
l’administration actuellement.
A ce titre, il est indispensable d’assurer une meilleure organisation et coordination à
travers notamment la création d’une structure responsable de la modernisation de
l’administration et la création d’une structure de coopération internationale de collecte
et d’échange d’informations. Il parait aussi capital de doter l’administration fiscale de
tous les moyens nécessaires lui permettant de répondre aux nouveaux enjeux de la
fraude fiscale :
moyens humains : Renforcer le nombre de vérificateurs et voire même créer
des unités spécialisées dans la détection des fraudes fiscales,
moyens techniques : Les agents de contrôle doivent être formés pour affronter
les méthodes et pratiques de fraude fiscale en perpétuelle évolution. La
maitrise des nouvelles technologies de l’information et de la communication
est parmi les compétences les plus essentielles à acquérir par les vérificateurs
de l’administration fiscale,
moyens informatiques : les difficultés rencontrées par les services de contrôle
en matière informatique nécessitent des moyens renforcés dans le domaine,
et moyens juridiques : Il s’agit là de clarifier les textes juridiques traitant de la
fraude fiscale, notamment en matière de prix de transfert où l’on peut instituer
une présomption d’anormalité des prix de transfert pratiqués lorsqu’une
entreprise transfère ses bénéfices à une entité située hors du territoire, alors
même qu’elle représente une part substantielle du chiffre d’affaires, de la
clientèle ou encore des actifs physiques du groupe auquel elle appartient.
Dans ce cas, la charge de la preuve est retournée au profit de l’administration
fiscale et il revient à l’entreprise de démontrer la pertinence des prix de
transferts pratiqués. Notons parmi les autres moyens juridiques à mettre à la
disposition de l’administration fiscale l’allongement du délai de prescription à
15 ans lorsque des faits constitutifs de fraude fiscale sont constatés. Ce
nouveau délai permet à l’administration de procéder au traitement des fraudes
techniquement complexes. Enfin, il y a lieu de développer une politique pénale
permettant une sanction effective et dissuasive du délit de fraude fiscale.
78
En effet la plupart des peines encourues en matière de fraude sont de l’ordre
de 6 mois. Cette durée semble bien dérisoire devant les sommes faramineuses
fraudées au fisc.
La fraude fiscale n’est pas propre au contexte tunisien. Bien au contraire, ce phénomène se
répand partout dans le monde avec plus ou moins d’ampleur selon le pays et ses particularités.
Chacun de ces pays tente de lutter contre ces fléaux avec les moyens dont il peut disposer et
selon les spécificités qui lui sont propres. Alors, quelles sont les solutions qui peuvent être
appliquées dans le contexte tunisien ?
Au niveau national, le remède de lutte contre la fraude fiscale le plus éloquent et le plus
rentable semble être axé sur la politique de communication de l’administration fiscale, et vise
à favoriser l’adhésion à l’impôt par la sensibilisation des citoyens. En effet, un investissement
négligeable peut se révéler très rentable et augmenter rapidement les recettes fiscales si on
choisit la bonne politique de communication. Ainsi, un site de communication construit sur le
modèle «fraude-fiscale.fr » décrit plus haut pourra satisfaire plusieurs objectifs dont
principalement :
Par ailleurs, pour une lutte efficace et efficiente contre la fraude fiscale, il faudrait s’inspirer
de l’expérience du Royaume uni. Il y a lieu donc de procéder à une évaluation périodique de
79
son ampleur. Cette évaluation ne devrait pas s’arrêter aux estimations globales et généralistes.
Elle doit être poussée à l’extrême et doit s’affiner au maximum aussi bien par type d’impôt
que par comportement du contribuable.
Ce type d’évaluation permettra donc de mieux cibler les politiques de lutte pour combattre la
fraude fiscale progressivement là où elle est le plus présente et l’éradiquer à la source.
Au niveau international, la lutte contre la fraude fiscale s’oriente sur deux axes qui sont le
renforcement de la communication de l’administration fiscale et le contrôle des prix de
transfert.
Un dispositif de l’ampleur de cette loi FATCA, mis en place par la Tunisie parait
inconcevable parce qu’il nécessite un grand pouvoir de négociation qui lui fait défaut.
Cependant, il peut être envisagé à plus grande échelle comme par exemple l’Union du
Maghreb Arabe (UMA).
63
Etat des signatures et ratifications du traité 127, disponible sur http://www.coe.int/fr/web/conventions/full-
list/-/conventions/treaty/127/signatures (consulté le 14/05/2016)
64
Tunisie- institutions financières : mise en application de la loi américaine FATCA, article disponible sur
http://www.leconomistemaghrebin.com/2015/01/05/tunisie-institutions-financieres-mise-en-application-de-la-
loi-americaine-fatca/ (consulté le 14/05/2016)
80
Concernant le contrôle des prix de transfert, la note commune 33/2010 consacre le principe
que le redressement des bénéfices minorés est subordonné à une double condition à savoir :
Si la première condition est assez facile à déterminer par la recherche d’une dépendance
juridique ou financière, la deuxième doit être appréhendée à travers la détermination du prix
de transfert. C’est ici qu’on doit se référer aux pratiques internationales. En effet, en plus de
préconiser l’adoption du prix de transfert issu de la pleine concurrence, les pratiques
internationales allègent les travaux de l’administration en renversant la charge de la preuve du
bien-fondé des prix appliqués au contribuable. Ainsi, ce dernier doit documenter sa politique
de prix de transfert et se trouve parfois obligé de communiquer même sa comptabilité
analytique.
Ce procédé de renversement de la charge de la preuve est d’autant plus efficace que dans le
contexte tunisien, l’administration fiscale se heurte à plusieurs déficiences dans le cadre du
contrôle des opérations internationales. En effet, outre les difficultés d’ordre général liées à la
recherche d’information, la requalification des actes ou encore les limites et insuffisances de
la coopération internationale, l’administration fiscale tunisienne souffre des défaillances
d’ordre structurelles et techniques suivantes :
81
défaillances techniques : la compétence technique des vérificateurs de l’administration
fiscale est essentielle dans la vérification des opérations internationales. Or, en plus de
l’absence d’un module spécifique relatif à ce genre de contrôle dans les programmes
de la formation de base et les cycles de formation et de perfectionnement, force est de
constater l’existence d’erreurs d’interprétation et d’application des dispositions des
conventions fiscales internationales de la part des vérificateurs chargés de ces dossiers,
d’où la nécessité de l’intervention de personnes chevronnées et expérimentées dans ce
domaine65.
L’expert comptable joue un rôle central dans la lutte contre la fraude fiscale en sa qualité de
conseiller privilégié de l’entreprise ou d’auditeur. De ce fait, et même s’il n’a qu’une
obligation de moyens en la matière, il se doit de mener ses investigations et d’accomplir les
diligences qui lui incombent pour détecter les éventuelles fraudes commises au sein de
l’entreprise et en avertir les personnes concernées. Alors, comment la fraude est-elle
appréhendée dans les normes d’audit ? Quels sont les types de fraude les plus connus ? Et
quels sont les outils et les réponses à apporter par l’expert comptable ou l’auditeur pour la
détection de ces agissements ?
De par leurs missions, les experts comptables ont une grande connaissance des structures de
l’entreprise, ce qui les met en contact direct avec les mécanismes et manifestations de la
fraude, et les oblige finalement à la prendre en compte d'une façon ou d'une autre.
- le détournement d’actifs.
65
Fayçal Derbel, le contrôle fiscal des opérations internationales, Revue tunisienne de fiscalité, Revue du Centre
d’Etudes Fiscales ; 2007
82
La fraude se distingue de l’erreur par son caractère volontaire. Il sera ainsi plus difficile de
détecter une fraude car elle s’accompagnera généralement de mesures de dissimulation.
Selon une étude de l’ACFE (Association of Certified Fraud Examiners), la fraude touche des
entreprises de toutes tailles et de tous secteurs. Les seules fraudes internes font perdre à
chaque entreprise en moyenne 5% de son chiffre d’affaires.
Au-delà du coût direct de la fraude, l’entreprise victime subit également de nombreux coûts
indirects:
Honoraires d’avocats,
Atteintes à l’image,
Dégradation du cours de bourse,
Perte de parts de marché,
Incidence des redressements fiscaux,
Etc…
Les fraudes externes bénéficient parfois de complicités internes. Les fraudes internes relatives
aux détournements d’actifs ou aux états financiers touchent tous les cycles de l’entreprise et
peuvent être résumées succinctement par le schéma suivant :
83
Les types de fraudes les plus connues sont 66 :
1. La surfacturation
Principe : Entente avec un fournisseur afin de majorer le prix de certains achats et de
faire payer l'excédent à l'entreprise, pour en obtenir une contrepartie
Exemples:
• appel d'offre - lignes de prix : Établissement du cahier des charges avec le
fournisseur en majorant certaines lignes de charges et en minorant les autres.
Au global la proposition est attractive. Le fraudeur fait travailler le fournisseur
sur les lignes les plus chères. Et,
• appel d'offre - tranches de travaux : Division de travaux en plusieurs tranches.
Le fournisseur propose un prix global faible mais surfacture les premières
tranches. Abandon des dernières tranches => le fournisseur pourra même
recevoir une indemnité.
Exemples de contrôles clés pouvant couvrir ce risque:
66
O. Gallet - C.Roulet/veille Un programme standard pour prévenir et détecter les fraudes en entreprise » -
rédaction Grenoble Ecobiz Jeunes Entreprises- PME-PMI – 06 octobre 2010
84
• revue des tarifs et des conditions d'attribution des appels d'offre,
• revue des problématiques de conflits d'intérêt…
2. Falsification d’un moyen de paiement :
Principe : utilisation frauduleuse d'un moyen de paiement en le modifiant pour en
bénéficier directement ou pour un achat.
Exemples:
• vol de chèques vierges,
• imitation de signature / utilisation frauduleuse des « tampons visas »,
• création d'un moyen de paiement…
85
Exemples de contrôles clés pouvant couvrir ce risque:
6. La fraude au président
« La fraude au président ou Social Engineering est une forme d’escroquerie de plus en
plus répandue et susceptible de toucher toutes les entreprises. Cette fraude est
organisée au niveau international et structurée sur le plan d’un véritable business
86
model, reposant sur une connaissance préalable approfondie des entreprises visées,
acquise sur internet et via les réseaux sociaux67.»
Principe : Une personne externe, bien renseignée sur l’entreprise cible, appelle une
personne ayant les droits pour effectuer des virements externes en prétextant une
situation d’urgence et confidentielle nécessitant de virer des fonds à l’étranger.
Exemple: en 2012, le cabinet KPMG a été victime d’une escroquerie de ce type pour
un montant total de 7 millions d’euros. En mai 2012, une comptable à la direction
Rhône-Alpes de KPMG en charge des règlements fournisseurs, reçoit un appel
téléphonique d'un interlocuteur se présentant sous l'identité de Jean-Luc Decornoy, le
président du directoire de KPMG SA. Il la somme, sous le sceau de l'absolue
confidentialité et après s'être inquiété de quelques soucis personnels qu'elle avait
réellement éprouvés - la mettant ainsi en confiance -, de procéder à un virement de
252 848 € nécessaire à l'accomplissement d'une étude de consulting « qui doit
demeurer totalement secrète »68
Elle insiste sur le caractère inapproprié de la demande, mais devant la persistance de son «
grand patron » doit céder.
Les fraudes expliquées ci-dessus sont des fraudes commises à l’encontre de l’entreprise, on
distingue d’autres types de fraudes qui sont commises au profit de l’entreprise tel que :
67
Fédération des entreprises belges, La ‘fraude au président’ : une forme d’escroquerie aux entreprises en forte
augmentation, 2010, article disponible sur http://vbo-feb.be/fr-be/Dossiers/Pouvoirs-publics-
politique/Fraude/La-fraude-au-president--une-forme-descroquerie-aux-entreprises-en-forte-augmentation/
(consulté le 06/05/2016)
68
KPMG : à Lyon, les dessous d'une escroquerie de 7,6 millions d'euros, article disponible sur
http://objectifnews.latribune.fr/Economie/escroquerie-kpmg-expert-comptable-informatique-attaque-arnaque-
27062014 (consulté le 14/05/2016)
87
1. La publication de bilan inexact et /ou la distribution de dividendes fictifs
La présentation de bilan inexact peut avoir pour objectif la dissimulation d’un détournement
d’actifs ou la majoration du résultat comptable ou bien la minoration des charges fiscales et
sociales
2. La fraude fiscale :
La fraude fiscale peut se manifester de différentes manières comme par exemple la minoration
de la base d’impôt et ce, par la comptabilisation différée du chiffre de l’année ou par la
surévaluation du montant de stocks, la comptabilisation de ventes en suspension parmi les
ventes à l’export et ce pour bénéficier de l’abattement des bénéfices provenant de l’export ou
encore le non versement des retenues à la source ou de la TVA collectée. Ces différentes
manifestations ont été présentées plus en détail dans la première partie de ce mémoire mais il
convient ici de rappeler la responsabilité du commissaire aux comptes en matière de fraude
fiscale.
L’article 270 du code des sociétés commerciales met à la charge du commissaire aux comptes
de révéler au procureur de la république les faits délictueux dont il a eu connaissance sans que
sa responsabilité puisse être engagée pour révélation de secret professionnel. En cas de non
révélation de ces dits faits ou de déclaration ou confirmation d’informations mensongères sur
la situation de la société le commissaire aux comptes encourt une peine d’emprisonnement
d’un an à cinq ans et/ou une amende de mille deux cents à cinq milles dinars.
En outre l’article 22 de la loi 88-108 du 18 août 1988 portant refonte de la législation relative
à la profession d’experts comptables incite implicitement le commissaire aux comptes à
dénoncer les fraudes fiscales dont il a eu connaissance dans le cadre de sa mission dans le
88
sens que l’administration fiscale peut adresser à la commission de contrôle69 et après s’être
assurée que le commissaire aux comptes a pu avoir connaissance d’irrégularités fiscales dans
l’exercice normal de sa mission, un rapport indiquant les constatations qui l’ont conduite à
opérer ce redressement.
Tous ces types de fraude sont bien courants et connus du public. Il relève de la responsabilité
de l’expert comptable de sensibiliser l’entreprise à la probabilité de leur survenance et leurs
conséquences, et de la conseiller sur les contrôles à mettre en place pour s’en prémunir.
Le système de contrôle interne de l’entreprise peut être assez efficace pour prévenir et
détecter la fraude en temps opportun, mais malheureusement ce n’est pas toujours le cas.
C’est là qu’intervient le professionnel comptable qui, dans le cadre de sa mission, met en
œuvre les moyens nécessaires pour couvrir le risque de fraude.
69
commission instituée par l’article 19 de la loi 88-108,chargée de veiller à l’application des obligations
d’indépendance et de diligence professionnelle à la charge des commissaires aux comptes
89
1-3-2 Audit de la fraude :
Dans l’exercice de sa profession, l’expert comptable peut être amené à réaliser une mission
d’audit de la fraude ou d’audit de la fraude fiscale en particulier.
L’audit de la fraude est abordé au niveau des normes ISA par l’ISA 240. Celle-ci définit les
moyens à mettre en œuvre pour détecter et cerner le risque de fraude que ce soit dans la phase
préliminaire à la mission ou en cours d’exécution. L’audit de la fraude fiscale est réalisé dans
le cadre de l’ISRS 4400 : missions de procédures convenues relatives aux informations
financières.
L’auditeur doit aborder sa mission en ayant constamment à l’esprit que le risque qu’une
anomalie significative résultant de fraude est bien présent dans la société. Ce n’est qu’en
manifestant cet esprit critique qu’il pourra éventuellement détecter en temps opportun les
fraudes commises. Cet état d’esprit est qualifié de « scepticisme professionnel ».
« Le scepticisme professionnel n’est pas une procédure d’audit ni une technique à mettre en
place par l’auditeur lors de l’exécution d’un certain nombre de tâches d’audit. Il s’agit plutôt
d’une manière de traiter, de penser et d’approcher les éléments examinés, les personnes
interviewées et les preuves collectées70.»
Dans ce cadre, il y a lieu d’engager un « brainstorming » entre les membres de l’équipe
d’audit pour s’entretenir sur « les éléments des comptes susceptibles de contenir des
anomalies significatives résultant de fraudes ou sur les facteurs externes ou internes à l’entité
susceptibles de créer, à l’égard de la direction ou d’autres personnes au sein de l’entité, des
incitations, des pressions ou des opportunités pour commettre une fraude».
Ces discussions peuvent évidemment se poursuivre pendant toute la durée de la mission.
En deuxième lieu, il convient de s’entretenir avec la direction de l’entreprise au sujet de sa
propre évaluation du risque de fraude dans l’entité , des procédures qu’elle a instaurées pour
se prémunir contre ce risque et des informations qu’elle communique à la gouvernance pour
70
Abir Matmati ep. Ben Mbarek, L’audit de la fraude : diligences et responsabilités du commissaire aux
comptes, 2007
90
identifier ces risques et au personnel pour véhiculer sa vision et sa culture de l’éthique et de la
conduite de ces affaires.
Il n’existe pas de méthode infaillible ou de check-list permettant de détecter une fraude à coup
sûr. L’objectif de l’auditeur est de détecter des facteurs, des indicateurs et des situations
présentant un risque de fraude. L’évaluation des états financiers pris dans leur ensemble et des
différentes rubriques et assertions permet de renseigner l’auditeur sur le risque d’existence de
fraudes. En fonction de cette évaluation, il définit la réponse adéquate par l’affectation des
membres du cabinet à la mission, l’évaluation du choix des méthodes comptables retenues par
l’entité et la définition de la stratégie d’audit.
La prise de connaissance de l’entité occupe une place importante dans la stratégie mise en
œuvre par l’auditeur. En effet, ce dernier se doit d’enquérir en particulier sur :
la connaissance globale de l’entreprise, son secteur d’activité, le marché,
la connaissance de l’environnement informatique,
et la connaissance du système de contrôle interne existant.
L’auditeur doit réaliser régulièrement une revue de la sécurité du système informatique et ce,
par l’audit de la configuration du système (serveurs, bases de données…), tests d’intrusion,
revue des droits d’accès…
Dans le cas d’un progiciel de gestion intégré, l’auditeur doit vérifier l’existence des contrôles
automatiques par le système, « par exemple dans le module achats vérifier la codification des
fournisseurs, la passation des commandes, la réception de la marchandise, la comptabilisation
de la facture et le paiement. Des contrôles sont mis en place par le système afin de s’assurer
91
que toute réception a fait l’objet d’une commande, que toute facture ne peut être payée que si
elle est comptabilisée, la marchandise reçue est conforme à la commande. »71
L’identification des risques de fraude passe par une revue poussée du système de contrôle
interne et de l’environnement général de l’entité afin d’en détecter les éventuelles
défaillances.
La pression financière se matérialise par les salaires basés principalement sur la performance
commerciale ou l’atteinte d’objectif. La rationalisation est la bonne conscience du fraudeur
qui lui permet d’atténuer psychologiquement la gravité de son geste.
Les opportunités se manifestent par la faiblesse du contrôle interne ou bien les transactions
72
significatives, inhabituelles ou complexes. Certaines situations doivent alerter l’auditeur
quant à l’existence d’un risque d’une fraude associé soit à des anomalies résultant
d’informations financières mensongères soit à un détournement d’actif :73
71
Mohamed Zineddine, le commissaire aux comptes face au risque de fraude : Proposition d’une méthodologie
d’audit, 2010
72
O. Gallet - C.Roulet/veille Un programme standard pour prévenir et détecter les fraudes en entreprise » -
rédaction Grenoble Ecobiz Jeunes Entreprises- PME-PMI – 06 octobre 2010
73
Norme ISA 240, Responsabilités de l’auditeur concernant les fraudes lors d’un audit d’états financiers
92
absence d’une documentation appropriée de certaines opérations (par exemple avoirs
pour retours de marchandises),
absence de prise de congés d’employés ayant des tâches de contrôle clé,
structure organisationnelle complexe,
transactions significatives avec les parties liées,
contrôle inefficace par le conseil d’administration,
absence de contrôle par le comité d’audit,
et politique défaillante en matière de gestion des ressources humaines.
La séparation des tâches est un élément clé de la lutte contre la fraude. Les tâches
incompatibles sont: l’accès aux actifs, l’enregistrement, l’autorisation et les opérations de
contrôle. Si le strict respect de la séparation des tâches peut être dans certains cas difficile à
mettre en œuvre (en raison de la taille de la société par exemple), il faut néanmoins que
l’entreprise mette en place des dispositifs d’atténuation du risque tels que les Contrôles par
seuils, nature d’opérations, acteur, ou les audits aléatoires en dehors des cadres « connus ». Il
existe plusieurs situations qui, compilées avec des faiblesses de contrôle interne peuvent
induire un risque important de fraude, les plus connues sont :
74
Hervé Lohier, la prise en compte des fraudes dans la démarche d’audit (norme d’exercice professionnel 240),
2007, article disponible sur http://fr.slideshare.net/ammardjoudi/219-atelier-522007 (consulté le 06/05/2016)
93
1-3-2-3 Réponses de l’auditeur au risque de fraude :
En présence de risque de fraude avéré, l’auditeur doit apporter les réponses nécessaires en
affectant à la mission des membres ayant les compétences nécessaires dans ce genre de
situation, et en les supervisant. Il doit également évaluer si les choix des méthodes comptables
retenues résultent de la volonté de manipulation des résultats. En outre, l’auditeur doit
introduire un élément d’imprévisibilité dans la nature et le calendrier de ses travaux tout en
reconnaissant le besoin de corroborer davantage les explications ou les déclarations de la
direction et en déterminant avec plus de circonspection la nature et l’étendue de la
documentation à examiner.
En plus de ces réponses dites globlales, l’ISA 240 détermine les réponses spécifiques aux
anomalies résultant d’informations financières mensongères et aux anomalies résultant de
détournement d’actifs.
Les preuves receuillies par l’auditeur peuvent êtres constituées de preuves analytiques qui
sont les plus rationnelles, des preuves physiques ( l’observation ne doit pas être clandestine,
elle doit être ponctuelle et validée), des preuves documentaires ( un document fourni par un
tiers est toujours préférable à un document émis par le fraudeur même s’il peut constituer une
forme d’aveu) ou des témoignages ( en général, les témoignages ne sont pas suffisants à eux
seuls mais constituent une preuve complémentaire). Dans la pratique, c’est le croisement de
différents types de preuve qui crée leur force probante avec, pour des besoins juridiques
essentiellement, une quasi-nécessité d’appui documentaire.
94
Section 2 : Etude empirique
Objectif :
L’objectif de cette étude empirique est de sonder un échantillon représentatif des acteurs
économiques pour mieux connaitre les causes du phénomène de la fraude fiscale et recueillir
leurs avis et recommandations sur les solutions envisageables d’éradication.
Hypothèses :
Les principales hypothèses émises pour l’accomplissement de cette étude empirique sont les
suivantes :
Cette hypothèse émane du fait que lors des recherches théoriques, ce sont les facteurs socio-
économiques et culturels qui ressortent le plus souvent pour expliquer les causes de la fraude
fiscale, alors que les autres facteurs, comme l’appât du gain ou le goût du risque, ne sont
généralement cités qu’en bas de liste.
Cette hypothèse se justifie par le lien de causalité existant entre le système fiscal et le contrôle
fiscal avec la fraude.
Dans le but de valider l’aspect théorique de ce mémoire, un questionnaire a été diffusé auprès
d’experts comptables, de chefs d’entreprises et d’agents de l’administration fiscale pour
recueillir leurs avis et leurs appréciations sur les points suivants :
95
Questionnaire établi dans le cadre de la préparation d’un mémoire pour l’obtention du
diplôme d’expert comptable intitulé :
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
96
Madame, monsieur
Toutes les réponses que vous donneriez dans ce questionnaire seront exploitées anonymement
et serviront exclusivement à ce seul travail de recherche.
Cordialement
97
Question 1 : Veuillez classer par ordre d’importance décroissant ces facteurs motivant la
fraude fiscale en Tunisie (Du plus important au moins important)
Commentaires :
………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………
Faible
Moyen
Elevé
Simple
Moyennement contraignant
Complexe
Oui
Non
Question 5 : Pensez-vous que le citoyen Tunisien dispose d’une bonne culture de transparence
fiscale ?
Oui
Non
98
Question 6 : Veuillez classer par ordre décroissant (du plus important au moins important) les
principales causes de la fraude fiscale en Tunisie :
La pression fiscale
La complexité du système fiscal
Le sentiment d’iniquité fiscale
La culture fiscale de non transparence
Autres (à préciser)…………………………………………………………………….....
Commentaires :
………………………………………………………………………………………………….
………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………................................................
Oui
Non
Commentaires :
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
Oui
Non
Commentaires :
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
99
Question 9 : Quels sont les préalables à la lutte contre la fraude fiscale en Tunisie ?
Un Etat fort
La simplification de la législation fiscale
La sensibilisation des contribuables à leur devoir citoyen d’acquittement de l’impôt
Autres (à préciser)……………………………………………………………………
Commentaires :
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
Question 10 : Veuillez classer ces solutions de lutte contre la fraude fiscale en Tunisie par
ordre de priorité décroissant (Du plus important au moins important)
La réforme fiscale
La réforme du contrôle fiscal
La communication de l’administration fiscale (actions de sensibilisation des
citoyens…)
Autres (à préciser)………………………………………………………………
Question 11 : Veuillez classer ces axes de réforme fiscale par ordre de priorité
décroissant (Du plus important au moins important) :
100
Question 12 : Veuillez classer ces axes de réforme du contrôle fiscal par ordre de priorité
décroissant (Du plus important au moins important) :
Question 13 : Selon vous, quelle est la politique de communication la plus efficace à adopter
par l’administration fiscale :
Question 14 : Quel est le rôle de l’expert comptable face à la fraude dans l’entreprise ?
Rôle préventif : détection des failles du système de contrôle interne et des risques de
fraudes
Rôle curatif : Détecter- dans le cadre de sa mission- les éventuelles fraudes et en
informer la hiérarchie au niveau approprié
Rôle citoyen et éducatif : sensibiliser les différents acteurs et dirigeants de l’entreprise
au risque de fraude et à ses conséquences
Question 15 : Veuillez mettre une croix devant la case qui correspond à votre situation
professionnelle :
101
Sous- section 3 : Motifs de selection et caractéristiques de l’échantillon :
L’échantillon sélectionné se veut représentatif des différents acteurs économiques les plus
concernés par le phénomène de la fraude fiscale pour en avoir une vision globale et
généralisée. Cet échantillon se compose :
d’experts comptables tunisiens inscrits au tableau de l’ordre ainsi que des experts
comptables mémorialistes attestant d’une expérience de cinq années au minimum.
Cette période semble suffisante pour avoir un regard critique et des recommandations
pratiques concernant la fraude fiscale. L’expert comptable est l’interlocuteur privilégié
de l’entreprise de par sa position de conseiller, d’auditeur indépendant ou de
commissaire aux comptes, il est souvent assimilé au médecin de l’entreprise,
de chefs d’entreprises : les chefs d’entreprises sont des acteurs majeurs de l’économie
tunisienne. Ils sont directement concernés par la fraude fiscale, du fait qu’ils subissent
de plein fouet la pression fiscale, les défaillances du système fiscal… et font face à la
concurrence déloyale du secteur informel,
d’agents de l’administration fiscale : ces deriners ont une vision privilégiée de
l’ensemble de l’activité économique des entreprises et rencontrent de par leur activité
un nombre conséquent de cas de fraudes fiscales
Ce questionnaire a été adressé à tous les experts membres de l’Ordre des Experts Comptables
de Tunisie (OECT), aux experts comptables mémorialistes, aux chefs d’entreprises,
agents/cadres de l’administration fiscale et aux fiscalistes.
Une première phase de pré test par entretien individuel a été menée en Avril 2016 pour
déterminer les réactions et le degré de compréhension des répondants. Cette première phase
étant jugée concluante, l’administration du questionnaire a débuté en mai 2016.
La diffusion s’est opérée exclusivement par internet et le questionnaire a été hébergé sur un
site spécialisé de manière à faciliter les réponses des interviewés.
L’administration du questionnaire a été réalisée en mai 2016. Le nombre final de répondants
s’est élevé à 93 personnes dont :
31 experts comptables membres de l’oect,
32 experts comptables mémorialistes,
12 chefs d’entreprises,
102
10 agents/cadres de l’administration fiscale, et
8 fiscalistes
Cette diversité des catégories de répondants vise à obtenir un échantillon représentatif des
différents acteurs économiques de la société et non à traiter les réponses de chaque
communauté à part. L’analyse des réponses se fera donc de manière globale.
Afin d’obtenir une analyse plus fine des réponses, certaines questions ont consisté à classer
par ordre de priorité les réponses possibles. On aboutit donc pour chacune des réponses à une
priorité moyenne obtenue par la division de la somme des priorités accordées à ladite réponse
par le nombre de répondants.
Question 1 : Veuillez classer par ordre d’importance décroissant ces facteurs motivant la
fraude fiscale en Tunisie (Du plus important au moins important)
La réponse qui revient le plus souvent en première priorité à cette question est l’appât du gain,
suivi de près par les facteurs socio-économiques, les facteurs culturels et en dernier lieu le
goût du risque.
103
Veuillez classer par ordre d’importance décroissant les facteurs
motivant la fraude fiscale en Tunisie
3 L'appât du gain
Des facteurs socio-économiques
2 Des facteurs culturels
Le goût du risque
1
0
Priorité moyenne
La première hypothèse avancée pour cette recherche empirique et prétendant que « La fraude
fiscale est expliquée principalement par des facteurs socio-économiques et culturels » est
donc infirmée. On peut donc supposer que la réduction de la pression fiscale et les actions de
sensibilisation et d’éducation fiscale des citoyens ne suffisent pas à eux seuls pour éliminer la
fraude fiscale.
Plusieurs interviewés ont attribué la fraude fiscale en Tunisie au niveau élevé de la pression
fiscale, au manque de confiance dans la gouvernance du pays et dans l’utilisation des recettes
fiscales ainsi que l’inefficacité du contrôle fiscal et le manque de moyens de l’administration.
Faible
Moyen
Elevé
104
Comment jugez vous le niveau de la pression fiscale en Tunisie ?
3%
23%
Faible
Moyen
74%
Elevé
74 % des répondants estiment que la pression fiscale en Tunisie est élevée contre 23 % qui le
jugent moyen et seulement 3% qui le jugent faible. Cette perception de la pression fiscale en
Tunisie concorde avec ce qui a été présenté dans la recherche théorique.
Simple
Moyennement contraignant
Complexe
19%
Simple
Moyennement contraignant
78%
Complexe
78 % des répondants estiment que le système fiscal tunisien est complexe. 19 % le jugent
moyennement contraignant et seulement 3% le jugent simple.
105
Question 4 : Estimez-vous que le système fiscal tunisien est équitable ?
Oui
Non
4%
oui
non
96%
96 % des répondants estiment que le système fiscal tunisien n’est pas équitable. Cette majorité
écrasante ne laisse aucune équivoque sur l’iniquité de notre système fiscal.
Question 5 : Pensez-vous que le citoyen tunisien dispose d’une bonne culture de transparence
fiscale ?
Oui
Non
Oui
97% Non
106
97 % des répondants estiment que le citoyen tunisien ne dispose pas d’une bonne culture
fiscale. Un travail de fond doit donc être mené par l’Etat pour informer et sensibiliser le
contribuable Tunisien au niveau fiscal.
Question 6 : Veuillez classer par ordre décroissant (du plus important au moins important) les
principales causes de la fraude fiscale en Tunisie :
La pression fiscale
La complexité du système fiscal
Le sentiment d’iniquité fiscale
La culture fiscale de non transparence
Autres (à préciser)…………………………………………………………………….....
3,5
0,5
0
Priorité moyenne
107
Selon les répondants à ce questionnaire, la principale cause de la fraude fiscale est la culture
fiscale de non transparence. En second lieu, on retrouve la pression fiscale et le sentiment
d’iniquité fiscale à priorité égale et en dernier lieu la complexité du système fiscal.
Les autres causes citées par les interviewés sont la situation économique précaire de quelques
entreprises, le sentiment d’impunité, l’absence de confiance dans le gouvernement, la
mauvaise gestion des recettes fiscales et l’absence de professionnalisme et la corruption de
certains agents de l’administration fiscale.
Oui
Non
12%
Oui
Non
88%
88% des répondants estiment que le régime du forfait d’impôt est incitatif à la fraude. Ce
résultat confirme la nécessité de la réforme de ce régime
108
Question 8 : Le secteur informel oblige-t-il certaines entreprises « citoyennes » à frauder pour
survivre à la concurrence déloyale ?
Oui
Non
9%
Oui
Non
91%
Question 9 : Quels sont les préalables à la lutte contre la fraude fiscale en Tunisie ?
Un Etat fort
La simplification de la législation fiscale
La sensibilisation des contribuables à leur devoir citoyen d’acquittement de l’impôt
Autres (à préciser)………………………………………………………………………
109
La répartition des réponses se présente comme suit :
Un Etat fort
15
46
50 La simplification de la législation
fiscale
La sensibilisation des
63 contribuables à leur devoir citoyen
d'acquittement de l'impôt
Autre
Une majorité des répondants estime que les trois préalables sont conjointement indispensables
à la lutte contre la fraude fiscale en Tunisie.
Les autres préalables cités par les interviewés sont la modernisation de l’administration
fiscale, des agents compétents, la lutte contre la bureaucratie et la corruption, la stabilité des
textes juridiques, l’équité fiscale et la simplification des règles fiscales.
Question 10 : Veuillez classer ces solutions de lutte contre la fraude fiscale en Tunisie par
ordre de priorité décroissant (Du plus important au moins important)
La réforme fiscale
La réforme du contrôle fiscal
La communication de l’administration fiscale (actions de sensibilisation des
citoyens…)
Autres (à préciser)………………………………………………………………
La première solution de lutte contre la fraude fiscale préconisée par les répondants est « la
réforme fiscale » (priorité 1,9), suivie de près par « la réforme du contrôle fiscal » (priorité
2,6).
En troisième position, on retrouve « La communication de l'administration fiscale (actions de
sensibilisation des citoyen) » (priorité 3,2).
Les sanctions pécuniaires et les sanctions pénales viennent en dernière position avec des
priorités de 3,6 et 4,1 respectivement.
110
La deuxième hypothèse émise pour cette enquête est donc vérifiée : la réforme fiscale et la
réforme du contrôle fiscal sont les solutions prioritaires à la lutte contre la fraude fiscale en
Tunisie.
Priorité
Réponse
moyenne
La réforme fiscale priorité 1,9
La réforme du contrôle fiscal priorité 2,6
La communication de l'administration fiscale (actions de sensibilisation des citoyen) priorité 3,2
Sanctions pécunières priorité 3,6
Sanctions pénales priorité 4,1
La réforme fiscale
4,5
4
3,5 La réforme du contrôle fiscal
3
2,5 La communication de
2 l'administration fiscale (actions de
sensibilisation des citoyens)
1,5
Sanctions pécunières
1
0,5
0 Sanctions pénales
Priorité moyenne
Parmi les autres solutions de lutte contre la fraude fiscale citées par les répondants, on cite la
réorganisation de l'administration fiscale et la mise en œuvre de nouvelles techniques de
contrôle, la création d’une justice fiscale spécialisée et indépendante, le renforcement de la
transparence dans les procès fiscaux, l’interdiction des notes communes et des prises de
positions.
111
Question 11 : Veuillez classer ces axes de réforme fiscale par ordre de priorité
décroissant (Du plus important au moins important)
6
La réduction de la pression
fiscale
5
L'encadrement du secteur
informel
4
La simplification de la
3 législation fiscale
La réforme du régime du
2 forfait d'impôt
L'harmonisation entre la
1
législation fiscale et le
référentiel comptable
0 La généralisation de la TVA
Priorité moyenne
112
La réduction de la pression fiscale vient en tête de liste des priorités de la réforme fiscale
selon les répondants (priorité 2,6). Ce résultat est en harmonie avec le résultat de la sixième
question qui classe la pression fiscale comme la deuxième cause de la fraude fiscale en
Tunisie. En deuxième position, on retrouve « l’encadrement du secteur informel » (priorité
2,7). « La simplification de la législation fiscale » est classée comme la troisième priorité
(priorité 2,8). On retrouve ensuite « La réforme du régime du forfait d'impôt » (priorité 3,3),
« l'harmonisation entre la législation fiscale et le référentiel comptable » (priorité 4,5) et enfin
« la généralisation de la TVA » (priorité 5,3).
Question 12 : Veuillez classer ces axes de réforme du contrôle fiscal par ordre de priorité
décroissant (Du plus important au moins important) :
113
Veuillez classer ces axes de réforme du contrôle fiscal par ordre de priorité
décroissant
Modernisation de
3 l'administration fiscale
2,5
Renforcement des garanties et
2 de la sécurité juridique du
contribuable
1,5 Assouplissement de
l'application de la loi fiscale
1
L’axe de réforme du contrôle fiscal le plus prioritaire selon les répondants à cette enquête est
« la modernisation de l’administration fiscale » (priorité 1,8). On retrouve en second lieu « le
renforcement des garanties et de la sécurité juridique du contribuable » avec une priorité de
2,6 ; suivi de prés par « l’assouplissement de l’application de la loi fiscale » (priorité 2,7).
En dernier lieu, les interviewés accordent une priorité moyenne de 3 à l’élément « plus de
pertinence des dossiers à vérifier ». Ce classement confirme le manque considérable de
moyens de l’administration fiscale décrit au niveau de la recherche théorique et la nécessité de
la moderniser. Il traduit en outre l’importance d’aménager plus de garanties au contribuable et
d’assouplir l’application de la loi fiscale.
Parmi les autres recommandations suggérées par les répondants, on cite la réforme du
système d'information de l'administration fiscale et la généralisation des télé-déclarations, le
recrutement massif d’agents compétents au sein l'administration fiscale et l’allocation de
salaires respectables aux agents chargés du contrôle fiscal, afin qu'ils ne soient pas tentés par
des pots de vin et l’autorisation aux professionnels de la comptabilité de représenter leur
client à tous les niveaux de la procédure de contrôle fiscal.
114
Question 13 : Selon vous, quelle est la politique de communication la plus efficace à adopter
par l’administration fiscale ?
politique de communication
visant à sensibiliser les
26% individus sur les conséquences
30% qu'ils pourraient subir en cas de
fraude détectée (aperçus des
sanctions de la fraude)
politique de communication
visant à sensibiliser la
population sur les
conséquences de la fraude
44%
fiscale pour l'ensemble de la
société (coût de la fraude)
politique visant à donner la
possibilité aux contribuables de
signaler les contribuables
fraudeurs dés lors qu'ils ont la
possibilité de les observer
115
Question 14 : Quel est le rôle de l’expert comptable face à la fraude dans l’entreprise ?
Rôle préventif : détection des failles du système de contrôle interne et des risques de
fraudes
Rôle curatif : Détecter- dans le cadre de sa mission- les éventuelles fraudes et en
informer la hiérarchie au niveau approprié
Rôle citoyen et éducatif : sensibiliser les différents acteurs et dirigeants de l’entreprise
au risque de fraude et à ses conséquences
La majorité des répondants estime que, face à la fraude fiscale l’expert comptable joue à la
fois un rôle préventif, curatif et citoyen et éducatif. On note cependant que le rôle préventif
vient en tête de liste des réponses alors que le rôle curatif occupe la dernière position.
L’action de lutte contre la fraude fiscale par l’expert comptable doit donc se concentrer en
amont par la sensibilisation à ses risques, la mise en place d’un bon système de contrôle
interne et la veille à son application.
116
CONCLUSION
La lutte contre ce phénomène implique selon les répondants, plusieurs préalables dont la
simplification de la législation fiscale, la sensibilisation des contribuables à leur devoir
citoyen d’acquittement de l’impôt et un Etat fort. Selon les interviewés, la réforme fiscale est
le centre névralgique de cette lutte et devrait s’articuler principalement autour de la réduction
de la pression fiscale, l’encadrement du secteur informel et la simplification de la législation
fiscale.
Concernant la réforme du contrôle fiscal, deuxième priorité dans le classement des solutions
envisageables, les principales recommandations prioritaires des répondants sont la
modernisation de l’administration fiscale, le renforcement des garanties et de la sécurité
juridique du contribuable, et l’assouplissement de l’application de la loi fiscale.
117
CONCLUSION GENERALE
Les pays anglo-saxons considérés comme la référence dans la lutte contre la fraude fiscale ont
mis au point des dispositifs bien rodés de traque des fraudeurs partout dans le monde.
L’accent est aussi mis sur les politiques de communication de l’administration fiscale qui
permettent à moindre coût de générer des résultats parfois surprenants.
118
Sur le plan théorique, les solutions dégagées applicables au contexte tunisien s’articulent
principalement autour de la nécessité de réaliser une réforme fiscale urgente convergeant vers
la consécration de l’équité fiscale, la diminution de la pression fiscale, l’encadrement du
secteur informel, la lutte contre les faux forfaitaires et la simplification du système fiscal.
Cette réforme fiscale doit être accompagnée par une réforme du contrôle fiscal impliquant la
modernisation de l’administration fiscale et l’aménagement de plus de garanties pour le
contribuable, ainsi que le renforcement de sa sécurité juridique.
Par ailleurs, le rôle central qu’occupe la profession comptable dans l’accompagnement de ces
réformes depuis la conception jusqu’à la mise en place et le suivi est incontestable.
Sans quoi, cette profession serait dépossédée de son âme et réduite à la fonction de simple
prestataire de services.
Ces axes de réformes sont aussi fortement recommandés par les principaux acteurs de
l’économie tunisienne tel que ressenti par l’étude empirique entreprise à travers le
questionnaire diffusé. Cette étude a en effet permis de confirmer l’hypothèse énonçant que les
solutions prioritaires envisageables d’éradication de la fraude fiscale s’orientent vers la
réforme du système fiscal et du contrôle fiscal. Cependant l’hypothèse prétendant que la
fraude fiscale est expliquée principalement par des facteurs socio-économiques et culturels, a
été infirmée. L’appât du gain serait donc une réelle motivation pour la fraude fiscale et les
actions de lutte contre ce phénomène devraient prendre en considération ce fait.
119
Selon l’échantillon interviewé, la lutte contre la fraude fiscale nécessite aussi au préalable la
simplification fiscale, la sensibilisation des contribuables à leur devoir citoyen et un Etat fort
capable d’appliquer les lois fiscales et garantissant la bonne utilisation des recettes collectées.
Ainsi, ce travail pourrait être enrichi dans ce sens par une étude plus approfondie de l’impact
desdites politiques de communications sur le terrain.
De même, l’évaluation de l’ampleur de la fraude fiscale en Tunisie n’a pas été possible au
cours de cette recherche faute de disponibilité des données nécessaires.
Un tel travail ne pourrait être envisagé que si toutes ces données se trouvaient réunies ou bien
en menant des enquêtes sur terrain auprès des ménages, et ce suite à des campagnes de
communication encourageant la transparence fiscale.
120
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http://www.portail.finances.
http://www.profiscal.com
http://www.webmanagercenter.com
http://www.wikiberal.org
https://fr.wikipedia.org
Autres
127
Résumé
De nos jours la fraude fiscale est devenue une préoccupation majeure en Tunisie comme
partout dans le monde. Sa propagation alarmante est une menace certaine pour l’économie
formelle. Ce mémoire définit la fraude fiscale et les concepts voisins et présente les points
communs et les points de divergences pour bien délimiter chaque concept. En outre, cette
étude expose les méthodes de quantification de la fraude fiscale et ses manifestations. Par
ailleurs, elle décrit les causes de la fraude fiscale en Tunisie. Enfin, le but ultime de cette
recherche est la présentation des solutions envisageables de lutte contre la fraude fiscale à
Abstract:
Nowadays tax fraud has become a major concern in Tunisia as everywhere in the world. Its
alarming spread is a certain threat to the formal economy. This research paper defines tax
fraud and related concepts and presents the similarities and differences’ points to demarcate
each concept. Besides, this study outlines the methods of quantification of tax fraud and its
manifestations. It also describes the causes of tax fraud in Tunisia. Finally, the ultimate goal
of this research is the presentation of the possible solutions against tax fraud through the
investigation.
128