BUP Ferrofluide PartieA Finale V4
BUP Ferrofluide PartieA Finale V4
BUP Ferrofluide PartieA Finale V4
magnétiques et applications
Jonathan Piard, Emmanuelle Deleporte, Clément Guibert
Emmanuelle DELEPORTE
Département de Physique, ENS Paris-Saclay,
4, avenue des Sciences
91190 Gif-sur-Yvette
emmanuelle.deleporte@ens-paris-saclay.fr
et Clément GUIBERT
Laboratoire de Réactivité de Surface, Sorbonne Université, CNRS
4, Place Jussieu – boîte courrier 178 - 75252 Paris Cedex 05
clement.guibert@sorbonne-universite.fr
Après une brève introduction sur les colloïdes et les nanoparticules, une définition des ferrofluides
est donnée ainsi qu’un bref historique de leur découverte. Par la suite, les propriétés
superparamagnétiques de ces objets sont expliquées ainsi que l’observation d’instabilités de pics lorsque
les ferrofluides sont placés dans le champ d’un aimant. Finalement, des applications des ferrofluides en
recherche ou dans notre quotidien sont mentionnées.
Lorsque les particules de phase dispersée sont comprises entre 1 nm et 1 µm, on parle alors de
colloïde ou système colloïdal. Dans ce dernier cas, à l’échelle macroscopique, on ne distingue qu’une
phase unique ce qui n’est pas forcément le cas pour les systèmes dispersés. On définit également un
nanomatériau comme un maté dont au moins une dimension externe est comprise entre 1 et 100 nm
(nano-objet) ou qui possède une structure interne ou de surface à l’échelle nanométrique (matériau
nanostructuré). Parmi les nano-objets, on peut distinguer les nanoparticules pour lesquels les trois
dimensions sont inférieures à 100 nm. Ces nano-objets se situent donc au confluent des échelles
macroscopique (matériaux massifs) et moléculaire (ou atomique). Les nanofibres 1 et nanoplaques2 sont
par ailleurs des matériaux pour lesquels respectivement deux dimensions et une dimension sont
inférieures à 100 nm [1].
Remarque :
Pour la commission européenne, un nanomatériau est un matériau naturel, formé accidentellement
ou manufacturé contenant des particules libres, sous forme d’agrégat ou sous forme d’agglomérat, dont au
moins 50 % des particules, dans la répartition numérique par taille, présentent une ou plusieurs
dimensions externes se situant entre 1 nm et 100 nm. Cette recommandation indique également, que tout
matériau est à considérer comme relevant de la définition mentionnée ci-dessus dès lors qu’il présente
une surface spécifique en volume supérieure à 60 m 2/cm3 [1].
2.1 Définition
Remarque :
Des ferrofluides à base de particules métalliques (Ni, Co, Fe au degré d’oxydation 0) peuvent également
être synthétisés. Ceux-ci possèdent généralement une aimantation plus forte mais ont l’inconvénient
majeur de s’oxyder rapidement ce qui entraîne une altération importante du matériau et la diminution
voire la perte totale de cette aimantation.
La première synthèse de ferrofluide peut être datée de 1779 et attribuée à G. Knight (et
rapportée par E.G. Wilson) car celui-ci prépara en son temps un fluide constitué de fines particules de fer
en suspension dans l'eau. Toutefois, ce fluide n’était certainement pas à proprement parler un ferrofluide
dans la mesure où les particules ne possèdaient pas une taille nanométrique. Il faut attendre la deuxième
moitié du XXème siècle et les travaux datés de 1963 de S. Papell (chimiste de la NASA 4) dont l’objectif
1
On distingue dans les nanofibres les nanotubes (nanofibres creuses), les nanotiges (nanofibres
pleines) et les nanofils (nanofribres conductrices ou semi-conductrices).
2
On distingue dans les nanoplaques les nanofeuillets, les nanocouches et les nanorevêtements.
2
3
Pour des intensités de champ très élevées les ferrofluides peuvent être déstabilisés de manière irréversible.
4
NASA : National Aeronautics and Space Administration.
était de fabriquer un propergol liquide (terme astronautique désignant le produit de propulsion) qui puisse
être maintenu au fond de son réservoir par une autre force que la gravité en l’absence de cette dernière
(Figure 1). En effet, à cette époque, la plupart des fusées étaient propulsées par des propergols solides
dont la combustion est difficilement contrôlable. Pour obtenir ce tout premier ferrofluide, il broya pendant
10 mois un mélange constitué de poudre de magnétite Fe3O4 et de kérosène (mélange d'hydrocarbures
contenant des alcanes allant de C10H22 à C14H30 jouant le rôle de liquide porteur) en présence d’acide
oléique dans le but d'obtenir des nanoparticules. Finalement, bien que ses recherches aient abouti,
l’application des ferrofluides comme propergol liquide n'a jamais été mise en œuvre par la NASA.
Toutefois en créant le premier ferrofluide stable et durable S. Papell ouvrit la porte à d'autres recherches
et le développement des fluides magnétiques.
3.1 Superparamagnétisme
géants étant un paramètre continu, la valeur moyenne des moments magnétiques géants est :
où dΩ est un élément d’angle solide, l’intégration est faite sur toutes les orientations possibles pour
.
Si n est la densité de moments magnétiques géants dans la suspension et pour un champ magnétique
suivant l’axe Oz, l’aimantation par unité de volume sera alors :
æ m Bö
()
M z = nmG L çç G ÷÷ avec L la fonction de Langevin : L x = coth(x) -
è kBT ø
1
x
Le moment magnétique géant µG étant beaucoup plus grand que le moment magnétique porté
par un atome seul, les valeurs de susceptibilité χ d’un corps superparamagnétique sont comprises entre 1
et 5 [6]. Elles sont donc plus grandes que celles d’un solide paramagnétique (par ex. 3.10-4 pour le Pt)
d’où le terme de superparamagnétisme. Toutefois ces valeurs restent inférieures à celles des composés
ferromagnétiques ou ferrimagnétiques (par ex. 200 pour Fe). À cause de l’absence de parois de Bloch,
aucun phénomène d’hystérésis statique ni d’aimantation rémanente ne sont observés. En effet,
contrairement aux solides, les processus de blocage des domaines de Weiss n’existent pas ici et le
renversement de l’aimantation est un processus réversible. La courbe d’aimantation de suspensions
superparamagnétiques en fonction de H est donnée sur la Figure 2 et comparée à celle de corps
paramagnétique et ferromagnétique (ref au BUP sur le magnétisme).
Si l’on approche un aimant de grande aimantation (on a utilisé ici un aimant caractérisé par un champ
magnétique de 1,3 T et une force d’adhérence d’environ 1,4 kN) à proximité du ferrofluide, on note
l’obtention d’instabilités magnétiques de pics (Figure 3) : l’interface du ferrofluide se couvre de pics
liquides.
Figure 3 - Instabilités magnétiques de pics lors de l’approche d’un aimant dans le cas du ferrofluide
organique surfacté préparé dans la partie B de cet article.
Ce phénomène s’explique ici par un comportement de fluide magnétique des ferrofluides obtenus via
des synthèses proposées dans la partie B de cet article. En effet, lorsque le ferrofluide est plongé dans un
champ magnétique non uniforme , les moments magnétiques géants subissent une force
avec
La forme de pic observée peut s’expliquer par la compétition entre les forces magnétiques d’une part
et les forces de gravité et la tension superficielle présente à la surface des ferrofluides d’autres parts. Si
l’amplitude du champ magnétique est suffisante (supérieure à une valeur seuil Hseuil), les forces
magnétiques deviennent prépondérantes. Ainsi, tandis que le liquide magnétique cherche à suivre les
lignes du champ magnétique générées par l’aimant (Figure 4A), les forces de gravité et de tension
superficielle limitent la distance à laquelle ces nanoparticules peuvent s’éloigner de la surface. De plus,
lors de l’application d’un champ magnétique perpendiculaire à la surface, les conditions de passage de
celui-ci à l’interface liquide – air conduisent à un resserrement et un écartement des lignes de champs
respectivement au niveau des crêtes et des creux (Figure 4B) et l’observation de pics. Le comportement
superparamagnétique des ferrofluides conduit à la formation de pics si : 1. Hseuil est assez faible, 2. la
réponse au champ magnétique externe est assez forte et 3. les ferrofluides sont liquides (fluides).
Remarque :
Ces instabilités peuvent également être observées pour des liquides magnétiques qui ne sont pas des
ferrofluides mais présentant une susceptibilité magnétique importante et une tension de surface faible.
Bien que les ferrofluides soient des nanomatériaux découverts assez récemment, ils s’avèrent utiles
pour de nombreuses applications assez pointues dans divers domaines (souvent très éloignés de leur
application originelle détaillée au paragraphe 2.2) tels que les biotechnologies, la médecine, l’automobile
ou encore la mécanique voire l’art.
Ils sont ainsi présents dans quelques objets de notre vie quotidienne comme les enceintes audio
de haute qualité ou encore les disques durs de nos ordinateurs. Dans les enceintes classiques, l'air autour
de la bobine des haut-parleurs évacue très mal la chaleur ce qui engendre une surchauffe et altère le son
délivré. En remplaçant l’air par des ferrofluides de grande conduction thermique, un système sans
surchauffe est créé permettant d'améliorer le transfert thermique et la qualité du son. Dans les disques
durs, les ferrofluides sont mis à profit pour assurer la lubrification et l'étanchéité entre le rotor (bobine) et
le stator (aimant). Ils empêchent notamment les poussières de pénétrer dans l'interstice. Les ferrofluides
sont également utilisés dans le domaine de l’imprimerie dans les toners d’imprimante et intégrés à
certains billets de banque comme celui de 1 US $, pour les protéger de la contrefaçon. Dans l’industrie
automobile, les ferrofluides sont à la base d’une toute nouvelle technologie d’amortisseurs développée
par la marque Audi® : le système Magnetic Ride. Ce système permet d’ajuster en quelques fractions de
secondes la rigidité des amortisseurs en fonction de la situation de conduite. Des ferrofluides sont ainsi
intégrés aux amortisseurs qui, via l’application d’un champ magnétique dans la direction opposée à celle
de l’amortisseur, permettent de contrôler la viscosité : l’augmentation de viscosité va de pair avec
l’augmentation de l’intensité du champ. Un processeur calcule ensuite la force d’amortissement optimale
en fonction de la conduite en temps réel et transfère ces données ce qui permet une régulation
automatique des propriétés de raideur des amortisseurs [7]. Des amortisseurs antisismiques s’appuyant
sur le même principe peuvent être intégrés dans la structure de certains bâtiments pour permettre de
dissiper les ondes sismiques qu’ils subissent.
4.2 Biotechnologie
Les ferrofluides peuvent être utilisés dans la bioséparation qui est une méthode permettant la
récupération et la purification de protéines ainsi que la séparation de cellules. Ainsi, on introduit des
nanosphères d'oxyde ferreux (Fe II) à une substance biologique telle que l'ADN ou les anticorps.
L’exposition des cellules à un champ magnétique déclenche alors le processus de séparation : les cellules
liées sont attirées par le champ magnétique et les cellules sélectionnées peuvent être extraites.
4.3 Médecine
En médecine, les ferrofluides sont utilisés comme agents de contraste5 en IRM (Imagerie par
Résonance Magnétique…Nucléaire) pour permettre la détection de tumeurs ou dans le traitement des
ulcères (plaies de la peau, des yeux ou d'une muqueuse, accompagnée d'une désintégration du tissu [8])
et des fistules (formation anormale d'une connexion entre deux organes internes). En effet, dans ce
dernier cas, un ferrofluide est amené grâce un aimant permanent fixé à l’extérieur de l’endroit à traiter - la
plaie ou le canal formé - pour le colmater.
Les ferrofluides sont également étudiés comme traitements contre le cancer. En effet, il a été
montré que des nanoparticules d’oxyde de fer peuvent s’accumuler au niveau des tumeurs et dissiper de la
5
Les agents de contraste IRM sont des particules, des molécules ou des composés de coordination ayant pour
effet d’améliorer la qualité des diagnostics en accentuant les contrastes de certaines régions difficilement
visualisables, par exaltation locale du champ magnétique.
chaleur sous l’action d’un champ magnétique, provoquant ainsi l’affaiblissement puis la mort des cellules
tumorales à proximité. C’est le principe de l’hyperthermie magnétique [9, 10]. L’application d’un
champ magnétique alternatif radiofréquence entraîne la rotation physique des nanoparticules ou du
moment magnétique de celles-ci (afin de s’aligner avec le champ) ce qui engendre localement des
frictions (internes ou externes au particules), provoquant un échauffement du milieu. Une élévation de la
température au niveau local conduit alors à différentes réactions de la part des cellules dont la libération
de radicaux libres toxiques. L’hyperthermie magnétique est une solution prometteuse pour la thérapie de
certains cancers car elle permet d’éliminer les cellules malignes en préservant relativement les cellules
saines voisines comme le montrent plusieurs études effectuées sur des souris ou avec des cellules
humaines. L’hyperthermie magnétique permettrait également de contourner les problèmes de résistance,
dues à des mutations génétiques qui apparaissent dans les cellules malignes et qui sont observés avec les
chimiothérapies classiques.
Les ferrofluides ont inspirés de nombreux artistes qui ont choisi d'utiliser les ferrofluides et
leurs formes géométriques dentelées en présence d'un champ magnétique pour réaliser certaines de leurs
œuvres. C’est notamment le cas de S. Kodama qui créa plusieurs œuvres à partir de ferrofluides [11] :
- Protrude, Flow (Saillie, coulée) en 2001 (Figure 5A) dans laquelle elle induit un mouvement
dynamique des liquides et les fait danser au moyen d’aimants.
- Waves and sea urchin (Vagues et oursins) en 2003 (Figure 5B) dans laquelle les ferrofluides
donnent l'illusion de la présence de vie et permettent aux spectateurs d’interagir avec la sculpture
vivante, par la voix et en plaçant les mains au-dessus de la surface du liquide. Un ordinateur
convertit l’amplitude du son en tension électrique qui alimente les électroaimants.
- Breathing Chaos (Chaos respirant) en 2004 dans laquelle elle intègre des électroaimants au
cœur de sa sculpture sur lequel les ferrofluides vont s'animer. Le mouvement et la vitesse des
pics de ferrofluides sont alors contrôlés par la puissance de l'électroaimant.
- Morpho towers en 2006 (Figure 5C) dans laquelle les ferrofluides vont être animés d’un
mouvement de rotation.
CONCLUSION
Cet article a permis de donner une définition des ferrofluides ainsi qu’un bref historique de leur
découverte. Puis, les propriétés superparamagnétismes de ces objets ont été expliquées ainsi que
l’observation d’instabilités de pics lorsque les ferrofluides sont placés dans le champ d’un aimant.
Finalement, des applications des ferrofluides en recherche ou dans notre quotidien ont été décrites. Cet
article constitue la première partie (partie A) de plusieurs articles dédiés aux ferrofluides. La partie B est
consacrée à la synthèse de ferrofluides alors que la partie C s’intéresse à des applications réalisables en
travaux pratiques.
REMERCIEMENTS
Les auteurs tiennent à remercier tous les élèves ayant contribué à l’amélioration du manuscrit
(Adrien Combourieu, Joana Dagorret, Louis Godeffroy, Sandra Khemaissa, Baptiste Maillot, Melik
Maksem, Baptiste Neil, Florent Saudrais et Idris Tlemsani) et Emmanuelle Cazayus pour sa relecture
attentive.
BIBLIOGRAPHIE
[1] http://www.inrs.fr/risques/nanomateriaux/terminologie-definition.html.
[2]
"http://www.odpf.org/images/archives_docs/22eme/memoires/EquipeD/memoir
e.pdf."
[3] Piard, J. Des systèmes dispersés dans nos assiettes : une étude au microscope
optique. Bulletin de l'Union des Physiciens. 2012, vol. 106, N°948, p. 1089-102.
[4] A., Escalle-Lewis, J., Piard. Détermination de la concentration micellaire critique
par spectrofluorimétrie. Bulletin de l'Union des Physiciens. 2013, vol. 107, N°959,
p. 1181-93.
[5] "https://www.czferro.com/blog/2014/10/27/history-of-ferrofluids."
[6] Rosenweig, R.E. Magnetic Fluids. Annual Review of Fluid Mechanics 1987, vol.
19, p. 437-61.
[7] ., https://www.youtube.com/watch?time_continue=78&v=SO-DlQp6qus. vol., p.
[8] fr.wikipedia.org.
[9] "https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/physique-nanoparticules-
magnetiques-traitement-anti-cancer-futur-31254/."
[10] Dutz, S., Hergt, R. Magnetic particle hyperthermia—a promising tumour therapy?
Nanotechnology. 2014, vol. 25, 45, p.
[11] http://ssaft.com/Blog/dotclear/index.php?post/2009/04/08/L-art-
magn%C3%A9tique-de-Sachiko-Kodama. vol., p.