Examen regional-ANT
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Texte
CRÉON
Et cette nuit, la première fois, c'était toi aussi ?
ANTIGONE
Oui. C'était moi. Avec une petite pelle de fer qui nous servait à faire des châteaux de
sable sur la plage, pendant les vacances. C'était justement la pelle de Polynice. Il avait
gravé son nom au couteau sur le manche. C'est pour cela que je l'ai laissée près de lui.
Mais ils l'ont prise. Alors la seconde fois, j'ai dû recommencer avec mes mains.
LE GARDE
On aurait dit une petite bête qui grattait. Même qu'au premier coup d’œil, avec l'air
chaud qui tremblait, le camarade dit : « Mais non, c'est une bête. » « Penses-tu, je lui
dis, c'est trop fin pour une bête. C'est une fille. »
CRÉON
C'est bien. On vous demandera peut-être un rapport tout à l'heure. Pour le moment,
laissez-moi seul avec elle. Conduis ces hommes à côté, petit. Et qu'ils restent au secret
jusqu'à ce que je revienne les voir.
LE GARDE
Faut-il lui remettre les menottes, chef ?
CRÉON
Non.
Les gardes sont sortis, précédés par le petit page. Créon et Antigone sont
seuls l'un en face de l'autre.
CRÉON
Avais-tu parlé de ton projet à quelqu'un ?
ANTIGONE
Non.
CRÉON
As-tu rencontré quelqu'un sur ta route ?
ANTIGONE
Non, personne.
CRÉON
Tu en es bien sûre ?
ANTIGONE
Oui.
CRÉON
Alors, écoute : tu vas rentrer chez toi, te coucher, dire que tu es malade, que tu n'es
pas sortie depuis hier. Ta nourrice dira comme toi. Je ferai disparaître ces trois
hommes.
ANTIGONE
Pourquoi ? Puisque vous savez bien que je recommencerai.
Un silence. Ils se regardent.
CRÉON
Pourquoi as-tu tenté d'enterrer ton frère ?
ANTIGONE
Je le devais.
CRÉON
Je l'avais interdit.
ANTIGONE, doucement.
Je le devais tout de même. Ceux qu'on n'enterre pas errent éternellement sans jamais
trouver de repos. Si mon frère vivant était rentré harassé d'une longue chasse, je lui
aurais enlevé ses chaussures, je lui aurais fait à manger, je lui aurais préparé son
lit...Polynice aujourd'hui a achevé sa chasse. Il rentre à la maison où mon père et ma
mère, et Etéocle aussi, l'attendent. Il a droit au repos.
CRÉON
C'était un révolté et un traître, tu le savais.
ANTIGONE
C'était mon frère.
CRÉON
Tu avais entendu proclamer l'édit aux carrefours, tu avais lu l'affiche sur tous les
murs de la ville ?
ANTIGONE
Oui.
CRÉON
Tu savais le sort qui était promis à celui, quel qu'il soit, qui oserait lui rendre les
honneurs funèbres ?
ANTIGONE
Oui, je le savais.
CRÉON
Tu as peut-être cru que d'être la fille d'Oedipe, la fille de l'orgueil d'Oedipe, c'était
assez pour être au-dessus de la loi.
ANTIGONE
Non. Je n'ai pas cru cela.
CRÉON
La loi est d'abord faite pour toi, Antigone, la loi est d'abord faite pour les filles des
rois !