Droit Musulman Des Successions
Droit Musulman Des Successions
Droit Musulman Des Successions
553. — Le droit héréditaire des femmes, basé sur le Koran, par cela même
qu’il rompait avec un état de choses antérieur plus profitable aux hommes,
n’a pas été accepté partout ni sans difficulté. Certaines tribus, après l’avoir
admis, ont ensuite adopté des coutumes contraires. La Cour d’Alger a décidé,
par un arrêt du 18 mars 1874, que ces coutumes dissidentes et non orthodoxes
ne pouvaient jamais prévaloir contre les dispositions formelles et essentielles
de la loi musulmane et elle a proclamé, malgré tout, le respect de la
dévolution successorale édictée par le Prophète.
Certains peuples musulmans mais non orthodoxes ont continué à garder
sur ce point leur législation préislamique ou y sont revenus. Tels sont les
Kabyles algériens régis par les Kanouns, lois spéciales faites dans les
assemblées des délégués de la nation. MM. Hanoteau et Letourneux2
rapportent plusieurs de ces Kanouns ayant trait au droit successoral des
femmes, notamment une délibération en date du 21 décembre 1748 où nous
lisons ce qui suit : « L’assemblée, à l’unanimité des voix, abolit chez les
Béni-Bethroun et leurs voisins et alliés le droit d’héritage de la femme, le
droit de chefaa sur les biens habous (wakfs) et tout droit de chefaa pour les
filles, les sœurs et les orphelins. Enfin la dot de la femme répudiée ou veuve
fut déclarée perdue pour elle. » Les Kabyles ayant conservé, de par les
capitulations, le droit d’être régis par leurs coutumes, leurs Kanouns sont
encore applicables ; c’est ce qu’a décidé la Cour d’Alger par arrêt du 17
novembre 1873. Mais c’est là une disposition de droit public qui ne touche en
rien la législation musulmane et qui n’a trait qu’à des tribus non orthodoxes,
c’est-à-dire séparées des quatre rites dont l’étude seule doit nous préoccuper.
557. — Les héritiers, quels qu’ils soient, sont saisis par la mort du de cujus
et par le seul fait du décès ; ils ont, dès cet instant, la saisine légale qui fait
immédiatement passer dans leur patrimoine les biens à eux dévolus. C’est
donc au moment que se produit le décès qu’il faut se placer pour apprécier les
droits successoraux qui viennent en concurrence et la capacité des parties
auxquelles ils peuvent appartenir.
CHAPITRE DEUXIÈME
561. — L’enfant conçu devient héritier s’il naît vivant. Le droit musulman
n’exige pas, comme la loi française, que l’enfant soit né viable ; il suffit que
la majeure partie de son corps soit sortie vivante de celui de sa mère. Dès que
cette condition s’est accomplie, l’enfant a la qualité d’héritier, mourût-il
aussitôt. La preuve des moindres circonstances de l’accouchement est donc
d’une extrême importance, puisque c’est d’elle que dépend la dévolution
successorale. Elle se fait d’ordinaire par le témoignage de la sage-femme et
des personnes présentes.
562. — De ce qu’un individu vivant peut seul hériter, il résulte qu’en cas
d’absence du successible sa qualité d’héritier est suspendue jusqu’à son
retour, à la preuve réelle de sa mort ou au jugement qui le déclare décédé.
Nous avons examiné sous les nos 543 à 547 les règles applicables en ce cas.
Si l’absent absorbe (en le supposant vivant) la totalité de la succession, il
ne peut être procédé à aucun partage, même moyennant caution, par ceux qui
viendraient, à son défaut, à l’hérédité. Si au contraire l’absent n’a droit qu’à
une part, il peut être passé outre au partage, mais en réservant la quotité à
laquelle l’absent peut prétendre à son retour.
563. — Nous verrons que le sexe a une influence très grande au point de
vue de la dévolution successorale et de la quotité attribuée aux héritiers d’un
même degré. Le verset 12 de la Sourate IV est ainsi conçu : « Dieu vous
commande, dans le partage de vos biens entre vos enfants, de donner au
garçon la portion de deux filles. » Dans le cas d’hermaphrodisme, le sexe
prédominant chez l’individu le fait classer soit parmi les hommes, soit parmi
les femmes. Si les deux sexes sont également caractérisés, l’hermaphrodite
prend la part la moins forte qui serait dévolue à l’un ou à l’autre sexe.
564. — La seconde condition de successibilité est qu’il n’y ait pas, entre le
de cujus et celui que son degré de parenté appelle à sa succession, différence
de religion. Tel est le principe qui admet cependant des exceptions et qui
donne lieu à des applications différentes, en cas de changement de religion du
de cujus et selon qu’il s’agit d’un infidèle qui a embrassé l’Islamisme ou d’un
croyant qui a abjuré la foi musulmane.
Lorsqu’un infidèle s’est converti, ses parents, qui ont conservé leur
religion, n’héritent pas de lui. Ainsi, si un Juif se fait Musulman, ses parents,
qui ne l’ont pas suivi dans son changement de croyance, n’ont aucun droit à
sa succession. C’est ce qu’a décidé la Cour d’Alger, par arrêt du 26 décembre
1854. Si, au contraire, le de cujus a abjuré la foi musulmane, il faut distinguer
suivant qu’il s’agit d’un homme apostat ou d’une femme : le parent
musulman peut hériter de tous les biens acquis avant l’abjuration. Ceux qui
ont été acquis après « reviennent de droit au beit-el-mal » (art. 587, § 3).
Cette dernière disposition ne doit pas être acceptée dans sa généralité et doit
être complétée par ces mots : « à moins qu’il n’existe un héritier non exclu
par la différence de religion. » Il est certain, en effet, que le beit-el-mal
n’hérite qu’à défaut de successibles ; on ne saurait écarter de la succession
l’enfant que le père, devenu chrétien, aurait eu après son abjuration et qu’il
aurait élevé dans sa nouvelle religion. Il se fait alors une division de
l’héritage : les biens acquis avant le changement de croyance peuvent être
attribués à des héritiers musulmans, ceux acquis ensuite ne peuvent l’être
qu’à des héritiers qui ne sont pas séparés du de cujus par une différence de
religion. Ce n’est qu’à défaut de successible pour cette partie des biens que
cette partie est acquise à l’État.
Lorsqu’il s’agit de la succession d’une femme apostate « tous ses biens
acquis avant ou après son abjuration reviennent à son parent musulman » (art.
387, § 4). Nous pensons, ici encore, que la loi n’a pas voulu exclure les
enfants que la femme aurait eus après son changement de croyance et qu’elle
aurait élevés dans sa nouvelle religion. Il n’y a, en effet, aucun motif
juridique d’exclusion, puisque la différence de religion n’existe pas ; mais
l’apostasie n’a pas pu nuire aux parents restés musulmans : ceux-ci viendront
donc en concours avec les héritiers de la même croyance que la de cujus et
cela sans distinction entre les biens acquis avant ou après l’apostasie.
566. — Les Ottomans sont régis par le rite Hanafite. En est-il de même des
musulmans qui ont conservé une autre nationalité, par exemple la nationalité
française ? Nous ne le croyons pas. Le musulman algérien qui se trouve en
pays ottoman est un étranger et il est certain que le statut personnel suit
l’individu qui quitte son pays tant qu’il conserve sa nationalité ; c’est là une
règle générale qui n’a rien d’incompatible avec ce que nous avons dit plus
haut. Or, ce serait apporter une modification évidente et profonde au statut
personnel que de soumettre aux règles du rite Hanafite le musulman étranger
Malékite ou Chaféite. La Cour d’Alexandrie, dans un arrêt du 18 décembre
1889, après avoir proclamé que le statut personnel des Algériens musulmans,
sujets français, est régi par la loi musulmane, a appliqué aux parties en cause
et qui étaient des sujets Français les dispositions des articles 590, § 2, et 592
du Code Hanafite relatifs à la dévolution successorale. Or, nous verrons que
l’ordre et l’attribution héréditaires diffèrent sensiblement en ce qui concerne
les acebs dans les rites Hanafite et Malékite et nous croyons que c’est à tort
que la Cour a appliqué, dans l’espèce rapportée, des dispositions ayant pour
effet de modifier le statut personnel que les parties en cause avaient
incontestablement conservé. Il faudrait admettre pour cela que les successions
sont régies, quant à la dévolution, par les règles du pays dans lequel est mort
le de cujus, ce qui est repoussé par le droit public et contraire aux règles
primordiales du statut personnel. Un exemple rendra plus évident la justesse
de la thèse que nous soutenons : Un musulman algérien Français, appartenant
au rite Malékite, ayant sa famille et ses biens en territoire français est décédé
en Egypte. C’est dans ce dernier pays que sa succession s’est légalement
ouverte. S’ensuivra-t-il que l’ordre de dévolution successorale en ait été
modifié et que tel héritier venant à la succession d’après le rite Malékite en
soit exclu par application des règles du rite Hanafite, étranger aussi bien à lui-
même qu’au de cujus ? On ne saurait certainement admettre une telle
doctrine, conséquence forcée de la thèse contraire à celle que nous
soutenons ; nous estimons par conséquent que si tous les sujets de l’Empire
sont régis par les règles du statut Hanafite, il n’en est pas de même quant aux
musulmans étrangers qui, bien que se trouvant hors de leur pays, ont
conservé leur nationalité.
568. En troisième lieu, la loi exige, pour pouvoir succéder, que l’individu
appelé à la succession comme héritier soit de condition libre, Cette
disposition est la conséquence de l’incapacité légale qui frappe l’esclave. La
règle étant que les successions sont régies par les lois sous l’empire
desquelles elles s’ouvrent, il est certain que l’ancien esclave, affranchi par
une loi abolitive de l’esclavage, est capable de recueillir les successions
ouvertes depuis cette loi.
L’article 598 du texte édicte une incapacité qu’on peut rattacher à la
condition civile de l’individu ; il est ainsi conçu : « un hostis établi dans les
terres musulmanes, est incapable d’hériter de son parent Zimmi ou placé sous
la puissance musulmane. Il en est de même de l’hostis établi hors les
territoires musulmans vis-à-vis d’un hostis qui y est établi. Les biens
appartenant à un hostis établi dans les terres musulmanes seront conservés
pour ses héritiers résidant en pays étranger. »
L’incapacité résultant de cet article provient de l’état de guerre et cesse
avec lui. Les sujets tributaires héritent d’ailleurs entre eux, sans distinction de
croyances, d’après Mouradja d’Ohsson, tome V, page 180.
573. — L’article 586 porte que le meurtre constitue l’indignité sauf les
exceptions qu’il détermine et alors même qu’il aurait été commis
involontairement. Les docteurs font, quant au meurtre involontaire, une
distinction qui nous paraît très juridique. Lorsque le successible a porté au de
cujus des coups qui ont déterminé la mort, mais sans intention de la donner,
quoique le meurtre soit en réalité involontaire dans ses conséquences, il n’en
constitue pas moins un acte volontaire en lui-même, et cela suffit pour
exclure son auteur. Mais si la mort a été occasionnée par une simple
imprudence, nous pensons qu’il n’y a plus de motif de déclarer indigne celui
qui n’a eu aucune intention mauvaise ou coupable envers le de cujus. Il est si
vrai que le meurtre involontaire n’est pas fatalement et toujours une cause
d’exclusion que parmi les exceptions admises par la loi nous trouvons : 1° le
cas où le meurtrier est mineur ou frappé d’aliénation mentale, ce qui exclut,
le libre arbitre ou du moins la volonté libre et réfléchie ; 2° le cas où le
successible n’a été qu’une cause indirecte de la mort du de cujus ; 3° le cas
de légitime défense qui suppose cependant la volonté homicide mais qui rend
cette volonté nécessaire et légitime ; 4° le cas où le meurtrier a exercé à
l’égard du de cujus le droit du talion ou du had qui le rend légitime. Les
auteurs ajoutent à ces quatre exceptions celle résultant de ce que le meurtrier
a agi dans l’exercice d’une fonction publique ou lorsqu’il a été commandé
par une autorité légale, par exemple lorsqu’il a donné la mort comme
exécuteur d’une sentence judiciaire ou en combattant contre des révoltés (El
Téoudi, chap. X). Nous croyons donc que le meurtre par imprudence ne
constitue pas une cause d’indignité.
574. — L’article 586 in fine fait, nous venons de le voir, une exception en
faveur du mineur ; de quelle minorité s’agit-il ? de celle relative à la personne
ou de celle relative aux biens ? On pourrait, à la rigueur, soutenir qu’en
présence du terme général employé par la loi, on doit donner à ce terme son
acception la plus large. Nous pensons, toutefois, que l’esprit de la loi répugne
à cette interprétation et, allant bien plus loin, nous estimons qu’il ne s’agit
même pas ici de la minorité quant à la personne, telle qu’elle est définie par le
texte. Le mineur qui va atteindre sa puberté peut avoir parfaitement
conscience de ses actes ; il est même présumé avoir une volonté personnelle
et intelligente dès qu’il est parvenu à l’âge de raison. Cela est si vrai que le
Code Hanafite le déclare civilement responsable de ses actes délictueux ou
criminels. Nous pensons, dès lors, que le mineur peut être déclare indigne s’il
est reconnu avoir agi volontairement, avec discernement, et cette
interprétation nous paraît conforme à l’esprit de la loi, qui fait résulter
l’indignité de la volonté coupable. On ne comprendrait pas que la loi obligeât
le mineur à réparer le préjudice résultant de son délit et qu’elle l’admît,
quelques articles plus loin, à en profiler lorsque, conscient de ses actes, il a
attenté à la vie du de cujus.
575. — La loi musulmane n’exige pas, comme la loi française, qu’il y ait
eu condamnation du meurtrier. L’indignité frappe celui-ci dès que le fait qui
l’entraîne est commis et l’incapacité de succéder en est le résultat immédiat.
L’indigne est donc exclu par la force de la loi elle-même et toute personne
qui y a intérêt a le droit de l’écarter de la succession ; le magistrat a
également ce pouvoir de par la tutelle qu’il exerce sur tous ses justiciables. Si
l’incapacité n’est reconnue qu’après le partage, le cas est le même que
lorsqu’un tiers étranger et sans droit a indûment reçu ou appréhendé des biens
ne lui revenant pas, il y a lieu à restitution conformément au droit commun.
L’indigne est tenu, non seulement de rendre les biens par lui reçus, mais
encore les fruits qu’il a perçus, comme tout possesseur de mauvaise foi. Il
nous paraît, toutefois, que les ventes, locations et autres contrats par lui
consentis à des tiers de bonne foi, relativement aux biens par lui indûment
détenus, quoique consentis a non domino, ont une valeur légale et parfaite à
l’égard de ces tiers, comme émanant de l’héritier apparent.
CHAPITRE TROISIÈME
576. — Le droit musulman divise les héritiers en deux grandes classes : les
héritiers fards, légitimaires ou à réserve légale, les héritiers acebs ou
universels. Les premiers prennent dans la succession une part déterminée par
le Koran ; les seconds prennent l’universalité de ce qui reste après les
prélèvements faits par les réservataires, prélèvements qui peuvent, d’ailleurs,
absorber la totalité de la succession.
SECTION I
Des héritiers fards
577. — Les héritiers fards se divisent eux-mêmes en deux classes : 1° ceux
qui ont droit à la réserve dans tous les cas, sans pouvoir être exclus par des
acebs : ce sont les ascendants et le conjoint survivant ; 2° ceux qui n’ont droit
à la réserve qu’autant qu’ils ne sont pas exclus par des acebs plus rapprochés
qu’eux, en degré, du de cujus. Ce sont : la fille, la petite-fille (fille du fils), le
frère utérin, la sœur germaine, la sœur consanguine et la sœur utérine.
Dans la ligne ascendante l’aïeul et l’aïeule paternels sont appelés dans
certains cas ainsi que l’aïeule maternelle.
On peut donc établir le tableau suivant des héritiers fards ou légitimaires :
578.
TABLEAU A.
580. — Les fractions héréditaires fixées par le Koran sont : 1/2, 1/4, 1/8,
2/3, 1/3, 1/6. Ce sont là les fractions simples. Ces fractions peuvent être
changées en septièmes, huitièmes, neuvièmes, etc... lorsque la réunion des
parts héréditaires fards dépasse l’unité, ce qui oblige à recourir à l’aoûl ou
réduction proportionnelle dont nous étudierons plus loin les règles.
581. — Nous avons vu que la première classe d’héritiers fards, celle qui
n’est jamais exclue, se compose du père et de la mère du de cujus et du
conjoint survivant. Les droits de ces héritiers sont ainsi fixés par le Koran,
sourate IV, versets 12, 13 et 141 : « les père et mère du défunt auront chacun
le sixième de ce que l’homme laisse, s’il a un enfant ; s’il n’en laisse aucun et
que ses ascendants lui succèdent, la mère aura un tiers ; s’il laisse des frères,
la mère aura un sixième après que les legs et dettes du testateur auront été
acquittés. Vous ne savez pas qui de vos parents ou de vos enfants vous est le
plus utile. — Telle est la loi de Dieu. »
« A vous, hommes, la moitié de ce que laissent vos épouses, si elles n’ont
pas d’enfant, et si elles en laissent vous aurez le quart, après les legs qu’elles
auront faits et les dettes payés. »
« Elles (les femmes vos épouses), auront le quart de ce que vous (leurs
maris) laissez, après les legs que vous aurez faits et les dettes payés, si vous
n’avez pas d’enfants ; et si vous avez des enfants, elles auront le huitième de
la succession après les legs que vous aurez faits et les dettes payés. »
582. — L’aïeul ne vient à la succession que si le père n’y est pas appelé,
soit que ce dernier soit décédé, incapable ou indigne. Le père exclut son père
(grand-père du de cujus) qui lui-même exclut son auteur (bisaïeul). El Téoudi
le constate en ces termes : « L’aïeul le plus éloigné est exclu par l’aïeul le
plus proche et celui-ci par le père. » L’aïeul paternel a les mêmes droits que
le père, sauf les exceptions suivantes :
1° La mère du père du défunt est exclue par le père ; elle ne l’est pas par le
grand-père ;
2° Si le de cujus a laissé pour héritiers fards son père, sa mère et un
conjoint, la mère prend un tiers de ce qui reste après prélèvement de la part
du conjoint ; si, au contraire, le de cujus a laissé son aïeul paternel venant au
lieu de son père, la mère du défunt prend un tiers de toute la succession ;
3° Le père du patron, en présence de son fils, prend, à l’exclusion du
grand-père, un sixième des biens laissés par l’affranchi ;
4° En présence du père, les frères germains ou consanguins du de cujus et
le grand-père sont exclus de l’héritage, mais les frères héritent en présence de
l’aïeul paternel.
Cette dernière doctrine, aujourd’hui généralement admise et aux termes de
laquelle l’aïeul paternel n’exclut pas les frères, a été enseignée par Mohamed
et Ben Youssef ; elle est contraire à celle d’Abou Hanifa qui exclut tous les
frères en présence de l’aïeul paternel.
583. — La mère exclut par sa présence les aïeules, tant celle du côté du
père que celle du côté de la mère (art. 607 et 619). Si la mère est décédée, la
présence du père du de cujus exclut l’aïeule paternelle, non l’aïeule
maternelle. L’aïeul paternel appelé exclut également les aïeules paternelles
sauf la mère du père qui concourt avec lui ; enfin l’aïeule héritière exclut les
bisaïeules paternelles ou maternelles.
L’aïeule parente d’un seul côté partage le sixième avec l’aïeule parente de
deux côtés, par portions égales (art. 607). Mohamed Assem s’exprime ainsi :
« L’aïeule a droit à un sixième quand elle est seule et elle partage ce sixième
avec les autres quand elles sont plusieurs. »
586.
TABLEAU B.
I. La moitié est
attribuée :
2° A la fille unique
3° A l’aïeule ou aïeules
paternelles ou bisaïeules
587. — Nous avons dit que les héritiers fards se divisaient en deux classes,
la première comprenant les ascendants et le conjoint qui ont, en tous les cas,
la qualité de réservataires ; la seconde composée de certains parents, parmi
lesquels les femmes sont en plus grand nombre ; les héritiers de cette
catégorie ne sont appelés comme légitimaires qu’à défaut d’acebs plus
rapprochés.
Il faut donc rechercher dans quelles circonstances les héritiers fards de la
seconde classe sont appelés en cette qualité à la succession, quelle est la
quotité de leurs droits, comment s’établit cette quotité en cas de concours
avec d’autres héritiers. Après avoir indiqué ces principes, nous les réunirons
dans un tableau que nous avons dressé conformément au chapitre IV de la
deuxième partie du Code Hanafite.
§I
§ II
Si le de cujus n’a pas laissé de postérité mâle, mais des filles ou des
petites-filles issues d’un fils, il faut ajouter aux ascendants et au conjoint
survivant : la fille et la petite-fille. La fille, lorsqu’elle n’a pas de sœur venant
en concours avec elle, prend la moitié de la succession. S’il y a plusieurs
sœurs, il leur est attribué les deux tiers qu’elles se partagent entre elles.
La petite-fille qui n’est pas en concours avec une fille prend la moitié. Si
elle concourt avec d’autres petites-filles, ses sœurs ou cousines, il leur est
attribué les deux tiers que toutes les petites-filles du de cujus se partagent par
tête. Lorsque la petite-fille vient en concours avec une fille, il lui est réservé
un sixième lequel se subdivise par tête s’il y a plusieurs petites-filles. Enfin,
si le défunt a laissé deux filles ou un plus grand nombre, les petites-filles sont
exclues.
Dans l’hypothèse que nous examinons, celle où le de cujus n’a pas laissé
de descendance mâle, le père, en outre de sa part de réservataire prend, à titre
d’aceb, tout ce qui reste de la succession après prélèvement des héritiers fards
en concours avec lui ; il exclut donc les collatéraux (art. 586, § II).
Si le défunt n’a pas de descendants, le père absorbe toute la succession tant
à titre de fard qu’à titre d’aceb après prélèvement de la part de la veuve ou
des veuves si le de cujus en a laissé.
§ III
§ IV
Les frères germains viennent en concours avec les frères et les sœurs
utérins, comme acebs, et excluent tous autres collatéraux ; s’il n’existe pas de
frères germains la loi appelle comme héritiers fards : la sœur germaine et la
sœur consanguine.
La sœur germaine, lorsqu’elle est seule, a droit à la moitié ; s’il y a
plusieurs sœurs germaines il leur est attribué les deux tiers qu’elles se
partagent par tête. L’existence d’une seule sœur germaine n’exclut pas les
sœurs consanguines qui se partagent entre elles, en ce cas, un sixième de la
succession ; mais si les sœurs germaines étaient au nombre de deux ou en
plus grand nombre, les sœurs consanguines ne seraient pas appelées.
Si on rapproche ces règles des indications fournies par le tableau B, on
verra leur parfaite concordance. Nous complétons ce travail par un troisième
tableau qui indique les parts des légitimaires dans les différents cas de
concours.
588.
TABLEAU C.
SECTION II
De l’aoûl
589. — Il arrive fréquemment que les fractions réservées aux héritiers
fards réunies dépassent l’unité.
Supposons qu’une femme meure, laissant, comme héritiers fards, son mari
et deux sœurs germaines.
Conformément à ce que nous venons de dire (Voir le tableau C) :
Total 7/6
Total 7/7
Ce premier cas fut soumis au kalife Omar qui le résolut, comme nous
venons de le faire, conformément à l’aoûl.
Nous allons examiner les divers cas dans lesquels le sixième est modifié en
une fraction moindre :
Le premier cas est celui que nous avons cité plus haut, dans lequel le
sixième est remplacé par le septième.
Le second est celui dans lequel une femme laisse pour héritiers : son mari,
sa mère et une sœur germaine. D’après la loi,
Total 8/6
au mari 3/8
à la mère 2/8
Total 8/8
Le troisième cas fait changer le numérateur 6 en 9. Il se présente en deux
circonstances : 1° lorsque la femme meurt en laissant pour héritiers le mari,
deux sœurs consanguines et deux sœurs utérines :
Total 9/6
La réduction donnera :
au mari 3/9
Total 9/9
Total 9/6
L’aoûl donnera :
au mari 3/9
au grand-père 1/9
à la mère 3/9
à la sœur 2/9
Total 9/9
Nous verrons plus loin que l’aïeul peut, par droit d’option, partager avec la
sœur.
Le quatrième cas convertit le sixième en dixième.
L’hérédité se compose alors :
Total 10/6
Les parts seront ramenées aux suivantes :
au mari 3/10
à la mère 1/10
Total 10/10
Nous voyons donc que la fraction 1/6 doit être remplacée par : 1/7, 1/8, 1/9
et 1/10 dans les cinq hypothèses que nous venons d’examiner.
Total 13/12
L’aoûl donne :
au mari 3/13
à la mère 2/13
Total 13/13
au mari 3/15
à la mère 2/15
Total 15/15
Total 15/12
La réduction donne :
Total 15/15
Total 17/12
On attribue :
à la veuve 3/17
aux sœurs consanguines 8/17
Total 17/17
Total 27/24
à la veuve 3/27
au père 4/27
à la mère 4/27
Total 27/27
594. — Tous les cas que nous venons d’examiner ne présentent, en
somme, aucune difficulté. Il s’agit d’une simple réduction proportionnelle
pour laquelle une règle est établie, règle qui consiste toujours à élever le
dénominateur commun à la somme des numérateurs, afin de ne pas dépasser
l’unité. Mais en outre de ces cas simples il en existe d’autres dans lesquels
l’équité fait admettre certains héritiers acebs ou universels au rang de
légitimaires lorsqu’on ne pourrait les exclure du partage des biens sans
injustice évidente et lorsque l’observation de la dévolution koranique aurait
cependant pour effet leur complète exclusion. Cette dernière condition est
indispensable car si l’héritier aceb était appelé à ce titre, quelque minime que
fût sa part, quelque peu équitable que fût la répartition, il ne concourrait pas
avec les héritiers fards.
Si on suppose qu’une femme a laissé : son conjoint, sa mère, des frères
utérins et des frères germains, il est facile de voir que ces derniers ne sont
appelés, si on s’en tient aux règles générales, que comme acebs. Comme il
faut commencer par prélever les parts dévolues aux réservataires, on
donnera :
Total 36/36
L’hérédité se trouve dès lors épuisée et le droit des acebs, dans l’espèce
celui des frères germains, s’évanouit. Cette solution est contraire à toute
justice. Les frères germains tiennent par le sang au de cujus à un plus haut
degré que les utérins ; ils sont, en tous cas, issus de la même mère qu’eux et
on ne comprendrait pas leur exclusion.
Le kalife Omar, après avoir lui-même décidé dans le sens strict et littéral
des dispositions légales, est revenu à une solution plus juste qui est
aujourd’hui universellement admise. Les germains sont appelés,
exceptionnellement dans ce cas, comme héritiers fards et viennent en
concours avec les utérins. Mais, nous l’avons dit, pour que ce concours ait
lieu, il faut absolument que les germains ne trouvent plus rien comme acebs ;
si les parts réservées n’épuisaient pas la succession, les frères germains
devraient prendre comme acebs la fraction restant, aussi minime fût-elle. Si,
dans l’hypothèse que nous venons d’examiner, on suppose qu’au lieu de
plusieurs frères utérins (qui ont droit à 1/3 ou 12/36) il n’y en a qu’un seul, la
situation change car celui-ci n’a plus droit au 1/3 mais à 1/6 ou 6/36 et si on
additionne alors les fractions réservées on n’arrive qu’à 30/36. L’hérédité
n’est donc pas épuisée. Les frères germains ne viennent plus alors en
concours avec les utérins ; ils prennent comme acebs ce qui reste, soit 6/36
qu’ils se partagent entre eux. Leurs parts respectives peuvent donc être de
moitié, d’un tiers, d’un quart, etc..... moindres que celles du frère utérin.
Total 6/6
596. — Les parts réservées aux héritiers fards absorbent, en certains cas,
toute la succession sans la dépasser. Cela se produit dans les hypothèses
suivantes :
Total 6/6
2° La femme a laissé :
Total entier.
3° La femme a laissé :
Total 6/6
4° Le de cujus a laissé :
Total 6/6
5° Le de cujus a laissé :
Total 6/6
597. — Nous pouvons donc résumer ainsi les règles qui précèdent : 1°
lorsque les parts légitimes fixées par le Koran absorbent la succession sans la
dépasser, toute l’hérédité se trouve épuisée et les héritiers acebs ne sont pas
appelés.
2° Lorsque la réunion des parts légitimes fixées par le Koran dépasse
l’unité, il y a lieu d’appliquer les règles de l’aoûl. Il s’opère, en ce cas, une
réduction proportionnelle qui élève le dénominateur commun des fractions
héréditaires à la somme des numérateurs, lesquels restent invariables. Par
exception, les frères germains viennent comme fards avec les utérins lorsque,
sans cela, ils seraient exclus de toute attribution.
Dans le cas de concours du père et de la mère du de cujus, la portion de la
mère doit être ramenée à la moitié de celle attribuée au père.
3° Enfin lorsqu’après attribution des parts réservées, il reste une quotité
quelconque de l’hérédité, cette quotité est attribuée à titre universel aux
acebs.
Ces règles doivent être bien comprises et bien retenues car elles sont celles
qu’il faut appliquer en premier lieu à toute hérédité, et ce n’est qu’après avoir
fait face aux droits qui en découlent au profit des héritiers fards ou légitimes
qu’on a à se préocuper, s’il reste une part de la succession, de l’attribution à
titre universel qui se produit au profit des acebs.
SECTION III
Des héritiers acebs ou universels et de l’ordre de dévolution
598. — Le Code Hanafite divise les acebs en deux classes : ceux qui sont
unis au de cujus par un lien de parenté, et ceux qui sont unis à lui par un lien
de patronage.
Les acebs par droit de parenté se divisent en trois sections :
1° Les héritiers universels par eux-mêmes. Cette section comprend ceux
qui n’ont pas besoin du concours d’un autre parent pour être appelés à la
succession et dont le lien avec le défunt ne comprend pas de femmes. Cette
classe ne comprend que des hommes.
2° Les héritiers universels par un autre parent. Cette section comprend : la
fille, la petite-fille, la sœur germaine et la sœur consanguine qui ne
deviennent acebs que par leur concours avec un aceb proprio jure (frère ou
neveu).
3° Les héritiers universels avec un autre parent. On ne trouve encore dans
cette section que des femmes qui sont appelées comme acebs avec d’autres
parents qui deviennent acebs eux-mêmes sans l’être proprio jure.
« La différence entre les héritiers universels par un autre et les héritiers
universels avec un autre consiste, dit l’article 614, en ce que l’aceb universel
par un autre peut devenir seul héritier universel, tandis que l’héritier universel
avec un autre ne peut le devenir. »
Avant d’étudier ces trois sections nous croyons devoir donner la
classification Hanafite des acebs telle qu’elle est établie dans Mouradja
d’Ohsson et dans l’article 584 du Code Hanafite2.
599.
TABLEAU D..
§I
600. — Ainsi que nous le voyons par le tableau qui précède, les héritiers
universels par eux-mêmes se divisent en quatre branches :
1° La ligne descendante de mâle en mâle à l’infini, c’est-à-dire le fils, le
petit-fils issu du fils, l’arrière-petit-fils, etc...
S’il n’y a pas d’héritier fard, le fils ou les fils prennent comme acebs toute
la succession.
2° La ligne ascendante par les mâles : le père du de cujus, l’aïeul paternel,
le bisaïeul paternel, etc... Le père ou son auteur ne vient comme aceb qu’en
l’absence de descendant mâle. S’il y a un fils du défunt, il hérite comme aceb
de toute la succession, après prélèvement de la part ou des parts réservées.
3° La ligne collatérale directe, s’il n’y a pas de père ou d’ascendant
paternel : les frères germains, les frères consanguins, les descendants mâles
des frères germains, ceux des frères consanguins et leur descendance mâle. Si
le de cujus laisse son père ou son grand-père paternel et un frère germain ou
consanguin, l’ascendant prime le collatéral3, S’il y a concours entre un frère
et un neveu, le premier exclut le second.
4° La ligne collatérale indirecte à défaut de parent dans la ligne directe :
l’oncle germain, l’oncle consanguin, les fils de l’oncle germain, ceux de
l’oncle consanguin et leur descendance mâle. Si le de cujus laisse un oncle
germain ou consanguin et un frère germain ou consanguin, l’héritage est
dévolu au frère germain par préférence. L’oncle prime le neveu.
Ensuite viennent : l’oncle germain du père du défunt, l’oncle consanguin
du père, les fils de l’oncle germain du père, les fils de l’oncle consanguin du
père, à quelque degré qu’ils soient, à défaut d’oncle germain ou de ses
enfants.
L’oncle germain de l’aïeul paternel prime l’oncle consanguin du même
aïeul.
Les fils de l’oncle paternel germain priment les fils de l’oncle paternel
consanguin, s’il n’y a pas d’aïeul, et ainsi de suite.
Le tableau ci-contre donne l’ordre et le degré des héritiers acebs par eux-
mêmes. Les lignes simples comprennent les descendants direct (1re branche)
et les ascendants directs (2e branche) ; les lignes ponctuées comprennent les
collatéraux directs (3e branche) ; enfin, les lignes doubles comprennent les
collatéraux indirects (4e branche). Le côté gauche du tableau offre la parenté
collatérale germaine, le côté droit la parenté consanguine.
Nous avons cru devoir arrêter le tableau généalogique qui précède au
sixième degré, le rite hanafite admet cependant comme acebs les parents de
tous les degrés, quelque éloignés qu’ils soient ; nous verrons qu’il n’en est
pas de même des autres rites, que notamment les Malékites n’appellent les
parents à l’hérédité que lorsque leur parenté ne dépasse pas le sixième degré.
601.
TABLEAU E.
§ II
602. — Les filles du de cujus, les filles du fils, les sœurs germaines et les
sœurs consanguines deviennent héritières acebs ou universelles lorsqu’elles
concourent avec un aceb de leur degré appelé à ce titre proprio jure. Les
filles et les filles du fils deviennent acebs lorsqu’il existe une descendance
mâle du de cujus, c’est-à-dire lorsqu’elles viennent en concours, les
premières avec leurs frères, les secondes avec un oncle frère de leur mère.
Les femmes prennent une part simple et les hommes une part double.
Pourque la femme devienne héritière par un autre parent, il faut qu’elle soit
parmi les héritiers fards ou légitimaires ; il en est ainsi des filles du de cujus,
des filles de son fils, de ses sœurs germaines et consanguines, seules parentes
d’ailleurs qui composent la classe que nous étudions. Ainsi la sœur d’un
oncle germain n’étant pas réservataire, n’hérite pas comme aceb avec lui.
§ III
605. — Nous avons vu que les acebs de la première classe (héritiers par
eux-mêmes) se divisaient en : descendants, ascendants, collatéraux directs et
collatéraux indirects. Le principe général de dévolution est le suivant : la
branche la plus rapprochée, dans l’ordre que nous venons d’indiquer, exclut
les branches plus éloignées et, en cas d’existence de plusieurs cohéritiers
d’une même branche, le plus proche en degré exclut également le plus
éloigné. Cette règle générale, contenue dans l’article 610, est universellement
admise. Ibrahim Halébi s’exprime ainsi : « Les héritiers les plus proches
excluent absolument ceux d’un degré plus éloigné. » Mohamed Assem et El
Téoudi développent ainsi le principe : « Les enfants des enfants sont exclus
par le descendant le plus rapproché, le petit-fils par le fils ; l’aïeul est exclu
par l’ascendant le plus proche et celui-ci par le père ; les frères germains ou
consanguins par le père, le fils ou le petit-fils ; les oncles et les neveux par
l’aïeul ; l’oncle par le neveu ; le cousin par l’oncle. » La Cour d’Alger a
proclamé ces principes par un arrêt du 7 mai 1873 portant que « la proximité
du degré est la seule condition à considérer pour l’attribution de la
succession. »
609.
TABLEAU F.
NOTA : L’héritier écarté de la succession pour une des causes énoncées en
la section II (Code Hanafite) n’exclut aucun héritier. Mais l’héritier qui peut
être écarté par la concurrence d’un autre parent, peut, s’il est appelé à la
succession, exclure partiellement d’autres héritiers. Ainsi, les frères et sœurs
qui sont exclus par le père réduisent à leur tour au sixième le tiers qui, sans
leur concours, aurait été dévolu à la mère.
SECTION V
Du droit du patron sur la succession de l’affranchi
610. — L’affranchissement de l’esclave laisse subsister, entre
l’affranchissant et l’affranchi, un lien de droit indestructible, qui constitue le
patronage. « Le patronage, a dit Mahomet, est un morceau de chair de la
parenté. »
La loi appelle le patron et, à défaut, ses parents, à la succession de
l’affranchi, à titre d’acebs avant les parents zaouil arham du de cujus. Ce
droit héréditaire est la conséquence du pouvoir absolu qu’avait le maître sur
l’esclave, pouvoir qui a cessé par l’affranchissement, mais dont il subsiste
encore des traces entre le patron et l’affranchi, ce dernier restant, vis-à-vis de
son ancien maître, dans un état de quasi-infériorité. Et il convient d’observer
que le droit successif appartient au patron après même qu’il a renoncé à toute
tutelle.
Le droit à l’hérédité n’est point ici réciproque ; l’affranchi n’est jamais
appelé comme héritier à la succession de son patron. L’opinion contraire,
émise par MM. Sautayra et Cherbonneau, ne saurait être considérée que
comme une erreur. M. Zeys4 en trouve la cause dans la double signification
du mot arabe, qui désigne à la fois l’affranchi et l’affranchissant. L’article
584 dit d’ailleurs formellement que « l’affranchi n’hérite jamais de son
patron. » Ce dernier vient à la succession à titre d’aceb et à défaut d’héritier
plus proche (voir le tableau D).
611. — Si le patron est décédé, ses droits passent à ses descendants par les
mâles, puis à ses ascendants, à l’exclusion des héritiers acebs par un autre ou
avec un autre.
Il nous faut encore, à ce sujet, rectifier le texte des articles 641 et 645, qui
contiennent assurément une grave erreur de droit. L’article 641 place parmi
les zaouil arham de la troisième classe les descendants des frères et des sœurs
du défunt. Or, nous avons vu que les descendants du frère germain ou
consanguin (neveux et petits-neveux germains ou consanguins) font partie
des héritiers acebs par eux-mêmes de la première classe (tableau D). Les
zaouil arham ne comprennent donc que :
1° Les descendants des deux sexes de la sœur (germaine, consanguine ou
utérine) ;
2° Les descendantes du frère (germain, consanguin ou utérin) ;
3° Les descendants mâles du frère utérin.
615. — Les règles de dévolution entre parents zaouil arham sont les
suivantes :
1° La classe la plus rapprochée du de cujus exclut les plus éloignées ;
2° Dans une même classe, le parent du degré le plus proche prime celui
d’un degré plus éloigné ;
3° Dans la première classe, entre parents du même degré, celui qui est lié
au de cujus par un parent intermédiaire qui eût été héritier s’il eût existé au
décès du de cujus, prime celui qui ne remplit pas cette condition.
Si tous les parents du même degré sont unis au de cujus par un successible
intermédiaire prédécédé ou si aucun d’eux ne lui est uni de cette façon, ils
succèdent par tête et par portions égales (sauf la double attribution au profit
des mâles) pourvu que leurs ascendants appartiennent au même sexe. Si ces
ascendants étaient de sexe différent, le partage a lieu par souche, en prenant
pour base les parts qui seraient revenues aux ascendants s’ils eussent vécu.
C’est là un cas exceptionnel de représentation.
616. — 4° Dans la deuxième classe, s’il existe parmi les zaouil arham du
même degré des parents unis au de cujus par un héritier intermédiaire
prédécédé et des parents ne remplissant pas celte condition, les premiers ne
priment pas les seconds et le partage a lieu entre tous par tête. Si tous les
parents du même degré sont unis au de cujus par un successible intermédiaire
prédécédé ou si aucun d’eux ne lui est uni de cette façon, ils succèdent par
souche, en attribuant deux tiers aux héritiers qui tiennent leurs droits du père
du de cujus et un tiers à ceux qui tiennent leurs droits de la mère. Si les
parents intermédiaires avaient des droits égaux, le partage se ferait par tête.
La double attribution au profit des mâles est encore ici de rigueur.
620. — L’héritier adoptif est celui qui a été reconnu par le de cujus pour
frère ou collatéral (Voir, tome I, ce qui a trait à la reconnaissance de la
parenté collatérale). Lorsque l’auteur de la reconnaissance meurt sans
héritiers autre que son conjoint, l’individu reconnu vient comme aceb à sa
succession et devient attributaire de la totalité après prélèvement de la part
légitime du conjoint survivant. Mais il faut, pour que l’individu reconnu soit
appelé à la succession, que le de cujus n’ait pas rétracté avant sa mort la
reconnaissance précédemment faite.
622. — Enfin lorque le de cujus ne laisse aucun héritier, son patrimoine est
attribué au Beit el mal ou Trésor public comme bien en déshérence. L’État est
alors un véritable héritier universel ; c’est pourquoi la loi le range dans la
classe des acebs.
1 Traduction Kasimirski, p. 65.
2 Voir le tableau ci-contre.
3 Article 609, § 3. — Mais voyez infrà, n° 606.
4 Essai d’un traité méthodique de droit musulman, p. 93, note 1.
CHAPITRE QUATRIÈME
DE LA DÉVOLUTION SUCCESSORALE
DANS LES RITES MALÉKITE, CHAFÉITE
ET HANBALITE
627. — On voit par cette citation et par la doctrine contenue dans l’arrêt du
28 mai 1862 combien la dévolution universelle est plus simple dans les trois
rites que nous étudions que chez les Hanafites.
La mère, les ascendants, les parents par les femmes (zaouil arham), le
patron adoptif, l’héritier adoptif, ne deviennent jamais acebs.
A défaut de parents successibles, le patron est appelé à la succession de
l’affranchi. Nous avons déjà signalé l’erreur qui a fait dire à MM. Sautayra et
Cherbonneau que affranchi venait également et par voie de réciprocité à la
succession du patron, comme héritier universel. M. Zeys a signalé la cause de
cette erreur qu’il attribue à une traduction défectueuse de Sidi Khalil.
L’opinion de M. Zeys est corroborée par ce fait que si on se reporte à la
traduction de Sidi Khalil qui a servi de base au remarquable ouvrage de MM.
Sautayra et Cherbonneau, on trouve dans le texte au rang des acebs
l’affranchi ; le patron n’y figure pas. Il faut donc simplement remplacer le
mot affranchi par celui de patron.
629. — L’Iman Ebn Arafa a dressé un tableau reproduit par les auteurs qui
ont étudié les successions musulmanes, notamment par M. le président Solvet
dans sa notice, par MM. Sautayra et Cherbonneau, etc..... Nous le
reproduisons à notre tour ; pour trouver l’indication des droits revenant à
deux héritiers en concours, il faut se reporter à l’héritier du degré le plus
éloigné et descendre la colonne verticale jusqu’à la case qui correspond, sur
la ligne horizontale, à l’héritier du degré le plus proche.
Signification des lettres et chiffres se trouvant dans les cases :
t totalité.
r le reste.
C en concours.
Ch choix.
0 rien.
2 moitié.
3 le tiers.
4 le quart.
6 le sixième.
8 le huitième.
630. — Nous avons vu que s’il y a divergence entre les rites, cette
divergence ne porte que sur la dévolution universelle, non sur les héritiers
fards ou légitimaires. Les points communs à tous les rites sont les suivants :
Le parent le plus proche exclut le plus éloigné.
L’héritier puise son droit dans sa qualité seule, non dans la fiction qui le
place au rang d’un héritier plus proche par voie de représentation. Rappelons
toutefois que si les rites sont d’accord sur le principe qui repousse la
représentation, les Hanafites admettent cependant ce principe
exceptionnellement entre parents zaouil arham.
La parenté germaine prime la parenté consanguine.
La parenté descendante prime les autres.
La parenté ascendante prime la parenté collatérale.
Les mâles venant en concours avec des femmes héritières prennent double
part.
CHAPITRE CINQUIÈME
635. — Lorsque les héritiers sont majeurs et capables, ils peuvent faire
entre eux un partage amiable et conventionnel. Ce partage est assimilé à une
vente, c’est-à-dire qu’il est régi, quant à la validité, par les mêmes principes.
Mais le partage doit être fait par le magistrat lorsque les héritiers ne
parviennent pas à s’entendre à l’amiable ou lorsqu’il y a parmi eux un
incapable ou un absent. Il arrive fréquemment que les cohéritiers s’entendent
pour partager les biens héréditaires entre plusieurs groupes dont chacun
comprend un certain nombre d’ayants-droit demeurant entre eux dans
l’indivision. Ce mode d’attribution a pour but d’éviter un morcellement en
parcelles par trop minimes ; il à d’ailleurs tous les caractères et tous les effets
d’un partage quoique l’indivision continue entre les membres du même
groupe (Arrêt de la Cour d’appel mixte d’Alexandrie du 20 février 1890).
640. — Les auteurs que nous venons de citer voient encore une divergence
de doctrine dans ce passage d’Ibrahim Halébi : « Avant la remise des quote-
parts respectives, le magistrat est en droit d’exiger de chaque héritier une
caution valable pour la sûreté des portions qui pourraient appartenir à
d’autres héritiers inconnus à l’époque du partage. » Ce passage paraît se
rapporter à l’individu disparu.
Il est en effet de principe que le travail qui sert de préliminaire obligé à
tout partage est l’établissement d’un état de tous les successibles. Lorsque le
magistrat n’a pas personnellement connaissance de la généalogie qui doit
servir de base à cet état, il s’éclaire au moyen de témoignages et dresse un
acte de notoriété. S’il y a divergence entre les témoignages, que certains par
exemple affirment l’existence d’un cohéritier disparu et que d’autres la nient,
le magistrat peut, dans le doute, réserver une quotité suffisante pour faire face
aux droits de celui qui peut se représenter. Mais nous ne pensons pas que,
lorsque la généalogie du de cujus est claire et précise, on puisse imposer aux
héritiers, pour obtenir la délivrance de leurs parts, une caution dont rien ne
vient démontrer l’utilité.
SECTION II
De l’inventaire ; de la masse active et du paiement des dettes
641. — Préalablement au partage proprement dit, il faut établir les forces
de la succession et la dévolution successorale par laquelle seule on peut
connaître la nature et le nombre des héritiers.
Tout ayant-droit peut provoquer l’inventaire qui devrait être fait dès le
décès du de cujus mais qui, dans la pratique, n’est très souvent dressé que fort
longtemps après, alors qu’il devient indispensable pour établir la masse
active. L’inventaire doit comprendre autant que possible : la date du décès du
de cujus, les noms et qualités de ses héritiers, l’actif immobilier, l’actif
mobilier y compris les créances actives, enfin le passif c’est-à-dire les dettes
à la charge de la succession. On comprend que cette matière ne nécessite pas
de longs développements, tout se réduisant le plus souvent à des questions de
fait. Lorsqu’il est nécessaire de procéder à l’inventaire plusieurs années après
le décès, des difficultés peuvent naître entre les cohéritiers au sujet de la
consistance des biens ; elles sont jugées en la forme ordinaire par le magistrat
qui peut, dans tous les cas, admettre les témoignages et procéder ainsi à un
inventaire par commune renommée. Lorsque les cohéritiers sont tous présents
et capables, l’intervention du Cadi n’est pas nécessaire ; elle le devient
lorsqu’il y a des incapables soumis à sa tutelle générale parmi les ayants-
droit.
645. — Lorsque tous les héritiers sont insolvables, les tiers détenteurs
auxquels ils ont transmis les biens de l’hérédité ne peuvent être recherchés
par les créanciers. Il s’agit, bien entendu, du tiers détenteur de bonne foi, non
de celui qui a prêté la main à un acte frauduleux et qui a concouru sciemment
à un acte accompli en fraude des droits légitimes des créanciers.
646. — Sidi Khalil indique une seconde exception : lorsque parmi les
cohéritiers les uns sont devenus insolvables et que d’autres ont conservé des
biens provenant de la succession, les créanciers du de cujus peuvent
poursuivre le paiement de leurs créances sur la totalité de ces biens jusqu’à
due concurrence sans que leur droit se borne à exiger de chaque héritier une
part proportionnelle à la portion par lui recueillie. L’héritier solvable est alors
tenu de payer la dette à concurrence de tout ce qu’il a reçu et il a, pour ce qui
excède sa part, un recours contre son cohéritier insolvable. Cette doctrine
nous semble contestable et n’est d’ailleurs acceptée par les jurisconsultes
qu’avec de grandes hésitations. Elle est la négation du principe plus haut posé
qui est la règle des successions, et suppose une sorte de droit de suite au
profit de créanciers chirographaires sur les biens que possédait le de cujus.
649. — Nous avons dit qu’il faut, avant de procéder à l’attribution entre les
héritiers, acquitter les legs. Cela donne lieu à certaines difficultés de calcul,
par exemple, lorsque le de cujus a fait plusieurs legs d’une quotité déterminée
de ses biens, ainsi lorsqu’il a légué 1/8 à l’un, 1/5 à un autre, 1/24 à un
troisième. Les jurisconsultes ont indiqué pour ce cas la règle suivante :
« Lorsque le testateur a légué une fraction simple, par exemple un quart, ou
une fraction composée telle que un onzième, on prend pour base l’unité
indiquée par la fraction du legs, puis on cherche si la répartition du reste peut
s’opérer entre les héritiers ; sinon on réduit à la plus simple expression ce
restant, ainsi que le nombre des héritiers, puis on multiplie ce nombre par
l’unité indiquée dans la fraction du legs. » M. Perron, dans sa traduction de
Sidi Khalil, fait l’application de cette règle. « Supposons, dit-il, que le
testateur ait laissé un légataire du tiers et quatre fils. Vous prendrez pour base
3×2 (2 moitié de 4) et vous aurez : 2/6 pour le légataire et 1/6 pour chaque
fils, soit 4/6, en tout 6/6. Si les chiffres ne sont pas en rapport, multipliez par
le nombre entier. Ainsi : que le testateur ait légué 1/3 et laissé trois enfants ;
vous aurez pour le légataire 3/9, reste 6/9 à partager en trois, soit pour chaque
enfant 2/9. Si un individu lègue 1/6 et 1/7, il faudra multiplier 6 par 7 et vous
donnerez au premier légataire 7/42, au second 6/42, ensemble 13/42. Il reste
donc à partager le surplus, soit 29/42.
661. — Il peut y avoir lieu à rescision d’un premier partage lorsque l’un
des cohéritiers est évincé en partie des biens qui lui ont été attribués.
L’Hédaya s’exprime ainsi à ce sujet : « Si, par l’effet du partage, un cohéritier
a eu dans son lot une maison et qu’un tiers en réclame et en obtienne une
part, la moitié par exemple, le partage sera fait à nouveau. »
Les jurisconsultes admettent que lorsque l’éviction ne dépasse pas le quart
de la valeur attribuée à l’héritier, celui-ci ne peut demander un nouveau
partage et doit se borner à réclamer à chacun de ses cohéritiers la valeur dont
il a été privé, au prorata des droits de chacun d’eux. Si l’éviction porte sur
une valeur supérieure à un quart mais inférieure à la moitié, l’évincé a le droit
de choisir entre l’action en rescision et l’action en indemnité ; enfin si
l’éviction atteint ou dépasse la moitié, les premières opérations doivent être
annulées et on procède à un nouveau partage. C’est ce qu’a décidé la Cour
d’Alger par arrêt du 7 décembre 1864. Les mêmes règles sont généralement
suivies lorque la chose tombée dans le lot d’un copartageant est atteinte d’un
vice rédhibitoire.
665. — Quel que soit le motif sur lequel se base un copartageant pour
demander l’annulation ou la rescision du partage, il doit l’exercer dans un
bref délai ; il ne serait plus recevable s’il laissait s’écouler plusieurs années
pour agir ; cette doctrine professée par le cheik Brahim, Ebnou Sahel, etc..., a
été adoptée par la Cour d’Alger qui, par un arrêt du 10 novembre 1877, a
déclaré l’action en rescision pour cause de lésion prescriptible par un an.
681. — Enfin la chose donnée doit être connue et déterminée. Ainsi serait
nulle la donation faite en ces termes : « Je vous donne une de mes maisons,
un de mes chevaux. » Mais si le donateur s’exprimait ainsi : « Je vous donne
telle de mes maisons, celui de mes chevaux que vous désignerez, » la
donation serait valable pourvu que le donataire acceptât et désignât sur-le-
champ la chose par lui choisie : « La désignation que le donataire ferait de la
chose après la séparation des parties serait de nul effet » (Répertoire, v°
Donation (majallé), art. 858)2.
682. — On ne peut donner les choses illicites dont la possession est
défendue, telles que des boissons fermentées, du porc. Mais on peut donner
des choses dont la vente est interdite, par exemple un chien. Bokari rapporte
en effet un hadits du Prophète défendant de recevoir le prix d’un chien,
quoique la possession de cet animal soit parfaitement licite, et les
commentateurs enseignent que, si la vente en est interdite, la donation à titre
gratuit en est cependant valable.
Certains objets ne peuvent être vendus ou donnés par un musulman à un
non-musulman, notamment un exemplaire du Koran ; d’autres ne peuvent
être transmis lorsqu’ils sont manifestement destinés à être transformés en
choses dont la détention est illicite ; ainsi on ne pourrait donner du raisin pour
en faire du vin, du bois pour en faire une croix, etc...
697. — Une donation pourrait être établie par témoins dignes de foi,
conformément aux règles générales du droit commun. Mais la preuve ne
serait admissible que si le prétendu donataire était en possession ou du moins
s’il établissait en même temps avoir eu la possession utile, s’il prouvait la
tradition qui, chez les Hanafites, est constitutive du droit.
En Algérie, la donation est prouvée le plus souvent par les témoignages. Le
Cadi dresse un acte de notoriété constatant le consentement donné parle
donateur, l’acceptation du donataire et, si la tradition a eu lieu, la prise de
possession. Mais la Cour d’Alger se montre en cette matière d’une sage
sévérité ; si elle n’exclut pas la preuve testimoniale, elle exige du moins que
cette preuve ne laisse aucune espèce de doute et cela se comprend, alors qu’il
s’agit d’une libéralité, surtout d’une libéralité non sujette à rapport et qui peut
porter une grave atteinte aux règles de la dévolution successorale musulmane.
SECTION VII
De la donation aumônière
698. — La donation aumônière est non seulement celle qui est faite au
profit d’un pauvre mais encore celle qui est faite à un établissement pieux ou
même à une personne non indigente mais dans un but charitable et en vue
d’une récompense dans la vie future. L’envoi et la réception de la chose
donnée constituent ici le consentement, l’acceptation et la tradition. La chose
devient dès lors la propriété du donataire et ne peut plus lui être enlevée par
l’exercice de l’action révocatoire : une telle donation est définitive et
irrévocable, fût-elle faite à une personne riche.
699. — Nous avons dit que la donation à titre gratuit faite sous condition
ou à terme est nulle, puisque le donateur ne se dessaisit pas de la propriété ou
du moins de la possession au moment de l’acte. En est-il de même en matière
de donation aumônière ? Lorsqu’un individu promet de donner telle chose s’il
échappe à tel péril, si tel événement arrive ou n’arrive pas, cette promesse de
donner, qui constitue un vœu, est-elle valable ? La question ne saurait, à notre
avis, se poser chez les Hanafites qui exigent la tradition, même en matière de
donation aumônière pour que la libéralité ait un caractère légal et obligatoire.
Chez les Malékites et les Chaféites la question est controversée. Lorsqu’un
individu a fait serment de consacrer telle ou telle somme à une œuvre pie, de
donner une chose déterminée pour l’accomplissement de bonnes œuvres mais
sans spécifier la personnalité du donataire, par exemple s’il a promis de
donner aux pauvres, il ne peut être contraint à tenir son serment parce que le
donataire n’est pas déterminé et que par conséquent l’action qui tendrait à
l’exécution de la donation n’appartient en réalité à personne. M. Zeys pense,
toutefois, que la donation aumônière faite en faveur « des pauvres » est
valable, que la chose donnée doit en ce cas être remise à l’autorité publique
qui la convertit en argent si elle ne consiste pas en numéraire, et en fait la
distribution aux nécessiteux.
Si le vœu a été fait au profit d’un pauvre déterminé, d’une mosquée
clairement désignée et qu’il y ait acceptation, certains jurisconsultes
reconnaissent au donataire une action utile en délivrance de la chose donnée ;
d’autres, au contraire, ne voient dans une telle promesse, même faite sous
serment, qu’une obligation purement morale et religieuse ne donnant lieu à
aucune sanction juridique.
SECTION VIII
De la donation à titre onéreux
700. — La donation à titre onéreux est un contrat commutatif par lequel le
donateur transmet à un tiers la propriété d’une chose déterminée, sous la
condition de recevoir à titre compensatoire une autre chose ou un avantage
également définis. On voit donc qu’il ne s’agit plus ici d’un contrat de pure
bienfaisance mais d’un véritable échange dans lequel il y a toujours
obligation de la part des deux parties contractantes, l’importance des
obligations pouvant d’ailleurs être disproportionnée.
701. — La donation n’est parfaite que par la tradition réciproque qui seule
transfère à chacun des contractants la propriété respective des choses
échangées. Les principes de la vente et de l’échange sont applicables en cette
matière, notamment en ce qui concerne la garantie des vices cachés ou
rédhibitoires.
De ce que le contrat que nous examinons est commutatif, il résulte qu’il ne
peut, une fois réalisé par le concours des volontés suivi de tradition, être
résolu par la volonté d’une seule des parties ; l’action révocatoire n’est donc
pas ouverte à l’une ou l’autre d’entre elles ; le contrat peut seulement être
résolu comme toutes les conventions lorsque l’un des contractants vient à
manquer à ses obligations, ou lorsqu’une des parties se trouve évincée de la
chose par elle acceptée en compensation.
DES TESTAMENTS
714. — L’enfant conçu peut recevoir par testament pourvu qu’il naisse
vivant avant l’expiration de six mois, si le mari de la femme enceinte est
vivant, ou avant l’expiration de deux ans à compter du jour du décès du mari
ou de la répudiation, si le mariage est dissous par la mort ou par une
répudiation irrévocable, parfaite ou imparfaite, prononcée au moment de la
confection du testament.
Si la mère met au monde deux jumeaux vivants, ils se partagent le legs par
moitié, sans qu’il y ait lieu de tenir compte de la différence de sexe.
715. — L’article 539 édicte une incapacité à l’encontre de celui qui a été
l’auteur direct du meurtre du testateur, avant ou après la confection du
testament, que la mort ait été donnée volontairement ou soit la suite d’un
accident. Il faut rapprocher cette disposition de l’article 586, relatif aux cas
d’indignité, qui font écarter l’héritier de la succession. Nous renvoyons aux
développements que nous avons donnés à ce sujet sous les nos 573 et
suivants. Il faut remarquer cependant que le légataire n’est pas déclaré
indigne de plein droit et par le seul fait de l’acte par lui commis ; il n’est
déchu de ses droits qu’à la demande des héritiers qui peuvent, dit le texte,
couvrir la nullité par leur consentement.
L’article 539 nous offre plusieurs dispositions qui doivent certainement
être respectées puisqu’elles sont écrites dans la loi, mais qui n’en sont pas
moins bizarres et inexplicables. Si on suit le texte à la lettre, on arrive à cette
conséquence que celui qui, par imprudence, a causé directement la mort du
testateur, est déchu du legs fait à son profit, tandis que celui qui est la cause
volontaire mais indirecte de la mort, par exemple celui qui, en temps de
guerre, a livré le testateur à l’ennemi, ne perd pas le bénéfice de la
disposition.
Mais là où le texte nous offre une disposition tellement extraordinaire qu’il
en devient incompréhensible, c’est lorsqu’il édicte que l’auteur direct du
meurtre encourt la déchéance du legs fait à son profit « à moins que l’auteur
du crime ne soit héritier unique du testateur. » Pour être héritier et héritier
unique le légataire doit être universel, ce qui le met au rang d’aceb. Or nous
avons vu que l’auteur du meurtre du de cujus encourt de plano une déchéance
comme indigne et ne peut être appelé à la succession ; on ne comprend
nullement d’ailleurs comment le meurtrier, le criminel, puisque la loi emploie
cette expression, pourrait être relevé de son indignité par cette circonstance
qu’il serait seul héritier du testateur, c’est-à-dire qu’il aurait eu à sa mort un
intérêt d’autant plus grand. Nous ne pouvons attribuer qu’à un vice de
rédaction, à une erreur de texte, une disposition aussi extraordinaire.
718. — Le conjoint qui n’a pas d’autre héritier que son conjoint peut tester
au profit de celui-ci ; il n’y a alors préjudice pour aucune des personnes
auxquelles la loi a voulu assurer une partie de la succession. Mais s’il existe
un seul héritier, le legs est caduc à moins que l’intéressé ne le confirme et ne
consente à le regarder comme valable.
SECTION III
Des biens susceptibles d’être légués et de la quotité disponible
719. — On peut disposer par testament de tous biens meubles et
immeubles susceptibles de propriété privée. Le testateur peut disjoindre
l’usufruit de la nue-propriété et léguer la jouissance à une personne, la nue-
propriété à une autre. Nous étudierons plus loin les règles spéciales au legs
d’usufruit.
Les choses illicites ne peuvent faire l’objet d’un legs, pas plus qu’elles ne
peuvent être données entre-vifs ; les règles que nous avons exposées en
matière de donation sont applicables aux dispositions testamentaires. La
condition illicite mise à une institution testamentaire, par exemple la
stipulation qui aurait pour objet d’imposer au légataire une action défendue
ou criminelle, entraînerait-elle la nullité du legs ? MM. Sautayra et
Cherbonneau, se basant sur un passage de Sidi Kkalil, enseignent
l’affirmative. Quant à nous, la loi ne contenant aucune disposition formelle à
ce sujet, nous pensons que le legs serait valable mais que la condition illicite
devrait être réputée non écrite. Cette solution nous paraît plus conforme à
l’esprit de la législation Hanafite.
721. — Le légataire doit prendre les biens dans l’état où ils se trouvent au
décès, c’est-à-dire au moment où son droit à la tradition prend réellement
naissance ; il profite donc des améliorations survenues depuis la confection
du testament, de même qu’il supporte la moins-value. Si la chose a péri entre
les mains du testateur, même par sa faute, le légataire n’a droit à aucune
compensation ; il en est de même si la chose a péri par cas fortuit, en mains
des héritiers, après la délivrance ; mais si la perte ou même la détérioration
avaient pour cause l’usage qu’en auraient fait les héritiers, ceux-ci en seraient
responsables, n’ayant pas le droit de se servir d’une chose qui n’est point
passée dans leur patrimoine.
Si l’accession a augmenté la valeur du bien dans une mesure telle qu’il
devienne évident que le testateur n’a pas eu l’intention d’en faire bénéficier le
légataire, l’accroissement reste la propriété de l’hérédité et il y a alors
indivision entre les héritiers et le légataire. Ainsi lorsqu’après avoir légué un
terrain nu, le testateur y élève des constructions importantes, ces dernières ne
sont pas réputées l’accessoire du sol ; elles deviennent la propriété des
héritiers. Le légataire peut seulement demander la vente de la chose non
susceptible de partage en nature et la valeur du sol déterminée par voie de
ventilation lui est attribuée.
Certains docteurs pensent que lorsque le testateur a légué une maison et
qu’il la fait ensuite démolir, le legs deviént absolument caduc ; d’autres
estiment que le légataire a droit au terrain sur lequel elle était édifiée ou qui
en dépendait.
722. — Nous avons vu que tout propriétaire ayant capacité peut disposer
de la totalité de ses biens par donation entre-vifs et que cette donation n’est
pas, en droit musulman, sujette à rapport. Le droit de libre disposition par
voie testamentaire est également illimité chez les Hanafites lorsque le
testateur décède sans héritiers. L’article 534 est ainsi conçu : « Toute
personne non grevée de dettes absorbant ses biens, et qui n’a point d’héritier,
peut disposer par testament de tout ou de partie de ses biens en faveur de
toute personne. Le testament est exécutoire indépendamment du
consentement du fisc. » Il va sans dire que cet article doit être concilié avec
les dispositions légales qui réglementent la capacité de disposer et celle de
recevoir par testament.
Les Malékites et les Chaféites n’admettent pas ce droit de libre disposition
s’étendant à la totalité du patrimoine. Les dispositions testamentaires doivent
toujours, dans ces rites, être réduites au tiers des biens, lors même qu’à défaut
d’héritier le surplus en serait dévolu au Beit el mal.
724. — Pour apprécier si le testateur n’a pas dépassé dans ses dispositions
la quotité disponible, on fait masse de l’actif existant au jour du décès, on en
déduit les dettes, et le solde constitue l’avoir héréditaire sur lequel doit se
calculer le tiers susceptible d’être légué. Si les legs atteignent ce tiers sans le
dépasser, ils sont dévolus au légataire, s’ils sont inférieurs, le surplus reste à
l’hérédité, enfin s’ils sont supérieurs il y a lieu à réduction. Cette réduction
peut, dans certaines circonstances, donner lieu à des difficultés ; aussi la loi a-
t-elle pris soin de déterminer à ce sujet quelques règles que nous allons
examiner.
726. — Certains legs doivent être acquittés par préférence aux autres et
sans subir de réduction, en tant toutefois qu’ils n’excèdent pas la quotité
disponible. Ce sont les dispositions ayant un caractère religieux ou de
bienfaisance. L’Hédaya veut qu’ils soient acquittés dans l’ordre suivant : 1°
le legs pour la purification, 2° pour la prière, 3° pour les aumônes, 4° pour le
jeûne, 5° pour le pèlerinage. Viennent ensuite, d’après Sidi Khalil, les œuvres
pies : 1° le rachat des prisonniers, 2° l’affranchissement d’un esclave, 3° le
paiement de la dot encore due par le testateur, 4° le paiement des impôts, 5°
le rachat d’une assimilation injurieuse et d’un crime, 6° l’expiation due au
sujet d’un serment, 7° celle due pour infraction au jeûne du Ramadam, 8°
pour l’omission d’un vœu, etc...
Il faut remarquer que dans les divers cas cités par Sidi Khalil, il s’agit
moins d’un legs proprement dit, c’est-à-dire d’une libéralité, que de
l’accomplissement d’une obligation soit religieuse, soit même civile, c’est-à-
dire du paiement d’une véritable dette. On comprend donc que les legs faits
pour l’acquit de telles obligations soient regardés comme des charges qu’il
convient d’acquitter avant les legs proprement dits.
727. — Il arrive parfois que le testateur lègue à un proche ou à un étranger
la part d’un fils, le met à la place d’un fils. Lorsqu’il y a plusieurs fils et que
la part du légataire se trouve, par cela même, ne pas excéder le tiers, il n’y a
aucune difficulté ; si, au contraire, il n’y a qu’un fils et que celui-ci ne ratifie
pas les dispositions testamentaires, le legs est réductible au tiers qu’il ne peut
jamais excéder.
734. — Sidi Khalil trace, quant aux conditions de validité du testament fait
par écrit, certaines règles que nous croyons devoir reproduire : « Lorsqu’il est
reconnu qu’un testament a été écrit par le testateur ou lu par lui en présence
de témoins, mais qu’il n’est revêtu que de sa signature, ou que cette formule :
« exécutez mon testament » fait défaut, cet acte est annulé.
« Les préceptes religieux veulent que la profession de foi Islamique soit
mise en tête du testament.
Quoique le testateur n’ait pas donné lecture de ses dispositions et que le
testament n’ait pas même été ouvert, les témoins peuvent valablement
affirmer, par signatures, le contenu de cet acte, lequel est exécutoire quand
même il serait resté en la possession du testateur jusqu’au moment de sa
mort.
Lorsque sur la demande et les déclarations du testateur, les témoins ont
validé un testament contenant entre autres dispositions : « ce qui restera du
tiers disponible sera pour les pauvres, » il y aura partage entre les pauvres et
la personne désignée.
On ajoute foi aux déclarations suivantes : « J’ai écrit mon testament et je
l’ai confié à un tel en qui je vous prie d’avoir confiance ; j’ai légué le tiers de
mes biens à un tel, croyez-le, » lorsque le testateur n’a pas ajouté : « à mon
fils. »
Les prescriptions qui précèdent n’ont pas toutes été acceptées par les
jurisconsultes, surtout celle qui déclare nul le testament signé en présence de
témoins par le testateur mais ne portant pas la signature de ces témoins. Cela
équivaudrait à exclure, en cette matière, la preuve testimoniale, chose
repoussée par le Koran lui-même, Sourate V, versets 105, 106 et 107. On ne
saurait non plus annuler un testament parfaitement explicite par cela seul
qu’il ne contiendrait pas une injonction formelle de l’exécuter. On rentrerait
ainsi dans le système des formules, on reconnaîtrait que le testament doit
contenir à peine de nullité telle ou telle expression sacramentelle, ce qui est
contraire au vœu de la loi et ce qui excluerait notamment le testament fait par
signes dont tous les docteurs reconnaissent la validité, même lorsqu’il émane
d’un individu qui n’est pas privé de la parole. L’acte est donc valable dès que
le testateur a manifesté sa formelle volonté de léguer telle chose ou telle
quotité de ses biens et les héritiers sont tenus de l’exécuter, en dehors de toute
injonction formelle émanant du de cujus.
737. — Le legs n’est parfait que par l’acceptation qu’en fait le légataire
après le décès du testateur ; nous disons l’acceptation et non la tradition parce
que la propriété est transférée de par le concours des deux volontés,
indépendamment de toute prise de possession. L’acceptation ne pourrait être
faite avant le décès du de cujus, le testateur ayant toujours la faculté
d’annuler le legs et celui-ci ne devenant disponible que par le fait du décès
lui-même.
Tant que le légataire n’a pas fait connaître son acceptation ou sa
répudiation, la chose léguée, dit l’article 543, reste en suspens, n’appartenant
ni aux héritiers ni au légataire. Ces expressions ne sont pas exactes, car il
faudrait en conclure juridiquement que la chose léguée serait alors res nullius.
Il n’en est évidemment pas ainsi ; le légataire a un droit subordonné à sa
volonté ou plutôt à la manifestation de sa volonté, et cela est si vrai qu’après
cette manifestation les héritiers sont obligés de livrer non seulement la chose
mais encore les fruits par elle produits depuis le décès du testateur.
DU WAKF OU HABOUS
CHAPITRE PREMIER
740. — Le wakf ou habous est l’immobilisation de l’usufruit d’un bien
pour une durée égale à celle de la chose elle-même, faite au profit de
personnes déterminées et ayant pour dernier dévolutaire une œuvre religieuse
ou pieuse.
741. — Le wakf était inconnu avant Mahomet qui paraît l’avoir institué
dans les circonstances suivantes rapportées par El Bokhari : Amar ben El
Khattab, propriétaire d’une terre connue sous le nom de Tamgh, située à
Kaïbar, ayant demandé au Prophète de quelle façon il devait disposer de ce
bien pour être agréable à Dieu, Mahomet répondit : « Immobilises-en les
revenus et distribue-les aux pauvres. » Telle est, d’après les docteurs
Musulmans, l’origine de l’institution qui ne se trouve pas réglementée dans le
Livre sacré. Le principe à peine indiqué par le Prophète fut très diversement
appliqué par les Imans et les docteurs, les uns y puisant un moyen de déroger
à l’ordre légal des successions, reléguant au second rang le but pieux de
l’institution, les autres cherchant à concilier le principe d’immobilisation avec
les préceptes édictés par le Koran au point de vue de la dévolution
successorale, et allant même, comme Chouraïh, jusqu’à déclarer « qu’il ne
peut y avoir de wakf en contravention à la loi successorale établie par Dieu. »
Nulle matière ne prêtait davantage à interprétation que celle du wakf ; le
principe primordial une fois admis, il fallait établir toute une réglementation
et suppléer au silence absolu de la loi sur ce point. Aussi chaque rite a-t-il
posé en cette matière des règles différentes, souvent inconciliables, et trouve-
t-on de nombreuses divergences doctrinales entre les jurisconsultes d’un
même rite. Les docteurs ne se trouvant plus liés par la lettre du Koran, n’étant
plus en présence de prescriptions auxquelles l’orthodoxie défend de déroger,
ont plutôt légiféré qu’ils n’ont cherché à expliquer. Il en résulte que chaque
pays musulman a adopté des règles particulières et qu’ici l’acte du souverain
est tout puissant puisque, quel qu’il soit et encore qu’il porte atteinte à la
tradition, il ne se heurte pas contre un texte sacré non susceptible de
modification.
S’inspirant de cet état de choses, la jurisprudence algérienne s’est toujours
montrée très large en ces matières, laissant aux constituants des wakfs une
liberté illimitée dans le choix des rites auxquels ils entendent se soumettre. La
presque totalité des musulmans algériens suit le rite de l’Imam Malek ; mais
lorsqu’il s’agit d’établir un wakf, beaucoup déclarent adopter pour la
circonstance le rite Hanafite qui offre au constituant de nombreux avantages,
notamment celui de se désigner, s’il le désire, comme premier dévolutaire. La
Cour d’Alger a toujours reconnu la validité d’un wakf constitué par un
Malékite, même devant un Cadi de son rite, avec déclaration qu’il adoptait la
réglementation établie par le grand Imam Abou Hanifa. Elle a même jugé que
« lorsque dans une contrée, il existe, indépendamment de la loi musulmane
primitive, des coutumes locales acceptées comme ayant force de loi, les actes
de habous (wakfs) rédigés selon ces coutumes sont valables. » Mais il n’est
pas permis au constituant de recourir à deux rites à la fois, de choisir dans
l’un les dispositions qui lui plaisent et d’éliminer les autres en les remplaçant
par les règles d’un autre rite. « Le wakf constitué tout à la fois selon les
principes du rite Hanafite et du rite Malékite est nul parce que ces deux rites
sont inconciliables » (Arrêt de la Cour d’Alger du 31 mai 1864).
742. — Il n’entre pas dans le cadre de cet ouvrage qui doit se borner à
l’étude du statut personnel musulman, d’entreprendre un exposé et un
commentaire des règles particulières sur la matière à chaque pays de l’Islam,
règles susceptibles de continuelles modifications et qui ressortissent bien
plutôt du statut réel que du statut personnel. Nous nous contenterons
d’exposer les principes qui régissent chaque rite, en faisant ressortir autant
que possible les divergences qui existent entre eux et en suivant pour le wakf
la méthode déjà adoptée pour les matières que nous avons traitées jusqu’ici.
Nous avons cru cependant devoir donner, à la fin de notre second volume et
comme complément au texte Hanafite, les divers documents législatifs qui
régissent les wakfs en Égypte. MM. Benoit Adda et Elias D. Ghalioungui ont
publié sur cette matière un traité spécial1 contenant la traduction de la
doctrine Hanafite puisée dans les ouvrages des jurisconsultes musulmans les
plus autorisés ; nous y renvoyons le lecteur qui trouvera certainement dans ce
consciencieux travail les questions spéciales que nous ne pouvons développer
dans notre ouvrage.
746. — Dans le rite Malékite, les opinions sont également très partagées
quant à l’immobilisation des objets mobiliers. D’après M. Perron, une telle
constitution est bien conforme aux principes du rite ; et, en effet, si on a
recours à Sidi Khalil dont la doctrine fait autorité dans les pays malékites, on
trouve chez ce jurisconsulte la question ainsi résolue : « Est licite le habous
de la chose qu’on possède en pleine propriété. » Et loin de restreindre ce
principe après l’avoir émis, Sidi Khalil ajoute : « On peut constituer habous
même un prix de location, un animal, un esclave. » Peut-on constituer habous
des denrées alimentaires ? « Il y a divergence. »
La jurisprudence algérienne n’a pas admis le wakf des biens meubles d’une
façon aussi générale. On peut même dire qu’elle n’en reconnaît la validité
que lorsque la chose immobilisée est destinée à être vendue et que le prix doit
servir à une acquisition d’immeuble (Cour d’Alger, arrêt du 4 mai 1868), ou
lorsque les biens habousés, meubles par leur nature, rentrent dans la classe
des immeubles par destination (Arrêts des 2 juin 1862 et 1er décembre 1863),
soit qu’ils se trouvent incorporés à un immeuble, soit qu’ils soient affectés à
son usage comme le sont les animaux de travail et les instruments agricoles
sur une propriété rurale.
En dehors de ces cas d’exception, la jurisprudence des Cadis et de la Cour
d’Alger refuse de considérer comme valable le habous mobilier et se fonde
sur ce que la constitution d’un wakf, démembrant l’usufruit de la nue-
propriété réservée à un dernier dévolutaire (Établissement religieux ou œuvre
pie), on ne trouve pas ce caractère essentiel à l’acte dans l’immobilisation
d’une chose mobilière destinée à périr par l’usage ou dans un temps
relativement court (Midjelès de Dellys, décision de juin 1862. — Arrêts de la
Cour d’Alger des 2 juin 1863 et 27 novembre 1867).
755. — Tout wakf constitué pendant la dernière maladie est assimilé aux
dispositions testamentaires et, partant, exécutoire sur le tiers du patrimoine
(texte, art. 561). Tous les auteurs sont d’accord à ce sujet et ne font
qu’appliquer au wakf établi dans ces conditions les règles qui régissent les
testaments, notamment en ce qui concerne la quotité disponible, l’interdiction
d’instituer légataire un héritier, etc... Nous ne pouvons que renvoyer sur ce
point au chapitre dans lequel nous avons traité des dispositions
testamentaires.
Ces principes sont admis par les Malékites ; plusieurs arrêts de la Cour
d’Alger, en date des 25 janvier 1870, 15 avril et 27 mai 1872, ont prononcé la
nullité du habous constitué par un malade au profit de ses héritiers.
760. — Une des questions qui divisent le plus profondément les docteurs
des différents rites est celle de savoir si le constituant peut se désigner lui-
même comme premier dévolutaire.
Les Malékites exigent qu’il y ait dessaisissement immédiat de la chose au
profit d’un tiers et considèrent comme absolument nul le wakf dont le
constituant s’est réservé la jouissance. Les auteurs et la jurisprudence sont
unanimes sur ce point ; la Cour d’Alger notamment a jugé, par arrêt du 25
mai 1880, que « le constituant d’un habous ne peut se réserver pour lui-même
la jouissance d’un bien habousé, s’il ne déclare pas dans l’acte de constitution
qu’il entend se conformer au rite de l’Imam Habou Hanifa..... Le rite
Malékite ne permet pas cette réserve et le défaut de cette déclaration dans
l’acte de habous, de la part du constituant, suffit à entraîner la nullité du
habous » (Sic, Jugement du tribunal de Constantine du 3 mai 1884).
762. — Les rites sont également très divisés sur la question de savoir si le
constituant peut exclure ses enfants, garçons ou filles, ou tels d’entre eux, de
la dévolution. Les divergences qui existent sur ce point dérivent évidemment
du défaut de toute réglementation légale, des controverses qui ont toujours
existé entre les docteurs Musulmans sur le mode de fonctionnement et même
sur le caractère de l’institution. La plupart des jurisconsultes Malékites ont
cherché à concilier les règles du wakf avec les droits des héritiers formulés
par le Koran, tout en reconnaissant que la dévolution des biens immobilisés
est indépendante des règles applicables en matière de successions. Cette
préoccupation, qu’on retrouve d’ailleurs chez quelques docteurs Hanafites, a
donné lieu chez les Malékites à une jurisprudence peu homogène, de laquelle
il est assez difficile de déduire des règles de droit, dépourvue de ce caractère
de fixité et de précision qui seul permet de formuler une doctrine.
Il n’est pas sans intérêt toutefois de passer en revue les différents systèmes
entre lesquels cette jurisprudence paraît fluctuer.
Les premiers arrêts rendus par la Cour d’Alger sur la matière ont décidé
« que la distribution des biens, telle qu’elle est réglée par le Koran, attribue
aux enfants du sexe féminin une quote-part d’hérédité dont ils ne sauraient
être dépouillés au profit des descendants mâles, sans que la volonté du
législateur fût méconnue ; qu’en conséquence, une constitution de habous qui
aboutirait à ce résultat serait entachée de nullité radicale comme faite au
mépris des commandements du Prophète » (Arrêt du 30 décembre
1864. — Sic, Arrêt du 23 novembre 1868).
La même doctrine a été appliquée dans des espèces où le habous avait été
constitué au profit des filles, à l’exclusion des garçons. Un arrêt du 20 mars
1865 dispose « qu’en vertu du verset 12, chapitre IV du Koran, le fils a droit
à une part déterminée dans la succession paternelle2, et ne peut en être exclu
ni directement ni indirectement ; que l’acte de habous dressé par le père au
profit de sa fille et à l’exclusion de son fils, contrairement à ces dispositions,
doit être considéré comme n’étant en réalité qu’une donation déguisée ayant
pour objet de contrevenir aux disposition de la loi musulmane ; que dès lors il
doit être annulé » ( Sic, Arrêts de la Cour d’Alger du 1er avril 1865 et du 13
mars 1866.)
La Cour déclare donc la constitution elle-même vicieuse et nulle lorsque le
wakf a été constitué au profit de quelques-uns des enfants du constituant, quel
que soit leur sexe, au préjudice des autres. Cette opinion semble justifiée par
un passage de Sidi Khalil, aux termes duquel « la constitution d’un habous en
faveur des fils, à l’exclusion des filles, est illicite. » La Cour a déduit du
caractère illicite de la constitution son absolue nullité et, recherchant les
motifs qui ont déterminé Sidi Khalil à formuler ainsi qu’il l’a fait sa doctrine,
motifs qui résident certainement dans le respect de la dévolution successorale
korannique, elle a prononcé la nullité, aussi bien dans le cas d’exclusion d’un
fils que dans celui d’exclusion d’une fille.
La jurisprudence paraissait bien fixée par les décisions que nous venons de
rapporter, lorsqu’un arrêt de la Cour d’Alger, du 4 février 1876, et, sur
pourvoi, un arrêt de la Cour de cassation du 16 janvier 1877 ont proclamé une
doctrine contraire. La Cour d’Alger a jugé que « si d’après la doctrine
Malékite l’exclusion des femmes dans une constitution de habous est un acte
blâmable, et même une cause d’invalidation, cependant la nullité n’est
prononcée ni par les principes du droit musulman ni par aucun texte de loi. »
Et la Cour de cassation, acceptant cette théorie, a émis ce principe dont on
remarquera l’absolue généralité qu’ « en Algérie, la constitution de habous
modifiant l’ordre légal des successions, peut être faite avec exclusion des
filles. » C’est, on le voit, appliquer au rite Malékite la doctrine Hanafite,
contrairement à toute la jurisprudence algérienne qui, si elle permet au
musulman Malékite de constituer wakf d’après les règles Hanafites, déclare
nulle toute constitution ainsi faite lorsque le constituant n’a pas formellement
déclaré qu’il se soumettait pour la circonstance au rite dAbou Hanifa. La
doctrine admise par la Cour de cassation en opposition avec celle de Sidi
Khalil et des docteurs Malékites nous paraît fort contestable au point de vue
du droit musulman. Sans doute, il n’y a, en matière de wakf, aucun texte de
loi, c’est-à-dire aucune disposition du Koran, réglementant la constitution, la
dévolution, les effets de l’immobilisation, et on ne saurait dire en aucun cas
que la loi ait été violée. S’ensuit-il que le constituant soit affranchi de toute
règle, qu’il puisse réglementer à son gré et suivant son bon plaisir une
matière aussi importante, qu’il ait le droit, en s’appuyant sur l’opinion isolée
d’un jurisconsulte, de modifier les principes admis par la tradition ?
Evidemment non, et ce serait jeter encore une plus grande confusion dans une
matière qui, pour les causes que nous avons exposées, est déjà un véritable
labyrinthe. Il faut donc absolument se rapporter aux préceptes tracés parla
majorité des docteurs du rite auquel appartient lé constituantou sous lequel il
déclare se placer, conformément aux principes du droit musulman qui veulent
qu’en cas de divergences doctrinales l’opinion de la majorité des
jurisconsultes serve de règle.
La Cour avait fait pressentir ce changement de jurisprudence par un arrêt
du 29 juillet 1869 dans lequel elle proclame avec raison que « la constitution
de habous sous le rite Hanafite modifiant l’ordre normal des successions,
peut être faite avec réserve d’usufruit en faveur du constituant,
immobilisation d’objets mobiliers et exclusion des filles ou femmes, » mais
dans lequel elle ajoute : « il en est de même sous le rite Malékite alors que de
telles constitutions sont autorisées par les coutumes locales qui ont force de
loi. » La Cour de cassation a sanctionné ces principes par arrêt du 25 mars
1873. Ces décisions qui font pressentir une doctrine contraire à toute la
jurisprudence antérieure de la Cour d’Alger, semblent s’être produites dans
un cas tout exceptionnel où les principes généraux du rite Malékite se
seraient trouvés modifiés par un usage contraire constant et immémorial. Si
on peut, à la rigueur, accepter cette doctrine, il n’en est pas de même de celle
beaucoup trop générale contenue dans les arrêts précités des 4 février 1876 et
16 janvier 1877. Les termes de la première de ces décisions sont à retenir ; la
Cour constate que dans le rite Malékite l’exclusion des femmes est une chose
blâmable (Sidi Khalil dit illicite), qu’elle peut entraîner l’invalidation du
wakf, et on est en droit de s’étonner qu’après une proclamation aussi formelle
des vrais principes, l’arrêt, au lieu d’annuler la constitution, l’ait déclarée
valable.
Enfin, la Cour d’Alger paraît être revenue sinon à sa première
jurisprudence, du moins à une doctrine intermédiaire par un arrêt du 25 mai
1880 aux termes duquel « il est interdit au constituant d’un habous d’exclure
ses filles du premier degré ou partie d’entre elles ; et si semblable exclusion
avait lieu, les tribunaux auraient le droit, nonobstant cette exclusion,
d’admettre les filles exclues au bénéfice du habous. » Cette doctrine
proclame formellement une interdiction, mais elle diffère essentiellement de
celle que la Cour avait adoptée en premier lieu et par un nombre considérable
de décisions, aux termes de laquelle l’exclusion des filles est une clause de
nullité de la constitution ; la Cour ne déduit plus de la violation du principe
une nullité, elle valide même l’immobilisation, mais elle appelle les héritiers
légitimes à en bénéficier malgré leur exclusion. Nous estimons que le premier
état de la jurisprudence était plus conforme aux principes du rite Malékite,
notamment au précepte de Sidi Khalil qui déclare illicite une constitution de
habous dont les filles ont été exclues.
763. — Il faut bien remarquer que si, dans ce rite, l’exclusion des enfants
directs du constituant est une cause de nullité, tout au moins une chose
blâmable et prohibée, il n’en est nullement ainsi lorsque cette exclusion porte
sur la descendance du deuxième degré ou d’un degré subséquent. La volonté
du constituant doit alors être respectée et l’ordre de dévolution par lui établi
doit être suivi. C’est ainsi qu’on peut exclure du wakf :
Un petit-fils (Arrêt de la Cour d’Alger du 20 juillet 1865).
La descendance féminine des filles (Arrêt du 2 novembre 1865).
La descendance masculine et féminine des filles (Arrêt du 10 mai 1865).
La descendance féminine des fils (Jugement du Cadi d’Alger de 1862,
rendu sur un habous constitué en 1774).
765. — Lorsque l’exclusion est pure et simple et par cela même définitive,
et sans réserves, il n’y a aucune difficulté, l’exclu n’a aucun droit d’aucune
nature ; il n’en est pas de même dans l’hypothèse que nous allons examiner.
Il arrive quelquefois que les filles sont exclues, le père de famille ayant été
déterminé à cette mesure par le désir de ne pas voir les revenus de ses biens
profiter indirectement à des étrangers par suite des mariages que peuvent plus
tard contracter celles-ci. D’autre part, le constituant ne veut pas que ses filles
soient privées de toutes ressources, alors qu’indigentes ou non mariées elles
auront besoin de leur part de jouissance. Aussi trouve-t-on dans certains actes
de habous, après la clause d’exclusion des filles, cette restriction : « à moins
que celles-ci soient indigentes et non mariées, » ou même la suivante dans
laquelle une des deux conditions suffit pour que la personne exclue soit
appelée : « à moins que celles-ci soient indigentes ou non mariées. » Quelle
est, en ce cas, la nature du droit éventuel des filles ? Est-ce un droit personnel
ou un droit réel ? La question divise profondément la jurisprudence et la
doctrine modernes.
MM. Sautayra et Cherbonneau estiment que dans l’hypothèse que nous
examinons, les garçons « ont un droit qu’ils puisent dans leur seule qualité de
descendants et ils l’exercent pendant toute leur vie, quelle que soit leur
situation de fortune. » Quant aux filles, elles n’ont qu’un droit éventuel à une
pension alimentaire qu’elles doivent même, en thèse générale, recevoir en
nature et non en argent.
Faisons remarquer tout d’abord que le garçon, pas plus qu’aucun
dévolutaire de habous, ne peut puiser son droit dans sa qualité de descendant
si on considère ce mot comme l’équivalent de successible ; le droit, en cette
matière, nous l’avons dit, ne découle que d’une source unique : la volonté du
constituant. Mais le droit de la fille est-il bien réduit à une simple pension
alimentaire ? Nous ne le croyons pas : d’abord parce que la créance
alimentaire ne donne lieu qu’à une action essentiellement personnelle, alors
que celle réservée à la fille, dans le cas qui nous occupe, est réelle, nous le
démontrerons plus loin. En second lieu, la créance alimentaire a des
caractères spéciaux et définis qui ne se retrouvent pas dans la situation que
nous examinons : la pension alimentaire n’est due que dans les proportions
des besoins du créancier ; or, lorsque le droit réservé à la fille se réalisera,
celle-ci sera appelée à l’exercer d’après les règles générales qui régissent
l’attribution et le partage des revenus du wakf, et si ces revenus sont
supérieurs à ses besoins, même dans une large mesure, elle n’en aura pas
moins le droit d’exiger sa part entière.
La Cour d’Alger a été appelée à se prononcer sur le caractère personnel ou
réel du droit éventuel des filles dans les conditions suivantes :
Un sieur El hadj Mohamed El Drissi avait constitué un wakf d’après le rite
Hanafite et dans les termes suivants : « Le constituant réserve à son profit la
jouissance des terres constituées et, après lui, au profit de ses enfants mâles, à
l’exclusion des filles, qui n’auraient droit à la jouissance que dans le cas où
elles seraient indigentes ou veuves : dans l’un de ces deux cas, le garçon
devant avoir une part égale à celle de deux filles, les enfants des dites filles
n’y ayant pas droit ; ensuite au profit des enfants des garçons et des enfants
de leurs enfants et, à l’extinction complète de la race, le habous passera
définitivement aux deux villes nobles et sacrées de La Mecque et Médine. »
Une fille du constituant, nommée Messaouda, avait cédé à un tiers ses droits
éventuels et, d’autre part, les garçons appelés sans restriction à la dévolution
avaient aliéné les immeubles habousés, en vertu de l’ordonnance de 1844 et
du décret du 31 octobre 1858, qui ont rendu les habous aliénables en Algérie.
Messaouda devint veuve et indigente et son cessionnaire, exerçant ses droits,
demanda la nullité de l’aliénation consentie au mépris des droits de sa
cédante. La question se posait, dès lors, de savoir si les droits de celle-ci
étaient réels ou si, au contraire, ils ne constituaient qu’une créance éventuelle
et personnelle ne lui conférant aucun droit sur l’immeuble.
La Cour d’Alger, par un arrêt très étudié, en date du 10 février 1873, s’est
prononcée pour le caractère réel du droit et a annulé la vente consentie sans le
concours des femmes ayant-droit éventuelles. L’arrêt se fonde : 1° sur ce que
les filles ont un droit héréditaire dont, en dehors de la constitution du habous,
elles ne peuvent être privées ; qu’en fait, la part conditionnellement attribuée
à Messouada dans le habous était égale à sa réserve légale, que, par
conséquent, si la constitution tombait, elle aurait eu un droit à exercer de par
sa qualité héréditaire, droit essentiellement réel ; 2° sur ce que le droit réservé
devait s’exercer dans le cas où il sortirait à effet, sur les immeubles
habousés ; l’arrêt ajoute :
« Attendu, sur un autre caractère essentiel de ce droit, que, malgré les
différences qui existent entre la législation française et la législation
musulmane, il y a des principes juridiques généraux applicables à l’une et à
l’autre, à moins de règles contraires ;
Attendu qu’on doit tout au moins assimiler le droit réservé aux filles par la
constitution de habous au legs dont parle l’article 1040 du Code civil, fait
sous une condition dépendant d’un événement incertain et tel que, dans
l’intention du testateur, le legs ne doive être exécuté qu’autant que
l’événement arrivera ou n’arrivera pas ;
Que c’est là, sans doute, une condition suspensive, dont la dénomination
même exprime qu’elle tient l’existence du legs en suspens, un droit éventuel,
il est vrai, mais qui appartient si bien au légataire qu’il peut y renoncer ou
prendre des mesures conservatoires ;
Que ce n’est pas l’événement qui crée le droit, il le fait seulement
apparaître en le dégageant de l’éventualité qui le tenait en suspens ;
Que, la condition une fois accomplie, a un effet rétroactif au jour de la
mort du testateur, de sorte que le droit au legs doit être considéré comme
ayant été acquis au légataire, non du jour de l’événement, mais du jour du
décès ; qu’ainsi, il est incontestable que les aliénations consenties par
l’héritier dans l’intervalle seraient résolues comme son propre droit ;
Attendu que, l’événement arrivé, ce droit est réputé né le même jour que
celui des frères, d’où il suit que la fille serait qualifiée à tort dévolutaire
éventuelle, l’idée de dévolution impliquant, non la coexistence et la
simultanéité du même droit sur la tête de deux personnes, mais la
transmission successive d’une première tête à une autre, les appelés en
matière de substitution, dans l’espèce les enfants des mâles et, en définitive,
La Mecque et Médine, devant seuls, après le décès du constituant, recevoir le
nom de dévolutaires éventuels. »
Cette argumentation très serrée est combattue par M. Robe (Journal de
jurisprudence de la Cour d’Alger, 1873, p. 50) qui réfute tout d’abord
l’argument tiré du droit héréditaire des filles. Le savant commentateur dit
avec raison qu’on ne saurait assimiler le habous ni à un testament, ni à une
donation, ni à une substitution proprement dite, qu’il constitue un acte sui
generis, n’ayant pas de similaire dans nos Codes. Cela est très vrai ; en
matière de wakf il n’y a d’autres attributaires que ceux désignés par le
constituant, et l’arrêt ne pouvait, à notre avis, tirer argument de ce qu’en fait
la part héréditaire de la fille Messaouda était précisément la même que celle
que lui attribuait le habous dans le cas de veuvage ou d’indigence. Les règles
de la dévolution successorale n’ont rien à faire dans la matière.
M. Robe essaie ensuite de réfuter le raisonnement par lequel l’arrêt fait
remonter le droit de la bénéficiaire au jour de la constitution et non à celui de
l’événement qui a donné à ce droit un caractère actuel et utile. Selon lui, le
droit n’étant créé qu’en vue d’une situation déterminée, ne peut naître que
lorsque cette situation qui l’engendre se produit ; jusque-là il est inexistant. Et
il ajoute que c’est pour avoir méconnu ce principe du wakf que la Cour a
appliqué à l’espèce les règles tracées par les articles 1040 et 1041 du Code
civil. Enfin M. Robe termine ainsi : « Il ne s’agit pas, pour le droit des filles,
d’une condition suspensive, d’une condition suspendant seulement l’exercice
du droit, comme dans les articles 1041 et 1179 du Code civil, mais bien d’une
condition créant le droit, d’une cause génératrice de la participation, ce qui
est bien différent. »
Ce raisonnement a été accepté par la Chambre musulmane de la Cour
d’Alger qui, par arrêt du 23 mars 1874, a déclaré qu’il n’y avait aucune
analogie entre le droit éventuel de la femme à la jouissance du habous et les
articles 1040 et 1041 du Code civil, que le droit réservé éventuellement aux
filles n’est qu’un droit de jouissance, c’est-à-dire essentiellement personnel.
Nous nous rangeons, quant à nous, à la doctrine contenue dans l’arrêt du
10 février 1873, sous réserve de ce que nous avons dit quant à l’argument tiré
du droit successoral. Cet arrêt ne déduit aucune règle des articles 1040 et
1041 qui, évidemment, n’ont rien à faire dans la matière ; mais il considère
avec raison, à notre avis, qu’il y a là deux situations qui, quoique
parfaitement différentes et se rencontrant dans des législations très souvent en
opposition l’une avec l’autre, ont cependant de sérieuses analogies quant à
l’actualité et à l’éventualité du droit et au moment où il prend naissance. Le
second argument invoqué par l’arrêt et qui consiste à dire que le droit devant
forcément s’exercer sur l’immeuble habousé, le jour où, de latent qu’il était,
il deviendra actuel et utile, est bien un droit in rem, nous paraît décisif et nous
ne voyons pas qu’il ait été réfuté. Etant donné que la volonté du constituant
fait la loi inéluctable des dévolutaires, comment cette volonté sera-t-elle
respectée si l’immeuble peut être aliéné sans le concours des filles ? Qu’a
voulu le constituant ? non pas que telle de ses filles devenue par la suite
veuve ou indigente puisse exercer contre ses frères une action personnelle
tendant à une prestation d’aliments, mais bien que, le cas échéant, la fille ait
un droit à la jouissance commune d’un immeuble déterminé, pour une part
également définie. Peut-il dépendre de la volonté des dévolutaires du sexe
masculin de modifier ou plutôt d’anihiler la disposition, résultat incontestable
auquel conduit le système de M. Robe ?
Non, il n’y a pas là un droit qui prend naissance au jour du veuvage ou de
l’indigence survenue ; le droit procède de la volonté même du constituant qui,
seule, lui a donné naissance : il ne s’exercera que dans des conditions
déterminées, soit, mais aussi sur des biens également déterminés ; c’est donc
un droit réel et pour qu’il puisse s’exercer, il faut que la chose subsiste. Enfin
M. Robe nous paraît avoir fait une confusion entre la naissance et l’exercice
du droit.
767. — Pour fixer la dévolution d’un wakf, il faut forcément s’en rapporter
à l’acte constitutif et y rechercher l’intention du fondateur. Lorsque l’acte
s’exprime en termes précis, lorsqu’il y est dit par exemple que le wakf est
constitué au profit des enfants garçons et filles du constituant, nés et à naître
et de leur descendance à l’infini, puis, à l’extinction de la descendance, aux
villes saintes, la disposition est limpide et ne donne lieu à aucune difficulté
d’interprétation. Mais souvent les termes dont s’est servi le constituant sont
ambigus et il faut, dès lors, rechercher quelle a été sa volonté. Les auteurs
Musulmans, notamment Ebn Abdine, passent en revue un grand nombre de
clauses sujettes à controverse et essaient d’en fixer le sens, ce qui n’est pas
toujours facile : il est peu de ces stipulations sujettes à interprétation qui ne
divisent les docteurs sur la portée qu’il faut y attacher. En somme, on ne peut
tracer, en pareille matière, des règles bien absolues, puisque dans toute clause
ambiguë il y a lieu de recourir à la volonté présumée du constituant plutôt
qu’à des principes qui ne présentent aucun caractère de fixité et de certitude.
771. — Il est admis que si la dévolution au premier degré a lieu par têtes,
celle qui s’opère au profit des degrés subséquents a lieu par branches, la
branche la plus éloignée étant exclue par la plus proche à moins de
stipulations contraires. Tel est le principe général qu’on retrouve dans les
rites Hanafite et Malékite et qui est développé par Ebn Abdine dans de
nombreuses espèces rapportées par ce jurisconsulte.
772. — De ce qu’on ne peut appliquer au wakf les règles tracées pour les
successions, il résulte qu’en cas de concurrence entre des dévolutaires du
sexe masculin et des dévolutaires du sexe féminin procédant du même degré,
il n’y a pas lieu d’attribuer aux premiers une double part, ainsi que cela a lieu
en matière de successions. Si donc le fondateur du wakf l’a constitué en
faveur de ses enfants, garçons et filles, sans autre indication, la stipulation est
interprétée comme si elle contenait ces mots : « par portions égales. » Mais si
le fondateur du wakf a stipulé que les dévolutaires partageront entre eux par
« portions légales » les jurisconsultes estiment que cette clause crée le
privilège de la double part au profit des mâles parce qu’elle fait présumer que
le constituant s’est reporté aux règles légales des successions. Cependant
quelques auteurs, notamment Ebn Minkar et El-Dour-El Mouktar pensent
qu’aucune prescription légale n’existant en matière de wakf pour la
détermination des parts dévolues, la clause devrait s’interpréter dans le sens
de l’égalité entre les bénéficiaires du sexe masculin et ceux du sexe féminin.
778. — Nous avons vu que le wakf a été institué par le Prophète dans un
but pieux. Il en résulte que tous les rites exigent dans l’acte de constitution
une stipulation visant une œuvre charitable, une œuvre « rapprochant
l’homme de Dieu. » Les docteurs se sont montrés très larges quant à la
désignation de l’œuvre pie et relativement à l’époque à laquelle elle peut
devenir dévolutaire des biens immobilisés. Indépendamment des œuvres
religieuses telles que les mosquées, les zaouias, les cimetières, des
institutions de bienfaisance telles que l’assistance publique, les hospices, on
peut désigner comme dévolutaires des institutions d’intérêt public et général
tels qu’un pont, une fontaine, un lieu de refuge, parce que celui qui stipule en
faveur d’une œuvre utile à tous accomplit en réalité une œuvre
philanthropique agréable à Dieu.
Ce but final du wakf est de l’essence même de l’institu-lion, de telle sorte
que, s’il fait défaut dans la constitution, celle-ci est caduque. Les auteurs
Hanafites admettent cependant, en général, que le défaut de désignation d’une
œuvre pie ne rend pas nulle l’immobilisation laquelle profite alors, à
l’extinction des dévolutaires désignés, aux pauvres « car, dit Abou Youssef,
le wakf leur appartient, même à défaut de stipulation. » Hélal estime toutefois
qu’une telle constitution est nulle « parce qu’elle n’indique pas dans quel but
le wakf a été établi, de sorte qu’on n’a pas affecté ses revenus à la charité ; un
pareil wakf s’écarte des principes communiqués par le Prophète à Amr el
Khattab. »
Bourhan el Dine range également parmi les conditions essentielles de
validité le but pieux de l’institution : « la destination qui en est faite par le
constituant doit consister dans une œuvre agréable à Dieu (Kourba) par
rapport tant au dévolutaire qu’au constituant. »
780. — Le wakf doit être accepté par les premiers dévolutaires auxquels il
profite, à moins qu’il ne s’agisse de personnes indéterminées comme les
pauvres. Le bénéficiaire n’a droit aux revenus que du jour de son
acceptation ; s’il refuse, il est considéré comme décédé et le wakf passe au
dévolutaire suivant. On ne peut revenir sur un refus librement exprimé, de
même qu’on ne saurait rétracter l’acceptation valablement donnée. Bourhan
el Dine enseigne que lorsque le wakf est constitué au profit de Zeid et de ses
enfants mineurs, le père ne peut accepter ou refuser que pour sa part
seulement. « Quant à celle de ses enfants, dit-il, s’ils sont majeurs,
l’acceptation ou le refus leur appartient exclusivement et s’ils sont mineurs
leur part est réservée. » Cette doctrine est trop absolue. Le père ne peut
refuser l’avantage fait à ses enfants incapables et on comprend que, malgré
son refus, la part de ceux-ci soit mise en réserve : mais il peut valablement
accepter l’attribution de même qu’il peut accepter la donation faite aux
mineurs, parce que cette acceptation ne peut leur être préjudiciable. Lorsque,
parmi les dévolutaires, quelques-uns seulement refusent, les revenus du wakf
appartiennent entièrement à ceux qui ont accepté ; si le refus émane de tous,
le wakf est dévolu à l’œuvre pie ou aux pauvres.
SECTION V
Des effets du wakf
781. — Le wakf a pour premier effet de démembrer immédiatement
l’usufruit de la nue-propriété, l’usufruit restant aux dévolutaires institués, et
la nue-propriété à l’œuvre pieuse désignée comme dévolutaire définitive.
« La propriété absolue est à Dieu, dit Ibrahim Halebi, et l’usufruit aux
hommes. »
Il s’ensuit que les Hanafites considèrent la perpétuité comme une condition
essentielle de validité du wakf ; Bourhan el Dine s’exprime ainsi : « la
troisième condition de validité, c’est de déclarer la perpétuité ou d’employer
des expressions qui l’indiquent comme par exemple « sadaka » ou d’autres
expressions de ce genre, ce qui est une condition d’après Mohamed. »
L’imam Mohamed exige en effet que le constituant stipule en termes formels
la perpétuité ; Abou Youssef au contraire enseigne que la perpétuité étant
l’essence même du wakf est de droit, à moins de clauses contraires, que dès
lors l’acte de constitution est valable lorsqu’il est muet sur ce point ; il ne
serait caduc que si le fondateur avait limité le wakf à une période déterminée.
Les jurisconsultes font même, dans ce dernier cas, une distinction assez
subtile. Lorsque le wakf a été fait pour un mois ou pour une année, sans que
le constituant ait ajouté autre chose, l’institution est valable ; elle est nulle au
contraire si le fondateur a spécifié qu’après la durée par lui fixée la chose
immobilisée redeviendrait libre. Les docteurs qui font cette distinction (Hélal,
El Hassaf, etc...) s’appuient sur ce que, dans le premier cas, le constituant
n’ayant pas précisé ce qu’il adviendrait du wakf après le mois, l’année, en un
mot après la période par lui fixée, l’immobilisation continue de droit, ce qui
lui donne le caractère de perpétuité, tandis que dans le second cas ce caractère
fait défaut de par la stipulation qui limite d’une manière catégorique la durée
de cette immobilisation.
787. — Ce dernier arrêt a même décidé que « l’usufruit d’un wakf étant
personnel, n’est ni susceptible d’hypothèque ni aliénable. » Mais, d’autre
part, un arrêt de la même Cour, en date du 20 mars 1889, est ainsi conçu :
« Le bénéficiaire d’un wakf a un véritable droit de propriété sur la part lui
revenant dans les revenus du wakf ; ce droit engendre à son profit un droit de
créance contre le wakf, jusqu’à concurrence de sa quote-part dans les
revenus. Le bénéficiaire qui transporte à un tiers ses droits aux revenus ne fait
que céder une créance et le bénéficiaire étant le cédant, c’est le wakf qui est
le débiteur cédé. La propriété du droit cédé est transmise entre le cédant et le
cessionnaire par le seul consentement. » Nous nous rangeons à la doctrine de
ce dernier arrêt quant au droit qu’il reconnaît au dévolutaire d’un wakf de
céder sa part de revenus ; nous ne trouvons nulle part dans la loi que ces
revenus soient incessibles, mais nous estimons que la Cour a mal motivé sa
décision, très juridique en elle-même, lorsqu’elle a réduit le droit du
dévolutaire à un droit de créance contre le wakf. Il y a d’ailleurs contrariété
entre les termes de l’arrêt qui, après avoir proclamé ce principe que le
dévolutaire a un véritable droit de propriété sur la part lui revenant dans les
revenus du wakf, réduit plus loin ce même droit à une simple créance. Il est
incontestable qu’on n’a pas une créance sur sa propre chose et cette
rectification ne nous paraît pas inutile, surtout au point de vue de savoir si le
dévolutaire est investi d’un jus in rem, question que nous avons
précédemment examinée et tranchée dans le sens de l’affirmative.
788. — Nous avons dit que les biens wakfs étaient inaliénables. Ce
principe souffre cependant d’assez nombreuses exceptions et il faut rappeler
encore qu’en cette matière le fait du Prince est souverain, l’institution n’étant
pas réglementée par le Koran mais simplement par les docteurs des différents
rites et par les usages des pays Musulmans. C’est ce que la Cour
d’Alexandrie a proclamé en ces termes, par arrêt du 28 mars 1888 : « Les
biens wakfs ne sont pas frappés d’une inaliénabilité absolue, ils peuvent être
aliénés en certains cas, par voie d’échange ou de vente, dans l’intérêt même
de l’établissement pieux qui en est le bénéficiaire, en vertu d’une décision
rendue soit par l’autorité souveraine, soit par l’autorité religieuse représentée
par le Cadi. »
Mais, aux termes d’un autre arrêt du 11 mai 1892 « la vente d’un bien
wakf n’est permise, sauf l’accomplissement de certaines formalités et en
vertu d’une décision du Cadi, qu’à la condition expresse que le produit de la
vente soit employé à l’acquisition d’un immeuble d’égale valeur. »
793. — L’administration des biens wakfs est confiée à un nazir dont le rôle
consiste à veiller à la conservation de la chose, à répartir les revenus entre les
ayants-droit, à faire en sorte que la dévolution s’opère légalement et
conformément aux droits de chacun. Le nazir a les pouvoirs d administration
les plus étendus pourvu que les actes par lui consentis n’engagent pas l’avenir
et par conséquent ne puissent préjudicier aux dévolutaires futurs ; c’est ainsi
qu’il ne peut consentir, en thèse générale, des baux d’une durée de plus de
trois années. Il y a cependant quelques exceptions admises à ce principe, mais
ces exceptions doivent être soumises à l’appréciation du magistrat.
L’étude de l’administration proprement dite d’un wakf et des fonctions du
nazir donne lieu à des questions multiples et complexes qui sortent du cadre
de notre travail. On trouvera dans les auteurs Musulmans, notamment dans
Ebn Abdine une réglementation très détaillée de l’administration des wakfs.
SECTION VI
Des preuves
796. — La preuve testimoniale, lorsqu’elle est admise, doit porter sur des
faits parvenus à la connaissance personnelle des témoins et non sur des faits
qu’ils ne savent que par ouï-dire ; toutefois la preuve par commune
renommée est admissible lorsqu’il s’agit d’un wakf constitué depuis un très
grand nombre d’années.
PREMIÈRE PARTIE
STATUT PERSONNEL
LIVRE PREMIER.
DU MARIAGE
CHAPITRE PREMIER
Demande en mariage
ARTICLE 1er. — Toute femme libre de lien conjugal et de retraite légale,
peut être demandée en mariage.
CHAPITRE II
Des conditions requises pour la validité du mariage et de ses
effets
ART. 5. — Le mariage se contracte légalement par une déclaration faite de
la part de l’une des parties contractantes et acceptée par l’autre.
La déclaration peut être faite indifféremment par l’un ou l’autre des époux
ou leurs tuteurs, s’ils sont mineurs ou incapables, ou par leurs mandataires,
s’ils sont capables.
ART. 12. — N’est pas valable le mariage soumis à une condition ou à une
circonstance dont la réalisation est incertaine.
Mais le mariage contracté sous une condition illégale est réputé valable et
la condition comme inexistante ; tel est le mariage dans lequel le mari
stipulerait qu’il n’y aurait pas de dot.
ART. 16. — Aucun des époux ne pourra avoir la faculté d’opter, ni par
suite d’engagement contractuel ni pour vices rédhibitoires, ni pour ne s’être
pas vus avant l’acte du mariage.
Si donc le mari stipule verbalement ou par écrit, dans l’acte du mariage, la
beauté ou la virginité de la femme ou l’absence de tout défaut et en fait une
condition de son union avec elle ; ou si la femme stipule l’absence dans son
mari de toute maladie et de toute infirmité, l’acte sera valable et la stipulation
nulle et non avenue. Aucune des parties n’a le droit de demander la résiliation
du mariage, s’il constate que son conjoint ne remplit pas les conditions
voulues.
Ce n’est que l’impuissance du mari qui puisse donner à la femme qui
remplit les conditions voulues, ouverture au droit d’option pour vice
rédhibitoire.
ART. 17. — Une fois l’acte valablement contracté, les liens du mariage
sont assurés, les droits et devoirs des époux commencent, même avant la
consommation du mariage.
La validité de l’acte rend le mari redevable envers la femme de la dot
coutumière à défaut de dot contractuelle, l’oblige à pourvoir à son entretien,
si elle n’est pas désobéissante ou trop jeune pour satisfaire au but du mariage,
ou pour lui tenir compagnie dans sa maison, rend légitime la jouissance des
époux l’un de l’autre, assure au mari la puissance maritale qui est purement
disciplinaire, impose à la femme l’obligation d’obéir au désir de son mari,
quand il est légitime, celle de ne quitter sans motif plausible le domicile
conjugal qu’avec son autorisation et celle de ne pas se soustraire aux devoirs
conjugaux sans excuse valable, après avoir touché intégralement la partie de
la dot payable d’avance, crée l’alliance et les prohibitions qui en résultent,
donne enfin ouverture aux droits de succession au survivant des époux.
ART. 18. — Tout mariage conclu sans témoins ou sans une des conditions
requises pour la validité du mariage, est entaché de nullité radicale et doit être
annulé parle magistrat à défaut de séparation volontaire des époux.
Ce mariage ne produit aucun effet, ne crée point de prohibition d’alliance,
quand l’annulation a lieu avant toute cohabitation ou tout acte pouvant y être
assimilé, et ne donne au survivant des époux aucun droit à la succession de
l’autre.
Dans le cas où le mari n’aura pas fixé une dot contractuelle, la femme
n’aura droit à la dot coutumière que lorsque l’annulation du mariage a lieu
après une cohabitation permise ou après la disparition de la virginité.
CHAPITRE III
Des empêchements au mariage
ART. 19. — Tout homme libre peut épouser jusqu’à quatre femmes par un
seul acte ou par des actes séparés.
ART. 20. — Il est nécessaire, pour la validité du mariage, qu’il n’y ait
aucun empêchement ou prohibition entre les époux.
ART. 27. — Il n’est pas permis d’épouser une femme mariée ou en edda
ou retraite légale, avant l’expiration du temps prescrit, soit que la retraite ait
été imposée à la suite d’une répudiation ou du décès du mari, ou à la suite de
l’annulation d’un mariage entaché de nullité radicale ou de cohabitation par
erreur.
ART. 30. — Il est défendu à tout individu ayant quatre femmes légitimes
d’en épouser une cinquième avant d’avoir répudié une des quatre et attendu
que le terme de la retraite répudiaire fût expiré.
ART. 31. — Il est permis au musulman d’épouser les femmes non
musulmanes dont la croyance est fondée sur les livres saints, c’est-à-dire les
chrétiennes et les juives, soit sujettes de l’Empire, soit étrangères, établies
dans les États musulmans ou ailleurs.
ART. 32. — Les femmes idolâtres, les mages ou adoratrices du feu et les
sabéennes ou adoratrices des astres, dont la croyance n’est fondée sur aucun
livre saint, sont éternellement interdites aux musulmans.
CHAPITRE IV
De la vilaïat ou tutelle en mariage
ART. 33. — Il faut, pour pouvoir être wali ou tuteur en mariage, remplir
les conditions suivantes :
Être libre, majeur, sain d’esprit et musulman, quand il s’agit du mariage
d’un musulman avec une musulmane.
L’homme irréligieux est habile à devenir tuteur.
ART. 35. — Les tuteurs ayant le droit d’intervenir dans le mariage des
mineurs et des majeurs incapables de l’un ou de l’autre sexe, sont les plus
proches parents acëb suivant l’ordre de succession, en excluant les plus
éloignés parles plus proches.
C’est le père de famille qui est le tuteur naturel de ses enfants mineurs ou
incapables ; à son défaut, la tutelle est dévolue à l’aïeul paternel ; puis aux
parents de la ligne collatérale masculine, savoir : le frère germain, le frère
consanguin, le neveu germain, le neveu consanguin, l’oncle germain, l’oncle
consanguin, le cousin germain et le cousin consanguin.
Lorsqu’il s’agit du mariage d’une femme aliénée, ayant un père et un fils
ou petit-fils de quelque degré qu’il soit, c’est ce dernier et non pas le père qui
doit lui servir de tuteur.
ART. 37. — Les mineurs et les incapables n’ayant pas de parent, ni proche
ni éloigné, sont soumis à la tutelle du souverain ou du magistrat autorisé par
son firman à procéder au mariage des orphelins ou orphelines qui dépendent
de sa juridiction.
ART. 38. — Le tuteur testamentaire n’a pas qualité pour intervenir dans le
mariage de ses pupilles, quand même leur père lui aurait conféré dans son
testament le pouvoir de les marier, à moins que ce droit ne lui soit acquis par
la parenté ou qu’il ne soit investi d’une autorité publique, et qu’il n’existe
aucune personne ayant la préférence sur lui.
ART. 39. — Aucun musulman n’est habile à servir de wali ou tuteur à une
personne non musulmane, et à intervenir dans son mariage ni dans
l’administration de ses biens, si ce n’est en qualité de souverain ou de
représentant du souverain.
Le non-musulman peut bien servir de tuteur à un non-musulman et
intervenir tant dans son mariage que dans l’administration de ses biens.
ART. 40. — Un parent d’un degré éloigné n’a pas le droit de marier les
mineurs, s’il existe un parent d’un degré plus rapproché remplissant les
conditions voulues pour exercer la tutelle.
Mais si le parent le plus proche se trouvait absent et à une distance telle
qu’il y aurait à craindre la renonciation de l’époux assorti avant l’arrivée de la
réponse, le droit de tuteur passerait, dans ce cas, au parent du degré suivant,
qui pourrait valablement procéder au mariage de la mineure, sans que le
parent le plus proche pût en demander l’annulation.
Il en serait de même si le parent le plus proche se trouvait dans un état
d’incapacité légale.
ART. 42. — S’il existe deux parents au même degré, chacun pourra marier
valablement la pupille, sans avoir besoin de la ratification de l’acte par
l’autre, quand il est contracté dans les conditions voulues.
ART. 51. — Tout homme majeur, libre et sain d’esprit peut se marier,
quand même il serait prodigue, sans l’intervention du tuteur.
Toute femme majeure, libre et saine d’esprit, vierge ou non vierge, peut
également disposer de sa main sans l’intervention d’aucun tuteur.
L’acte du mariage contracté par elle-même, est valable et obligatoire, si le
mari qu’elle s’est choisi est assorti et si la dot à elle assignée est égale à la dot
coutumière.
ART. 54. — La femme majeure et saïb (non vierge) ne pourra être mariée
qu’autant qu’elle y consentira par des paroles ou par un acte qui donne à
présumer son adhésion ; et si, consultée par un parent proche ou éloigné, elle
se tait, son silence n’aura pas la valeur d’un consentement.
ART. 55. — La femme qui aura perdu sa virginité par suite d’un accident
ou de vieillesse, est réellement vierge et doit être traitée comme telle, ainsi
que la femme séparée de son mari pour cause d’impuissance ou par suite de
la dissolution du mariage, par voie répudiaire ou par le décès du mari, avant
toute cohabitation avec elle.
La femme qui aura perdu sa virginité par suite d’un acte illégitime, est
considérée comme vierge, à moins que ses écarts n’aient été répétés ou
qu’elle n’ait subi une peine infamante ; dans ce cas, elle sera mariée comme
une saïb.
Il en est de même de la femme qui aura été l’objet d’une cohabitation par
erreur ou par suite d’un mariage entaché de nullité radicale.
ART. 56. — La femme mariée trop jeune ne doit pas être conduite chez
son mari avant d’être en état de remplir le but du mariage. Son père qui ne
pourra pas être contraint à la livrer, aura le droit de demander et de toucher
pour elle la partie exigible de la dot.
En cas de contestation entre le mari et le père de la jeune femme,
relativement à son état, le magistrat préposera une ou deux matrones de
confiance pour examiner la constitution de la jeune fille. Si le rapport des
matrones confirme la prétention du mari, la femme sera conduite au domicile
conjugal ; dans le cas contraire, elle continuera à garder provisoirement la
maison paternelle.
C’est la constitution physique et non pas l’âge qu’il faut consulter.
CHAPITRE V
Du mandat en mariage
ART. 57. — Il est loisible aux époux, quand ils sont majeurs, libres et
sains d’esprit, de contracter le mariage par mandataires.
Cette faculté est accordée aussi au père et aux autres tuteurs qui pourront
également se faire représenter dans le mariage de leurs pupilles.
ART. 58. — Le mandat peut être donné verbalement ou par écrit, sans
qu’il soit nécessaire, pour sa validité, de le donner devant témoins. Le
témoignage n’est requis que pour éviter toute contestation de la part du
mandant.
ART. 60. — Le mandataire n’est pas tenu de livrer à son mari la femme
qui lui a conféré le pouvoir de la marier ; il n’est pas responsable envers elle
de la dot constituée à son profit, à moins qu’il ne l’ait cautionnée, auquel cas
il serait obligé de l’acquitter et il n’aurait de recours contre le mari que si le
cautionnement avait été donné par ordre de celui-ci.
ART. 61. — L’acte passé par le mandataire au nom de son mandant n’est
obligatoire, pour ce, dernier, qu’autant qu’il est contracté dans les limites des
pouvoirs par lui conférés.
Si ces pouvoirs sont dépassés, l’acte ne devient exécutoire que par la
ratification du mandant.
CHAPITRE VI
Du mariage assorti
ART. 62. — Pour que le mariage porte le caractère d’une union légalement
assortie, il faut que le mari soit égal à la femme dans les conditions exprimées
ci-après dans les articles suivants.
L’infériorité de la femme ne frappe point le mariage de nullité. L’égalité
constitue un droit qui pourra être invoqué par le tuteur de la femme et par la
femme elle-même.
Elle doit être considérée au moment de la conclusion de l’acte ; le
changement postérieur de condition ne porterait pas atteinte à la validité du
mariage.
ART. 67. — L’homme vicieux ne peut pas être assorti à une femme
vertueuse, issue d’un homme honnête ; mais il pourra bien être assorti à une
femme vicieuse, issue soit d’un père vicieux soit d’un père honnête.
ART. 71. — On peut constituer en dot des immeubles, des effets mobiliers,
des bijoux, des bestiaux, des choses fongibles, et même l’usufruit des biens
meubles ou immeubles.
ART. 72. — Tous les objets qui n’ont pas de valeur en eux-mêmes, ou qui
ne sont pas susceptibles d’être légitimement possédés par les musulmans, ne
pourront pas être valablement assignés en dot.
Toutefois, si des choses illicites étaient assignées en dot, l’assignation
serait nulle, mais l’acte n’en resterait pas moins valable.
ART. 74. — La femme a un droit légalement acquis sur la dot dès que le
mariage est valablement contracté, soit que le mari ou son tuteur en ait
déterminé le montant dans le contrat, ou qu’il ne l’ait pas déterminé, ou qu’il
ait stipulé la non-constitution de dot.
ART. 75. — Si le montant de la dot est fixé dans le contrat à dix dirhams
ou à une valeur inférieure à ce minimum, le mari est tenu de payer dix
dirhams entiers.
Si le mari fixe dans le contrat une dot supérieure au minimum, il sera
obligé de s’en acquitter, quelque considérable qu’en soit le montant.
ART. 76. — Dans le cas où le mariage a lieu sans que le montant de la dot
ait été déterminé dans le contrat, la femme aura droit à la dot coutumière.
Il en est de même dans les cas ci-après :
1° Lorsque le mari ou son tuteur a constitué en dot des choses illicites ou
des animaux ou des objets sans en déterminer l’espèce et la qualité ;
2° Quand le mari aura stipulé la non-constitution de dot ;
3° Quand le mariage est conclu par chighar ou compensation ;
4° Quand le mari s’est engagé envers la femme à lui enseigner le Coran
pour toute dot.
ART. 79. — Le mari, ainsi que son père et son aïeul paternel, pourra, après
la conclusion du contrat, constituer des augments à la dot stipulée, et il sera
tenu de les acquitter, pourvu que la femme ou son tuteur connaisse la valeur
des augments et les acceptent avant la dissolution du mariage.
ART. 80. — La femme, quand elle est majeure et saine d’esprit, pourra
faire volontairement remise en faveur de son mari, de tout ou de partie de la
dot stipulée, si elle est composée de valeurs monétaires et non d’objets
mobiliers ou immobiliers.
Le père ne pourra jamais faire remise d’une partie de la dot constituée au
profit de sa fille mineure, ni de la dot fixée à sa fille majeure sans en avoir
obtenu préalablement un consentement formel.
SECTION III. — Des circonstances qui confirment les droits de la femme sur
la totalité de la dot, et de celles qui lui font perdre la moitié de la dot ou la
dot tout entière
ART. 85. — Dans le cas prévu par l’article précédent, la femme n’aura
droit à la moitié de la dot contractuelle que si la dissolution du mariage par
voie répudiaire ou par divorce, avant toute cohabitation, provient de la faute
du mari, comme dans le cas de la dissolution du mariage par suite du serment
de continence ou d’anathème, ou pour cause d’impuissance, d’apostasie ou
de refus par le mari d’embrasser l’islamisme lorsque sa femme s’y est
convertie, ou par suite d’un oubli de la part du mari envers la mère ou la fille
de la femme à laquelle il est uni.
Mais si c’est la femme qui, par sa faute, a contribué à la dissolution du
mariage, avant sa consommation, ce qui a lieu quand elle abjure la foi ou
refuse d’embrasser l’islamisme, comme son mari, quand elle n’est pas
chrétienne ou juive, ou se permet à l’égard du fils ou du père de son mari un
acte de nature à porter atteinte à la légitimité du mariage, elle perd tous ses
droits sur la seconde moitié de la dot contractuelle et est obligée de la
restituer, si elle lui avait été remise.
ART. 91. — Le mari qui fixerait pour sa femme une dot inférieure à sa dot
coutumière, en s’engageant à lui procurer un avantage en dédommagement,
paiera la dot fixée, s’il remplit son engagement.
En cas d’inexécution, la dot sera portée au niveau de la dot coutumière, si
l’usage de la chose promise est licite.
Mais si l’emploi de la chose promise était défendu, l’engagement pris par
le mari envers la femme serait de nul effet, et il ne paierait que le montant de
la dot fixée, sans être contraint de payer, la différence qu’il y aurait entre la
dot fixée et la dot coutumière.
ART. 92. — Celui qui épouse une femme moyennant une dot supérieure à
la dot coutumière, en stipulant sa virginité, n’est tenu que de payer le montan
de la dot coutumière, s’il est constaté qu’elle n’était pas vierge.
ART. 94. — Le mari qui aura fait de la virginité de la femme une condition
de son union avec elle, et qui ne l’aura pas trouvée dans la condition voulue,
ne sera pas moins tenu de payer la totalité de la dot stipulée dans le contrat,
et, à défaut, toute la dot coutumière, qui ne peut têtre réduite à cause de la
non-virginité de la femme.
ART. 96. — Tous les autres tuteurs, même la mère, n’ont aucun droit de
recevoir la dot pour la femme mineure, si ce n’est en qualité de tuteurs
testamentaires.
Ainsi, lorsque la mère reçoit comme tutrice la dot de sa fille mineure,
celle-ci, devenue majeure, pourra poursuivre sa mère et non son mari ; mais
si, sans être tutrice, la mère perçoit la dot pour le compte de sa fille mineure,
celle-ci sera fondée, à la majorité, à diriger son instance contre le mari, sauf
recours de ce dernier contre la mère.
Cette disposition est commune à tout tuteur autre que ceux mentionnés
dans l’article précédent.
ART. 99. — La femme ne pourra être obligée à faire abandon d’une partie
de sa dot ni à son mari, ni à son tuteur, ni même à ses parents.
En cas de décès de la femme avant qu’elle ait perçu la totalité de sa dot, ses
héritiers seront fondés à demander à son mari ou à ses héritiers ce qui reste
encore dû de la dot de leur mère, après déduction de la part qui revient au
mari de la succession de son épouse, si elle est prédécédée.
ART. 102. — Le père qui aura marié son fils mineur et dénué de
ressources, ne sera personnellement tenu de payer la dot que lorsqu’il en aura
cautionné le paiement.
En cas de paiement par le père de la dot par lui cautionnée, il ne pourra en
réclamer la restitution à son fils mineur et dépourvu de ressources, que si, au
moment du paiement, il aura déclaré devant témoins qu’il la répétera de son
fils.
Si le père qui a cautionné la dot pour son fils vient à mourir avant de s’en
acquitter, la femme sera en droit de poursuivre la succession en paiement, et,
dans ce cas, les cohéritiers pourront exercer leurs recours contre le mineur et
se faire rembourser sur la part qui lui revient de la succession.
Quand le mineur a des ressources à lui appartenantes, le père, en sa qualité
de tuteur, pouvant disposer des biens de ses enfants mineurs, pourra être
obligé de payer sur les deniers de son fils, quand même il n’aurait pas
cautionné la dot.
ART. 104. — La femme qui s’est livrée & son mari ne pourra plus
prétendre qu’elle n’a rien reçu de la partie payable d’avance de la dot, à
moins qu’il ne soit constaté par l’usage de la localité que le mari n’avance
rien de la dot avant la consommation du mariage.
Dans le cas où elle prétendrait n’avoir pas reçu intégralement la partie
payable d’avance, elle pourrait être reçue dans sa demande.
La fin de non-recevoir sus-indiquée peut être opposée aux héritiers de la
femme.
ART. 108. — Dans les cas prévus par les trois articles précédents, la dot
coutumière ne sera payée intégralement à la femme, que lorsque la
contestation sera soulevée avant la consommation du mariage.
Mais si la contestation survient après, et que le mari, de son vivant, ou ses
héritiers soutiennent que la femme avait touché une partie de la dot, et que
l’usage local est constant que la femme ne se livre pas à son mari avant d’en
avoir reçu une partie, une sommation sera adressée à la femme pour l’engager
à déclarer la partie par elle reçue. Sur son refus, le montant de la dot
coutumière lui sera remis, réduit de la somme payable d’avance, suivant
l’usage de la localité.
Cette réduction doit donc être faite :
1° Lorsque les parties sont d’accord sur la quotité de la dot contractuelle ;
2° Lorsque les héritiers du mari dénient la convention dotale et donnent à
la femme le droit à la dot coutumière, en refusant le serment à eux déféré ;
3° Lorsqu’ils contestent à la femme la quotité par elle prétendue et
appuyée sur la dot coutumière ;
4° Lorsqu’après le décès des deux époux, les héritiers du mari, qui sont
crus en leur parole, fixent le montant de ce qu’ils doivent à la femme.
ART. 109. — Tout prétendant qui aura pourvu à l’entretien d’une femme
en retraite répudiaire ou viduaire, en lui donnant une somme en argent, et en
convenant qu’il s’unirait à elle par le mariage, après l’expiration du terme
prescrit pour sa retraite, aura le droit, en cas de refus de la femme, de répéter
la somme donnée.
A défaut de convention et en cas de mariage, il ne sera pas recevable à en
demander la restitution.
Il ce sera pas non plus admis, même en cas de convention, à réclamer le
prix des aliments fournis à la femme.
ART. 111. — Lorsque des contestations s’élèvent entre les époux sur des
sommes ou sur des effets mobiliers dont la destination n’a pas été déterminée,
ou sur les aliments envoyés par le mari à la femme, avant ou après la
célébration du mariage, en ce que le mari prétend qu’il les a envoyés en
déduction de la dot stipulée, tandis que la femme soutient que c’étaient des
cadeaux, le mari est cru sur sa déclaration affirmée par serment pour les
objets qui ne s’offrent pas en cadeau selon l’usage de la localité. La femme
sera crue sur sa parole pour les objets qu’il y a usage d’offrir en cadeau.
Cette formalité remplie par le mari, la femme aura la faculté, si les objets
existent en nature, ou de les conserver à valoir sur le montant de sa dot, ou de
les rendre au mari et de se faire payer le restant ou toute la dot, si elle n’en
avait rien reçu.
En cas de perte ou de consommation des objets par la femme, la valeur en
sera déduite de la dot, et chacune des parties se fera rembourser ce qui lui
restera encore dû.
Si les deux parties fournissent des preuves à l’appui de leurs prétentions
respectives, celles de la femme seront admises, en premier lieu.
CHAPITRE VIII
De l’union des musulmans avec des femmes chrétiennes ou des
juives et de la nature du mariage des non-musulmans lorsqu’ils
embrassent l’islamisme
SECTION I. — Du mariage des musulmans avec des chrétiennes et des
juives
ART. 120. — Le mariage d’un musulman est permis avec des chrétiennes
et des juives, sujettes de l’État ou étrangères. Il se conclut valablement par
l’intervention d’un tuteur chrétien ou juif et en présence de deux témoins
chrétiens ou juifs, quand même ils ne professeraient pas la même religion que
la femme.
Leur témoignage prouve le mariage en cas de dénégation par la femme,
mais non par le mari.
ART. 121. — Tout musulman déjà marié à une musulmane peut contracter
en même temps une seconde union avec une kitabiiah, c’est-à-dire une
chrétienne ou juive, comme il peut s’unir à une musulmane, quand il est
marié avec une de ces dernières.
Les deux femmes auront droit à être traitées avec une parfaite égalité.
ART. 124. — Les enfants de l’un ou de l’autre sexe, issus du mariage d’un
musulman avec une chrétienne ou avec une juive, suivront la religion de leur
père.
ART. 129. — Si l’un des époux embrasse l’islamisme, les enfants qu’ils
peuvent avoir alors, et ceux qui naîtront de leur union avant ou après que
l’invitation à l’islamisme ait été adressée à l’autre époux, seront tous élevés
dans la religion musulmane, s’ils sont établis dans les terres musulmanes, soit
que celui de leurs parents qui s’est converti y réside aussi ou qu’il réside
ailleurs. Les enfants qui ne sont pas établis dans les États musulmans ne sont
pas obligés de suivre la religion musulmane.
CHAPITRE IX
Des nullités absolues et relatives du mariage
ART. 131. — Est frappé de nullité radicale le mariage contracté avec une
femme parente ou alliée au degré prohibé, que la parenté qui est l’objet de la
prohibition soit naturelle ou qu’elle vienne de l’allaitement.
Cette nullité est prononcée d’office par le magistrat si les époux ne se
séparent pas volontairement.
Une peine correctionnelle des plus graves sera infligée au mari, s’il a
contracté le mariage étant de mauvaise foi, ou une peine moins grave, s’il a
agi de bonne foi.
ART. 132. — Est frappé de nullité radicale le mariage contracté avec une
femme mariée ou en retraite répudiaire ou viduaire. Celui qui se rendra
coupable d’un tel acte subira une peine correctionnelle des plus graves, s’il a
consommé le mariage étant de mauvaise foi, ou une peine moins grave, s’il a
agi de bonne foi.
Dans le premier cas, la retraite n’est pas imposée à la femme après
l’annulation du second mariage. Son premier mari, si elle en a, n’est pas
déchu de ses droits, et il pourra cohabiter avec elle. Dans le second cas, après
l’annulation du mariage, une retraite est imposée à la femme, et le premier
mari ne pourra licitement cohabiter avec elle pendant tout le temps de la
retraite.
ART. 135. — Tous les mariages affectés d’une des nullités mentionnées
dans les articles précédents ne créent point de prohibition d’alliance, quand
l’annulation a lieu avant toute cohabitation ou tout acte assimilé à la
cohabitation, et ne donnent aux époux aucun droit de succession.
Les enfants issus de ces unions sont considérés comme légitimes, s’ils
naissent dans les termes fixés à la deuxième section du chapitre Paternité et
filiation.
SECTION II. — Des nullités relatives qui sont couvertes par la ratification
ART. 144. — Le mariage proposé ou accepté par un tiers qui n’a aucune
procuration ni aucun pouvoir, restera en suspens jusqu’à ce qu’il soit ratifié
par l’approbation de la partie intéressée ou annulé par sa désapprobation.
CHAPITRE X
Preuves du mariage
ART. 145. — En cas de contestation entre les époux sur la réalité du
mariage, le mariage se prouve légalement par la déclaration de deux témoins
capables à déposer en justice et reconnus pour leur honorabilité, ou d’un
homme et deux femmes d’une probité certaine.
Dans le cas où un individu prétend avoir contracté mariage avec une
femme et que celle-ci dénie l’existence de ce fait ou réciproquement, le
demandeur, à défaut de preuve à l’appui de sa prétention, peut déférer le
serment au défendeur ; s’il remplit cette formalité, le demandeur est débouté
de sa demande ; s’il refuse le serment, la demande est admise et le mariage
établi.
ART. 146. — Le mariage ne peut pas être établi par le témoignage des
descendants des époux en faveur de celui qui prétendrait l’avoir contracté.
Il en est de même, si l’un des témoins était descendant du mari et l’autre de
la femme. Si les deux témoins étaient descendants de l’une des parties, leur
déposition peut être admise contre leur ascendant, quand elle est invoquée par
l’autre partie.
ART. 148. — Lorsqu’un individu reconnaît une femme pour épouse, sans
qu’il soit marié avec une femme de ses parents au degré prohibé, ni avec
quatre autres femmes, et qu’elle accueille sa déclaration par un consentement
formel, étant libre de tout lien conjugal et de toute retraite légale, le mariage
est établi, la femme aura droit à l’entretien, et le survivant d’entre eux
héritera de son conjoint prédécédé.
CHAPITRE PREMIER
Obligations du mari relativement à la femme
ART. 150. — Le mari est obligé de traiter sa femme avec bienveillance, de
vivre en bons rapports avec elle et de pourvoir à son entretien, qui comprend
la nourriture, les vêtements et le logement.
ART. 152. — Lorsqu’il a plusieurs femmes, toutes libres, le mari est tenu
de les traiter avec égalité en toutes les choses qu’il est maître de faire,
particulièrement en ce qui concerne l’entretien et le partage de ses nuits entre
elles, pour leur tenir compagnie.
ART. 153. — Ces obligations doivent être observées par le mari en faveur
de toutes ses femmes libres, sans distinction entre la vierge et la saïb,
l’ancienne et la nouvelle mariée, la musulmane et la chrétienne ou la juive.
Les règles, les couches, les maladies et les défectuosités de la femme ne
pourront donner une excuse valable au mari qui se soustrait à ces obligations.
ART. 156. — La femme peut renoncer à ses droits en faveur d’une de ses
coépouses, mais elle a le droit d’y revenir quand bon lui semble.
ART. 159. — Si, après avoir fixé la durée du temps à donner à chacune de
ses épouses et établi l’ordre à suivre, le mari fait tort à l’une de ses femmes et
favorise sa coépouse, en passant chez elle plus de temps qu’il n’en faut, hors
le cas de voyage, le magistrat, sur la requête de la femme intéressée,
adressera un avertissement au mari d’être juste dans l’avenir.
Si, malgré l’avertissement judiciaire, la femme redevient l’objet d’une
injustice de la part de son mari, il sera passible d’une peine correctionnelle
des plus graves, mais non de l’emprisonnement.
CHAPITRE II
Obligations du mari envers ses femmes relativement à leur
entretien
ART. 161. — La femme recevra ses frais d’entretien, quand même elle
serait établie dans la maison paternelle, à moins que le mari ne la réclame
dans son domicile, et qu’elle ne refuse de s’y transporter sans raison valable.
ART. 162. — Les frais d’entretien sont dus à la femme qui refuse de suivre
son mari dans un voyage à une distance de trois jours du lieu où le mariage
est contracté, ou qui, même après la consommation du mariage, se refuserait
aux devoirs conjugaux, faute du paiement intégral de la partie de la dot
exigible d’avance.
ART. 164. — Le mari n’est pas déchargé de l’obligation de payer les frais
d’entretien à sa femme pendant qu’il est en état d’emprisonnement, même
pour dette envers sa femme, quand même le mari n’aurait pas les moyens de
l’acquitter.
ART. 165. — Le mari qui est dans l’aisance est tenu de pourvoir à
l’entretien nécessaire à la domestique attachée au service particulier de la
femme. Lorsque la femme est conduite chez le mari avec plusieurs
domestiques, il est obligé de les entretenir toutes, s’il a assez de ressources.
Dans le cas où le mari ait des enfants et qu’un seul domestique ne suffise
pas pour leur service, il doit, s’il est aisé, entretenir deux ou plusieurs
domestiques, selon les besoins des enfants.
ART. 167. — La femme malade dont le mariage n’aura pas été consommé,
et qui ne pourrait pas se transporter au domicile conjugal, n’aura pas droit à
réclamer son entretien.
ART. 174. — La pension peut être fixée en nature ou en argent, suivant les
variations des prix des denrées dans la localité.
Si, même après la fixation judiciaire du montant de la pension, les prix des
denrées venaient à hausser, la femme aurait droit à une augmentation.
En cas de baisse, le mari pourrait obtenir une diminution.
ART. 177. — Si le mari est dans un état de gêne constaté et qu’il n’ait
point de ressources pour pourvoir aux frais d’entretien de sa femme, le
magistrat ne le fera pas arrêter et ne prononcera pas le divorce pour ce motif ;
il autorisera la femme, après lui avoir fixé le montant des frais de son
entretien, à acheter ses aliments à crédit ou à emprunter pour le compte de
son mari.
Les parents de la femme, auxquels incombe l’obligation de pourvoir à son
entretien, à défaut de mari, et ceux chargés d’entretenir les enfants en cas de
mort de leur père, seront obligés de lui prêter ce dont elle aura besoin pour
son entretien et celui de ses enfants. En cas de refus, ils y seront contraints
par voie d’arrestation.
ART. 180. — La femme ne pourra pas réclamer un salaire à son mari pour
les aliments qu’elle prépare pour leur usage, quoique légalement elle ne soit
pas obligée à ce service.
Elle ne sera admise à réclamer un salaire que dans le cas où elle fait, par
ordre du mari, la cuisine ou le pain pour vendre.
ART. 182. — Les habillements peuvent, comme les aliments, être fixés en
nature ou en valeur, et ils doivent être fournis par anticipation.
ART. 184. — Lorsque les époux sont opulents, le mari est obligé de loger
sa femme dans une maison particulière.
Dans le cas contraire, le mari doit fournir à la femme un logement séparé
proportionné à leur condition, ayant les commodités nécessaires et non isolé.
ART. 186. — Le séjour d’une des proches parentes du mari dans la maison
où se trouve le logement de la femme, ne lui donne droit à réclamer un
logement ailleurs, que dans le cas où elle aura à se plaindre de leurs mauvais
procédés ou de leurs injures envers elle.
Mais le séjour d’une coépouse dans la même maison, donne à la femme
droit de demander et d’obtenir un logement ailleurs ; il en est de même si une
des parentes du mari ou une coépouse demeure avec la femme dans le même
logement, quand même elles ne lui feraient aucun tort.
ART. 189. — La femme dont le mari est absent peut être autorisée à
disposer, jusqu’à concurrence du montant de la pension qui lui sera fixée, des
denrées et des valeurs en or ou en argent, monnayées ou non monnayées,
laissées parle mari. Elle peut être autorisée aussi à disposer d’une partie des
dépôts et des créances dues à son mari et de nature à servir d’entretien ;
pourvu que le dépositaire et le débiteur avouent le dépôt et la créance, et
reconnaissent l’existence du mariage de la femme avec le mari absent, ou que
le magistrat en ait connaissance, ou que la femme établisse le dépôt ou la
créance et prouve l’existence du mariage, bien qu’il ne puisse pas être imposé
à un absent.
Le magistrat fixera les frais d’entretien en premier lieu sur les biens
existant au ménage, ensuite sur le dépôt et les créances.
Il exigera de la femme une caution valable pour le fonds qu’elle touche, et
lui déférera le serment que son mari ne lui a rien avancé pour son entretien,
qu’elle n’est pas désobéissante, ni en retraite répudiaire dont le temps est
écoulé.
ART. 190. — Dans le cas où le mari absent n’aura laissé aucun bien, si la
femme établit le mariage, le magistrat pourra lui fixer les frais d’entretien, et
l’autoriser à emprunter ou à faire des achats à crédit pour le compte de son
mari absent ; mais il ne pourra prononcer le divorce, quoique la femme le
réclame.
ART. 191. — Si, à son retour, le mari établit qu’il a avancé à la femme les
frais d’entretien, ou si la femme refuse le serment à elle déféré, à défaut de
preuve, il aura la faculté d’actionner en restitution la femme ou la caution.
Dans le cas où la femme déclare avoir reçu de son mari les frais
d’entretien, c’est contre elle seule qu’il doit exercer son recours.
ART. 193. — Si le mari prouve, à son retour, que le mariage était dissous
par voie répudiaire, et que le délai de la retraite était écoulé et que, par
conséquent, sa femme n’avait aucun droit à l’entretien parelle reçu dans son
absence, il sera admis à poursuivre en restitution la femme et non le
dépositaire ni le créancier ; à moins que la preuve fournie par le mari
n’établisse que le dépositaire ou le créancier connaissait la dissolution du
mariage.
ART. 196. — Dans tous les cas où le magistrat pourra autoriser la femme à
disposer des biens laissés par son mari absent pour son entretien, il est permis
à la femme de prendre ce qui est nécessaire pour son entretien sans jugement.
SECTION VI. — Des créances de l’entretien
ART. 200. — La femme qui aura déboursé ou emprunté une somme pour
son entretien avant la fixation de la pension par une décision judiciaire ou
d’un commun accord, ne sera pas recevable à se faire rembourser par son
mari présent ou absent, si elle a laissé écouler un mois entier sans la réclamer.
CHAPITRE III
De la puissance maritale
ART. 206. — La puissance maritale est toute disciplinaire.
Le mari n’a aucun pouvoir sur les biens de sa femme.
La femme peut disposer de la totalité des biens à elle appartenant sans le
consentement ou l’autorisation du mari, et sans que celui-ci puisse lui
opposer sa puissance maritale.
Elle peut recevoir les loyers et les revenus de ses propriétés, et. confier à
un autre que son mari l’administration de ses biens.
Les actes civils par elle contractés n’ont besoin, dans aucun cas, pour être
valables, de l’autorisation ou de la ratification de son mari, ni de celle de son
père, ni de son aïeul paternel, ni de son tuteur testamentaire, si elle est
majeure et jouissant de la capacité civile.
Quelle que soit la fortune de la femme, elle n’est pas tenue de contribuer
aux charges du mariage.
ART. 207. — Après le paiement de la partie de la dot payable d’avance, le
mari a le droit :
1° De défendre à la femme de sortir du domicile conjugal sans sa
permission, en respectant les droits qu’elle a d’aller visiter son père et sa
mère et ses parents à elle prohibés aux époques déterminées ;
2° De lui interdire toute visite et toute fréquentation avec des femmes
étrangères, et de l’empêcher d’aller aux fêtes et aux invitations même de ses
parents à elle prohibés ;
3° De lui faire quitter la maison paternelle, quand elle n’est pas trop jeune,
et de la loger près de voisins honnêtes, dans tel quartier qu’il voudra de la
ville où il a contracté le mariage, quand même il aurait stipulé le contraire en
l’épousant ;
4° De s’opposer au séjour de ses parents auprès d’elle dans la maison
conjugale, qu’elle appartienne au mari lui-même ou qu’elle soit louée ou
prêtée à usage.
CHAPITRE IV
Droits et devoirs de la femme
ART. 212. — La femme est obligée envers son mari d’être obéissante à
son autorité, dans tout ce qui est permis et commandé légalement comme un
devoir conjugal ; de garder le domicile conjugal et ne pas le quitter sans
autorisation, après la perception de toute la partie de la dot exigible d’avance,
de ne pas se refuser au devoir conjugal sans être empêchée légalement ou
physiquement ; de se conserver vertueuse ; de veiller soigneusement à la
conservation de ses biens et de son ménage ; de n’en donner, sans la
permission du mari, rien autre que ce que l’usage permet de donner.
ART. 216. — La femme, dont le père, même non musulman, serait atteint
d’une longue maladie, et n’aurait personne pour le soigner, pourra aller le
visiter et rester auprès de lui pour lui prêter les soins nécessaires, même sans
le consentement de son mari.
*
* *
LIVRE TROISIÈME
CHAPITRE PREMIER
De la répudiation
ART. 218. — Est valable toute répudiation prononcée par un mari en état
d’ivresse volontaire produite par une boisson défendue.
Si le mari s’est enivré par contrainte ou par nécessité, la répudiation qu’il
prononcera étant en ébriété, ne produira aucun effet.
ART. 224. — Le nombre des répudiations est de trois pour toute femme
libre.
Ces répudiations peuvent être prononcées successivement à trois reprises
différentes, quand le mariage est consommé, ou par une seule formule
répudiaire, soit que le mariage ait été consommé ou non.
La femme répudiée trois fois, quand le mariage est valable, ne peut plus
être reprise par son premier mari, qu’après avoir été mariée valablement à un
autre et répudiée, ou être devenue veuve après la consommation réelle du
mariage et avoir été dégagée de la retraite répudiaire ou viduaire.
ART. 230. — La répudiation radjii, soit par une fois, soit par deux, ne
dissout pas le lien conjugal et n’ôte pas au mari la puissance maritale sur la
femme, avant l’expiration du terme de la retraite à elle imposée.
Pendant la retraite le mariage existe, sauf à la femme de se retirer dans son
appartement et de mettre un rideau entre elle et son mari, toujours obligé de
pourvoir à son entretien pendant la retraite.
Il n’est pas défendu au mari de s’introduire chez elle sans sa permission, ni
même de la traiter en femme, et alors ce traitement constituerait un retour.
Les époux conservent leurs droits sur la succession, si l’un d’eux vient à
décéder durant la retraite, soit que la femme ait été répudiée pendant que son
mari était en bonne santé ou dans sa dernière maladie ; et soit qu’elle ait
sollicité la répudiation, ou qu’elle ait été prononcée contre sa volonté.
ART. 231. — Tout mari, qui aura prononcé une ou deux répudiations
révocables contre sa femme, dont le mariage est consommé par la
cohabitation, a le droit de la reprendre, durant la retraite, même après sa
renonciation à ce droit, sans avoir besoin de faire un nouveau contrat, ni de
stipuler une nouvelle dot.
Le droit de retour peut être exercé même sans le consentement de la
femme, et sans que le mari soit obligé de la prévenir.
Le mari ne perd ce droit qu’à l’expiration du délai de la retraite.
Quant à la femme répudiée après une simple entrevue, quelque régulière
qu’elle soit, elle ne peut pas être reprise par son mari pendant sa retraite.
ART. 233. — Il faut, pour la validité du retour, qu’il soit immédiat, pur et
simple.
Tout retour à terme ou soumis à une condition n’aura aucun effet.
ART. 236. — Lorsqu’il survient une contestation entre les époux, que la
femme prétend avoir eu ses règles trois fois et que le terme répudiaire est
écoulé, et que le mari soutient le contraire et qu’il a le droit d’exercer le
retour, la femme sera crue sur sa parole et recouvrera sa liberté, si sa
prétention est justifiée par la durée du temps écoulé depuis le jour de sa
répudiation.
La moindre durée d’une retraite périodique est de soixante jours pour une
femme libre.
ART. 240. — Toute répudiation d’une femme dont le mariage n’est pas
consommé est baïn.
Si donc le mari répudie sa femme, avec laquelle il a contracté le mariage,
avant d’avoir eu aucune cohabitation réelle ou présumée avec elle, cette
répudiation est baïn, et la femme n’est pas soumise à la retraite.
Il en est de même, s’il la répudie après une entrevue privée, sauf à la
femme de se soumettre à la retraite.
S’il la répudie trois fois, en employant une seule formule répudiaire, elle
sera définitivement répudiée et prohibée jusqu’à un nouveau mariage avec un
tiers ; mais, s’il prononce contre elle trois répudiations l’une à la suite de
l’autre, la première seule produira son effet, les deux autres ne pourront pas la
frapper.
ART. 241. — Si le mari qui aura prononcé contre sa femme libre une ou
deux répudiations radjiis ou révocables, laisse écouler tout le temps de sa
retraite sans la reprendre, la répudiation prendra le caractère de baïn, la
femme acquerra sa pleine et entière liberté et le mari ne pourra plus exercer le
droit de retour.
ART. 243. — Si le mari emploie cette formule : « Tout ce qui est licite ou
tout ce que Dieu et les musulmans regardent comme légitimé, m’est
défendit, » toutes ses femmes, s’il en a plusieurs, encourront une répudiation
baïn, même en cas de dénégation par le mari de toute intention répudiaire.
S’il déclare avoir voulu une répudiation définitive ou par trois fois, sa
déclaration est admise.
Mais s’il emploie ces formules : « Ce qui est illicite est obligatoire pour
moi ; » « Je t’ai rendue illicite ; » ou Ton union avec moi cesse d’être
légitime ; » celle à qui il s’adresse encourt seule une répudiation baïn ; ses
autres coépouses, s’il y en a, n’y seront pas comprises.
ART. 244. — Toutes les formules figurées entrainent, s’il y a lieu, une
répudiation baïn imparfaite ou parfaite, suivant l’intention exprimée par le
mari, sauf les trois formules mentionnées dans l’art. 229.
ART. 247. — La femme répudiée par une ou par deux répudiations baïn
n’est pas prohibée à son premier mari. Il peut l’épouser pendant ou après la
retraite ; mais il ne peut le faire que de son consentement volontaire, en vertu
d’un nouveau contrat, et moyennant une dot nouvelle.
Aucun autre ne peut valablement l’épouser pendant la retraite.
ART. 249. — Une fois consommé, le second mariage fait disparaître toutes
les répudiations antérieures prononcées par le premier mari, et, dans le cas où
il épouse son ancienne femme, il aura sur elle un pouvoir tout nouveau, qu’il
ne perdra qu’après trois actes répudiaires.
ART. 251. — La répudiation par parole ou par écrit peut être pure et
simple ou conditionnelle.
Elle est pure et simple, lorsque la formule dont s’est servi le répudiant est
exprimée en termes absolus, sans être subordonnée à une condition ou à une
circonstance, ni ajournée à un temps à venir.
Cette répudiation produit immédiatement son effet.
La répudiation est conditionnelle, quand elle est soumise à une condition
ou à une circonstance, ou ajournée à un temps futur.
Cette répudiation ne produit son effet qu’à l’accomplissement de la
condition ou de la circonstance, à laquelle elle était soumise.
La condition équivaut à un serment.
ART. 257. — Le mari ne peut être déclaré parjure qu’une fois pour un
serment, excepté dans les cas où il emploie la formule : « Chaque fois. »
Ainsi, quand il dit à sa femme : « Chaque fois que tu visites ta sœur, tu
seras répudiée, » le mari n’est dégagé du serment qu’à la troisième
contravention. S’il se remarie avec la femme, après qu’elle a accompli les
conditions exigées légalement, le serment antérieur n’aura aucun effet.
Il en est autrement, quand il dit : « Chaque fois que j’épouse une femme,
elle sera répudiée, » dans ce cas le serment ne cessera jamais, et toute femme
qu’il aura épousée, même après un second mariage, restera immédiatement
répudiée.
ART. 267. — L’homme qui s’expose au péril, comme celui qui sort de la
ligne pour soutenir un combat singulier, l’homme condamné à mort par arrêt
de justice et agissant au moment de l’exécution, et celui qui se trouve à bord
d’un bâtiment maltraité par la tempête et exposé à un danger imminent, sont
rangés dans la classe des malades.
ART. 270. — La femme répudiée par son mari dans sa dernière maladie a
aussi droit à sa succession, s’il meurt avant l’expiration de sa retraite, dans les
cas suivants :
1° Si elle a demandé à son mari malade de la répudier radjii et qu’il l’a
répudiée baïn par une ou par trois fois ;
2° Si les époux ont été séparés en vertu d’un jugement rendu par suite du
serment d’anathème ;
3° Si le mari a prononcé contre la femme le serment de continence et qu’il
a laissé écouler le délai prescrit sans cohabiter avec elle.
ART. 271. — La femme répudiée n’a pas le droit de succéder à son mari
dans les cas suivants :
1° Lorsque le mari a été contraint par une menace de mort à répudier sa
femme ;
2° Lorsque la femme a demandé à être répudiée baïn de son propre
consentement ;
3° Quand, après avoir été répudiée radjii ou avant d’être répudiée, la
femme s’est laissée séduire par son beau-fils volontairement ou par suite
d’une violence commise par le fils, sans y être excité par le père ;
4° Lorsque le mari aura prononcé, étant sain, le serment de continence
contre sa femme, et aura laissé passer, étant en état de maladie, le délai
emportant la répudiation baïn.
5° Lorsque la femme aura demandé le divorce de son consentement ou
choisi la dissolution du mariage à la majorité, ou obtenu un jugement de
séparation pour cause d’impuissance de son mari ;
6° Lorsqu’au moment de la répudiation baïn la femme était chrétienne ou
juive, quand même elle se ferait musulmane avant la mort du mari, ou lorsque
la femme musulmane au moment de la répudiation abjure la foi ; dans ce cas
son retour à l’Islamisme avant la mort du mari ne pourra la réhabiliter dans
son droit ;
7° Lorsque la femme a été répudiée baïn pendant l’emprisonnement de son
mari, même pour un crime emportant la peine capitale, ou pendant qu’il était
enfermé dans un fort assiégé, ou entre la ligne des combattants, ou à bord
d’un vaisseau avant que le danger ne fût imminent, ou pendant une épidémie,
ou pendant qu’il était atteint d’une maladie qui ne l’empêche pas de vaquer à
ses affaires au dehors.
ART. 272. — Si pendant qu’elle est atteinte d’une maladie qui la met hors
d’état de faire le service de la maison, la femme provoque par sa faute la
séparation de son mari, soit en faisant dissoudre le mariage par suite de
l’exercice du droit d’option à la majorité, soit en ayant des rapports avec son
beau-fils, et qu’elle vient à mourir pendant sa retraite, le mari aura le droit de
réclamer sa part dans sa succession.
CHAPITRE II
Du divorce par consentement mutuel des époux
ART. 273. — En cas de désaccord entre les époux, s’ils craignent de ne
pas pouvoir remplir les devoirs qui découlent du mariage, ils pourront se
séparer par le divorce comme par la répudiation, lorsque le mariage est
valable.
ART. 274. — Il faut pour la validité du divorce que le mari soit majeur et
jouissant de toutes ses facultés, et que le divorce soit prononcé pendant le
mariage ou durant la retraite de la femme.
ART. 277. — Tout ce qui est susceptible d’être constitué en dot peut être
offert en compensation.
ART. 288. — La stipulation par le mari de garder ses enfants auprès de lui
pendant le temps de hadanah est nulle, malgré la validité du divorce, et la
mère ne sera pas inquiétée dans l’exercice de ses droits de maternité pendant
tout le temps de hadanah, sauf déchéance de ses droits, et à la charge par le
père de pourvoir aux frais de hadanah et de l’entretien de l’enfant, si ce
dernier est sans ressources.
CHAPITRE III
De la séparation pour cause d’impuissance
ART. 298. — La femme libre qui trouve son mari impuissant et hors d’état
de remplir le devoir conjugal, a le droit, si elle ne consent pas à vivre avec
lui, de demander en justice le tafrik ou la séparation formelle, pourvu qu’elle
ignorât l’état du mari au moment du contrat.
Le silence plus ou moins long de la femme, qui a constaté l’impuissance de
son mari, ne lui fera pas perdre ce droit, ni avant sa demande en justice, ni
après.
CHAPITRE IV
De la séparation pour cause d’apostasie
ART. 303. — L’apostasie de l’un des époux musulmans entraîne
immédiatement la dissolution du mariage et la séparation, sans besoin d’une
décision judiciaire.
Cette séparation constitue un divorce et non pas une répudiation.
ART. 305. — Si les deux époux abjurent la foi musulmane en même temps
ou successivement, sans préciser quel est celui des deux qui a abandonné sa
religion le premier, et retournent de la même manière à l’islamisme, le
mariage reste indissoluble. Il ne sera dissous que quand l’un se convertit à
l’islamisme avant l’autre.
CHAPITRE V
De l’iddat ou retraite légale et de l’entretien de la femme à qui
elle est imposée
ART. 312. — Pour toute femme libre qui n’éprouve pas les infirmités
périodiques, à cause soit de sa minorité, soit de son âge avancé, et pour la
jeune fille qui a déjà atteint la puberté sans avoir jamais eu ses règles, la
durée de la retraite est de trois mois.
Si la retraite est imposée le premier jour d’un mois, les trois mois
compteront par l’apparition de la lune, quand même le nombre des jours
serait inférieur à trente ; si elle devient obligatoire dans le courant du mois, le
délai cessera à l’expiration de quatre-vingt-dix jours.
ART. 314. — La femme qui, après avoir eu ses règles pendant plusieurs
jours, voit s’en arrêter l’apparition depuis un an au moins, par suite de
maladie ou de toute autre cause, doit se soumettre à une retraite périodique
jusqu’à l’expiration de trois mois après l’âge critique, à moins que les règles
ne réapparaissent avant cet âge.
L’âge critique est fixé à cinquante-cinq ans.
ART. 317. — La retraite d’une veuve libre, non enceinte et dont le mariage
n’aura pas cessé d’être valable jusqu’à la mort du mari, est de quatre mois et
dix jours, quel que soit son âge, sa religion et les circonstances de son
mariage consommé ou non consommé.
ART. 320. — Si, après avoir répudié sa femme sous forme baïn et
imparfaite, le mari contracte avec elle un nouveau mariage pendant sa retraite
et la répudie une seconde fois, il lui doit une dot entière, et elle
recommencera une nouvelle retraite, même en cas de non consommation
réelle ou présumée du mariage.
SECTION II. — Des femmes ayant droit aux frais d’entretien pendant la
retraite
ART. 327. — Toute femme ayant perdu ses droits à l’entretien pour avoir
contribué, par sa faute, à la dissolution du mariage, ne pourra pas les
recouvrer, quand même la cause produisant l’effet aura cessé.
Ainsi, si la femme apostasiée retourne à la foi musulmane pendant la
retraite, son retour ne lui donne pas le droit de réclamer l’entretien.
Toutefois, la femme répudiée par suite de sa désobéissance peut, si elle
rentre au domicile conjugal, réclamer son entretien.
ART. 329. — La femme à qui ni le magistrat ni son mari n’auront pas fixé
un entretien, et qui laisse écouler tout le temps de la retraite sans le réclamer,
y perdra tous ses droits.
Si le temps écoulé est au-dessous d’un mois, la femme ne sera pas déchue
de ses droits.
ART. 331. — Toute femme libre devenue veuve n’a aucun droit à
l’entretien, quand même elle serait enceinte.
*
* *
LIVRE QUATRIÈME
DES ENFANTS
CHAPITRE PREMIER
De la paternité et de la filiation
ART. 335. — Pour que les époux puissent prononcer le double serment
d’anathème, il faut que le mariage soit valablement contracté, et encore
existant ou dissous sous forme révocable, et que la retraite de la femme ne
soit pas écoulée, que les époux soient tous les deux capables de porter
actuellement témoignage en justice, c’est-à-dire musulmans, libres, sains
d’esprit, majeurs, non muets, ni punis d’une peine juridique afflictive, et que
la femme ait eu jusqu’alors une conduite irréprochable.
Si les époux remplissent les formalités du serment d’anathème dans ces
conditions, le magistrat prononce immédiatement leur séparation, déclare
l’enfant illégitime et le laisse à la charge de la mère.
Si les époux renoncent au serment, ou s’ils ne sont pas tous les deux ou
l’un d’eux capables de le prononcer, l’enfant appartiendra toujours au mari.
Dans le cas où le mari se rétracte avant ou après les formalités du serment
ou la séparation juridique, il sera passible de la peine juridique afflictive, et
l’enfant déclaré légitime.
ART. 337. — L’enfant désavoué n’est pas déclaré illégitime dans les six
cas ci-après énoncés, quand même les époux auraient rempli les formalités
d’anathème et que le magistrat aurait prononcé leur séparation :
1° Quand le désaveu a lieu après l’expiration des délais prescrits ;
2° Quand le désaveu a lieu après une reconnaissance formelle ou tacite par
le mari ;
3° Lorsque l’enfant désavoué est mort avant le jugement de séparation, que
le désaveu ait eu lieu soit avant, soit après la mort de l’enfant, et soit avant ou
après l’accomplissement du serment d’anathème ;
4° Lorsqu’après la séparation juridique et la déclaration d’illégitimité de
l’enfant, la femme accouche d’un autre enfant de la même conception. Dans
ce cas les deux jumeaux appartiendront au mari, et le premier jugement est
révoqué ;
5° Lorsque l’enfant est désavoué après la constatation de la paternité par
un acte juridique ;
6° Lorsque le mari ou la femme meurt après le désaveu de l’enfant et avant
le jugement de séparation.
SECTION II. — Des enfants issus d’un mariage entaché de nullité radicale
ou d’une cohabitation par erreur
ART. 343. — Si le séducteur d’une femme devenue enceinte par suite des
relations illicites qu’il a eues avec elle, vient à l’épouser et qu’elle accouche
d’un enfant dans le terme de six mois au moins, depuis leur mariage, la
filiation sera attribuée au mari, qui n’a pas le droit de la désavouer.
Si l’enfant naît avant le terme susdit, la filiation n’est attribuée au mari que
dans le cas où il la reconnaît, sans déclarer que l’enfant est le fruit d’un acte
illicite.
ART. 344. — L’enfant issu d’une femme majeure répudiée sous forme
révocable, qui n’aura pas déclaré que le terme de sa retraite est accompli,
appartiendra au mari, soit que sa naissance ait eu lieu avant ou après le terme
de deux ans, depuis la dissolution du mariage.
Si le mariage était dissous sous forme irrévocable, imparfaite ou parfaite,
et que la femme ne déclare pas avoir accompli sa retraite, l’enfant dont elle
accouchera avant le terme complet de deux ans depuis la dissolution du
mariage, appartiendrait au mari, sans qu’il ait besoin d’aucune
reconnaissance et sans qu’il puisse être désavoué.
Si la femme veuve ne se déclare pas hors de retraite et accouche dans un
intervalle au-dessous de deux ans depuis le décès de son mari, d’un enfant, il
sera attribué à ce dernier.
Si la femme répudiée baïn ou la veuve accouche au bout de deux ans
complets depuis la répudiation ou la mort du mari, l’enfant ne sera attribué au
mari répudiant ou au défunt que dans le cas où il est reconnu par le premier
ou par les héritiers du défunt.
ART. 357. — Tout enfant trouvé est réputé libre et musulman, quand
même celui qui l’aura recueilli serait non-musulman, à moins qu’il ne soit
trouvé par un musulman dans un quartier habité uniquement par les chrétiens
ou les juifs.
ART. 359. — Les biens trouvés sur l’enfant lui appartiennent. Celui qui l’a
recueilli peut en employer une partie à l’entretien de l’enfant, après avoir
obtenu une autorisation judiciaire.
S’il pourvoit à son entretien de ses propres deniers, il n’aura droit à aucune
restitution, à moins qu’il ne soit autorisé par un acte judiciaire.
ART. 362. — Lorsque la paternité de l’enfant trouvé est réclamée par deux
personnes autres que celle qui l’a recueilli, le premier réclamant aura la
préférence, sauf preuve contraire.
Si les deux réclamations sont simultanées, celui des réclamants qui indique
une marque certaine sur l’enfant, l’emportera sur l’autre, à moins de preuve
contraire.
Si les deux réclamants sont de religion différente, le musulman aura la
préférence sur le non-musulman.
Si les prétentions des concurrents sont également fondées, ils auront tous
les deux le même droit sur l’enfant, et seront tenus de l’entretenir, de payer le
prix de sa hadanah et de remplir envers lui toutes les autres obligations qui
incombent aux pères. L’enfant aura le droit d’hériter de l’un et de l’autre, s’il
en a la capacité.
ART. 363. — Si une femme mariée reconnaît l’enfant trouvé pour fils, la
maternité ne sera établie qu’autant que le mari aura approuvé sa
reconnaissance par un consentement formel, ou qu’elle aura prouvé la
naissance de l’enfant de son union avec lui et son identité, s’il y a lieu, par la
déposition d’une matrone.
Si la femme n’est pas mariée, la déclaration de deux hommes ou d’un
homme et de deux femmes est nécessaire pour établir sa maternité.
ART. 364. — Lorsque l’enfant trouvé et non reconnu par personne est sans
ressources, et que celui qui l’a recueilli refuse de se charger de son entretien
et de son éducation, et prouve qu’il a été trouvé sans qu’on ait connaissance
de ses parents, l’État sera chargé de lui fournir les aliments, l’habillement et
le logement, de lui procurer les soins et les médicaments, dont il aura besoin
en cas de maladie, et de payer la dot pour lui, quand le magistrat juge
nécessaire de le marier.
L’État devient son légitime héritier s’il décède sans enfants, recueille sa
succession de quelque nature qu’elle soit, et paie pour lui lorsqu’il se rend
coupable d’un crime emportant une peine pécuniaire.
CHAPITRE II
Devoirs des parents envers leurs enfants
ART. 365. — Tout père doit avoir soin de l’éducation de son enfant, lui
faire apprendre un art ou métier selon son état et la vocation de l’enfant,
pourvoir à la conservation de ses biens, et l’entretenir, s’il n’a point de
ressources, le garçon jusqu’à ce qu’il soit à même de gagner sa subsistance
par un travail rémunérateur, la fille jusqu’à son mariage.
La mère doit, de son côté, veiller à la garde de son enfant et l’allaiter dans
les cas où elle est obligée de le nourrir.
SECTION I. — De l’allaitement
ART. 366. — La mère sera obligée d’allaiter son enfant dans trois cas :
1° Quand le père et l’enfant n’ont pas les moyens de payer une nourrice, et
qu’il ne s’en trouve aucune qui se charge de l’allaiter gratuitement ;
2° Lorsque le père ne trouve pas d’autre nourrice que sa mère ;
3° Lorsque l’enfant refuse de prendre le sein d’une autre femme.
ART. 367. — Si la mère refuse d’allaiter son enfant hors les cas où elle est
obligée de le faire, le père doit lui procurer une nourrice salariée pour
l’allaiter chez sa mère.
ART. 371. — Dans tous les cas où la mère peut être louée pour allaiter son
enfant, elle sera admise à réclamer son salaire, même sans aucun acte de
louage entre elle et le père de l’enfant ou son tuteur testamentaire.
Le magistrat ordonnera le paiement à la mère du salaire coutumier pour
tout le délai de l’allaitement.
Ce délai est fixé, quant au salaire de l’allaitement, à deux ans.
ART. 376. — Toute femme qui nourrit un enfant, garçon ou fille, dans le
délai de deux années fixées pour l’allaitement, est considérée comme la mère
de l’enfant, et celui qui l’a rendue mère est regardé comme son père, soit que
la conception ait eu lieu par suite d’un mariage valable, ou d’un mariage
frappé de nullité radicale, ou d’une cohabitation par erreur.
Tous les enfants légitimes que cette femme, ou celui qui l’a rendue mère,
ont eu ou auront de leur union ou d’un autre lit, ainsi que les enfants à eux
attribués par la parenté du lait, seront considérés comme frères ou sœurs du
même enfant.
ART. 378. — Si une femme mariée allaite sa coépouse dans le délai fixé
pour l’allaitement, l’une et l’autre seront eternellement prohibées à leur mari,
si le mariage de la femme majeure a été consommé ; sinon, le mari pourra
épouser la mineure par un nouvel acte de mariage.
Dans le cas où l’allaitement a lieu par la femme majeure avant la
consommation du mariage, elle n’aura aucun droit à la dot.
La mineure en aura la moitié que le mari pourra se faire restituer par la
femme majeure, si elle a allaité sa coépouse volontairement et de mauvaise
foi, étant dans la plénitude de ses facultés intellectuelles, et connaissant que
l’allaitement produit la prohibition et l’illégitimité du mariage, et si elle ne
voulait pas, par l’allaitement, sauver l’enfant du danger de la faim.
ART. 380. — Toute mère légitime a le droit de garder son enfant, garçon
ou fille, soit pendant le mariage, soit après sa dissolution, et lui donner les
soins réclamés par son enfance, pourvu qu’elle remplisse toutes les
conditions requises pour exercer ce droit.
ART. 385. — Les femmes ont la préférence sur les hommes, pour la garde
de l’enfant.
A défaut de proches parentes ou à défaut de parentes capables d’exercer la
hadanah, ce droit passe à la ligne paternelle acëb, suivant l’ordre de
succession ; il est dévolu en premier lieu au père, ensuite au grand-père, au
frère germain, au frère consanguin, au neveu consanguin, à l’oncle germain et
à l’oncle consanguin.
Lorsqu’il y a concours entre deux parents au même degré, le plus vertueux
ou le plus âgé prime l’autre.
Le parent acëb doit professer la même religion que l’enfant. Ainsi, si un
enfant chrétien ou juif a un frère musulman et un frère professant la même
religion, c’est à ce dernier qu’il doit être confié.
ART. 386. — A défaut de parent acëb, ou si le parent acëb est frappé
d’insanité d’esprit ou s’il est irréligieux ou indigne de confiance, l’enfant sera
confié à un parent zou rahim ou utérin d’un degré prohibé, dans l’ordre
suivant : à l’aïeul maternel, au frère utérin et à son fils, à l’oncle paternel
utérin, à l’oncle maternel germain, à l’oncle maternel consanguin et à l’oncle
maternel utérin.
Les cousines paternelles ou maternelles n’ontdroit qu’à garder les filles.
Les cousins paternels ou maternels ne garderont que les garçons.
En cas où la jeune fille n’aurait d’autre parent qu’un cousin, le magistrat
pourra lui en confier la garde, s’il est digne de confiance ; sinon, il la confiera
à une femme pouvant inspirer confiance à la justice.
ART, 389. — Lorsque la mère est chargée du soin d’élever son enfant
pendant le mariage ou la retraite d’une répudiation révocable, elle n’a pas le
droit d’exiger un prix pour l’exercice de la hadanah.
Mais si la garde de l’enfant est confiée à sa mère dont le mariage est
dissous irrévocablement, pu qui est mariée à un parent prohibé de l’enfant, ou
en retraite imposée après la dissolution du second mariage, elle sera admise à
réclamer un prix pour les soins qu’elle donne à l’enfant, quand même elle y
serait obligée.
Si la femme, à laquelle la garde de l’enfant sans ressources est confiée, se
trouve sans logement, le père est obligé de leur fournir un logement et un
domestique, s’il est aisé et si l’enfant en a besoin.
ART, 391. — Le droit de hadanah cesse pour le garçon à l’âge de sept ans
accomplis.
Il cesse pour la fille, quand elle a neuf ans accomplis.
A cet âge, le père ou le tuteur testamentaire de l’enfant aura le droit de le
réclamer et de le reprendre.
La hadinah sera contrainte à le remettre en cas de refus.
De son côté, si la hadinah veut remettre l’enfant à son père ou à son tuteur,
il sera obligé de le reprendre.
Lorsque l’enfant n’a ni père ni grand-père, il sera remis à un de ses proches
parents acëb ou au tuteur testamentaire, s’il est garçon.
Quant à la jeune fille, elle ne sera pas remise à un parent non prohibé.
Dans le cas où il n’y aura ni parent acëb ni tuteur testamentaire, l’enfant
sera laissé chez la hadinah, à moins que le magistrat ne trouve une personne
plus capable et plus digne de confiance.
ART. 392. — Tant que dure la hadanah, le père de l’enfant et tout autre
tuteur ne peuvent l’éloigner du lieu où se trouve la hadinah, sans son
consentement préalable.
Si le père reprend son enfant par suite du mariage de la hadinah à un
conjoint étranger et de l’inexistence d’une femme parente de la mère, ayant
droit à la hadanah et capable de l’exercer, il pourra l’éloigner, à la charge de
le remettre à la hadinah, dès que le droit revit pour elle ou pour tout autre de
ses parents ayant droit à la garde de l’enfant.
ART. 394. — Toute autre hadinah que la mère ne pourra, dans aucun cas,
s’éloigner avec l’enfant du lieu où demeure son père, sans l’autorisation de ce
dernier.
ART. 396. — Le père est obligé d’entretenir son fils majeur, lorsqu’il est
pauvre, perclus, ou atteint d’une infirmité, qui le met hors d’état de subvenir
à ses besoins par son travail.
Il est débiteur aussi envers sa fille majeure, pauvre et non mariée, quand
même elle n’aurait aucune infirmité.
Le fils majeur, pauvre, issu d’une noble famille, et qui ne peut pas être loué
pour gagner sa vie, doit être entretenu par son père.
ART. 397. — Le père seul est débiteur envers ses enfants sans ressources,
à moins qu’il ne soit lui-même pauvre, impotent ou atteint d’une infirmité qui
le met dans l’impossibilité de remplir ses obligations. Dans ce cas, il est
considéré comme mort et libéré de la dette alimentaire de ses enfants.
Les proches parents auxquels incombe l’obligation de nourrir les enfants
en cas de décès du père, seront tenus de leur fournir les aliments nécessaires.
ART. 398. — Le père pauvre et non atteint d’aucune infirmité, ne peut pas
être déchargé, à cause de sa pauvreté, de l’obligation d’entretenir ses enfants.
Il doit subvenir à leurs besoins par son travail.
S’il refuse de travailler, malgré la possibilité de le faire, il y sera contraint.
Il peut être condamné à l’emprisonnement, s’il n’acquitte pas sa dette envers
ses enfants.
Si le produit du travail du père ne suffit pas aux besoins de ses enfants, ou
si le travail manque, les proches parents aisés seront appelés à pourvoir aux
frais d’entretien pour les enfants.
ART. 399. — En cas de détresse du père, la mère doit, avant tout autre
parent, être chargée de pourvoir à l’existence de ses enfants sans ressources,
lorsqu’elle est aisée.
En présence d’une mère opulente, l’aïeul paternel n’est pas tenu de
contribuer à l’entretien de ses petits-enfants qui sont dans le besoin.
Si les époux et leurs enfants sont pauvres, les proches parents aisés seront
condamnés à pourvoir à la nourriture des enfants.
Les sommes avancées par les proches parents constituent une créance
payable par le père après l’amélioration de sa position de fortune, que ce soit
la mère ou tout autre parent qui ait fait ces avances.
Lorsque le père pauvre est perclus ou atteint d’une infirmité qui le rend
incapable de travailler, aucun des proches parents n’aura recours contre lui en
restitution des sommes avancées pour l’entretien de ses enfants.
ART. 404. — Le père peut louer la personne de son fils mineur, arrivé à
l’âge qui lui permet de se livrer à un travail rémunéré, ou lui faire apprendre
un métier qui puisse le mettre à même de gagner sa subsistance.
Le père pourra employer une partie du produit du travail de son fils à
pourvoir aux besoins de ce dernier, et conserver l’excédant pour le rendre à
l’enfant à sa majorité.
En cas d’insuffisance du gain de l’enfant, le père doit y parfaire sur ses
propres deniers.
La pension de la fille qui se suffit par le produit de son travail à la couture
ou au filage, est à sa charge. En cas d’insuffisance, le père doit y parfaire.
CHAPITRE III
De la pension due aux parents par leurs enfants
ART. 408. — L’enfant aisé, majeur ou mineur, de l’un ou de l’autre sexe,
doit seul la pension à ses parents, aïeux et aïeules sans ressources, musulmans
ou non-musulmans, soumis à la puissance musulmane, infirmes ou même
pouvant se livrer à un travail rémunéré.
ART. 414. — La pension due par les enfants aux parents sans ressources
n’est pas proportionnelle à leurs parts successibles.
Elle a pour base la qualité d’enfant et la proximité des degrés.
Ainsi, en cas de concours d’un fils et d’une fille, tous les deux en position
de servir la pension, celle-ci doit être fournie par les deux, chacun pour une
moitié.
De même, en cas de deux fils aisés, l’un musulman et l’autre chrétien ou
juif, chacun d’eux doit fournir la moitié de la pension.
En présence d’un fils et d’un petit-fils issu d’un fils, tous les deux en état
d’aisance, la dette est à la charge exclusive du fils.
Si le fils est absent et sans biens présents, le petit-fils sera contraint de
servir la pension, sauf recours contre le fils, s’il acquiert des ressources.
La fille possédant des ressources, doit supporter seule la charge de la
pension, malgré le concours d’un petit-fils également aisé.
Les petits-enfants de l’un ou de l’autre sexe et au même degré doivent
concourir, par parts égales, à l’entretien de leurs ascendants.
CHAPITRE IV
De la pension due aux parents zaouil-arham ou utérins
ART. 415. — La pension est due à tout parent avec lequel le mariage est
prohibé, quand il est sans ressources, et en besoin de recevoir la charité, par
son héritier présomptif, quoique mineyr, dans la proportion de sa part
successible.
Le parent peut être contraint au paiement de la pension, s’il refuse d’y
satisfaire tout en ayant les moyens.
La loi ne fait point de distinction entre les ayants-droit à la pension,
mineurs ou majeurs infirmes et hors d’état de se livrer à un travail rémunéré
ou appartenant au sexe féminin, quoique majeurs, jouissant de leur santé et
pouvant travailler, mais ne travaillant pas en fait.
ART. 417. — Le parent utérin, avec lequel le mariage n’est pas prohibé,
est déchargé de l’obligation à la pension par le concours d’un parent avec
lequel le mariage est prohibé.
En cas de concours de deux parents appartenant l’un au degré prohibé et
l’autre à un degré non prohibé, la charge de la pension incombe au premier et
non au second, quoique héritier présomptif.
Ainsi, si le parent pauvre a un oncle maternel et un cousin issu d’un oncle
paternel, frère germain du père de l’utérin, le cousin, quoique héritier, est
dégrevé de l’obligation à la pension, qui reste à la charge de l’oncle seul.
CHAPITRE V
De la puissance paternelle
ART. 420. — Le père exerce la puissance paternelle sur la personne et les
biens de ses enfants mineurs ou majeurs incapables, de l’un ou de l’autre
sexe, quand bien même les enfants mineurs se trouveraient confiés à la garde
de la mère ou des parents de celle-ci.
Le père a également autorité pour contraindre ses dits enfants au mariage.
ART. 423. — Est valable et ne peut être rescindée par l’enfant devenu
majeur toute vente, consentie par le père, d’un bien meuble ou immeuble de
l’enfant, ou toute location de ses biens, ou tout achat fait à son profit, à la
valeur réelle ou avec une lésion légère.
La vente ou la location d’un bien de l’enfant consentie par le père avec une
lésion grave est radicalement nulle et comme non avenue. Elle ne peut par
conséquent être ratifiée par l’enfant devenu majeur.
Tout achat fait par le père pour le compte de son fils avec une lésion grave
n’oblige que le père.
L’enfant devenu majeur peut annuler, avant l’expiration du terme, la
location valablement faite de sa personne par son père, s’il n’aime mieux
maintenir la location.
Il De peut, au contraire, faire annuler, avant l’expiration du terme, la
location faite de ses biens par son père.
ART. 425. — Si le père est prodigue des biens de ses enfants mineurs et
incapable de les conserver, le magistrat pourra nommer aux mineurs un
tuteur, à qui devront être confiés tous les biens de ces derniers.
ART. 426. — Le père peut valablement acheter pour son compte les biens
de ses enfants ou vendre à ces derniers ses propres biens.
S’il achète leurs biens, il ne peut être libéré du prix, que par le paiement
effectué entre les mains d’un tuteur judiciaire, lequel restituera le même prix
au père pour le conserver au nom du mineur.
Si le père vend son propre bien à son enfant, il ne sera pas présumé avoir
pris possession pour le mineur par le seul fait de l’acte.
La perte du bien vendu, arrivée avant la tradition réelle, est à la charge du
père et non de l’enfant.
ART. 428. — Le père ne peut prêter ni emprunter les biens de son enfant
mineur, ni les donner à titre gratuit, même contre compensation ; il peut en
faire l’objet d’un prêt à usage, si l’emprunteur est digne de confiance.
ART, 430. — Le père n’a point de recours contre son enfant mineur et
pauvre pour le prix des objets qu’il est tenu de lui fournir.
Il a, au contraire, recours contre lui pour les objets qu’il n’était pas tenu de
lui fournir, s’il a déclaré devant témoins qu’il en faisait la fourniture en vue
d’exercer son recours contre le fils.
ART. 431. — Le père, qui est décédé sans désigner les biens de son enfant,
n’en est point responsable.
Dans le cas où le père aura désigné avant sa mort les biens de son enfant,
celui-ci pourra, à la majorité, lui ou son tuteur, les réclamer, s’ils existent en
nature, ou leur valeur, s’ils n’existent plus.
ART. 432. — La déclaration du père appuyée par son serment fait foi
contre la demande en reddition des biens faite par l’enfant devenu majeur, si
le père affirme que ces biens ont péri ou qu’il les a employés aux frais
d’entretien coutumier de l’enfant mineur pendant un laps de temps qui admet
cet emploi.
DU TUTEUR TESTAMENTAIRE. DE
L’INTERDICTION. DE LA DONATION
ENTRE-VIFS ET DES LEGS
CHAPITRE PREMIER
Du tuteur testamentaire et de ses actes
SECTION. — Du tuteur
ART. 440. — La tutelle déférée par le testateur ne peut être restreinte à des
actes spécifiés. Même restreinte, la tutelle vaut comme générale.
Il en est de même si le défunt a chargé une personne de payer ses dettes, et
une autre de recouvrer ses créances : l’un et l’autre deviennent tuteurs
généraux.
ART. 443. — Le tuteur doit être musulman, libre, sain d’esprit, majeur,
digne de confiance et bon père de famille.
Si le testateur défère la tutelle à quiconque ne possède pas ces qualités, le
juge peut le destituer et le faire remplacer.
ART. 445. — Le tuteur choisi par le testateur ne peut être destitué par le
magistrat, s’il est honorable et en état de remplir les devoirs de la tutelle.
S’il n’est pas en état d’en remplir les devoirs, le juge lui adjoindra un
cotuteur.
S’il apparaît au magistrat que le tuteur est hors d’état de remplir les devoirs
de la tutelle, il le fait remplacer. Si le tuteur remplacé recouvre par la suite sa
capacité, le magistrat lui rendra sa qualité de tuteur.
Le tuteur n’est pas destituable sur une simple plainte d’un ou de plusieurs
héritiers. Il est destitué en cas d’abus de confiance constaté.
ART. 448. — Si de deux tuteurs choisis par le testateur, l’un seul accepte
la tutelle après le décès de celui-ci, le magistrat peut lui adjoindre un conseil
judiciaire ou le laisser agir seul.
Dans les cas où le magistrat adjoindra au tuteur choisi un conseil judiciaire,
la priorité pour la conservation des biens appartient au tuteur ; celui-ci ne
peut néanmoins faire aucun acte de disposition en dehors de l’intervention et
de l’avis du conseil.
ART. 449. — Letuteurnommé par le tuteur choisi par le défunt est tuteur
pour les deux successions, quand même il aurait été nommé. spécialement
pour la sucession du tuteur. Il en est de même du tuteur choisi par un tuteur
nommé par le magistrat, lorsque la tutelle est générale.
ART. 454. — L’aïeul paternel ou le tuteur choisi par lui ne peut aliéner
aucun meuble ou immeuble pour payer les dettes du défunt ou les legs.
L’un ou l’autre peut aliéner lesdits biens pour payer les dettes à la charge
des héritiers.
Les créanciers du défunt ou les légataires doivent porter leur action
pardevant le magistrat, qui fera vendre telle partie de la succession qui
permette de satisfaire leurs dettes.
ART. 455. — Le tuteur choisi par la mère ne peut aliéner aucun bien
acquis par le mineur autrement que par héritage de sa mère, soit meuble soit
immeuble, affecté ou libre de charges.
Il ne peut non plus aliéner les biens acquis par le mineur par voie
d’héritage de sa mère, si son père, son aïeul paternel ou, à leur défaut, le
tuteur choisi par eux se trouve présent.
Le tuteur choisi par la mère peut, au contraire, disposer des biens de la
succession de cette dernière, si le mineur n’a ni père, ni aïeul paternel, ni
tuteur choisi par eux. Il ne peut toutefois aliéner que les biens meubles, en
conserver le prix et en employer une partie à l’achat des objets nécessaires
aux pupilles, à moins qu’il n’y ait une dette ou un legs à la charge de la mère.
Dans ce cas le tuteur choisi par la mère, peut vendre ses biens meubles et
immeubles pour acquitter les dettes et les legs, comme le tuteur choisi par la
mère, ou toute autre personne ayant soin du mineur, ne peut aliéner les biens
immeubles de celui-ci, même en cas de concours des causes légales.
Il peut seulement aliéner une partie des meubles, dans la mesure du
nécessaire aux besoins du mineur, et acheter les choses indispensables.
ART. 456. — Le tuteur peut faire le commerce avec les deniers du mineur
pour le compte de ce dernier et dans le but de les faire fructifier. Il peut faire
tout ce qui tend au bien et au profit du mineur.
Le tuteur ne peut faire le commerce pour son propre compte avec les
deniers du mineur.
ART. 457. — Le tuteur peut, même avec une lésion légère, vendre les
biens meubles du mineur à un tiers, étranger à lui-même et au défunt, et
acheter les biens meubles ou immeubles de ce tiers pour le compte du
mineur.
Il ne peut rien vendre à quiconque ne peut témoigner pour lui, ni à un
héritier du défunt, si ce n’est avec un avantage réel pour le mineur.
Le tuteur nommé par le magistrat ne peut, dans aucun cas, vendre les biens
du mineur à ses ascendants ni à ses descendants, ni leur acheter rien pour le
compte du mineur.
ART. 458. — Le tuteur peut vendre à terme les biens du mineur, pourvu
que le terme ne soit pas exagéré, que l’acheteur soit solvable et ne présente
aucune crainte de retard ou de dénégation lors de l’échéance.
ART. 459. — Le tuteur choisi par le père peut vendre son propre bien au
mineur et acheter pour son propre compte le bien de ce dernier, pourvu qu’il
y ait dans l’opération un avantage réel au profit du mineur.
L’avantage est représenté, s’il s’agit d’immeubles, par le double de la
valeur, si le tuteur achète, et de la moitié de la valeur en moins, s’il vend au
mineur.
S’il s’agit de meubles, l’avantage est représenté par la moitié de la valeur
en sus, s’il achète, et le tiers en moins, s’il vend au mineur.
Le tuteur nommé par le magistrat ne peut acheter aucun bien appartenant
au mineur, ni vendre à celui-ci aucun de ses propres biens.
ART. 461. — Le tuteur peut se substituer un autre pour faire tous les actes
qu’il peut faire lui-même relativement aux biens du mineur.
La mort du tuteur ou du mineur met fin à la délégation.
ART. 466. — Le tuteur doit être raisonnable dans les frais d’entretien du
mineur, sans exiguïté ni prodigalité.
En cas d’insuffisance du montant fixé judiciairement pour l’entretien du
mineur, le tuteur peut y parfaire.
ART. 467. — Le tuteur qui aura, au moyen de ses propres deniers, pourvu
à l’entretien du mineur dénué de ressources, ou ayant des ressources non
disponibles, ne peut réclamer le remboursement de ses avances qu’autant
qu’il aura déclaré devant témoins qu’il le faisait dans l’intention d’en être
remboursé. Dans ce cas, il aura recours contre le mineur, à moins qu’il ne soit
un des parents redevables au mineur pauvre de la pension alimentaire.
ART. 468. — Le tuteur, qui paye une dette du défunt non appuyée par
témoins fournis par le réclamant, ni constatée par jugement ou reconnue par
les héritiers, est responsable d’un tel paiement, s’il n’a pas lui-même une
preuve constatant la dette, et si les héritiers jurent qu’ils n’avaient aucune
connaissance de la dette.
ART. 469. — Si le tuteur est dans le besoin, il lui est dû un salaire égal au
salaire coutumier, pour ses peines, autrement aucun salaire ne lui est dû.
ART. 471. — Si le tuteur meurt sans désigner les biens de son pupille, sa
succession n’est pas responsable.
Dans les cas contraires, le pupille devenu majeur, aura le droit de réclamer
ses biens, s’ils existent en nature, ou de se faire payer la valeur par la
succession du tuteur, s’ils ont été consommés.
ART. 472. — Le serment du tuteur fait foi en ce qui concerne tous les
actes qui rentrent dans ses attributions légales de tuteur.
ART. 473. — Le serment du tuteur ne fait pas foi en ce qui concerne les
actes qui ne rentrent pas dans ses attributions légales. Il doit prouver ses dires
par témoins.
ART. 479. — Le tuteur, qui remet les biens au mineur devenu majeur,
mais mauvais administrateur, tout en connaissant cette circonstance, est
responsable des biens ainsi remis.
Il en est de même, en cas de remise des biens au mineur qui avant l’Age de
majorité, était connu pour sa mauvaise administration, et qui aura atteint l’âge
de puberté sans présenter aucun indice de capacité.
CHAPITRE II
De l’interdiction, de l’adolescence et de la majorité
SECTION I. — De l’interdiction
ART. 483. — Sont nuls tous les actes civils du mineur, qui n’a pas atteint
l’âge de raison, ou de l’aliéné, qui n’a pas d’intervalles lucides.
Sont, au contraire, valables les actes civils faits par un aliéné pendant ses
intervalles lucides.
ART. 484. — Les actes civils faits par un mineur à l’âge de raison, ou par
un majeur atteint de démence sont radicalement nuls, s’ils sont préjudiciables
au mineur ou à l’aliéné, et quoiqu’ils soient approuvés par le tuteur naturel ou
constitué.
ART. 485. — Sont valables les actes faits par ledit mineur à l’âge de raison
ou par l’aliéné, s’ils sont purement profitables à ces derniers, et bien qu’ils ne
soient pas approuvés par le tuteur.
ART. 486. — Les actes civils faits par un mineur à l’âge de raison, ou par
un majeur en état de démence, et qui peuvent leur être profitables ou
préjudiciables, (sont subordonnés à la ratification du tuteur, en tant que l’acte
puisse être validé par cette ratification.
A défaut de ratification par le tuteur, ou s’il s’agit d’un acte qui ne peut
être validé par la ratification, l’acte sera frappé de nullité radicale.
ART. 494. — L’âge de raison est fixé pour l’enfant de l’un ou de l’autre
sexe à sept ans au moins ; à cet âge la hadanah cesse pour l’enfant mâle et il
est retiré à sa hadinah.
L’âge d’adolescence est fixé à douze ans pour l’enfant mâle.
La fille est adolescente à l’âge de neuf ans accomplis et la hadanah cesse
pour elle à cet âge.
CHAPITRE III
Des donations entre-vifs
ART. 501. — Pour faire une donation valable, il faut être libre, majeur,
sain d’esprit et propriétaire du bien donné.
ART. 502. — La propriété du bien donné ne se transfère au donataire que
par la tradition réelle et entière.
Si le bien se trouve entre les mains du donataire, la propriété lui en est
transférée par le seul fait de l’acte, sans qu’il y ait besoin d’une nouvelle
tradition, pourvu qu’il ait accepté la donation.
ART. 504. — La donation peut avoir pour objet l’usufruit d’un bien au
profit du donataire durant sa vie, à la charge de le rendre au donateur ou à ses
héritiers, si le donataire est prédécédé.
La donation mortis causa est de nul effet. Les choses ainsi données
appartiennent aux héritiers du donateur et peuvent être laissées au donataire à
titre de prêt à usage.
ART. 505. — La donation d’un bien indivis, non partageable par nature,
transfère la propriété par la tradition, pourvu que la part indivise soit connue
et déterminée.
Est réputé impartageable tout bien, qui n’admet pas la division, ou que la
division rendrait impropre à tout usage, ou impropre à l’usage auquel il était
destiné avant la division.
ART. 508. — Tout ce qui est réputé n’avoir pas une existence individuelle,
ne peut faire l’objet d’une donation valable, tels que la farine dans le blé,
l’huile dans le sésame, le beurre dans le lait, etc.
ART. 511. — Est nul tout don de créance au profit d’une personne autre
que le débiteur, sauf le cas de cession de la créance ou d’une disposition
testamentaire, ou le cas de pouvoirs donnés au donataire pour recevoir du
débiteur, à titre de mandataire du donateur et de recouvrement effectif.
ART. 520. — Est irrévocable toute donation faite en faveur d’un parent au
degré prohibé, même chrétien ou juif, soumis à la puissance musulmane, ou
non soumis, demeurant ou non demeurant dans les pays musulmans.
La donation à un parent au degré non prohibé ou à une personne prohibée
par suite d’alliance est irrévocable.
ART. 524. — Si la chose donnée périt entre les mains du donataire après la
demande en revendication, et que le donataire soit condamné à la restitution,
il n’aura aucun recours contre le donateur.
ART. 525. — Le père ne peut, dans aucun cas, payer une compensation sur
les biens de son enfant mineur et donataire.
CHAPITRE IV
Des dispositions testamentaires
ART. 531. — Pour faire un testament il faut être libre, majeur, sain d’esprit
et jouissant de son libre arbitre.
Il faut en outre que le légataire soit réellement vivant ou au moins conçu et
la chose léguée susceptible d’être transférée après la mort du testateur.
Est nul tout testament fait par le fou, le mineur même adolescent ou
émancipé, soit purement et simplement, soit sous condition suspensive
dépendant de la majorité.
Sont au contraire valables les dispositions de dernière volonté du mineur
relativement à ses funérailles et enterrement.
ART. 533. — On peut disposer par testament tant de ses biens meubles que
de ses immeubles, ou de l’usufruit de ces biens pour un temps déterminé ou à
perpétuité.
ART. 534. — Toute personne non grevée de dettes absorbant ses biens, et
qui n’a point d’héritiers, peut disposer par testament de tout ou de partie de
ses biens en faveur de toute personne.
Le testament est exécutoire indépendamment du consentement du fisc.
ART. 540. — On peut disposer au profit d’un enfant conçu, pourvu qu’il
naisse vivant avant l’expiration de six mois, si le mari de la femme enceinte
est vivant, ou avant l’expiration de deux ans, à compter du jour du décès du
mari ou de la répudiation, si la mère est séparée de son mari par sa mort ou
par une répudiation parfaitement ou imparfaitement irrévocable, existant au
moment du testament.
Si la mère met au monde deux jumeaux vivants, ils se partagent le legs par
moitié.
Si l’un des jumeaux décède après la naissance, sa part se partage à titre de
succession entre ses héritiers. Si l’un d’eux décède avant la naissance, tout le
legs revient au survivant.
ART. 543. — Le legs n’est acquis que par l’acceptation formelle ou tacite,
arrivée après le décès du testateur. L’acceptation faite pendant son vivant est
nulle.
Par le fait seul que le légataire a accepté le legs après le décès du testateur,
la propriété lui en est acquise, indépendammentde toute prise de possession
Si le légataire n’accepte ni répudie le legs, la chose léguée reste en
suspens, n’appartenant ni aux héritiers ni au légataire, jusqu’à ce qu’il se
prononce par l’acceptation ou la répudiation, ou qu’il meure.
Si le légataire décède après le testateur sans se prononcer, le legs sera
acquis à ses héritiers.
ART. 556. — En cas de legs des produits d’une terre, le légataire aura droit
à la récolte pendante par racine au moment du décès du testateur, et aux
récoltes que la terre produira par la suite, soit que le legs ait été constitué à
perpétuité ou qu’il l’ait été sans détermination de temps.
ART. 561. — Les dispositions à titre gratuit consenties par un malade, soit
par voie de wakf, ou par donations entre-vifs, ou par voie de cautionnement,
ou de mohabah (avantage motivé par l’intérêt ou par des égards personnels),
à l’occasion d’un bail consenti ou accepté par le malade, d’une dot constituée
par lui, d’une vente ou d’un achat, ou de tous autres actes civils, sont
assimilées aux dispositions testamentaires et, partant, exécutoires sur le tiers
du patrimoine.
Les dispositions faites pendant une maladie, dont le disposant est guéri,
sont considérées comme étant faites pendant un moment de parfaite santé.
ART. 564. — Est nulle, à moins d’être confirmée par les autres héritiers, la
déclaration faite par le malade en reconnaissance d’une dette ou d’un corps
certain au profit d’un héritier, ou en reconnaissance du paiement fait par
l’héritier ou par sa caution, d’une dette qu’il devait au malade.
Est au contraire valable la déclaration faite par le malade d’avoir usé un
dépôt certain qui lui était confié par l’héritier, ou d’avoir reçu le dépôt qu’il
avait confié à l’héritier, ou d’avoir reçu une créance recouvrée par l’héritier
par voie de mandat.
ART. 576. — L’absent est réputé vivant à l’égard des actes, qui lui seraient
préjudiciables, et qui sont subordonnés à la preuve de sa mort.
Ainsi, sa [femme ne peut convoler en secondes noces, ses héritiers ne
peuvent se partager sa succession, les baux passés par lui ne sont pas résolus.
Le magistrat ne peut, avant la constatation de l’existence ou du décès de
l’absent, déclarer le mariage dissous, même après l’expiration de quatre ans
depuis l’absence.
DES SUCCESSIONS
CHAPITRE I
Dispositions préliminaires
ART. 585. — Est incapable d’hériter tout individu dont la condition n’est
pas libre de quelque manière que ce soit.
ART. 586. — Est indigne d’hériter tout individu qui aura attenté à la vie de
son auteur volontairement, avec ou sans préméditation, ou involontairement.
Ne sont pas indignes d’hériter :
Celui qui aura exercé à l’égard de son auteur le droit du talion ou du had ;
Celui qui l’aura tué en cas de légitime défense ;
Celui qui n’a été qu’une cause indirecte de la mort de son auteur ;
Le meurtrier mineur, ou frappé d’aliénation mentale.
ART. 588. — Un hostis établi dans les terres musulmanes, est incapable
d’hériter de son parent zimmi ou placé sous la puissance musulmane.
Il en est de même d’un hostis établi hors les territoires musulmans vis-à-vis
d’un hostis qui y est établi.
Les biens appartenant à un hostis établi dans les terres musulmanes seront
conservés pour ses héritiers résidant en pays étrangers.
CHAPITRE III
ART. 589. — L’hérédité est dévolue ou par droit légitimaire ou par droit
universel.
Les parts légitimes auxquelles les héritiers peuvent avoir droit, sont :
La moitié, le quart, le huitième, les deux tiers, le tiers et la sixième partie
de la succession.
Les ayants-droit à la part légitima sont :
Le père, l’aïeul paternel, de quelque degré qu’il soit, le frère utérin, le mari,
l’épouse, la fille, la sœur germaine, la nièce issue du fils1, de quelque degré
qu’elle soit, la sœur consanguine, la sœur utérine, la mère, et l’aïeule
paternelle2.
ART. 590. — La moitié est attribuée à cinq héritiers, savoir :
1° Le mari, en cas de décès de la femme sans enfants ou petits-enfants
issus du fils ;
2° La fille unique issue de l’auteur même (Bent-el-soulb) ;
3° La fille du fils, lorsqu’il n’y a pas de fille héritière directe ;
4° La sœur germaine, lorsqu’elle est seule ;
5° La sœur consanguine, lorsqu’elle est seule.
1 Il y a là une erreur du texte qui doit être ainsi rétabli : « la fille issue du
fils. »
2 Il faut ajouter l’aïeule maternelle (voir art. 607).
CHAPITRE IV
ART. 596. — Trois cas de concours des héritiers légitimaires avec d’autres
héritiers se présentent pour le père :
1° Lorsqu’il y a un fils ou petit-fils du défunt, le père n’aura que le sixième
comme part légitime ;
2° Lorsqu’il y a une fille directe ou une petite-fille issue du fils, le père
aura, outre le sixième, le reste de la succession, après prélèvement des parts
des concurrentes ;
3° A défaut de tout enfant, le père du défunt aura toute la succession en
qualité d’héritier légitimaire et universel, après le prélèvement de la légitime
de la veuve, s’il y en a.
ART. 597. — L’aïeul paternel a les mêmes droits que le père, à défaut de
ce dernier, sauf les exceptions suivantes :
1° La mère du père du défunt est exclue vis-à-vis du père, mais elle hérite
avec le grand-père ;
2° Si le défunt a laissé pour héritiers le père, la mère et un conjoint, la mère
prend le tiers de ce qui reste, après prélèvement de la part du conjoint ; si, au
contraire, il a laissé le grand-père au lieu du père, la mère du défunt prend le
tiers de toute la succession ;
3° Le père du patron, en présence de son fils, prend, à l’exclusion du
grand-père, le sixième des biens laissés par l’affranchi.
En présence du père, les frères germains ou consanguins, et le grand-père
sont exclus de l’héritage ; mais les frères héritent en présence de l’aïeul
paternel
ART. 598. — Les droits des frères ou sœurs utérins à la succession sont de
trois espèces :
1° Un frère ou une sœur utérine a droit au sixième ;
2° S’il y a plusieurs frères ou sœurs utérins, ils prennent le tiers qui se
partage en proportions égales ;
3° Ils sont exclus par les fils ou les petits-fils, par les filles ou les petites-
filles issus du fils, ainsi que par le père et le grand-père paternel.
ART. 599. — Le mari reçoit la moitié, s’il n’y a pas de fils de la défunte
ou de petits-fils. Dans tout autre cas, il reçoit le quart.
ART. 601. — Trois cas peuvent se présenter pour les filles héritières
directes :
1° Si la fille est seule, elle prend la moitié ;
2° Si elles sont plusieurs, elles prennent les deux tiers, qu’elles se partagent
également entr’elles ;
3° En cas de concurrence d’un fils et d’une fille directs, le fils prend une
part double de celle que prend la fille.
Les filles deviennent héritières universelles par la concurrence du fils.
ART. 602. — Les filles du fils sont comme les filles directes. Six cas se
présentent à leur égard :
1° Quand il n’y en a qu’une seule, elle a droit à la moitié ;
2° Quand elles sont plusieurs, elles prennent les deux tiers ;
3° Elles ont le sixième, si elles sont en concurrence avec une fille directe ;
4° Elles sont exclues, lorsqu’il y a deux filles directes ;
3° Lorsqu’elles se trouvent avec un petit-fils de degré égal ou inférieur à
leur degré, auquel cas elles deviennent héritières universelles par la
concurrence de ce petit-fils, qui prend toujours une part double de celle de
chacune des filles ;
6° Elles sont exclues complètement par la concurrence d’un fils direct du
défunt.
ART. 604. — Les sœurs consanguines sont comme les sœurs germaines ;
elles succèdent de la manière suivante :
S’il n’y en a qu’une seule, elle prend la moitié ;
S’il y en a deux ou plusieurs et qu’il n’y ait pas de sœurs germaines, elles
prennent les deux tiers ;
Elles ont le sixième, quand elles sont en concurrence avec une seule sœur
germaine ;
Elles sont exclues par la concurrence de deux sœurs germaines, à moins
qu’il n’y ait un frère consanguin, qui les fasse passer au rang d’héritières
universelles ;
Elles prennent le sixième, quand elles sont en concurrence avec une fille
directe ou avec une fille du fils.
ART. 605. — Les frères et sœurs germains et consanguins sont exclus par
le fils ou le petit-fils, quel qu’en soit le degré, et par le père.
Les frères et sœurs consanguins sont exclus par le frère germain et par la
sœur germaine, quand elle est en concurrence avec une fille directe ou avec
une fille du fils.
ART. 608. — L’héritier universel est toute personne qui hérite, si elle est
seule, de la totalité de la succession, ou de ce qui reste après le prélèvement
des légitimes en cas de concours des légitimaires.
Il y a deux sortes d’héritiers universels : l’héritier universel paternel et
l’héritier universel par voie de patronage.
Les héritiers universels paternels se divisent en trois classes, savoir :
1° L’héritier universel par lui-même ;
2° L’héritier universel par un autre ;
3° L’héritier universel avec un autre ;
SECTION I. — Des héritiers universels par eux-mêmes
ART. 609. — L’héritier universel par lui-même est toute personne qui n’a
pas besoin de la concurrence d’un autre, et dont le lien avec le défunt ne
comprend pas de femmes.
Cette classe d’héritiers se subdivise en quatre catégories, selon l’ordre de
préférence suivant :
1° Le fils du défunt, le fils du fils et ainsi de suite, sur l’échelle
descendante.
Ainsi, si un individu meurt en laissant un fils unique, ce fils prend tous les
biens à titre d’héritier universel ;
2° A défaut de fils ou de descendants du fils, le père, l’aïeul paternel, à
défaut de père ; et ainsi de suite par l’échelle ascendante. Si un individu
meurt en laissant pour héritier le père ou un aïeul paternel et un fils, le
sixième de la succession échoit comme part légitime au père ou à l’aïeul
paternel, et le reste au fils à titre d’héritier universel ;
3° Les frères germains, les frères consanguins, les descendants mâles des
frères germains, et ceux des frères consanguins, s’il n’y a pas de père ou
d’aïeul paternel.
Lorsque le défunt laisse pour héritier le père ou l’aïeul paternel avec un
frère germain ou consanguin, le père ou l’aïeul reçoit toute la succession, à
titre d’héritier universel, le père ou le grand-père ayant la priorité, à défaut de
fils.
En cas de concours à la succession d’un frère et d’un fils d’un frère, le
premier prend tout l’héritage ;
4° L’oncle germain, l’oncle consanguin, les fils de l’oncle germain, ceux
de l’oncle consanguin, à défaut de frère germain ou consanguin, ou de son
fils.
Si le défunt laisse un oncle germain ou consanguin, et un frère germain ou
consanguin, l’héritage échoit au frère germain par préférence.
Si un oncle germain ou consanguin est en concurrence avec un cousin
l’héritage est dévolu à l’oncle.
Ensuite vient l’oncle germain du père du défunt, l’oncle consanguin de ce
père, les fils de l’oncle germain, et ceux de l’oncle consanguin, à quelque
degré qu’ils soient, à défaut de l’oncle germain ou de ses enfants.
L’oncle germain de l’aïeul paternel passe avant l’oncle consanguin de
l’aïeul.
Les fils de l’oncle paternel germain ont la priorité sur les fils de l’oncle
paternel consanguin, s’il n’y a pas d’aïeul, et ainsi à l’infini.
ART. 612. — La femme, qui n’a pas une part légitime, et qui concourt
avec un frère acëb, ne devient point, par celte concurrence, héritière
universelle.
Ainsi la sœur d’un oncle germain n’hérite pas avec lui.
La même disposition s’applique à l’égard du fils d’un oncle consanguin en
concurrence, avec une fille issue d’un oncle consanguin et à l’égard du neveu
consanguin, en présence d’une nièce consanguine.
SECTION III. — Des héritiers universels avec un autre parent
ART. 613. — Deux sœurs du défunt, dont l’une est germaine et l’autre
consanguine, deviennent chacune héritière universelle, quand elles sont en
concurrence avec la fille ou les filles directes du défunt ou avec une ou
plusieurs filles de son fils.
ART. 614. — La différence entre les héritiers universels par un autre et les
héritiers universels avec un autre consiste en ce que l’acëb héritier universel
par un autre peut devenir seul héritier universel, tandis que l’héritier universel
avec un autre ne peut le devenir seul.
SECTION IV. — Des droits du patron sur la succession de
l’affranchi
ART. 615. — Lorsqu’il n’y a pas d’héritiers légitimaires, ni universels
pour la succession de l’affranchi, le patron passe à titre d’héritier universel de
ladite succession avant les proches parents Zaouil-Arham. de l’affranchi et
avant les héritiers ayant droit à l’excédant sur la succession de son affranchi,
bien que le patron ait renoncé à son droit de tutelle.
Si le patron n’existe pas, les successibles qui viennent les premiers à la
succession d’un affranchi, sont les héritiers universels mâles par parenté
directe, selon l’ordre établi à l’égard de l’héritier universel acëb par lui-
même.
Pourtant, le fils du patron est appelé, à défaut de ce dernier, à la succession
de l’affranchi décédé sans héritiers ; le fils du fils vient à défaut de ce dernier,
et ainsi de suite.
Vient ensuite le père ou grand-père du patron à quelque degré qu’il soit, et
ainsi de suite, à l’exclusion des héritiers universels par ou avec un autre.
Tout individu de condition serve devient libre par la seule acquisition de sa
personne par son parent et sera placé sous son patronage. En cas de décès
sans héritier la succession de cet individu revient au patron et à son défaut, à
ses héritiers mâles.
ART. 616. — La femme n’a le droit d’hériter des biens d’un affranchi, que
si elle l’a elle-même affranchi, ou si elle a acquis le droit de patronage sur les
individus affranchis par son affranchi, ou sur ceux que les descendants de ces
affranchis ont affranchis, et ainsi de suite.
Lorsqu’un affranchi est mort sans autres héritiers que l’affranchissante, le
droit de succéder appartient à celle-ci et à ses héritiers légitimaires ou
universels mâles, selon l’ordre établi pour le patronage.
CHAPITRE VI
De l’exclusion de l’héritage
ART. 617. — L’exclusion est l’état d’un héritier privé du droit de succéder
en tout ou en partie par la présence d’un autre héritier.
L’exclusion est de deux sortes la première consiste en ce que l’héritier
passe d’un droit supérieur à un droit inférieur.
Telle est la réduction au quart de la moitié due au mari, si l’épouse laisse
un enfant ; la réduction au huitième, du quart attribué à l’épouse, si le mari a
laissé des enfants ; la réduction au sixième, par la concurrence d’un fils, de la
totalité due au père du défunt, ou du tiers dû à sa mère.
La seconde consiste en ce que l’héritier est complètement privé du droit de
succéder.
Ainsi, le fils d’un frère est exclu complètement par la présence d’un frère
du défunt.
ART. 620. — Le fils exclut le fils du fils, et tout fils du fils d’un degré
inférieur est exclu par le fils du fils d’un degré supérieur.
Les frères et sœurs germains et consanguins, sont exclus par le père ou le
grand-père paternel et par le fils et le fils du fils à quelque degré qu’il
appartienne.
ART. 621. — Le frère consanguin est exclu par le père, le fils, le fils du
fils, le frère germain et la sœur germaine, lorsqu’elle se trouve acëb avec un
autre héritier universel.
ART. 622. — Le fils d’un frère germain est exclu par sept héritiers : le
père, l’aïeul paternel, le fils, le fils du fils, le frère germain, le frère
consanguin, la sœur germaine si elle se trouve acëb avec un héritier
universel.
ART. 623. — Le fils d’un frère consanguin est exclu par les sept héritiers
désignés dans l’article précédent et par le fils d’un frère germain.
ART. 624. — Les frères utérins sont exclus par six personnes : le père,
l’aïeul paternel, le fils, le fils du fils, la fille directe et la fille du fils.
ART. 625. — L’oncle germain est exclu par neuf parents : le père, l’aïeul
paternel, le fils, le fils du fils, le frère germain, le frère consanguin, la sœur
germaine, la sœur consanguine, lorsque les sœurs ont avec elles un autre
parent héritier universel, et le fils d’un frère germain ou consanguin.
ART. 626. — Le fils de l’oncle germain est exclu par les héritiers
énumérés dans les deux articles précédents, et par l’oncle germain ; quant au
fils de l’oncle consanguin, il est exclu par les mêmes parents et par le fils de
l’oncle germain.
ART. 627. — Les filles du fils, quel que soit leur degré, sont exclues
lorsque deux ou plusieurs filles directes reçoivent les deux tiers de la
succession, à moins que les dites filles du fils ne se trouvent avec un fils d’un
fils du même degré qu’elles, ou d’un degré inférieur ; auquel cas, le fils du
fils les rend héritières universelles de manière à participer avec les filles
directes, en excluant toute fille appartenant à un degré inférieur à celui du dit
fils issu du fils.
ART. 628. — Dans le cas où les sœurs germaines prennent pour part les
deux tiers de la succession, rien n’est dû aux sœurs consanguines, à moins
qu’elles ne se trouvent avec un frère consanguin, qui leur donne qualité
d’héritières universelles.
ART. 629. — La sœur germaine, à laquelle revient la moitié de la
succession, comme part légitime, n’exclut pas les sœurs consanguines,
lesquelles ont droit au sixième.
ART. 632. — La part qui revient à l’absent dont l’existence ou la mort est
ignorée doit être mise en réserve.
Si l’absent exclut complètement les cohéritiers présents, le partage de la
succession sera ajourné.
Dans le cas où il ne les exclut que partiellement, il sera accordé à chacun
d’eux la moindre part qui lui reviendrait de la succession.
En cas de jugement déclaratif du décès de l’absent, par suite de la
disparition de ses contemporains, tous ses biens reviennent à ses héritiers
survivants, ceux des héritiers qui ont décédé antérieurement au jugement,
n’auront rien dans la succession, ainsi qu’il a été expliqué à l’art. 577.
ART. 641. — Dans la troisième classe figurent les descendants des frères
et des sœurs du défunt, tant germains que consanguins ou utérins, à quelque
degré qu’ils appartiennent.
ART. 2. — L’héritier à l’un des degrés établis plus haut exclut tous les
héritiers appartenant aux degrés subséquents. Par exemple, les petits-enfants
ne pourront hériter des biens moussakafat et moustaghellat s’il existe des
enfants, et le père et la mère seront également exclus de l’hérédité par les
petits-enfants existants, et ainsi de suite.
Toutefois, les enfants des fils et filles prédécédés se trouvant au lieu et
place desdits fils et filles hériteront, par droit de représentation, de la part
revenant de leurs père et mère prédécédés, dans la succession de leur grand-
père et leur grand’-mère. Seulement l’époux survivant, ou l’épouse
survivante, aura droit à une part d’héritage sur les biens transmis par
succession aux héritiers de tous les degrés, à partir du 3e degré (succession
des père et mère), inclusivement jusqu’au 6e degré (succession des frères
utérins et des soeurs utérines) inclusivement.
ART. 7. — La présen te loi n’est applicable qu’aux wakoufs fondés par les
Sultans ou les membres de la famille Impériale et à tous les wakoufs qui, par
l’extinction des descendants de leurs fondataires, sont administrés par l’Elat
et dont la disposition appartient à Sa Majesté le Sultan, représenté en cette
matière par le Metoualli (administrateur des wakoufs). Cependant les
particuliers fondateurs des wakoufs et jouissant de la capacité légale pour
modifier les conditions de la fondation sont également autorisés à le faire
conformément à la présente loi.
ART. 8. — Les biens moussakafat et moustaghellat dont le sol est possédé
sous forme de moukataa et sur lesquels sont élevées des constructions moulk,
resteront soumis aux règles qui leur sont actuellement applicables.
Le droit de moukataa perçu sur l’achat, la vente et la transmission par voie
héréditaire des immeubles moussakafatet moustaghellat sera augmenté dans
une juste mesure.
ART. 2. — L’héritier appartenant à l’un des sept degrés spécifiés plus haut
exclut tous les héritiers des degrés inférieurs. Par exemple, les petits-enfants
ne pourront hériter s’il existe des enfants ; le père et la mère seront également
exclus de l’hérédité par les petits-enfants existants.
Toutefois, les enfants des fils et filles prédécédés se substituant aux fils et
aux filles, hériteront par droit de représentation, la part revenant à leurs père
et mère prédécédés, dans la succession de leur grand-père et de leur
grand’mère.
Ainsi la part qui serait échue à un enfant prédécédé de la succession de son
père ou de sa mère, en supposant qu’il fût encore en vie, sera dévolue par
portions égales à ses enfants de l’un ou de l’autre sexe, et en totalité à son
enfant unique.
En outre, l’époux survivant, ou l’épouse survivante, aura droit à un quart
de l’héritage sur les biens wakoufs moussakafat et moustaghellat, transmis
par succession aux héritiers des quatre degrés à partir de la succession des
père et mère inclusivement jusqu’à la succession des frères utérins et des
sœurs utérines inclusivement. A défaut des frères utérins et des sœurs
utérines appartenant au sixième degré d’hérédité, les biens moussakafat et
moustaghellat seront dévolus en totalité à l’époux survivant ou à l’épouse
survivante. A défaut de ceux-ci, les dits immeubles reviendront à l’État
(makhloul).
ART. 6. — Le quart du droit perçu des frais des transmissions des biens
wakoufs mouskafat et moustaghellat aux héritiers du premier degré, revient,
comme par le passé, aux katibs du wakouf et aux gabis (employés des wakfs
ou fondations pieuses). A l’exception du premier degré, les droits de
transmission perçus des héritiers des degrés subséquents seront versés au
Trésor impérial pour être intégralement portés au crédit du wakouf.
ART. 13. — La loi relative à l’extension du droit d’hérédité sur les biens
moussakafat et moustaghellat promulguée le 17 moharrem 1284 (21 mai
1867), ain si que le règlement publié le 2 zilkadé 1285, concernant la mise à
exécution, de la loi précitée, sont abrogés par la présente loi qui entre en
vigueur à partir de la date de sa promulgation.
Les anciennes redevances sont et restent abolies à partir de la fin du mois
de février 1290 (février 1874), et les nouvelles redevances de 1 pour 1000
seront perçues à partir du 1er mars 1291 (mars 1875).
DÉCRETS ET DÉLIBÉRATIONS
Les terres kharadjis peuvent être l’objet d’un legs, mais elles ne peuvent
être constituées en wakf, cette constitution dépendant de la volonté khédiviale
seule.
Tout individu qui désirerait constituer en wakf tout ou partie de ses biens
ou en disposer par testament, doit se présenter devant la moudirieh, où se
trouvent les immeubles qu’il possède, et lui adresser une demande à cet effet,
qui sera confirmée par une déclaration consignée dans le livre tenu à la
moudirieh, et destiné à l’enregistrement des actes de vente ou de cession des
terres ouchoury ou kharadjis.
La confirmation de ladite demande aura lieu en présence du moudir ou du
sous-moudir, du kadi de la moudirieh et de qui de droit et sera cachetée par
tous.
La moudirieh demandera ensuite des renseignements, à l’effet de constater
si le susdit individu a la propriété de ce qu’il désire constituer en wakf, ou en
faire l’objet du legs ; dans les cas où la légitime propriété du bien serait
reconnue audit déclarant, le hodjeh de wakf ou de testament légal sera, à
moins d’empêchement, passé dans les formes requises.
Si l’individu qui désire constituer en wakf ou disposer par testament réside
au Caire ou à Alexandrie, ou dans une moudirieh autre que celle où se
trouvent situés les biens qu’il entend léguer, et qu’il lui soit impossible de se
rendre à cette dernière moudirieh, il s’adressera à la moudirieh la plus proche
du lieu de sa résidence, et là sa déclaration sera consignée dans le livre qui y
est tenu et une copie en sera transmise à la moudirieh où se trouvent les
immeubles, pour qu’il y soit procédé conformément à ce qui a été énoncé.
En cas où la personne qui, n’ayant pas des terres, posséderait d’autres
biens immeubles qu’elle désire constituer en wakf ou léguer en tout ou en
partie, si ces immeubles se trouvent au Caire ou dans une ville de port qui ne
relève d’aucune moudirieh, la demande sera adressée au gouverneur du lieu
où se trouvent situés les immeubles. Le gouverneur, après avoir pris
connaissance de l’objet de la demande, prendra les mesures nécessaires pour
faire dresser l’acte de wakf ou le testament et faire enregistrer ce qu’il jugera
à propos pour plus de sécurité en présence du kadi et de qui de droit.
Les femmes qui désireraient constituer en wakf ou léguer une partie des
immeubles qu’elles possèdent dans une moudirieh quelconque, aussi bien que
les hommes hors d’état de se présenter devant l’autorité à qui la demande doit
être adressée, pourront s’adresser au gouverneur de la ville où ils ont leur
résidence, lequel gouverneur donnera suite à la demande qui lui sera adressée
en adoptant la mesure qu’il croira la plus régulière et plus sûre.
On peut constituer en wakf toutes plantations ou constructions ou sakias
(Norias), existant dans les terres kharadjis conformément à l’article 11 dé la
loi sur la propriété territoriale, tout en ayant soin de ne pas comprendre les
terres kharadjis dans le wakf, en conformité du décret émané le 12 Chaaban
1282.
ART. 15. — Eu cas de contestation entre les ayants-droit sur leurs quotes-
parts dans un wakf dont l’origine est établie et non contestée par eux, il en
sera référé aux dispositions prescrites par le titre constitutif de ce wakf
dûment transcrit sur le registre du Mehkémé et faisant pleine foi en justice, ou
à ce même registre en cas de perte dudit titre et ce, dans le cas où à la suite de
l’ancienneté du wakf ou de la mort des témoins instrumentaires de ce wakf, la
preuve testimoniale deviendrait impossible, mais en cas de perte du registre
précité il en sera référé aux opérations des anciens gérants et aux usages par
eux suivis.
ART. 16. — Est irrecevable toute contestation relative au changement
légalement apporté à une constitution de wakf en conformité des conditions
prescrites par le constituant et reconnues par le contestant lorsque ce
changement est constaté par un hodjet régulièrement transcrit sur le registre
du Mehkémé et faisant pleine foi en justice. Ce hodjet sortira son plein et’
entier effet et en cas de perte de ce titre, la transcription qui en aura été faite
sur le registre du Mehkémé en tiendra lieu.
ART. 36. — Les Kadis et leurs suppléants et tous les autres employés des
Mehkémés ne pourront être mandataires pour plaider ou présenter la défense
des parties dans les procès portés devant les Mehkémés auxquels ils sont
attachés.
Toutefois les Kadis ou leurs suppléants ont le droit, en se conformant aux
dispositions de la Charïa, d’autoriser un employé à se constituer partie en
cause soit pour défendre les intérêts d’un mineur dépourvu de tuteur contre
un tiers ou contre son tuteur même, soit dans une contestation concernant un
wakf, etc.
ART. 66. — A moins d’une autorisation écrite du ministère des wakfs, les
Mehkémés ne peuvent, pour les wakfs Ahli ou Khayri, décider la nomination
de nazirs non prévus par le constituant, même ceux qui viennent par voie de
substitution.
ART. 81. — Tous les hodjets à délivrer par les Mehkémés et dont l’objet
ne comporte pas une contrevaleur tel que la constitution de wakfs, la
dévolution d’héritage (Eloula) seront dressés sur du papier timbré de la valeur
qui serait en rapport avec l’estimation de l’objet à dire d’expert. Il sera fait
mention de cette estimation à la fin des hodjets.
collection19@bnf.fr
ooo0ooo
Collection XIX est une marque déposée de BnF-Partenariats, filiale de la
Bibliothèque nationale de France.
Cet ebook est issu d'une édition conservée par la Bibliothèque nationale de
France.