Synthese Corrigee Des Travaux Melanges SOSSA

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Université d’Abomey-Calavi

Faculté de Droit et de Sciences politiques


Centre de Recherche et d’Etudes en Droit et Institutions Judiciaires en Afrique (CREDIJ)

Colloque scientifique en prélude de la remise des Mélanges en l’honneur du


Professeur C. Dorothé SOSSA

Faculté des Sciences de la Santé, Cotonou


le 2 novembre 2021

Droit et investissement en Afrique

SYNTHESE DES TRAVAUX

Par

Moktar ADAMOU

Agrégé des facultés de droit


Enseignant - Doyen de la Faculté de droit
et de science politique de l’Université de Parakou
CENTRE DE RECHERCHES ET D’ÉTUDES
EN DROIT ET INSTITUTIONS JUDICIAIRES
EN AFRIQUE

Colloque scientifique en prélude de la remise des Mélanges en l’honneur du Professeur C. Dorothé SOSSA
DROIT ET INVESTISSEMENT EN AFRIQUE
Synthèse des travaux

Le mardi 2 novembre 2021 s’est déroulé au Champ de Foire (ISBA) de l’Université


d’Abomey Calavi un colloque en prélude à la remise des Mélanges dédiés au Professeur
Dorothé C. SOSSA intitulé : « Droit et investissement en Afrique ».

Ce colloque, organisé par le CREDIJ, dirigé par le Professeur Joseph DJOGBENOU,


a permis malgré le contexte sanitaire lié à la Covid 19, de voir des participants venus de
l’espace CAMES (Sénégal, Togo, Bénin) et bien au-delà, la France notamment.

Après une cérémonie d’ouverture ponctuée de deux discours (mot du Doyen de la


FSS, propos du Doyen de la FADESP de l’Université d’Abomey-Calavi), les travaux ont été
lancés avec l’installation d’un présidium pour la conduite des travaux. Il est composé des
Professeurs Dorothé C. SOSSA, Noël GBAGUIDI et du professeur Joseph DJOGBENOU.

Les communicateurs sont, pour l’essentiel, des universitaires auxquels s’ajoutent


quelques praticiens et chercheurs. Au total 14 communications ont été enregistrées, réparties
en deux considérations que sont le droit substantiel (première considération) et le droit
processuel (seconde considération).Chacune des deux considérations est marquée par une
binarité. La première considération a tourné autour de deux panels : Contrat (Panel 1) et
contraintes (Panel 2).

Suivant ce parallélisme, la seconde considération est axée autour du : Contentieux


devant l’arbitre et le médiateur (Panel 1) puis du contentieux devant le juge étatique (Panel
2).

Bien avant la floraison des communications, une conférence inaugurale a été animée
par le professeur Ndiaw DIOUF, Professeur titulaire des universités, ancien vice-président du
conseil constitutionnel de la République du Sénégal. Dans sa présentation magistrale, le
professeur DIOUF relève les difficultés et la complexité du sujet : « Le droit des
investissements ».Dans ses propos liminaires, il considère que l’investissement est une notion
économique réservée par la suite aux sciences de gestion. C’est bien longtemps après, que
cette notion a fait son incursion en droit, probablement vers 1965. Pour d’autres, c’est vers
1928 que ce mot est apparu sous la plume des juges de la Haye dans une décision
remarquable.

Par ailleurs, le professeur DIOUF souligne que la juridicisation d’un terme


économique doit s’accompagner d’une adaptation au droit et ne pourra pas être reproduit à
l’identique. D’où la discordance entre la logique économique et la logique juridique. Ainsi,
faut-il distinguer le droit à l’investissement et le droit de l’investissement.

Relativement au droit à l’investissement, il n’y a pas eu que des règles de fond pour
régir la matière mais aussi des règles de forme, le droit processuel.

Le droit substantiel quant à lui apparaît comme un vecteur de la promotion de


l’investissement. A ce titre, l’élimination des obstacles juridiques est nécessaire pour la
neutralisation des législations permettant aux investisseurs de se sentir en paix tant sur leur
personne que sur leurs biens. L’intégration a bien été appréhendée par la législateur OHADA
pour mettre un terme à l’insécurité juridique. Ces règles sont destinées à encourager les

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investissements. Lesdites règles sont également omniprésentes dans le droit processuel et


participent à la promotion du développement de l’investissement. Il fallait donc mettre fin à
l’insécurité judiciaire, à la lenteur de la justice et aux difficultés d’exécution des décisions de
justice. Il fallait mettre fin à ce fléau. D’où la mise en place d’une juridiction commune : la
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), investie d’assurer l’interprétation des
droits nouveaux. La CCJA est saisie au moyen des pourvois en cassation et statue en une
juridiction de cassation ; elle ne juge pas les faits mais vérifie la conformité. Cependant,
lorsqu’elle casse une décision, elle ne renvoie pas devant la même juridiction ou autrement
composée : elle tranche désormais le fond comme une juridiction d’appel.

L’intégration de l’OHADA a permis de désengorger les juridictions et d’assurer la


célérité des décisions de justice. Elle a enfin pris la forme de la neutralisation des règles de
procédure des Etats parties. Les règles de procédure tout comme les règles substantielles ont
pour but de protéger l’investisseur ; d’où le droit de l’investissement qui permet une
protection exclusive des investissements étrangers.

Le droit de l’investissement constitue un terrain privilégié pour des actes illégaux et


unilatéraux des Etats, par le prisme des codes des investissements. L’enjeu de la qualification
est important en cas de litige lorsque l’investissement est appréhendé sous l’angle
économique entrainant une pluralité d’actes juridiques ; comme l’a démontrée une affaire en
1978 entre un Etablissement hôtelier et le Royaume marocain.

Enfin, le droit interne ne fait pas de différence entre l’investissement interne et


l’investissement international. Ce qui importe, c’est le développement de l’Etat.

Après cette riche communication inaugurale, d’autres communications ont été


délivrées suivant l’architecture des considérations décrites plus haut.

Relativement au premier panel (Contrat) de la première considération, présidé par le


professeur Ndiaw DIOUF, l’on peut noter quatre interventions.

Les réformes du droit commun des contrats auraient pu être l'occasion de repenser la
nomenclature des contrats en droit OHADA. C’est dans ce sillage que l’on comprend la
posture du Professeur DEWEDI, dont la réflexion a porté sur « Les frontières entre les
contrats civils et les contrats d’affaires dans la réforme du droit des contrats dans l’espace
OHADA ».

L’idée de frontière fait penser qu’il existe des champs propres sécurisés entre les
contrats civils et les contrats commerciaux. Cette idée de frontière est construite de manière
laborieuse dans le projet d’acte uniforme OHADA. Deux éléments importants sont à mettre
en évidence : une exigence renouvelée de l’adoption d’un acte uniforme sur le droit des
contrats puis une exigence oubliée des contrats spéciaux.

Partant des projets d’actes uniformes abandonnés (Projet Fontaine) ou en gestation


(projet Sawadogo, Diouf ou encore Sayeg), le communicateur s’est interrogé sur la stagnation
de ces projets qui tardent à voir le jour au moment où d’autres actes uniformes postérieurs ont
été adoptés. Il existe manifestement une réticence pour faire avancer le droit OHADA dans ce

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sens. Cette réticence découle de la frontière artificielle entre le droit des contrats et les
contrats spéciaux relevant du droit des affaires. L’adoption d’un acte uniforme sur le droit des
contrats est impérieuse pour le développement de l’Afrique même si celle relative aux
contrats spéciaux semble être oubliée.

Persistent cependant des incertitudes : comment faire cohabiter les deux corps de
règles ? En d’autres termes, comment faire cohabiter le régime général des obligations de
1958 et celui des contrats d’affaires ? Comment peut-on y arriver ? La piste n’est-elle pas
celles des lois uniformes ou des lois-types ?

S’inscrivant dans ce même chapitre du droit spécial des contrats, certains Etats ont
légiféré spécifiquement sur des contrats-types. « La nature juridique du contrat de
partenariat public-privé en droit béninois », communication du Docteur Gaudens
DJIHOUESSI, en est l’illustration la plus parfaite.

Le contrat de partenariat public-privé relève-t-il du droit public ou du droit privé ?


L’examen des dispositions légales au Bénin relève, selon le communicateur, que cette notion
relève du droit privé. Mais, il faut relever avant tout, que le contrat de partenariat public-privé
a également les caractéristiques d’un contrat administratif. D’ailleurs, les dispositions du
Code des investissements laissent également croire que c’est un contrat administratif.

En droit béninois, la place donnée à la procédure arbitrale et la source privée de


l’investissement ne laissent-elles pas supposer que ce contrat est tout sauf administratif ? Ces
deux éléments ont forgé la conviction du communicateur dans sa logique de considérer que le
contrat de partenariat public-privé est plus proche du droit privé que du droit public. Les
textes béninois exigent prioritairement le recours à la procédure arbitrale, mais les parties
peuvent en décider autrement, c’est-à-dire recourir aux juges.

Dans le même registre, la communication sur « La dation en paiement et le pacte


commissoire en droit OHADA » a été animée par le professeur WOLOU Komi qui relève
que les deux notions sont des mécanismes au service du créancier, qui n’est pas loin de
l’investisseur.

Dans sa clarification conceptuelle, le professeur WOLOU relève un dépassement de la


parenté entre les deux institutions : dation en paiement et pacte commissoire. La dation en
paiement est un mode de paiement qui n’intervient qu’au moment du paiement alors que le
pacte commissoire est introduit dans une convention et a pour effet l’attribution automatique
du bien à l’échéance au créancier lorsque le débiteur n’exécute pas ses obligations. La dation
en paiement n’intervient pas nécessairement dans le cadre d’une sûreté contrairement au
pacte commissoire. Il n’y a donc pas de confusion entre les deux notions. Le pacte
commissoire est inhérent, indissociable aux sûretés. La dation en paiement peut-elle
intervenir en matière de sûreté ? Cette question est légitime depuis une décision de la CCJA
rendue en 2021 et l’évolution récente du droit positif togolais.

La CCJA a estimé qu’il s’agissait d’une sûreté sous condition suspensive. La sûreté
réelle est un bien mise à part au profit d’un créancier. L’objectif est de protéger le créancier
contre la mauvaise foi du constituant. La dation en paiement avec condition suspensive

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conduirait à dire que cette dation en paiement est faite au jour de l’acte, au jour de sa
constitution et en raison de l’effet rétroactif de la condition suspensive. Une dation en
paiement est un mode de paiement alors que ce paiement n’existerait pas au moment de sa
constitution. Une difficulté apparaît cependant : qu’est-ce qui se passerait des fruits depuis sa
constitution ?

Cette difficulté réelle a pu expliquer que la dation en paiement dans le cadre d’une
hypothèque soit assimilée par la CCJA à une sûreté réelle.

Enfin « Le droit de l’OHADA et l’entreprise agricole », présenté par le Docteur Karel Osiris
Koffi DOGUE a mis l’accent sur le cadre attractif qu’a créé le droit OHADA notamment le
droit des investissements agricoles.

L’entreprise agricole n’ayant pas été définie par le législateur OHADA, elle n’est
qu’une extension de la notion d’exploitation agricole. Après une clarification conceptuelle, le
communicateur fait le lien entre entreprise agricole et le développement économique du
continent.

Les enjeux de la règlementation des activités agricoles expliquent l’intérêt du


législateur OHADA à investiguer dans le domaine. L’intérêt du sujet est économique et
pratique. La communication a donc eu pour objectif de voir comment le législateur OHADA
encadre l’entreprise agricole de l’espace africain à travers les acteurs et les opérations de
l’entreprise agricole. Des propositions été faites pour rendre ce droit perfectible notamment
les mesures pour la sécurisation foncière et sur la volatilité des prix, les questions de
monopole et de dépendance économique dans la vente et la nécessité d’adoption des règles
applicables au droit des contrats.

Le second panel a porté sur les contraintes. Dans sa communication portant sur
« L’évolution des sûretés en droit OHADA », le professeur Koffi Mawunyo AGBENOTO
relève que le droit qui n’évolue pas meurt. L’adoption des actes uniformes en 1997 a fait
l’objet de critiques face aux insatisfactions doctrinales. L’évolution serait rigide.
Normalement, la notion de sûreté devrait être facile à comprendre, nonobstant, elle cache des
difficultés. Dès 1997, l’acte uniforme a donné une définition qui a été abandonnée en 2010 à
l’occasion de la révision des actes uniformes.

Au fil du temps, on se rend compte que le droit des sûretés apparaît comme un droit
galvaudé. L’on a privilégié la finalité qu’a la garantie. C’est donc un droit perturbé dans sa
conception pour arriver à une défiguration initiée par le législateur. Cette défiguration réside
dans le caractère numerus clausus des garanties et certaines décisions de la CCJA.

Deux observations ont été faites : le fait de laisser aux Etats la possibilité de
déterminer les sûretés est un danger ; de même, on peut noter une course effrénée aux
sûretés.Le droit des sûretés OHADA apparaît comme un droit re-dématérialisé. Mais ilest un
droit laboratoire et le droit de l’OHADA doit tenir compte de l’intérêt des parties. Il existe
d’autres éléments difficiles à prendre par le droit OHADA comme le bitcoin… Les signaux
sont donc lancés sur des pistes de réforme.

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Dans le même registre, les sûretés ; le Professeur Igor GUEDEGBE s’est prononcé sur
« La solidarité dans le cautionnement OHADA ». Le communicateur est parti des problèmes
d’interprétation sur le bénéfice de discussion et celui de la division. Le principe est que la
caution est présumée solidaire selon l’article 20 de l’Acte uniforme sur les sûretés. Dans la
réforme de l’Acte uniforme, un malaise est né. Dans le commentaire issu de la réforme de
l’acte uniforme portant sur les sûretés, il est écrit que dans le cautionnement solidaire, le
bénéfice de discussion est inopérant. Ce malaise conduit donc à s’interroger sur les lignes de
démarcations entre ces deux notions : cautions solidaires et caution solidairement unie.

Quand on parle de cautionnement solidaire, c’est la solidarité entre la caution et le


débiteur. La solidarité entre le débiteur et chacune des cautions est ce qu’il convient d’appeler
la caution solidairement unie. Le bénéfice de discussion et le bénéfice de division ne peuvent
être invoqués par la caution solidaire.

Le séminaire suivant son cours, la surprise a été celle du Professeur Filiga Michel
SAWADOGO qui après avoir rendu un vibrant hommage au professeur SOSSA, est
intervenue virtuellement et brillamment pour donner quelques éléments sur « La
rémunération des mandataires judiciaires dans le droit des entreprises en difficultés ».

Dans sa présentation, le Professeur pense que l’apport des Etats est indispensable sur
le sujet. Or, en l’état actuel, sur les dix-sept (17) Etats membres de l’OHADA, il n’y a que
trois (03) qui ont légiféré dans le domaine, avec des approches différentes. Ce qui
numériquement est insuffisant. Les textes maliens et sénégalais sont très proches, le premier
s’étant inspiré du second. Il y a donc lieu de trouver un système équilibré pour harmoniser les
honoraires de manière à sauver les entreprises en difficultés pour permettre l’attractivité du
droit OHADA.

Aux termes des communications de la première considération, les débats afférents ont
porté sur :

- La nature juridique du contrat de partenariat public-privé, qui selon le professeur


Césaire KPENOHOUN, devrait avoir un régime mixte ;

- La nature juridique des contrats d’Etat ;

- La déjudiciarisation du contentieux dans le contrat public-privé ;

- La notion de contrat d’investissement devrait être privilégiée dans le partenariat


public-privé ;

- L’élaboration d’une théorie des contrats d’affaires et la recherche de la frontière avec


les contrats généraux ;

- Le juge de l’exécution.

Des contributions remarquables ont également été enregistrées de la part des


praticiens et théoriciens du droit.

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Les secondes considérations (droit processuel) ont été débattues sous la présidence du
professeur Roch DAVID GNAHOUI et sont également marquées par des communications
variées, structurées autour de deux panels. Le panel 1 relatif au contentieux devant l’arbitre et
le médiateur a été enrichi par deux communications :

- « L’autorité de l’accord de médiation » présenté par le professeur Moktar


ADAMOU) ;

- « Les perspectives de l’arbitrage d’investissement pour les pays africains » présenté


par le Docteur et Arbitre Achille NGWANZA.

Sur le premier sujet :« L’autorité de l’accord de médiation » ; le communicateur part


d’un constat. La médiation étant aujourd’hui admise en droit OHADA, la question de
l’autorité de l’accord de médiation se pose avec autant plus d’acuité qu’elle n’est que peu ou
mal abordée. Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 16 de l’Acte uniforme de l’OHADA
relatif à la médiation (AUM), « Si, à l’issue de la médiation, les parties concluent un accord
écrit réglant leur différend, cet accord est obligatoire et les lie. L’accord issu de la médiation
est susceptible d’exécution forcée ». L’accord de médiation est la convention dans laquelle
les parties établissent tous les faits et droits qui dans le futur seront valables entre elles et qui
incarnent pour elles la solution du conflit.
La question se pose de savoir si l’accord passé devant un tiers, le médiateur, pouvait
revêtir l’autorité de chose jugée ?

La difficulté pour répondre à cette question provient de la nature ambiguë de l’accord


de médiation. Le législateur OHADA reste silencieux sur la question. Sur la base des critères
formels et matériels, le communicateur pense qu’il est possible de conférer à l’accord de
médiation, le bénéfice de l’autorité de chose jugée. Cependant, cette autorité n’est toujours
pas absolue, elle peut être évincée.

Sur « Les perspectives de l’arbitrage d’investissement pour les pays africains »,


l’arbitre et Docteur Achille NGWANZA fait remarquer que quand on parle d’arbitrage
d’investissement, on a abusivement pensé que l’Etat perd toujours. Ce qui n’est pas évident.
L’arbitrage d’investissement est celui qui est fait sur la base d’un texte, d’un traité
international et qui permet à un investisseur de saisir les juridictions de son choix.

Lorsqu’on fait un bilan sur les cinquante (50) dernières années, il existe des pratiques
positives pour les Etats africains pour ce type d’arbitrage. Tenant compte des considérations
objectives, la plupart des arbitrages devant le Centre International pour le Règlement des
Différends relatifs aux Investissements (CIRDI), met les Etats en position défensive. En règle
générale, la plupart des traités prévoit des obligations à la charge des Etats et en faveur des
investisseurs. En termes de perspectives, les Etats africains doivent avoir une maturité sur la
réalisation des textes sur les investissements. Il faut donc pour les Etats africains une nouvelle
approche rédactionnelle.

Relativement aux considérations subjectives, 22 % des affaires concerne les Etats


africains et très peu concerne les Etats européens (1%). Sur la désignation des arbitres, les

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responsabilités sont partagées car les arbitres que choisissent les Etats sont très peu de
véritables arbitres et ces Etats ne choisissent pas leurs compatriotes. La responsabilité des
universités est évidente dans la mesure où depuis des générations, les universités africaines
n’ont pas pu faire sortir de grands spécialistes dans le domaine. Comme solutions, le
communicateur a suggéré une action au profit des populations notamment la théorie de
l’implication qui est une notion en vogue en Europe : la prise en compte des intérêts des
populations influant sur le contenu obligationnel du contrat. La seule question qui subsisterait
est le financement de leur action.

Quant au panel 2, il a porté sur l’intervention du contentieux devant le juge étatique.

Maître Laurent POULET, Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation en France, a


abordé « La cassation ici et ailleurs. L’exemple de la CCJA ». Le principe de l’évocation et
les modalités ont été les deux mouvements de sa communication.

Traditionnellement, lorsque la Cour de cassation casse un arrêt, elle renvoie l’affaire


devant un juge de fond. Aujourd’hui, le droit positif a évolué. Depuis 2016, la Cour de
cassation peut statuer au fond dans l’intérêt du litige. La Cour de cassation peut donc
examiner les faits. Or, c’est extrêmement rare que la Cour de cassation règle le fond. Une
commission a proposé à cet effet l’extension de la cassation sans renvoi pour une bonne
administration de la justice et pour des motifs de cohérences jurisprudentiels comme le
Conseil d’Etat. En 2011, le taux de renvoi est de 55% et de 77% en 2016.

Devant la CCJA, c’est l’article 15 du traité qui dispose que la CCJA « évoque ».
Certains commentateurs ont démontré, à tort, que l’évocation est incompatible avec les
limites du contrôle de cassation. Ce qui n’est pas justifié. Prenant l’exemple du Conseil
d’Etat, ce dernier intervient sur la fonction de cassation et statue sur le fond. Certes le juge de
cassation n’apprécie pas les faits, mais rien ne l’y empêche. Car le juge de cassation peut bien
casser une décision et mieux la motiver que les juges de fond. Le juge de fond a également
une fonction pédagogique. Pour les modalités, en cas de cassation, il y a un règlement de
l’affaire au fond. Lorsque le demandeur du pourvoi saisi le conseil d’Etat, c’est pour obtenir
la cassation. Le règlement au fond peut venir plus tard. La question du règlement au fond a
été déjà réglée par les parties. Pour le défendeur, lorsqu’il dépose son écriture, la procédure
de contradictoire lui fait croire d’un gros risque de perdre. Le premier objectif du défendeur
est d’obtenir le rejet du pourvoi. Enfin, le mémoire du défendeur est un mémoire de réponse.

Devant la CCJA, les parties savent que l’évocation n’est pas possible mais elle est
certaine. Les parties peuvent solliciter de nouvelles mesures d’instruction. En règle générale,
il existe la possibilité d’organiser une double audience devant le juge de cassation. De plus, la
motivation des évocations est souvent succincte.

Ce panel a également fait l’objet de plusieurs autres communications sur la justice. La


première étant « La réforme de la justice au Bénin » du Professeur Eric MONTCHO
AGBASSA. La justice béninoise avait besoin d’être modernisée. L’organisation judiciaire et
les aspects procéduraux ont été les deux pans de la communication.

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L’organisation judiciaire est modernisée à deux niveaux car il existe une


multiplication de tribunaux ; dix-sept (17) tribunaux aujourd’hui et trois(03) cours d’appel.
Le Bénin a œuvré également à la mise en place de juridictions commerciales. Relativement
aux aspects procéduraux, il y a des considérations transversales et d’autres spécifiques. On
note l’admission du numérique et la possibilité de dialogue entre les parties. Mais
spécifiquement, il s’est posé des difficultés sur le juge de l’exécution avec la création du
tribunal de commerce. Finalement, le législateur a tranché la question en renvoyant chacun à
ses compétences. Cette solution est-elle la meilleure ? Assurément pas. Ce qui est attendu,
c’est de renforcer le cadre normatif pour permettre aux citoyens de jouir de ses droits et de
renforcer les capacités des magistrats pour leur donner plus de légitimité comme le présage la
communication du Docteur Enagnon Gildas NONNOU, sur « La légitimité du juge ».

Après une clarification sur le juge et sur sa légitimité, le communicateur admet que
l’élément essentiel de la légitimité est la réception des suffrages d’assentiment ou de
reconnaissance de la population vis-à-vis du juge. La crise de la justice qui revient de façon
récurrente n’est-elle pas une crise de légitimité ?

Tout juge, quel que soit son office, a une légitimité en construction. Si pour le juge
constitutionnel, la légitimité ne souffre d’aucune remise en cause malgré les critiques acerbes,
pour le juge judiciaire, la légitimité est inachevée. Cette légitimité ou non a permis de faire un
« Retour sur l’affaire Epoux Karnib », communication de Maître Marlène HOUNKAPTIN,
avocate stagiaire au Barreau du Bénin.

Dans cette affaire, il s’est posé le problème de la défense à exécution provisoire, une
prérogative incombant à la partie succombant au procès. Que reste-t-il à dire de l’affaire
Karnib, 20 ans après la jurisprudence de la CCJA ? Les défenses sont-elles finalement
défendues ?
L’on peut d’abord penser à une abrogation des défenses, vu l’interprétation de la
CCJA de l’article 32 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d’exécution ; puis l’on convient aujourd’hui à une application
résiduelle des défenses à exécution provisoire.

Aux termes des communications, le professeur Ndiaw DIOUF a partagé sa


compréhension sur les difficultés d’application d’une loi nationale devant la CCJA, sur
l’exception d’inconstitutionnalité qui ne saurait être soulevée devant la CCJA, sur la
cassation partielle de la CCJA en cas d’évocation et enfin sur l’économie de l’article 32 de
l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution.

Le colloque sur le « Droit et investissement en Afrique » a pris fin à 17h 00, avec une
légitime satisfaction des participants qui ont apprécié le caractère hautement scientifique des
communications, une mention spéciale au CREDIJ qui vient d’honorer un adansonia digitata
du droit béninois : le Professeur SOSSA C. Dorothé.

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