Lahcen Darhouani
Lahcen Darhouani
Lahcen Darhouani
These presentee
à la Faculté des études supérieures de l'Université du Québec à Chicoutimi
comme exigence partielle du programme de doctorat
en Développement Régional
offert coinjointenent a l'Université du Quebec à Chicoutimi
et à l'Université du Québec à Rimouski
pour l'obtention du grade de Philosophiœ doctor (Ph.D.)
Mai 2005
Mise en garde/Advice
Dans un espace géographique donné, le développement, inégal des régions est la résultante de
plusieurs facteurs qui ont historiquement désavantagé les régions périphériques par rapport
aux pôles de croissance métropolitains. Cette situation n'est pourtant pas inéluctable.
nouvelle donne, où sont réinventés les modèles d'affaires et disparaissent les barrières spatio-
consommateurs.
La présente étude, réalisée dans quatre municipalités régionales de comté (MRC) du Québec,
montre que les dirigeants d'entreprises y sont conscients de la puissance des TIC; qu'en les
intégrant de mieux en mieux dans la conduite de leurs opérations, ils protègent l'avenir de leur
développement satisfaisant.
Par: I I K .\ U
Lahcen arhouani V-
Directeur de la thèse :
L'activité économique, de même que l'innovation et tout autre phénomène lié à la nouvelle
économie, est rarement répartie de façon égale entre territoires ou même dans un territoire
donné. Il y a des raisons à cette inégalité et des conséquences, que les scientifiques tentent de
cerner, afin d'aider les décideurs dans l'aménagement d'un développement régional plus
cohérent» C'est que la répartition et la localisation de l'activité économique - et partant de
l'activité sociale — répondent au jeu d'influences diverses, parmi lesquelles comptent pour
beaucoup les éléments caractéristiques d'un territoire. Selon Courlet (2001), le territoire est
une notion complexe, qui a de multiples facettes. C'est un acteur qui a sa propre logique
d'évolution. Il émane d'une logique collective, ancrée dans un contexte largement dominé par
un ensemble d'institutions sociales, qui produisent des normes et génèrent des valeurs. Mais
avant tout un territoire est un espace où les acteurs sont appelés à coopérer, à vivre ensemble.
L'ensemble des éléments propres à un territoire : histoire, géographie, organisation interne,
institutions locales, liens avec d'autres organisations à l'échelon régional, national et
international, constitue et particularise ce qu'on peut appeler un système territorial.
Naturellement, le système territorial, ainsi que les autres facteurs de nature économique ou
socioculturelle, ont une importance considérable, voire déterminante, dans la décision
d'implanter une entreprise dans un territoire, avec les répercussions qui s'ensuivent sur la vie
économique et sociale. La prise en considération de ces influences agit sur les pratiques des
acteurs de développement par rapport aux ressources disponibles et précise les moyens dont ils
disposent au moment d'affronter les incertitudes inhérentes à leur champ d'action.
2
Les dynamiques propres à un système territorial déterminent ses chances d'évoluer en un
système d'innovation. On réfère par là à la capacité des acteurs d'un territoire à en
promouvoir les éléments favorables à la réalisation d'activités propres à valoriser les
productions locales. Quand il s'agit d'un territoire dont le développement a pris du retard -
c'est souvent le cas des territoires périphériques - les acteurs peuvent avoir à faire des efforts
supplémentaires d'imagination, d'appropriation technologique et parfois sauter des étapes.
L'arrivée massive des technologies d'information et de communication (TIC) stimule les
dynamiques économiques et sociales de développement d'un territoire : partout, «les TIC et le
commerce électronique bénéficient à une large gamme de processus économiques. Au niveau
de l'entreprise, les TIC et leurs application améliorent et accélèrent la communication et
permettent une gestion plus efficace des ressources de l'entreprise [...] Au niveau
interentreprises, l'Internet et le commerce électronique ont le potentiel de diminuer les coûts
des tansactions tout en les accélérant et en les rendant plus fiables» (OCDE 2004 : 12).
Le territoire n'est pas qu'un espace, une plate-forme neutre, support d'activités diverses. Il est
fait des composantes - certaines favorables, d'autres moins - dont l'acteur doit tenir compte
en cherchant à profiter des unes et à pallier les autres. Espace géographique où les entreprises
évoluent dans un cadre commun, le territoire participe en un sens à l'articulation de l'action
économique et sociale. Il est par conséquent dans l'intérêt bien compris des acteurs de
coordonner leurs actions et de coopérer pour affronter collectivement les imprévus. Une
solidarité inter-organisationnelle peut dès lors s'établir, l'intensité des rivalités diminuer et la
concertation progresser, créant un contexte avantageux pour toutes les entreprises.
Solidarité, concertation, des valeurs qui ne se concrétisent pas sans la circulation continue
d'un fluide entre les acteurs : l'information et sa communication. En rapport avec l'origine
étymologique, on peut voir la communication comme le lien qui s'établit entre correspondants
qui échangent de l'information par l'intermédiaire d'un moyen de transmission (Laramée
2001). Dans le cas ici considéré, l'informatique est à la fois le véhicule de l'information, le
support de la communication et le principe de la société dite de l'information. C'est la société
où domine l'information comme communication d'un savoir de la société informationnelle :
une forme particulière d'organisation sociale dans laquelle la création, le traitement et la
transmission de l'information deviennent les sources premières de la productivité et du
pouvoir (Castells 1998: 42). La productivité est «définie habituellement [...] comme le
3
rapport, en volume, d'une production sur un ou plusieurs facteurs de production» (OCDE
2001 : 11).
Lorsque choisie de façon à bien correspondre aux objectifs de l'entreprise, une nouvelle
technologie apporte avec elle efficacité, efficience et capacité concurrentielle accrue :
Dans les décennies récentes, les chercheurs ont utilisé différentes approches» diversifié leurs
horizons, pour tenter d'expliquer l'évolution des systèmes socio-économiques, soit du point de
vue macro ou microéconomique. L'informatisation récente et ses applications croissantes
dans l'activité humaine, tout en facilitant les tâches pour l'utilisateur, ne les a pas simplifiées
pour le chercheur. Pour le spécialiste des sciences régionales, le rôle des TIC dans les
territoires, et dans les entreprises qui s'y trouvent, est devenu une question centrale: comment
et à quel degré on se les approprie, ce qu'on en fait à l'interne et à l'externe, et les
conséquences qui en résultent pour le développement. Tel est le thème directeur de la présente
recherche.
Pour les fins de cette recherche, l'unité spatiale choisie est le territoire des municipalités
régionales de comté, (MRC). Par leurs dimensions, par leurs caractéristiques, les MRC
s'imposaient comme un choix logique.
Une MRC est constituée du groupement des municipalités locales situées dans un territoire
donné; les MRC constituent au Québec des entités territoriales bien différenciées, rurales et
urbaines, et de tailles relativement importantes. Ces territoires ont une vocation supra-locale,
qui leur donne un statut intermédiaire entre le niveau local, étroitement lié à la vie
quotidienne, et les paliers supérieurs, régionaux puis national. La taille intermédiaire de la
MRC, entre l'échelon local et les échelons supérieurs, devait permettre de circonscrire l'étude
et de mesurer la capacité des entreprises à s'approprier convenablement les TIC. Dans le
cadre de cette étude, notre choix s'est porté sur quatre territoires MRC, dont les
caractéristiques en font des champs de recherche raisonnablement représentatifs.
Deux points de vue, complémentaires, orientent notre démarche. D'une part, l'approche en
terme d'économie d'information ouvre des perspectives intéressantes, autant théoriques
qu'empiriques. Elle reflète une dynamique économique et sociale fortement influencée par
l'information:
Des repères nouveaux orientent les activités économiques, accompagnés d'une accélération
des processus liés à la production et à la consommation, «as an outcome of the manner in
which technology is generated, acquired and utilized» (Malecki 1991 :113). Ces repères sont
6
souvent déterminés par les enjeux conséquents à une économie dite d'information. Ils sont
influencés par les pratiques des entreprises; pratiques qui s'insèrent dans un cadre multi-
organisationnel, influencent les processus de prise de décision et déterminent la place
qu'occupent ces entreprises au sein des systèmes en place. Plusieurs facteurs liés au cadre
commun et à la place de l'entreprise dans un système multi-organisationnel influent sur sa
productivité et sa capacité concurrentielle. Ils contribuent aussi puissamment à définir les
stratégies qu'adopte l'entreprise pour affronter ses problèmes de production et les contraintes
du marché. Au regard des possibilités d'innovation et de progrès qu'offrent l'évolution
informatique et les TIC, notre étude considère les entreprises sous quatre aspects principaux:
l'appropriation de l'informatique, la taille des entreprises, l'utilisation du Web et les réseaux
d'entreprises.
Le présent travail comprend huit chapitres. Le premier est consacré aux changements
technologiques. Il s'agit d'abord d'explorer les questions que soulèvent le changement
technologique et l'innovation. L'accent est mis sur les pratiques entrepreneuriales et les
technologies nouvelles, considérées à la source des changements en cours. Il s'agit de voir
comment ces changements ont provoqué des transformations profondes dans des contextes
variés. L'avènement de l'Internet, de même que les exigences conjoncturelles, ont accéléré
ces transformations. En fait, l'arrivée massive des TIC a modifié les rapports au temps et à la
distance. Pour cette raison, l'État et le secteur privé ont accordé une importance particulière
aux composantes technologiques, surtout celles qui ont des effets marqués sur le monde des
affaires en général, et sur l'innovation en particulier.
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S'il est nécessaire pour l'entreprise de se tenir techniquement à jour, il lui est aussi
indispensable de disposer de toute l'information pertinente à son fonctionnement. À cet égard
il y a lieu de considérer l'apport du réseautage. C'est l'objet du 2 e chapitre. La littérature
relative à ces questions indique que bien souvent c'est au sein des réseaux d'entreprises que
s'établissent de nouvelles formes de solidarité, de coopération et de concertation entre les
acteurs d'un territoire. Lieux d'interaction, où circulent les connaissances et l'information
stratégique, les réseaux sont ajuste titre considérés comme des lieux d'apprentissage collectif
et comme tremplins de l'innovation.
L'influence de la taille des entreprises sur l'innovation a donné lieu chez les chercheurs à des
vues contradictoires, que résume le troisième chapitre. Aux origines du débat, les perspectives
de Schurnpeter, à première vue paradoxales, sont à cet égard incontournables, car elles ont
fourni des idées permettant de mieux comprendre les comportements d'entreprises par rapport
à l'innovation, et montré que le contexte où se déroule une étude à ce sujet influe
nécessairement sur les conclusions. La littérature plus récente relative à ces questions est par
la suite passée en revue.
Au quatrième chapitre sont abordées des notions importantes pour le spécialiste des sciences
régionales : le territoire, le milieu et les rapports qu'ils entretiennent avec l'innovation. Une
première section analyse les écrits ayant traité de milieu innovateur et de systèmes
d'innovation. L'examen de la littérature spécialisée permet de dégager des éléments forts et
certaines lacunes relevant de l'usage de notions comme le milieu innovateur et les systèmes
régional, national et spatial d'innovation. Par son importance théorique et les conclusions
pratiques qu'il entraîne, le recours à ces notions aide à comprendre les dynamiques de nos
sociétés. En fait, l'usage croissant des TIC semble avoir quelque peu brouillé les pistes, car il
a changé les représentations que les acteurs se font de la proximité et de la distance; cela
ressort d'une partie de la littérature spécialisée. Ce nouveau regard fait prendre conscience
d'une possibilité inestimable, offerte par la proximité, réelle ou virtuelle : l'occasion
d'apprendre collectivement.
L'examen des questions théoriques et des concepts qui constituent la plateforme de cette
recherche était un préalable au cinquième chapitre, qui décrit et tente de saisir le dynamisme
économique et social des quatre territoires retenus pour cette étude : la Communauté Urbaine
de Québec, Sagueaay, Rivière-du-Loup et Manicouagan, L'intérêt porte principalement sur
les activités économiques et le contexte social : cela a semblé important pour comprendre et
comparer les synergies respectives de développement. Le rôle de l'information quant à ces
synergies est ensuite précisé. Une attention particulière est donc accordée aux sources privées
et publiques d'information.
Le cadre adopté pour cette recherche amenait à définir, au sixième chapitre, les variables qui
devraient ensuite être mesurées sur le terrain. Définies en fonction de notre problématique de
départ et des objectifs poursuivis, ces variables concernent trois axes principaux : 1.
l'appropriation du matériel informatique et des logiciels, et leur usage dans les entreprises ; 2.
les besoins, la demande et la circulation de l'information. Il s'agit des sources d'informations
économiques, des moyens d'interaction et des types d'information. De même, l'intérêt porte
sur les systèmes de communication interne et sur le classement de l'information ; 3. Il est
enfin question des réseaux d'entreprises et des activités sociales et d'appropriation du matériel
informatique et des logiciels. Ces variables ont conduit à formuler notre hypothèse relative
aux axes de recherches précités
Le chapitre sept présente les données cueillies au cours de l'enquête et s'ouvre sur une
description du profil général des entreprises. L'attention se porte ensuite sur l'exploitation de
l'information : besoins, demande, sources et circulation de l'information. La section suivante
traite de l'innovation technologique dans l'entreprise, particulièrement les TIC.
L'interprétation des résultats de l'enquête occupe la dernière section de ce chapitre. Notre
méthode d'analyse est d'abord décrite. C'est à l'aide des tableaux dynamiques croisés obtenus
et des graphiques que nous avons comparé les quatre territoires étudiés.
Le huitième et dernier chapitre présente les perspectives que l'on peu dégager à la fois des
données recueillies et de ce que nous avons observé sur le terrain. Les idées qui y sont
présentées résument les leçons tirées des discussions que nous avons eues à de multiples
occasions avec les principaux acteurs de développement et avec une centaine de dirigeants
d'entreprises. Particulièrement pour les PME implantées en territoires périphériques, des
perspectives intéressantes se dégagent de la présente recherche, et aussi quelques
enseignements. On peut y constater que l'appropriation du matériel informatique et des
logiciels crée des dynamiques nouvelles de développement. L'usage des TIC a des effets
avantageux, que n'empêchent ni les incommodités d'un territoire, ni la taille plus ou moins
grande des entreprises qui y sont implantées. Ces effets, observables partout, suggèrent qu'il
est du plus haut intérêt, pour les entreprises québécoises, de s'engager résolument dans une
appropriation croissante des technologies prometteuses de succès. II apparaît de plus que les
enteprises auraient avantage à diversifier leurs sources d'information et que les pouvoirs
publics devraient s'impliquer de façon plus soutenue dans le développement régional.
Enfin, une conclusion générale sert à récapituler les principales étapes de cette recherche et à
en présenter les constatations les plus saillantes.
CHAPITRE 1
Il y a changement technologique quand l'usage des objets issus d'une technologie novatrice se
généralise, engendre des pratiques nouvelles dans la vie quotidienne, des initiatives dénotant
l'entrée des acteurs dans le nouvel ordre économique et social; mais un usage qui, parfois, est
aussi à l'origine de difficultés et de crises pour certains acteurs incapables de suivre le rythme.
11
Ces manifestations du changement technologique n'ont rien d'accidentel; elles découlent de la
complexité même des rapports que les acteurs entretiennent avec l'univers technologique.
Elles reflètent également une tendance, avantageuse pour certains acteurs et certains
territoires, alors que surviennent ailleurs des crises récurrentes qui ébranlent l'économie et la
société.
Par rapport à ces nouvelles réalités, îe changement technologique semble avoir des
conséquences qui oscillent entre deux tendances diamétralement opposées. L'une affirme que
l'adoption de technologies nouvelles stimule le dynamisme des entreprises et des territoires,
incite les acteurs à en exploiter le potentiel et en définitive favorise la prospérité; les
publications de l'OCDE vont dans ce sens, car elles avancent que «le changement
technologique est le moteur de la croissance économique à long terme, et du relèvement du
niveau de vie» (OCDE 2001 : 119). L'autre tendance remet en question les avantages du
nouvel ordre technologique, le considérant responsable de problèmes économiques et sociaux
tels que l'instabilité, la perte d'emplois, etc.
1.1. Le
Le rôle des technologies, pour le développement dans les milieux, les territoires, attire à bon
droit l'attention des chercheurs. La présente section montre l'importance des changements
technologiques en cours et les effets de ces changements sur le développement des économies
et des sociétés. Les rapports existant entre ces changements et l'innovation sont passés en
revue, puis l'influence de l'informatique comme source de ces changements. Il est ensuite
question de l'avancée technologique majeure que représente le réseau Internet.
12
1.1.1. Le changement technologique et l'innovation
Dans la plupart des pays, i! existe une collaboration suivie entre l'État, l'université et
l'entreprise. Les gouvernements mettent sur pied divers programmes pour activer la R&D :
subventions à la recherche universitaire, avantages fiscaux aux entreprises, etc.
Naturellement, cet effort stimule le changement technologique qu'on peut dès lors considérer
comme la résultante d'initiatives variées devant permettre aux acteurs de développement,
individuels ou collectifs, de s'adapter aux exigences de la conjoncture du moment. Un
changement technologique renvoie en général à deux dimensions différentes, précisées par
l'OCDE. «Par technologie, on entend "les moyens connus au moment considéré pour
transformer des ressources en produits réclamés par l'économie"» (OCDE 2001 : 11). De
plus, on doit faire une distinction entre
Il est donc important de prendre en compte cette distinction entre l'évolution technique
corporelle et incorporelle. Cette distinction montre la complexité de tout changement
technologique et de ses effets sur la vie quotidienne. Elle permet aussi de comprendre
comment un changement technologique résulte d'une démarche réfléchie par laquelle se
localisent dans un certain espace géographique les possibilités de progrès qu'apporte
l'innovation.
13
Cette distinction est intéressante car elle permet de voir comment une innovation sert» dans
toutes ses étapes et quelles que soient sa nature et sa dimension, non seulement à enrichir le
cadre général qui la produit, mais dans bien des cas à le dépasser. Toute innovation a
également des effets profonds, mais qui varient selon le contexte général et surtout selon sa
capacité à surmonter les obstacles à la productivité et à la croissance. Schumpeter précise que
l'innovation rend plus avantageux le recours aux nouveaux produits et aux nouvelles
méthodes qui
ne concurrencent pas les anciens produits et les anciennes méthodes sur un pied
d'égalité, mais avec une supériorité décisive qui peut signer l'arrêt de mort de ces
derniers. Tel est le processus par lequel le progrès pénètre dans une société
capitaliste. Pour échapper au risque d'être battue sur ses prix, toute entreprise est
finalement obligée de suivre les pionniers, de procéder à son tour à des
investissements et, aux fins d'être en mesure de le faire, de remettre en jeu une
fraction de ses profits, c'est-à-dire d'accumuler. En conséquence, tout le monde
accumule (Schumpeter 1947 :53).
Si ce passage montre que l'innovation se bâtit sur des acquis, elle résulte aussi, la plupart du
temps, d'un travail assidu et patient. Car elle ne se fonde pas uniquement sur un désir de
nouveauté, mais répond ordinairement à des préoccupations concrètes. Par ailleurs les
conséquences de l'innovation ne sont pas toujours immédiatement apparentes. C'est pourquoi
il importe de considérer son instauration à la lumière de disciplines telles que l'histoire et la
sociologie, qui offrent une perspective apte à guider l'action et à l'harmoniser avec les
exigences conjoncturelles.
Il arrive qu'une innovation, globalement bénéfique, soit mai reçue, par référence indue à des
critères sociohistoriques, ou par peur du changement. Dans la vie sociale comme dans
l'activité économique, des acteurs résistent et vont jusqu'à rejeter l'innovation. Comme
l'avait constaté Schumpeter, ces comportements ont souvent leur source dans «les groupes
menacés par la nouveauté, puis dans la difficulté à trouver la coopération nécessaire de la part
des gens dont on a besoin, enfin dans la difficulté à amener les consommateurs à suivre»
(Schumpeter 1935 ; 348). Le développement résulte de cette dualité entre l'innovation et la
stagnation, entre l'acceptation de la nouveauté et son rejet. Évidemment, l'innovation et la
nouveauté parviennent généralement à s'imposer ; mais il reste que la résistance qu'elles
rencontrent rythme des dynamiques de développement naturellement mouvantes. L'économie,
comme la société,
15
Les idées qu'avait proposées Schumpeter il y a plus d'un demi-siècle sont bien fondées et
demeurent valables. Toutefois, la complexité des réalités économiques et sociales
d'aujourd'hui rend nécessaire d'aller au-delà.
Malgré les critiques qu'on peut élever contre les idées de Scàumpeter, sa contribution attire
toujours l'attention, comme en fait foi la littérature scientifique. Le principe de "destruction
créatrice" que Schumpeter avait avancé sert encore à articuler les idées des chercheurs et à
mieux appréhender des réalités complexes. Ce principe désigne le processus par lequel les
composantes internes d'une structure économique interagissent, permettant à celle-ci de se
renouveler continuellement. Ce principe est utile pour qui veut comprendre comment
l'évolution économique résulte souvent de mutations, de discontinuités et de ruptures. On doit
à Schumpeter d'avoir formulé une vision novatrice des facteurs endogènes de développement
d'une structure ou d'un modèle.
Néanmoins, bien que son œuvre permette de mieux comprendre les mécanismes de
l'évolution économique et sociale, les phénomènes étudiés par Schumpeter continuent, dans
le présent contexte, de susciter un questionnement légitime.
Les travaux de Dosi montrent qu'un changement technologique a souvent des effets qui
varient d'un contexte à l'autre. L'auteur avait déjà affirmé l'existence de liens forts entre le
changement technologique et le développement économique et social (Dosi 1982). De plus, il
17
a montré que le développement des systèmes techniques a des effets qui varient beaucoup,
influençant inégalement l'organisation économique et sociale de l'activité humaine. Selon
fauteur, la diversité de ces systèmes et des choix stratégiques explique la variété des
trajectoires technologiques. Une trajectoire technologique est «the pattern of 'normal'
problem solving activity (Le. of 'progress') on the ground of a technological paradigm [..,]
(où ce paradigme technologique se définit comme un) 'model' and a 'pattern' of solution of
selected technological problems, based on selected principles derived from natural sciences
and on selected material technologies» (Dosi 1982 : 152). Un choix est jugé pertinent
lorsqu'il reflète la capacité d'un acteur à identifier ses besoins de développement et à y
apporter des solutions convenables. L'originalité d'une trajectoire technologique illustre la
capacité des acteurs à promouvoir les dynamiques économiques et sociales d'un véritable
développement.
On le voit, Dosi appréhende les effets d'un changement technologique en l'inscrivant dans un
cadre socio-historique plus large, et en le situant par rapport aux besoins exprimés par les
individus et par les groupes qu'ils forment. Certes, un changement technologique a des effets
qui ne résultent pas uniquement de la performance matérielle impliquée, mais surtout des
actions et des choix humains.
L'apport de Dosi a constitué un point de départ pour plusieurs scientifiques, qui ont accordé
un intérêt particulier aux changements technologiques. Par exemple, Nelson et Wright (1992)
soutiennent que plusieurs indicateurs liés au parcours socio-historique de l'après-guerre
18
Il semble donc qu'un changement technologique peut avoir plusieurs sources et peut
engendrer des conséquences variées et souvent imprévues. Lorsqu'une composante
technologique paraît devoir être plus appropriée, elle scintille dans le ciel noir d'une
conjoncture instable, génératrice de l'incertitude d'acteurs en quête de performance et de gain
de productivité. Amin et Cohendet ont noté que les analyses économiques tendent à négliger
la diversité des modes d'apprentissage et ils ont tenté d'en articuler les aspects économiques
et sociologiques :
one of the strengths of our approach, we feel, has been to bridge the gap between
economic and sociological/anthropological theorization of learning and co-
ordination in organizations. Even the most evolutionary and situated economic
accounts tend to stop short of explaining the everyday practices of learning in
firms, and because of this, under-estimate the degree to which communities of
practice bridge the divide between formal and informal learning, between
situated and corporate-wide goals, and between exploration of competences and
exploitation of routines (Amin et Cohendet 2000:113).
Par ailleurs, les dynamiques économiques et sociales en place déterminent l'ampleur que
prendra un changement technologique porteur d'une orientation originale. Ce changement
s'opère ordinairement selon les mécanismes qu'adopte une collectivité, une organisation, une
firme, pour résoudre les problèmes qu'occasionne son développement ; c'est ainsi qu'elle
apprend de ses propres expériences.
19
Le développement de diverses formes de réseaux amène une collectivité à modeler son
apprentissage sur l'effort collectif que fournissent ses principaux acteurs, désireux de
s'adapter aux exigences conjoncturelles ; ces réseaux et leur implication varient en fonction
de l'histoire de cette collectivité (Wright 1997 :1564). En fait, le parcours historique d'une
collectivité et ses caractéristiques culturelles contribuent grandement à définir la manière dont
elle s'approprie les technologies ; cela explique souvent la coexistence dans une même
collectivité de plusieurs niveaux et réseaux technologiques (Wright 1997 :1564).
Il est donc évident que les paradigmes et les trajectoires technologiques d'une collectivité
changent et se développent. L'originalité des paradigmes et des trajectoires technologiques
d'une collectivité a des effets importants sur ses activités économiques et sociales. Influencée
par divers processus d'apprentissage, cette originalité peut multiplier les innovations et
accroître les effets de la proximité. Selon Oinas, cette proximité, aux dimensions
géographiques plus ou moins étendues, s'enracine surtout dans une terre sociale et culturelle.
Si bien que la localisation de l'apprentissage et de l'innovation relie deux mondes ; le
géographique et le socioculturel, qui font que les interactions sont une source de prospérité
(Oinas 1999 et 2000). Cependant, le développement des systèmes d'innovation et
d'apprentissage n'est pas nécessairement limité par la localisation des activités économiques
et sociales (Storper 1996: 787).
Ces considérations invitent à ne pas attendre d'un changement technologique qu'il ait toujours
des effets identiques. La diffusion d'une technologie nouvelle rend celle-ci accessible à tout le
monde, à condition d'avoir les moyens financiers, politiques et autres, de se l'approprier.
Dans une note éditoriale, Greenaway (1994) avait constaté qu'à l'intérieur des pays membres
de l'OCDE cette diffusion, tout comme l'innovation, est déterminée par l'importance des
politiques concernant les technologies, l'éducation, etc. Il écrit :
La littérature spécialisée montre que dans tous les domaines d'activité économique : industrie,
commerce, finance, gestion, communication, les changements technologiques offrent des
possibilités inouïes à qui fait l'effort de les apprivoiser (OCDE 2004). Ils changent la paysage
industriel, améliorent les pratiques commerciales, accélèrent l'échange d'information et
incitent les travailleurs à se mieux qualifier pour répondre à un environnement exigeant.
Lorsqu'une organisation adopte des technologies nouvelles, ses objectifs tendent à se
modifier. Chaque changement semble agir positivement sur «the global objective function,
the well-defined choice set, and the maximizing choice rationalization of firms actions»
(Nelson et Winter 1982 : 14). En définitive, le changement est commandé par le besoin de
l'organisation qui cherche à s'adapter à son environnement et aux exigences du marché.
Constamment à la recherche d'un gain de productivité et de croissance, les décideurs les plus
prometteurs sont ceux qui savent adopter la technologie appropriée au moment apportai.
Derrière tout changement technologique il y a une prise de décision qui implique non
seulement les compétences des décideurs, mais surtout leur capacité à opter pour des
stratégies adéquates. Quand il s'agit de l'appropriation technologique, la pertinence se mesure
aussi par les effets de celle-ci sur les relations humaines. On estime généralement que les
technologies ont des effets importants sur les rapports humains: politiques, sociaux et
culturels, dans les pays industrialisés comme dans ceux en développement. On considère aussi
que ces technologies bousculent les ordres sociaux établis, car elles remettent en question des
organisations enracinées, comme l'Etat, l'entreprise, l'école, etc. Dans certains cas on peut
21
obvier à ces difficultés par une implantation graduée ou sélective : «Technological frontiers
are developed at different levels of technological sophistication, as older and newer
technologies are often developed simultaneously to serve the needs of different customer
groups» (Oinas et Malecki 2002: 107).
La littérature consultée montre que l'Internet constitue l'une des plus importantes avancées
technologiques dont les dynamiques économique et sociale de développement aient subi
l'influence. Plusieurs chercheurs se sont intéressés à ses effets. Les acteurs sont attirés par sa
nouveauté, mais surtout par ses avantages : «agents are always capable of discovering new
technologies, new behavioural patterns, new organizational set-ups. Hence, also the
continuous apperance of various forms of novelty in the system» (Dosi 1997: 1531).
La généralisation d'Internet progresse à des rythmes variés. Relativement rapide dans certains
milieux d'affaires et populaires, elle est plus lente dans d'autres. Il semble que persiste dans
certains milieux d'affaires et populaires une méconnaissance, voire une certaine inquiétude
vis-à-vis de l'ordinateur et d'Internet. Évidemment les coûts de l'équipement nécessaire, puis
de l'abonnement à Internet, ne sont pas négligeables : «les pays où l'accès à Internet est
relativement bon marché ont en générai une plus forte densité d'hôtes Internet» (OCDE 1999 :
22). Internet a apporté avec lui certaines valeurs, «notamment les principes d'échange
égalitaire et de circulation libre et gratuite de l'information, dans le cadre d'un réseau
coopératif géré par ses utilisateurs» (Sicard et Mesnier 1998:138). Parlant de l'importance
d'Internet dans la vie économique, de la transformation qui s'opère dans le monde des affaires
22
par le commerce électronique, Industrie Canada montre par des exemples concrets les
avantages que les entreprises canadiennes peuvent y trouver :
ont désormais besoin de logiciels avancés pour fournir des relevés de compte par
connexion ; parfois, elles doivent aussi investir dans des ordinateurs et autres
équipements de meilleur niveau ; les systèmes de conception et de fabrication
assistées par ordinateur influencent la menace de substitution dans bien des
industries en permettant de renforcer les caractéristiques des produits plus vite,
plus facilement et à moindre coût; l'automatisation du traitement des
commandes et de la facturation a accru îa concurrence dans de nombreuses
industries de distribution. Les nouvelles technologies ont élevé les coûts fixes
tout en se substituant aux hommes. Il en résulte que les distributeurs doivent
souvent lutter plus dur pour accroître leur volume (Porter 1999:95-96).
On discerne dans ces propos un fil conducteur : l'arrivée de l'Internet dans le monde des
affaires change les dynamiques économiques, incite les acteurs à s'adapter à une réalité
nouvelle, à une logique plus complexe. Tout comme les TIC, l'Internet change la situation
non seulement par sa nouveauté, mais surtout en créant un contexte différent, mouvant, où les
acteurs ont à constamment réviser leurs stratégies de développement.
Il semble donc que pour mesurer l'importance que revêt, pour une société, l'appropriation
d'une technologie, l'Internet par exemple, deux indicateurs paraissent particulièrement
importants. Un premier doit mesurer le taux de son utilisation. Un second doit évaluer les
transformations que l'usage de cette technologie produit sur les attitudes et les
comportements.
Le changement que montrent ces deux indicateurs facilite l'adaptation des individus et des
acteurs de développement aux exigences d'une constante remise en question de l'ancien ordre
de choses. Il y a lieu de tenir compte de l'interactivité propre aux TIC dans l'évaluation du
potentiel informationnel et communicationnel qu'introduit une technologie et particulièrement
Internet, Dans ce cas, le branchement des ménages aux différents réseaux suscite un intérêt
particulier, alors que s'établit une corrélation positive entre la demande de nouveaux sendees
de communication, la libéralisation des marchés et l'introduction de nouvelles dormes sociales
et culturelles. Les phénomènes qui résultent de ces transformations se généralisent avec le
développement d'une infrastructure d'information, comme en témoignent divers rapports de
l'OCDE. Dans l'un d'eux, on peut lire qu'«à mesure que la demande de nouveaux services de
communication et de radioduffusion émanant des ménages et des entreprises s'élargit et que
la libéralisation des marchés se poursuit, l'infrastructure de l'information, tant annoncée,
commence à prendre forme» (OCDE 1999 : 24). On peut lire ailleurs que «les nouvelles
24
technologies pourraient sensiblement modifier les avantages dont jouissent les territoires, à
moins que des mesures rapides ne soient prises en matière d'infrastructures de
télécommunication, permettant à ces technologies de bénéficier à tous les habitants, qu'ils se
trouvent en milieu urbain ou rural» (OCDE 2001 : 27).
Il paraît évident que l'écart grandit entre groupes sociaux et entre nations. Castells explique
cette inégalité par les pratiques des humains, qui sont dictées par un parcours socio-historique
particulier, car «Internet est un réseau de communication planétaire, mais sa pratique, sa
réalité en pleine évolution sont, je l'ai dit, les produits de l'action humaine dans des conditions
historiques données» (Castells 2002: 16). De son côté, l'OCDE rapporte que ce
développement inégal peut se manifester à l'intérieur d'un même pays :
Les pouvoirs publics ont vu la possibilité que donne Internet de stimuler la productivité dans
tous les secteurs d'activité et d'accroître la compétitivité des entreprises (OCDE 2001 : 119).
Ils ont encouragé le branchement à ce réseau et, effectivement, on assiste à une progression
continue de l'appropriation des technologies de pointe. De nouvelles pratiques s'établissent,
entraînées par l'appropriation des TIC et le branchement à Internet, désormais essentiels à
l'innovation et à la prospérité des affaires (OCDE 2000 et 2001). Les acteurs de
développement sont encouragés par les avantages de ces technologies : «le courrier
électronique et l'Internet peuvent améliorer les communications avec l'extérieur - autres
entreprises ou consommateurs - réduire les coûts des transactions, accroître leur vitesse et leur
fiabilité et extraire un maximum de valeur de chaque transaction de la chaîne de valeur » (OCDE
2004 : 12).
25
Toutefois on peut avancer que toutes les sociétés n'ont pas la même aisance à intégrer les
nouvelles technologies et à les utiliser pour leur développement. Pourtant, ces différences
influent inévitablement sur le fonctionnement des économies, de même que sur les
dynamiques sociales et culturelles, et tendent à s'accentuer à mesure que ces technologies se
perfectionnent. Les études portant sur les changements technologiques montrent qu'une réelle
innovation, celle qui transforme des façons ancrées de penser et de faire, suscite d'abord la
curiosité des acteurs, puis le désir de l'adopter pour l'avancement de leurs affaires. Des
périodes d'ajustement social sont par la suite nécessaires pour qu'apparaissent dans la vie
quotidienne les avantages apportés par le changement.
Pour qui veut saisir l'influence des technologies sur le développement des économies et des
sociétés, il est utile de s'attarder à l'analyse du pouvoir de ces technologies d'agir sur les
dynamiques en place d'en orienter l'évolution. À cette fin, il y a lieu de voir comment cette
influence se traduit dans les pratiques entrepreneuriales.
La portée d'un changement technologique n'est pas nécessairement évidente et des questions
demeurent pendantes. Apparentées, mais difficilement mesurables, les conséquences et
l'influence d'un changement technologique diffèrent selon les dynamiques économiques et
sociales existantes. Cette réalité conduit, dans un premier temps, à s'intéresser aux effets de
ces changements sur le monde des affaires.
Une lecture attentive de la littérature spécialisée permet d'avancer que, dans le monde des
affaires, le changement technologique crée une situation nouvelle qui incite les entreprises à
s'ajuster à la dynamique d'un marché de plus en plus international (OCDE 2004).
L'entreprise n'existe pas dans un vacuum. Bien que les décisions concernant l'adoption d'une
technologie soient en principe libres et puissent varier selon les acteurs et leurs compétences,
il importe de prendre en considération le contexte, particulièrement le marché, qui a sa propre
logique, impose certaines orientations et en écarte d'autres : «Even when the initial path of
technological development is generated by "technology push", factor market forces often act
26
to modify the path of technical change» (Ruttan 1997 : 1524). Les lois du marché et ses
fluctuations influent nécessairement sur les acteurs et les incitent à bien peser leurs décisions
quant au choix d'une nouvelle technologie.
Dans un monde où la compétition est rude et s'internationalise, Facteur qui veut maintenir un
avantage concurrentiel a tout intérêt à faire des choix technologiques bien étudiés afin, entre
autres., de pouvoir y adapter sans trop de problèmes le savoir-faire existant aux nouvelles
conditions : «We live in a turbulent world dominated by an increasing rate of technological
change. Economic agents, including firms and governments, are forced to adapt to
technological change in order to survive in a competitive environment» (Archibugi, Howells
et Michie 1999 :13). La décision d'un acteur d'implanter ou non une technologie de pointe, et
le choix de la façon dont le matériel technologique sera utilisé peuvent décider de l'avenir,
sinon de la survie de l'entreprise.
La plupart des écrits que nous venons d'aborder montrent une réalité importante : quand on se
l'est appropriée convenablement, une technologie diminue les coûts d'opération par
l'efficience et la rapidité accrues des moyens de production, et la qualité constante du produit
Ces résultats favorables sont le fruit de décisions judicieuses prises en amont. L'implantation
d'une nouvelle technologie résulte en effet d'un processus vital pour l'entreprise : la prise de
décision. Diverses raisons sous-tendent la décision d'un dirigeant d'investir pour un
changement technologique d'importance. L'objectif peut être d'améliorer sa gestion interne,
affermir sa capacité concurrentielle, corriger un problème environnemental, etc. La théorie
économique classique rend compte du processus menant à ce genre de décision. Elle postule
que le décideur est essentiellement rationnel, impartial, uniquement préoccupé d'efficacité et
d'efficience ; qu'il décide après avoir supputé tous les aspects d'un projet, en fonction de son
utilité. Sa décision est donc, en principe, parfaitement rationnelle, pragmatique.
28
Les prémisses qui fondent cette théorie ont été remises en question, par exemple, par Daniel
Kahneman, économiste et psychologue, prix Nobel d'économie en 2002. Ses recherches
résumées dans sa "théorie des perspectives" (Prospect theory) montrent que les décisions de
nature économique reposent bien souvent sur des critères peu sûrs, voire erronés, où
l'émotivité peut avoir une part importante. En effet, dans les situations complexes,
mouvantes, où Pincertitude est grande, la rationalité pure, la rectitude du jugement sont
souvent altérées, à F insu du décideur.
Le risque d'interférence d'origine émotionnelle est plus grand lorsqu'il s'agit d'une décision
individuelle. Dans le cas d'une entreprise, la possibilité d'être influencé par l'émotion semble
réduite, parce qu'ordinairement une question importante est passée au tamis de plusieurs
personnes avant la prise de décision finale. Ces considérations sont, pour le dirigeant, un
appel à la vigilance.
Depuis les années 1970, les changements technologiques sont devenus un phénomène
important et quasi continuel qui a attiré l'attention des chercheurs. Leurs études montrent que
ces changements apportent des améliorations significatives en matière de croissance,
d'emploi et de productivité. Les réflexions de Freeman (1987) font partie de ces travaux.
L'auteur a montré comment un changement technologique se déroule en plusieurs étapes,
allant de l'invention et de la créativité jusqu'à la diffusion des innovations conséquentes. Le
passage d'une étape à une autre dépend de certains facteurs, notamment ceux qui favorisent la
diffusion de la science et de la technologie, qui agissent non seulement sur le fonctionnement
de l'entreprise, mais aussi sur ses relations avec son environnement.
À la base de leur décision d'implanter une nouvelle technologie, les acteurs sont
raisonnablement sûrs de profiter de certains avantages : hausse de la productivité, de la
capacité concurrentielle, etc. et, à terme, ils escomptent un retour sur leur investissement.
Cette décision ne va pas sans hésitation et il arrive qu'une firme refuse de suivre le
changement à répétition et préfère attendre, considérant que les avantages prévisibles ne
permettront pas de récupérer le capital engagé. Les auteurs écrivent :
We show the conditions under which 'incessant' technology change can arise,
but we also show that inertia! responses are an equally interesting implication
when considerations of foresight and rational learning are made explicit. This
arises because the incentives to absorb new technologies in general conflict with
the incentives to match well with them when technologies thus can be explained
either as a rational way of capturing the benefits of better matching in the future,
or as a consequence of lock-in effects, which make it too expensive to release
adaptive capital already accumulated (Jones et Newman 1995:912).
30
On voit l'importance, pour un décideur, de bien évaluer les conditions d'implantation et les
suites d'un changement technologique. Mais une fois résolues les modalités d'acquisition et
d'appropriation, les acteurs ont à leur disposition une technologie propice à la croissance et à
la productivité, surtout si le contexte, géographique, historique, social s'y prête. Toutefois
quel que soit le contexte, l'adoption d'une technologie complexe gagne à se réaliser selon une
démarche simple et graduée, se gardant d'écueiis toujours possibles. Singh (1997) a mené une
recherche à cet égard, qui lui a permis de confirmer les hypothèses suivantes : 1. The greater
the complexity of technology that a business develops, the greater its risk of failure. 2.
Technological change is positively associated with the risk of business failure. 3.
Technological expansion is positively associated with the risk of business failure. 4. The
greater the diversity of technology that a business develops, the greater its risk of failure
(Singh 1997).
De son côté, Ruttan (2002) s'est intéressé aux rapports existant entre les technologies, la
croissance et le développement. Il a analysé les effets des technologies dans cinq secteurs
importants : l'agriculture, l'électricité, l'industrie chimique, F informatique et la
biotechnologie, et a montré que l'ampleur et la direction d'un changement technologique
résultent d'ordinaire d'une mise en valeur des ressources (humaines, techniques et autres)
disponibles, et de l'innovation institutionnelle. Selon l'auteur, la compétitivité,
l'environnement, les politiques concernant la science et la technologie, et l'aptitude à intégrer
l'ordre global qui se met en place, sont autant de facteurs qui décident de l'ampleur et de la
direction qu'impose un changement technologique. La combinaison de ces facteurs peut être à
l'origine d'une remise en question de l'ordre institutionnel existant et encourager l'émergence
d'un autre régime plus adapté aux exigences conjoncturelles. L'auteur a repris cette idée dans
un travail subséquent, en 2003, où il a montré que les jeux de pouvoir, occasionnés par
l'innovation institutionnelle, conditionnent le changement technologique. Lorsque les
ressources locales et régionales sont valorisées convenablement, en même temps que les
aspects positifs de la culture, ces jeux de pouvoir accélèrent et orientent le changement
technologique. Selon l'auteur, lorsque la combinaison de ces facteurs créée un déséquilibre
important et ébranle l'ordre existant, alors s'ouvrent des nouvelles perspectives et divers
aménagements deviennent possibles.
31
Bref, une technologie n'arrive pas seule dans un milieu; elle porte avec elle une certaine
culture» des attitudes, des comportements qu'il faut acquérir patiemment. Les dynamiques
conséquentes à un changement technologique sont donc responsables de la direction que
prend le développement des activités humaines. Il y a là, bien sûr, une saine mise en garde, un
caveat emptor que tout entrepreneur doit considérer, sans toutefois se laisser décourager
d'investir dans une nouvelle technologie. Car la récompense d'un changement technologique
réussi peut être grande.
Pour Bac (2000) et Acemoglu (2001), les nouvelles formes de socialisation se développent
d'abord dans le monde du travail. La coexistence sociale des «Good Jobs» versus les «Bad
Jobs» montre que plus les individus s'approprient les TIC, plus ils ont la chance d'être mieux
32
rémunérés et donc de mener une vie de meilleure qualité (Acemoglu 2001). La coexistence
sociale d'emplois «de qualité» ou «médiocres» montre, comme corollaire, la précarité
d'emplois qui exigent beaucoup d'efforts et de performance de la part des employés ; ce qui
tend à créer des déséquilibres dans le marché du travail (Bac 2000 : 696). Ces contraintes,
nouvelles et anciennes, qui marquent le fonctionnement du monde du travail, affectent d'une
manière ou d'une autre la vie sociale.
De leur côté, Bartel et Sicheman (1993 et 1999) ont montré comment l'usage d'une
technologie influe sur les salaires, et par conséquent le mode de vie des travailleurs. Krueger
(1993) a établi que les travailleurs qui utilisent des ordinateurs gagnent 15% de plus que ceux
qui n'en utilisent pas, que les étudiants diplômés d'une institution de l'enseignement
supérieur utilisent davantage les ordinateurs. Cela se traduit par une demande sociale accrue
pour les métiers, et en conséquence les pratiques, qui exigent le recours aux TIC.
Des conclusions semblables ressortent d'un travail qu'Allen a consacré aux effets des
technologies sur les structures salariales de différents secteurs d'activité économique. Une
observation importante de l'auteur est le lien qu'il a démontré entre l'usage des objets
technologiques et les différentes catégories d'employés, oeuvrant dans divers secteurs
manufacturiers et autres. Il apparaît ainsi que les pratiques des employés de tous les âges
changent profondément par l'introduction de la technologie nouvelle (Allen 2001 : 465).
On peut inférer de ces recherches qu'il y a une socialisation qui s'opère à mesure que le
savoir-faire, porté par les objets issus de la nouvelle technologie, agit sur les pratiques
sociales ; toutefois il est bien difficile, sinon impossible de saisir exactement comment ce
savoir-faire se développe. Il introduit en effet une seconde forme de socialisation, qui se
manifeste à la suite de réglages inconscients, donc sans s'appuyer sur des règles
prédéterminées. Ainsi, il est remarquable de voir comment l'acculturation liée au
développement du savoir-faire se produit facilement et rapidement dans la vie quotidienne.
On utilise un grand nombre d'objets sans penser à la somme des connaissances nécessaires à
leur production. C'est particulièrement le cas des TIC. Les nouvelles façons de communiquer
qu'elles permettent transforment
33
Cette remarque peut s'appliquer particulièrement bien à la jeune génération, celle qui est née
à l'ère des TIC. Les adultes d'un certain âge ne cessent de s'étonner de la facilité et de ia
rapidité avec lesquelles cette génération arrive à s'approprier n'importe quelle composante
informatique et à s'en servir de façon inventive. Pour eux, cela va de soi. Il y a pourtant là un
phénomène d'acculturation très important, aux répercussions sociales considérables, qu'on ne
fait que commencer à mesurer.
Plus ou moins consciemment, les acteurs importants dans un milieu, puis la population,
adoptent les standards que créent naturellement les applications technologiques de la science.
Ces standards représentent ce qu'est penser et agir conformément aux exigences de la
conjoncture. On peut voir là l'une des raisons du succès souvent rapide d'une innovation et qui
font des technologies le principal outil qui oriente le développement. Les retombées sociales
conséquentes à la numérisation et à ses applications sont particulièrement visibles et montrent
qu'on aime bien utiliser les nouveaux objets pour leur utilité.
34
De ce qui précède, trois idées principales paraissent se dégager. D'abord, l'usage des objets
fondés sur une haute technologie, particulièrement de l'informatique, encourage l'adoption de
stratégies individuelles et collectives de développement, de façon à suivre les vagues de
l'innovation. Ensuite, cet usage revêt un aspect social, porteur de normes et de valeurs
propices à l'activité scientifique. Enfin, cet usage commande une expertise professionnelle
originale, sans nécessairement devoir renoncer à l'attribution de nouvelles vocations à des
techniques éprouvées.
Les deux premières sections de ce chapitre ont ceci d'intéressant qu'elles mettent en évidence
au moins deux conclusions importantes. D'abord tout changement technologique ne peut
avoir des conséquences heureuses que s'il s'inscrit dans une stratégie globale de
développement. Or pour qu'une telle stratégie prenne forme, il faut que les acteurs de
développement, qu'ils soient individuels ou collectifs, prennent conscience du pouvoir des
technologies de pointe de stimuler les spécificités d'un territoire. À cet égard, la littérature
témoigne que le développement récent de l'informatique et l'usage progressif de l'Internet ne
sont que des facettes, pas nécessairement les plus spectaculaires, des profondes
transformations économiques et sociales en cours dans plusieurs régions de la planète. En
second Heu, ces transformations apparaissent davantage et en premier dans le monde des
affaires, car les entrepreneurs cherchent constamment à suivre les vagues du renouvellement
technologique, pour acquérir ou préserver un précieux avantage concurrentiel. C'est aussi dire
que les changements technologiques ont d'abord une dimension économique considérable,
qui n'occulte pas cependant leur forte incidence sur le développement des formes nouvelles
de socialisation.
Il ressort de la littérature que pour mieux connaître la contribution des TIC et des
changements technologiques à l'activation des avantages d'un territoire, il faut s'efforcer de
comprendre comment les structures en place conditionnent l'appropriation des TIC et, surtout,
comment une conjoncture donnée façonne cette appropriation.
Cependant, il faut souligner qu'il est souvent difficile de mesurer la productivité, surtout dans
le secteur des services, où l'on utilise davantage les TIC (Wolff 1999 : 303). L'étude de
Triplett (1999) confirme l'existence de certains avantages associés à l'usage des nouvelles
technologies. Sa recherche a tenté d'illustrer la capacité des ordinateurs à influencer la
croissance économique. Selon Fauteur, bien qu'il existe des liens entre l'appropriation des
technologies et l'augmentation de productivité, ces technologies ne permettent pas d'atteindre
complètement les objectifs visés par les acteurs : «computers are less productive than they
were thought to be when decisions were made to computerize» (Triplett 1999: 326). Au
contraire, Lehr et Lichtenberg confirment l'existence de liens forts entre l'appropriation des
ordinateurs et la croissance économique ; ils soulignent cependant que pour arriver à une
évaluation correcte de ces liens, il importe de disposer des outils pertinents. Ils écrivent; «Our
principal finding, that computers — especially personal computers — do contribute positively to
37
productivity growth, suggests that the traditional Information productivity paradox is largely a
measurement problem» (Lehr et Lichtenberg 1999 : 335).
Bien qu'il ne soit pas toujours facile d'en mesurer les avantages, l'informatisation est
désormais indispensable dans l'entreprise. Boucfay constate que, «comme toute révolution
indusfrielle le permet, l'informatique innerve tous les aspects de la vie quotidienne et sans
rupture, de la vie familiale à la vie professionnelle, la collectivité est entrée dans un monde où
l'informatique devient l'outil privilégié de l'activité des entreprises et de la communication
des hommes» (Bouchy 1994 : 25),
La croissance de la productivité dépend de plusieurs facteurs, mais il semble bien que les
ordinateurs et les logiciels qui les gouvernent - et ce qu'on en fait, peuvent faire la différence
entre la croissance et la stagnation ou le déclin. L'informatisation a rendu possible
l'automatisation, qui se charge dorénavant d'une foule de tâches, itératives, dangereuses ou
peu valorisantes, permettant «de concentrer les efforts de production des professionnels sur
les tâches à forte valeur ajoutée, d'assurer la qualité des procédés et des produits et de
produire dans des conditions de coûts et de délais connues à l'avance» (Bouchy 1994 : 24).
Il est un peu étonnant qu'on ait attendu que l'automatisation se généralise dans le domaine de
la production, pour commencer à s'intéresser aux possibilités offertes par les TIC dans le
monde des affaires. On a compris qu'il ne suffit pas de s'approprier quelques composantes
technologiques destinées à la production, pour pouvoir profiter pleinement du potentiel de
F automatisation et rehausser la productivité. Il fallait joindre à ces composantes les
technologies de l'information et de la communication, et la force de l'Internet, pour faire une
entrée réussie dans la nouvelle économie et s'assurer d'y subsister. Pour la nouvelle
économie, en effet, le principal outil est le numérique et ses applications, dont au premier chef
les TIC. Casteîls s'anime en parlant de cette économie, aussi exigeante que gratifiante : elle
est «fondée sur un potentiel sans précédent de croissance de la productivité, résultant de
l'usage d'Internet pour toutes sortes d'entreprises engagées dans toutes sortes d'opérations ; il
est probable que nous entrons dans un monde économique nouveau. Ce monde n'abolit pas le
cycle des affaires, ne réduit pas à néant les lois économiques, mais transforme leurs modalités
et leurs effets, tout en enrichissant les règles du jeu» (Casteîls 2002 : 14).
38
uessor récent des TIC change et cornpîexifie les structures sociales et économiques
accoutumées. L'interpénétration croissante de ces structures brouille les frontières qui
séparent des champs sociaux et économiques coexistants. C'est pourquoi il est difficile de
saisir comment les TIC participent aux dynamiques économiques et sociales en place. En fait,
si les formes de la coexistence, entre champs sociaux et économiques, apparaissent peu
précises, c'est que notre société est «à la fois capitaliste et informationnelle, quand bien même
elle présente des variations historiques considérables d'un pays à l'autre, selon l'histoire de
chacun, sa culture, ses institutions et les relations spécifiques qu'il entretient avec le
capitalisme global et la technologie de l'information» (Castells 1998 : 34).
Les acteurs ne peuvent plus échapper aux impératifs technologiques et informationnels et ils
ne peuvent plus les ignorer lorsqu'ils fixent leurs choix stratégiques. L'inquiétude, qui peut
aller jusqu'à l'anxiété, guette les acteurs de développement, car ils craignent ne pas pouvoir
suivre les vagues du changement : «la peur du changement est une constante historique de
l'expérience humaine (tout comme, paradoxalement, la pression des audacieux pour que ça
change), mais j'estime que si cette résistance, cette insatisfaction face au monde des réseaux
dynamisé par Internet existe, c'est que plusieurs défis n'ont pas été relevés» (Castells 2001 :
335). Ces défis demeurent quand on n'arrive pas à reconnaître et à utiliser le pouvoir foncier
39
des TIC d'améliorer les conditions de vie des individus, des entreprises et des territoires, en
créant de nouvelles dynamiques, des interactions originales génératrices d'innovation.
L'introduction d'une technologie inédite crée une certaine effervescence dont peut souffrir
temporairement la dynamique économique. En même temps que l'attente d'avantages
probables, il y a l'appréhension vague d'une désillusion ou d'un bouleversement irréversible
des structures accoutumées. Toutefois pour Facteur prudent, qui n'a pas craint la nouveauté et
a su miser sur la communication et le savoir, les avantages peuvent être considérables : «dans
le nouveau mode informationnel de développement, c'est la technologie de la production du
savoir, du traitement de l'information et de la communication des symboles qui engendre la
productivité» (Castelis 1998 : 38). On peut donc s'attendre à ce que l'usage approprié de ces
technologies devienne source de richesse accrue dans un territoire, parce qu'elles encouragent
l'innovation, augmentent la compétitivité des entreprises et soutiennent leur avantage
concurrentiel. En fait, les TIC semblent prendre dans la société une place de plus en plus
importante :
Not only can the application of IT provide better ratios of value rated to effort
expended in established processes for producing goods and delivering services,
but it can also reframe and redirect the expenditure of humain effort, generating
unanticipated payoffs of exceptionally high value. Information technology can
support inventive and creative practice in the arts, design, science, engineering,
education, and business (Mitchell et al. 2003:15).
Les TIC semblent créer des dynamiques nouvelles: elles consolident les activités
entrepreneuriales car elles incitent les entrepreneurs à s'encourager et à se motiver (Mitchell
et al. 2003: 19); elles favorisent la généralisation de la créativité en stimulant
l'interdépendance des activités culturelles, des dynamiques du marché et des politiques mises
en place afin d'orienter le développement d'une nation (Mitchell et al. 2003: 21-22).
Il semble donc que les territoires périphériques, s'ils savent tirer parti de la nouvelle
dynamique, peuvent faire leur place dans un contexte de mondialisation.
En mettant à la disposition des acteurs le savoir du monde, les TIC confortent leurs
aspirations et leur offrent la possibilité d'élargir les frontières de l'agir. La mutation récente
de l'économie est largement tributaire de ces nouveaux instruments. Castelis remarque que
40
cette économie, «dont le fer de lance est le cybermonde des affaires, n'est pas une économie
en ligne, mais une économie propulsée par les technologies de l'information, reposant sur la
main-d'œuvre autoprogrammable et organisée autour de réseaux d'ordinateurs. Telles sont
apparemment les sources de la croissance de la productivité du travail, donc de la création de
richesse, à l'ère de l'information» (Castells 2002 ; 126). Les exigences conjoncturelles invitent
à des pratiques nouvelles, à l'exploitation du potentiel offert par les TIC. C'est justement
l'arrivée de ces technologies qui rend la nouvelle économie, malgré ses aléas, ses sursauts,
toujours séduisante.
Dans l'économie, dans la société, les TIC agissent sur les dimensions temporelles. Entre
correspondants la distance ne compte plus comme auparavant. L'art épistoiaire s'étiole et fait
place graduellement au courriel. La communication instantanée s'impose. L'accélération du
temps suggère une perception renouvelée et une utilisation innovante des différents temps
sociaux. La réalité des TIC conduit à appréhender le temps davantage en fonction d'une trame
de type «passé-présent-futur», où le temps est «comme un tableau illimité où toute la durée
est étalée sous le regard de l'esprit et où tous les événements possibles peuvent être situés par
rapport à des points de repère fixes et déterminés. Ce n'est pas mon temps qui est ainsi
organisé; c'est le temps tel qu'il est objectivement pensé par tous les hommes d'une même
civilisation. Cela seul suffit déjà à faire entrevoir qu'une telle organisation doit être
collective» (Durkheim 1985 : 14).
; le temps en retard sur lui-même (temps des symboles collectifs, par exemple,
déjà dépassés à peine cristallisés, etc.); le temps de l'alternance ente retard et
avenir : c'est le temps des communautés, de la monarchie liée à l'absolutisme
éclairé... temps qui oscille entre conservatisme et changement; le temps en
avance sur lui-même (temps des effervescences collectives, de l'innovation,...);
le temps explosif: c'est le temps des créations, des révolutions... autant de
phénomènes qui dissolvent passé et présent dans l'invention d'un avenir
immédiatement transcendé (de Terssac et Tremblay 2000: 38).
Les TIC accélèrent le temps et rendent les transactions plus fiables, et c'est dans ce sens
qu'on peut dire que l'appropriation d'une composante technologique, comme l'ordinateur, a
des retombées inestimables (OCDE 2004; Lehr et Lichtenberg 1999 : 357). On peut dire que
l'usage des technologies accélère le "temps total", qui désigne le « rythme d'une vie qui
n'est celle d'aucun individu en particulier, mais à laquelle tous participent» (Durkheim 1985 :
630). Le temps total est «le rythme de la vie collective qui domine et embrasse les rythmes
variés de toutes les vies élémentaires dont il résulte; par suite, le temps qui l'exprime domine
et embrasse toutes les durées particulières» (Durkheim 1985 : 631). Les TIC influencent donc
toutes les dimensions de la vie économique et sociale. Elles facilitent la mise en place de
repères sociaux nouveaux et encouragent le développement de représentations sociales
originales. Elles définissent le temps de travail comme un principal catalyseur de la vie
sociale, même si généralement ce temps est «abstrait, imposé de l'extérieur, mesuré et sécable
et surtout un temps qui conditionne tous les autres temps sociaux» (de Terssac et
Tremblay 2000: 189). Entraînant de nouvelles façons de faire, d'organiser le temps total, le
temps du loisir et le temps du travail, les TIC arriveront peut-être à changer une tâche en
plaisir, selon ce qu'entrevoyait Edwars Capell au XVIIIe siècle : «Nature has made
occupation a necessity; society makes it a duty; habit may make it a pleassure».
Comme pour toute avancée scientifique, il paraît nécessaire que l'État, dépositaire du bien
commun, non seulement surveille mais aussi, dans certaines limites, intervienne dans les
politiques concernant les TIC. Il est avéré que l'intervention de l'Etat amène ces technologies
à contribuer davantage au développement national, notamment en participant à la renaissance
des milieux et territoires en déclin du pays concerné. Les TIC ont également un impact social
et culturel que les forces du marché oublient volontiers, mais dont un gouvernement doit tenir
42
compte. Ces deux aspects, influence ubiquitaire et impact social sont brièvement évoqués ici,
avant de discuter plus en détail des politiques gouvernementales par rapport aux TIC dans la
vie économique.
Lefar et Lichtenberg (1999) ont montré que les efforts des gouvernements ont des effets
importants quand ils encouragent l'appropriation de composantes technologiques. Chang,
Tsai et Lai (1998) ont établi que les délais nécessaires aux gouvernements pour ajuster leurs
politiques aux besoins exprimés par les acteurs privés sont déterminants, et ont montré la
pertinence, en général, des dépenses gouvernementales à cet égard. Les auteurs concluent à
l'existence de liens forts entre les actions du secteur privé et les ajustements des
gouvernements (Chang, Tsai et Lai 1998 : 644).
Le développement de l'activité économique est crucial pour une nation et les TIC y occupent
dorénavant une place centrale. Toutefois, les infrastructures nécessaires à leur implantation et
à leur appropriation généralisée exigent des ressources financières considérables, que le
secteur privé n'est pas nécessairement en mesure d'assumer. Par ailleurs, l'expérience montre
le risque d'abus auxquels les tendances naturelles du marché peuvent donner lieu. On voit
donc immédiatement le double rôle de l'État relativement aux TIC dans la vie économique et
sociale : le financement et la régulation.
Ainsi, l'appropriation des TIC, fort inégal, doit être vue historiquement comme
l'aboutissement d'un parcours original. Les conditions générales qui influencent cette
appropriation aident à reconnaître la capacité des TIC à soutenir un développement qui
réponde convenablement aux exigences d'une conjoncture donnée. En effet, «as nations
continue to differ from each other in corporate structures, in labor relations, in educational
systems, in economic policies, and in many other ways, so we should expect them to continue
to differ in the technologies they generate and adopt» (Wright 1997 : 1565). Rendant compte
des enjeux liés à l'appropriation des TIC, Wright constate que, généralement, le
fonctionnement des TIC dépend de choix stratégiques déterminants, qui influencent
profondément l'avenir d'une collectivité, d'une nation.
L'OCDE constate que le fonctionnement des TIC dans la dynamique économique d'une
nation peut s'observer sous trois aspects. D'abord selon la contribution du secteur des TIC
43
dans l'économie régionale. Ensuite par rapport au changement et à l'accélération que
F introduction des TIC dans l'économie apporte dans les processus de fabrication et de
commercialisation de nouveaux produits. De ce point de vue, les TIC sont perçues comme des
facteurs de production. Elles sont «des technologies clés pour accélérer le processus
d'innovation et raccourcir les cycles, ce qui favorise un lien plus étroit entre les stratégies
d'entreprises et l'exécution de la recherche» (OCDE 2000b : 52). On peut enfin considérer les
retombées de l'usage des TIC comme constituant un indicateur décisif de leur impact sur
l'économie régionale. L'une des plus importantes facettes de ces retombées est le fait que ces
technologies «s'apparentent aux progrès des connaissances et à l'apparition de nouveaux
schémas et de nouvelles formules ou d'innovations organisationnelles susceptibles de
bénéficier à tous les acteurs du marché» (OCDE 2000b : 56).
L'intervention de l'État dans le domaine des TIC se justifie d'abord pour des raisons de coûts.
La mise en ouvre des TIC exige en effet des investissements considérables, rarement à la
portée d'une entreprise; c'est pourquoi le développement de ce secteur est ordinairement pris
en charge par l'État. Pour le développement d'un pays, l'importance de ces investissements
soulève des questions politiques ; ils sont cependant nécessaires à la promotion de
l'innovation et aident à résister aux pressions d'une économie parfois trop centrée sur le court
terme. L'intervention des gouvernements devient ainsi une stratégie en vue d'associer la mise
en place d'infrastructures technologiques majeures, et l'appropriation des nouvelles
technologies, à l'essor des secteurs économique et social.
Le développement d'une économie axée en grande partie sur les TIC invite à reconsidérer les
diverses variables qui agissent sur les dynamiques économiques de développement; c'est
pourquoi l'on préconise souvent qu'un intérêt particulier soit accordé à «la création de
facteurs avancés visant la compétitivité : ressources humaines très qualifiées; système
d'innovations technologiques; infrastructures sophistiquées; coopération objective et
subjective entre entreprises» (Benko, Lipietz et al. 2000 : 291). Selon les auteurs, ces diverses
tâches, importantes et coûteuses, nécessitent l'intervention des gouvernements ; elles exigent
«un processus qui impliquera beaucoup plus fortement l'État et les institutions locales»
(Benko, Lipietz et al. 2000 : 291). Quant à Porter, il donne une place importante au secteur
privé. Selon lui, les acteurs privés doivent jouer un rôle de premier plan car «economic
development is inevitably a collaborative process involving multiple constituencies and it's a
process in which the private sector has fundamental roles and a fundamental stake» (Porter
2003a).
Il semble donc que l'évolution continue des TIC révèle un nouvel ordre mondial caractérisé
par l'instabilité dans ses dimensions économique, sociale et culturelle. Les enjeux de
développement d'un pays, d'un territoire, agissent sur ces dimensions et ouvrent devant les
acteurs, individuels et collectifs, des horizons vastes; toutefois l'actuelle division
internationale du travail définit la nature de la concurrence entre les firmes, entre les pays et
entre les territoires, impose des structures économiques et socioculturelles qui donnent
légitimité aux interventions étatiques visant à soutenir le développement des TIC. De
nouvelles réalités émergent, qui indiquent à un gouvernement des orientations de nature à
améliorer la place que le pays occupe au sein du système international de concurrence.
Considérant la division internationale du travail et les compétences en place, ArcMbugi insiste
sur l'importance de bien choisir les axes de développement et de bien cibler les interventions.
Il écrit:
in the modem world the division of labour is not such that a single country has a
marked advantage in all the high-tech industries. [...] This constrains all
industrialized countries, including the large ones, to select the technological areas
in which they intend relying on imports. This observation is corroborated by
three facts; 1) Technological competence is very different among developed
countries. This is reflected both in the sectoral distribution of their innovations
and in their international commercial specialization profiles. 2) As stated earlier,
the differences in each country's technological competence have increased. 3)
45
The place occupied by a country in technological and commercial specialization
tends to remain constant over time. Hence, one of the factors allowing a country
successfully to exploit its technological competence in foreign markets is the
careful selection of the sectors which it chooses to focus on, given its existing
competence (Archlbugi, HoweËs et Mchie 1999:259-260).
Importante au niveau international, la concurrence l'est également sur le plan local. Elle
conditionne le devenir des forces locales de développement mais présente également des
embûches que l'acteur doit affronter s'il espère disposer d'un avantage utile à faire valoir ses
propres intérêts. II y a là des jeux de pouvoir où sont souvent impliquées les TIC, qui
brouillent les règles de la concurrence, car elles changent les supports des activités
économiques. Ce changement survient parce que les TIC modifient «le pouvoir des acheteurs,
le pouvoir des fournisseurs, les menaces de nouveaux entrants, les menaces de produits de
substitution et les rivalités entre acteurs existants» (Porter 1999 : 94). L'appropriation des TIC
est désormais planétaire. Elle s'inscrit dans un contexte global où le changement s'opère
essentiellement par un déplacement des axes de l'activité économique et de ses effets sociaux.
Cette observation explique en bonne partie l'exploitation inégale des technologies. Cette
inégalité, manifeste aussi bien à l'intérieur d'un pays qu'au niveau international, est un palier
essentiel de la nouvelle division internationale du travail.
it is advantageous for a country to sel its own products in foreign markets and,
(...) the advantage becomes even greater if competitiveness is based on
sophisticated technological knowledge rather than price. In fact, the former
allows the application of profit margins, which are difficult to sustain in areas in
which technological barriers to entry are very low. Thus, the preoccupation of
political advisors with providing support for industries exporting goods of high
technological opportunity seems well founded. It is certainly not by chance that
governments provide support for competitiveness of national firms by favouring
46
their innovation programmes, so much so that technological policies are
increasingly being merged with commercial policies (Archibugi et al. 1999:258).
Des investissements importants dans les TIC sont donc indispensables si l'on veut garder ou
améliorer sa place au sein de la concurrence. La plus grande part de ces investissements devra
venir de l'État. Ce faisant, l'État sera gagnant à terme, puisque le seul fait d'implanter les TIC
ajoute du poids à l'économie locale, mais surtout fait en sorte que les entreprises du territoire
concerné prospèrent et résistent à la concurrence.
dans la vision de la nouvelle économie, les crises avaient disparu. Depuis mars
2000, les crises sont partout. Dans une optique régulationniste, une crise
intervient lorsque les mécanismes économiques à l'œuvre, impulsés par les
institutions héritées du passé, n'arrivent plus à stabiliser les déséquilibres de
l'accumulation. C'est ce que montre l'économie américaine actuelle. C'est une
crise de régulation puisqu'il faut une intervention publique massive et multiforme
pour contrecarrer les risques de récession ou, pire, de dépression. Du coup on
retrouve l'idée qu'une forme d'intervention publique est constitutive d'une
économie de marché. L'erreur serait de confondre une forme d'État avec l'État en
général. L'État américain ne manque pas de moyens. Il a une politique fiscale
active et une capacité certaine à régler les problèmes que le secteur privé ne peut
résoudre à lui seul (Boyer 2001).
Pour Porter, le développement d'une économie moderne « is not something that should be led
by government. In fact, it can't be led by government. The more we learn about competition,
the more we learn that it has to be a kind of a partnership between government, business,
universities, schools, NGOs and other organizations if we're going to actually put in place the
environment, the infrastructure required for a healthy economy» (Porter 2003a). En somme,
47
les seules forces du marché, «la main invisible» de Adam Smith, ne suffisent pas pour créer
une économie saine et durable. La concertation entre acteurs est nécessaire, appuyée par le
rôle régulateur de F État.
De fait, plusieurs mesures dépassent les capacités des entreprises isolées, mais sont devenues
si nécessaires que les gouvernements les adoptent pour améliorer la compétitivité des
entreprises. Par exemple, un gouvernement peut intervenir «en conseillant les entreprises sur
des sujets tels que les lignes de produits, les marchés d'exportation, la technologie et
l'organisation du travail. Il accompagne ses recommandations de puissantes mesures
financières et fiscales, ainsi que d'un soutien sélectif aux programmes stratégiques de R&D»
(Castells 1998 : 220). Mais dans bien des cas, l'État peut se définir comme
Un État intervient davantage si l'avenir des activités stratégiques est sombre, exigeant des
réformes radicales, qui peuvent améliorer le fonctionnement des structures socio-
économiques en place. Dans ce cas, l'État devient le principal développeur : «l'État est
développeur lorsqu'il établit comme principe de sa légitimité sa capacité à promouvoir et
alimenter le développement, compris comme une combinaison de taux de croissance soutenus
et de changements structurels du système économique, tant à l'intérieur que dans sa relation
avec l'économie internationale» (Castells 1998 : 219).
Il faut en même temps mettre en garde contre toute généralisation qui placerait l'État au
centre de toutes les dynamiques économiques et sociales. L'intervention d'un État ne se
généralise que dans certains secteurs stratégiques. Ce sont les dynamiques propres à ces
secteurs qui incitent les gouvernements à ne pas «se contenter d'organiser des échanges
commerciaux, ils doivent aussi fournir le soutien nécessaire au développement technologique
et à la formation des ressources humaines, c'est-à-dire aux bases essentielles du
fonctionnement de l'économie informationnelle, sachant que les marchés publics (la défense,
48
les télécommunications) ainsi que les subventions et les prêts à taux privilégiés du
gouvernement (pour la R&D, la formation, les exportations) aident de manière déterminante
les entreprises à s'octroyer une bonne place dans la concurrence globale» (Castelîs 1998 :
135).
Même si l'État vise à améliorer la compétitivité des entreprises, les mesures qu'il adopte
influencent la concurrence entre les firmes et les territoires. Il peut intervenir de diverses
façons. Sans les contrôler, il peut surveiller les médias, en encourageant soit leur convergence
ou leur divergence. Il peut aussi adopter une réglementation qui impose aux acteurs de
développement des comportements et des actions précises : la politique gouvernementale
oriente aussi la stratégie, la structure et la rivalité des entreprises à travers la réglementation
des marchés des capitaux, la politique fiscale et la législation sur la concurrence (Porter 1993 :
140). L'État peut également utiliser l'outil de la subvention, soit pour démarrer une nouvelle
entreprise, soit pour en aider une autre à grandir ou à traverser une mauvaise passe. Enfin, un
État peut agir au niveau international, au moyen d'ententes de toutes sortes, bilatérales ou
multilatérales.
1.4. La conjoncture q u é b é c o i s e
Les scientifiques qui veulent étudier le rôle des TIC dans le développement des territoires du
Québec n'ont pas la tâche facile. La difficulté vient principalement de la nouveauté du sujet;
49
l'appropriation des TIC est en effet récente puisque ses débuts remontent aux années 1980,
mais elle n'a pris des dimensions importantes que vers la fin de la décennie suivante. De plus,
l'appropriation des TIC soulève des questions complexes, par la diversité des pratiques
qu'elle engendre, les dimensions variées qu'elle donne aux représentations sociales et
l'orientation qu'elle impose aux divers secteurs de l'activité humaine.
L'ouvrage récent de Fortin et Sanderson (2004) constitue l'une des premières tentatives de
faire le point sur ces questions. Leur publication, sur les TIC et l'identité des collectivités
implantées dans les régions québécoises, avait pour objectif de produire des connaissances à
jour, complètes et rigoureuses, qui montrent que les TIC, loin de nuire à la cohésion sociale et
à l'identité des collectivités, les renforcent. Cet ouvrage mérite donc une attention
particulière.
Les spécialistes du développement des régions du Québec trouveront cet ouvrage intéressant,
utile et surtout à jour; il présente une réflexion bourrée d'informations et de données
précieuses sur les étapes de l'appropriation des TIC au Québec depuis les années 1980 jusqu'à
nos jours. Les auteurs font preuve d'une excellente connaissance des enjeux de
développement des régions du Québec, notamment du point de vue des dynamiques sociales
et communautaires et n'hésitent pas à reconnaître les avantages des TIC pour la vitalité des
collectivités périphériques. Ils constatent par ailleurs que les effets des TIC sur le
développement des régions du Québec sont assez peu connus chez les spécialistes comme
chez les responsables politiques.
Pour les auteurs, il s'agit d'abord de resituer l'appropriation des TIC dans son contexte
historique et social. Une meilleure compréhension des effets des TIC sur les dynamiques des
territoires québécois repose, en définitive, sur un retour aux divers programmes et initiatives
en la matière. Cet exercice montre que les gouvernements fédéral et provincial, de même
qu'un grand nombre d'acteurs locaux et régionaux, ont tenté de diverses façons d'influencer
les dynamiques de développement de tous les territoires québécois. Les auteurs présentent
ensuite un faisceau de définitions, de précisions, d'adaptations et de mises en contexte qui, en
plus d'enrichir certains concepts généraux, rappellent les étapes parcourues depuis l'arrivée
de F informatique. C'est à la lumière de cette première mise en situation que les auteurs
50
formulent leurs préoccupations, et s'efforcent d'apporter des éléments de réponse aux
questions suivantes :
On voit l'importance de ces questions pour l'avenir des régions du Québec, mais aussi pour
qui veut saisir les effets des TIC sur le développement de celles-ci. Pour donner à la tâche que
les auteurs se sont fixée l'intérêt qu'elle mérite, ils nous assurent qu'ils vont faire, souvent et
tout au long de leur analyse, «un aller-retour entre les données empiriques et les concepts [ et
qu'ils récuseront ] tout déterminisme, toute détermination de la technique sur le social»
(Fortin et a l 2004 : 10).
Par ailleurs, les auteurs ont analysé des données empiriques de grande utilité. Ils ont mis
l'accent sur les programmes gouvernementaux, qui ont encouragé l'usage du Web et Font mis
à la disposition des collectivités. Inscrits dans le cadre des politiques des gouvernements,
fédéral et provincial, ces programmes, qui varient beaucoup au fil des années, ont eu des
conséquences importantes sur l'appropriation du Web. Ils ont facilité l'accès des
communautés à une information stratégique. Les organismes locaux et régionaux ont repris
les orientations gouvernementales et les ont adaptées aux conjonctures en place. Les auteurs
montrent en définitive que, dans le contexte québécois, l'intervention des gouvernements a été
utile pour généraliser l'usage du Web. Ils estiment que, dans les régions du Québec, Internet
permet «d'entamer le dialogue, la discussion, le débat sur des projets sociaux, voire
l'élaboration de contre-projet» (p. 34). C'est un «outil décentralisé (qui) facilite la création de
réseaux» (p. 34). Internet «peut à la fois servir d'espace de socialisation et de formation
d'identités individuelles, bref de lieu de dialogue et d'intersubjectivité, de support pour des
productions culturelles et de lieu de délibération collective» (p. 145).
De plus, le Web met en place un espace social qui «n'est pas l'univers des identités
"particularistes" de personnes qui réussiraient "enfin" à dépasser les contraintes de temps et
51
d'espace et à en rejoindre d'autres aux intérêts similaires» (p. 137), L'arrivée de l'Internet et
les effets des TIC font que l'espace ne se limite plus à "l'ancrage géographique", à la
"localisation", il est enrichi par de nouvelles dimensions ajoutées par Internet, qui permet
désormais de parler de "Cyberespace", lequel «est approprié par plusieurs acteurs» (p. 141).
La nature de cet espace reflète la complexité de l'ancrage géographique (p. 137) et des usages
que l'on fait de l'Internet. Malgré cette complexité «le cyberespace s'est [..,] révélé un
formidable lieu de définition identitaire collective, une place publique où la parole s'énonce
de toutes parts, et dirait-on parfois, sans même chercher à circuler. Le cyberespace, s'il
semble a priori relever de la globalisation, se développe aussi en s'appuyant sur des identités
locales. Il sert autant à créer le global qu'à renforcer le local. Ces aspects du cyberespace sont
ceux qui nous semblent les plus prometteurs pour l'avenir, c'est là où on peut observer à
chaud l'expression et l'invention de nouvelles identités collectives, porteuses de projets
(Fortin et al. 2004 :146). L'appropriation des TIC et l'usage grandissant de l'Internet font que
«l'identité locale continue de s'affirmer et profite même du cyberespace pour le faire (p. 141).
«La fonction identitaire [...] est assez explicite» (p. 143).
Malgré l'attrait qu'exercent l'Internet et l'influence du Web sur le devenir des régions du
Québec, les auteurs sont conscients de certaines contraintes, dont il faut tenir compte, car «le
bilan n'est pas que positif » (p. 142). Les usages et les objectifs poursuivis par les acteurs
incitent à la prudence (p. 143), car une nouvelle dynamique de développement se met en
place. À travers toutes les zones grises, «se met en place, se structure et se renforce une
identité locale et régionale : histoire, géographie, vie artistique et culturelle, activités
communautaires » (p. 143). Mais « si ce potentiel existe bel et bien, il ne se réalise pas
automatiquement» [p. 144].
L'intérêt de cette réflexion vient surtout de ce qu'elle repose principalement sur des
constatations relatives aux régions du Québec. L'essentiel, semble-t-il, c'est que
l'appropriation des TIC, en activant les dispositions sociales et culturelles des régions
périphériques, renforce les identités locales. À cela nous croyons cependant devoir apporter
une réserve. II paraît en effet hasardeux d'avancer que l'appropriation des TIC renforce les
identités locales en se basant uniquement sur leurs effets sur la vie sociale et culturelle, sur la
diversité des programmes et d'initiatives mises en place par les différents paliers
52
gouvernementaux. Il serait utile d'aller plus loin, pour comprendre comment, dans les
territoires québécois, l'usage de plus en plus important des TIC influence les conditions
économiques des collectivités concernées.
Force est de constater que les auteurs sont allés à contre-courant d'opinions voulant que les
TIC "détruisent les régions", ou tout au moins, que l'appropriation des TIC n'ajoute qu'une
valeur minime aux activités des organisations et aux dynamiques des régions. Cette thèse a
été souvent reprise au Québec et ailleurs par des scientifiques québécois. Par exemple,
Robillard (2004) considère que l'appropriation des TIC n'apporte rien de nouveau, et qu'elle
n'a qu'une influence limitée sur la vie au travail, sur les méthodes de gestion de l'information
et des connaissances individuelles et organisationnelles, ainsi que sur la stratégie des
organisations. Certes, les TIC ne sont pas une panacée aux difficultés réelles que rencontrent
les acteurs; mais leurs nier pratiquement toute influence sur l'activité économique parait
excessif.
Conclusion
Ce premier chapitre présente un aperçu des problématiques et des hypothèses qui ont cours
depuis longtemps autour des changements technologiques. La littérature qui a servi de point
de départ à notre réflexion montre le cheminement des idées depuis les années 1950 jusqu'à
nos jours. Sont ainsi mises en lumière les constatations et les analyses des chercheurs, quant
aux effets de l'innovation technologique en général, et quant à l'introduction plus récente des
TIC dans la plupart des secteurs d'activité. L'examen de ces questions montre que le
changement technologique met en action des processus indistincts d'adaptation individuelle
et organisationnelle.
Révélateur fidèle des changements qui marquent le développement des sociétés et des
économies, le débat suscité par l'arrivée massive des technologies de pointe témoigne de la
complexité des phénomènes en cours dans diverses régions de la planète. C'est pourquoi le
chercheur qui traite de l'influence de ces technologies dispose toujours d'arguments pour
justifier son point de vue, qu'il soit un fervent des apports technologiques à l'économie et à la
société, ou qu'il y voie un facteur déstabilisateur des équilibres traditionnels.
La recension de la littérature montre que les effets des technologies sur la société et sur les
pratiques économiques doivent être appréhendés en fonction des conjonctures en place qui,
selon leur propre logique, s'ajustent à l'arrivée des technologies de pointe. Loin d'être
l'aboutissement d'initiatives isolées, l'appropriation des technologies s'inscrit dans un
cheminement socio-historique particulier, à l'image des stratégies collectives mises en place
par les principaux acteurs partageant un même espace géographique, un territoire. Ainsi
l'appropriation des technologies soutient le progrès des conditions matérielles des sociétés et
dicte, directement ou non, l'ensemble des choix offerts aux acteurs en place.
La transformation des conditions matérielles dans une direction et non dans une autre dépend
largement des aptitudes des acteurs de développement, de leurs intérêts individuels et
collectifs. Les effets des technologies doivent donc être compris à la lumière des facteurs
culturels dominants et du fait que la production de services s'inscrit désormais dans un
contexte où le réseautage, l'information et son économie, prennent de plus en plus
d'importance.
CHAPITRE 2
Devenus pratiquement indispensables, les réseaux d'entreprises offrent une attrayante réponse
au besoin de placer les pratiques entrepreneuriales dans le champ exubérant de l'économie de
l'information, elle-même portée par l'usage croissant des TIC. Bien que ces questions aient
suscité ces dernières années un regain d'intérêt chez les chercheurs, la compréhension des
rapports entre technologies de communication, information et réseaux d'entreprises, demeure
imparfaite, de même que les mécanismes par lesquels l'offre et la demande d'information
agissent sur le fonctionnement et le développement des réseaux. Ce chapitre examine
comment et à quel point les TIC, et l'information qu'elles véhiculent, influent sur les réseaux
d'entreprises, et comment ceux-ci participent à la diffusion des connaissances.
C'est d'abord à l'information qu'il convient de s'intéresser, pour en mieux voir la nature, les
facettes variées et l'influence, dans le cadre général où elle se propage. Les réseaux
d'entreprises sont ensuite considérés dans leur diversité et comme lieux de production et de
circulation de l'information. Éventuellement, s'ils fonctionnent bien, ces réseaux deviennent
des lieux d'apprentissage et d'innovation propices à la croissance de l'entreprise et au
développement du territoire.
55
2.1. L'information
Notion polysémique s'il en est, l'information s'entend différemment selon le contexte, car elle
est à la fois l'acte et son contenu. I! y a dans l'acte d'information une connotation de
réciprocité: soit l'action d'informer ou le fait de s'informer : un informateur et un informé.
Par ailleurs l'objet de cet acte, son contenu, qui est un renseignement, transmis puis acquis par
le récepteur, est également dit information. Bien que sémantiquement distinctes, ces notions
sont dans la pratique inséparables. Dans le contexte du présent travail, le mot est
généralement pris dans son acception de contenu en rapport avec l'entreprise et le monde des
affaires.
Notre époque est caractérisée par la production pléthorique d'information en tout genre : utile,
banale, triviale, etc. L'information toutefois ne se confond ni avec la connaissance, ni avec le
savoir. La connaissance succède à l'information; quant au savoir, il est relativement rare.
L'information est un ensemble de renseignements obtenus sur un être, un fait, etc. Elle mène à
la connaissance quand les renseignements sont triés et ordonnés selon une certaine hiérarchie
pour devenir une représentation. L'information est avant tout «ce qui forme ou transforme une
représentation dans la relation qui lie un système à son environnement» (Mayère 1990 : 56).
Selon Cooke et al. «Information is relatively globally mobile [...] Knowledge is remarkably
spatially rooted» (Cooke et al. 2000:12). Vient ensuite le savoir. Claire perception d'un fait,
d'un objet, le savoir est un ensemble de connaissances acquises par l'étude, l'expérience, et
assimilées en un tout cohérent. Il s'ensuit que, pour l'entreprise, si indispensable que soit
Finformation, son utilité se mesure par sa pertinence à Faction et au projet envisagé. Dans la
masse d'information disponible, il faut donc choisir, distinguer Finformation utile de celle qui
ne l'est pas et, en principe, disposer d'un minimum de connaissances préalables.
Particulièrement depuis l'avènement des TIC, l'information circule le plus souvent presque
librement et indépendamment de la volonté de ses auteurs, et elle agit comme une sorte de
cadre commun, constamment changeant, où les acteurs tendent à inscrire leurs pratiques.
Mayère associe à Finformation trois caractéristiques. D'abord que «Finformation n'existe pas
en soi mais qu'elle devient information dans un processus qui engage activement le système
qui l'acquiert» (Mayère 1990 : 56). Elle est de plus «relative au système dans sa signification
et son usage»; et enfin à toute information est attachée une forme particulière d'incertitude.
Entre l'immatérialité de F information et son encastrement social se situent les aléas de son
économie et son rôle comme source d'innovation et de dynamique territoriale. Que les acteurs
de développement s'en saisissent ou non, l'information est un produit social, parfois posé hors
du temps de sa production et de sa circulation, mais toujours ancré dans un temps qui est celui
de Faction et des réactions que l'information suscite. La circulation et l'appropriation de
l'information dépendent en définitive non seulement des besoins ressentis par les
organisations et les acteurs d'un territoire, mais de leur habileté à établir leurs stratégies de
développement tout en participant à la promotion du cadre commun. En outre, «la circulation
de l'information (...) est facilitée par la proximité, les liens technologiques ou de client-
fournisseur et l'existence de relations personnelles et sociales répétitives» (Porter 1999 : 94).
bien que tout échange d'information ne puisse pas être supporté par les TIC, la
diffusion de ces techniques favorise le développement des échanges
informationnels. Deux éléments en sont la clé. Les techniques de
télécommunications permettent de distribuer l'information de manière rapide,
fiable et confidentielle. La programmabiîité des TIC permet d'incorporer à un
support physique, reproductible et appropriable, une ressource auparavant
difficilement transférable : le savoir-faire (Brousseau 1993 :207).
L'un des rôles de l'information est de consolider le tissu organisationnel d'une institution. À
cette fin, l'information circulante doit pouvoir aider les acteurs à modeler leurs stratégies
selon la conjoncture du moment. Dans ie cadre local de l'entreprise, les TIC donnent à
l'information une plus-value en facilitant sa circulation entre les intervenants et son utilisation
dans les pratiques quotidiennes.
C'est d'abord à partir de sa dimension locale, donc économique et sociale, que l'information
s'implante au centre de tous les systèmes techniques, économiques et socioculturels.
L'information y subit des transformations, des adaptations, des manipulations accélérées. Elle
dépend ainsi de la continuité de ces systèmes dans le temps. Or ces derniers évoluent plus
rapidement qu'auparavant, entraînant parfois des changements radicaux. Zirnmermann s'en
explique ainsi :
placer l'information au centre des systèmes qu'elle forme la déclare fille naturelle
de la complexité des grands systèmes économiques et sociaux dans lesquels eËe
se forme et agit. Cet emplacement la définit comme le moteur de l'action, mais
aussi comme source d'éventueËe lèpre pouvant attaquer une économie ou une
société. Il est évident que la nature ou la qualité de cette information se rallie
souvent à des conditions économiques et sociales ne dépendant aucunement
d'elle ni de ses enjeux. Ces conditions sont le fruit des parcours socio-historiques
propres à chaque territoire et à chaque dynamique de développement. Les acteurs
qui se parent de l'information inscrivent automatiquement leur action dans un
monde dominé par l'immatériel. C'est pourquoi "la montée de l'immatériel" au
sein de l'activité industrielle doit s'analyser à travers l'intervention directe de
biens de nature informationnelle et cognitive au sein même du système
technique. (...). Dès lors, de tels objets soft deviennent le centre de jeux
concurrentiels sur des marchés et, de par leur nature particulière, (nous)
interrogent (Zimmermann 1995 :181).
Il existe donc une relation étroite entre l'information et les dynamiques économiques de
développement. Cette relation est certes aidée par le développement spectaculaire des TIC.
Effectivement, Jorgenson et Stiroh (1999) ont démontré que l'information constitue un capital
qui peut avoir la même importance que le capital financier et le capital humain. Afin de
comprendre comment circule l'information, ils se sont intéressés à l'ordinateur et à son
utilisation dans les entreprises et dans les ménages. Et leurs résultats montrent qu'il existe une
reiation significative entre l'usage d'un ordinateur et l'intégration de l'économie de
l'information.
En fait, l'arrivée en masse des ordinateurs, et de l'information qu'ils déversent aux acteurs
économiques, fournit aux entreprises la possibilité de maximiser leurs profits, en même temps
que les consommateurs se familiarisent avec l'arrivée sur le marché de marchandises et
services nouveaux; l'ordinateur servant d'intermédiaire entre ces deux mondes. Cela est
d'autant plus important que l'utilisation d'un équipement informatique facilite et accélère
bien des travaux, laissant aux utilisateurs le loisir de concentrer leur énergie sur d'autres
tâches. Les auteurs concluent qu'un recours massif aux composantes technologiques vectrices
d'information, comme l'ordinateur, constitue un moteur de croissance et de développement
(Jorgenson et Stiroh 1999 : 110).
II apparaît par ailleurs que les TIC, au centre de l'évolution présente et annonçant l'économie
dématérialisée, sont à façonner un nouveau cadre social. On assiste à «la marchandisation de
l'information (qui) impose une évolution des marchés de l'information et des connaissances
dépendantes de l'être humain» (Mayère 1997 : 31). C'est pourquoi Bontis et Choo (2002)
proposent de traiter de l'information en fonction de l'impulsion qu'elle donne au
développement des connaissances. Ils notent que l'information est créatrice de connaissance
et que les rapports entre les deux sont à la base des sciences de l'information.
Plusieurs études ont traité des changements entraînés par l'importance accordée à
l'information dans l'économie et la société. Parmi d'autres pratiques nouvelles, l'avènement
des bibliothèques numériques transforme profondément le classement, l'organisation, la
recherche et l'utilisation de l'information. Borgman (2002) s'est intéressé aux incidences de
cette transformation. Il remarque que les institutions dont les activités sont concentrées sur la
gestion de l'information acquièrent une importance grandissante dans nos sociétés. Traitant
des contingences propres à ces institutions, il considère que leur problème majeur concerne
l'infrastructure nécessaire à la gestion convenable de l'information ; l'apparition du concept
de «cyberinfrastructure» est un indicateur de cette évolution. Borgman (2000) estime que le
grand objectif, pour toute institution ou organisation, est de pouvoir se tailler une place dans
l'infrastructure mondiale d'information, ce système d'interconnexion de réseaux
informatiques et de diverses formes de technologies de l'information à travers la planète.
Les travaux de Agre reflètent une autre dimension de l'information, celle qui touche la société
et le cours de la culture en place. Ses travaux font voir l'importance des technologies de
l'information en général, et de l'Internet en particulier. Ébranlant l'ordre établi, ces
technologies n'ont pas créé un nouvel ordre; elles ont plutôt agi sur les anciennes structures
qu'elles ont modifiées et ont largement influencé les processus sociaux et politiques qu'elles
ont intégrés (Agre 2003). Ainsi se sont imposées des pratiques nouvelles apparues grâce à
l'appropriation croissante des TIC et à l'avantage qui s'en est suivi dans nombre de secteurs
d'activité.
De leur côté, de la Mothe et Paquet ont étudié, des points de vue économique, social et
statistique, l'effet d'une utilisation novatrice de l'information. Dans une économie
d'information, leur analyse démontre l'existence d'un rapport coût-avantage positif qui peut
résulter, pour la croissance économique et le développement, de la disponibilité de données,
d'information, et de la connaissance codifiée des dynamiques de l'innovation. Selon les
auteurs, l'information traverse divers cycles avant d'avoir un effet tangible. Il y a en réalité
une grande distance entre la forme cognitive de l'information et sa répercussion sur
l'environnement économique qui la produit (et la reçoit) (de la Mothe et Paquet 2000: 25).
Pour ces auteurs, l'information produit des effets dont l'importance dépend à la fois de la
complexité du système socioculturel existant et de la flexibilité organisationnelle :
Ainsi le devenir de l'innovation, par rapport à l'information ambiante dépend de l'habileté des
acteurs à mettre cette information au service des dynamiques économiques et socioculturelles
de développement d'un territoire.
Pour une organisation, pour un territoire, on peut considérer la valeur de l'information selon
trois critères. Encastrée dans le cadre commun qui la génère, elle répond à des besoins bien
définis. De plus l'usage qu'en font les acteurs lui donne une valeur et la distingue des autres
biens et services. Enfin elle agit directement sur les dynamiques de développement.
L'information devient utile, voire stratégique, lorsque corrélée à toute action qui permet à un
acteur non seulement de mieux se positionner dans le système entrepreneurial, mais surtout
lorsqu'elle lui facilite le passage d'une situation vécue à une autre souhaitée (Mayère 1990 :
50). C'est ainsi que «des "marchandises" informationnelles offrent de nouveaux moyens pour
réduire les coûts, améliorer la qualité des produits, faciliter un contrôle flexible, favoriser
l'adaptation aux conditions du marché, renforcer l'innovation organisationnelle et technique»
(Mayère 1997: 30).
Disséminée par les TIC, l'information acquiert une puissance accrue, qui intensifie sa
pénétration et son influence; elle devient porteuse d'un nouvel ordre économique et social où
sont remises en question les pratiques des producteurs et des consommateurs. Cette remise en
question est accélérée par l'augmentation continue de la capacité des acteurs à stocker, traiter
et transmettre de l'information. Ce pouvoir influe nécessairement sur les dynamiques des
marchés et sur la division du travail. Porter constate que dans un environnement acquis aux
TIC, l'information agit «sur le pouvoir des acteurs, le pouvoir des fournisseurs, les menaces
de nouveaux entrants, les menaces de produits de substitution et les rivalités entre acteurs
existants» (Porter 1999 : 94). Tissant des liens, à la fois forts et faibles, entre différentes
catégories d'acteurs, les TIC, en décuplant la puissance de l'information, en ont fait un agent
de transformation dans l'entreprise et au-delà. Porter précise qu'elle
62
modifie la structure des industries et donc les règles de la concurrence; elle crée
des avantages concurrentiels en apportent aux entreprises de nouvelles manières
de faire mieux que leurs rivales; elle fait naître des entreprises entièrement
nouvelles, souvent issues d'activités existantes (Porter 1999: 84).
De son côté, Choo (1999) a montré que les organisations qui s'approprient convenablement
l'information deviennent également plus aptes à en faire le traitement. Il confronte divers
points de vue concernant la relation entre l'information et les connaissances d'une part, et de
l'autre, les divers processus qui y sont associés. Selon lui, cette confrontation est une
démarche nécessaire pour mieux comprendre le fonctionnement d'une organisation dans une
ère dominée par l'information et son économie. La gestion et le développement de la
connaissance dans une organisation dépendent de la capacité des dirigeants à mieux intégrer
l'ordre informationnel. L'auteur présente un modèle original, qui permet de voir comment
différentes organisations recherchent et traitent l'information. Celle-ci s'inscrit ainsi dans un
faisceau complexe d'emplois qui la rendent nécessaire à la réalisation de plusieurs tâches
quotidiennes. L'information peut être choisie, transformée et insérée dans divers processus.
Par sa contribution à l'accroissement des connaissances, elle fournit un éclairage
indispensable à la prise de décision. C'est donc selon ces différents niveaux que l'information
participe à la transformation des organisations, qui s'adaptent ainsi aux exigences du nouvel
ordre informationnel (Choo 1999).
On estime généralement que les différends, les contestations entre entreprises sont plus rudes
quand, dans une région, n'existe pas un lieu de rencontre, d'échange de vues sans formalité,
où les acteurs de l'économie apprennent d'abord à se connaître, et au besoin, à s'entraider.
Isolée, une PME est plus vulnérable. Tandis que le groupement des entreprises d'un territoire
tend à minimiser les désaccords et encourage plutôt la coopération, selon l'adage que l'union
fait la force. L'entreprise s'engage donc dans un réseau, et en profite selon la place qu'elle
occupe au sein des systèmes économiques et socioculturels en place. Les écoles de pensée
définissent le réseau d'entreprises selon des perspectives différentes. Dans la littérature du
GREMI, le réseau d'entreprises est vu comme
63
un ensemble formé de liens sélectionnés et explicites avec des partenaires
préférentiels inscrits dans la perspective des relations de marché d'une entreprise
et de sa recherche de ressources complémentaires ayant comme objectif principal
îa diminution de l'incertitude. Cette définition est complétée par celle d'économie
réticulaire: une économie réticuiaire est celle dans laquelle le foyer dominant de
la constitution de la valeur consiste dans des architectures flexibles et inter-reliées
qui permettent la gestion de relations individuelles en tant qu'ensemble (Maillât,
QuévitetSennl993:12).
Les écrits du GREMI associent les dynamiques d'un milieu innovateur au développement des
réseaux d'innovation. Ce sont donc les caractéristiques de ces dynamiques qui déterminent
F émergence des pratiques de coopération et de coordination entre les acteurs. Le GREMI
présente un réseau d'innovation comme une réalité pluridimensionnelle que l'on peut
caractériser de la manière suivante: 1, • une dimension organisationnelle; 2. • une dimension
temporelle; 3, • une dimension cognitive ; 4. # une dimension normative; 5. $ une dimension
territoriale (Maillât, Quévit et Senn 1993 : 14).
Ratti définit les réseaux d'entreprises comme «un ensemble de coopérations explicites
(formelles) entre entreprises qui se cherchent mutuellement en donnant lieu à un processus
d'apprentissage collectif» (Ratti 1992 : 56). À la source de cet apprentissage, l'information
investit le réseau de nouvelles dimensions, aide les acteurs à faire face aux inévitables zones
d'incertitude. Ces zones prennent forme aussi bien dans les champs économiques que sociaux.
On peut distinguer cinq types d'incertitude :
Ratti constate que la gestion des situations d'incertitude «passe par des mesures prises à
l'intérieur même de l'entreprise, ou par le recours au marché, mais avec des coûts de
transaction élevés, ou bien (...) par des formules intermédiaires (hiérarchie, accords
d'alliances)» (Ratti 1992 : 55). Il faut préciser que l'incertitude inhérente à toute entreprise est
exacerbée par l'introduction des TIC, en sorte que nos sociétés se distinguent par
64
«l'instabilité, l'insécurité, l'inégalité et l'exclusion sociales qui accompagnent la créativité,
l'innovation, la productivité et la création de richesse dans ces premiers pas du "monde
Internet"» (Castells 2001 : 13). Ce qui permet de voir un réseau comme un système
decomposable, qui est plus que la somme de ses composants, lesquels agissant l'un sur l'autre,
activent l'interaction des membres de réseaux (Cooke et Morgan 1998) et approfondissent les
effets de synergie.
L'influence croissante des TIC dans le processus de réseautage donne à la notion de réseau
une signification élargie, qui comprend à la fois des aspects particuliers et d'autres plus
généraux. Les aspects particuliers sont des caractéristiques propres à toute organisation, à un
milieu, à un territoire ou à une structure socioculturelle. Les aspects généraux désignent
l'ensemble des normes et des valeurs, enracinées dans un terroir socioculturel, qui
encouragent diverses formes de coopération et de coordination des actions. Ces derniers
aspects font que «les gens suivent automatiquement et inconditionnellement les coutumes, les
habitudes ou les normes» (Porter 1999: 84), et cherchent à se soustraire aux contraintes
résultant principalement de l'incertitude. Les réseaux d'entreprises intègrent ces normes et ces
valeurs, empruntées au cadre socioculturel, pour en imprégner les pratiques entrepreneuriales.
Par ailleurs, Gallon voit le réseau d'entreprises comme une méta-organisation, qui se fonde
sur les rapports se développant entre «un ensemble d'entités humaines et non humaines
individuelles ou collectives (définies par leur rôle, leur identité, leur programme,...) et des
relations dans lesquelles elles entrent» (Gallon 2001 : 204).
Pionnier de la sociologie de l'innovation, que l'on appelle aussi sociologie des réseaux
techno-économiques, Fauteur avait présenté le réseau comme une organisation qui s'inscrit
dans un cadre agrandi, constitué de divers éléments impliqués dans le monde de la production.
Des compromis négociés entre ces éléments donnent au réseau d'entreprises ses qualités et
valident sa structuration dans une sorte d'agencement et d'équilibre. Le fait nouveau est de
considérer le réseau d'entreprises en rapport avec les technologies d'information et de
communication, qui multiplient les interactions entre les acteurs d'un même milieu et même
entre ceux que séparent de longues distances. En fait, l'arrivée en masse des TIC change les
caractéristiques d'un réseau d'entreprises. Castells écrit :
65
un réseau est un ensemble de nœuds interconnectés. Ce type d'organisation
humaine qui remonte à la nuit des temps entame une nouvelle vie à notre époque
avec les réseaux de l'information, dont la force motrice est Internet Les réseaux
sont des modes d'organisation aux avantages extraordinaires, parce qu'Es sont
naturellement flexibles et adaptables, qualités essentielles pour survivre et
prospérer dans un environnement qui change vite. Voilà pourquoi les réseaux
prolifèrent et ont toujours existé dans tous les domaines de l'économie et de la
société: ils se révèlent plus compétitifs et plus efficaces que les entreprises
hiérarchisées et les bureaucraties centralisées (Castells 2001 :9).
Aux caractéristiques habituelles des réseaux d'entreprises, il faut donc ajouter des dimensions
nouvelles, extensibles, qui augmentent leur flexibilité devant des réalités diverses. Ces
réseaux, qui ont effectivement envahi toutes les régions de la planète, intensifient les activités
de coopération et de coordination entre des acteurs de développement stimulés par la
conjoncture actuelle. Pour plusieurs, c'est une condition de survie : «si nous ne nous occupons
pas des réseaux, les réseaux, eux, s'occuperont de nous. Qui veut vivre en société à cette
époque et en ce lieu sera nécessairement confronté à la société en réseaux. Car nous sommes
bel et bien entrés dans la galaxie Internet» (Castells 2001 : 342). Nous sommes entrés dans
l'ère qu'ils sont à façonner : «our age is the network age, and hence it is plausible that
entrepreneurs try to extract a maximum performance from participation in network
constellations, both physical and virtual (Malecki et al. 2004: 1).
Les réseaux d'entreprises existent en plusieurs catégories et les spécialistes les décrivent de
diverses façons. Il faut distinguer les réseaux d'entreprises des alliances entre entreprises. Ces
alliances, comme les décrit Porter, «sont des accords à long terme entre deux ou plusieurs
entreprises : elles vont au-delà du niveau habituel de transactions commerciales, mais ce ne
sont pas des fusions (...) Le terme "alliance" va recouvrir toute une variété d'ententes
interentreprises...» (Porter 1993 : 72).
Bien que les avantages des réseaux aient été abondamment démontrés, pour autant ils
n'assurent pas automatiquement la croissance d'une firme. Le réseau peut offrir une variété
d'appuis mais il ne peut suppléer à l'impéritie. Par ailleurs d'autres facteurs ressortissant aux
relations humaines, à la conjoncture ou à la concurrence, peuvent miner l'efficacité d'un
réseau.
Il arrive qu'un entrepreneur choisisse de faire alliance avec une ou plusieurs entreprises,
plutôt que d'adhérer à un réseau. Il s'agit le plus souvent d'arrangements ponctuels, à but
précis, entre organisations travaillant en complémentarité. Ces alliances peuvent contribuer à
concrétiser une idée en innovation, mais arrivent rarement à assurer la croissance de
l'entreprise quand il devient nécessaire d'injecter un capital important. Niosi décrit cette
situation :
ail networks and alliances are not conducive to growth. This result qualifies the
abundant network explanations of the dynamics of biotechnology. Interaction
with research universities and government laboratories is almost always present
in biotechnology start-ups. But success (as measured by growth) is linked to the
financial support of venture capital and large corporate partners (Niosi 2001:
749).
La structure interne d'un réseau d'entreprises est habituellement influencée par l'intérêt
accordé, dans un territoire, aux mécanismes de l'offre et de la demande d'information, ce qui
définit en même temps les paramètres d'une relation tendant à la réciprocité. Ensemble, ces
mécanismes et paramètres influencent les interactions entre l'individu et ses pairs. Le réseau
d'entreprises est un lieu où l'information est avant tout une relation, dont l'influence sur
l'action et sur les mécanismes du marché ne s'opère pas spontanément, mais selon une
logique calculée et toujours inscrite dans un espace social délimité : «l'aspect social est un
espace non naturel puisque intégralement organisé- sinon même produit- par des conventions.
Ces conventions, à leur tour, sont pensées sous la forme pragmatique du compromis»
(Miguelez 2001 :295).
Malgré les avantages qu'on lui reconnaît, le réseau et l'information qui y circule peuvent
créer des situations embarrassantes, car la concurrence entre entreprises de même nature y
subsiste et peut engendrer des attitudes et des comportements préjudiciables à la qualité des
relations sociales. Petit, qui a recours à la notion d'encastrement social de l'information,
n'ignore pas cette difficulté : «dire de l'information qu'il s'agit d'une relation encastrée
consiste aussi à dire qu'elle s'insère dans un faisceau de relations sociales entre les individus
et le monde dans lequel ils évoluent» (Petit 1998 : 71).
L'information soude les structures internes de ces réseaux, agrandit les champs de
coopération et de coordination entre les acteurs et fait voir des opportunités d'affaires parfois
insoupçonnées. Souvent en effet, dans les interactions au sein d'un réseau, se trouvera le
germe d'une innovation. Parlant des réseaux innovateurs, Ratti remarque que :
Singh a observé que la diversité et la complexité des technologies que propose le marché sont
l'une des raisons qui portent les entreprises à s'impliquer dans des réseaux et à coopérer. II a
montré que la pression d'une conjoncture qui contraint pratiquement au changement
technologique peut provoquer l'échec des initiatives entrepreneuriales; que le recours à des
alliances ou l'affiliation à des réseaux constituent les meilleurs moyens de franchir avec
succès ces écueiîs. Il constate toutefois que les effets varient d'un secteur d'activité et d'un
territoire à l'autre (Singh 1997 :359).
De même, Singh démontre empiriquement que le recours des entreprises à des alliances et
leur affiliation à des réseaux n'assurent pas toujours la réussite ; cela dépend largement des
conditions de chaque entreprise et de l'environnement local et global qui encadre l'activité
économique (Singh 1997 :360). Selon Fauteur, chaque entreprise doit évaluer sa propre
situation, considérer les stratégies qui lui conviennent le mieux, tout en tenant compte de ses
propres besoins de développement et de sa capacité à profiter de l'information et de l'aide
disponibles (Singh 1997 :360). Il confirme que plus la technologie commercialisée par une
entreprise est complexe, plus elle augmente les effets positifs des alliances inter-entreprises
(Singh 1997 :346).
Difficilement mesurable, l'influence d'un réseau vigoureux est néanmoins considérable. Dans
un contexte où une information à jour est vitale pour la survie d'une organisation,
l'entrepreneur peut souvent trouver auprès de pairs participant au réseau des renseignements
qui, parfois, ne seraient accessibles que bien plus tard par les canaux officiels. Il peut dès lors
prévoir : raffiner sa gestion, acquérir une nouvelle technologie, adapter sa structure
organisatiormeîîe de façon à tirer avantage d'un cadre commun, tout en renforçant l'efficacité
des stratégies collectives. Ce faisant, il se prémunit contre les aléas inhérents au monde des
affaires.
Même heureux en affaires, l'acteur économique est rarement à l'abri d'une vague incertitude,
qui ne se réduit pas aux contraintes des règles du marché ou à des questions financières. La
mondialisation de l'économie, les questions environnementales, la conjoncture
socioculturelle, la dure concurrence des pays émergents qui invite à délocaliser l'entreprise,
sont le reflet d'un contexte contemporain mouvant qui donne à l'incertitude des dimensions
nouvelles et indistinctes.
Toutefois, la rapide obsolescence des techniques est sans doute le sujet qui retient le plus
souvent l'attention. On peut en effet appréhender «l'incertitude technologique à travers trois
problèmes emboîtés, de nature informationnelle et décisionnelle (...): quelles sont les
technologies disponibles ? Quelle est la technologie la plus appropriée aux besoins de la
firme ? Comment utiliser au mieux la technologie retenue ?» (Charbit et Zimmermann 1997 ;
10). La réponse à ces questions n'est pas simple. L'information en est évidement un élément
essentiel et la participation à un réseau peut en être un autre.
L'affiliation à des réseaux d'entreprises apporte souvent des réponses concrètes à ce genre de
questions soulevées par l'incertitude. Elle fait voir aux acteurs l'intérêt d'améliorer leurs
organisations puis à en faire profiter leur milieu. L'affiliation à un réseau, qui conditionne et
est conditionnée par la circulation de l'information, incite l'acteur à se recentrer sur ses
compétences de base, sur ce qui le différencie de ses concurrents. Le réseau atténue, pour
l'entreprise, les répercussions défavorables des stratégies de ses concurrents, tout en favorisant
l'amélioration de sa performance. Au sein du réseau, l'information qui circule grâce à
l'interaction entre participants devient un produit social, une «émanation directe du
70
comportement matériel» (Marx 1966 : 50). Cette perception matérialiste de l'information lui
permet de se réfracter sous forme d'actions de coordination, de concurrence ou de
compétitivité : «la nécessité d'un agir coordonné produit dans la société une demande
déterminée de communication, qui doit être satisfaite si une coordination effective des actions
doit être possible afin de satisfaire les besoins» (Habermas 1987 : 284),
On parle d'actions communicationnelles «lorsque les plans d'action des acteurs participants ne
sont pas coordonnés par des calculs de succès égocentriques, mais par des actes
d'intercompréhension» (Habermas 1987 : 295). Au cœur des actions communicationnelles, on
trouve l'information, qu'il y a lieu de considérer comme un élément structurant des réseaux
d'entreprises. L'information n'est pas seulement une marchandise, elle n'est pas un simple
facteur de compétitivité et de concurrence, elle n'a pas seulement un «caractère
stratégique» (Petit 1998 : 33) ; elle est tout cela. Elle est une vraie relation, dont la gestion
englobe ses «politiques d'accompagnement» (Petit 1998 : 33).
Les réseaux d'entreprises sont donc des champs où prennent forme les actions
communicationnelles qui donnent à l'information sa vraie valeur. Or, croire que tout le monde
peut acquérir cette information n'importe où et partout est une illusion. Cette acquisition
dépend des compétences existant chez ses acquéreurs, et beaucoup de la force des liens qui se
nouent au sein des réseaux d'entreprises : «pour trouver l'information adéquate, il faut
disposer du savoir préalable qui permette de poser les bonnes questions» (Sfez 1999 : 22) ; ce
savoir peut souvent être acquis par les échanges face-à-face qui ont lieu entre acteurs au sein
d'un réseau.
71
L'absence de ce savoir préalable peut desservir les acteurs, à la recherche d'information pour
la poursuite de leurs objectifs de développement. Et pour aller chercher les bons
renseignements;, ils doivent avoir une idée assez précise de ce qui peut être utile dans une
situation problématique. Les membres d'un réseau d'entreprises sont alors à même de
comprendre les particularités d'un contexte où le partage d'information concourt à la
combinaison, dans une seule action, de «la technologie de la production du savoir, du
traitement de l'information et de la communication des symboles» (Castells 1998 : 38).
Le réseau d'entreprises offre un soutien qui peut être déterminant, aux entreprises qui veulent
apprendre à résoudre collectivement les problèmes rencontrés individuellement. La
circulation des connaissances que permet le réseau peut être un tremplin pour l'innovation
Entre les membres d'un réseau d'entreprises, des connaissances circulent, très utiles pour
identifier les remèdes à la morosité de l'incertitude ou d'une situation qui risque de gêner le
développement de l'entreprise. Ces connaissances apparaissent «comme fortement
subjectives, intrinsèques aux individus, complexes et étendues» (Mayère 1997 : 134); elles
émanent de ces entrepreneurs qui ont su, chacun dans son milieu, donner une couleur
originale au développement économique :
the local nature of entrepreneurship bolsters the finding of the local specificity of
economic development, "entrepreneurial vitality is very much a local
phenomenon (...) prosperity and economic growth of regions and localities are
strongly associated with the strength and vitality of the small firm sector in the
region or locality (MalecM 1991:323).
Influencé par les transformations qui amènent l'informatique dans les domaines de
l'information et de la communication, l'espace entre les dimensions locale et globale tend à
s'estomper. Bien que plusieurs facteurs économiques, socioculturels et géographiques
façonnent cette influence, le défi premier qui s'impose à l'acteur résulte du «caractère très
instable des systèmes actuels (qui) nous oblige à adapter régulièrement notre compétence pour
72
mieux gérer les évolutions du "système entreprise" et remet en cause en permanence
l'expérience du passé» (Bouchy 1994 :29).
Quelles que soient les origines de la concurrence, celle-ci n'est pas la source unique des
contraintes que subissent les acteurs. C'est pourquoi le milieu des affaires semble toujours
plus ou moins en effervescence, ayant à composer avec une conjoncture mouvante, parfois la
précarité, les revendications syndicales, la réglementation, etc. La possibilité d'affrontement
est donc liée à une multitude de situations ; et chacune se démarque par la présence d'un
certain absolu qui facilite son intégration dans les schémas rationnels (Petit 1998 : 33) C'est
pourquoi l'issue de l'incertitude est souvent influencée non seulement par la nature de la
situation en question et par les intérêts qu'elle met en jeu, mais surtout par les choix que doit
faire l'acteur pour s'en sortir. Robert Salais écrit :
c'est l'épreuve de réalité qui dénoue l'incertitude et arrête pour chacun la quête
d'informations sur ce qu'il fait et sur ce que font les autres (...) ainsi, si nous
sommes capables de dégager les modalités possibles de cette épreuve, ne
pouvons-nous, par une sorte de remontée du raisonnement (backward induction),
délimiter les formes correspondantes de traitement de l'incertitude dans le cours,
"antérieur", de faction de travail et, ainsi, les conventions de travail mises en
œuvre (Salais 1994: 379).
73
L'évolution continue de la technologie est sans doute une source d'instabilité et d'incertitude;
par contre la généralisation de l'informatique a entraîné un recours plus fréquent à
l'information spécifique au champ d'action de l'entreprise.
Malecki et Verdhoen (1993) ont analysé le rôle des réseaux d'entreprises dans un contexte
dominé par l'information et où la compétition entre les petites entreprises est la règle. Pour les
fins de leur étude, les auteurs ont utilisé des données sur la taille des entreprises, les rapports
entre celles-ci, les marchés, les flux de F information, de même que sur les activités de
recherche et développement et sur l'innovation. Leur recherche indique qu'en général, les
entreprises qui diversifient leurs sources d'information sur les marchés, sur les concurrents et
sur les nouvelles technologies offrent davantage de nouveaux produits et services. De même,
l'analyse des sources d'information de ces entreprises montre que toutes les entreprises
comptent sur les expositions commerciales et sur les conférences régulièrement organisées
comme principales sources d'information. Enfin, l'analyse a démontré que plus une entreprise
s'affilie à un réseau important, plus elle tire profit de l'information et de son économie.
Que l'utilisateur de l'information soit désormais vu presque comme un rouage normal d'un
système révèle un déplacement des axes de l'action économique et socioculturelle. Il y a là en
effet une situation nouvelle qui développe, autant qu'elle résulte, chez les acteurs d'un réseau
d'entreprises, des compétences qui les font se rapprocher davantage, adopter des stratégies
communes de développement, en s'entendant sur des priorités et surtout en se préparant
collectivement à mieux affronter les conséquences de l'évolution des systèmes en place.
Quand un acteur s'implique dans un réseau, il en espère ce supplément que donne aux
interactions entre pairs la circulation, avec un minimum de contrainte, d'information et de
connaissances tacites. Pour tirer profit des réseaux d'entreprises, les acteurs doivent savoir
utiliser l'information stratégique disponible ; toutefois cela en effet ne se traduit en
développement que si certaines conditions préalables sont réunies. L'une de ces conditions est
la mise en place d'un système de gestion souple, qui permette une allocation optimale des
ressources dont dispose l'entreprise. Puis misant sur la formation, du haut en bas de
l'entreprise, les dirigeants doivent être capables de surmonter les problèmes de gestion
pouvant découler du changement dans leur milieu. Cette pression les amène à reconnaître
l'utilité de se joindre à un réseau d'entreprises, qui se révèle alors comme une méga-
74
organisation apte à les avantager en créant des ponts plus faciles à traverser à l'intérieur d'un
même marché, des ponts qui relient aussi au dynamisme de différentes entreprises, et
facilitent la tâche. Les avantages sont évidents :
Un acteur peut apprendre davantage de l'expérience de ses pairs s'il dispose d'une
information pertinente sur les forces et les faiblesses de son milieu et aussi sur les siennes.
C'est souvent dans le réseau, auprès de ses pairs, que le dirigeant va trouver le soutien
nécessaire pour oser, pour innover. Cela vaut manifestement pour l'acteur individuel mais
aussi, au détour des événements qui affectent l'un ou l'autre, pour l'ensemble des membres du
réseau. La raison en est que, en définitive, c'est l'information qui circule dans le réseau qui
aide à souder des structures entre participants, consolider les acquis, mais surtout à stimuler
l'évolution et le développement. Fort de solides expériences locales, le réseau permet de
franchir les cadres territoriaux, d'élargir l'horizon d'un utilisateur frileux et, par la coordination
des efforts de poursuivre, en plus d'objectifs économiques, des buts à caractère social. On
remarque en effet que
L'affiliation à un réseau d'entreprises est souvent stimulée par la quête d'un ensemble de
valeurs, de normes, mais aussi d'objectifs et de stratégies. Au départ, cette affiliation se révèle
comme une recherche de force supplémentaire, par laquelle le dirigeant d'entreprise espère
déjouer une concurrence reposant davantage sur les subtilités des règles du marché, que sur
75
un produit vraiment supérieur. L'affiliation augmente sa capacité concurrentielle et permet la
mise en place de conditions permettant d'affronter collectivement les situations d'incertitude.
La concurrence toutefois ne disparaît pas pour autant. S'estompant d'un côté, elle peut surgir
de F autre. Et l'acteur avisé, même appuyé par un réseau, doit d'abord compter sur lui-même
et savoir se doter des technologies les plus aptes à assurer son succès. À cet égard la
technologie de F information devrait sans doute venir au premier rang. Porter en résume les
effets sur la concurrence :
Plusieurs études ont déjà constaté une corrélation positive entre l'apprentissage et
l'innovation. Par exemple, Stein (1997) a montré que l'innovation peut découler de la
capacité d'une entreprise à améliorer la qualité de sa production ou à tirer avantage de son
habileté à commercialiser sa production. Dans ces deux cas, l'entreprise renforce son
expertise par le développement de son savoir-faire, soit, souvent, en favorisant l'apprentissage
sur le tas, soit en incitant le personnel à profiter d'une formation sur mesure (Stein 1997). Or
cette ligne de conduite exige prévoyance et vigilance; une entreprise qui encadre bien ses
pratiques se dote généralement d'une politique convenable de formation et d'une stratégie
claire d'apprentissage; d'où l'importance du "leaming-by-doing" (Stein 1997). De même,
Sole et Edmondson (2002) ont montré que la diversité de la connaissance et la capacité
d'apprentissage d'une entreprise dépendent largement de sa localisation, et donc du contexte
général qui encadre ses activités. De plus, l'apprentissage dépend principalement de l'effort
des individus et de leur aptitude à mieux s'intégrer aux communautés auxquelles ils
appartiennent.
Certes, l'apprentissage se fait dans un terrain social. Mais, tout acteur affronte un contexte
économique qui imprègne cet apprentissage et influe sur l'usage qui sera fait des
connaissances acquises. Les changements possibles, pour un acteur impliqué dans un réseau,
offrent plusieurs éventualités parmi lesquelles il doit choisir en fonction de la conjoncture :
rapidement il devra adapter son outillage et son savoir-faire à la nouvelle réalité. MalecM voit
deux façons d'y arriver :
Le cadre général des pratiques collectives, de même que le degré de compétitivité du système
socio-économique en place, influent sur F apprentissage. Tout dirigeant d'entreprise est en
quelque sorte obligé d'inscrire sa démarche dans la logique de cette réalité. De là l'utilité des
réseaux d'entreprises qui encouragent l'apprentissage dans tous ses états et dans toutes les
directions. Cette utilité vient aussi du poids des réseaux comme partie intégrante d'un
environnement spécifique : ils sont alors considérés comme un cadre offrant un espace
fonctionnel à caractère discret (Ratti 1992 : 56). Les objectifs qui président à la création d'un
réseau et ceux qui incitent une entreprise à s'y affilier sont naturellement convergents. Ratti
mentionne les plus importants :
On met donc en commun des compétences variées pour mieux apprendre collectivement et
améliorer la compétitivité des entreprises participantes. Mais chez elle, la firme doit composer
avec ses propres impératifs techniques. Les connaissances doivent passer dans la pratique
quotidienne et l'apprentissage dans chaque poste de travail leur donner une utilité concrète :
firms must be able, once they have created or acquired technology, to nourish
and sustain it in production. Especially for process technology, learning by using
and by doing are essential components of the technological activities of firms.
78
Firms have three ways of adding to their stock of knowledge : through learning
by doing and using, through R&D (or learning by studying), and through
imitating others (diffusion between firms) (Malecki 1991:154).
Selon les conditions existant dans une entreprise et le type de savoir-faire recherché, un mode
d'apprentissage apparaîtra, mieux qu'un autre, capable de répondre au besoin. Pour une
technologie de méthode (processus technologique), l'apprentissage en "utilisant" et en
"faisant" est un élément essentiel de l'appropriation technologique. "Learning by using"
correspond bien à la démarche d'appropriation des TIC : il n'y a qu'une seule façon d'arriver
à les bien maîtriser, c'est en les utilisant. Naturellement la maîtrise d'une nouvelle méthode,
d'un outil nouveau requiert un certain effort, parfois fastidieux. Dans le cas des TIC, cet
effort, peut-être davantage que le coût en argent, pourrait freiner leur appropriation. Cette
appropriation exige en effet, au-delà d'un apprentissage théorique minimal, une bonne réserve
de patience, de temps d'essai - erreur qui peuvent paraître décourageants lorsqu'on méconnaît
les avantages considérables de cette appropriation.
Conclusion
Ces idées sont un condensé des apports de plusieurs chercheurs qui se sont intéressés aux
façons originales dont les acteurs, tant de la scène économique que sociale, réagissent à
l'arrivée d'une technologie de pointe qu'ils jugent opportun d'apprivoiser. Les conséquences
qui en découlent, reflets de dynamiques nouvelles enracinées dans le terreau culturel et social,
tendent à consolider les atouts des territoires et les avantages des acteurs qui savent en
profiter. À cet égard l'appropriation des TIC s'avère important pour les pratiques
79
entrepreneuriales et il devient nécessaire, pour les pouvoirs publics, de s'impliquer activement
dans un secteur aussi stratégique.
Dans ce deuxième chapitre, nous avons tenté de comprendre comment les réseaux
d'entreprises influent sur les pratiques entrepreneuriales, par la circulation de l'information,
l'apprentissage et l'utilisation des TIC. Plutôt qu'une sorte de faite en avant que choisiraient
les acteurs confrontés à l'incertitude, l'affiliation à un réseau d'entreprises nous est apparue
comme une stratégie d'affaires en vue d'apprendre, de se concerter et d'affronter
collectivement les aléas du marché. L'affiliation d'une entreprise à un réseau est souvent
dictée par la conjoncture et a comme toile de fond la circulation de l'information et son
utilisation dans l'entreprise et dans la collectivité.
Par ailleurs la position de l'entreprise dans son environnement lui impose de tenir compte de
l'évolution de la conjoncture, tant technologique que sociale. D'une part la société attend d'elle
qu'elle agisse en " bon citoyen corporatif, en même temps qu'elle est de plus en plus
confrontée à des exigences qui lui sont propres: de nature environnementale, réglementaire ou
autre, qui requièrent un haut degré de compétence, parfois de diplomatie de la part du
dirigeant, et d'harmonie dans l'organisation. D'autre part l'évolution technologique, la mobilité
des capitaux, la volatilité de la conjoncture, la concurrence, soumettent l'entreprise à des
pressions considérables pour survivre et si possible, croître.
À certains égards, on peut êtore tenté de dire que les TIC font partie en même temps du
problème et de la solution. Au départ, l'instauration de cette nouvelle technologie peut
compliquer le fonctionnement d'une firme, car pour s'y familiariser une période de rodage est
nécessaire. Mais dès qu'est réalisée une appropriation convenable, la gestion et le
fonctionnement y gagnent énormément en efficacité et en précision. Le réseau d'entreprises
constitue, pour les participants, une source d'appui supplémentaire, un lieu d'information, où
peuvent s'élaborer des stratégies communes, où, en somme, apprendre collectivement à se
tirer d'affaire individuellement.
CHAPITRE 3
Ce chapitre présente un aperçu des contributions les plus significatives que des chercheurs ont
fournies à partir du deuxième tiers du XXe siècle, relativement au rapport existant entre la
taille d'une entreprise et l'innovation. Ces chercheurs eurent un devancier important,
Schumpeter, dont il y a lieu d'abord de rappeler les principales idées sur cette question,
notamment sa perception des processus de "destaiction créatrice" et leurs rapports avec
l'innovation. Vient ensuite un examen des constats de plusieurs investigateurs, qui se sont
intéressés aux effets de la taille d'une entreprise sur l'innovation qu'elle génère. Certains ont
conclu que plus grande est l'entreprise, plus elle est innovante. D'autres, qu'il y a peu de
relation entre la taille d'une firme et l'innovation, alors que d'autres encore voient une
relation négative. Il semble que, outre la taille, d'autres facteurs, notamment conjoncturels,
influent sur l'innovation.
82
Des écrits novateurs de Schumpeter se dégage une relation, à première vue paradoxale, entre
la taille d'une entreprise et l'innovation. Son ouvrage de 1935, «Théorie de l'évolution
économique : recherches sur le profit, le crédit, l'intérêt et le cycle de la conjoncture» présente
ses premières idées et avance la thèse que les petites entreprises sont, davantage que les
grandes, la source du progrès technologique. Par la suite, dans «Capitalisme, Socialisme et
Démocratie», il développe l'idée que les grandes entreprises sont plus enclines à innover que
les petites. On ne saurait toutefois inférer de cette apparente contradiction que la pensée de
Schumpeter est incohérente. Des circonstances différentes expliquent des conclusions
contrastées, comme on verra plus loin. En réalité, sa pensée suit essentiellement un
cheminement intellectuel structuré et conséquent.
Dans ces synthèses, Schumpeter met en relief le rôle de l'entrepreneur et insiste pour
distinguer entre l'innovation, qu'il considère comme le moteur de la croissance économique,
et l'entrepreneur, souvent présenté «comme le phénomène fondamental», qui marque les
dynamiques économiques existantes (Schumpeter 1935 : 330). Les entrepreneurs sont des
«agents économiques dont la fonction est d'exécuter de nouvelles combinaisons et qui en sont
l'élément actif» (Schumpeter 1935 : 330). L'acteur n'est «entrepreneur que s'il exécute de
83
nouvelles combinaisons - aussi perd-il ce caractère s'il continue ensuite d'exploiter selon un
circuit l'entreprise créée» (Schumpeter 1935 : 336).
Dans les écrits de Schumpeter, les liens entre les nouvelles combinaisons et le développement
d'une entreprise sont mis en relief à plusieurs reprises. L'auteur-estime que la multiplication
des activités innovantes renforce la place de l'entreprise dans son environnement économique,
car il suffit généralement que les entrepreneurs décident d'affecter les ressources nécessaires à
l'application des nouvelles méthodes de production, pour obtenir une productivité avancée
(Schumpeter 1939: 85).
Schumpeter s'attache à préciser le rôle que jouent les entreprises dans leur contexte
économique. Il montre qu'un entrepreneur prend des décisions de nature à créer les conditions
favorables aux nouvelles combinaisons de facteurs de production. Autrement dit, un
entrepreneur innove en prenant en considération les différents mécanismes conjoncturels, de
façon à y adapter convenablement son entreprise. C'est bien dans ce sens que la pensée de
Schumpeter donne aux petites entreprises un rôle central dans les dynamiques économiques.
L'entrepreneur, qui doit être bien engagé dans son milieu, doit en quelque sorte innover s'il
veut continuer d'exister, et donc être plus productif et plus concurrentiel. Schumpeter estime
que l'importance de l'engagement d'un entrepreneur dans son milieu lui permet de bénéficier
du genre de soutien dont il peut avoir besoin.
Vues dans un autre contexte, les grandes entreprises se révèlent à Schumpeter plus
conservatrices quant à l'innovation, mais plus capables de s'en approprier les bénéfices :
Schumpeter attire ainsi l'attention sur le fait que les grandes entreprises voient un avantage à
développer leur capacité de s'approprier les bénéfices de l'innovation, mais qu'elles
n'accordent qu'une importance modérée à la production de cette même innovation. Il souligne
que les grandes entreprises sont susceptibles d'adopter de nouvelles méthodes de production
si celles-ci occasionnent des coûts moindres (Schumpeter 1942 : 139). Ce choix lui paraît
84
totalement justifié, car les entreprises de cette catégorie possèdent généralement les moyens
importants et nécessaires pour la mise en œuvre de toute recherche pertinente : «dès qu'une
grande entreprise se sent en mesure d'en couvrir les frais, elle s'empresse (aux Etats-Unis)
d'installer un service de recherche dont chaque agent sait que son gagne-pain dépend du
succès avec lequel il mettra au point des perfectionnements inédits» (Schumpeter 1942 : 139),
On le voit, Schumpeter associe l'innovation tantôt aux pratiques des petites entreprises, et
tantôt aux initiatives par lesquelles les entreprises géantes agissent sur leur milieu. Cette
perception entraîne l'abandon de l'hypothèse qui lie l'innovation à la taille d'une entreprise,
quelle soit petite ou géante. Pour la capacité innovatrice d'une entreprise, ce qui compte en
définitive, c'est sa nature, le contexte où elle évolue et les objectifs qu'elle poursuit. Dans la
pensée de Schumpeter, l'innovation ne peut plus être uniquement affaire de taille, mais plutôt
d'aptitude à performer et à consolider les liens forts qu'une firme entretient avec son milieu.
Par ailleurs, Schumpeter reconnaît qu'un facteur d'ordre géographique ou régional peut être le
moteur des forces de changement : ce facteur «révolutionne sans cesse la structure
économique de l'intérieur, détruisant sans cesse l'ancienne structure, en créant sans cesse une
nouvelle» (Schumpeter 1942: 83). Les donnes géographiques concourent ainsi aux
dynamiques économiques que subissent les divers processus de destruction créatrice. Ces
processus conditionnent le fonctionnement des activités économiques, qui connaissent
d'abord une phase de crise, où les grandes orientations conjoncturelles sont remises en
question ; vient ensuite une autre phase où les petites innovations prennent de l'ampleur,
donnant à l'activité économique un nouvel essor. Cette succession résume le déroulement des
processus de destruction créatrice et, en même temps, résume un développement du
genre prospérité - récession — dépression- reprise. Un processus de destruction créatrice fait
référence à la coexistence dans une seule action de deux tendances simultanées : l'une tend à
détruire un cadre existant, en même temps qu'une autre logique s'affirme comme porteuse
d'un avenir amélioré, qui cherche à prendre place.
Dans ses ouvrages, Schumpeter développe ce qu'il est convenu d'appeler l'approche
économique de l'innovation. Selon cette approche, l'innovation stimule le développement
économique, car elle est souvent à l'origine d'un nombre important de processus de
destruction créative ; processus qui, eux-mêmes, provoquent souvent le renouvellement des
85
structures en place. De même, les Implications de l'innovation en termes de cycles d'affaires
peuvent être appréhendées à partir de cette notion de "destraction créatrice" et de son
incidence sur les dynamiques des systèmes en place. Les divers processus liés à ce principe de
destruction créative sont souvent responsables de la disparition de produits et de structures
caducs. La croissance d'une économie résulterait donc des dynamiques conséquentes,
épaulées en grande partie par les efforts des grandes entreprises. De ce point de vue ces
dynamiques expliquent comment l'évolution économique impose le passage à une situation
où l'innovation règne et devient alors la plate-forme des changements spontanés et qualitatifs
des activités économiques.
Les idées de Schumpeter concernant les circuits économiques et leur évolution ont créé une
certaine confusion, qui a conduit à des interprétations variées. Plusieurs auteurs ont vu les
risques de cette confusion et ont cherché à y obvier en mettant surtout l'accent sur les points
forts de la pensée Schumpeterienne. Par exemple, Ratti rend compte de la compétition entre
les entrepreneurs et souligne l'importance des raisons qui poussent un entrepreneur à agir
dans des conditions de croissance imparfaites. Il écrit ;
«la plus importante de ces raisons étant l'existence d'un 'time lag' (d'un décalage
temporel) : 1. entre le moment où se vérifie la nécessité d'une augmentation de
capital et le moment où il est à disposition de l'entrepreneur ; 2. ou dû aux
frictions existantes au moment de substituer les facteurs de production (capital et
travail, rigidité des salaires) ; 3. ou, enfin, parce que l'innovation ne serait pas
distribuée d'une façon homogène entre les secteurs économiques. Ces différents
rapports de forces entre secteurs et l'existence de monopoles représenteraient
d'autres sources de déséquilibre» (Ratti 1992:27).
86
En fait, se basant sur la perspective de Schumpeter, Ratti constate que l'opportunité
technologique et l'opportunité du marché constituent un soutien extraordinaire à l'innovation.
Cette constatation peut être déduite de la figure 1, conçue par Ratti pour illustrer à quel point
le progrès scientifique importe pour l'innovation. Dans un premier temps, ce progrès est
considéré comme une variable exogène, qui devient, par la suite, une composante principale
des activités entrepreneuriales. Comme le montre cette figure, ce sont les initiatives des
grandes entreprises qui en profitent en premier Heu, et ce sont elles qui produisent des
rétroactions, nécessaires, en définitive, à l'évolution de la science et des technologies.
Investissements clans de
l'entrepreneur nouvelles technologies
Comme Ratti l'a résumé dans la figure 1, la pensée de Schumpeter fait voir que la croissance
«se fait en cycles longs, elle est déséquilibrée et présente une diffusion non uniforme» (Ratti
1992 : 27). Cette idée a poussé Florida à préciser que la croissance économique, tout comme
tout processus de destraction créatrice, «s'étend aussi aux phénomènes régionaux, dans la
mesure où les nouvelles technologies et les nouvelles formes d'organisation de la production
ne se contentent pas de s'appliquer aux nouvelles régions, mais informent et modèlent la
reconstitution et la revitalisation des régions existantes» (Florida 2000 : 360-361).
87
Ayant observé l'association pouvant exister entre l'envergure d'une entreprise et sa capacité
innovatrice, Schumpeter offre des conclusions contrastées. Il constate, d'une part, une relation
étroite; d'autre part, que l'innovation n'est pas un phénomène propre aux grandes entreprises,
même si elles sont généralement les premières à pouvoir profiter des progrès scientifiques,
mais s'étend aussi aux petites entreprises qui valorisent l'initiative. En fait, la contradiction
n'est qu'apparente. Ayant fait ses observations dans des contextes différents, Fauteur avait vu
que cette relation est constamment conditionnée par des facteurs conjoncturels.
On trouve donc chez Schumpeter deux visions différentes, qu'une abondante littérature
évoque en les désignant par «Schumpeter Mark I», qui réfère à «La théorie de l'évolution
économique» et par «Schumpeter Mark II» qui renvoie au «Capitalisme, Socialisme et
Démocratie». Cet apparent dédoublement de perception que l'on constate chez Schumpeter
s'explique par deux contextes fort différents, qu'il a analysés avec rigueur. Parlant de
«Théorie de l'évolution économique», Malerba et Orsenigo écrivent : «In this work,
Schumpeter examined the typical European industrial structure of the late nineteenth century,
characterized by many small firms» (Malerba et Orsenigo 1995 : 47). L'autre contexte réfère
à la situation nord-américaine.
Schumpeter a fait des émules qui se sont employés à raffiner les connaissances déjà acquises.
Les sections qui suivent présentent un aperçu de l'éventail d'opinions, souvent fort
divergentes, qui se sont exprimées dans la littérature contemporaine, relativement à
l'influence de la taille d'une firme sur l'innovation.
Plusieurs études, datant des années cinquante et soixante, ont appuyé l'hypothèse voulant que
l'innovation dans une entreprise s'accroît avec sa taille. Villard fut l'un des principaux auteurs
à défendre avec détermination cette opinion. Son approche s'inspire des changements qui
secouent la société américaine vers la fin des années 1950 et le début des années 1960. Durant
cette période, la grande industrie des États-Unis procède à des transformations devant lui
permettre de confirmer sa supériorité face à une économie soviétique stimulée par les enjeux
de la guerre froide. Les grandes entreprises devaient assumer l'effort industriel du pays,
laissant au gouvernement central de s'occuper des affaires stratégiques. Villard estimait en
88
effet que les petites firmes ne peuvent guère s'impliquer dans l'innovation sans l'appui de
l'État : «I do not see how small firms can, in practice, finance big laboratories except co-
operatively or with government aid» (Villard 1958: 495-496).
Si, aux yeux de Villard, la grande entreprise a un rôle prépondérant par rapport aux petites,
c'est qu'elle répond à une forte demande sociale. Les rapports entre cette demande et la
domination de la grande entreprise permettent à celle-ci d'articuler les stratégies nationales
avec les préoccupations à la fois sociales et industrielles de la nation. C'est pourquoi l'auteur
soutient que l'organisation industrielle doit être privilégiée lorsqu'elle accroît la productivité,
surtout quand elle est socialement désirée (Villard 1958: 491). De même, Fauteur associe
l'évolution rapide de la société à la capacité des grandes entreprises à stimuler, par
l'innovation, les dynamiques économiques et sociales. Il écrit :
Les propos de Villard étaient largement influencés par une conjoncture politique qui exigeait
une répartition sociale des tâches entre les grandes et les petites firmes. Si les premières
devaient promouvoir l'innovation, les secondes devaient se contenter de tirer la pâte. Selon
Fauteur, c'était la seule voie devant permettre aux Etats-Unis de continuer à jouer un rôle
central dans l'économie du "monde libre", surtout que cette stratégie
«will maintain our position of leadership in the free world and at the same time
will provide the surplus with which to supply aid on an increasing scale to
underdeveloped areas of the world that wish to remain free; past standards of
research performance have little relevance to what must be achieved in the
future» (Vfflard 1958:497).
Il semble donc que vers la fin des années 1950, l'innovation dans la grande entreprise était le
fondement d'un dynamisme économique par lequel les Etats-Unis cherchaient à se tailler une
place de choix sur l'échiquier mondial. Les pratiques des grandes entreprises, qui
garantissaient pendant cette période un certain équilibre national et même international,
89
révèlent bien un arrangement qui attribuait à la grande entreprise de nombreuses tâches,
jusque là dévolues au gouvernement central. Les petites entreprises, les analyses de Villard
l'ont confirmé, étaient laissées à elles-mêmes, pratiquement ignorées. Cette tendance allait se
maintenir une partie de la décennie suivante.
Worîey (1961) prend la relève et soutient, lui aussi, que la grande entreprise est généralement
plus disposée à innover. 11 montre que les grandes entreprises doivent accorder un intérêt
particulier aux activités d'innovation ; que l'innovation procède des ressources humaines et
financières qu'une entreprise consent à y investir. Selon Fauteur, une entreprise ne s'intéresse
à l'innovation que dans la mesure où elle a une structure qui lui permet d'influencer les
dynamiques du marché : c'est le cas des grandes entreprises. L'auteur s'explique ainsi :
«We are told that the demands of modern technology are so great that only the
large firm is able to spend the sums needed to participate effectively in
innovation. We are further assured that we need not fear restraints upon the pace
of technology, for the incentives to innovate —largely lacking in industries
approximating pure competition - are present in abundance in an oligopolistic
structure. Indeed, the large modern concern is likely to feel under considerable
pressure to undertake research and to innovate in order not to be outstripped by
its rivals, some of whom may have entered the field from other industrial
pursuits» (Worley 1961:183).
Pour Worley, le marché tend à être dominé par un petit nombre de grandes entreprises en
concurrence. Pour qu'une entreprise s'impose dans un marché, elle doit être la plus forte et, à
cette fin, entreprendre les grands chantiers de la recherche scientifique et de l'innovation. La
concentration des activités d'innovation au sein des grandes entreprises paraît donc aller de
soi. L'auteur écrit :
«I prefer to share Nutter's view that research has come to be centred in industrial
giants partly because the giants were there, ready to welcome the advances of
science and the advantages of having scientists in their employ. Restricting the
size of these giants by one means or another might merely shift the location of
research without seriously hindering it» (Worley 1961:186).
Worley avance que l'entreprise géante est naturellement la première à pouvoir supporter les
frais de la recherche et de l'innovation. Il reprend ici certaines hypothèses avancées par
Schumpeter et d'autres. L'argument principal à l'appui de sa démonstration réside dans la
90
capacité des grandes firmes à financer leurs activités d'innovation ; car elles les financent sans
pour autant de ce fait déranger leur expansion. Pour l'auteur, plus une entreprise se concentre
sur l'innovation, meilleures sont ses chances de réussir, et de rejoindre le rang des entreprises
Dans la même veine, Hamberg (1964) a démontré que les grandes entreprises innovent
davantage, qu'elles s'embarquent dans des activités de R&D qui assurent un gain de
productivité et de prospérité. L'auteur a centré ses idées sur la relation étroite qu'il voit entre
la recherche industrielle, principe fondamental de l'innovation, et la taille d'une entreprise
(Hamberg 1964 : 62). Selon l'auteur, plus la taille d'une entreprise est importante, plus elle a
de potentiel pour innover. La taille d'une entreprise, que l'auteur a mesurée par le nombre
total des employés, a une incidence positive sur la réussite de ses activités d'innovation.
De façon générale, cette littérature n'a pas réussi à se distancier des premières hypothèses
développées auparavant par Sehumpeter, selon lesquelles il revient surtout aux grandes
entreprises de s'adonner aux activités d'innovation, et aux activités de R &D en particulier.
Les analyses élaborées par les différents auteurs valorisent les activités et les initiatives
menées par les grandes entreprises, et suggèrent que les petites ne doivent pas s'intéresser à
des activités qui exigent des ressources humaines et financières souvent énormes, et au-dessus
de leurs moyens. Cette perception, qui a dominé à partir du début des années 1960, a animé
des débats importants entre scientifiques, chacun s'évertuant à faire ressortir une relation
positive entre la taille d'une entreprise et l'innovation. Cette perception va continuer à nourrir
la plupart des réflexions jusqu'à la fin des années 1980. Durant cette période, une littérature
relativement abondante continue d'avancer que les grandes entreprises, plus que les petites,
doivent s'intéresser aux activités d'innovation.
La plupart des analyses issues de cette perception montrent en fait que les grandes entreprises
qui s'impliquent dans ces activités aboutissent à une situation de concurrence, mais où un
certain équilibre existe entre l'offre et la demande : la conséquence logique est que le marché
doit être dominé par des oligopoles. Link (1980) est l'une de ces nouvelles figures. Sur la base
d'un échantillon composé de firmes américaines qui opèrent dans le secteur chimique et dans
celui des alliages, il a conçu un modèle qui met en relation le taux de rendement des dépenses
engagées dans l'innovation, (ici les activités liées à la R&D) et la taille de l'entreprise,
9!
exprimée par le nombre total d'employés. Ses résultats indiquent que le taux de rendement
estimé des dépenses engagées dans l'innovation s'élève à 78% pour les grandes entreprises,
alors qu'il ne dépasse pas 30% dans les petites. Ces résultats suggèrent, selon lui, que
l'efficacité des activités génératrices d'innovation est fonction de la taille de l'entreprise.
De leur côté, Holemans et Sleuwaegen (1988) ont aussi montré que la taille d'une entreprise,
exprimée par le nombre total d'employés, a une influence positive et significative sur les
dépenses que les entreprises manufacturières belges consacrent à l'innovation. Il faut préciser
ici que Holemans et Sleuwaegen ont mis l'accent sur les activités de R&D pour évaluer la
relation entre la taille d'une entreprise et l'innovation. Leur analyse a montré que les grandes
entreprises sont davantage attirées par l'innovation parce qu'elles deviennent de plus en plus
multinationales (Holemans et Sleuwaegen 1988: 375). Il semble donc que le développement
des conjonctures internationales impose de nouvelles régies du jeu; l'ouverture d'un marché
qui s'internationalise incite les grandes entreprises, plus que les petites, à s'intéresser à
l'innovation.
Malgré l'importance des changements qui ont touché les structures de l'activité économique,
des chercheurs continuent de considérer les grandes entreprises mieux placées pour innover.
Les dynamiques économiques de développement évoluent mais la taille d'une entreprise
constitue toujours un facteur qui encourage l'innovation.
Klepper et Simons (2000) ont démontré que la capacité d'une entreprise de s'approprier les
retombées d'une innovation dépend principalement de sa taille. Ils montrent aussi que les
entreprises qui possèdent des expertises variées sont souvent incitées à poursuivre différents
92
types d'innovation de produit. L'appropriation croissante des technologies d'information et de
communication ne semble pas changer les règles du jeu (Klepper et Simons 2000: 759).
Ainsi, la relation entre la taille d'une entreprise, et son aptitude à innover et à s'imposer dans
un marché de plus en plus concurrentiel, paraît désormais inscrite dans un contexte
transformé, dominé par F internationalisation des activités, des valeurs et des normes. Si
l'entreprise survit à la concurrence, elle se développe et joue un rôle important dans l'essor de
son secteur d'activité. Mais ces conclusions soulèvent d'autres questions, essentielles pour qui
veut expliquer les facteurs faisant que la capacité d'une entreprise à innover dépend de sa
taille. Blundell et al. ont apporté certaines nuances. Ils ont écrit :
Il semble donc que toutes les conjonctures économiques favorisent la domination de la grande
entreprise, l'incitent à innover et à vouloir influencer les dynamiques économiques de
développement. En raison de certains facteurs, comme les coûts et les efforts exigés, des
scientifiques considèrent que seules les grandes entreprises sont capables d'innovation. Dans
divers contextes et conjonctures, des chercheurs ont démontré que les grandes entreprises
diversifient leurs stratégies d'innovation, expérimentent des procédés et des méthodes
nouvelles, tout en cherchant à s'assurer d'un gain de productivité.
Ces vues ne font toutefois pas Pimanimité. D'autres chercheurs, avec des arguments
crédibles, sont arrivés à des conclusions contraires, qu'il y a lieu maintenant d'examiner.
Si les chercheurs ont porté beaucoup d'attention à l'innovation dans les grandes entreprises,
ils se sont également intéressés aux réalisations des petites. On l'a vu, Schumpeter a pu
affirmer que les petites entreprises peuvent innover. L'évolution des dynamiques
économiques de développement a poussé plusieurs scientifiques à scruter l'importance réelle
93
de l'innovation dans la petite entreprise. Troublés par la domination des grandes
multinationales et fascinés par les efforts des petites entreprises, qui s'enracinent davantage
dans leur milieu économique, social et culturel, des scientifiques ont remis en question les
hypothèses associant l'innovation uniquement aux pratiques des grandes entreprises. Leurs
observations, résumées dans la présente section, indiquent qu'il n'existe pas de relation entre
la taille d'une entreprise et l'innovation.
Pavitt et ses collaborateurs (1987) ont analysé au moins 4378 innovations enregistrées entre
1945 et 1983. Ils voulaient comprendre la nature du rapport qui s'établit entre la taille d'une
entreprise et l'innovation. Cette réflexion était motivée par îe fait que
«the relationship between innovation intensity and firm size was r-shaped with a
decline amongst the very large. This pattern of innovative activities was often
explained by indivisibilities and risk precluding most small firms, and by
monopoly power reducing the pressure on the biggest ones» (Pavitt et ai. 1987:
297).
Ces auteurs ont montré que les petites entreprises ont tendance à s'impliquer dans diverses
activités d'innovation. Ils ont constaté l'existence d'une vitalité beaucoup plus innovatrice
parmi les entreprises de moins de 1000 employés. Ils associent de plus F innovation, dans
cette catégorie d'entreprises, aux conséquences du développement technologique et de ses
effets à la fois sur les occasions d'affaires, qui se multiplient, et sur les dynamiques du
marché, qui deviennent favorables aux actions innovatrices (Pavitt et al. 1987: 313).
Selon les auteurs, les petites entreprises qui innovent s'épanouissent, car elles améliorent la
quantité et la qualité de leur production ; ce qui leur permet de concurrencer les grandes
sociétés. Leur capacité innovatrice résulte de l'exploitation continue des occasions
d'appropriation des technologies sur des marchés de produits connexes. Les PME exploitent
les activités de R&D. Dans ce contexte, les petites entreprises continuent à être innovatrices
en fournissant les entrées spécialisées de production, dans la symbiose de grands innovateurs
utilisateurs (Pavitt et al. 1987: 313).
Il semble donc que la montée des petites entreprises s'est imposée comme un phénomène
économique important, et leur rôle par apport aux activités d'innovation est allé au-delà de la
94
simple imitation des innovations mises au point par les grandes entreprises. En effet, les
propos de Pavitt et al. font voir que les petites entreprises, tout comme les grandes firmes qui
s'internationalisent, s'impliquent plus qu'auparavant dans les activités d'innovation. Ces
conclusions traduisent l'importance acquise par les petites entreprises dans les dynamiques
économiques.
Dans la même veine, Cohen et al. (1987) ont montré que l'innovation n'est pas réservée aux
grandes entreprises. Partant des travaux de Schumpeter, ils ont tenté de saisir les effets de la
taille des entreprises sur les activités de R&D en particulier, et de l'innovation en général. Ils
ont réexaminé l'hypothèse de Schumpeter selon laquelle les investissements d'une firme dans
les activités d'innovation dépendent de sa taille. Par rapport aux études antérieures,
l'approche adoptée est particulièrement originale sur deux points. D'abord, pour les fins de
l'analyse, les auteurs ont utilisé les données rassemblées par la Commission fédérale des
États-Unis, des données relatives au développement de l'activité économique. Cette démarche
méthodologique fournit une vue précise de la relation entre la taille des entreprises et leurs
activités d'innovation. Ensuite, on s'est appuyé sur d'autres données utilisées par plusieurs
autres auteurs ; ce qui a permis à Cohen et al. de comparer leurs conclusions avec celles des
autres. Cette tâche a été très utile pour bien voir en quoi les divers secteurs d'activité se
différencient en ce qui a trait à l'innovation. Les auteurs concluent qu'en général, il n'existe
aucune relation entre la taille de l'entreprise et l'innovation. Ils ajoutent cependant,
concernant la R&D, que «a simple regression of R&D intensity on size measures alone
suggests that the size of the firm is positively associated with business unit R&D intensity,
although the effect is quite small» (Cohen et al. 1987 : 563).
En général, depuis la deuxième moitié des années 1980, comme l'avaient bien vu Cohen et
Pavitt, la littérature scientifique ne pouvait plus attribuer les activités d'innovation
uniquement aux entreprises géantes. Les auteurs constatent que les petites entreprises, tout
comme les multinationales, contribuent à l'innovation. Ce revirement de cap s'explique,
semble-t-ii, par la place que les PME ont commencé à occuper dans l'économie et la société.
innovent, car elles profitent du potentiel des nouvelles technologies, tout comme le font les
grandes entreprises. Mais pour percer, elles doivent diversifier leurs sources d'information :
sur le marché, leurs concurrents, leurs fournisseurs, et s'insérer dans des réseaux
internationaux.
La plupart des travaux de Malecki et de ses collaborateurs vont dans le même sens, et
avancent que l'innovation ne dépend aucunement de la taille d'une entreprise. Les petites
entreprises innovent si elles sont guidées par un esprit d'ouverture et d'entrepreneurship, mais
principalement si elles sont orientées par une logique qui les met au service de leur milieu;
Malecki (1997); Malecki et Germain (2001).
En somme, les écrits recensés dans cette section récusent la notion d'une relation de cause à
effet entre la taille d'une entreprise et l'innovation. Si cette hypothèse s'est avérée dans le
passé, l'avènement des technologies de l'information et de la communication, avec
l'économie d'information, l'ont rendue caduque. Certains opinent même que plus une
entreprise est petite, plus elle s'efforce d'innover.
Depuis le début des armées 1980, les résultats de la recherche scientifique ont montré la
grande confusion qui entoure le développement des conjonctures économiques. Les réalités
économiques deviennent plus complexes, et il semble que l'on a de la difficulté à saisir la
logique sous-jacente au développement.
Quoi qu'il en soit, il apparaît que le nouveau contexte économique et technologique met
désormais l'innovation davantage à la portée de la petite entreprise.
Depuis une quinzaine d'années, une importante littérature scientifique s'est constituée, autour
de Phypothèse postulant qu'il existe une relation négative entre la taille d'une entreprise et
l'innovation. Des arguments variés sont invoqués à l'appui de cette hypothèse, et deux
variables constituent les principaux instruments de mesure : l'intérêt que les entreprises
accordent aux activités de R&D et les dépenses afférentes à ces activités. Bound et al. (1984)
ont trouvé une relation négative entre la taille d'une entreprise et les dépenses que celle-ci
96
engage dans l'innovation, les activités de R&D en l'occurrence. Ils sont partis de la question
suivante : Qui fait les activités de R&D et qui fait breveter ? Et ils tirent de leur longue
analyse des conclusions importantes. Par exemple, ils démontrent que les activités de R&D
jalonnent le développement de toutes les industries, mais avec une intensité beaucoup plus
élevée dans les industries qui utilisent la haute technologie : comme l'industrie chimique,
l'industrie des ordinateurs, l'équipement de communication, etc. De même, ils démontrent
l'existence d'une élasticité entre les activités de R&D et la commercialisation des résultats de
l'innovation. Ils ont également prouvé que la relation entre la taille d'une entreprise et
l'innovation n'est pas linéaire ; les petites et les grandes entreprises s'intéressent davantage à
l'innovation que les entreprises de taille moyenne (Bound et al. 1984 : 48).
Les résultats de cette recherche contredisent les conclusions de tout un pan de la littérature
scientifique, et il importait de justifier cette divergence. Selon les auteurs, les faiblesses des
études antérieures s'expliquent par le choix des échantillons et des variables pour mesurer
l'innovation. Bien entendu, les auteurs n'excluent pas que cette divergence puisse également
résulter du changement même de la structure économique et technologique des sociétés
étudiées. Pourtant, si cette étude a permis de constater qu'il n'y pas de relation de cause à
effet entre la taille d'une entreprise et l'innovation, les auteurs font voir que, dans bien des
cas, les petites entreprises, plus que les grandes, ont tendance à innover. Et que si les études
scientifiques ne parviennent pas à démontrer la capacité de ces entreprises à innover, c'est
tout simplement parce que
«we tend to observe small firms only when they have become "successfull",
whereas almost all large firms are publicly traded and will appear in our sample
whether or not they have been particularly successful recently in research or
innovation» (Bound et al. 1984:52).
Il apparaît donc que le degré de l'intérêt accordé aux petites comme aux grandes entreprises,
dans des champs d'activité où l'innovation est plus visible, influence les résultats de la
recherche. Bref, c'est la prise en compte des petites entreprises, avec les grandes, qui semble
expliquer que la littérature scientifique admette l'existence ou non d'une certaine relation
entre la taille de l'entreprise et l'innovation.
97
De leur côté, Acs et Audretsch (1987) et (1988) ont étudié l'effet de la taille de l'entreprise
sur l'effort en matière d'innovation, mesuré par le nombre d'innovations réalisées par les
firmes du secteur manufacturier américain entre 1978 et 1982. Ils ont montré que les grandes
entreprises sont plus performantes dans certains secteurs, notamment ceux qui sont intensifs
en capital, alors que les petites entreprises sont plus performantes dans d'autres secteurs,
notamment les plastiques et l'électronique. Les auteurs concluent qu'en général, «the
empirical results support the modified Schumpeterian hypothesis that the relative innovative
advantage of large and small firms is determined by the extent to which a market is
characterized by imperfect competition» (Acs et Audretsch 1987: 573). Ils ajoutent:
«Industries which are capital-intensive, concentrated, and advertising-intensive tend to
promote the innovative advantage in large firms. The small-firm innovative advantage,
however, tends to occur in industries in the early stages of the life-cycle5 where total
innovation and the use of skilled labor play a large role, and where large firms comprise a
high share of market» (Acs et Audretsch 1987: 573). Les auteurs ont aussi montré que
«innovation activity of small and large firms responds to considerably different technological
and economic environments» (Acs et Audretsch 1988: 688).
Par ailleurs, Scherer et Ross (1990) ont avancé que plus la taille d'une entreprise augmente,
plus l'incitation à l'innovation risque de diminuer. Les auteurs ont cherché à comprendre les
avantages qui poussent une grande entreprise à s'intéresser à l'innovation. Ils ont démontré
que l'innovation dans les grandes entreprises est encouragée par la disponibilité des capitaux,
l'acceptation du risque et l'ouverture sur un marché important et une vaste clientèle (Scherer
et Ross 1990: 652).
Les auteurs soulignent que, malgré ces avantages, les grandes entreprises ont souvent
tendance à exagérer le risque qu'elles courent en investissant dans des activités d'Innovation,
notamment dans les grands laboratoires nécessaires pour la R&D. Ces raisons seraient les
suivantes : perte de temps, complexité des tâches liées aux activités d'innovation, complexité
des processus de décision, etc. Les auteurs ajoutent, concernant la possibilité, pour les petites
firmes, d'innover : «Even more important, small firms may be more adept at risk taking. Their
decisions to go ahead with an ambitious project typically are made by a handful of people
who know one another well» (Scherer et Ross 1990 : 652). Après une longue analyse, les
auteurs concluent :
98
that no single firm size is uniquely conducive to technological progress. There is
a place for firms of all sizes. Technical progress thrives best in an environnement
that nurtures a diversity of sizes and, perhaps especially, that keeps barriers to
entry by technologically innovative newcomers low (Soberer et Ross 1990 :654).
En 1996, Cohen et Klepper publient deux études et arrivent à des conclusions contrastées. La
première est une recherche empirique, consacrée aux activités de R&D et à l'innovation. Ils
sont d'avis que la probabilité de réaliser des activités de R&D augmente avec la taille de la
firme, que dans certaines industries, l'intensité des activités de R&D est nécessairement liée à
la grosseur de la firme et que la R&D augmente proportionnellement avec la taille de
l'entreprise dans la plupart des industries. Leur étude a démontré que le nombre de brevets ou
d'innovations, produits par dollar investi en R&D, tend à décroître lorsque la taille de
l'entreprise est moins importante (Cohen et Klepper 1996b: 946). Commentant les résultats de
leur travail, les auteurs apportent quelques nuances :
Our results suggest that of these various factors, the advantages of size
attributable to cost spreading may be particularly important. As such, the results
provide a way of reconciling the long-standing intuition of policy-markets
regarding the advantages of large firm size in technological competition with the
stylised facts concerning R&D, innovation, and firm size (Cohen et Klepper
1996b: 948-949).
Dans une autre étude, les auteurs rendent compte de la relation que l'on observe entre la taille
d'une entreprise et l'innovation à laquelle elle a recours. Ils montrent que l'entreprise,
répondant à la conjoncture et cherchant à s'adapter à la dynamique du marché, est poussée à
innover. Ils écrivent :
99
If major breakthroughs lend themselves to more discontinuous growth and are
more saleable than incremental innovations, this would explain the more casual
observation that relative to largefirms,small firms appear to be particularly adept
at major innovations (Cohen et Klepper 1996a: 242).
Ce que Cohen et Klepper avancent, c'est que l'innovation ne dépend pas de la taille de
l'entreprise. Leurs propos montrent que les dynamiques conjoncturelles sont des facteurs
décisifs, qui incitent, voire forcent une entreprise à l'innovation. Plutôt que la taille, ce sont
d'autres facteurs, liés principalement aux dynamiques existantes qui, comme l'avait constaté
Schumpeter, révolutionnent «sans cesse la structure économique de l'intérieur, détruisant sans
cesse l'ancienne structure, en créant sans cesse une nouvelle» (Schumpeter 1942 : 83). Pour
Cohen et Klepper, comme pour Schumpeter, les dynamiques du marché, tout comme les
structures industrielles, subissent des transformations profondes qui se traduisent par des
adaptations organisationnelles et des initiatives par lesquelles les entreprises,
indépendamment de leur taille, cherchent à se ménager une place de choix. Il apparaît par
ailleurs que Cohen et Klepper ne soutiennent pas l'hypothèse schumpeterienne voulant que le
développement économique résulte largement de la diffusion d'innovations radicales à un
grand nombre d'entreprises, qui imitent les grandes entreprises à l'origine de ces innovations.
Dans un autre contexte, Klepper et Simons (2000) ont tenté de saisir les principales
caractéristiques de l'évolution de l'industrie automobile, bouleversée par les changements
technologiques. Ils ont étudié les effets de ces changements, particulièrement l'innovation
dans les entreprises, à l'aide d'indicateurs caractéristiques comme la taille, la localisation,
l'affiliation à des réseaux de distribution et les choix technologiques. Ils ont démontré que
l'importance d'une entreprise a un effet positif sur sa capacité à innover et à survivre face à
100
une âpre concurrence. Ils ont constaté de plus que l'innovation des entreprises, dans une
industrie qui subit les effets d'un changement technologique, a des retombées importantes sur
la taille des entreprises, leur survie et éventuellement leur transformation en oligopole
(Klepper et Simons 2000 : 759).
Peut-on affirmer aujourd'hui qu'un rapport existe entre l'importance de la taille d'une
entreprise et l'innovation que celle-ci génère ? Comme en fait foi le présent chapitre, les
opinions divergentes reflètent le parcours historique de l'industrie et de l'économie, en même
temps qu'un cheminement de la pensée et une évolution dans la façon d'appréhender les
situations étudiées. Une lecture attentive de la littérature pertinente montre que le
fonctionnement et le rôle de l'entreprise, petite ou grande, ont bien changé depuis les premiers
travaux de Schumpeter. Si certains ont vu, pendant un temps, la grande entreprise comme le
moteur quasi unique de l'innovation, les avis sont plus nuancés aujourd'hui et plusieurs
inclinent à croire qu'il n'y a guère de différence quant à l'innovation, entre des firmes de
tailles différentes.
Dans les études récentes, on a cherché à raffiner les critères, on a utilisé un plus grand nombre
de variables et on a tenu compte davantage du contexte où évolue l'entreprise. Mais aussi ce
qui a grandement changé la donne, c'est l'avènement des nouvelles technologies numériques,
qui a favorisé la prolifération des PME et a permis à plusieurs d'entre elles de devenir des
pépinières d'innovation. Si bien que la plupart des chercheurs considèrent maintenant que
l'innovation peut survenir dans les petites comme dans les grandes entreprises. Certains
101
toutefois demeurent d'avis que l'innovation, dans les grandes entreprises, a des effets plus
importants que celle produite par les petites. Par exemple, Blundell et al. ont écrit : «leading
firms have a systematic tendency to produce innovations that are intrinsically of higher
quality than smaller firms» (Blundell et al. 1999: 550).
Cette affirmation de Blundell est peut-être vraie d'un point de vue macroscopique, ou
lorsqu'une grande firme débouche sur une percée scientifique vraiment fondamentale après
des années de recherche. Cela est toutefois relativement rare. Ce qui est plus fréquent, mais
moins spectaculaire, c'est la mise en application d'une idée nouvelle, qui réforme les façons
de produire ou met au point de nouveaux produits.
Il apparaît toutefois que quiconque veut appréhender la relation pouvant exister, entre la taille
d'une firme et l'innovation, doit prendre en considération non seulement les caractéristiques
de la firme, mais également la conjoncture du moment et son environnement territorial et
social.
Conclusion
11 a été montré dans un premier chapitre qu'une appropriation convenable des technologies de
pointe peut faire la différence entre les entreprises et entre les territoires; que cette
appropriation influence les pratiques entrepreneuriales, que ses effets ne se sentent pas de la
même manière dans tous les territoires et chez toutes les entreprises. Ce qui nous a permis de
conclure que les TIC, à elles seules, n'empêchent pas le développement inégal des conditions
102
économiques, sociales et institutionnelles qui dominent aujourd'hui. Nous avons ensuite
montré que l'État et le secteur privé jouent des rôles variables, mais importants dans
l'appropriation et l'usage des TIC. Le deuxième chapitre a fait voir que le choix des
entrepreneurs de s'affilier à des réseaux d'entreprises peut favoriser l'émergence de pratiques
novatrices. Dans une économie dite d'information, les réseaux d'entreprises favorisent la
circulation des connaissances et de l'information stratégique, lesquelles, à leur tour,
encouragent F apprentissage, la concertation et le développement des dynamiques
d'innovation. Il apparaissait alors indiqué d'examiner comment la taille plus ou moins
importante d'une entreprise influe sur sa contribution à ces dynamiques. Le présent chapitre a
donc été consacré à cette question.
Traiter des effets de la taille des entreprises sur le changement technologique et sur
l'innovation n'est pas une problématique nouvelle. Une littérature abondante et diversifiée s'y
est intéressée. Nous avons donc remonté aux origines des débats, lorsque Schumpeter voulait
comprendre les liens existant entre la taille des firmes et l'innovation. L'auteur a décrit
l'influence des structures organisationnelles non seulement sur les pratiques entrepreneuriales
et sur les activités économiques en général, mais surtout sur les compétences et les enjeux qui
incitent une entreprise à innover. L'analyse de la littérature que nous a léguée Schumpeter
révèle un paradoxe de prime abord étonnant : il lie l'innovation tantôt à l'entreprise géante et
tantôt à l'entreprise de petite taille. Il en est résulté une certaine confusion parmi les
scientifiques qui se sont intéressés aux ouvrages de Schumpeter. Toutefois le paradoxe n'est
qu'apparent; ayant analysé deux contextes différents, Schumpeter a abouti à des conclusions
opposées, qui se comprennent lorsque prises dans leur contexte respectif. C'est dire que,
dépendamment de la conjoncture et de la structure économique en place, l'innovation peut
être l'œuvre d'une grande ou d'une petite entreprise. L'apport de la pensée de Schumpeter est
d'avoir ouvert aux chercheurs des pistes de recherche très fertiles. Cet apport est majeur.
Les successeurs de Schumpeter ont avancé des idées qui oscillent entre trois thèses
principales : l'innovation s'accroît avec la taille de la firme; il n'y a pas de relation entre la
taille de l'entreprise et l'innovation; il y a une relation négative entre la taille de la firme et
l'innovation. Dans le présent chapitre, nous avons vu que chacune de ces thèses se fondait sur
des données empiriques qui lui donnaient une certaine légitimité scientifique. Se basant sur de
bons arguments, les tenants de chaque thèse expliquent l'occurrence d'innover par l'ensemble
103
La littérature récente se préoccupe peu de l'influence de la taille des firmes sur l'innovation;
elle s'intéresse davantage aux dynamiques internes des entreprises et à leur aptitude à résoudre
les problèmes complexes nés de la conjoncture où elles évoluent (Dosi et al. 2003 et 2003a).
Selon ces auteurs, lorsqu'un acteur est confronté à une situation problématique, il tend à réagir
par une série de démarches de consultation, de coopération et de coordination, démarches
qu'il juge importantes pour cemer la solution appropriée. Dosi et coll. suggèrent plutôt un
modèle qui permet de décomposer un problème en éléments distincts, de façon à en identifier
les facteurs d'intrication et les solutions possibles. C'est donc à partir de cette segmentation du
problème qu'il y a lieu de chercher des solutions. Ainsi, au lieu d'insister sur les stratégies de
coopération et de coordination des entreprises, il semblerait plus utile, pour le chercheur, de
voir comment ces entreprises s'organisent, s'ajustent, modulent leurs actions, leurs réactions,
tout en cherchant, chacune pour son compte, à s'adapter aux contraintes du moment.
La recherche relative au développement régional fait naturellement appel à des notions telles
que le territoire, le milieu, l'innovation, dont plusieurs chercheurs ont noté l'influence sur le
dynamisme d'une région. Afin de rendre compte de la réalité actuelle, il y a lieu également de
considérer l'influence des TIC dans le fonctionnement des entreprises et de la société. Ces
notions sont tour à tour examinées dans le présent chapitre : le territoire et le milieu; les liens
existants entre l'innovation, le territoire et le milieu; le rôle des TIC dans l'établissement et le
devenir de ces liens; comment la conjonction de ces notions a permis la conception d'un
appareil explicatif mobilisateur.
La première section de ce chapitre est consacrée au milieu innovateur, ainsi qu'aux systèmes
national, régional et spatial d'innovation, en vue d'en dégager les fondements conceptuels. La
seconde partie traite de distance et de proximité, telles qu'influencées par la donne
conjoncturelle. Cette réflexion paraît utile à la formulation d'un cadre conceptuel nécessaire à
la poursuite du présent travail qui porte sur les TIC et leurs effets sur les dynamiques d'une
société et d'une économie d'information.
105
La notion de milieu innovateur a beaucoup été utilisée pour apprécier la vitalité de certains
territoires. Elle est ici examinée dans l'optique du GREMI et par rapport à l'utilisation des
technologies de l'information et de la communication.
Dans les années 1980, Philippe Aydalot procède à la création du Groupe de Recherche
Européen sur les Milieux Innovateurs (GREMI). Cette initiative crée un vaste programme de
recherche sur les milieux innovateurs. L'hypothèse à la base de ce programme met en relief
le «rôle déterminant joué par les milieux locaux comme incubateurs de l'innovation, comme
prisme à travers lequel passeront les incitations à l'innovation et qui donnent sur le terrain son
visage à celle-ci ; l'entreprise n'est pas un agent innovateur isolé ; elle est partie du milieu qui
la fait agir» (Aydalot 1986 : 11). Cette hypothèse a soulevé plusieurs questions concernant le
potentiel des parties d'un milieu local et leur capacité à innover. Les principales questions ont
trait aux points suivants : «-l'appréciation des trajectoires technologiques des entreprises ; -
l'évaluation des facteurs locaux d'innovation ; - le rôle de l'extérieur dans l'entraînement de
l'innovation ; - les synergies locales» (Aydalot 1986 : 13). Il semble dés lors que par ce vaste
programme on veut mettre l'accent sur les acteurs de développement, et surtout sur leur
aptitude à profiter des synergies locales. L'initiative des acteurs locaux se trouve donc au
centre des préoccupations scientifiques. Et l'on mise davantage sur ces initiatives pour
comprendre «l'émergence d'un esprit innovateur local et dans la mise à disposition des
connaissances technologiques, dans leur financement» (Aydalot 1986 : 5).
106
On voit donc que îa création du GREMI ouvre deux perspectives. D'abord, celle des acteurs
de développement, car il suffit d'identifier les principaux acteurs de développement, de
s'assurer qu'ils profitent des outils mis à leur disposition et susceptibles de servir de support
aux activités innovatrices. Tout en profitant de ces outils, les acteurs participent à îa création
d'un cadre général porteur d'un nouveau potentiel, qui permet l'emboîtement social, culturel
et entrepreneurial des pratiques.
L'autre perspective offerte par la création du GREMI est celle qui s'ouvre devant les
chercheurs, appelés à cerner les dynamiques économiques et sociales de développement en
partant des interactions et des interdépendances entre acteurs qui partagent un même milieu.
D'où l'importance de la littérature produite dans ce cadre.
Aydalot et Keebîe publient en 1988 un ouvrage important; «High Technology Industry and
Innovative Environments : the European Experience» ; cette publication confirme l'hypothèse
selon laquelle le contexte local joue un rôle crucial dans les processus d'innovation. L'idée
centrale qui se dégage de ce travail est l'identification, de plus en plus claire, d'une régulation
locale originale, émergeant des structures et des actions locales, qui crée les conditions
favorables au développement et à la prospérité. Les auteurs parlent des «grappes locales» ou
des systèmes locaux de production, afin de mettre en valeur cette idée (Aydalot et Keeble
Les premiers travaux qui ont émané du programme de recherche mis sur pied par le GREMI
étaient prometteurs et ont provoqué des débats animés entre les scientifiques. De même, ils
ont largement inspiré les politiques de plusieurs gouvernements. Les principales contributions
qui ont assuré la continuité de ce programme sont présentées dans les paragraphes suivants.
En 1991, avec son ouvrage : «Innovation Networks : Spatial Perspectives», Camagni renforce
certaines idées et hypothèses contenues dans le programme de recherche lancé auparavant par
Aydalot. En quelque sorte, il en est la continuité logique ; la pensée de Camagni ne se
contente pas seulement de montrer que les activités économiques se développent selon les
modèles habituels (polarisation, division spatiale du travail, etc.), mais démontre aussi que ces
modèles se renouvellent et s'enrichissent selon les conjonctures locales et régionales. C'est
donc dire que les synergies territoriales et les impulsions internes et externes jouent un rôle
107
crucial dans l'évolution des dynamismes que génèrent les divers milieux (Camagni 1991),
L'une des principales contributions de l'auteur est l'adoption d'une approche centrée
principalement sur les problématiques du milieu, lesquelles engendrent à la fois information
et incertitude, influençant de ce fait les coûts de transactions. Selon l'auteur, les entreprises
qui font face à l'incertitude et au manque d'information recourent souvent aux composantes
de leur milieu, pour profiter du soutien de l'organisation, tacite ou explicite,
d'interdépendance fonctionnelle et informationnelle des acteurs locaux. L'on peut ainsi tirer
profit des comportements liés à la recherche, la transmission, la sélection, la transcription, la
transformation et le contrôle de l'information (Camagni 1991).
Se basant sur l'information et sur son rôle dans la gestion des opérations quotidiennes d'une
entreprise, l'auteur définit les principaux paramètres de l'innovation, qu'il présente d'ailleurs
comme le résultat d'une combinaison originale des aptitudes technologiques de l'entreprise
avec les exigences de son marché. L'innovation est le résultat des interactions entre ces
paramètres et ces exigences. Il faut donc souligner que ces interactions renvoient aux
interdépendances des éléments du marché, d'abord d'un milieu local, mais sans pour autant
exclure l'influence d'éléments et de facteurs pouvant provenir de l'extérieur. Dans le cas d'un
milieu innovateur, l'enjeu est donc de savoir toujours mieux profiter à la fois d'organisations
territoriales diversifiées et des apports des réseaux intra et extra-territoriaux.
Le début des années 1990 coïncidait donc avec l'émergence de nouvelles dynamiques
économiques et sociales, qu'il fallait reconnaître et théoriser. Maillât et Perrin (1992)
consacrent alors, aux entreprises innovatrices et au développement territorial une réflexion
signalée. Plusieurs chercheurs étaient invités à traiter des questions cruciales que pose le
développement économique à certains territoires. Maillât résume bien ces questions :
108
pourquoi certains territoires sont-ils plus innovateurs que d'autres ? Comment
caractérise-t-on les milieux innovateurs ? Comment ies analyses en termes de
milieux innovateurs peuvent-elles contribuer à réinterpréter les théories du
développement spatial et à donner de nouvelles orientations à la politique
régionale ? Pourquoi ces approches sont-elles particulièrement adaptées à la
période de mutations techno-organisationneHes que nous traversons ? (Maillât et
Pemn 1992:3).
L'une des idées maîtresses de cet ouvrage est de considérer l'entreprise comme une micro-
organisation ; tandis que ses environnements local et régional sont présentés comme des
macro-organisations (Maillât et Perrin 1992 : 229). Il y a là une nouvelle initiative, pour
mieux comprendre les modalités territoriales de la dynamique industrielle qui orientent le
développement d'un territoire. Dans cet ouvrage, Maillât et Perrin ont confronté les études
portant sur l'élaboration des innovations et leurs effets sur l'environnement local des
entreprises, dans une dizaine de régions d'Europe et des Etats-Unis. Ils sont «intéressés par un
processus global de structuration-déstructuration dont la logique territoriale se combine avec
celle des processus industriels mais qui ne se confond pas avec elle» (Maillât et Perrin 1992 :
230). Cette confrontation permet de dégager une relation originale entre l'entreprise et son
environnement, montrant que les innovations et leur impact sont, d'une certaine manière,
coproduits par ies entreprises et par les constituantes de leur environnement local-régional.
On voit ici une manière originale, qui permet d'adapter aux exigences de nouvelles
conjonctures les principes apportés auparavant dans le cadre du programme de recherche du
GREMI. Les conclusions sont donc dictées par des exigences de mise en valeur des
territoires, de leurs ressources, de leur histoire et surtout de la capacité des acteurs locaux à
maîtriser l'évolution des dynamiques techno-productives en place. C'est dans la conclusion de
cet ouvrage que Perrin apporte certains éléments de réponse à la problématique des liens entre
l'innovation et les dynamiques propres à l'entreprise et à son environnement. Il écrit :
Les auteurs ont aussi cherché à comprendre les relations entre les réseaux d'innovation et les
milieux innovateurs. Leur souci est de mieux répondre à deux problématiques importantes,
traitées chacune dans une partie de leur ouvrage. Une première partie est consacrée aux
interactions que l'on tient responsables du développement des milieux et qui font que des
réseaux simples deviennent des réseaux d'innovation. La deuxième partie traite des problèmes
relatifs à la transformation des milieux et des réseaux respectivement en milieux innovateurs
et en réseaux d'innovation. Plus précisément, les auteurs ont retenu une problématique
générale qu'ils ont articulée autour de trois champs d'interrogation:
Partant de ces questions et des exigences d'ordre à la fois conjoncturel et structurel, les
auteurs ont mis en évidence l'aptitude des acteurs à promouvoir le développement spatial, ce
110
qui témoigne de la capacité des territoires et des régions en général à intégrer dans leur tissu
productif les nouveaux paradigmes du système techno-industriel. Comme prometteur de
l'avantage technologique, le rôle des réseaux d'innovation est souligné. Selon les auteurs, les
formes variées de complémentarité et de spécialisation technologique, par exemple, sont
nécessaires au développement des dynamiques d'un territoire. De même, la diversité des
modalités organisaîionnelles constitue une richesse importante» qui permet aux acteurs de
mieux maîtriser l'incertitude souvent associée aux processus d'innovation. Dans un milieu
innovateur, la combinaison de ces éléments crée les conditions favorables au développement
de synergies variées, incitant les acteurs d'un milieu à tirer avantage des liens, formels et
informels, ainsi créés.
Au cours des armées 1990, le GREMI a diversifié ses programmes de recherche et a profité de
la collaboration de scientifiques avertis. Les thèmes retenus montrent l'importance, la
diversité et la richesse des problématiques étudiées. Par exemple, certains programmes ont été
affectés à l'étude du milieu, des réseaux et des effets des réseaux sur les dynamiques des
milieux (GREMI 3 et GREMI 4). Le programme GREMI 5 traitait d'une question centrale :
comment le milieu innovateur se différencie-t-il de la ville ? Le programme GREMI 6 devait
clarifier en quoi le concept de milieu innovateur peut-il s'appliquer à des ressources non
industrielles : élargissement de la notion de milieu.
Ce programme marque un tournant important dans les travaux de cette école de pensée. Au
lieu de se concentrer sur les milieux innovateurs, qui se démarquent par leur plus grande
capacité de s'auto-organiser à travers diverses formes de «partenariat», GREMI met en place
une multitude de modalités d'ajustement mutuel du savoir et des savoir-faire des acteurs
(Maillât 1998). Ce programme défend l'idée que l'analyse ne doit pas se concentrer
uniquement sur les dimensions technologiques et industrielles des activités, mais doit aussi
tenir compte de la diversité et de la richesse des ressources naturelles et culturelles dont
dispose un territoire.
En général, depuis les premiers travaux d'Aydalot jusqu'aux travaux les plus récents, l'accent
est mis sur certaines constantes, qui montrent en quoi et comment les dynamiques propres aux
milieux et aux territoires contribuent à l'innovation. La formulation de ces constantes tient
compte des entreprises actives dans divers milieux, lesquels sont enrichis d'une multitude
Ill
d'éléments qui, si bien organisés et territorialisés, contribuent efficacement à la production et
à la diffusion de l'innovation.
Les travaux rattachés au GREMI, fin des années 1990 et début des aimées 2000, constituent
un apport scientifique important; ils aident à mieux comprendre la diversité des dynamiques
économiques et sociales de développement, devenues plus complexes que ce qu'elles étaient
pendant les années 1980. Ces travaux ont mis des outils scientifiques de grande utilité
théorique et pratique au service des acteurs de développement et sont devenus indispensables
pour qui veut comprendre le processus du développement dans un territoire. Par exemple, la
distinction faite souvent, et surtout depuis la fin des années 1990, entre un milieu innovateur
et une ville correspond à l'observation que l'innovation ne se limite pas qu'aux centres
urbains. Cette distinction reconnaît, explicitement ou non, que l'innovation n'est pas propre
aux dynamiques urbaines, et cela même si celles-ci sont souvent plus complexes et
encouragent le développement d'interactions plus denses (Crevoisier et Camagni 2000).
Comme le montre le programme de recherche de GREMI 6, les richesses d'un territoire ne
peuvent pas être uniquement économiques ; elles sont d'abord humaines; elles sont aussi
naturelles et environnementales ; ce dont il faut tenir compte pour évaluer la capacité d'un
territoire, qu'il soit urbain ou rural, central ou périphérique, à innover.
Il existe en fait plusieurs définitions d'un système national d'innovation. Pour Freeman un
système national d'innovation renvoie au réseau des établissements publics et privés, dont les
activités et les interactions lancent, importent, modifient et diffusent les nouvelles
technologies (Freeman 1987). De son côté, Lundvall (1992) définit un système national
d'innovation comme un ensemble d'éléments entre lesquels se développent des rapports, leur
permettant d'interagir dans la production, la diffusion et l'utilisation des produits nouveaux.
112
Un système national d'innovation se distingue aussi par une présence accrue de la
connaissance économiquement utile. Selon Lundvali, ces éléments sont généralement
localisés et enracinés à l'intérieur des frontières d'un Etat, Par ailleurs, Nelson et Rosenberg
(1993) présentent un système national d'innovation comme l'ensemble des établissements
dont les interactions déterminent l'innovation des sociétés nationales.
Il semble donc que la notion de système national d'innovation recouvre avant tout la
localisation des activités économiques, sociales, politiques, dans un cadre territorial très large.
Il est toutefois difficile de préciser les principaux indicateurs qui peuvent servir à mesurer la
performance d'un système national d'innovation et d'en dégager les forces et les faiblesses.
De son côté, Metcalfe (1995) constate qu'un système national d'innovation est constitué d'un
ensemble d'établissements et d'institutions distinctes, qui contribuent conjointement et
individuellement au développement et à la diffusion des TIC, et qui constituent le cadre dans
lequel les gouvernements conçoivent et mettent en application des politiques pouvant stimuler
l'innovation. Le système national d'innovation se présenterait donc comme ce cadre qui sert à
créer, stocker et transférer la connaissance, le savoir-faire et les nouvelles technologies
(Metcalfe 1995). L'action d'un ensemble d'établissements dynamise ce cadre : les sociétés
privées, les universités et d'autres établissements éducatifs, laboratoires publics de recherche,
consultations privées, sociétés professionnelles, réseaux d'entreprises, associations de
recherche industrielle. Ces établissements apportent des contributions complémentaires, mais
qui diffèrent de manière significative en ce qui concerne la motivation et la diffusion de la
connaissance qu'ils créent (Metcalfe 1995).
On voit donc que les scientifiques mettent davantage l'accent sur les institutions et sur leurs
aptitudes à promouvoir l'innovation. Effectivement, Edquist constate que les principales
caractéristiques d'un système national d'innovation sont l'existence d'un cadre institutionnel
approprié, accompagné d'un système de production important (Edquist 1997 : 15). Que les
institutions d'un territoire national soient formelles ou informelles, elles incitent les acteurs à
entreprendre, leur fournissent l'information et les ressources nécessaires afin de réduire
l'incertitude et atténuer les effets néfastes de conflits éventuels (Edquist 1997 : 15).
Manifestement, on insiste toujours non seulement sur l'existence ou non d'institutions à
vocation nationale, mais surtout sur leur capacité à influencer positivement les comportements
des acteurs, à encourager l'innovation. C'est en prolongement de ces idées qu'Edquist précise
le sens de l'innovation: «Innovations are new creations of economic significance. They may
be brand new but are more often new combinations of existing elements. Innovations may be
of various kinds (e.g., technological and organizational) (Edquist 1997: 1). Ainsi définie, cette
notion éclaire la façon d'appréhender un système d'innovation:
114
«À system of innovation shouid be looked upon as a 'whole' because any of its
elements are - more or less closely - related to each other. Otherwise, there
would be no 'system'. But it is also sometimes necessary to deal only with parts
of the system - one at a time or a few in relation to each other. Hence, it may
sometimes be necessary to restrict the analysis to various subsystems of a system
of innovation. [...] To study only one subsystem can also contribute to the
creation of a more coherent and sharp 'scientific language' appropriate for
dealing with elements like technological development, diffusion of technology,
the mergence and diffusion of organizational forms, education and training, as
well as institutional changes related to these spheres» (Edquist 1997:18).
Il semble donc que, pour mieux comprendre le fonctionnement d'un système national
d'innovation, il est nécessaire d'analyser «ail important economic, social, political,
organizational and other factors that influence the development, diffusion and use of
innovations» (Edquist 1997:14).
Mise en contexte par Lundvall, les réflexions consacrées à ce concept l'ont enrichi et l'ont
adapté à des conjonctures variées. On Fa utilisé pour rendre compte des dynamiques de
développement de pays tels que les Etats-Unis, le Japon, la Russie, l'Afrique du Sud, la
Chine, l'Inde, mais aussi de certains pays plus petits, comme la Finlande. La diversité de ces
contextes explique la multitude des définitions que les scientifiques ont données à ce concept.
Pourtant, la plus grande utilité actuelle de ce concept réside dans son aptitude à rendre compte
des dynamiques de développement propre aux conjonctures marquées par
Pinternationalisation des enjeux et par la globalisation des économies. Selon l'auteur, ce
concept est désormais intéressant pour comprendre comment l'innovation se propage dans un
espace national, sous la pression des facteurs reliés à la mondialisation et à la globalisation
des pratiques d'affaires (Lundvall 2004 : 536).
Depuis quelques années déjà, certains chercheurs enrichissent leur réflexion par le recours à la
notion de système régional d'innovation. Cette expression témoigne de l'adoption de l'échelle
régionale comme cadre général, que l'on considère appropriée à une meilleure compréhension
des dynamiques économiques et sociales de développement d'un territoire. Le recours à cette
notion a attiré à nouveau l'attention sur l'échelle spatiale qui serait la plus pertinente pour
saisir les facteurs de localisation et de développement de l'activité économique et sociale.
Dans plusieurs publications récentes, c'est à l'échelle d'une région qu'il a paru le plus
productif d'étudier les composantes institutionnelles en place, afin d'en comprendre
l'influence sur les interactions entre acteurs individuels et collectifs. La région a ainsi servi de
cadre à l'étude du système d'innovation, de même qu'à d'autres notions apparentées. Isaksen
(2001) a présenté, dans le tableau ci-dessous, une comparaison intéressante entre ces
différentes notions.
Source: Isaksen, A. (2001), «Building Regional Innovation Systems: is Endogenous Industrial Development
Possible in the Global Economy?», Revue canadienne des sciences régionales, XXIV, 1, p. 104.
117
Le tableau aide à bien distinguer les éléments d'un système régional d'innovation, qui sont
essentiellement : «i) firms of a region's main industrial clusters, including their support
industries ; ii) supporting knowledge organizations, and iii) interaction between these actors»
(Isaksen 2001: 107). Comme le constate l'auteur lui-même, cette perception correspond à
celle définie auparavant par Cooke, Bpekholt et Todtling (2000), qui mettent l'accent sur «i)
the knowledge application and exploitation sub-system, principally occupied by firms with
vertical supply-chain networks ; and ii) the knowledge generation and diffusion subsystem,
consisting mainly of public organizations» (Isaksen 2001: 107). Cet aperçu de la pensée de
quelques auteurs montre qu'un système régional d'innovation se distingue par l'intensité de
pratiques de mise en commun des forces et des efforts des acteurs régionaux, afin de mieux
faire face aux aléas des conjonctures. La coopération et la coordination entre ces acteurs, qui
peuvent être privés ou publics, favorisent le développement des interactions et de
l'innovation.
Par ailleurs, plusieurs écrits ont récemment tenté d'identifier les processus et les
intercommunications fondamentaux qui régissent l'innovation au sein d'un système régional.
Concernant la pertinence de l'échelle régionale, pour qui veut comprendre les dynamiques
économiques et sociales de développement, Braczyk et al. (1998) insistent, parmi tant
d'autres idées, sur l'importance de l'histoire, des routines, des établissements, de la
differentiation et de l'incertitude. Ces éléments sont en quelque sorte responsables de
l'orientation de la trajectoire régionale. Isaksen (2001) considère que l'adoption de l'échelle
régionale facilite la tâche à qui veut comprendre les mécanismes de développement d'un
territoire. Dans le tableau suivant, il a résumé certains problèmes d'ordre général, qui peuvent
refréner les dynamiques économiques et sociales de développement d'une région.
Regional innovation Type of problem Typical problem region Possible policy tools
system problems
Organizational 'thinness' Lack of relevant local actors Peripheral areas Link firms to external
recourses + acquisiion
Fragmentation Lack of regional co- Some regional dusters Develop regional 'club goods'
operation and mutual trust and stimulate collaborative
efforts
Lock-in Regional industry Old industrial regions Open up networks towards
specialized In outdated and raw-materiai-based external actors + local
technologies peripheral areas mobilization
Source: Isaksen, A. (2001), «Building Regional Innovation Systems; Is Endogenous Industrial Development
Possible in the Global Economy?», Revue canadienne des sciences régionales, XXiV, 1, p. 109.
118
En général, on peut dire que les approches qui utilisent la notion de système régional
d'innovation ont une perception originale des divers processus d'innovation. Selon les tenants
de cette perception, l'innovation est un processus complexe, qui résulte d'un ensemble
d'interactions entre les acteurs et organisations d'une région. De ce point de vue, tout
processus d'innovation implique nécessairement des utilisateurs, des producteurs, des
organisations et institutions, privées et publiques, et un ensemble d'intermédiaires qui font
surtout circuler, échanger les connaissances et le savoir. L'innovation peut donc être
«characterized as a knowledge transfer and realization process involving actors whether
internal or external to the specific firm operation as a project-based team or project-network»
(Asheim et Cooke 1999: 157-158).
On peut aussi avancer que l'espace et les ressources d'une région deviennent cruciales pour la
régulation des économies régionales. Le système régional d'innovation s'affirme donc comme
un niveau intermédiaire, entre le système national et les systèmes locaux. Cette situation fait
du système régional un cadre idéal, propre à promouvoir la cohérence d'action devant
s'accorder avec les négociations volontaires spécifiques intervenues entre les diverses
composantes sociales (Ratti et al. 1997 : 37). C'est pourquoi un système régional d'innovation
semble convenir davantage à qui veut analyser les relations étroites qui se développent entre
l'espace, le savoir, les politiques locales, les systèmes industriels de production, l'information,
l'apprentissage, les structures de gouvernance, les réseaux, les alliances et l'innovation (Ratti
et. 1997). Cela rejoint l'hypothèse voulant que les approches, en termes de système régional
d'innovation, doivent tenir compte des divers processus existants et de l'aptitude des acteurs
régionaux à promouvoir la croissance économique (Acs 2000).
Les qualités conceptuelles d'un système régional d'innovation en font, aux yeux de plusieurs
chercheurs, l'outil le plus approprié pour l'étude de la répartition spatiale, de l'utilité et de la
qualité de l'activité économique. Toutefois, devant l'actuelle complexification des
phénomènes, tant économiques que sociaux, une nouvelle génération de chercheurs ne parait
pas entièrement satisfaite des systèmes régional et national d'innovation comme modèle
explicatif, et propose un modèle aux contours modulables, plus exactement applicables à des
situations diversifiées.
Bien que l'on reconnaisse Futilité théorique et pratique des systèmes régional et national
d'innovation, certains auteurs doutent de leur capacité à rendre adéquatement compte des
dynamiques actuelles. Oinas et Malecki sont de ceux-là. Ils avaient d'abord adopté le système
régional d'innovation comme concept orienteur de leur réflexion, mais le trouvèrent incapable
d'interpréter certaines réalités. Ils ont donc cherché un modèle plus apte à décrire des
situations nouvelles résultant des récents changements technologiques, et ont formulé la
notion de système spatial d'innovation.
L'utilisation de cette nouvelle expression illustre une double préoccupation. D'une part, ce
concept se veut un outil théorique, propre à l'étude d'une réalité économique et sociale que
l'appropriation des technologies d'information rend plus complexe, plus diversifiée. D'autre
part les individus, comme les organisations qui s'approprient ces technologies, s'insèrent dans
un ensemble indéfini de réseaux, chacun fonctionnant selon ses propres normes et selon des
objectifs précis, inscrits dans le contexte socioéconomique en place.
En somme, on peut concevoir le système spatial d'innovation comme une approche qui
associe les principales caractéristiques des systèmes régional et national d'innovation, sans
pour autant se confondre avec ces deux vocables. Il les dépasse, car un rôle important est
donné aux nouvelles technologies et au réseautage, à l'origine de nouvelles formes de
proximité et de la compression de la distance.
Des chercheurs provenant de divers horizons se sont intéressés aux effets des TIC sur les
dynamiques économiques et sociales de développement. Ils ont abouti à des conclusions
divergentes qui attisent l'intérêt pour des recherches ultérieures. On s'entent actuellement
pour dire que la conjoncture actuelle favorise le déplacement des axes de la concurrence,
laquelle se situe désormais non pas seulement entre entreprises mais entre pays. Shearmur
écrit :
La concurrence demeure néanmoins vive entre les entreprises. Harrison et al. (1996) ont
analysé les comportements des entreprises innovatrices clans leurs relations avec leurs milieux
en fonction des changements technologiques. Ils se sont intéressés aux entreprises, plutôt
qu'aux dynamiques locales. Analysant la localisation et le développement des entreprises,
l'objectif était de comprendre les mécanismes qui influencent la distribution spatiale des
innovations. A partir d'un échantillon aléatoire de 1000 entreprises, l'ouvrage permet de
constater que la probabilité que les dirigeants adoptent une nouvelle technologie est
signifîcativement associée au degré d'urbanisation des comtés dans lesquels elles sont
implantées. Il y est démontré aussi que l'innovation d'une entreprise dépend principalement
de sa taille, de la diversification de la production, de l'intensité des relations sociales en place,
de l'interaction de l'industrie avec certains secteurs de l'administration publique, etc. Les
auteurs ajoutent :
with respect to the contrast between diverse locales versus clusters of similar
economic activities - a contrast that has informed applied economic and
geographic research since the 1930s - we find strong support for the importance
of diversity in the local socioeconomy for promoting innovative firm behavior.
By contrast, once the technical and organizational properties of the
establishments themselves are fully taken into account, we find that sectoral
specialization (or, to use the classical Marshallian term, localization) has almost
no explanatory power in shaping the likelihood that metalworking plante will
have adopted one or more PA tools (Harrison et al. 1996:251-252).
De leur côté, Blundell et al. (1999) ont cherché à comprendre les relations qui existent entre
l'innovation, les choix technologiques des entreprises et leur part de marché. Leur analyse a
permis de dégager des corrélations entre la capacité d'innovation d'une entreprise, sa force
concurrentielle et sa part de marché. Ils ont aussi démontré que l'innovation a des effets plus
marqués quand il s'agit de sociétés ayant un poids important dans leur marché (Blundell et al.
1999: 550). Licht et Moch (1999) se sont intéressés aux effets des TIC sur les dynamiques de
divers milieux. Ils ont analysé les pratiques des entreprises qui oeuvrent dans le secteur des
services en Allemagne et ont démontré que le recours à des composantes technologiques,
comme les ordinateurs, accompagné d'un investissement raisonnable en capital d'équipement,
de R&D et de capital humain, a une influence positive sur la prospérité des affaires et donc de
leur capacité concurrentielle. Selon ces auteurs, l'appropriation de la technologie influe sur
presque toutes les activités d'une entreprise,mais certains dirigeants sont moins sûrs :
122
«although a high percentage of innovating firms claims to have realized productivity gains,
managers of service firms seem to be less convinced about the productivity benefits of IT
investments» (Licht et Moch 1999 : 378).
Dans le contexte canadien et québécois, Polèse et Shearmur (2002) ont récemment publié une
étude remarquée, où ils ont tenté de saisir le rôle des NTI dans le développement de régions
périphériques du Canada (Québec et provinces atlantiques). Les auteurs ont voulu voir
comment les technologies d'information y contribuent à une nouvelle dynamique
économique. Ils concluent que les NTI vont accentuer la concentration des activités
économiques dans les grandes villes. Bien qu'elles ajoutent de la valeur aux activités
économiques, les NTI accentueront les tendances observables dans nos économies : elles
continueront à favoriser une répartition inégale dans l'espace de l'activité de production. Les
auteurs écrivent :
Le développement d'une économie du savoir ne changerait donc pas le sort des entreprises
implantées dans un territoire périphérique. Les tendances actuelles se maintiendront et le
développement inégal des territoires persistera :
Les auteurs montrent que les NTI encouragent la concentration des activités économiques. La
géographie imposera certaines limites car l'éloignement de nombre de territoires freinera
l'émergence de véritables dynamiques de développement. C'est dire que les NTI
n'influencent pas les déterminants fondamentaux de la localisation de l'activité économique.
De ce fait,
la distance n'est pas abolie et n'est pas près de l'être. L'éloignement des grands
centres urbains continuera d'entraver le développement économique des régions
périphériques. Les déterminants fondamentaux de la localisation des industries
ont très peu changé depuis quelques décennies. Les biens et les personnes
doivent encore et toujours se déplaça (Polèse et Shearmur 2002 :62).
L'usage des NTI a néanmoins des conséquences majeures. Cet usage influence la vie sociale
puisqu'on se sert des NTI pour répondre à des besoins variés et immédiats. De même, cet
usage agit sur le cours des activités économiques : les NTI s'intègrent à un grand nombre
d'outils et d'objets utilisés dans les secteurs de ces activités. Elles améliorent sensiblement les
activités de production, de commercialisation et de traitement de l'information. De ces points
de vue, les NTI ont des effets positifs dans certains territoires :
les NTI ont quand même des effets positifs pour les régions périphériques. En
facilitant Faeces des firmes locales à l'information, elles améliorent la
productivité et favorisent l'innovation. Dans ia plupart des communautés
éloignées, le manque d'accès à l'information a sans doute cessé de constituer un
grave obstacle à l'entrepreneursbip et à l'innovation. Pour les entreprises qui
exportent hors de leur région, les NTI sont un moyen de mettre leurs produits en
marché de façon plus efficace et de rester proches de leurs clients (Polèse et
Shearmur 2002:62).
Les NTI ont un potentiel qui déterminera le sort réservé à certains territoires. En plus de
modifier plusieurs pratiques sociales et économiques, elles susciteront des dynamiques
nouvelles :
dans les années qui viennent, les impacts positifs les plus importants des NTI
vont sans doute s'exercer dans le secteur public, notamment dans la santé et
l'éducation [...]. Les NTI vont néanmoins, on peut s'y attendre, créer de
nouvelles possibilités pour mieux desservir les communautés périphériques,
permettant de leur assurer plus efficacement des niveaux acceptables de bien-être
[...] Certes, il ne faut pas croire que la prestation électronique de certains services
124
renversera les tendances actuelles. Mais il n'est pas complètement irréaliste de
penser, par exemple, que l'enseignement poste-secondaire à distance atténuera
les pressions qui amènent les jeunes à émigrer pour continuer leurs études
.(Polèse et Shearmur 2002:61).
Ces conclusions, on l'aura noté, concernent toute la moitié orientale du Canada. C'est dans le
cadre de cet ensemble géographique qu'il faut situer ces vues sur l'apport des NTI à la
dynamique économique de développement des territoires périphériques. La réflexion des
auteurs a principalement porté sur les nouvelles technologies de F information. Or ces
technologies incluent également un autre aspect, qui paraît tout aussi important : la
communication. Si on avait examiné la communication avec autant d'attention que
l'information, il serait intéressant de voir si les conclusions seraient demeurées les mêmes.
C'est en effet la dimension communication, avec l'information, qui distingue les TIC des
techniques traditionnelles. C'est elle qui supporte le développement de la société en réseau et
la mise en place du "village global".
L'étude du développement, que ce soit sous l'angle de milieu innovateur, ou des systèmes
régional, national, spatial d'innovation, laisse un pan important de la réalité à expliquer.
Comment les forces économiques et sociales sont-elles conditionnées par des facteurs liés à la
géographie et à la localisation des activités ? Si l'on considère que le cadre spatial, le
territoire, est le substrat de l'activité économique et de la vie sociale, deux questions
125
d'importance se présentent : 1. Comment ce substrat, qui tient de l'histoire mais surtout de la
géographie, agit-iï sur les pratiques économiques et sociales ? 2. Comment l'appropriation
croissante des TIC peut-elle modifier l'influence de ce substrat ? Ces questions sont
assurément en relations avec les notions de proximité et de distance, et de leur rôle dans
l'économie contemporaine,
La notion de proximité tend à s'élargir. Bien que le terme soit d'ordinaire lié à la géographie,
les économistes, les sociologues, les historiens et d'autres spécialistes n'hésitent guère à
l'associer à des phénomènes nouveaux et à des pratiques émergentes. La littérature qui traite
de milieu innovateur est naturellement appelée à parler de proximité, et les auteurs en
décrivent les deux principales formes : géographique et organisationnelle.
Dans son sens premier, la proximité renferme l'idée de voisinage, de distance courte dans le
temps et l'espace. Le voisinage amène généralement à se mieux connaître et, au besoin, à
travailler de concert. C'est pourquoi la proximité géographique incite les entreprises d'un
même milieu à se concerter, à coopérer et à coordonner leurs actions et stratégies. Ces
entreprises subissent en effet les mêmes contraintes, et elles ont plus de chance d'y résister si
elles mettent en commun leurs forces. La proximité géographique peut devenir plus ou moins
importante, selon les caractéristiques du découpage territorial, par la disponibilité ou non
d'infrastructures telles, par exemple, que des moyens de transport adéquats; elle peut avoir un
rôle structurant et mobilisateur qui donne sens aux efforts individuels et collectifs, d'autant
mieux que règne un large consensus. La proximité appelle des distances courtes, des
frontières rapprochées, «des relations privilégiées entre différents acteurs, des relations dont
une partie est physiquement proche» (Julien 1996 : 97).
L'approche industrielle met l'accent davantage sur la proximité organisationnelle que sur la
proximité géographique ; elle affirme que les processus d'innovation technologique se
développent selon une logique évolutionniste propre à l'économie industrielle. Les travaux de
Ratti et al. (1997), importants pour comprendre l'utilité des «dynamiques de proximité »,
illustrent Futilité de ces perceptions.
126
La proximité est organisationnelle en ce qu'elle traduit la séparation économique entre
acteurs, groupements structurés et institutionnels. On y trouve l'idée d'ordre, de méthodes, de
principes que des citoyens regroupés se donnent librement. Salais et Pecqueur mettent en
rapport la proximité géographique et la proximité organisationnelle de la façon suivante :
Une autre forme de proximité s'établit lorsque les entreprises d'un territoire tendent à
s'intégrer aux réseaux locaux d'innovation, et qu'elles cherchent collectivement à s'impliquer
dans les pratiques d'autres composantes du milieu, des pratiques qui favorisent à la fois le
développement de ces réseaux et le renouvellement de leurs stratégies.
Une littérature importante est consacrée par ailleurs à l'économie de proximité. Située à la
croisée des chemins entre l'économie spatiale et l'économie industrielle, l'économie de
proximité réfère à l'analyse des facteurs propres à un espace donné, des facteurs qui jouent un
rôle important dans la coordination des activités économiques. Selon ces vues, l'espace n'est
plus un élément neutre, mais plutôt une composante principale de l'activité économique. Il
s'agit généralement d'un espace économique, où la proximité prend un aspect économique
lorsque les interactions entre les entreprises d'un territoire deviennent plus décisives. La
proximité économique entre deux entreprises peut être estimée par la durée et l'intensité de
leurs échanges de produits (Lundvall 1992a : 370). Selon Lundvall, la proximité varie selon
que les acteurs sont endogènes ou exogènes à un territoire ; l'exogénéité des individus fait que
ces acteurs tardent à développer une confiance mutuelle. Dans d'autres cas, plus les individus
développent des comportements loyaux, plus la probabilité du caractère coopératif et la
confiance sont fortes. Il s'ensuit que si des entreprises coopèrent entre elles, on peut penser
que la confiance est d'autant plus forte que les relations ont été durables et intenses. Cela
incite Fauteur à faire valoir qu'une proximité relationnelle plus forte se développe entre les
acteurs dès que s'établissent des sentiments mutuels d'identification et de loyauté.
127
La proximité économique peut être considérée comme une variante de la proximité
organisationnelle. Elle est une relation, unique qui s'établit entre des entreprises, des
organisations, une relation fondée essentiellement sur la confiance qui s'est construite au fil
du temps par l'échange d'information, de biens et de services. Cette proximité peut exister
malgré la distance, mais elle est naturellement plus agissante quand des acteurs, situés dans un
même espace géographique, peuvent régler leur position stratégique selon leur aptitude à bien
intégrer les dynamiques locales.
Avec le temps, les relations qui s'établissent entre les entreprises et entre les employés
tendent à former des réseaux qui peuvent être davantage influencés par l'existence de facteurs
institutionnels, que par la distance géographique qui les sépare (Lundvall 1988). Ainsi
s'établit une proximité particulière par le développement de réseaux entre les utilisateurs et
les producteurs (Lundvall 1992). Avantageuse pour tous les intéressés, cette proximité repose
sur des liens intangibles que chacun a intérêt à cultiver.
Par ailleurs, «la proximité des lieux de production ne simplifie pas seulement la charge des
coûts de transport mais aussi facilite la circulation de F information (...) La proximité de
nombreuses entreprises favorise l'innovation» (Ratti 1992 : 58-59). Toutefois la proximité, de
quelque nature qu'elle soit, n'est pas acquise partout : il faut la stimuler, la manifester et
l'exploiter pour ajouter de la valeur aux initiatives de développement. Cela se réalise
essentiellement par la promotion, dans un territoire, du potentiel collectif dont dispose un
groupe d'individus ou d'acteurs. Alors la proximité prend forme de
entre les producteurs de cette information et ses utilisateurs. Cette étude lui a été utile pour
analyser le fonctionnement d'un marché de l'intelligence, et les résultats montrent que les
acteurs oeuvrant dans ce marché le font dans les activités qui incitent à l'innovation (Cornish
199? :162). Selon l'auteur, dans le "marché de l'intelligence", la distance géographique
importe peu.
Certes, l'avènement des TIC a ajouté une dimension nouvelle à la proximité: c'est «l'existence
d'un fantasmatique, d'un nouveau type de proximité, de téléproximité sociale, qui renouvelle
complètement le voisinage, l'unité de temps et de lieu de la cohabitation physique» (Virolio
1999 : 37). Cette forme de proximité abolit les liens de contiguïté entre les gens, les
territoires, et via l'électronique en crée de nouveaux, virtuels, souvent anonymes, avec des
interlocuteurs aux confins du monde. L'instantanéité et la facilité des communications autour
de la planète constituent un événement majeur dont on ne peut présentement que supputer les
conséquences à long terme.
Plus récemment, Rallet et Torre proposent une analyse intéressante : ils montrent que des
liens forts peuvent exister entre les sentiments de proximité et la localisation des activités. Ils
mettent l'accent sur les dimensions géographiques et organisées de la proximité (Rallet et
Torre : 2004). Les auteurs mettent en garde contre la confusion souvent faite entre
129
l'agglomération et les interactions de proximité géographique. Des interactions plus denses ne
nécessitent pas uniquement des distances courtes, elles exigent obligatoirement des
comportements et des pratiques qui émanent de l'encastrement social et institutionnel d'un
ensemble de valeurs et de normes communes. Cette perception permet de voir que les besoins
de proximité géographique (pour réaliser une coopération, par exemple) ne supposent pas
nécessairement que les agents soient localisés dans un même espace géographique.
Cela veut dire que des rapports nouveaux, quant au lieu géographique, à l'espace
géographique sont en train de prendre forme. Sous l'influence des TIC, et d'Internet plus
particulièrement, la proximité doit être appréhendée en tenant compte de la "fragmentation"
de l'espace géographique. Couclelis a eu recours à cette notion de fragmentation de l'espace
pour rendre compte des transformations que les TIC provoquent dans le monde des affaires et
dans la localisation des activités économiques en général (Couclelis 2004). Accompagnée
d'un ensemble de nouveaux réseaux, cette fragmentation de l'espace remet en question les
fondements de la prépondérance urbaine et conditionne le développement d'un autre ordre,
encore en construction, qui serait plus favorable aux territoires éloignés des pôles
économiques.
Pour les acteurs rêvant de développements d'association des forces de leur entourage, il
devient vite apparent que la proximité, réelle ou virtuelle, offre des avantages qu'il y a lieu
d'exploiter. La réflexion peut entraîner une évolution des perceptions et des pratiques, mais
davantage, à prendre conscience d'une possibilité inappréciable offerte par la
proximité : l'occasion d'apprendre collectivement. Plusieurs études ont déjà montré que la
proximité favorise l'apprentissage et l'acquisition des connaissances désormais indispensables
à une bonne gouvernance, donc à la réussite et à la prospérité d'une entreprise.
Selon Nooteboom (2000), il existe une relation importante entre l'apprentissage et les formes
diverses de gouvernance et donc de proximité. Cette relation est conditionnée par la
production et l'échange de la connaissance. Selon l'auteur, la distance peut être cognitive et
agit alors sur la gouvernance, car elle encourage le transfert des connaissances par interaction.
La différence entre la stabilité et le changement, dans les relations qui se développent autour
de la production et de l'échange des connaissances, dépend des efforts fournis par chaque
acteur concerné.
Pour Oinas (2000) les formes diverses de la proximité jouent un rôle important dans la
circulation des connaissances, y compris la connaissance transférée par l'intermédiaire du
mécanisme de marché. Cette circulation fait voir que ces diverses formes de proximité
réunissent la proximité géographique, culturelle, et linguistique. De plus, selon Malecki et
Gormain (2001), un ensemble de conditions liées à l'environnement local et au climat
d'entrepreneuriat d'un milieu, de même qu'aux diverses formes de proximité, favorisent la
synergie. Ces conditions agissent positivement sur l'activité économique dès lors qu'un
milieu profite des réseaux locaux, de la disponibilité de capitaux à risque, de la présence
d'établissements de support locaux.
Ces considérations ramènent ainsi à des notions qui se touchent : le territoire, le milieu, et à
une autre facette de la proximité : la territorialité. La notion de territorialité a acquis, surtout
131
avec l'avènement des TIC, un contenu élargi qui modifie graduellement les liens entre les
acteurs de développement et leurs rapports aux composantes de leur territoire (Fortin et al.
2004), II reste cependant que, pour la plupart des hommes, un lieu d'ancrage est important,
sinon nécessaire, et que le sentiment d'appartenance à ce lieu s'objective généralement en un
sentiment puissant : la territorialité.
La territorialité réfère à l'appropriation des caractéristiques et des valeurs territoriales; elle est
le prolongement d'une prise de conscience collective qui fait naître la confiance et la
solidarité des citoyens, en vue d'objectifs partagés. Bref, la territorialité est un élément
irremplaçable de l'homogénéité sociale. Quand celle-ci change, celle-là aussi. Elle révèle
«notre manière de percevoir et d'évaluer le contexte et dit le double sentiment d'une
appartenance précise, et d'une domination vague sur l'espace» (Piveteau 1995 : 161).
La territorialité représente ce par quoi les acteurs s'identifient, à un moment précis, à la fois à
un territoire et aux rapports à celui-ci. Elle exprime le désir, mais aussi la nécessité,
qu'éprouvent les individus de contrôler le jeu des rapports des composantes spatiales et
temporelles qui les concernent. La possibilité offerte dorénavant par l'Internet de créer une
proximité virtuelle renforce le sentiment de territorialité et encourage une évolution attentive
à intégrer les acteurs et les groupes qu'ils forment au sein des tissus sociaux existants (Fortin
et al. 2004). Toutefois, malgré l'instabilité apparente de la territorialité et du sentiment
d'appartenance, il demeure, chez les individus et les groupes sociaux, une volonté invétérée
d'inscrire leurs rapports, internes ou externes, dans un cadre qui leur soit familier.
Au terme de ce chapitre, il paraît fondé d'avancer que les divers concepts utilisés jusqu'à
présent pour appréhender des réalités économiques et sociales multiformes ont perdu de leur
pertinence; ils ne peuvent en effet que rendre compte imparfaitement des dynamiques
économiques et sociales qui démarquent le développement de certains territoires
périphériques. Les changements technologiques et l'évolution conséquente de la société sont
tels que des concepts somme toute récents : les systèmes local, régional ou national
d'innovation, ne paraissent plus en mesure de décrire adéquatement la réalité actuelle. Avec
leur système spatial d'innovation, Oinas et Malecki ont tenté de dépasser les insuffisances
associées au recours à ces concepts. Il semble que cette notion permet de montrer qu'un
changement technologique ne survient pas nécessairement dans un cadre spatial et temporel
132
bien précis. Et que le recours à cette notion permet de dépasser les limites des systèmes
antérieurs et d'expliquer des réalités complexes. Bien que ces chercheurs aient jusqu'à présent
peu développé leur concept, leur initiative est de grande utilité, scientifique et pratique,
néanmoins des efforts restent à faire dans cette direction.
Conclusion
Les conditions existantes dans un milieu, un territoire, influent sur la genèse de l'innovation. Il
se dégage de la littérature consultée que des liens forts existent entre l'appropriation des
technologies, particulièrement des TIC, et le dynamisme économique et social. Ces
technologies activent les éléments déterminants dans un territoire ou un milieu, en favorisant
la proximité, la concertation et de nouvelles manières d'apprendre; elles contribuent à
diversifier les horizons qui s'ouvrent devant des acteurs mieux préparés à évaluer une
conjoncture.
Pour apprécier l'aptitude d'un territoire ou d'un milieu à innover, on est amené à considérer
l'usage et les effets des technologies. À notre époque, il semble que c'est d'abord l'usage
judicieux des TIC qui y stimule le plus le dynamisme. Toutefois quand un développement
technologique intervient quelque part, il s'inscrit dans un contexte historique et social
particulier, dans un cadre spatial défini; les conditions et le parcours historique de cet espace
influent singulièrement sur la marche de ce développement et font que le parcours
technologique soit en quelque sorte le reflet des rapports entretenus entre ce milieu et la
technologie.
Pour mener à bien l'étude de ces questions, le choix d'un cadre spatial est nécessaire, et en
même temps problématique. Quel échelon territorial faut-il privilégier? Selon les chercheurs,
le choix a porté sur l'échelon national, régional ou local, chaque fois avec des conclusions
intéressantes. Ils ont noté d'abord que le cadre institutionnel en place conditionne le
déroulement des activités économiques et sociales; que ce cadre fournit un contexte où les
acteurs profitent des flux d'information, des biens et des services nécessaires au succès de
leurs activités. Par ailleurs les activités économiques, l'innovation, sont inégalement réparties
dans un territoire et, chez les acteurs, l'usage restreint de l'information et de son économie,
contribue à cette inégalité. L'abondance ou la pauvreté des ressources dont disposent les
133
territoires sont évidemment sources d'inégalité, de même que les comportements variés des
acteurs.
C'est à la lumière de ces idées qu'il convient d'examiner ie processus d'implantation d'une
technologie et ses effets dans un territoire. Pour la clarté de la suite de ce travail, il parait utile
d'en revoir brièvement le canevas, articulé autour du changement technologique et de
l'aptitude des territoires et des acteurs de développement, à créer d'abord les conditions
nécessaires à l'innovation, et ensuite, à savoir en profiter.
Nous nous sommes de plus intéressé aux stratégies adoptées par les acteurs qui réalisent
l'importance et Futilité d'une technologie d'avant-garde, et nous en avons tiré des
enseignements sur l'importance de l'information stratégique et du réseautage. Et il s'est avéré
que, lorsque appréhendées dans le cadre d'une conjoncture donnée, la richesse de
l'information, la complexité de son économie, la diversité des réseaux et des intérêts qu'ils
défendent, sont autant d'éléments favorables à l'innovation. En somme, pour les acteurs de
développement qui savent exploiter convenablement le dynamisme d'une économie
d'information et qui s'affilient à des réseaux d'entreprises, la probabilité d'innover est plus
grande. Si, comme il appert, l'innovation procède de l'initiative des acteurs et de l'aptitude des
économies à intégrer l'ordre informationnel, il semble que la mise en place de stratégies
d'apprentissage individuel et collectif doive être vue comme une condition essentielle à la
prospérité des affaires et au développement.
Il a paru tout aussi utile de scruter les effets de la taille des entreprises. La littérature
contemporaine indique qu'actuellement l'innovation est généralement orientée par l'aptitude
134
De la revue de littérature qui précède ressortent des expériences diversifiées et des notions
utiles à la formulation du cadre théorique et conceptuel de notre recherche. La première
section de ce chapitre présente les territoires retenus pour cette étude, les compare et en fait
voir les forces et les fragilités par rapport aux structures économiques et sociales. La seconde
section examine l'offre d'information émanant de sources variées, en vue de saisir comment
cette information contribue à enrichir la dynamique de ces territoires.
Cette section présente les territoires objets de cette étude et en montre les principales
caractéristiques économiques et sociales.
Pour les fins de notre analyse, nous avons retenu trois MRC : du Saguenay, de Manicouagan,
de Rivière-du-Loup, et la communauté urbaine de Québec (CUQ). Ces territoires sont situés
dans quatre régions administratives différentes, dont les ressources ainsi que le potentiel
économique et social présentent une variation considérable.
Les MRC et les communautés urbaines furent créées afin de fournir aux territoires concemés
un cadre global d'aménagement et d'urbanisme. II y avait en effet dans le vaste espace public
un morcellement des objectifs et des responsabilités qui rendait nécessaire la mise en place
d'un organisme capable de susciter et de coordonner le développement dans un territoire, et
de l'articuler avec les stratégies de croissance adoptées par les divers paliers de
gouvernement. Plusieurs mesures politiques ont encadré l'insertion des MRC au sein du
système national et de fait, depuis leur création en 1979, ces territoires n'ont pas manqué
d'influer sur la dynamique de développement. On a dit avec justesse des MRC que "leur
légitimité idéologique s'appuie sur le principe de territorialité ou d'appartenance territoriale",
et que «le territoire d'appartenance MRC représente l'assise de solidarité supra-locale»
(Proulx 1995 :142-143).
En fait, les initiatives locales et régionales trouvent dans chaque territoire MRC une plate-
forme qui veille à l'harmonie de la dynamique économique et sociale de développement. Les
territoires MRC constituent des réalités homogènes, où les sentiments d'appartenance sont
très forts, d'autant plus que le découpage de ces territoires a tenu compte des caractéristiques
physiques et humaines.
Chacun des quatre territoires a un parcours historique qui lui assigne une place particulière au
sein du système national. Par exemple, la CUQ profite du fait qu'elle est en même temps la
capitale du Québec, ce qui implique la présence d'une fonction publique nombreuse et
instruite. De plus, la fonction politique qu'exerce ce territoire lui permet de profiter d'une
symbolique nationale de grande importance. Elle contribue largement à la définition de
l'ensemble des représentations sociales, marquées fortement par la dimension internationale
de la région. En effet, toute capitale entre
Par ailleurs, des facteurs géographiques, comme la situation par rapport aux grands centres
métropolitains, la disponibilité ou l'absence d'une robuste infrastructure, la présence d'un
bassin démographique important, jouent un rôle de premier plan dans l'évolution des
138
dynamiques économiques du vaste territoire québécois. Si on peut généralement expliquer
l'écart observé entre les quatre régions par des facteurs géographiques, historiques et
politiques, il faut constater que le secteur privé intervient inégalement dans les territoires
québécois, ce qui accentue F écart existant. Les régions économiques périphériques du Québec
ne semble pas attirer au même degré les investissements privés.
S'appuyant sur l'analyse de l'activité entrepreneuriale des territoires MRC, Proulx et Riverin
classent les quatre territoires retenus pour analyse comme suit : Rivière-du-Loup est
considérée comme un territoire à peu d'activité, marqué par un faible taux de création
d'entreprises et un faible taux de fermeture d'entreprises. À des degrés différents, les trois
autres territoires connaissent une activité plus intense, où on rapporte un taux élevé de
création d'entreprises, mais aussi de fermetures d'entreprises (Proulx et Riverin : 1998). La
CUQ et Rivière-du-Loup se démarquent par un dynamisme faible de l'entrepreneuriat ; il est
moyen au Saguenay et très élevé au Manicouagan (Proulx et Riverin : 1998). Lié à la nouvelle
économie, le dynamisme entrepreunarîal, comme l'avait remarqué Proulx depuis 1995, «se
transforme en activités économiques, en emplois, en investissements, en valeur ajoutée, en
impôts et en taxes» (Proulx 1995a : 17), bref, en prospérité.
Entre autres caractéristiques, la vitalité d'un espace se manifeste dans son degré
d'industrialisation, dont l'importance relative est examinée ici dans chacun des territoires.
À la lumière des conclusions qui ressortent de cet exercice, les quatre territoires retenus dans
le cadre de notre travail ont des niveaux différents d'industrialisation. L'auteur considère que
la MRC Manicouagan se situe dans la phase 1 de l'industrialisation. Les territoires situés dans
cette phase se distinguent par l'existence de «peu d'entreprises manufacturière (42 et moins).
îl s'agit de territoires largement dominés évidemment par le secteur primaire [...] Ces
territoires sont généralement bien pourvus en capacités innovatrices, en entrepreneuriat et en
animation socioéconomique, mais faiblement dotés en réseautage» (Proulx 2002 : 258).
Par ailleurs, les deux autres territoires retenus dans le cadre de notre thèse, Fjore-du-Saguenay
et CUQ, sont classés dans la phase 3 d'industrialisation. Les territoires classés dans cette
catégorie «possèdent plus que 149 entreprises manufacturières. Ces 18 territoires sont en
réalité en industrialisation avancée [...] Ces milieux sont mieux pourvus en R&D, en
formation et en entrepreneuriat» (Proulx 2002 : 262). Comme le souligne Fauteur lui-même,
le Fyore-du-Saguenay est le seul temtoire périphérique du Québec classé dans la phase 3.
sous-jacente se révèle: l'importance d'un espace vécu doit se mesurer par l'aptitude des
acteurs à activer les particularités de leur territoire et on devrait appréhender cette activation
en fonction de ses retombées positives sur l'économie régionale. C'est à la lumière de cette
perception que Fauteur apporte sa propre réponse au questionnement que pose aux acteurs de
développement la richesse plus au moins grande d'un territoire. Dès lors ce sont les acteurs
qui sont responsables du devenir de leur territoire. Si les territoires réussissent, c'est parce que
!es acteurs ont su profiter de toutes les occasions qui leurs étaient offertes; dans le cas
contraire il faudrait reconsidérer les stratégies collectives de développement. Proulx
s'explique ainsi :
On ne peut guère espérer, toutefois, du développement sans investissements, ce qui n'a pas
été inclus parmi les indicateurs considérés. L'auteur s'en explique ainsi : «le facteur du
financement ne fut pas pris en compte puisque nous considérons que le capital est
parfaitement mobile. Il pourra éventuellement être considéré comme une variable explicative»
(Proulx 2002 :262).
En somme, le classement des MRC, que Proulx a réalisé selon des critères objectifs,
représente une contribution de grande utilité théorique et scientifique. Il a souligné le potentiel
de développement des territoires; il s'est employé autant à positionner les territoires MRC les
uns par rapport aux autres et par rapport au niveau national, qu'à comprendre les facteurs
sous-jacents qui leurs permettent de passer d'une phase d'industrialisation à une autre. Ce
positionnement des MRC n'est évidemment pas définitif, puisque les situations évoluent, et
qu'éventuellement une nouvelle étude deviendra nécessaire. Il serait souhaitable alors
d'ajouter aux facteurs considérés un critère relatif à l'aptitude des acteurs à intégrer le nouvel
ordre technologique.
141
Après le rapide tour d'horizon qui précède, il y a lieu d'examiner plus en détail certaines
données de nature à préciser davantage les caractéristiques de l'activité économique des
territoires considérés,
Nous avons vu, par le positionnement des territoires MRC du Québec, qu'ils se distinguent
entre autres par leur niveau différent d'industrialisation. Si l'écart entre les territoires de notre
étude peut s'expliquer par leurs niveaux d'industrialisation, d'autres caractéristiques,
notamment géographiques, peuvent renforcer ou atténuer cet écart. Par exemple, Rivière-du-
Loup est un carrefour routier important. Cette situation permet aux composantes territoriales
en place de profiter de certaines donnes exogènes, notamment l'ouverture sur d'autres
territoires plus au moins actifs économiquement et socialement. D'un autre côté, le territoire
de Manicouagan se situe au nord du Québec et souffre de l'absence d'infrastructures de
transport adéquates qui pourraient le relier aux autres territoires du Québec. Comme avant-
poste de la conquête du territoire québécois, Manicouagan est l'un des territoires québécois
les moins avantagés.
Bref, la section qui suit sert à nous rapprocher davantage des territoires retenus dans le cadre
de cette thèse. Un bref retour à des données qualitatives et quantitatives supplémentaires
semble nécessaire pour mieux comprendre comment les dynamiques économiques et sociales
de développement des territoires MRC s'imbriquent dans leur cadre régional et national. Il
sera dès lors plus facile de comprendre le jeu des dynamiques de développement en place.
Voici d'abord une vue d'ensemble de la situation de l'emploi et du marché du travail dans les
quatre régions retenues, et ensuite dans les MRC qui nous concernent.
Le tableau suivant résume la situation de l'emploi dans les 4 MRC de notre étude. On
remarque que la CUQ fait mieux que la moyenne quant au taux d'emploi et au taux de
143
chômage. Manicouagan et le Fjord conservent des taux de chômage d'environ 50% plus
élevés que la moyenne québécoise.
Total Occupée En
chômage
n %
Saguenay 136 260 80145 69 775 10 370 56 120 58,8 51,2 12,9
Rivière-du-Loup 25 910 16190 14 665 1 525 9 720 62,5 56,6 9,4
Manicouagan 26 975 16 635 14 605 2 035 10 340 61,7 54,1 12,2
CUQ 424 950 272 080 252 300 19 775 152 870 64,0 59,4 7,3
Le Québec 5 832 350 3 742 490 3 434 265 308 220 2 089 865 64,2 58,9 8,2
II n'est pas sans intérêt de jeter un coup d'oeil sur les principaux secteurs d'activité qui
occupent les populations de nos quatre territoires. C'est l'objet du tableau suivant.
Tableau 7: Population active de 15 ans et plus selon les industries les plus importantes, quatre
régions concernées, 2001
% 100,0 2,7 0,4 4,5 17,1 11,1 6,4 9,9 6,0 6,1
„ —_™_w__
Les codes selon le Système de classification de l'industrie de l'Amérique du Nord (SCIAN) : 11- Agriculture,
foresterie, pêche et chasse; 21-Extraction minière et extraction de pétrole et de gaz ; 23-
Construction;31-33 Fabrication ; 44-45Cornmerce de détail; 61-Services d'enseignement ; 62- Soins de
santé et assistance sociale; 72-Hébergement et services de restauration; 91 -Administrations publiques.
144
On remarque d'abord que seuls le Bas-Saint-Laurent et la Côte-Nord ont un secteur primaire
suffisamment important pour occuper une niche statistique, à 9% et 7% respectivement de la
main-d'œuvre, la moyenne pour le Québec étant de 3,1%.
Toutes les régions ont un secteur secondaire plus ou moins important. La Capitale a le
pourcentage le plus faible: 9% de sa main-d'œuvre y est engagée. Viennent ensuite le Bas-
Saint-Laurent: 13%; la Côte-Nord: 14,5% et le taux le plus élevé: 22% au Saguenay. La
moyenne est de 21,6% pour le Québec.
Dans les 4 régions, c'est le secteur des services qui occupe le plus de monde: 36% au
Saguenay et à la Côte-Nord, 37% au Bas-Saint-Laurenî et 51% dans la Capitale. La moyenne
pour le Québec est de 30,5%. Le tableau suivant reprend les mêmes catégories, cette fois pour
les MRC faisant l'objet de notre étude.
Tableau 8: Population active de 15 ans eî plus selon Ses industries les plus Importantes, les
Les codes selon le SCIÂN : 11-Agriculture, foresterie, pêche et chasse; 21-Extraction minière eî extraction de pétrole
et de gaz ; 23- Construction; 31-33- Fabrication ; 44-45-Commerce de détail; 61-Services d'enseignement ;
62-Soins de santé eî assistance sociale; 72-Hébergement et services de restauration; 91-Administrations
publiques.
145
Le secteur primaire est quasi inexistant dans ces MRC. Le peu de main-d'œuvre occupée dans
ce secteur se trouve à Rivière-du-Loup: 1025 personnes, et 110 à Manicouagan. Au secteur
secondaire, la CUQ occupe le plus faible pourcentage: 8% de sa main-d'œuvre, suivie de
Rivière-du-Loup avec 14%, puis du Fjord-du-Saguenay et de Manicouagan, avec environ
22% respectivement, ce qui correspond à peu près à la moyenne québécoise.
Comme on peut s'y attendre, le secteur des services occupe la plus grande place: environ 36%
des travailleurs au Fjord-du-Saguenay et à Manicouagan, 40% à Rivière-du-Loup; ces
pourcentages équivalent presque à la moyenne québécoise. La CUQ se démarque nettement,
avec plus de 52% de sa main-d'œuvre dans le secteur tertiaire.
Les tableaux qui précèdent sont éloquents et appellent peu de commentaires additionnels. À
l'évidence, l'écart entre les régions se répercute assez clairement sur le dynamisme des MRC
qui s'y trouvent. Il est remarquable toutefois, au moins pour les territoires qui nous occupent,
qu'en général la MRC fait mieux que sa région. Ce qui n'empêche pas des disparités
considérables entre ces MRC. Ces écarts se manifestent sur le plan institutionnel, le
régionalisme fonctionnel, le régionalisme politique et l'exercice de la planification territoriale
(Proulx 1995: 52-60).
Situées dans des zones géographiques aux caractéristiques dissemblables, nos quatre MRC
disposent en conséquence de ressources et de conditions de vie différentes. Chaque territoire a
sa propre histoire et a acquis des vocations qui lui sont propres, de même que des forces et des
faiblesses particulières. Proulx remarque que les dynamismes de ces territoires évoluent
différemment. Dans les années 1960, Québec et CMcoutimi étaient deux pôles primaires,
alors que Rivière-du-Loup et Baie-Comeau-Haute-Rive étaient considérés comme des pôles
secondaires. Toutefois grâce à la croissance de l'emploi dans la décennie 86-96, Québec
devient un pôle à forte polarisation d'activités génératrices d'emplois; Rivière-du-Loup
connaît une polarisation moyenne, tandis qu'à Chicoutimi et Baie-Comeau elle est faible ou
nulle. (Prouix 2002 : 247).
146
Dans les régions, et peut être encore davantage dans les MRC qui «réussissent», on perçoit
des synergies, nées plus au moins spontanément de besoins ressentis d'abord au palier local.
Lorsque les circonstances s'y prêtent et portées par quelques personnes de vision, ces forces
de collaboration s'étendent et entraînent un maillage générateur de développement. Ce
maillage résulte des interactions qui s'établissent entre les entreprises, les organismes d'appui
au développement économique ou social, les institutions financières, etc.
Les organismes d'appui peuvent être de natures diverses, publique, privée ou mixte, tels que :
les SADC, CLD, CLSC, SOLIDE, Chambre de commerce, etc. Les entreprises, les
organismes, chacun participe selon sa vocation propre et sa capacité à l'avancement du désir
collectif de progresser. Le fonctionnement et l'insertion des organismes publics ou semi
publics dans le tissu socio-économique d'un territoire correspondent à des stratégies de
développement qui varient selon les objectifs de la géo-économique dominante au Québec.
Les politiques et stratégies de développement sont revues de temps à autre par les
gouvernements successifs.
La CUQ et le Fjord-du-Saguenay ont à leur avantage certains atouts ; Tune le secteur des
services, l'autre un secteur secondaire assez fort. Les deux autres territoires ont
manifestement du rattrapage à faire. Beaucoup de jeunes les quittent, soit parce que l'emploi y
est rare, soit que le cadre de vie ambiant ne les satisfait pas.
Quoi qu'il en soit, on comprend que les phases précédentes de l'évolution de nos sociétés
imposaient la concentration, dans les grands centres urbains, des capitaux, de l'industrie et des
services; que cette concentration s'est accompagnée non seulement du développement des
métropoles, mais aussi de la marginalisation des territoires périphériques. Au Québec, cette
situation s'est traduite par une immaturité de nos régions périphériques, occasionnée par «la
distance des grands marchés, les coûts élevés du travail, la difficulté de retenir la main-
d'œuvre qualifiée, la fuite des profits et de l'épargne locale, le manque de savoir-faire» (Côté
et Proulx 2002 :118).
Ces dernières années, l'évolution des structures a toutefois modifié la situation. Les facteurs
responsables de cette immaturité économique ne sont plus aussi contraignants qu'ils Tétaient
auparavant. Porter a souligné que «la disponibilité de ressources telles que la main-d'œuvre et
les matières premières est beaucoup moins importante pour la prospérité d'une nation que
149
1*aptitude à les utiliser d'une façon productive, en mettant en œuvre un savoir-faire et une
technologie pointus» (Leymarie et Tripier 1993 : 7). On est donc loin de l'époque où la
compétitivité des territoires était liée à la disponibilité des ressources naturelles, de la main-
d'œuvre, etc. Les TIC poussent les acteurs implantés dans les territoires périphériques à
développer un savoir-faire indéniable : «nous avons été très impressionnés par le niveau de
savoir-faire avancé et de compétence technique de nos vis-à-vis, même dans les communautés
les plus éloignées» (Polèse et Shearmur 2002 : 60), Nous vivons dans un monde où la
prospérité des territoires, comme celle des nations, dépend largement de leur capacité
compétitive. Porter précise que «la compétitivité est maintenant basée sur la productivité, ou
sur l'aptitude d'une nation à générer une production élevée et en constante augmentation à
partir de chaque jour de travail et de chaque unité de capital investie» (Leymarie et Tripier
1993 : 7). La compétitivité repose désormais de plus en plus sur l'apport de la technologie de
pointe et particulièrement sur l'usage des TIC. Mais cela dépend aussi largement des efforts
qu'on y met.
Les éléments dégagés dans cette section présentent un portrait diversifié des quatre territoires
étudiés. Profitant de ses avantages comme métropole et comme capitale, la CUQ se distingue
par la domination du secteur tertiaire, un taux élevé de scolarité, d'emploi et un chômage
relativement faible. Dans les autres territoires, le secteur primaire est très faible, le secteur
secondaire dominant et les services moins diversifiés, ce qui rend leurs économies plus
fragiles et passablement dépendantes des grandes villes.
Ratti montre l'utilité de cette information à partir de certains types de relations qui
constituent l'espace de soutien de l'entreprise. Il constate que les sources d'information, avec
bien d'autres facteurs, participent activement au développement des relations privilégiées de
l'entreprise. Selon lui, ces sources d'information sont nécessaires pour l'établissement des
Par leur diversité et leur proximité, les sources d'information privées jouent un rôle important
dans l'élaboration des stratégies d'affaires et des activités dans un territoire, et c'est surtout à
partir de sources privées que se concrétise l'innovation dans une entreprise. Plus que les
sources publiques, les sources privées sont nécessaires à qui veut prévoir les contraintes, les
obstacles, de même que les perspectives de développement. C'est en observant les initiatives
menées dans le secteur privé que l'on comprend le mieux le cheminement d'une entreprise à
la recherche d'une plus grande efficacité. Porter constate que
S'il est vrai qu'une utilisation optimale des ressources est généralement mieux réussie dans le
secteur privé, on conçoit que plus l'information offerte est pertinente à l'activité concernée,
plus elle a d'importance pour l'entreprise. Mais la circulation de l'information dans les
milieux d'affaires répond à une dynamique complexe qui découle
Les mécanismes par lesquels l'offre privée d'information agit sur le développement des
affaires sont nombreux et fluctuants. Ils reposent d'abord sur les besoins exprimés d'un
152
collectif impliqué dans un processus de prise de décision. Comme l'entreprise cherche
naturellement les stratégies les plus aptes à la faire profiter des occasions qui se présentent,
l'expression des besoins mène à des interrogations concernant l'information disponible.
Souvent, la tâche lui est facilitée par le contexte entourant les éléments concernés dans la
prise de décision, tels que
Dans la pratique, une entreprise adopte des stratégies différentes pour s'adapter aux
limitations imposées par les circonstances. Ainsi, lorsqu'il s'agit d'affronter les contraintes
d'un marché de plus en plus concurrentiel, il importe qu'elle puisse s'appuyer sur de solides
éléments porteurs de ses propres modes d'action, de réaction et d'interaction. C'est alors que
l'information prend tout son sens et son utilité, celle de source privée particulièrement parce
que plus immédiatement pertinente, celle aussi circulant entre pairs, par exemple dans les
réseaux d'entreprises. Il est manifestement impossible de répertorier toutes les sources
d'information privées. Les principales comprennent la presse grand-public et spécialisée, les
médias électroniques (radio, télévision, Internet), les expositions, les missions économiques,
etc.
Les journaux locaux et régionaux constituent une source importante d'information. Ils
apportent une information adaptée au contexte local et régional qu'ils connaissent bien. Leur
forme, le ton qu'ils utilisent et, évidemment, leur contenu donnent une bonne indication des
dynamiques économiques, sociales et culturelles en place. Ils véhiculent une information qui
touche presque tous les domaines car ils sont un espace que les acteurs économiques et
sociaux utilisent pour informer» influencer et offrir biens et services.
Les stations de radio et de télévision donnent une autre image de l'offre privée d'information.
Alors que la plupart des stations de radio sont étroitement liées aux conjonctures locales, car
utilisées pour véhiculer une information qui touche tout le monde, pour annoncer
153
l'organisation de divers événements et activités, les stations de télévision prennent la plupart
du temps une dimension régionale, voire plus large, et desservent une clientèle régionale.
Certes, les stations de radio et de télévision apportent des réponses à des questions que
soulève la vie quotidienne des principaux acteurs et des simples citoyens. Ces stations
participent largement à faire circuler l'information et à stimuler les dynamiques économiques
et socioculturelles.
Les expositions à caractère scientifique sont des occasions qui facilitent la vulgarisation des
connaissances et du savoir scientifique. Les acteurs peuvent s'y mettre au courant des
inventions et des découvertes les plus récentes et se familiariser avec les nouvelles
technologies et techniques utilisées dans leur secteur d'activité. Pratiquement tout dirigeant
d'entreprise, quel que soit son domaine d'activité, peut adapter à ses besoins particuliers les
connaissances et le savoir offerts lors de ces expositions.
Si, pour l'entreprise, l'utilité de l'information d'origine privée est indéniable, l'accélération du
temps a donné un relief fortement accru au rôle de l'État dans la diffusion de l'information.
C'est d'abord que les pouvoirs publics ont continuellement des renseignements de toutes
sortes à communiquer aux acteurs de développement. C'est aussi que, poussés par la
conjoncture, les États ont vu l'utilité d'entrer dans le jeu économique en posant des balises
visibles.
154
Le rôle des pouvoirs publics est généralement admis, mais ses manifestations ne s'expriment
pas toujours de la même façon. Chaque État cherche à intervenir d'une manière ou d'une autre,
soit pour inciter les acteurs à profiter d'une conjoncture favorable, soit pour les aider à
atténuer les conséquences adverses d'un ralentissement. L'action étatique subit cependant des
pression de toute sorte, souvent en sens opposé: des syndicats, des patrons, des groupes de
pression et autres organismes; mais les influences les plus décisives viennent principalement
des forces économiques et sociales, qui parviennent difficilement à s'adapter aux vagues du
changement. Les secousses de l'économie de l'information illustrent bien ce déplacement des
rapports de forces.
L'éventail de l'offre publique d'information est large et couvre la plupart des aspects de la vie
civile: réglementaire, économique, sanitaire, culturel, etc. À noter qu'il s'agit ici de l'offre
d'information, à distinguer de la demande, lesquelles ne coïncident pas toujours exactement.
Par ailleurs, loin de minimiser l'importance de la documentation produite par les ministères à
vocation sociale: santé, éducation, culture, etc., le cadre de cette recherche imposait de s'en
tenir à des documents touchant l'économie.
L'offre d'information de nature économique concerne dans une forte proportion l'information
stratégique, c'est-à-dire une information liée exclusivement à son utilité. L'utilité d'une
155
information peut toutefois être occultée par le fait de technologies en perfectionnement
constant résultant d'avancées scientifiques, et aussi par la facilité que permet la technologie
de créer des formes variées de sociabilité et de socialite.
On en arrive ainsi à l'aphorisme, à première vue paradoxal, selon lequel «every business is an
information business» (Evans et Wurster 2000 :21), qui présume l'existence d'une logique
originale attribuant nécessairement à une information une utilité particulière. De fait, les
rapports à l'information deviennent plus apparents si on les situe entre la satisfaction des
besoins de connaissance et l'élargissement du monde informationnel:
Les documents d'information produits par l'État québécois et d'autres organismes publics
relèvent principalement de la dernière catégorie, i.e. des applications de type 'information —
connaissance1, 'services' et 'information — événements'. Ces publications sont recensées plus
loin. En fait le gouvernement québécois s'efforce le plus souvent d'aller bien au-delà de la
simple information. L'un des points forts du 'modèle' est cette collaboration étroite qui existe
généralement entre le gouvernement et un grand nombre d'organismes, qui cherchent
ensemble à structurer, de manière originale, l'économie québécoise.
Cette collaboration amène ces organismes à mettre en question les vues gouvernementales et
incite le gouvernement à modifier, le cas échéant, ses orientations ou à en adopter de
nouvelles. Répondant à des critiques selon lesquelles l'action de l'État québécois exige une
trop nombreuse bureaucratie, Julien indique que le marché, laissé à lui-même, génère lui aussi
de nombreux bureaucrates dans les grandes entreprises. Comme le marché, «le gouvernement
fait de bons coups et des erreurs, qu'il faut compenser (...) si possible en recourant à
différentes formes de concertation entre représentants des secteurs privé et public, 'auxquels
se joindront les syndicats (...) comme essaie de le faire de façon originale le modèle
québécois» (Julien 2001).
156
De temps à autre l'un ou l'autre ministère publie, pour information ou consultation publique,
un document qui. après discussion avec les organismes professionnels et autres intéressés,
peut devenir une politique, un programme ou un pian d'action. Dans le domaine qui touche
directement le sujet de cette recherche, et en réponse à la conjoncture, le gouvernement créait
en 1998 le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie (MRST), dont le
titulaire devenait membre d'office du comité ministériel des Priorités. On procédait en même
temps à la création du comité ministériel de la Recherche, de la Science et de la Technologie.
II s'agissait d'un pas important, comme en témoigne la mission du nouveau ministère:
Une collaboration suivie entre le MRST et les autres instances gouvernementales allait
également de soi, surtout avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, dont la mission est
de «contribuer au développement économique du Québec, en intensifiant la compétitivité des
entreprises et le développement des marchés, aux fins d'appuyer la création d'emplois»
(http^/www.mic.gouv.qc.ca/ministere/mission.htmltfmission). Le MRST s'est avéré un acteur
important dans le champ de la recherche - développement par les synergies qu'il a suscitées et
l'information qu'il a rendue disponible. En 2001 le ministre présentait une politique sur la R-D
'.Savoir changer le monde, qui fut bien accueillie. Par la suite, le ministère recevait un budget
de 370 millions de dollars pour la mise en œuvre de cette politique. Lors de la récente
réorganisation de l'appareil gouvernemental, le MRST est devenu le ministère du
Développement économique et régional, mais l'essentiel de sa mission a été conservé.
Les ministères, les organismes d'État, les institutions parapubliques, sont reliés par voie
électronique et ont des sites sur la Toile, pour rendre l'information facilement accessible non
seulement sur papier mais par tous les supports existants. Il en résulte des avantages pour tous
les intéressés : «des économies (salaires, déplacements, etc.); des réductions de délais pour
satisfaire aux exigences gouvernementales; une plus grande facilité d'accès aux services
gouvernementaux (dans le temps et dans l'espace); la personnalisation des échanges;
157
l'amélioration du suivi des dossiers; la qualité et la constance de l'information reçue»(Gosselin
et Simon 2000 : 11).
Cette revue des éléments constituants de l'offre d'information en montre la grande diversité et
éclaire sur leur finalité. Elle suggère de plus quelques pistes de réflexion. Les conjonctures
associées à la mondialisation ont des effets différenciés, positifs ou négatifs, dans les
territoires concernés et la qualité et la disponibilité de l'information peuvent faire la
différence. Or, il n'est pas évident que, sans une autorité coordonnatrice, l'acteur de
développement ou même la collectivité soient en mesure de construire des systèmes
informationnels répondant adéquatement au changement continu, voire à le précéder. C'est
pourquoi le gouvernement du Québec et les institutions qu'il soutient ont pris l'initiative et
produit une offre d'information de nature à garder les entreprises québécoises en bonne place
dans la société dite "en réseaux". On a ensuite voulu pousser un cran de plus. Dans un souci
d'efficacité, les ministères et organismes du gouvernement sont tenus, depuis le premier avril
2001, de publier leurs propres déclarations de service aux citoyens. La loi sur l'administration
publique oblige dorénavant toutes les organisations de la fonction publique à publier un
document dans lequel elles décrivent leur mission, les services offerts à la population, et en
fin d'année une reddition de comptes quant à l'atteinte de leurs objectifs.
Conclusion
Partant des territoires qui nous préoccupent, nous avons montré qu'ils profitent, à des degrés
différents, d'une dynamique d'industrialisation dictée largement par les ressources dont
dispose chaque territoire, mais aussi par l'habileté des acteurs individuels et collectifs à
stimuler les dynamiques du développement. Les caractéristiques générales des territoires
étudiés montrent qu'ils sont souvent prisonniers d'un parcours sociohistorique qui continue
d'influencer les attitudes et les comportements des acteurs. À cause d'un niveau inégal
d'industrialisation et de certaines caractéristiques d'ordre géographique et social, ces
territoires n'offrent pas le même potentiel aux acteurs en place.
Bref, s'il importe que l'offre d'information soit de nature telle qu'elle contribue efficacement
à l'insertion de la société dans la nouvelle économie, il est tout aussi important que les acteurs
sachent en tirer profit. Car comme jamais auparavant, la conjoncture exigera d'eux
compétence et vigilance. Le succès d'un territoire et de sa population dans la société en
réseaux dépend de plusieurs facteurs, dont une information à jour et commodément
disponible, mais surtout de la capacité des acteurs de développement de se l'approprier et de
l'utiliser efficacement.
CHAPITRE 6
Par ailleurs, les relations des entreprises avec les autres institutions de leurs milieux incitent à
accorder un intérêt particulier aux relations avec les concurrents, les clients, les fournisseurs,
les consultants, les instituts privés et publics de recherche, les universités. Ces relations se
fondent principalement sur la nature et le fonctionnement des différents canaux de collecte de
l'information. De ce point de vue, il convient de souligner l'importance de plusieurs types de
relations : formelles et informelles avec les clients, avec les fournisseurs; les relations avec les
160
Enrichi des propos développés dans les chapitres précédents, nous avons voulu rendre
compte des dynamiques économiques de développement dans les quatre territoires de cette
étude. Il a donc para à propos de concentrer cet examen sur les points suivants : les besoins
informationnels qui peuvent se manifester sous forme d'une recherche de soutien externe,
permettant de combler des lacunes internes ou de répondre à des besoins particuliers ; les
systèmes internes de communication, de classement et de traitement de l'information ; les
activités extérieures aux milieux de travail ; les moyens d'interaction choisis par les dirigeants
d'entreprises ; les différents usages de l'Internet et du Web.
Nous avons retenu un nombre important de variables, réparties en deux grands groupes. Le
premier groupe permet de saisir les besoins, la demande et la circulation de l'information. Y
sont réunies les variables relatives aux sources d'information et aux moyens d'interaction, les
types d'information et les activités extérieures, les systèmes de communication et les
systèmes de classement de F information. Le deuxième groupe concerne l'innovation
technologique. Y sont rattachées les variables concernant le soutien extérieur que recherchent
les entreprises, le branchement à l'Internet, l'usage du Web, le commerce électronique et
l'appropriation du matériel informatique et de divers logiciels.
Tout en présentant l'ensemble de ces variables dans les paragraphes qui suivent, nous
tenterons d'en montrer la pertinence par rapport à la question à l'étude. De même, nous
présenterons la codification adoptée pour la manipulation des données au moyen du logiciel
SPSS.
Le questionnaire comportait une question principale qui a permis de saisir les sources
d'information privilégiées par les dirigeants d'entreprises. C'est dans un contexte largement
dominé par Pinformation et son économie que les dirigeants d'entreprises cherchent à se
procurer l'information stratégique. Il leur faut impérativement veiller à disposer de
l'information pertinente, sans laquelle leurs affaires deviennent risquées. En général nous
avons identifié les sources les plus utilisées par ces dirigeants, afin de voir jusqu'à quel point
ils les utilisent. Des indices de 1 à 4 ont été attribués à chaque groupe de réponses. Ainsi,
l'indice 1 : très souvent; 2 : souvent; 3 : peu souvent; 4 : jamais. Les variables mesurées sont
présentées ci-dessous, avec le code qui leur a été attribué :
=
sfourn Les fournisseurs des entreprises;
sclien = Les clients de l'entreprise;
scentr = Les centres de recherche ;
snivel = Les universités;
sgoufe = Le gouvernement fédéral;
sgoupr = Le gouvernement provincial;
s foire — Les foires et expositions;
sdcusp = Les sociétés-conseils ;
svican — Visites d'entreprises canadiennes ;
sviset = Visites d'entreprises à l'étranger ;
sdcusp = Documentation spécialisée ;
ssocon — Visite de sociétés-conseils;
ssodev = Sociétés de développement ;
srevjs = Revues et journaux spécialisés ;
srevjr = Revues et journaux régionaux;
sconpe = Contact personnel;
scham = Chambre de commerce.
162
6.1.1.2. Les moyens d'interaction
L'examen des moyens d'interaction semble important pour comprendre comment les
dirigeants d'entreprises les utilisent dans leurs contacts quotidiens. Dans ce cas, le choix a été
fixé sur des moyens d'interaction plutôt traditionnels, comme les activités de face-à-face, la
place publique. De même, comment ces dirigeants utilisent des moyens d'interaction
relativement modernes, comme le téléphone et la télécopie. Enfin, nous avons voulu saisir
comment ils utilisent le courriel. Dans tous ces cas, nous avons cherché à mesurer l'utilisation
de ces moyens tant pour émettre l'information que pour la recevoir. Les différents moyens
d'interaction ont été classés selon des indices variant de 1 à 5 : 1 : moins de 5 fois par jour; 2 :
entre 5 et 10 fois par jour; 3 : entre 10 et 15 fois par jour; 4 : entre 15 et 20 fois par jour et 5 ;
20 fois et plus par jour. Les moyens d'interaction et leur codification sont présentés ci-
dessous :
Si les entreprises utilisent très largement l'information stratégique, alors il faut savoir quel
type d'information est la plus recherchée. Les besoins en information varient d'un territoire à
l'autre. Une information, qui peut être stratégique pour les entreprises des territoires
périphériques, peut n'avoir aucune utilité dans une grande métropole. L'aspect stratégique de
l'information relève des exigences locales et régionales. C'est pourquoi nous avons cherché à
saisir le type d'information que les dirigeants d'entreprises recherchent dans les quatre
territoires retenus pour cette étude. Les réponses à la question portant sur le type
d'information ont été classées selon des indices de 1 à 4, qui ont été attribués à chaque groupe
de réponses. Ainsi, l'indice 1 : très souvent ; 2 : souvent; 3 : peu souvent; 4 : jamais. Voici les
variables retenues dans ce cas :
163
INFOCONJ = La conjoncture ;
INFCONC = La concurrence ;
INFNVPRO= Les nouveaux produits ;
INFEXPOR= Les exportations ;
INFSCIEN = L'information scientifique ;
INFTECHO= L'information technologique ;
INFTECHI = L'information technique;
INFNOJU = L'information d'ordre normatif, juridique ;
INFSECUR^ La sécurité;
INFRESPU = Les ressources publiques;
INFOMEDGE = Les modalités de gestion.
La participation des dirigeants d'une entreprise à des activités extérieures est importante pour
la réussite des stratégies de la firme. Ces activités favorisent en effet des échanges précieux
entre ces dirigeants et leurs pairs, et avec les autres acteurs du même territoire. La
participation à ces activités renforce l'enracinement de l'entreprise dans son milieu et lui
permet de profiter d'un cadre social approprié. C'est pour cette raison que nous avons cherché
à connaîixe les types d'activités qui intéressent les dirigeants d'entreprises. Les réponses aux
questions portant sur les activités organisées à l'extérieur des entreprises sont classées selon
des indices de 1 à 4. Ainsi, l'indice 1 : très souvent ; 2 : souvent; 3 : peu souvent; 4 : jamais.
Les activités extérieures sont notées comme suit :
Les entreprises utilisent plusieurs systèmes de classement de l'information. Comme pour les
systèmes de communication, elles utilisent des systèmes traditionnels, comme le classement
par sujet, par date, par projet. D'autres sont à base d'une technologie de pointe, comme le
classement informatique, les banques de données, etc. La réponse à la question concernant ces
systèmes est dichotomique : les dirigeants indiquent (0) lorsqu'ils ne recourent pas à tel
système et (1) lorsqu'ils l'utilisent.
Le branchement à l'Internet est un indicateur fort intéressant, qui témoigne de l'aptitude des
acteurs à s'insérer dans la société en réseau. Nous avons posé la question pour savoir si et
depuis quand l'entreprise est branchée à l'Internet. Les réponses à cette question sont
classées selon des indices de 1 à 5 . Ainsi : 1= branché depuis moins de 6 mois ; 2 = Entre 6 et
12 mois; 3= Plus d'un an ; 4= Plus de deux ans; 5= Pas branché.
Nous avons voulu cerner ce que les dirigeants d'entreprises font du Web. Cet usage est un
indicateur de la capacité des acteurs à intégrer le nouvel ordre technologique. Il montre aussi
leur capacité à élargir leur savoir, améliorer leur savoir-faire et à innover. La réponse à la
166
question concernant ces systèmes est dichotomique : les dirigeants indiquent (0) lorsqu'ils ne
recourent pas à ce système et (1) lorsqu'ils l'utilisent.
Nous avons voulu connaître les pratiques liées au commerce électronique. Nous avons
demandé si les dirigeants d'entreprises font des achats sur le Web et s'ils exploitent le
potentiel du Web. Les variables liées au commerce électronique sont classées selon une
échelle dichotomique : la réponse à la question concernant ces systèmes est aussi
dichotomique : les dirigeants indiquent (0) lorsqu'ils ne recourent pas à tel système et
(1) lorsqu'ils l'utilisent.
AchatWeb : 0= Non (ne fait pas des achats sur le Web); 1= Oui (fait des achats sur le Web).
Webpot : 0 = Non, (n'exploite pas le potentiel du Web); 1= Oui (exploite le potentiel du
Web).
Le matériel informatique et les logiciels sont les principales composantes du nouvel ordre
technologique. Nous avons répertorié les principales composantes que les dirigeants
d'entreprises utilisent davantage.
167
En réponse au questionnaire, les entreprises devaient indiquer, sur une échelle de 1 à 5,
l'usage qu'elles font de chaque composante du matériel informatique et de chaque logiciel.
Dans cette échelle : 1= Pas opérationnel ; 2= En train d'être considéré, mais pas encore
installé ; 3=En train d'être installé ; 4= Opérationnel dans certains secteurs de l'entreprise et
5= Opérationnel dans toute l'entreprise. Ensuite, nous avons accordé l'indice (0) si la
composante n'est pas opérationnelle, si elle est en train d'être considérée, et qu'elle n'est pas
encore installée ou qu'elle est en train d'être installée. Si elle est opérationnelle dans certains
secteurs ou dans tous les secteurs de l'entreprise, on lui attribue un indice (1). Ainsi, on se
trouve avec une division dichotomique des réponses concernant les variables
suivantes relatives au matériel :
MTELECOP = La télécopie;
MIMPLASE = Les imprimantes laset ;
MÂUTRIMP = Les auttes imprimantes ;
MORDINAT = Les ordinateurs ;
MINIORDI = Les mini-ordinateurs ;
MORDINAP = Les ordinateurs portatifs ;
MODEMS = Modems ;
MCAIO CAIO
MEESOLOC = Les réseaux locaux;
MTABLTRA = Les tables traçantes ;
MBOITEVO = Les boîtes vocales ;
MROBOT Les robots ;
MLECTOPT = Les lecteurs optiques;
MESSAGEL = Les messageries électroniques;
MAUTRES = Auttes.
Les dirigeants de PME utilisent différemment les moyens et outils de travail. On peut
reconnaître cet usage selon deux axes, vertical et horizontal. L'axe vertical situe les PME les
unes par rapport aux autres, créant une certaine hiérarchie entre elles en fonction du degré
d'importance qu'elles accordent aux anciens et aux nouveaux outils et moyens de travail, dans
la gestion organisationnelîe en général et dans le traitement de l'information, en particulier.
L'axe horizontal permettra de questionner nos variables mais, dans ce cas, à partir des
objectifs visés par la gestion organisationnelîe et le traitement de l'information. Ainsi, l'usage
des outils et moyens de gestion, anciens et nouveaux, sera évalué à partir des objectifs visés
par les opérations quotidiennes des entreprises : rejoindre les fournisseurs, les clients, les
centres de recherche, les instances gouvernementales, etc. Précisé davantage à partir d'une
analyse des nombreux moyens d'interaction qu'adoptent les dirigeants d'entreprises, cet
usage permettra de saisir l'importance que l'on accorde ou non aux TIC. Cette démarche est
nécessaire pour voir comment ces TIC engagent ou freinent, selon les cas, les processus
d'innovation dans chaque cadre territorial. La combinaison de ces deux perspectives, verticale
et horizontale, permet de situer les dirigeants d'entreprises dans le contexte général où ils
agissent.
Il faut, cependant, une observation plus poussée si nous voulons mieux inscrire les pratiques
entrepreneuriales dans leurs contextes respectifs. À cette fin, des discussions et des échanges
169
d'information avec certains acteurs de développement et avec des dirigeants d'entreprises
fournissent des enseignements d'une grande utilité scientifique et pratique. C'est à la lumière
de ces échanges et discussions que nous avons formulé la question principale de cette thèse et
que nous avons interprété ce que nous avons observé sur le terrain.
Bien qu'en partie dictée par ie parcours socio-historique d'un territoire et son insertion au sein
du système national en place, la conduite de l'acteur, de l'entreprise, est soumise à des
pressions, des contraintes, d'origines à la fois endogène et exogène, auxquelles il faut faire
face et s'adapter. Parmi les contraintes de source endogène, il y a bien sûr l'entreprise elle-
même, avec ses problèmes de financement, de main-d'œuvre, de matériel, ainsi que les
nécessaires interactions quotidiennes avec son entourage. Les pressions d'origine exogène
viennent, entre autres, des marchés et de la réglementation qui les entoure, de la concurrence
entre firmes, territoires ou pays, etc. Pour l'acteur qui veut survivre, le territoire qui cherche à
se développer, les occasions de se fourvoyer ou de se faire devancer sont nombreuses.
Toutefois l'avantage habituel des uns par rapport aux autres ne paraît pas inéluctable.
Dorénavant existe une puissante force d'égalisation des chances de développement, depuis
l'avènement de l'informatique et des TIC. II s'agit pour l'acteur, l'entreprise, le territoire, de
savoir en profiter en se les appropriant et en les utilisant judicieusement.
Le présent travail se propose d'examiner comment les acteurs de développement utilisent les
moyens et outils nécessaires à l'exercice de leurs fonctions et à l'atteinte de leurs objectifs.
L'intérêt des acteurs pour les TIC se manifeste d'abord par la recherche puis la mise à jour
continue de l'information pertinente. La décision d'adopter une technologie de pointe incite à
délaisser des modes de fonctionnement et de travail dépassés et manifeste la capacité
d'intégrer les vagues successives de changement. L'appropriation de la nouvelle technologie -
informatisation, Internet et autres - vient ensuite. Mais en définitive ce qui compte, c'est
l'utilisation qu'on en fait. Là réside en effet, pour les acteurs de développement et leurs
territoires, un pouvoir considérable, capable de consolider leur avantage concurrentiel et de
stimuler leur progrès. L'adoption et l'utilisation des technologies nouvelles varient d'un
territoire à l'autre, d'un acteur de développement à l'autre. Ce sont là des aspects importants
du développement inégal des territoires, qu'il paraît utile de scruter.
170
Considérant que l'inégalité constatée entre les territoires réfère ordinairement aux
désavantages des territoires périphériques par rapport aux territoires métropolitains, une
question s'impose : Comment les territoires périphériques peuvent-ils espérer rattraper leur
retard par rapport aux méixopoles ? Nous posons comme hypothèse que, dans les territoires
périphériques, l'appropriation et l'usage des TIC par les entreprises, pour la conduite de leurs
affaires et pour leur intégration à l'économie de l'information, constituent le moyen le plus
favorable à l'innovation et au rattrapage de leur retard par rapport aux métropoles.
Les variables retenues pour mener à bien cette recherche ont fait l'objet de ce chapitre.
Elles ont été choisies pour leur aptitude à rendre compte de la complexité des
phénomènes étudiés. C'est la nature même de notre question centrale, tirée
principalement des préoccupations quotidiennes des acteurs de développement qui a dicté
la démarche suivie dans ce travail. Nos constatations pourraient vraisemblablement
déboucher sur des pistes d'action favorables à l'innovation. La formulation des objectifs
ci-dessus est dans la ligne de ces préoccupations, à la croisée de la théorie et de la
pratique.
CHAPITRE 7
La collecte des données s'est déroulée entre juillet 2000 et janvier 2001. Notre questionnaire a
été envoyé à 290 entreprises choisies de manière aléatoire, et préalablement contactées par
téléphone. Il faut cependant souligner que le choix des entreprises implantées au Saguenay a
été fait à partir d'une liste fournie par le centre local de développement ; ce qui explique
pourquoi toutes les entreprises de l'échantillon de ce territoire sont affiliées à un réseau
d'entreprises.
Les paragraphes et graphiques qui suivent montrent les caractéristiques générales des PME
qui constituent notre échantillon. Les PME sont répertoriées selon leur territoire
d'appartenance, le nombre de places d'affaires, le nombre d'employés, le nombre d'armées
d'opération, le chiffre d'affaires et les sources de concurrence.
La figure 2 indique la répartition des entreprises de notre échantillon, selon leur territoire
d'implantation. On note que 10% d'entre elles sont implantées à Rivière-du-Loup et 19% à
Manicouagan. La CUQ compte pour 26% et Saguenay pour 45% de l'échantillon. Ce dernier
pourcentage est dû principalement à un taux de réponse plus élevé dans cette MRC,
Bien que le secteur primaire soit peu présent dans notre échantillon, le tableau 9 montre des
secteurs secondaire et tertiaire bien vivants et laisse croire que notre échantillon est une image
raisonnablement représentative de la réalité que nous voulons analyser. Par exemple, les
entreprises engagées dans l'industrie de l'information représentent 12% dans la CUQ,
comparativement à un pourcentage allant de 4 à près de 8% dans les autres territoires. En
raison de son statut urbain et de capitale, le pourcentage plus élevé dans la région de Québec
174
était attendu. Il en va de même pour les services administratifs. Le tableau confirme par
ailleurs ce qu'on sait de façon empirique : que dans certains territoires, à cause des ressources
natareîles particulières qui s'y trouvent, une certaine spécialisation industrielle apparaît. C'est
le cas, par exemple, pour la foresterie à Manicouagan, et au Saguenay pour la transformation
des métaux.
Secteur tertiaire
d'affaires
39%
Une place
d'affaires
61%
La distribution des entreprises par nombre de places d'affaires est représentée à la figure 3.
Les entreprises qui ont une seule place d'affaires représentent 61% de l'échantillon; 39% en
ont plus d'une.
Pour 17% des entreprises, le chiffre d'affaires ne dépasse pas 500 000$; la plus forte
proportion, soit près de 45%, font entre 2 et 5 millions; et 15%, 5 millions et plus.
Après l'aperçu, présenté dans un précédent chapitre, des principales caractéristiques des
territoires étudiés, le tableau et les histogrammes de la présente section ont tracé le profil
général de l'échantillon que nous avons tiré des entreprises de ces territoires. Les deux
sections qui suivent entrent davantage dans le détail, avec la présentation des données
relatives à deux domaines d'intérêt crucial pour une entreprise : l'information et les TIC.
On a cherché à connaître les principales sources d'information que les entrepreneurs utilisent
dans leurs activités professionnelles, à l'aide de la question suivante : Quelles sources
d'informations économiques considérez-vous les plus utiles dans vos activités
professionnelles?
178
Les sources utilisées très souvent sont les clients par 68 %, les contacts personnels (47%) et
les fournisseurs (42%). Les sources les moins utilisées sont les centres de recherche ; 25% des
entreprises ne les utilisent jamais et 34% d'entre elles ne recourent jamais aux universités.
Dans notre échantillon, 23% des entreprises n'utilisent jamais les services de sociétés de
développement, 28% ne sollicitent jamais de sociétés-conseils, 26,5% n'ont jamais visité
d'entreprises canadiennes et 17% n'ont jamais utilisé les services fédéraux. Par ailleurs, les
sources d'information utilisées souvent sont les fournisseurs, par 34% des entreprises, les
centres de recherche et les sociétés-conseils, par 22% ; le gouvernement fédéral, par 30%, le
gouvernement provincial, par 32%. Parmi les entreprises, 42% consultent des journaux et
revues spécialisés, 33%, des revues et journaux régionaux et un même pourcentage est
rapporté dans le cas des foires et expositions.
Un nombre important d'entreprises font appel peu souvent ou rarement à des sources
extérieures d'information. Ainsi, 42% des entreprises sollicitent peu les centres de recherche,
48%, les universités, 40 % le gouvernement fédéral, 36% le gouvernement provincial. Dans le
cas de visites d'entreprises à l'étranger, il y a faible utilisation par 38% de notre échantillon ;
pour les sociétés-conseils, 40% ; pour les sociétés de développement, 45% ; foires et
expositions, 35% ; visites d'entreprises canadiennes, 47%. D'un autre côté, le recours à des
sources d'information multiples montre une différence appréciable entre les quatre territoires.
Par exemple, le pourcentage des entreprises qui recourent très souvent et souvent aux
fournisseurs pour s'informer représente 38 % dans la région de Québec et au Saguenay. Alors
que 44% des entreprises implantées à Manicouagan s'informent très souvent auprès des
fournisseurs et que 61,5% le font à Rlvière-du-Loup. De même, 62 % des entreprises de la
région de Québec s'informent très souvent auprès des clients. Le pourcentage est de 70 % au
Saguenay, de 60% à Manicouagan et atteint 92 % à Rivière-du-Loup. Quant aux centres de
recherche et aux universités, on constate une autre réalité : 26,5% des entreprises de la région
de Québec ne s'informent jamais auprès des centres de recherche et 29 % auprès des
universités. Ces deux pourcentages sont respectivement de 17 % et de 23 % au Saguenay ; ils
sont de 40% et de 52% à Manicouagan et de 31 % et de 54 % à Rivîère-du-Loup.
Quoi qu'il en soit, l'ensemble de ces données montre que les sources d'information sont
diversifiées d'un territoire à l'autre. Il semble que les besoins d'information ne sont pas les
mêmes partout, qu'ils varient en fonction des dynamiques économiques et sociales de chaque
territoire, du genre de production et aussi de la taille des entreprises. Ainsi, les sources
d'information que les entreprises utilisent le plus sont les clients, ies contacts personnels, les
fournisseurs et les journaux et revues spécialises ; alors que les sources que ces entreprises
négligent sont les centres de recherche, les universités, les sociétés-conseils, les sociétés de
développement et les visites d'entreprises canadiennes. De même, les entreprises implantées à
Rivière-du-Loup et à Manicouagan comptent plus sur les fournisseurs et les clients que celles
implantées dans la région de Québec et au Saguenay. Enfin, les entreprises implantées à
Rivière-du-Loup et à Manicouagan consultent plus les universités et les centres de recherche
que celles qui sont implantées dans la région de Québec et au Saguenay.
Une partie de notre enquête a été consacrée aux moyens que les entrepreneurs utilisent dans
leurs interactions avec les autres organisations. La question posée était : Quels sont vos
moyens d'interaction (en nombre) avec les autres organisations dans une semaine ?
La formulation de cette question est suggérée par la logique qui sous-tend l'usage que l'on
fait des composantes techniques et technologiques lors des activités quotidiennes. Les
réponses devaient permettre de mieux comprendre la nature de l'interdépendance entre un
paradigme technologique en place et les logiques et formes organisationnelles. L'enquête
s'intéressait à l'usage du téléphone, de la télécopie, des activités de face-à-face, de la place
publique et du courriel. Il s'agit des moyens traditionnels (face-à-face et place publique) et
d'autres modernes (le téléphone, la télécopie, le courriel).
Les questions concernent l'usage de ces moyens pour recevoir et pour émettre l'information
stratégique. Les réponses montrent que le téléphone est le moyen le plus utilisé par les
dirigeants : 74% des entreprises l'utilisent pour recevoir l'information 20 fois et plus par jour
et 70,5% l'utilisent à la même fréquence pour émettre des messages. Ces deux pourcentages
sont respectivement de 64 % et 62 % dans le cas de la télécopie et de 50 et 45,5% pour ce qui
est du courriel.
De plus, la place publique est un moyen d'interaction utilisé moins de cinq fois par jour dans
69 % des entreprises. De même, 20,5% de celles-ci recourent aux activités de face-à-face pour
180
Ces pourcentages, qui concernent tout notre échantillon, cachent une réalité qui varie d'un
territoire à l'autre. Par exemple, 59 % des entreprises de la région de Québec utilisent le
téléphone plus de 20 fois par jour pour recevoir de l'information et 50% l'utilisent à la même
fréquence pour l'émettre. Ces pourcentages sont respectivement de 72 % et 68 % à
Manicouagan. Ils sont de 88 % et de 86 % au Saguenay et de 53,5 % et de 54 % à Rivière-du-
Généralement, les entreprises utilisent très souvent le téléphone et la télécopie pour émettre
ou recevoir l'information et on utilise moins les activités de face-à-face et la place publique.
Le téléphone et la télécopie sont plus utilisés au Saguenay et à Manicouagan que dans la
région de Québec et à Rivière-du-Loup.
Dans l'enquête, on voulait savoir le type d'information que les dirigeants des entreprises
cherchent à recueillir. La question posée était la suivante : de quel type d'informations avez-
vous besoin dans vos activités professionnelles ? Les résultats montrent que l'information
recherchée est variable. L'information la plus recherchée concerne les nouveaux produits, la
concurrence, les technologies, les techniques et les modalités de gestion. Les entreprises
cherchent très souvent de l'information sur les nouveaux produits, soit à proportion de 40%
de notre échantillon. Celles qui cherchent aussi très souvent l'information sur la concurrence
181
représentent 31%. Ce pourcentage est de 33% en ce qui concerne l'information technologique
et 29,5% dans le cas de F information technique.
Par ailleurs, 38 % des entreprises de notre échantillon ne cherchent jamais d'information sur
la sécurité ; 23,5% ne cherchent jamais d'information scientifique et 17% d'information
juridique. L'information que l'on cherche souvent concerne la concurrence (39%) ; les
nouveaux produits (47%), la technologie (44 %), la technique (45%), les ressources publiques
(31%) et l'information sur les modalités de gestion (40%).
Ces données varient substantiellement d'un territoire à l'autre. Ainsi, 44% des entreprises de
la région de Québec cherchent peu souvent de l'information sur la conjoncture et seulement
15% la cherchent très souvent. Les pourcentages sont respectivement de 47% et de 10% au
Saguenay ; ils sont de 23% et de 31% à Rivière-du-Loup. Le pourcentage des entreprises qui
cherchent peu souvent cette information est de 32% à Manicouagan.
En général, les entreprises cherchent davantage l'information qui concerne les nouveaux
produits, la concurrence, l'information technologique, technique et celle relative aux
modalités de gestion. Les entreprises s'intéressent moins à l'information concernant la
182
Si ces données montrent que le pourcentage des entreprises qui participent à diverses activités
extérieures varie selon le type d'activités, elles cachent cependant des écarts significatifs entre
les territoires, en ce qui concerne chacune de ces activités.
Pour ce qui est des activités caritatives, un fort pourcentage n'y participe jamais, 44% dans la
région de Québec, 46 % à Rivière-du-Loup, 33 % au Saguenay et 36 % à Manicouagan. Par
ailleurs, 28 % des entreprises du Saguenay participent très souvent à des repas. Ce
pourcentage est de 26,5% dans la région de Québec et de 20% à Manicouagan. Ceux qui y
participent souvent représentent 54% à Rivière-du-Loup ; 38 % au Saguenay ; 36% à
Manicouagan et 32 % dans la région de Québec. En général, les données montrent que les
183
dirigeants des entreprises participent inégalement aux différentes activités organisées à
l'extérieur de leur organisation.
Les dirigeants d'entreprises s'intéressent principalement aux repas, aux activités caritatives et
aux activités de reconnaissance. Un pourcentage assez important des dirigeants s'intéresse
moins aux expositions et voit peu d'utilité aux activités caritatives. Comparativement avec
Québec et Saguenay, les dirigeants des entreprises implantées à Manicouagan et à Rivière-du-
Loup participent davantage aux "Repas".
Une question importante portait sur l'affiliation des entreprises à des réseaux înter-
organisationnels. La question était la suivante : Votre entreprise partïcipe-t-eile à des réseaux
d'entreprises (trois entreprises ou plus) ? Dans ces réseaux, des directeurs, des administrateurs
ou les entreprises elles-mêmes sont les principaux acteurs considérés. On cherche donc à
comprendre si ces acteurs s'impliquent dans des rapports plus formels de collaboration.
Ordinairement, cette implication facilite l'acquisition d'information stratégique et stimule
l'échange de certains services. Elle permet à ces mêmes acteurs de mieux se préparer
collectivement à affronter les imprévus de conjonctures changeantes.
Dans la pratique, la réponse à cette question a permis de constater que 36 % des entreprises
participent à des réseaux inter-organisationnels et 62 % n'y participent pas.
Ces résultats sont représentés dans la figure 8. On y voit que ces pourcentages masquent les
réalités fort différentes des quatre territoires. En effet, 41 % des entreprises de la région de
Québec participent à ces réseaux. Ce pourcentage est plus élevé comparativement à celui
enregistré à Manicouagan (24%) et à Rivière-du-Loup (15 %), mais inférieur à celui du
Saguenay, où toutes les entreprises de l'échantillon sont affiliées.
184
Figure 3; L'affiliation des entreprises à des réseaux
Les systèmes de communication constituent un moyen par lequel les dirigeants d'entreprises
facilitent la circulation de l'information à l'intérieur de leurs organisations. Souvent, on utilise
ces systèmes pour rejoindre l'ensemble du personnel. Chaque organisation choisit un ou
plusieurs systèmes mieux adaptés à ses besoins. À cet égard, nous avons posé la question
suivante : Avez-vous un système de communication à l'intérieur de l'entreprise ? La figure 9
illustre les résultats obtenus.
Les entreprises de notre échantillon adoptent divers systèmes de communication. Les réunions
du personnel constituent le système le plus utilisé : 72% de ces entreprises y recourent pour
véhiculer de l'information à l'interne. Les entreprises qui comptent sur les tableaux de
nouvelles à cette fin :36 %. Un examen plus approfondi montre une variation appréciable
entre les territoires. Par exemple, 35% des entreprises implantées au Saguenay utilisent le
bulletin interne comme système de communication, contre seulement 15,4% à Rivière-du-
Loup ; 28% à Manicouagan et 26,5% dans la région de Québec.
Î85
Figure 9: Les systèmes de communication adoptés par les entreprises, tout l'échantillon
Bulletin interne
Réunion du personnel
Intranet
Tableau de nouvelle
Horaire de mise en
commun
Autres
10 20 30 50 60 70 80
De plus, les entreprises utilisent le tableau de nouvelles à proportion de 26,5% dans la région
de Québec ; elles représentent 24% à Manicouagan ; 15 % à Rivière-du-Loup et 30% au
Saguenay. Dans la région de Québec, 35 % de ces entreprises utilisent l'Intranet comme
système interne de communication. Ce pourcentage est de 20% au Saguenay, alors qu'il ne
dépasse pas 8% à Manicouagan et à Rivière-du-Loup. II faut souligner cependant qu'une
entreprise peut utiliser plusieurs systèmes de communication à la fois. Il semble que les
moyens de communication interne choisis dépendent principalement de la taille de
l'entreprise.
Les entreprises préfèrent les réunions du personnel, les tableaux de nouvelles et les bulletins
internes. Un pourcentage important de dirigeants d'entreprises recourent à l'Intranet. On
utilise l'Intranet davantage dans la région de Québec que dans les autres territoires.
Classement informatique
Banque de données
Autres |1,5
0 20 40 60 80
Le classement par sujet est adopté par 49% des entreprises de notre échantillon. A
Manicouagan, le taux est de 55 % ; 48% dans la région de Québec, 46% à Rivïère-du-Loup,
32% au Saguenay. De même, 39 % des entreprises de notre échantillon optent pour le
classement par projet. Ce pourcentage est de 53 % dans la région de Québec ; de 68% à
Manicouagan ; 43 % à Rivière-du-Loup et 38,5 % au Saguenay.
Le classement de l'information par date est adopté par seulement 8 % des entreprises de notre
échantillon. Cette catégorie représente 6 % dans la région de Québec. Le pourcentage est un
peu plus élevé à Manicouagan, où il atteint 12%, alors qu'il ne dépasse pas 7 % à Rivière-du-
Loup.
187
Les entreprises préfèrent le classement par sujet et par projet ; et on constate la montée du
classement informatique et des banques de données. Le classement par sujet et par projet est
plus important dans la région de Québec et au Saguenay comparativement à Rivière-du-Loup
et à Manicouagan. Comparativement aux autres territoires, c'est dans la région de Québec
qu'un pourcentage important d'entreprises recourent au classement informatique de
l'information et aux banques de données.
51,5
Le taux d'utilisation d'Internet par les entreprises constitue un autre indicateur de l'innovation
technologique. Il faut donc chercher à comprendre comment cet usage se manifeste dans les
différents territoires. La question était la suivante : Quelles sont les utilisations que vous
effectuez à l'aide d'Internet ? La figure 12 représente les résultats obtenus.
On peut donc dire que le recours au courriel est l'une des principales tâches que ces
organisations réalisent par Internet. De même, 67 % utilisent Internet pour acquérir des
189
données stratégiques. Le pourcentage est de 73,5% dans la région de Québec et de 73 % au
Saguenay. Il est relativement faible à Manicouagan (52%) et à Rivïère-du-Loup (46 %).
Les entreprises des quatre territoires utilisent d'abord Internet pour envoyer des courriels.
Elles l'utilisent aussi pour acquérir des données, mais cette catégorie est plus importante dans
la région de Québec et au Saguenay qu'à Manicouagan et à Rivière-du-Loup. Les entreprises
implantées dans la région de Québec et au Saguenay utilisent Internet davantage pour établir
des liaisons avec les fournisseurs, livrer et recevoir des produits et à des fins personnelles.
À Manicouagan, 20% des entreprises utilisent l'Internet pour les prises de commandes. Ce
pourcentage est de 23 % à Rivière-du-Loup, 30% au Saguenay et atteint 47% dans la CUQ,
L'ensemble de ces résultats montre aussi que 65% des entreprises de la région de Québec
profitent de l'Internet pour établir des liaisons avec les fournisseurs, 41 % s'en servent pour
livrer et recevoir des produits et 47 % des dirigeants de ces organisations l'utilisent à des fins
personnelles et d'ouverture sur le monde. Le Saguenay vient en deuxième place, avec des
pourcentages qui sont respectivement de 52 % ; 25% et 20%.
Communication interne-gestion
Acquisition de données stratégiques
Site vitrine
Sécurisation de données
Envoie de message
0 20 40 60 100
190
133
Saguenay '^^^^mm/mmam^^^ 33,3
0 M Exploitation du poterie! du Web
Rivière du Loup ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ .-.
Achat sur le Wteb
.. . : 16
Maruajuagan ; ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^
Québec
i- - * ^^MMII
10 20 30 40 50 60
191
7. 3.4. Le soutien extérieur
Pour plusieurs entreprises, l'innovation technologique exige des compétences qui ne sont pas
toujours à leur portée. Souvent, elles cherchent à combler le manque d'une main-d'œuvre
qualifiée par le recours à des ressources extérieures. Nous avons essayé d'identifier la nature
du soutien extérieur recherché par les entreprises implantées dans les quatre territoires retenus
pour notre analyse. La question était la suivante : à quels soutiens extérieurs l'entreprise peut-
elle recourir pour des questions reliées aux technologies de l'information ?
Les réponses recueillies ont été utilisées pour construire la figure 14. On constate que 52 %
des entreprises de notre échantillon utilisent les services offerts par les conseillers et les
fournisseurs en matériel et logiciels; 29 % profitent des services offerts par les fournisseurs
d'accès à l'Internet; 22 % recourent aux services que proposent les créateurs de pages Web.
Les entreprises des quatre territoires sollicitent principalement les services des conseillers et
fournisseurs en matériel informatique et logiciels et des fournisseurs d'accès à Internet. Il n'y
a pas de différence significative entre les quatre territoires.
Cependant, le développement du secteur informatique et des logiciels est tellement rapide que
plusieurs entreprises ne parviennent pas à suivre les vagues de changement. Il y a donc intérêt
pour notre enquête de chercher à comprendre comment ces changements modifient les
pratiques entrepreneuriales et agissent sur la société. En effet, l'usage de l'informatique
influence la prise de décision au sein de toute organisation.
Les composantes technologiques qui nous intéressent se placent donc au centre même des
décisions et des actions entrepreneuriales. C'est pourquoi la question posée a été formulée en
ces termes : Quel est le niveau de pénétration de chacune des technologies de l'information
dans votre entreprise ?
Dans un deuxième temps, nous nous sommes intéressé aux logiciels utilisés par les
entreprises. Les logiciels de traitement de texte sont utilisés dans 92 % des entreprises de
l'échantillon. Ce pourcentage est de 93 % dans le cas des logiciels de comptabilité. II est de
78 % pour ce qui est des logiciels de traitement de bases de données. Les logiciels de gestion
d'inventaire sont utilisés dans 58 % des cas. Par ailleurs, 53 % des entreprises n'ont pas de
logiciels servant de système expert. De même, il y a absence de logiciels d'échange
d'information informatisée dans 50% des cas. Quant aux logiciels de gestion du personnel, ils
sont absents chez 35 % des entreprises ; le taux est de 14 % en ce qui concerne les logiciels de
gestion des bases de données.
Afin de mieux comprendre F ampleur des transformations qu'apporte l'usage des nouvelles
technologies dans les entreprises québécoises, nous avons tenté de mesurer plusieurs
indicateurs. Les résultats sont présentés selon les méthodes statistiques descriptives. Les
données sont comparées en fréquence et en pourcentage. Ces résultats et données confirment
que les entreprises, quelle que soit leur région d'implantation, s'adaptent de manière inégale à
l'avènement et au développement des technologies. Les résultats que nous présentons ici
montrent que la disparité entre les territoires prend des dimensions nouvelles; une étude
subséquente serait sans doute utile à qui veut saisir l'ampleur des changements occasionnés
par l'innovation technologique.
Les entreprises s'approprient surtout les télécopieurs, les ordinateurs et les autres
imprimantes. Elle s'approprient moins le matériel qui exige un très haut degré de
spécialisation : (CAIO, lecteur optique et les robots). Il n'y a aucune différence à cet égard
entre les quatre territoires. Les entreprises s'approprient beaucoup les logiciels de base
(traitement de texte» traitement de données, etc.) mais s'approprient moins les logiciels plus
sophistiqués. À cet égard, il n'y a pas de différence significative entre les quatre territoires.
Les données collectées au cours de l'enquête ont été traitées en vue de leur interprétation et
d'une analyse comparative. C'est l'objet de cette section. Le type d'analyse choisie est
d'abord décrit. Vient ensuite l'analyse proprement dite, où les quatre territoires choisis pour
cette étude sont comparés, les résultats consignés en tableau et succinctement interprétés.
194
Afin d'obtenir une comparaison équitable de nos quatre territoires, il s'imposait de
systématiser et de pondérer les données recueillies au cours de notre enquête. Ces données,
réparties en dix thèmes principaux (sources d'information, types d'information, classements
d'information, etc.) sont représentatives, pour les fins du présent travail, du comportement des
entreprises. Comme on verra aux tableaux qui suivent, chacun des thèmes est évalué selon
plusieurs variables. Et pour chacun des thèmes, les quatre territoires sont comparés, d'après
les valeurs attribuées aux variables congruentes.
Pour comparer et classer les territoires avec objectivité, et produire une analyse significative,
il fallait donc créer des indices. Chaque indice utilisé est calculé à partir de trois groupes de
données, formant chacun un sous-indice :
• les scores obtenus par le questionnaire ont donné lieu à un premier sous-indice. Pour
chaque variable, nous avons calculé la somme des réponses obtenues, selon l'échelle
proposée dans le questionnaire, et obtenu une moyenne en divisant cette somme par le
nombre d'entreprises répondantes. Cette moyenne a par la suite été intégrée comme sous-
indice pour la confection du tableau comparatif.
• Un troisième sous-indice est une valeur composite qui reflète l'importance de la taille
de l'entreprise, référant à : l'âge de l'entreprise, le nombre d'employés et le chiffre
d'affaires. Les valeurs associées à ces indicateurs ont été estimées selon les échelles
suivantes :
le chiffre d'affaires: 0 à 500 000$ : 1; de 500 001 à 1 000 000 $ : 2; de 1 000 001$ à
1 500 000$: 3; de 1 500 001 à 2 000 001 : 4; de 2 000 001 à 5 000 000 : 5; 5 000 001
et plus : 6; quand le répondeur ne sait pas, cette valeur est nulle.
195
le nombre d'employés: entre 0 et 10 employés: 1; entre 11 et 25 : 2; entre 26 et 50 : 3 ;
entre 51 et 100 : 4; 101 et plus : 5; lorsque le répondeur ne sait pas, cette valeur est
nulle.
La valeur composite de ces trois variables qui précèdent (âge de l'entreprise, chiffre d'affaires,
nombre d'employés) a été divisée par le nombre d'entreprises considérées. Le résultat devient
le troisième sous-indice.
La somme des sous-indices constitue l'indice qui représente un territoire dans un domaine
donné9 par exemple les fournisseurs comme sources d'information pour les entreprises.
Dans toutes ces opérations, notre échelle a été fixée entre 0 et 10. En conséquence, quand
dans le calcul des sous-indices ou de l'indice final la somme dépasse 10, nous avons divisé par
deux tous les résultats se rapportant à la même question, afin de garder les mêmes
proportions. Classés sur une échelle de 1 à 10, ces indices ont servi à préparer les tableaux
dynamiques croisés que nous présentons dans les pages qui suivent. L'avantage de cette
méthode et de ces tableaux est de permettre de voir, presque en un coup d'œil, en quoi nos
territoires se ressemblent et en quoi ils diffèrent, leurs points forts et leurs insuffisances.
Afin de donner une image plus expressive de la situation, nos résultats sont présentés sous
forme de graphiques dans la dernière partie de ce chapitre.
Le tableau 10 indique que, de manière générale, les entreprises implantées dans les quatre
territoires confondus, recourent aux différentes sources d'information. La ligne du total
moyen des indices calculés montre que, pour les entreprises, les sociétés-conseils (2,9), les
visites d'entreprises canadiennes (2,9), les chambres de commerce (2,8), les sociétés de
développement (2,8) et les centres de recherche (2,8) sont des sources importantes
d'information.
196
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 18
Région de Québec 2,0 1,8 2,9 3,1 2,9 2,8 2,4 2,8 3,1 1,9 3,1 3,1 1,8 2,5 1,8 3,0
Saguenay 1,9 1,4 2,6 3,0 2,5 2,5 74 30 31 ?3 2,8 2,7 2,0 2,4 1,7 3,0
Manicouagan 1,9 1,4 3,3 3,5 2,8 2,4 3,0 3,2 3,7 2,2 3,1 3,1 2,0 2,2 1,5 2,5
Riwère-du-Loup 1,6 1,1 3,0 3,2 2,8 ?B ?4 ?9 31 ?B 3,2 3,0 2,5 2,5 1,9 2,9
Une analyse attentive de ce tableau ne permet de dégager qu'une différence légère entre les
quatre territoires étudiés. Les indices observés pour la région de Québec sont légèrement
supérieurs à la moyenne. Toutefois dans certains cas, l'avance des régions périphériques
témoigne d'un effort soutenu à s'approprier l'information stratégique : c'est le cas, par
exemple, de Manicouagan et de Rivière-du-Loup, avec des indices de 3 en ce qui concerne les
sociétés de développement.
Nous avons vu que les entreprises des quatre territoires, tous secteurs industriels confondus,
recherchent toutes l'information stratégique. Le tableau 11 permet de voir comment ces
entreprises se servent de différents outils pour se procurer et diffuser cette information. Dans
ce tableau, on observe des variations selon les moyens et selon les territoires. La moyenne des
indices calculés montre que les entreprises des quatre territoires comptent souvent sur le
téléphone et le télécopieur pour émettre et pour recevoir l'information stratégique : dans ces
cas, l'indice moyen est supérieur à 4; alors qu'il n'est que de 1,5 dans le cas de la place
publique. L'indice calculé est autour de 3,7 dans le cas du courriel. Cet indice est de 3,9 au
Saguenay, de 3,3 dans la région de Québec et de 3,5 à Rivière-du-Loup.
197
Tableau 11: Moyens d'interaction
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Région de Québec 4,0 3,8 3,6 3,2 2,7 2,8 1,5 1,5 3,8 3,3
Saguenay 4,8 4,9 4,6 4,5 3,2 3,2 1,3 1,3 4,0 3,9
Manicouagan 4,2 4,3 3,9 4,0 2,9 2,8 1,8 1,8 3,8 3,8
Rivière-du-Loup 3,7 3,7 4,0 4,1 2,7 2,7 2,0 2,1 3,5 3,5
II ressort de ces observations que les entreprises implantées dans les territoires périphériques,
comme celles qui sont implantées dans la région de Québec, font un usage judicieux des
moyens d'interaction, plus particulièrement des moyens à base d'une technologie de pointe.
On remarque que le téléphone, le télécopieur et le courriel sont des moyens très courants
d'interaction, particulièrement au Saguenay et au Manicouagan.
Une lecture attentive du tableau 12 montre que certains indices sont inférieurs à 2; c'est le cas
de l'information sur la concurrence (1,8), sur les nouveaux produits (1,7), sur les technologies
(1,9). Ces indices montrent pour les quatre territoires des indices généralement comparables,
ce qui veut dire que les entreprises implantées dans les quatre territoires se préoccupent à peu
près du même type d'information, qu'elles tentent d'insérer dans leurs processus de gestion.
198
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Région de Québec 2,5 1,6 1,6 2,8 2,6 1,8 2,0 2,9 3,0 2,9 2,8
Sagu©nay 2,7 1,9 1,7 2,3 2,4 1,9 2,0 2,5 3,4 2,5 1,9
Manicouagan 2,7 2,4 2,1 3,4 3,1 2,2 1,9 2,8 1,9 2,7 2,5
Rivière du Loup 1,9 1,5 1,4 2,5 2,6 1,9 1,7 3,3 2,7 2,5 2,6
Cependant, l'ensemble de ces indices montre que les entreprises implantées dans les
territoires de Québec et de Saguenay accordent une importance plus grande aux questions
reliées à la sécurité : l'indice calculé dans le cas de Québec est de 3, il est 3,3 au Saguenay,
contre seulement 1,9 à Manicouagan et 2,6 à Rivière-du-Loup. Quant à la recherche
d'information relative à l'exportation, les entreprises de Manicouagan se démarquent par un
indice bien supérieur à la moyenne : 3,4, comparativement à 2,8 à Québec et 2,3 et 2,5 dans
les deux autres territoires. Plus qu'ailleurs, on recherche l'information de nature normative et
juridique à Rivière-du-Loup.
Ces données font voir que les entreprises implantées en territoire périphérique cherchent à se
doter des stratégies susceptibles de les insérer dans le nouvel ordre économique.
Les résultats concernant l'implication des dirigeants d'entreprises dans les activités
extérieures sont présentés dans le tableau 13. Les moyens extérieurs d'interaction les plus
importants que les entreprises des quatre territoires utilisent sont les causes caritatives et
199
l'environnement (3) et les clubs sociaux (3). C'est au Saguenay que nous avons identifié
l'indice le plus important quant à ces clubs (3) comparativement à 2,9 à Québec et Rivière-du-
Loup et à 2,7 à Manicouagan. Pour ce qui est des causes caritatives, cet indice dépasse 3 dans
les quatre territoires.
t 2 3 4 5 6 7 8 0
Région de Québec 3,2 3,0 2,9 2,4 3,0 3,3 2,8 3,0 2,2
Saguenay 3,1 3,0 2,8 2,6 3,0 3,2 2,8 3,1 2,1
Manicouagan 3,1 2,8 2,8 2,8 3,0 3,1 2,7 2,8 2,3
Rivière du Loup 3,3 3,1 2,8 2,5 2,8 2,7 2,6 2,9 2,4
Par ailleurs, l'indice moyen le plus faible est observé dans le cas des repas (2,2) et des
expositions (2,6). Pour les repas, on trouve l'indice le plus faible au Saguenay et le plus élevé
à Rivière-du-Loup, mais la différence est peu importante. Par contre les événements mondains
et de reconnaissance comptent passablement comme activités extérieures.
Dans les quatre territoires, les dirigeants d'entreprises semblent en général choisir les activités
extérieures qui comptent le plus en termes de contribution sociale et aussi, souvent sans doute,
de visibilité. Quel que soit le territoire d'implantation d'une entreprise, le choix des moyens
d'interaction semble se faire selon certains paramètres qui ne sont pas propres aux territoires,
mais dépendent plutôt de la formation antérieure des entrepreneurs et de la culture
organisationnelle existante.
200
7.4.5. Moyens de communication interne
Nous avons voulu comparer les quatre territoires sur la base des moyens de communication
interne qu'adoptent les dirigeants d'entreprises. Les résultats obtenus sont présentés dans le
tableau 14. Les indices moyens obtenus varient entre 2 et 7, montrant que les réunions du
personnel demeurent le moyen le plus utilisé pour faire véhiculer l'information stratégique au
sein des organisations; cette observation est valable pour les quatre territoires étudiés. En ce
qui concerne le bulletin interne, les indices les plus élevés ont été obtenus dans le cas de
Québec et du Saguenay : plus de 3 dans les deux cas. Quant au tableau de nouvelles, c'est au
Saguenay que l'on rapporte l'indice îe plus important : 5; contre 3 à Québec et 2 à
Manicouagan et 1 à Rivière-du-Loup.
1 2 3 4 5
En général, considérant l'ensemble des moyens de communication interne utilisés par les
entreprises, on constate qu'il n'y a pas d'écart significatif entre les quatre territoires étudiés,
sauf pour l'Intranet. Si l'Intranet est plus fréquent dans la région de Québec, c'est que les
entreprises y sont souvent plus importantes ou qu'elles ont plus d'une place d'affaires.
201
Deux préférences ressortant du tableau 15. D'abord que certains moyens de classement de
l'information sont très répandus, avec des indices significatifs; le classement par sujet et par
projet : 5 dans les deux cas. Le classement informatique suit avec un indice de 3; alors que les
autres méthodes de classement ont des indices faibles : c'est le cas, par exemple, du
classement par date (0,8)» du classement dans une bibliothèque de l'organisation (0,7).
Ensuite, on observe un écart significatif entre les indices enregistrés dans les différents
territoires. Dans le cas du classement de l'information par sujet, l'indice le plus élevé est
observé à Manicouagan (6) comparativement à 5 à Québec, et 4 au Saguenay et 3 à Rivière-
du-Loup.
1 2 3 4 5 6 7 8
Région de Québec 5,5 3,3 0,6 4,5 3,3 1,5 1,8 0,6
Le tableau 16 montre que Ton accorde une importance particulière aux conseillers et
fournisseurs en matériel et en logiciel, avec un indice de 7,8 à Manicouagan; c'est l'indice le
plus important, alors qu'au Saguenay il est de 6, suivi de Québec (5) puis de Rivière-du-Loup
(4,6), Dans le cas des fournisseurs d'accès à Internet, l'indice le plus important est observé à
Québec (5), suivi de Rivière-du-Loup et de Manicouagan (4) et du Saguenay (2). C'est à
Québec que l'on trouve l'indïce le plus élevé en ce qui concerne l'hébergeur de sites Web (4)
et de créateur de page Web (4); alors que c'est à Rivière-du-Loup que l'on observe l'indice le
plus élevé en ce qui concerne les conseillers en communication (3) et à Manicouagan pour les
formateurs.
1 2 3 4 5 6 7
De façon générale, les conseillers en stratégie sont assez peu en demande dans l'ensemble des
territoires; dans Manicouagan les conseillers en communication, les hébergeurs de site Web et
les créateurs de pages Web sont peu utilisés. Au Saguenay, ce sont les formateurs qui sont peu
consultés.
203
7.4.8. L'usage de l'Internet
Au tableau 17, l'indice le plus élevé revient à l'envoi de messages (8); viennent ensuite
l'acquisition de données stratégiques (6), liaison avec les fournisseurs (5) l'offre de produits
et services et repérage de nouveaux contacts, (4). En ce qui concerne l'envoi de messages,
l'indice le plus élevé revient à la région de Québec et au Manicouagan (9), puis au Saguenay
(8). Dans le cas de l'acquisition de données, l'indice le plus élevé, soit 7, est observé dans la
région de Québec et de Saguenay; alors que l'indice le plus élevé dans le cas des liaisons
avec les fournisseurs s'applique à la région de Québec (6), suivie de Saguenay (5), de
Manicouagan (4) et de Rivière-du-Loup (3).
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
Région de Québec 9,4 7,6 4,8 4,8 6,7 4,2 4,8 5,8 2,1 4,5 3,3 5 4,1
Saguenay 8,8 7,6 3,1 3,6 5,3 2,6 2,1 4,3 1,6 5,2 1 3,5 1,4
Manicouagan 9,2 5,4 2,1 0,8 4,6 1,3 0,8 4,2 0 2,1 2,5 1,2 1,6
Rivière-du-Loup 7,7 4,6 2,3 0 3,1 0,8 1,5 2,3 0,8 2,3 0,8 1,5 0
En ce qui concerne l'usage du potentiel du Web, le total des indices observés est égal à 2.
C'est à Québec que l'on a observé l'indice le plus élevé (4), contre l'indice 0, observé à
Rivière-du-Loup. En fait, si les possibilités du Web pourraient être exploitées bien davantage,
il s'y fait néanmoins des achats dans tous les territoires en quantité appréciable,
particlièrement à Québec. Pour ce qui est de la gestion, l'Internet est utilisé modérément à
Québec et au Saguenay, peu à Manicouagan et en aucun cas à Rivière-du-Loup.
204
Bien que les écarts entre les territoires ne soient pas toujours très significatifs quant à l'usage
du réseau Internet, ils indiquent un retard qui devrait être contré par un important rattrapage.
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14
Région de Québec 9,7 9,4 9,7 6,2 8,8 8,5 3,5 7,2 9 1,4 7 1,6 4 8,8
Saguenay 9,7 9,8 9,3 7,3 9 7,3 5,3 6,5 7,1 3,9 6,8 3,1 4,5 8,6
Manicouagan 10 10 9,6 5,7 10 8,3 3,3 4,6 5,5 3 5,2 1,3 2,6 7,2
Rivière-du-Loup 9,2 9,2 8,3 7 6,4 7,3 1,7 3,6 6 3 5,5 3,6 3 8,3
Le tableau 19 montre que l'indice le plus élevé a été observé dans le cas des logiciels que l'on
utilise pour le traitement de texte (9) : presque toutes les entreprises implantées à
Manîcouagan et à Rivière-du-Loup qui ont complété notre questionnaire utilisent un logiciel
de traitement de texte; l'indice étant de 10. La même constatation vaut quant à l'usage des
logiciels de comptabilité. En ce qui concerne le chiffrier électronique, l'indice moyen obtenu
est de 9 : nous avons observé l'indice le plus élevé à Rivière-du-Loup (10), suivi de Québec et
de Saguenay (9) et de Manicouagan (8). Les logiciels utilisés pour la gestion de projet sont
plus utilisés à Québec et à Manicouagan (7) qu'au Saguenay (5) et à Rivière-du-Loup (4).
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Région de Québec 7,5 9,7 9,7 6,8 8,5 9,1 7,3 5,4 7,7 5
Saguenay 3,5 9,3 9,5 5,9 8,9 9,5 5,8 2,5 6,1 0
Les tableaux dynamiques croisés qui précèdent établissent, pour chacun des thèmes
considérés, des comparaisons chiffrées entre les territoires. Afin de parfaire l'analyse, il a paru
utile d'examiner ces mêmes données à partir d'un autre point de vue, en les présentant sous
forme de graphique. À cette fin un indice global a été calculé pour chacun des territoires, par
rapport à chacun des thèmes.
Le graphique 15 montre que les entreprises implantées dans les quatre territoires utilisent
presque au même degré les diverses sources d'information; les résultats obtenus varient entre
6,6, observé dans le cas du Saguenay, et 7 obtenu à Manicouagan. On constate que l'indice
obtenu à Rivière-du-Loup et dans la région de Québec est de 6,8 dans les deux cas. Pour ce
qui est des sources d'information, les territoires périphériques ne semblent pas être en retard
par rapport à la métropole considérée (Québec).
Figure 15: Comparaison des quatre territoires de l'étude à partir d'un indice global ;
Sources d'information
10
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7,0
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y. , Ï 1
—X-
2 nmtmmmmmammimmm
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0 T
Région de Québec Saguenay Manicouagan RMèrs du Loup
207
Concernant les moyens d'interaction que sont, pour ies dirigeants d'entreprises, le téléphone,
le télécopieur, le courriel et autres, le graphique 16 montre que le Saguenay se démarque
légèrement, tandis que Québec a l'indice le plus faible, les deux autres territoires étant presque
à égalité.
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8-
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5.5
6 - • -S,3
5,0 4,9
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Région de Québec
•.. * ..«. *
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Saguenay
S, Rivière du Loup
208
10
-32-
T71, SITTI,
Les activités extérieures amènent ies chefs d'entreprises à sortir de leurs bureaux pour se
mêier à diverses activités, qui peuvent être favorables au développement, soit de leur milieu,
soit de leurs affaires. Le graphique 18 ne montre pas de différences significatives entre les
territoires; les dirigeants d'entreprises, indépendamment de leur lieu d'opération, ont
sensiblement le même comportement.
Selon ses besoins et selon sa taille, une entreprise peut avoir plus d'un système de
communication interne. À cet égard, et comme le montre le graphique 19, il y a parité entre
209
Québec et Saguenay. Manicouagan et surtout Rivière-du-Loup ont des systèmes de
communication interne moins développés.
10
9
Conclusion
Au départ de cette recherche, les territoires sous observation différaient sous plusieurs
aspects, notamment par le caractère central ou périphérique, le nombre et la taille des
entreprises, le secteur d'activité, etc. L'examen de nos données a montré néanmoins que le
facteur régional joue très peu quant au fonctionnement des entreprises. Ce que nous appelons
facteur régional réfère à l'importance de l'effet d'une même variable dans des régions
différenciées.
La manipulation de nos données a fait ressortir par exemple que l'effet de la taille d'une
entreprise est le même dans tous les quatre territoires; que les effets des variables explicatives
sur le choix de diverses sources d'information est le même pour tous les territoires étudiés.
En somme, l'appartenance à un territoire ou l'autre a très peu d'influence sur les attitudes et les
comportements, sur l'usage que font les acteurs de développement des objets technologiques
et de l'information. Les écarts entre les territoires sont cependant évidents, mais ne
s'expliquent guère par les actions et les pratiques des gens d'affaires qui y travaillent. Il appert
que les sources du retard des territoires périphériques sont à chercher à d'autres niveaux et que
l'appropriation maximale des TIC peut avoir une influence décisive pour corriger la situation.
212
Ce chapitre fait voir que l'arrivée massive des TIC et la généralisation d'une économie de
l'information font que les dirigeants adoptent presque les mêmes pratiques et les mêmes
comportements et que le même savoir-faire se généralise partout. Par conséquent, tout donne
à penser que le facteur régional ne peut justifier à lui seul le retard des territoires
périphériques par rapport aux métropolitains. Cette réflexion sera poussée davantage dans le
chapitre qui suit.
CHÂPiTRE 8.
Cette section est réservée aux leçons que nous tirons des pratiques d'affaires observées dans
les quatre territoires retenus pour les fins de cette thèse. Ces leçons concernent notamment
l'appropriation du matériel informatique et des logiciels, les effets de la taille des entreprises,
l'importance des affaires électroniques.
La prise de décision par le dirigeant pour la conduite de son entreprise est un processus
continu qui requiert une information pertinente et à jour dans la gestion quotidienne comme
214
pour la planification stratégique. II a constamment besoin de données sur le marché, la
concurrence, les fournisseurs, les clients, les programmes gouvernementaux, les techniques et
technologies nouvelles qui apparaissent dans son champ d'activité. La possession de ces
renseignements est toujours utile, parfois vitale pour l'entreprise. Elle fournit des éléments de
comparaison, met en lumière des changements à considérer et fait voir des solutions
possibles.
L'expérience, c'est l'accumulation des réussites, et aussi (parfois) des échecs. Aujourd'hui
toutefois la seule expérience n'est pas garante de réussite. L'évolution difficilement prévisible
de la conjoncture impose des réactions rapides et appropriées. L'utilisateur du Web a plus de
possibilité de "voir venir" et de se préparer. Et si, dans l'entreprise, on est déjà familiarisé
avec un certain équipement mformatique, on cherchera à en augmenter l'efficacité en même
temps que la compétence des utilisateurs. Le dirigeant constatera assez souvent l'insuffisance
de ses systèmes d'information, de gestion ou de communication, et ce seront alors les
composantes de ces systèmes indispensables à l'efficience des activités quotidiennes, qui
seront d'abord renforcées.
Nous avons constaté que l'introduction d'un Intranet dans une entreprise invite à la mise en
œuvre de technologies avancées. Implanter un Intranet, c'est aussi profiter d'un ensemble de
réseaux de communication, de nouveaux procédés qui permettent de recevoir l'information,
de ia stocker et de la diffuser en temps opportun au sein de l'organisation.
Il y a aussi la culture numérique, qui grandit avec l'implantation d'un Intranet et se reflète sur
l'attitude et le comportement du personnel. L'usage d'un Intranet témoigne de l'existence
d'une culture managériale tournée vers l'avenir; ce système de communication correspond en
effet à un ensemble de processus de gestion axés sur l'emploi d'outils informatiques.
Si, pour toute entreprise relativement importante, l'Intranet s'avère très utile, il est devenu
pratiquement indispensable pour celle qui a plus d'une place d'affaires. L'une des fonctions
d'un Intranet est de faciliter les communications au sein de l'entreprise : pour la circulation de
l'information, la discussion et l'échange des idées, etc. De diverses façons il contribue à
hausser la productivité des équipes de travail : il évite des déplacements, raccourcit les délais
de consultation entre les échelons de l'organisation, offre des fonctions de messagerie et
permet le travail en groupe, même entre participants éloignés.
Un dirigeant qui a vu les avantages d'un Intranet voudra s'en pourvoir dès que possible. Il
verra en même temps la nécessité de modifier et de renforcer son parc informatique. Survient
alors un choix à faire : s'équiper pour les besoins présents ou, considérant l'évolution
216
constante des TIC, investir davantage maintenant dans un système puissant capable de
répondre à des besoins futurs prévisibles, ou qui pourra être rehaussé éventuellement selon les
circonstances.
Après consultations des pairs, des fournisseurs, cette décision revient au dirigeant (avec la
petite équipe qui l'entoure), qui a à évaluer les coûts et les avantages, et à supputer le retour
sur son investissement. Quoi qu'il en soit, l'installation d'un Intranet est un pas décisif pour
une entreprise, qui y voit, outre les avantages propres à ce réseau, l'occasion de hausser les
performances de ses matériels informatiques et, en bout de ligne, d'améliorer sa gestion et sa
productivité.
Par ailleurs, les entreprises qui comptent sur les services de conseillers et de fournisseurs en
matériel et en logiciels ont tendance à accélérer l'implantation d'un matériel informatique
sophistiqué; alors que le recours aux fournisseurs d'Internet freine plutôt cette implantation.
La réticence des dirigeants d'entreprises envers les fournisseurs d'Internet peut s'expliquer
par la contradiction qui semble exister, dans le cas des territoires périphériques de notre étude,
entre le discours de ces fournisseurs et la réalité vécue par les entreprises. Le discours des
fournisseurs d'Internet vante les avantages de ce média, tel qu'il est offert dans les
métropoles, qui profitent de l'Internet à haute vitesse; alors que ce service n'est pas encore
disponible dans tous les territoires périphériques. Cette contradiction infirme les arguments
des fournisseurs d'Internet. Par contre, le soutien des conseillers et des fournisseurs en
matériel informatique et logiciels permet aux dirigeants de trouver les solutions recherchées,
car ces conseillers adaptent les produits technologiques aux besoins de leurs clients et aux
infrastructures en place. Leur soutien semble, en fait, essentiel pour mieux identifier les
besoins technologiques de l'entreprise et pour choisir le matériel et les logiciels qui répondent
adéquatement aux besoins.
Il ressort des multiples visites que nous avons faites sur le terrain que les chefs d'entreprises
sont généralement conscients de l'importance de disposer d'outils informatiques
technologiquement avancés, mais qu'ils n'ont ni le temps ni le goût de se plonger dans l'étude
et la comparaison des divers systèmes offerts sur le marché. C'est pourquoi ils s'en remettent
à des conseillers expérimentés et à des fournisseurs de confiance. Ceux-ci par contre ont
217
intérêt à proposer des solutions qui répondent non seulement aux besoins présents, mais
adaptables à des conditions qui peuvent changer. Il importe aussi que ces solutions soient
conviviales et facilitent les rapports entre l'entreprise et ses interlocuteurs. Par exemple,
lorsqu'il s'agit de passer une commande, de spécifier un article chez un grossiste ou un
marchand de matière première, il faut que les équipements informatiques soient compatibles,
que les codes d'articles soient identiques, etc.
Grâce aux TIC, notamment l'ordinateur portable et le téléphone cellulaire, le dirigeant n'est
plus rivé à son bureau; il peut consacrer du temps à l'entretien de relations avec ses pairs,
parfois à quelque loisir. Bref, pour la suite de l'entreprise, ces personnes qui gravitent autour
du secteur numérique ont une grande influence.
Par ailleurs, notre analyse a montré que la participation des dirigeants d'entreprises à des
activités extérieures et leur affiliation à un réseau d'entreprises semblent avoir peu
d'incidence sur l'appropriation du matériel informatique, mais encouragent fortement
l'appropriation des logiciels. Ce constat peut s'expliquer par l'écart qui s'établit dans une
économie d'information entre l'action individuelle et ses dimensions collectives. C'est qu'un
dirigeant prend seul la décision d'implanter ou non les composantes d'un système
informatique. Mais une fois cette étape franchie, c'est le cadre général dans lequel il agit qui
lui suggère les utilisations pratiques, donc logicielles, qui lui sont offertes. C'est dire que
l'appropriation des logiciels se définit souvent comme une réponse rapide et précise à un
besoin immédiat.
L'affiliation à un réseau semble donc devenir un choix important, qui permet au dirigeant qui
a déjà implanté son matériel informatique de s'informer des caractéristiques de divers
logiciels et de leur capacité à améliorer le fonctionnement de son entreprise. Le cadre délimité
par les réseaux d'entreprises et par les diverses activités sociales sert donc à catalyser
l'appropriation des logiciels. Comme nous l'avons constaté chez certaines entreprises des
territoires périphériques, la rationalisation des opérations est d'autant plus intéressante lorsque
les systèmes logiciels, et les systèmes d'information en particulier, permettent de réaliser des
gains de productivité et d'améliorer la qualité globale des systèmes de gestion. Les modèles
de gestion ainsi constitués apportent en effet des solutions médites à de nombreux problèmes
structuraux. Cependant, et par la nature même des systèmes informatiques et d'information,
218
les solutions apportées ne peuvent être ni définitives ni radicales. Le dirigeant est donc
constamment invité à les modifier, à les améliorer, en même temps qu'il améliore ses
systèmes informatiques et qu'il s'adapte aux circonstances. Il doit donc, chaque fois, établir
ses véritables besoins, juger, après consultations s'il y a lieu, de l'opportunité d'y pourvoir,
puis décider.
Jusqu'ici et dans toutes les situations analysées, le facteur régional ne semble pas être
important, car le territoire d'implantation, qu'il soit métropolitain ou périphérique,
n'influence pas pour autant les pratiques d'une entreprise se dotant d'une stratégie
technologique. Il faut plutôt voir là une situation nouvelle, où les entreprises des territoires
périphériques peuvent semblablement tirer profit des technologies de pointe puisque, sous ce
rapport» elles ont le même accès aux avancées technologiques que leurs homologues d'un
territoire métropolitain.
II importait de chercher à comprendre les effets de la taille d'une entreprise sur ses pratiques,
sur son aptitude à s'approprier des objets et des outils technologiques, de même que sur le
fonctionnement d'une économie d'information. Dans la région de Québec, une sorte de
stagnation a été constatée chez un grand nombre d'entreprises. Généralement, celles-ci ont des
relations d'affaires bien établies, soit avec des entreprises implantées dans une autre
métropole, généralement à Montréal, soit avec des instances gouvernementales ou des
grandes entreprises locales avec qui les dirigeants de ces PME maintiennent des relations
privilégiées. Il s'en suit qu'un grand nombre de ces PME ne font que de la sous-traitance,
219
n'exécutant que des tâches conçues par leurs partenaires d'affaires, ce qui paralyse
l'innovation.
Principalement dans ce territoire (Québec), les entreprises qui sont bien établies et qui jouent
souvent un rôle important dans les dynamiques en place semblent peu inquiètes de l'avenir et
peu enclines à s'efforcer d'innover. Les structures en place, de même que l'appui qu'elles
trouvent chez leurs partenaires traditionnels (les CLD, les chambres de commerce et les autres
organismes publics et parapublics) et dans leurs réseaux d'affaires, les confortent dans leur
position. En fait, les discussions que nous avons eues dans ce territoire donnent à penser que
les rapports sécurisants que des entreprises entretiennent avec leurs clients et leurs
fournisseurs auraient une influence plutôt négative sur leur souci de diversifier leurs
pratiques. Les entreprises se préoccupent d'abord de stabilité. Elles se soucient davantage de
la fiabilité de leurs partenaires, canaux pour la commercialisation de leurs productions, que
des ouvertures et des fluctuations des marchés. La plupart des entreprises, petites ou
moyennes, confient leur production à des intermédiaires bien installés dans une métropole,
qui se chargent de l'écouler sur les marchés national et international. On comprend donc
pourquoi les entreprises se préoccupent insuffisamment de productivité et de compétitivité et
d'innovation.
Par contre, certaines entreprises de petite taille implantées dans les territoires périphériques se
distinguent par une synergie qui favorise l'échange intensif de l'information, des
connaissances et des points de vue, au sein de l'entreprise et entre elles. Les échanges
amènent le dirigeant à mieux apprécier l'utilité, même la nécessité d'actualiser ses
installations de communication, de gestion et d'information. Les rapports humains et sociaux
traduits par des liens de confiance et de solidarité qui se nouent entre les employés et souvent
avec les dirigeants, sont davantage enracinés et constituent une énergie convergeant vers le
progrès de l'entreprise. Pour cette raison, nous avons constaté que les petites entreprises, en
raison de leur volonté d'automatiser la gestion et le fonctionnement de leurs systèmes
d'information, sont davantage intéressées à adopter des procédés de traitement et de diffusion
de F information par de nouveaux moyens.
Les dirigeants de ces entreprises montrent en effet un enthousiasme extraordinaire, qui les
incite à évaluer régulièrement les techniques et les applications déjà en place. C'est pourquoi
220
les petites entreprises tendent à agir non seulement sur le fonctionnement de leurs propres
systèmes, mais aussi à diversifier leurs sources d'information. Elles s'emploient à alléger les
contraintes, à faire évoluer les attitudes, dans un environnement dominé par des entreprises
bien établies, mais moins motivées à se remettre en question.
Par ailleurs, les entreprises des territoires étudiés exploitent presque de la même manière le
courriel; ce moyen de communication rendant partout les mêmes services, il s'avère utile pour
tout le monde. Cette popularité montre bien l'engagement des entreprises dans l'ère
numérique. Toutefois, lorsqu'un dirigeant utilise le courriel, il a à considérer ses aptitudes à
informer et à communiquer par écrit. Contrairement à la communication orale, l'écrit suppose
la maîtrise de la grammaire et de l'orthographe, pour la clarté et la compréhension du
message, autant pour convaincre que pour donner une bonne image de soi et de
l'organisation. D'autant plus que le courriel demeure un document qui peut être archivé,
utilisé à différentes occasions et comme preuve officielle. Ce sont donc de nouvelles
exigences qui modifient les tâches de direction, mais qui, à terme, enrichissent les
communications.
L'évolution des pratiques entrepreneuriales montre donc une amélioration notable du savoir et
du savoir-faire des dirigeants. L'amélioration touche les entreprises de tous les territoires.
Ainsi, quand nous nous sommes intéressé aux effets de la taille d'une entreprise sur le choix
des moyens internes de communication, nous n'avons rapporté aucune différence significative
entre les territoires étudiés, sauf pour l'Intranet, qui est plus utilisé à Québec. Les entreprises
d'aujourd'hui, quelle que soit leur taille et leur milieu d'implantation, savent l'utilité des
communications internes et optent pour le moyen le plus apte à remplir cette fonction. Qu'il
soit basé sur une technologie de pointe ou non, l'essentiel est que l'information puisse circuler
entre la direction et le personnel et, au besoin, entre les employés.
Quant à l'Intranet, son usage est légèrement plus répondu en territoire métropolitain, mais
cette différence n'est pas suffisamment importante pour justifier un écart dans les dynamiques
économiques. Pour une firme de petite taille, il n'est pas dit qu'un tel réseau interne soit
toujours nécessaire. Par ailleurs, comparativement aux autres moyens de communication
interne, l'implantation d'un Intranet est souvent coûteuse, et sa gestion exige des ressources
financières et techniques qui ne sont pas toujours à la portée des PME implantées dans un
221
territoire périphérique. Alors que dans une métropole, où une main-d'œuvre qualifiée se
trouve plus facilement, les entreprises semblent prendre plus de risque et d'initiative. Le
fonctionnement même d'un Intranet est une retombée d'une culture davantage ouverte, propre
aux centres urbains, où l'entrepreneur doit protéger l'information qui circule et les directives
qu'il adresse à son personnel et à ses équipes de travail. L'utilisation d'un Intranet n'exige-t-
elle pas une authentication, un mot de passe ainsi que des coupe-feu ? Au-delà de la
commodité qu'apporte à l'entreprise un Intranet, le dirigeant y trouve un excellent moyen de
contrôler son espace, de démarquer îes zones, quant à ia régie interne de l'entreprise et quant
aux communications extérieures. Les employés d'une telle organisation peuvent se sentir
privilégiés car ils reçoivent une information personnalisée et dont la diffusion est limitée, ce
qui tend à développer le sentiment d'appartenance à cette organisation. Celle-ci toutefois peut
se trouver dans une situation qui l'empêche de s'ouvrir convenablement sur son milieu.
Ce que nous avons constaté, c'est que'en général, les effets des TIC sur les pratiques
entrepreneuriales ne varient pas en fonction des territoires et de leurs dynamiques, mais en
fonction des aptitudes des entrepreneurs à les intégrer à leurs pratiques quotidiennes. Il est
évident que, dans une économie d'information, les dirigeants adoptent de la même façon le
courriel, l'Intranet, etc., et se voient dans l'obligation d'adopter de nouvelles façons de gérer
les archives et de traiter l'information. Certaines entreprises, surtout en milieu urbain, vont
adopter une stratégie globale et efficace de gestion électronique de documents et
d'information. Par exemple, parmi les entreprises que nous avons visitées à Québec, certaines
ont déjà implanté des solutions informatiques novatrices, mais pour plusieurs le chemin à
parcourir est encore long et nécessite l'acquisition d'un nouveau savoir-faire.
Il apparaît de plus que l'usage de l'Internet aux fins de communication interne et de gestion
favorise l'exploitation du potentiel du Web, cet usage menant à la découverte de méthodes
nouvelles de s'informer, d'administrer et de transiger. C'est dans les entreprises de la CUQ,
par rapport aux trois autres territoires, que l'on exploite le mieux les possibilités de la Toile,
mais partout on pourrait faire davantage.
Les TIC offrent aux entrepreneurs un champ d'exploration illimité. Quel que soit leur
territoire d'opération, les entreprises ont jusqu'ici convenablement intégré les systèmes
informationnels, mais abordent avec circonspection les transactions électroniques et les autres
possibilités qu'offre le Web.
La littérature afférente à l'utilisation des outils informatiques voit généralement d'un oeil
approbateur, souvent émerveillé, les avantages qui en découlent, et a peu à dire sur les
inconvénients possibles. Le présent texte ne fait pas exception. Pourtant, il est rare que
l'introduction d'une technologie nouvelle ne comporte pas un quelconque aspect négatif.
Notre analyse en a relevé quelques uns, qui accompagnent à l'occasion l'implantation ou
223
l'usage des TIC. Il y a d'abord les coûts d'implantation à considérer. Une petite entreprise peut
ordinairement se permettre les outils de base : ordinateur, quelques logiciels, courriel, etc.
Mais pour la technologie de pointe, les coûts d'achat, d'installation et de maintenance
technique peuvent être prohibitifs et l'accès réservé de facto aux firmes de taille assez
considérable. L'appropriation d'une nouvelle technique ou d'une technologie requiert de plus
un effort intellectuel qui peut être important et repose ordinairement sur d'autres compétences
acquises préalablement.
Il faut compter également sur un phénomène normal dans toutes les organisations: la
résistance au changement. Le changement n'est pas nécessairement bon partout; c'est
pourquoi il peut susciter de l'insécurité et de la résistance, non seulement chez les employés,
mais aussi chez les cadres, qui peuvent entrevoir le risque d'être dépossédés de leur utilité. Il
importe en conséquence de prendre le temps d'établir une stratégie adéquate. Parfois, quand le
fonctionnement de l'entreprise s'y prête, une expérience pilote peut être tentée.
Une entreprise existe dans un lieu physique, le territoire; les dirigeants et le personnel de cette
entreprise font partie d'une communauté, d'un groupe social. Notre analyse a fait ressortir
quelques constatations sur l'influence que pourrait avoir le territoire sur l'appropriation des
nouvelles technologies par l'entreprise; des constatations également sur l'effet social de
l'appropriation des TIC.
Sous tous les aspects considérés, notre étude montre que des différences significatives, autres
que celles relatives aux ressources et aux infrastructures, sont à peu près inexistantes entre les
territoires. Néanmoins la géographie demeure la même; un territoire périphérique va le
demeurer, mais il n'est pas de ce fait acculé à la stagnation. Nous avons vu plus haut dans
quelle direction certains aspects de la pratique entrepreneuriale pourraient être infléchis et
tonifiés. Les technologies numériques sont désormais l'atout majeur dont disposent les
territoires périphériques pour opérer leur rattrapage. Pour un nombre toujours plus grand de
fonctions: interventions, négociations d'affaires, besoins de tout genre, qui exigeaient naguère
temps et déplacement, les nouvelles technologies abolissent le temps et l'espace et accroissent
224
la productivité. En fait même les petites entreprises ont réussi à réduire l'écart qui les séparait
des grandes, quant aux technologies de base. Mais très souvent le manque de ressources
financières empêche d'aller plus loin.
L'influence croissance des TIC dans tous les domaines sollicite non seulement les acteurs de
développement, mais la société tout entière. Bien que notre étude n'ait pas eu pour but
d'évaluer l'effet social de la technologie numérique, il ne parait pas inopportun de s'attarder un
moment sur cette question. Une sorte de dialectique s'est établie quant à l'utilisation des outils
informatiques. Elle a fait évoluer la logique mercantile de la production et du profit, vers une
logique à contenu social, qui amène les utilisateurs à élargir leurs champs d'interaction et à
s'avancer dans des formes nouvelles de sociabilité.
Nées modestement dans des laboratoires de recherche, les TIC se sont étendues comme un
halo autour d'une brillante source lumineuse. En moins de quinze ans, elles sont devenues
indispensables à la science, au commerce, à l'industrie et à combien d'autres domaines. En
même temps, irréversiblement elles ont pénétré toutes les couches de la société et ont
influencé les pratiques individuelles et collectives. Les attitudes évoluent, de nouveaux
comportements apparaissent, indices de l'intégration des TIC à la vie quotidienne. Parmi la
multiplicité des usages, les plus voyants sont sans doute le courriel, le clavardage, la
225
navigation dans le cyberespace à la recherche de renseignements sur à peu près tous sujets
concevables.
Parce que le monde du travail est le plus directement touché, l'ordre social qui se met en place
tend à valoriser les métiers et les professions qui exigent un haut degré de savoir, conscient
que le savoir est source de progrès et de richesse. C'est ce que suggère notre analyse: plus les
acteurs recourent à un matériel informatique varié et à des logiciels astucieux, plus ils sont
habiles à exploiter des savoirs diversifiés et complexes.
Il semble que îe recours à une technologie nouvelle a sensiblement les mêmes effets partout;
il y a inévitablement un certain débordement technique et des retombées sociales qui se
concrétisent en applications inédites et en comportements nouveaux. Les interactions entre
acteurs et avec leur milieu, leur implication dans la vie communautaire, les invitent à mettre le
développement technique non seulement au service de leurs activités professionnelles et
sociales, mais aussi à en faire profiter la collectivité de façon ou d'autre. La technologie
contribue de la sorte à dessiner la matrice d'une régulation institutionnelle et donc sociale
toujours en construction.
En somme, l'appropriation des TIC ne profite pas qu'aux entreprises; la société peut
également en tirer avantage. Des liens de communication et d'interaction se tissent,
indépendants de la distance, que les moyens usuels n'auraient pas permis. C'est donc le
substrat d'une certaine identité territoriale, soutien de la singularité d'une communauté, qui
tend à s'agrandir. Il semble qu'une meilleure connaissance de l'Autre, de F Ailleurs, devrait
favoriser plus de collaboration et moins de confrontation. L'avenir montrera sans doute des
effets positifs de cette évolution et, il faut l'espérer, peu de conséquences indésirées.
S'il est juste de considérer que la maîtrise des outils informatiques est désormais indispensable
au succès d'une entreprise, la présente étude montre que cette acquisition est bien enclenchée.
Malgré l'inquiétude et les pertes, entraînées par l'effondrement de la bulle technologique qui
survenait au moment de la collecte de nos données, l'acquisition et l'usage des technologies de
l'information et de la communication ont paru grandissants, notamment dans deux domaines
226
vitaux de l'entreprise: la circulation de l'information et l'innovation technologique. Notre
étude montre que les TIC fournissent aux entreprises un apport important, particulièrement
pour certains usages. Elle révèle aussi des possibilités à explorer davantage.
Par rapport à l'usage des TIC, les entreprises cherchent surtout à se renseigner sur
l'appropriation des diverses composantes et sur les banques de données. L'information de
caractère général recherchée concerne principalement les nouveaux produits, la concurrence,
la technologie et la gestion. Quant aux moyens d'interaction servant à recevoir ou transmettre
l'information, les moyens classiques (notamment le téléphone et le télécopieur) continuent de
jouer un rôle important, en même temps que le courriel gagne du terrain, de même que les
rencontres personnelles.
Par ailleurs, la réunion du personnel, le tableau de nouvelles et le bulletin interne sont des
moyens de communication interne qui influencent toujours les pratiques entrepreneuriales. On
note avec intérêt toutefois ce que l'analyse a fait ressortir: les entreprises qui utilisent le
bulletin interne et l'Intranet comme moyens de communication s'approprient davantage les
outils informatiques.
Parmi les activités extérieures, les repas, les activités caritatives et les activités de
reconnaissance accaparent la plus grande partie des activités des dirigeants hors de leur milieu
de travail. Les occasions de repas sont, par nature, beaucoup plus fréquentes que, par
exemple, la tenue d'expositions. La participation à des réseaux d'entreprises ou inter-
organisationnels est un autre aspect, plus formel, de l'activité extérieure, qui semble favoriser
227
l'appropriation du matériel informatique et des logiciels. Les entreprises qui sont affiliées à un
réseau ont tendance à mieux s'approprier un plus grand nombre de logiciels.
Dans pratiquement toutes les entreprises, au moins les éléments de base des TIC sont
disponibles et utilisés, que ce soit les matériels ou les logiciels. Pour les entreprises qui ne
possèdent pas d'équipement très sophistiqué, il s'agit peut-être d'une question de coût ou que
leur type d'activité ne le requiert pas.
Sous plusieurs aspects les territoires périphériques ont du rattrapage à faire, et apparaissent
des avenues de développement qu'il y aurait lieu d'explorer attentivement. Chacun à leur
manière, les entrepreneurs et les pouvoirs publics auraient intérêt à s'y engager, si l'on veut
offrir à ces territoires des possibilités de progresser qui puissent se comparer avec celles des
territoires métropolitains,
Comme ce fut le cas pour les innovations du passé qui ont duré, celles d'aujourd'hui ne sont
pas adoptées inconsidérément. Elles doivent avoir une fonction clairement perceptible, que ce
soit pour le divertissement, le transport, le travail, etc. et améliorer ce qui existait déjà. Pour
l'acteur de développement, une nouvelle technologie s'imposera et sera adoptée si elle lui
parait avantageuse pour ses affaires, si le rapport coût-avantage s'annonce favorable et si, le
cas échéant, elle s'est avérée profitable ailleurs.
Dans les territoires étudiés, on utilise les TIC à des fins variées, mais de façon inégale. Les
acteurs pourraient les utiliser davantage et de façon plus profitable; l'appropriation de la
technologie numérique encourage la multiplication de ses applications et inversement les
applications favorisent l'appropriation.
Pour un pays, l'occupation du territoire est un impératif économique autant que politique, ce
qui exige des pouvoirs publics de tenir compte des changements, technologiques et autres,
qui tendent à déstabiliser les territoires périphériques et portent la population à quitter vers les
grands centres. Les entreprises des territoires métropolitains profitent de structures déjà en
place, qu'on entretient et améliore au besoin; le cadre social diversifié favorise la circulation
de l'information et l'interaction. Dans les territoires périphériques, les desiderata sont visibles
et perdurent; le seul sentiment d'appartenance ne saurait y satisfaire.
Dans chaque territoire il serait à propos de renforcer un cadre institutionnel qui aide les
acteurs à mieux s'informer, à profiter de l'information stratégique porteuse de productivité, à
rechercher la concertation. L'acteur isolé se prive d'appuis précieux, particulièrement du
soutien de ses pairs. C'est pourquoi l'affiliation à des réseaux devrait être vivement
encouragée. Il faudrait de plus convaincre les entreprises des avantages de l'usage du Web
pour le commerce électronique et comme vitrine pour leur production.
De nos contacts avec les dirigeants d'entreprise, nous avons acquis l'impression d'une
certaine méconnaissance des possibilités des TIC, non seulement chez certains gestionnaires,
mais aussi au sein des organismes ayant mandat de les aider. Des entrepreneurs se sont
230
équipés d'ordinateurs, d'imprimantes ou d'autres composantes, qu'on, trouve bien commodes
pour le traitement de texte, la comptabilité, éventuellement le courriel, sans chercher à
exploiter davantage les possibilités de F informatique. On est industrieux, débrouillard, mais il
arrive qu'on soit tellement appliqué à la gestion des problèmes quotidiens, que le temps qu'il
faudrait pour prendre du recul, étudier de meilleures façons de faire, innover, ne vient jamais.
Il faut aussi, bien sûr, pour tirer pleinement parti des outils informatiques, que l'infrastructure
technologique soit en place et que les ressources intellectuelles nécessaires soient disponibles.
Quant aux organismes d'aide à l'entreprise, des entrepreneurs sont d'avis que leur utilité, non
négligeable, pourrait s'accroître. Dans un territoire existent divers organismes d'aide, de
niveau local, provincial ou fédéral. On considère que trop souvent ces organismes ne
réussissent pas à dépasser leurs enjeux politico-administratifs; qu'ils pourraient se concentrer
moins sur le soutien technique et financier et davantage à l'étude des véritables besoins de
l'entreprise, sur leur rôle de décodeurs entre des sources d'information complexe et une
réceptivité inégale chez les entrepreneurs. On voudrait aussi que ces organismes se fassent
plus rassembleurs de façon à favoriser le réseautage. Bref, on souhaite que ces organismes se
"parlent" davantage, qu'ils se concertent, que les intervenants sortent plus souvent de leurs
bureaux pour aller sur le terrain rencontrer ceux qui font tourner la roue économique d'un
territoire. Idéalement, les chefs d'entreprises voudraient bien pouvoir s'adresser à un guichet
unique pour leurs besoins, car parmi des organismes aux vocations similaires, l'effort
nécessaire pour trouver le service approprié en rebute plusieurs. Pour nous, il parait
indispensable que ce guichet unique soit orienté vers la promotion des technologies de pointe.
Nos résultats montrent que l'on utilise les TIC pour diverses fins : entretenir des rapports
sociaux, s'informer, acheter, vendre, s'afficher, etc. Cet usage enrichit les dynamiques de la
vie d'une collectivité, métropolitaine ou périphérique, et ouvre de nouveaux horizons devant
les acteurs individuels et devant les territoires.
La tranjectoire est presque identique dans les territoires étudiés et cette similitude
s'expliquerait, selon notre analyse, par une aptitude semblable des acteurs à apprécier les
avantages des TIC et à les intégrer à leur savoir-faire. Cela a des conséquences significatives
231
sur les dynamiques économiques et sociales, tributaires de l'aptitude des acteurs et des
territoires à se doter des stratégies idoines de développement.
Cette classification montre que le matériel informatique, qui comprend les technologies
classiques (le téléphone, la télécopie) et les technologies de pointe (ordinateur, Internet, etc.),
se distingue par sa grande standardisation, les objets qui constituent ce matériel
n'encourageant pas une utilisation diversifiée. Bien que ce matériel ajoute de la valeur aux
différentes activités économiques et sociales, cette valeur dépend largement du contexte
économique et social ambiant, de l'héritage, mais aussi de la capacité des acteurs individuels
et collectifs à en profiter pour travailler à des initiatives innovantes. Comme le montre notre
analyse, un usage convenable du matériel informatique favorise l'exploitation
complémentaire des objets traditionnels et d'autres qui relèvent de la haute technologie. Cette
tendance est commune aux territoires étudiés. On ne trouve aucune différence significative
entre les territoires.
Il en va autrement pour les logiciels. Ils sont utilisés davantage en territoire métropolitain que
dans les territoires périphériques; c'est le cas principalement de l'Intranet. Cette situation peut
232
s'expliquer par la nature même des logiciels, qui servent à la réalisation de tâches d'origine
surtout urbaine : vente, achats, commerce, etc. Dans le contexte actuel, la conception et le
développement des logiciels se font au rythme des innovations dans les activités économiques
et sociales. Celles-ci étant plus denses en un milieu métropolitain, les logiciels varient
beaucoup et cette diversité restreint la standardisation des pratiques. Vu qu'ils sont
ordinairement conçus pour répondre à des besoins immédiats et bien précis, l'usage de ces
logiciels ajoute une valeur inestimable aux activités qu'ils intègrent et constituent ainsi des
ressources supplémentaires et puissantes pour qui sait s'en servir convenablement.
Notre analyse indique que l'informatisation des entreprises encourage le réseautage, qui
devient alors un instrument de mise en valeur collective des ressources dont disposent les
acteurs d'un territoire. Comme on peut voir au tableau qui précède, les circonstances, les
objectifs des acteurs amènent une grande diversité dans les réseaux, mais pour leurs
participants, tous offrent un potentiel de progrès qui peut être considérable.
Le tableau montre par ailleurs que l'instauration des TIC s'est accompagnée d'une faible
standardisation des configurations organisationnelles. En effet les PME s'approprient la
technologie chacune à sa façon et selon ses besoins; elles adoptent diverses stratégies dont les
effets dépendent de l'adéquation entre la structure adoptée pour l'organisation et les objectifs
poursuivis. Les TIC n'ajoutent donc de la valeur aux activités d'une PME que dans la mesure
où les solutions technologiques constituent une ressource supplémentaire. Bien encadrée,
cette ressource, et les changements organisationnels qu'elle induit, peut s'avérer de grande
valeur pour l'entrperise.
En définitive, c'est la société qui se trouve influencée par l'usage des TIC. Cette influence est
évidemment variable, comme l'indique notre tableau. Elle varie selon le moment, le milieu.
Elle peut être d'autant plus considérable que l'appropriation est mieux réussie et que des
effets favorables se font sentir sur les conditions de vie et de travail. On assiste donc à un
renouvellement des pratiques sociales, non seulement dans le monde des affaires, mais dans
tous les champs d'activité.
L'arrivée massive des TIC, et les changements dans la conjoncture qui l'accompagnent,
imposent l'exploration de nouveau repères sociaux, des adaptations individuelles et des
233
ajustements structurels, au regard de la diversité des horizons technologiques ouverts devant
les acteurs et les territoires. Cette diversité n'offre pas pour autant une démarche particulière
et uniforme à suivre. Les dynamiques économiques et sociales de développement d'un
territoire sont constamment confrontées à des contraintes de tous ordres. La généralisation du
savoir, des connaissances scientifiques et de l'information stratégique oppose les anciennes
pratiques aux exigences des structures qui s'universalisent. L'ouverture des territoires
périphériques sur un nouveau monde technologique engendre des perspectives nouvelles
devant les communautés qui veulent se prendre en charge, en fondant leurs initiatives de
développement sur des bases scientifiques.
****************
On considère généralement que la vitalité économique et sociale d'une région dépend avant
tout du dynamisme des entreprises qui s'y trouvent. Au cours de cette recherche, nous avons
examiné et tenté de jauger, selon certains critères, le dynamisme économique des entreprises
de quelques territoires du Québec. L'appropriation des TIC, les effets de la taille d'une
entreprise et son aptitude à intégrer l'économie d'information ont principalement orienté notre
réflexion. Et nous est apparue une conclusion que nous croyons importante: que vu sous
l'angle d'une économie d'information, l'écart entre le dynamisme d'un territoire périphérique
par rapport à celui d'une métropole tend à se rétrécir.
Il apparaît par ailleurs que si un écart persiste et continue de ralentir l'atteinte d'un
développement équilibré entre les régions, ce n'est pas que les entrepreneurs des territoires
périphériques soient incapables, timorés ou peu actifs. C'est plutôt que trop souvent
l'ambiance économique et sociale se trouve encore alourdie d'un héritage sociohistorique qui
n'encourage pas l'innovation. C'est le désintérêt chronique des pouvoirs publics, qui n'ont pas
vu, pour assurer l'occupation du territoire et son développement équilibré, la nécessité de
mettre en place les infrastructures matérielles et didactiques dont les populations éloignées
des grands centres rêvaient.
Ces dernières années, les entreprises des territoires périphériques ont acquis, grâce aux TIC,
une liberté de manœuvre que diverses contraintes rendaient naguère impossible et qui de ce
fait freinaient leur développement. L'assurance des entrepreneurs s'en trouve renforcée, de
234
Pour les entreprises implantées en territoire périphérique, qui doivent faire face aux mêmes
aléas que leurs semblables actives dans une métropole, l'adoption des outils technologiques
appropriés et leur implication dans l'économie d'information sont les meilleurs moyens
d'affronter la concurrence et de se faire une place dans le marché. Pour le territoire
périphérique, la prospérité des entreprises qui y sont installées est l'une des conditions, peut-
être la plus importante, de son rattrapage et de sa propre prospérité.
Il est par ailleurs éminemment souhaitable que les acteurs d'accompagnement s'impliquent
davantage en adaptant leurs interventions auprès des entreprises aux nouvelles façons de faire
introduites par l'usage des TIC. De plus des efforts importants doivent venir de la part des
pouvoirs publics. Il leur incombe de mettre en place les infrastructures nécessaires à l'entrée
des économies périphériques dans l'ère de l'information.
S'il est essentiel, pour le rattrapage des territoires périphériques, qu'un minimum de conditions
favorables soient réunies, il importe aussi, pour les chercheurs et les décideurs, qu'un
monitorage factuel de l'évolution de la situation et des facteurs de progrès soit possible.
L'étude des processus de développement et du rôle de l'innovation dans ces processus est à
l'origine de théories, de concepts, dont le "système d'innovation" est l'un des plus récents
avatars. Tour à tour sont apparus les systèmes: national, régional, puis spatial d'innovation,
qui ont été passés en revue au chapitre 4. Chacun de ces systèmes a ses avantages et son
utilité; chacun a été conceptualisé pour répondre à un besoin particulier à un moment donné.
S'il est vrai, comme nous sommes porté à le croire, que pour les territoires périphériques une
ère de développement s'annonce, portée par les TIC et une apparente prise de conscience par
les pouvoirs publics, le moment semble opportun pour la formulation d'un concept
correspondant davantage aux nouvelles possibilités de nos régions. C'est pourquoi nous
proposons une formule qui pourrait s'appeler "système périphérique d'action (ou
d'innovation)".
Conclusion
Le présent travail avait pour but d'étudier comment l'appropriation et l'usage des TIC dans
l'entreprise peuvent contribuer au développement régional. Selon notre analyse les TIC ne
semblent pas avoir d'effets structurants démontrés sur le développement régional. Mais
contrairement à l'historien, qui peut profiter d'un certain recul pour situer dans leur contexte et
juger des événements qu'il analyse, le chercheur qui veut cerner la contribution présente des
TIC au développement de l'économie d'un territoire se trouve devant un objet mouvant, dont
l'évolution rapide est inhérente à la nature même de la technologie considérée.
Le matériel informatique, les logiciels et les objets qu'on peut y greffer changent
constamment. Les connaissances et le savoir-faire qui servent à leur conception s'améliorent
et se transforment, créant des objets plus complexes et performants. Même le vocabulaire n'y
échappe pas et devient parfois source de confusion. Par exemple on utilise communément le
vocable 'téléphone', oubliant que ce moyen de communication peut dériver d'une technologie
autre que celle connue depuis un siècle. En effet la téléphonie IP (Internet Protocol),
association du téléphone et d'Internet, permet de transmettre la voix de la même façon qu'on
transporte les données. Le présent travail rapporte donc l'observation d'une situation à un
moment donné - et les enseignements qu'on peut en tirer — une sorte d'instantané plutôt
qu'une étude étalée dans le temps.
Ce travail concerne le développement régional et présente les résultats d'une étude réalisée
dans quatre MRC : Rivière-du-Loup, Manicouagan, Saguenay et la CUQ. Ces territoires ont
des vocations différentes; chacun a son propre parcours historique et social, et présente de
237
nettes caractéristiques géographiques, économiques, politiques et culturelles. Si la CUQ est à
la fois une métropole et une capitale où domine le secteur tertiaire, les MRC de Rivière-du-
Loup et de Manicouagan sont des territoires périphériques, où divers obstacles freinent le
développement. On peut considérer le territoire de Saguenay comme étant dans une situation
intermédiaire entre les deux premières catégories. Le secteur secondaire prédomine dans ces
trois derniers territoires.
L'étude avait pour objet de connaître la pénétration des TIC dans les entreprises de ces
territoires: appropriation, usage, effets, et d'établir des comparaisons entre les territoires. Afin
de connaître l'état des connaissances sur notre sujet de recherche, nous avons consulté une
abondante littérature, tant nord-américaine qu'européenne. Cette revue nous a fait constater
une nette évolution, depuis quelques décennies, dans la façon d'appréhender le développement
régional; des opinions convergentes souvent, mais aussi divergentes, parmi les chercheurs.
Cet exercice nous a mené à formuler notre hypothèse relativement aux facteurs qui favorisent
l'appropriation des TIC par les entreprises; l'usage qu'en font les entreprises pour la
communication, l'information et la gestion; l'usage d'Internet et le commerce électronique;
l'influence de la taille d'une firme sur l'utilisation des TIC et l'innovation, etc.
Comme le montrent les données descriptives, les territoires étudiés diffèrent sous plusieurs
aspects: caractère urbain ou semi-rural, nombre d'entreprises, secteur principal d'emploi, etc.
Les résultats de notre enquête dégagent cependant des tendances intéressantes chez les
entreprises qui s'y trouvent: la modernité n'inquiète pas outre mesure et le changement
technologique correspond généralement davantage aux besoins qu'à des contraintes de
distance.
L'appropriation de la nouvelle technologie est estimée à l'aide des indicateurs suivants: l'usage
de matériel informatique et de logiciels, le branchement et l'utilisation de l'Internet et du Web,
et le soutien extérieur.
Dans le cas du matériel informatique, pratiquement toutes les entreprises de notre échantillon
utilisent le télécopieur, l'ordinateur et l'imprimante. D'autres composantes plus spécialisées,
telles que les robots, les lecteurs optiques, sont beaucoup moins présentes. Toutes les
238
entreprises qui possèdent des ordinateurs possèdent au moins les logiciels de base: traitement
de texte, comptabilité, etc. D'autres types de logiciels, bien que moins souvent mentionnés,
parce que adaptés à des usages particuliers, sont aussi utilisés pour bases de données, gestion
d'inventaire, gestion du personnel. Au moment de l'enquête, plus de la moitié des entreprises
de l'échantillon étaient branchées à Internet depuis plus de deux ans.
On utilise l'Internet à des fins très variées, en premier lieu pour le courriel. Viennent ensuite
l'acquisition de données stratégiques, les liaisons avec les fournisseurs, le repérage de
nouveaux contacts, l'offre de produits et services, les sites vitrines, la communication interne,
etc. C'est dans la région de Québec que l'Internet est le plus utilisé, par exemple pour la prise
de commandes et l'ouverture sur le monde.
Le commerce électronique est assez peu développé. Seulement 32 % des entreprises utilisent
le Web pour faire des achats, la région de Québec arrivant en tête, suivie de Saguenay. Dans
la plupart des entreprises, on est conscient que la Toile offre des possibilités qu'on pourrait
exploiter bien davantage.
Pour s'adapter au changement technologique, les entreprises doivent assez souvent avoir
recours à des compétences extérieures. Ce sont les conseillers et fournisseurs de matériels et
de logiciels, dont les services sont le plus souvent requis par la majorité des firmes. Viennent
ensuite les fournisseurs d'accès à Internet, les webmestres et les conseillers en
communication.
Les sources d'information sont diversifiées. En général, les sources plus souvent utilisées sont
les clients, les contacts personnels et les fournisseurs, les journaux et revues spécialisés. Les
centres de recherche, les universités, les sociétés de développement et les services fédéraux
sont rarement consultés.
Parmi les moyens d'interaction utilisés pour émettre ou recevoir l'information stratégique, le
téléphone occupe la première place, suivi du télécopieur et du courriel. Par ailleurs les
rencontres à l'extérieur de l'entreprise se font le plus souvent à l'occasion de repas, d'activités
caritatives ou d'événements spéciaux.
239
L'information recherchée est diversifiée. Elle concerne le plus souvent les nouveaux produits,
la concurrence, les technologies et la gestion. Plus du tiers des entreprises ne semblent pas
tenter de se renseigner sur les questions de sécurité, et autour de 20 % sur les questions
scientifiques ou juridiques.
Pour leurs communications internes, les entreprises tablent essentiellement sur quatre
systèmes. La réunion du personnel est de loin le moyen le plus courant. Suivent le tableau de
nouvelles et le bulletin interne et d'intranet. Il y a lieu de noter qu'une entreprise peut utiliser à
la fois plus d'un système et que les moyens choisis dépendent en bonne partie de sa taille.
On note aussi que l'usage du Web influe sur l'appropriation de l'informatique; que cette
influence est particulièrement visible quand il s'agit de l'acquisition de données, de
communication interne ou de gestion.
Intuitivement, on présume que les activités extérieures, telles que les repas, les événements
spéciaux, sont globalement bénéfiques pour l'entreprise. Pour ce qui est de l'appropriation et
de l'usage des TIC toutefois, ces activités n'ont pas de signification statistique. De même
l'affiliation à un réseau semble avoir moins d'effet que prévu; elle favorise cependant
l'appropriation des logiciels.
240
La taille d'une entreprise n'a pas d'effets très marquants sur son mode de fonctionnement; peu
de différences attribuables à la taille sont significatives. On note que plus ie nombre
d'employés est important, moins la firme tend à diversifier ses sources d'information; mais
que les moyens d'interaction (activités de face à face, de la place publique) y sont plus
utilisés.
Une entreprise qui a plus d'une place d'affaires emploie moins le téléphone et le télécopieur,
mais davantage l'Intranet. Quant aux moyens de communication interne, des variables telles
que le bulletin interne, le tableau de nouvelles, les réunions du personnel, lorsque reliées à la
taille de l'entreprise, ne sont pas significatives.
Les données brutes de notre étude montrent certains écarts entre les quatre territoires, quant à
diverses variables considérées, par exemple l'appropriation et l'usage d'un équipement
informatique, le branchement à l'Internet, etc.
L'ensemble de nos données trace un portrait nuancé des PME de quatre territoires et laisse
entrevoir l'importance socio-économique qu'y occupent ces entreprises. Si une idée maîtresse
se dégage de notre étude, c'est sans doute l'emprise des TIC dans l'activité économique
contemporaine. Nous avons souligné certains aspects très positifs, mais relevé aussi un retard
assez généralisé quant à l'usage optimal des possibilités de l'informatisation. Nous avons noté
dans plusieurs cas la lenteur de l'appropriation des outils informatiques et l'usage relativement
faible qu'on en fait. On ne semble pas se rendre suffisamment compte que les technologies
nouvelles touchent désormais tous les aspects de la vie d'une entreprise; que les gains de
productivité et la résistance à la concurrence en dépendent.
De façon générale, les entreprises auraient avantage à diversifier leurs sources d'information.
Les collèges, les universités, les centres de recherche, sont des sources de savoir et
d'innovation qu'on consulte trop peu. Les réseaux inter-organisationnels, les réseaux
d'affaires, offrent des occasions de partage d'expérience et de savoir, et des lieux de
concertation; une participation plus active et soutenue à ces organisations parait hautement
souhaitable. Dans la plupart des entreprises, on ne semble pas se préoccuper suffisamment de
sécurité: des données, des procédés, etc. De plus, les questions d'ordre scientifique et
juridique ne suscitent pas beaucoup d'intérêt.
241
Particulièrement dans les régions périphériques, il semble plus efficace de s'approprier une
nouvelle technologie qui intègre en même temps les objets existants, plutôt que de s'en défaire
d'un coup par un changement radical. Il n'y a pas lieu de chercher à remplacer les savoir-faire
propres aux territoires périphériques, mais plutôt de les adapter aux exigences des nouvelles
conjonctures, en misant sur les attitudes des acteurs et sur leur capacité à maintenir vivantes
les normes et valeurs sociales propres à leur parcours socioculturel.
L'usage des TIC s'avère désormais indispensable au développement des régions, mais il ne
s'accompagnera pas nécessairement de l'élimination de toute disparité entre territoires
métropolitains et périphériques. L'objectif serait plutôt de permettre aux entreprises des
territoires excentriques un rattrapage technologique satisfaisant, et aux régions, un
développement économique et social qui assure aux populations un cadre de vie qui leur
convienne et les incite à vouloir continuer à y habiter. À cet égard, une action des pouvoirs
publics mieux coordonnée et plus soutenue s'avère indispensable.
ie
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