Liste EAF 1ère 6 Complète

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Épreuve orale anticipée de français

Session 2024

Récapitulatif

Année scolaire 2023-2024

Lycée Groupe Scolaire La Résidence – Ville CASABLANCA

Nom et prénom du candidat : …………………………………………………………..

Voie et Classe : Premières 6


____sss6s66…………………………………………

1
Mention particulière à l’attention de l’examinateur

2
PREMIERE PARTIE DE L’ÉPREUVE ORALE : EXPOSÉ SUR UN DES TEXTES DU RÉCAPITULATIF

Objet d’étude : La poésie du XIXe siècle au XXIe siècle


Œuvre intégrale : Les Cahiers de Douai (poésies),Arthur Rimbaud, 1870
Parcours associé : Emancipations créatrices

Textes ou passages travaillés dans l’œuvre intégrale Textes ou passages travaillés dans le cadre du parcours associé à
l’étude de l’œuvre intégrale

Texte 1 : Le Dormeur du Val


Texte 2 : Vénus Anadyomène Texte 3 : Le Cageot, Francis Ponge, Le Parti pris des choses, 1942
Texte 4 : Début de « Zone », Apollinaire, Alcools, 1913

Objet d’étude : La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle


Œuvre intégrale : Gargantua, François Rabelais, 1534
Parcours associé : Rire et savoir

Textes ou passages travaillés dans l’œuvre intégrale Textes ou passages travaillés dans le cadre du parcours associé à
l’étude de l’œuvre intégrale
Texte 1 : La naissance de Gargantua, chapitre IV, de « cet obstacle » à « par Texte 4 : Fables, La Fontaine, 1679, livre VII, fable 9, La Laitière et le pot au lait
l’oreille ».

Texte 2 : Le discours d’Eudémon, chapitre XV, de « Alors Eudémon » à « en ce


temps-ci ».

Texte 3 : Le conseil de Picrochole, chapitre XXXIII, du début à « je ne lui baiserai


pas la pantoufle ».

3
Objet d’étude : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle
Œuvre intégrale : Abbé Prévost, Manon Lescaut, 1731
Parcours associé : personnages en marge, plaisirs romanesques

Textes ou passages travaillés dans l’œuvre intégrale Textes ou passages travaillés dans le cadre du parcours associé à
l’étude de l’œuvre intégrale

Texte 1 : La rencontre Des Grieux, Manon de « J'avais marqué le temps de mon


départ d'Amiens […] à […] qui a causé dans la suite tous ses malheurs et les Texte 3 : Les Liaisons dangereuses, Cholderlos de Laclos, 1782, Lettre 81
miens. » (extrait), de « Mais moi, qu’ai-je de commun avec ces femmes inconsidérées ?[…]
à […] cette puissance dont je vous ai vu quelquefois si étonné. »
Texte 2 : la lettre de Manon à Des Grieux, de « Enfin, n’étant
plus le maître de mon inquiétude […] à […] Heureux, s’il n’y fût Texte 4 : Aragon, Aurélien, 1944, la rencontre avec Bérénice, de « La première
pas entré encore plus d’amour! » fois qu’Aurélien vit Bérénice […] à […] errant dans Césarée. »

Objet d’étude : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle


Œuvre intégrale : Jean Luc Lagarce, Juste la fin du monde, 1990
Parcours associé : Crise personnelle, crise familiale.

Textes ou passages travaillés dans l’œuvre intégrale Textes ou passages travaillés dans le cadre du parcours associé à
l’étude de l’œuvre intégrale

Texte 1 : Le prologue, du début à « ma mort prochaine et irrémédiable […] » Texte 4 : L’aveu de Phèdre, Phèdre, Racine, 1677, Acte I scène 3, vers 269 à 290,
Texte 2 : Première partie, scène 8, du début à « ne voulant plus en démordre. » de « Mon mal vient de plus loin […] à […] dans les traits de son père. »
Texte 3 : « Les lettres elliptiques », première partie, scène 3 de « Parfois tu nous
envoyais des lettres […] C’est pour les autres ».

4
SECONDE PARTIE DE L’ÉPREUVE ORALE : PRÉSENTATION DE L’ŒUVRE CHOISIE PAR LE CANDIDAT PARMI CELLES QUI ONT ÉTÉ ÉTUDIÉES EN
CLASSE OU PROPOSÉES PAR L’ENSEIGNANT AU TITRE DES LECTURES CURSIVES OBLIGATOIRES, ET ENTRETIEN AVEC L’EXAMINATEUR

Liste des œuvres lues en lecture cursive :

Objets d’étude Œuvres lues en lecture cursive

La poésie du XIXe siècleau


Francis Ponge, Le Parti pris des choses, 1942
XXIe siècle
Abdellatif Laâbi, L’Arbre à poèmes, Anthologie personnelle, 1992-2012

La littérature d’idées du XVIe Candide, Voltaire, 1759


siècle au XVIIIe siècle

Le roman et le récit du La Princesse de Clèves, Madame de La Fayette, 1678.


Moyen Âge au XXIe siècle

Le théâtre du XVIIe siècle -Jean Racine, Britannicus.


-Wajdi Mouawad, Incendies
au XXIe siècle
-Eric Emmanuel Schmitt, La Nuit de Valognes

Œuvre choisie par le candidat :

NB. Ce cadre n’est rempli par le candidat que sur sa version personnelle du récapitulatif qu’il apporte à l’examen.

Signature du professeur Cachet de l’établissement

5
Le théâtre du XVIIe au XXIe : crise personnelle, crise familiale

Juste la fin du monde, Jean Luc Lagarce, 1990

Extrait 1 : Prologue
LOUIS. – Plus tard‚ l’année d’après
– j’allais mourir à mon tour –
j’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que je mourrai‚
l’année d’après‚
de nombreux mois déjà que j’attendais à ne rien faire‚ à tricher‚ à ne plus savoir‚
de nombreux mois que j’attendais d’en avoir fini‚
l’année d’après‚
comme on ose bouger parfois‚
à peine‚
devant un danger extrême‚ imperceptiblement‚ sans vouloir faire de bruit ou commettre un
geste trop violent qui réveillerait l’ennemi et vous détruirait aussitôt‚
l’année d’après‚
malgré tout‚
la peur‚
prenant ce risque et sans espoir jamais de survivre‚
malgré tout‚
l’année d’après‚
je décidai de retourner les voir‚ revenir sur mes pas‚ aller sur mes traces et faire le voyage‚ pour
annoncer‚ lentement‚ avec soin‚ avec soin et précision
– ce que je crois –
lentement‚ calmement‚ d’une manière posée
– et n’ai-je pas toujours été pour les autres et eux‚ tout précisément‚ n’ai-je pas toujours été un
homme posé ?‚
pour annoncer‚
dire‚
seulement dire‚
ma mort prochaine et irrémédiable‚ […]

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Le théâtre du XVIIe au XXIe : crise personnelle, crise familiale

Juste la fin du monde, Jean Luc Lagarce, 1990

Extrait 2 : Monologue de Suzanne : les cartes postales elliptiques (extrait)

[…] Parfois‚ tu nous envoyais des lettres‚


parfois tu nous envoies des lettres‚
ce ne sont pas des lettres‚ qu’est-ce que c’est ?
de petits mots‚ juste des petits mots‚ une ou deux phrases‚
rien‚ comment est-ce qu’on dit ?
elliptiques.
« Parfois‚ tu nous envoyais des lettres elliptiques. »
Je pensais‚ lorsque tu es parti
(ce que j’ai pensé lorsque tu es parti)‚
lorsque j’étais enfant et lorsque tu nous as faussé compagnie
(là que ça commence)‚
je pensais que ton métier‚ ce que tu faisais ou allais faire dans la vie‚
ce que tu souhaitais faire dans la vie‚
je pensais que ton métier était d’écrire (serait d’écrire)
ou que‚ de toute façon
– et nous éprouvons les uns et les autres‚ ici‚ tu le sais‚ tu ne peux pas ne pas le savoir‚ une certaine
forme d’admiration‚ c’est le terme exact‚ une certaine forme de l’admiration pour toi à cause de ça –‚
ou que‚ de toute façon‚
si tu en avais la nécessité‚
si tu en éprouvais la nécessité‚
si tu en avais‚ soudain‚ l’obligation ou le désir‚ tu saurais écrire‚
te servir de ça pour te sortir d’un mauvais pas ou avancer plus encore.
Mais jamais‚ nous concernant‚
jamais tu ne te sers de cette possibilité‚ de ce don (on dit comme ça‚ c’est une sorte de don‚ je crois‚ tu
ris)
jamais‚ nous concernant‚ tu ne te sers de cette qualité
– c’est le mot et un drôle de mot puisqu’il s’agit de toi –
jamais tu ne te sers de cette qualité que tu possèdes‚ avec nous‚ pour nous.
Tu ne nous en donnes pas la preuve‚ tu ne nous en juges pas dignes.
C’est pour les autres. […]

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Le théâtre du XVIIe au XXIe : crise personnelle, crise familiale

Juste la fin du monde, Jean Luc Lagarce, 1990

Extrait 3 : intervention de La Mère, Première partie, scène 8

LA MERE. ─ Cela ne me regarde pas,


je me mêle souvent de ce qui ne me regarde pas, je ne change pas, j’ai toujours été ainsi.
Ils veulent te parler, tout ça,
je les ai entendus
mais aussi je les connais,
je sais,
comment est-ce que je ne saurais pas ?
Je n’aurais pas entendu, je pourrais plus simplement encore deviner,
je devinerais de moi-même, cela reviendrait au même.
Ils veulent te parler,
ils ont su que tu revenais et ils ont pensé qu’ils pourraient
te parler,
un certain nombre de choses à te dire depuis longtemps et
la possibilité enfin.
Ils voudront t’expliquer mais ils t’expliqueront mal,
car ils ne te connaissent pas, ou mal.
Suzanne ne sait pas qui tu es,
ce n’est pas connaître, cela, c’est imaginer,
toujours elle imagine et ne sait rien de la réalité,
et lui, Antoine,
Antoine, c’est différent,
il te connaît mais à sa manière comme tout et tout le monde,
comme il connaît chaque chose ou comme il veut la
connaître,
s’en faisant une idée et ne voulant plus en démordre. […]

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Le théâtre du XVIIe au XXIe : crise personnelle, crise familiale

Extrait 4 : l’aveu de Phèdre, Phèdre, Racine, 1677, Acte I scène 3, vers 269 à 290

PHÈDRE

Mon mal vient de plus loin. A peine au fils d'Egée

Sous ses lois de l'hymen je m'étais engagée,

Mon repos, mon bonheur semblait être affermi ;

Athènes me montra mon superbe ennemi :

Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;

Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue ;

Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;

Je sentis tout mon corps et transir et brûler ;

Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,

D'un sang qu'elle poursuit, tourments inévitables.

Par des vœux assidus je crus les détourner :

Je lui bâtis un temple, et pris soin de l'orner ;

De victimes moi-même à toute heure entourée,

Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée :

D'un incurable amour remèdes impuissants !

En vain sur les autels ma main brûlait l'encens :

Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,

J'adorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse,

Même au pied des autels que je faisais fumer,

J'offrais tout à ce dieu que je n'osais nommer.

Je l'évitais partout. O comble de misère !

Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.

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La littérature d’idées et la presse du 16e siècle au 18e siècle : parcours associé “rire et
savoir”.

Rabelais, Gargantua

Texte 1 : La naissance de Gargantua, chapitre IV, de « cet obstacle » à « par l’oreille ».

Cet obstacle fit se relâcher, au-dessus, les cotylédons de la matrice, par où l’enfant
jaillit, entra dans la veine cave et, grimpant par le diaphragme jusqu’au-dessus des
épaules, ou ladite veine se sépare en deux, prit le chemin de gauche et sortit par
l’oreille gauche.
Dès qu’il fut né, il ne cria pas comme les autres enfants : « Mi! Mi! Mi! » Mais il clamait à
pleine voix : « À boire ! à boire ! à boire ! », Comme s’il invitait tout le monde à boire.
Je me doute que vous ne croyez pas vraiment à cette étrange naissance. Si vous n’y
croyez pas, je ne m’en soucie pas ; mais un homme de bien, un homme de bon sens, croit
toujours ce qu’on lui dit et ce qu’il trouve écrit. Salomon ne dit-il pas, au chapitre 14 des
Proverbes : « l’innocent croit toute parole », etc. ; Et Saint-Paul, dans la Première au
Corinthiens, 13 : « la Charité croit tout» ? Pourquoi ne le croiriez-vous pas ? Parce que
(dites-vous) ça ne se voit jamais. Et moi je vous dis que, justement pour cela, vous devez
y ajouter totalement foi. Car les Sorbonistes disent que la foi permet de croire les
choses qu’on n’a jamais vues. Est-ce contre notre loi, notre foi, contre la raison, contre
la Sainte Écriture ? Pour ma part, je ne trouve rien dans la Sainte Bible qui s’y oppose.
Et si la volonté de Dieu était telle, diriez-vous qu’il n’aurait pu le faire ? Ha, de grâce,
ne vous emberlificotez pas l’esprit de ces vaines pensées. Car je vous dis qu’à Dieu rien
n’est impossible et, s’il le voulait, les femmes auraient dorénavant ainsi leurs enfants par
l’oreille.

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Page 9
La littérature d’idées et la presse du 16e siècle au 18e siècle : parcours associé “rire et
savoir”.

Rabelais, Gargantua

Texte 2 Le discours d’Eudémon, chapitre 15, de « Alors Eudémon » à « en ce temps-ci ».

Alors Eudémon, après avoir demandé la permission au vice-roi son maître, bien
droit sur ses jambes, le bonnet à la main, le visage avenant, la bouche vermeille, les
yeux assurés et le regard posé sur Gargantua avec une modestie juvénile,
commença à le louer et le glorifier : d’abord pour sa vertu et ses bonnes mœurs,
5 puis pour son savoir, troisièmement pour sa noblesse, quatrièmement pour sa
beauté physique ; cinquièmement il l’exhortait doucement à vénérer son père en
toute obéissance, lui qui prenait tellement soin de le faire bien instruire ; et enfin
il le priait de bien vouloir le tenir pour le plus humble de ses serviteurs. Car il ne
demandait pour l’heure rien d’autre au ciel que la grâce de lui être agréable par ses
10 services.

Et le tout fut dit avec des gestes si bien appropriés, d’une expression si claire,
d’une voix si éloquente et d’un langage si bien orné et de si bon latin qu’on eût dit
plutôt un Gracchus, un Cicéron ou un Emilius du temps jadis qu’un jouvenceau de
notre siècle.

15 Mais pour toute réponse, Gargantua se mit à pleurer comme une vache en se
cachant le visage de son bonnet. Et on ne put pas plus lui tirer un mot qu’un pet d’un
âne mort.

Son père s’en irrita si fort qu’il voulait occire Maître Jobelin. Des marais l’en
dissuada par de beaux arguments, de sorte qu’il s’apaisa. Il ordonna qu’on payât ses
20 gages au précepteur, qu’on le fit bien biberonner théologalement et qu’après il allât
à tous les diables.

« Au moins, disait-il, pour aujourd’hui il ne coûtera guère à son hôte, si d’aventure


il meurt ainsi, saoul comme un Anglais. »

Maître Jobelin parti, Grandgousier se concerta avec le vice-roi sur le choix du


25 précepteur qu’on pourrait donner à Gargantua ; ils décidèrent que cet office serait
confié à Ponocrates, professeur d’Eudémon, et que tous ensemble iraient à Paris,
pour saisir quel était l’enseignement des jeunes gens de France en ce temps-ci.

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La littérature d’idées et la presse du 16e siècle au 18e siècle : parcours associé “rire et
savoir”.

Rabelais, Gargantua

Texte 3 : Le conseil de Picrochole, chapitre XXXIII du début à “je ne lui baiserai pas la
pantoufle”.

Les fouaces ainsi pillées, le duc de Menuail, le comte Spadassin et le capitaine Merdaille
comparurent devant Picrochole et lui dirent :
« Sire, aujourd’hui nous allons faire de vous le prince le plus heureux et le plus
chevaleresque qui ait jamais existé depuis la mort d’Alexandre de Macédoine. Voici
comment :
« Vous laisserez ici quelque capitaine en garnison avec une petite troupe de gens pour
garder la place, qui nous semble assez forte tant par son site naturel que par les remparts
faits selon vos plans.
Votre armée, vous la séparerez en deux, comme vous le comprenez bien. Une partie se
précipitera sur ce Grandgousier et ses gens. Il en sera facilement déconfit au premier
assaut. Là vous trouverez de l’argent à foison. L’autre partie, pendant ce temps, se
dirigera vers l’Aunis, la Saintonge, l’Angoumois et la Gascogne, et aussi le Périgord, le
Médoc et les Landes. Sans résistance ils prendront villes, châteaux et forteresses. À
Bayonne, Saint-Jean-de-Luz et Fontarabie, vous saisirez tous les navires, et, longeant la
Galice et le Portugal, vous pillerez toutes les côtes jusqu’à Lisbonne, où vous trouverez
tous les renforts d’équipage nécessaire à un conquérant. Corbleu, l’Espagne se rendra, car
ce ne sont que des lourdauds ! Vous passerez le détroit de Gibraltar, et là vous érigerez
deux colonnes plus magnifiques que celles d’Hercule, pour perpétuer à jamais votre
mémoire. Et on nommera ce détroit la mer Picrocholine. Passé la mer Picrocholine, voici
Barberousse, qui se reconnaît votre esclave…
–Je lui ferai grâce, dit Picrochole.
–Sans doute, dirent-ils, pourvu qu’il se fasse baptiser.
« Et vous attaquerez le royaume de Tunis, d’Hippone, bref toute la Barbarie. En
poursuivant votre route, vous vous saisirez de Majorque, Minorque, la Sardaigne, laCorse
et des autres îles de la mer Ligurienne et Baléare. Longeant la côte à main gauche, vous
dominerez toute la Narbonnaise, la Provence et les Allobroges, Gênes, Florence, Lucques,
et adieu Rome ! Le pauvre Monsieur le Pape meurt déjà de peur…
–Par ma foi, dit Picrochole, je ne lui baiserai pas la pantoufle.

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La littérature d’idées et la presse du Perrette là-dessus saute aussi, transportée.
Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon,
XVIe siècle au XVIIe siècle : parcours
couvée ;
associé “rire et savoir ». La Dame de ces biens, quittant d’un œil marri
Texte 4 : LA LAITIÈRE ET LE POT Sa fortune ainsi répandue,
Va s’excuser à son mari
AU LAIT, Jean de La Fontaine,
En grand danger d’être battue.
Fables, Livre VII, fable 9 Le récit en farce (4) en fut fait ;
On l’appela le Pot au lait.
Perrette, sur sa tête ayant un Pot au lait
Bien posé sur un coussinet, Quel esprit ne bat la campagne ?
Prétendait arriver sans encombre à la ville. Qui ne fait châteaux en Espagne ?
Légère et court vêtue elle allait à grands pas ; Picrochole, Pyrrhus (5), la Laitière, enfin tous,
Ayant mis ce jour-là pour être plus agile Autant les sages que les fous ?
Cotillon (1) simple, et souliers plats. Chacun songe en veillant, il n’est rien de plus
Notre Laitière ainsi troussée doux :
Comptait déjà dans sa pensée Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes :
Tout le prix de son lait, en employait l’argent, Tout le bien du monde est à nous,
Achetait un cent d’ œufs, faisait triple couvée ; Tous les honneurs, toutes les femmes.
La chose allait à bien par son soin diligent.(2) Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi
Il m’est, disait-elle, facile ;
D’élever des poulets autour de ma maison : Je m’écarte (6), je vais détrôner le Sophi (7) ;
Le Renard sera bien habile, On m’élit Roi, mon peuple m’aime;
S’il ne m’en laisse assez pour avoir un cochon. Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant :
Le porc à s’engraisser coûtera peu de son ; Quelque accident fait-il que je rentre en moi-
Il était quand je l’eus de grosseur raisonnable ; même ;
J’aurai le revendant de l’argent bel et bon ;
Et qui m’empêchera de mettre en notre étable, Je suis gros Jean (8) comme devant.
Vu le prix dont il (3) est, une vache et son
veau,
Que je verrai sauter au milieu du troupeau ?

(1) petite jupe ou cotte de dessous


(2) méticuleux
(3) le prix que représente le porc
(4) comédie populaire ; cette farce n'a sans doute jamais été écrite...
(5) ils avaient rêvé de conquérir le monde entier
(6) je m'éloigne
(7) titre donné au roi de Perse (le chah ou shah) (8) Nom propre que le peuple a mis en usage dans la
langue, en le joignant abusivement à plusieurs mots injurieux (Furetière)

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Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle : personnages en marge, plaisirs romanesques

Texte 1 :
J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens. Hélas ! que ne le marquais-je
un jour plus tôt ! j'aurais porté chez mon père toute mon innocence. La veille
même de celui que je devais quitter cette ville, étant à me promener avec mon
ami, qui s'appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d'Arras, et nous le
suivîmes jusqu'à l'hôtellerie où ces voitures descendent. Nous n'avions pas
d'autre motif que la curiosité. Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent
aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui s'arrêta seule dans la cour, pendant
qu'un homme d'un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur,
s'empressait pour faire tirer son équipage des paniers. Elle me parut si
charmante que moi, qui n'avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé
une fille avec un peu d'attention, moi, dis-je, dont tout le monde admirait la
sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d'un coup jusqu'au transport.
J'avais le défaut d'être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais loin
d'être arrêté alors par cette faiblesse, je m'avançai vers la maîtresse de mon
cœur. Quoiqu'elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans
paraître embarrassée. Je lui demandai ce qui l'amenait à Amiens et si elle y avait
quelques personnes de connaissance. Elle me répondit ingénument qu'elle y était
envoyée par ses parents pour être religieuse. L'amour me rendait déjà si éclairé,
depuis un moment qu'il était dans mon cœur, que je regardai ce dessein comme un
coup mortel pour mes désirs. Je lui parlai d'une manière qui lui fit comprendre
mes sentiments, car elle était bien plus expérimentée que moi. C'était malgré elle
qu'on l'envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui
s'était déjà déclaré et qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens.

Extrait de la première partie de Manon Lescaut - L'abbé Prévost

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Page 13
Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle : personnages en marge, plaisirs romanesques

Texte 2 :

Enfin, n'étant plus le maître de mon inquiétude, je me promenai à grands pas


dans nos appartements. J'aperçus, dans celui de Manon, une lettre cachetée qui
était sur sa table. L'adresse était à moi, et l'écriture de sa main. Je l'ouvris avec
un frisson mortel ; elle était dans ces termes :

Je te jure, mon cher Chevalier, que tu es l'idole de mon cœur, et qu'il n'y a que
toi au monde que je puisse aimer de la façon dont je t'aime ; mais ne vois-tu pas,
ma pauvre chère âme, que, dans l'état où nous sommes réduits, c'est une sotte
vertu que la fidélité ? Crois-tu qu'on puisse être bien tendre lorsqu'on manque de
pain ? La faim me causerait quelque méprise fatale ; je rendrais quelque jour le
dernier soupir, en croyant en pousser un d'amour. Je t'adore, compte là-dessus ;
mais laisse-moi, pour quelque temps, le ménagement de notre fortune. Malheur à
qui va tomber dans mes filets ! Je travaille pour rendre mon Chevalier riche et
heureux. Mon frère de te quitter.

Je demeurai, après cette lecture, dans un état qui me serait difficile à décrire
car j'ignore encore aujourd'hui par quelle espèce de sentiments je fus alors
agité. Ce fut une de ces situations uniques auxquelles on n'a rien éprouvé qui soit
semblable. On ne saurait les expliquer aux autres, parce qu'ils n'en ont pas
l'idée ; et l'on a peine à se les bien démêler à soi-même, parce qu'étant seules de
leur espèce, cela ne se lie à rien t'apprendra des nouvelles de ta Manon, et
qu'elle a pleuré de la nécessité dans la mémoire, et ne peut même être rapproché
d'aucun sentiment connu. Cependant, de quelque nature que fussent les miens, il
est certain qu'il devait y entrer de la douleur, du dépit, de la jalousie et de la
honte. Heureux s'il n'y fût pas entré encore plus d'amour !

Extrait de la première partie de Manon Lescaut - L'abbé Prévost

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Page 14
Texte 3 : Les Liaisons dangereuses, Cholderlos de Laclos, 1782, Lettre 81
(extrait)

Mais moi, qu’ai-je de commun avec ces femmes inconsidérées ? Quand


m’avez-vous vue m’écarter des règles que je me suis prescrites, et manquer à
mes principes ? je dis mes principes, et je le dis à dessein : car ils ne sont pas,
comme ceux des autres femmes, donnés au hasard, reçus sans examen et suivis
par habitude ; ils sont le fruit de mes profondes réflexions ; je les ai créés, et je
puis dire que je suis mon ouvrage.

Entrée dans le monde dans le temps où, fille encore, j’étais vouée par état
au silence et à l’inaction, j’ai su en profiter pour observer et réfléchir. Tandis
qu’on me croyait étourdie ou distraite, écoutant peu à la vérité les discours qu’on
s’empressait de me tenir, je recueillais avec soin ceux qu’on cherchait à me
cacher.

Cette utile curiosité, en servant à m’instruire, m’apprit encore à


dissimuler ; forcée souvent de cacher les objets de mon attention aux yeux qui
m’entouraient, j’essayai de guider les miens à mon gré : j’obtins dès lors de
prendre à volonté ce regard distrait que vous avez loué si souvent. Encouragée
par ce premier succès, je tâchai de régler de même les divers mouvements de ma
figure. Ressentais-je quelque chagrin, je m’étudiais à prendre l’air de la sérénité,
même celui de la joie ; j’ai porté le zèle jusqu’à me causer des douleurs
volontaires, pour chercher pendant ce temps l’expression du plaisir. Je me suis
travaillée avec le même soin et plus de peine, pour réprimer les symptômes d’une
joie inattendue. C’est ainsi que j’ai su prendre sur ma physionomie, cette
puissance dont je vous ai vu quelquefois si étonné.

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Page 15
Texte 4 : Aragon, Aurélien, incipit, 1944

La première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide.


Elle lui déplut, enfin. Il n'aima pas comment elle était habillée. Une étoffe
qu'il n'aurait pas choisie. Il avait des idées sur les étoffes. Une étoffe qu'il
avait vue sur plusieurs femmes. Cela lui fit mal augurer de celle-ci qui
portait un nom de princesse d'Orient sans avoir l'air de se considérer dans
l'obligation d'avoir du goût. Ses cheveux étaient ternes ce jour-là, mal
tenus. Les cheveux coupés, ça demande des soins constants. Aurélien
n'aurait pas pu dire si elle était blonde ou brune. Il l'avait mal regardée. Il
lui en demeurait une impression vague, générale, d'ennui et d'irritation. Il
se demanda même pourquoi. C'était disproportionné. Plutôt petite, pâle,
je crois… Qu'elle se fût appelée Jeanne ou Marie, il n'y aurait pas repensé,
après coup. Mais Bérénice. Drôle de superstition. Voilà bien ce qui l'irritait.

Il y avait un vers de Racine que ça lui remettait dans la tête, un vers qui
l'avait hanté pendant la guerre, dans les tranchées, et plus tard
démobilisé. Un vers qu'il ne trouvait même pas un beau vers, ou enfin
dont la beauté lui semblait douteuse, inexplicable, mais qui l'avait obsédé,
qui l'obsédait encore :

« Je demeurai longtemps errant dans Césarée… ».

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Page 16
La poésie du XIXe siècle au XXIe siècle : Emancipations créatrices

Texte 1 :

Arthur RIMBAUD
1854 - 1891

Le dormeur du val

C'est un trou de verdure où chante une rivière,


Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,


Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme


Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;


Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Liste EAF 2024


Page 17
Texte 2

Vénus Anadyomène
Arthur Rimbaud

Comme d’un cercueil vert en fer blanc, une tête


De femme à cheveux bruns fortement pommadés
D’une vieille baignoire émerge, lente et bête,
Avec des déficits assez mal ravaudés ;

Puis le col gras et gris, les larges omoplates


Qui saillent ; le dos court qui rentre et qui ressort ;
Puis les rondeurs des reins semblent prendre l’essor ;
La graisse sous la peau paraît en feuilles plates ;

L’échine est un peu rouge, et le tout sent un goût


Horrible étrangement ; on remarque surtout
Des singularités qu’il faut voir à la loupe…

Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus ;


– Et tout ce corps remue et tend sa large croupe
Belle hideusement d’un ulcère à l’anus.

Liste EAF 2024


Page 18
Texte 3

"Le cageot", Francis Ponge.

LE CAGEOT

A mi-chemin de la cage au cachot la langue française a cageot, simple caissette à


claire-voie vouée au transport de ces fruits qui de la moindre suffocation font à coup sûr une
maladie.

Agencé de façon qu'au terme de son usage il puisse être brisé sans effort, il ne sert pas
deux fois. Ainsi dure-t-il moins encore que les denrées fondantes ou nuageuses qu'il enferme.

A tous les coins de rues qui aboutissent aux halles, il luit alors de l'éclat sans vanité du
bois blanc. Tout neuf encore, et légèrement ahuri d'être dans une pose maladroite à la voirie
jeté sans retour, cet objet est en somme des plus sympathiques, - sur le sort duquel il convient
toutefois de ne s'appesantir longuement.

Francis Ponge - Le Parti pris des choses (1942)

Liste EAF 2024


Page 19
Zone

A la fin tu es las de ce monde ancien

Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin

Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine

Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes


La religion seule est restée toute neuve la religion
Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation

Seul en Europe tu n'es pas antique ô Christianisme


L'Européen le plus moderne c'est vous Pape Pie X
Et toi que les fenêtres observent la honte te retient
D'entrer dans une église et de t'y confesser ce matin
Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut
Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux
Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d'aventure policières
Portraits des grands hommes et mille titres divers

J'ai vu ce matin une jolie rue dont j'ai oublié le nom


Neuve et propre du soleil elle était le clairon
Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographes
Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent
Le matin par trois fois la sirène y gémit
Une cloche rageuse y aboie vers midi
Les inscriptions des enseignes et des murailles
Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent
J'aime la grâce de cette rue industrielle
Située à Paris entre la rue Aumont-Thieville et l'avenue des Ternes

[...]

Extrait de Zone - Apollinaire, Alcools (1913)

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