Textes Oral 2024

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EPREUVES ANTICIPEES DE FRANÇAIS : ORAL BLANC

Nom/Prénom :

Texte :

CRITERES
D’EVALUATION

EXPOSE

Introduction
-amorce
-présentation de l’œuvre,
extrait,…
-annonce des mouvements

LECTURE
Fluide et expressive

DEVELOPPEMENT
-le texte est compris
-l’exposé est structuré
-références précises au texte
-mobilisation de procédés
littéraires au service du sens
-le temps est respecté

Conclusion
Bilan et amorce

GRAMMAIRE
-mobilisant des connaissances
linguistiques
-réponse claire et structurée

COMMUNICATION
-les notes de préparation sont .
utilisées de manière pertinente
sans être lues
-débit, volume, articulation
- correction de la langue
PRESENTER UNE OEUVRE

I-PRESENTER L’OEUVRE
Nom de l’œuvre choisie

II-ARGUMENTER LES RAISONS DE


VOTRE CHOIX
Pourquoi cette œuvre ?
PRESENTER UNE OEUVRE

I-PRESENTER L’OEUVRE
Nom de l’œuvre choisie
L’auteur, le titre, la date, le genre, le
mouvement littéraire, éventuellement
le contexte…
De quoi parle l’œuvre ?
Récit : époque, lieux, les principaux
personnages et leurs liens….
Poèmes : sections, thèmes,…
Fables : composition, organisation…
Parlez des temps forts de l’œuvre, de
son message, de ses significations ou
des intentions de l’auteur.
Ex. : la satire des nobles, les défauts
humains, la quête de la sagesse sont
les thèmes des Fables de La Fontaine,
qui cherche à « plaire et instruire ».

II-ARGUMENTER LES RAISONS DE


VOTRE CHOIX
Pourquoi cette œuvre ?
●Insistez sur vos impressions, vos
réactions ou vos émotions par rapport
à l’œuvre choisie.
●Exprimer des sentiments précis
●Formulez votre jugement (mélioratif/
péjoratif) sur l’œuvre ou sur un aspect
précis, en veillant à le nuancer.
● Dites à quelles spécificités de
l’écriture vous avez été sensible :
images, tonalités, registres de langue,
narrateur et point de vue, choix des
thèmes…

Ex . : J’ai aimé Voyage au centre de la


terre car c’est une œuvre étonnante,
les personnages sont … et les lieux
imaginés par l’auteur…

III-L’ENTRETIEN AVEC L’EXAMINATEUR


●Savoir écouter la question pour bien Questions possibles :
la cibler; proposer des réponses
argumentées et précises. ֍« Quel sens donnez-vous au titre du
● Illustrer le propos à l’aide de recueil Les Fleurs du Mal ? »
résumés de passages ou de citations ֍ « Quel poème avez-vous préféré
mémorisées. dans l’anthologie, Les plus beaux.. »
● Faire des liens entre l’œuvre et le ֍ « Que retenez-vous de l’œuvre de
parcours. Jules Verne ? »
●Veiller à la correction de la langue. …
●Soyez ouvert et agréable !
OEUVRES

1-Les Cahiers de Douai, Rimbaud, Carrés classiques, Nathan


2-Les Poètes Maudits, anthologie, Folio+
3-La Bruyère, Les Caractères, livre XI « De l'Homme », édition
Classicolycée
4-Candide, Voltaire, édition au choix
5-L’Ile des esclaves, Marivaux, édition au choix
6-Dom Juan, Molière, édition au choix
7-Manon Lescaut d'Antoine François Prévost, édition au choix
8-L’Etranger, Camus, édition au choix

Les questions possibles à l’entretien…


Il ne s’agit bien entendu que de pistes. Le but étant qu’un véritable échange s’instaure avec
l’examinateur. De fait, l’entretien n’est pas un questionnaire de lecture mais bien plus un
dialogue constructif permettant d’apprécier comment le candidat s’est approprié
personnellement le texte et comment sa lecture prolonge les réflexions menées en classe sur
l’œuvre intégrale et le parcours associé.

 Pourquoi avoir choisi cette œuvre en particulier ? Quels sentiments a-t-elle provoqué en
vous ?
 Êtes-vous rentré·e facilement dans l’œuvre ou vous a-t-elle déstabilisé·e ?
 Avez-vous lu cette œuvre rapidement, passionnément, difficilement ?
 Vous êtes-vous renseigné·e sur le contexte littéraire/culturel/social dans lequel l’oeuvre a
été publiée ?
 Vous êtes-vous renseigné·e sur la vie de l’auteur ? Y a-t-il des aspects qui se retrouvent
dans le récit ?
 Quels thèmes principaux repérez-vous dans ce livre ?
 Quel est pour vous le message du livre ? A-t-il changé votre vision du monde ?
 Pourquoi l’auteur a-t-il donné ce titre ? Si vous deviez donner un autre titre au livre, quel
serait-il ?
 Que pensez-vous de la fin de l’œuvre ? Auriez-vous envisagé un dénouement différent ?
 Quelle idée soutenue par l’auteur vous a le plus marqué·e ?
 Pourriez-vous dire que ce livre a influencé certains jugements que vous portez sur le
monde ?
 Ce livre vous a-t-il fait voir différemment le rôle de l’écrivain ?
 Comment réagiriez-vous face à une personne qui n’a pas aimé le livre ?
 Quels sont les personnages mis en scène dans le texte et quel rapport entretiennent-ils
entre eux ?
 Vous êtes-vous identifié·e au personnage principal ? ou à un autre personnage ?
 Quel passage de l’œuvre vous a le plus marqué·e ? Pourquoi ?
 Quelle citation avez-vous retenue vous paraissant bien illustrer ce livre ?
 Pensez-vous que ce livre aurait pu intéresser les lecteurs d’une autre époque ?
 Pourquoi l’auteur a-t-il préféré recourir à la fiction pour transmettre son message ?
 Si vous deviez inventer la couverture du livre, que feriez-vous ?
 Connaissez-vous un autre livre du même auteur que vous pourriez recommander ?
Classe de 1° STI2D A et B Nom/prénom : ESPACE REVISIONS
Année scolaire 2023-2024 Fiches, lectures, recherches
Mme Eva Gau personnelles…
La poésie du XIX ème au ●Œuvre intégrale : Les Cahiers de Douai,
XXème siècle Rimbaud
1-« Roman »
2-« Ma Bohème »
●Parcours associé : Emancipations créatrices
3-« Le Pont Mirabeau », Apollinaire
4-« Le Crapaud », Corbières
●Prolongement artistique et culturel :
Découvrir un artiste : Ernest-Pignon–Ernest
L’Art du graffiti
●Lecture cursive : Les Poètes Maudits,
anthologie, Folio
La littérature d’idées du ●Œuvre intégrale : Les Caractères, Livres V à
XVI ème au siècle X, Jean de La Bruyère.
5- « Ménalque »
XVIIIème siècle 6- « Gnathon »
●Parcours associé : Peindre les Hommes,
examiner la nature humaine.
7-« Les Animaux malades de la peste » (VII, 1)
Les Fables, VII, 1, La Fontaine
●Prolongement artistique et culturel : Le
Classicisme
●Lecture cursive : Candide, Voltaire
Le théâtre du XVII s au XXI ●Œuvre intégrale
ème siècle L’Ile des esclaves, Marivaux
8- La scène d’exposition
9- Scène 3
●Parcours associé : Maitres et valets
A déterminer
●Prolongement artistique et culturel : le
mouvement des Lumières
●Lecture cursive : Dom Juan, Molière
Le roman et le récit du ●Œuvre intégrale : Manon Lescaut d'Antoine
Moyen-Age au XXI ème François Prévost.
10--« La rencontre »
11-« La mort de Manon »
●Parcours associé : Personnages en marge,
plaisirs du romanesque
A déterminer
●Prolongement artistique et culturel :
Le Verrou, Fragonard
●Lecture cursive : L’Etranger, Camus
GRAMMAIRE *Les subordonnées conjonctives utilisées en
fonction de compléments circonstanciels
*L’interrogation
*L’expression de la négation
*Lexique
+programme de 2°
-relatives/verbe/phrase complexe
EXPLICATION LINEAIRE 1
Arthur Rimbaud, Poésies, « Roman »

Introduction
a) Amorce (phrase générale en lien avec le texte)
b) Présentation rapide de l’œuvre (titre, date, genre) de son auteur, éventuellement du mouvement
auquel il appartient…+ présentation de l’extrait, du poème…
c) De quoi parle l’extrait, quel sujet/thème aborde ce texte ?
d) PROJET DE LECTURE : Dans quelle intention l’auteur écrit-il, quel est l'intérêt du texte?
e) PARCOURS DE LECTURE : Annonce des mouvements.

ET SURTOUT PENSEZ A EFFECTUER LA LECTURE !!!

Symbole de l’adolescence rebelle, Rimbaud immortalisé par l’œuvre d’Ernest Pignon-Ernest


apparait à la fois comme un poète majeur mais également comme un mythe. Son œuvre Cahiers de
Douai compte de nombreux textes de jeunesse dont « Roman ». Dans ce poème lyrique* constitué
de huit quatrains et portant un titre paradoxal, le jeune Rimbaud nous fait partager un moment
miraculeux de l’adolescence : la rencontre amoureuse.
Ainsi comment le poète évoque-t-il ce moment si singulier ?
MOUVEMENTS
1-vers 1 à 16 : un cadre bucolique propice aux émois de l’adolescence
2-vers 17 à 32 : …et une rencontre amoureuse

Premier mouvement (vers 1 à 16) : un cadre bucolique propice aux émois de


l’adolescence

Dans les 2 premières strophes, Rimbaud décrit le cadre de la promenade


STROPHE 1
-Lyrisme qui domine l’ensemble du poème : lyrisme moderne, Rimbaud emploie le « on » et
non pas le JE traditionnel, lyrisme plus universel.
-Eléments autobiobiographiques : âge du jeune homme, « cafés tapageurs », lieux où aime se
retrouver Rimbaud, « bocks » , terme qui évoque le nord de la France, …
-Vers 4 :le verbe de mouvement « va » lance l’action, la promenade !

STROPHE 2
L’importance des sensations, sensations très présentes au fil du poème
Quatre sens sont sollicités à travers son champ lexical
La vue et ses couleurs : « lustres éclatants », « pâle réverbère », « azur sombre, « blanche »
L’odorat : « tilleuls sentent bon », « parfums de vigne/parfum de bière »
L’ouïe : « cafés tapageurs » ; « bruits», « ville »
Le goût : « la sève est du champagne », « bière »
Le toucher : « l’air est parfois si doux »

Cadre agréable qui convoque les différents sens, le poète est emporté par toutes ces sensations. La
promenade est sereine, utilisation des adjectifs « bons et doux » à la césure afin de les mettre en
valeur.

STROPHE 3
-champ lexical de la nature : « azur/branche/étoile ». Ce lexique de la nature est très présent
dans l’ensemble du poème.
-Le jeune Rimbaud se trouve dans un cadre naturel duquel il contemple le ciel qu’il désigne
par cette métaphore« un tout petit chiffon ».
-personnification du ciel avec le mot « frissons »

STROPHE 4
-dans cet environnement bienfaisant et propice à la rencontre amoureuse, l’adolescent sent
en lui une sorte de bouillonnement intérieur, un désir « on se sent aux lèvres un baiser ».
-le sentiment d’exaltation apparait à travers le lexique de l’ivresse : « griser, monte à la tête,
divague, champagne »mais également à travers les phrases de forme exclamative (vers 3, 5,
13) et les nombreux points de suspensions. En effet ces éléments soulignent l’émotion trop
forte qui empêche par moment l’adolescent de terminer ses phrases.
Ces éléments passionnés et fougueux contribuent à donner à ce poème une dimension
lyrique. Par ailleurs ce lyrisme est en adéquation avec l’état émotionnel du jeune garçon : il
sent l’âme artiste « cavatine, sonnets »
Poème qui narre avant tout une histoire d’amour, le thème de l’amour est très présent dans
la septième strophe avec l’anaphore « vous êtes amoureux » (vers 25-26) mais on note
également la délicate comparaison au vers 16 : « qui palpite là, comme une petite bête »pour
indiquer le baiser échangé.
Dans cet univers radieux où les différentes sensations sont convoquées l’adolescent vit les
premières émotions amoureuses.

Deuxième mouvement (vers 17 à 32) : …et une rencontre amoureuse

STROPHE 5
L’apparition de la jeune fille
-la jeune fille est évoquée par la métonymie « les petites bottines », elle reste un
personnage indéterminé « demoiselle ».Elle apparait dans la pâleur du « réverbère »
-portrait imprécis et anonyme, joliment coquette «petits airs charmants »
- ce poème comme l’indique le vers initial « On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept
ans » est un poème de l’insouciance et du détachement à l’égard des conventions
sociales et peut-être du monde des adultes. Le vers 17 avec le néologisme « Robinsonne »
est à cet égard assez explicite et évoque le thème du vagabondage cher au jeune
Rimbaud.
-moquerie anti-bourgeoise:« faux col », vers 20
-à travers le personnage du père, le poète critique la société traditionnelle et
conservatrice de son temps.(vers 20)

STROPHE 6
-jeune fille dynamique et séduisante : « tourne/alerte/mouvement vif »
- allitération en «T » qui imite le bruit des « petites bottines », vers 22
-points de suspension aux vers 23-24 : le jeune homme est séduit, surpris, déstabilisé par
cette jeune fille.
-vers 24 : lien entre l’amour et la création poétique. Personnification « cavatine ».
- cette histoire d’amour semble cependant éphémère, le verbe « mourir » présage une
séparation: « meurent les cavatines »

STROPHE 7
- anaphore « vous êtes amoureux » (vers 25-26)
-vers 26 : moqueries des amis à l’égard de cette histoire et de l’état du poète
-idéalisation de la jeune fille :majuscule au pronom « La », l’expression « l’adorée »
- rupture de la part de la jeune fille, « a daigné vous écrire »
-ponctuation forte, vers 28

STROPHE 8
Une situation finale qui revient à la situation initiale
-vers 29, le complément circonstanciel « Ce soir-là… » +points de suspension qui créent
une chute
-l’adolescent retourne au point de départ, « vous rentrez aux cafés éclatants, /Vous
demandez des bocks ou de la limonade ». Si nous notons l’absence du « je », les pronoms
« on » et « vous » font de ce texte un texte universel. Cette expérience si singulière soit-
elle est une expérience commune à de nombreux adolescents et c’est avec un regard
amusé et ironique que Rimbaud nous l’offre.
Le pronom indéfini « on » marque le fait que cette expérience est universelle.

Conclusion
Ce célèbre poème de Rimbaud souligne ce moment intense de la rencontre amoureuse et
de ses émois. Moment à la fois éphémère et magique, il sera pour de nombreux
adolescents une œuvre marquante.
Autobiographique en partie, ce poème développe un lyrisme revisité par le jeune artiste
…qui n’hésite pas à prendre les chemins de l’autodérision…+ OUVERTURE

Conclusion
-Elle reprend ce qui vient d’être mis en évidence dans l’explication.
-Elle propose une ouverture : importance de l’œuvre dans l’histoire littéraire, originalité de l’œuvre
par rapport au genre, ouverture sur d’autres œuvres, réflexion de l’auteur qui peut s’appliquer à la
société actuelle...
Attention !! Cette "ouverture" doit être évitée si elle n'apporte rien au devoir !!!

*LYRISME : expression des sentiments personnels

QUESTION DE GRAMMAIRE

Les différentes prop.sub. circonstancielles


Vers 1 et 31 : « quand on a dix-sept ans », prop.sub. circonstancielle de TEMPS introduite par la
conjonction de subordination « QUAND »
Vers 18-19 : « lorsque…/Passe une demoiselle », prop.sub. circonstancielle de TEMPS introduite par
la conjonction de subordination « LORSQUE »
Vers 21 : « comme elle vous trouve immensément naïf » prop.sub. circonstancielle de CAUSE
introduite par la conjonction de subordination « COMME»
Vers 11 : « qui se fond avec des doux frissons » prop.sub. RELATIVE introduite par le pronom
relatif« QUI» , cette relative complète « un tout petit chiffon », vers 9
EXPLICATION LINEAIRE 2
« MA BOHEME », CAHIER DE DOUAI, RIMBAUD, 1870

Introduction
a) Amorce (phrase générale en lien avec le texte)
b) Présentation rapide de l’œuvre (titre, date, genre) de son auteur, éventuellement du mouvement
auquel il appartient…+ présentation de l’extrait, du poème…
c) De quoi parle l’extrait, quel sujet/thème aborde ce texte ?
d) PROJET DE LECTURE : Dans quelle intention l’auteur écrit-il, quel est l'intérêt du texte?
e) PARCOURS DE LECTURE : Annonce des mouvements.

ET SURTOUT PENSEZ A EFFECTUER LA LECTURE !!!

Symbole de l’adolescence rebelle, Rimbaud immortalisé par l’œuvre d’Ernest Pignon-Ernest


apparait à la fois comme un poète majeur mais également comme un mythe. Son œuvre Cahiers de
Douai compte de nombreux textes de jeunesse dont « Ma Bohème ». Dans ce sonnet lyrique*
constitué de 2 quatrains et de 2 tercets, le jeune Rimbaud nous fait partager le souvenir d’une
errance au cœur de la nature.
Ainsi comment le jeune poète à travers ce vagabondage expose-t-il sa conception de la poésie?
+ MOUVEMENTS

LE TITRE
 Tout d’abord, il est intéressant de commenter le titre de ce sonnet. En effet, nous
remarquons la présence initiale d’un déterminant possessif « ma » : le jeune poète
présente alors la « bohème » comme une philosophie, art de vivre personnel, au-delà de
la définition usuelle qui en fait une vie marginale pleine de liberté.
 Nous allons ainsi découvrir un texte autobiographique qui va revêtir également une
dimension initiatique : Rimbaud va nous expliquer en réalité ici comment il devient
poète.
 D’autre part, il est intéressant de signaler la présence inattendue d’un sous-titre :
« Fantaisie ». Ce terme s’oppose à toute idée d’activité sérieuse et introduit une
dimension de légèreté, de caprice et de désir, mais également une forme d’imagination
créatrice. On va dire par exemple d’un artiste qu’il a laissé libre cours à sa fantaisie.
 Ce sous-titre peut enfin faire écho à l’intitulé de notre parcours « émancipations
créatrices », puisque nous allons découvrir à quel point ce poème est moderne et
s’affranchit de tous les codes, alors même qu’il opte pour une des formes poétiques les
plus contraignantes : le sonnet.
QUATRAIN 1

 Le premier mot du texte, qui occupe donc une place stratégique, est le pronom personnel de
la première personne du singulier « je », ce qui introduit dès le départ le registre
lyrique.Ainsi, l’auteur nous donne accès à son intimité. Le thème du mouvement joue dès
lors un rôle fondamental dans le sonnet puisqu’il apparaît dès le premier vers à travers le
verbe pronominal « s’en aller ». Nous pouvons commenter le choix de l’imparfait, temps
verbal qui va être employé tout au long du texte. Ici Rimbaud retranscrit une expérience
passée, mais qui s’est répétée dans le temps.Par ailleurs, il met l’accent sur l’idée de la
fugue, du vagabondage : il s’agit davantage d’une pérégrination* sans but et sans
destination que d’une véritable promenade.
 Ce premier vers joue presque ici un rôle programmatique puisqu’il introduit la notion de
révolte et de crispation à travers le terme « poings », mais également l’adjectif « crevées »
qui laisse transparaître une forme de violence et d’agressivité. En outre, la formule « les
poings dans mes poches » fait ici écho de manière ironique à celle, plus habituelle, des
« mains dans les poches », qui traduit à l’accoutumée une forme de paresse. Au contraire,
c’est l’énergie et la rébellion qui vont présider à l’élaboration de notre texte. Ce premier vers
fait également apparaître le champ lexical vestimentaire, associé à celui de l’usure, qui
traduit une forme de pauvreté. Mais cela ne semble pas être source de malheur : Rimbaud,
n’en souffre pas, au contraire, puisque c’est ce qui lui permet de fuir les conventions sociales
et de s’affranchir des normes d’une société bourgeoise qui l’oppresse.
 Le deuxième vers donne également à voir un habit, le « paletot », associé à un adjectif
étonnant : « idéal ». Par ailleurs, ce mot peut aussi avoir pour synonyme l’adjectif
« parfait » : ce vers confirme alors l’idée selon laquelle Rimbaud chérit absolument cette
pauvreté totale.
 Nous pouvons ensuite analyser la répétition du verbe « aller », toujours placé en début de
vers et qui place le sujet sous la protection de la nature, comme le prouve le groupe
prépositionnel « sous le ciel ».
 Par la suite, un terme important vient introduire toute une réflexion sur la création
poétique, puisqu’il s’agit du vocatif *« Muse ». Cette dernière, apostrophée et personnifiée
apparaît par conséquent comme une divinité qui guide le poète. Celui-ci semble dès lors très
exalté, comme le souligne la ponctuation expressive (vers 3 et 4, les quatre points
d’exclamation en l’espace de deux vers). L’utilisation du terme « féal », placé à la rime, et
qui fait du jeune vagabond, un chevalier soumis à sa dame qui n’est autre que la poésie.
 Le dernier vers de ce premier quatrain, achève d’inscrire définitivement le lyrisme dans le
texte, à travers la formule laudative(élogieuse) « amours splendides ». Mais son
enthousiasme semble tendre, en vérité, vers une forme d’ironie, puisque le poète tourne en
dérision la grandiloquence de la poésie romantique amoureuse avec humour (cf la tournure
orale et familière : « Oh la ! la l »).

QUATRAIN 2

 L’insolence et la provocation qui transparaissent dans le 1° quatrain se confirment ici, à


travers ce premier vers : « Mon unique culotte avait un large trou ». Les habits usés de cet
adolescent, traduisent ici une sorte d'irrévérence, un refus du conservatisme, puisque
l’auteur se présente comme un homme défroqué s’opposant alors à la conception
romantique de la littérature, dans laquelle le poète est associé à un mage glorieux. Au
contraire, il semble ici descendre de son piédestal avec à la fois une forme d’humilité et
mais également d’impertinence.
 Nous pouvons également commenter la présence du « Petit Poucet rêveur j’égrenais dans
ma course ». Rimbaud introduit ici une métaphore filée pleine de malice, puisque les
cailloux du héros originel sont ici transformés en « rimes », terme d’ailleurs valorisé de par le
rejet qu’il subit au vers suivant, qui le place dans une position privilégiée.
 L’auteur met en place ici un univers magique, qui va conférer à son texte une dimension
cosmique dans laquelle il est en communion avec le monde céleste. En effet, dans la formule
« Mon auberge était à la Grande Ourse », la nature apparaît comme une entité protectrice,
bienveillante et complice, puisqu’on comprend qu’en réalité l’adolescent dort à la belle
étoile.
 La grande liberté qui s’exprime dans tout le poème, se traduit à nouveau dans le vers suivant
: « Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou ». Cette dernière expression est employée
délibérément par Rimbaud pour sa sonorité enfantine et naïve et son affranchissement vis-
à-vis du niveau de langue soutenu. Grâce à cette image très vivante, les astres s’animent et
émettent un son. La nature se fait en outre ici séductrice et féminine, puisque ce « frou-
frou » est traditionnellement associé à celui des étoffes des vêtements des dames.

TERCET 1

 Ce tercet débute lui aussi par la première personne du singulier, associée à un verbe de
perception « j’écoutais » : il ne sera pas le seul à mobiliser les sens dans cette strophe,
puisqu’au vers suivant, nous trouvons le verbe « sentais », qui suggère ici le toucher, tandis
qu’au dernier vers, nous trouvons le mot « vin », qui convoque le sens du goût. Aussi, la
nature joue-t-elle un rôle central dans la quête du bonheur à laquelle se livre le personnage,
car elle aiguise tous les sens.
 Se met ici en place un fonctionnement surnaturel et atypique : grâce à la poésie, la nature
est transfigurée et les sens sont déréglés (voir « Lettre du voyant »). Nous comprenons
mieux pourquoi Rimbaud ne regarde pas les étoiles, il les écoute, ce qui peut paraître
surprenant.
 De la même manière, il adopte alors une position statique, et donc originale dans cette
fugue. Il est en effet « assis au bord des routes », et non au milieu, attentif aux signes à
déchiffrer autour de lui. C’est précisément sa marginalité, au sens propre comme au sens
figuré, qui lui permet de rester en communion avec la nature. Cette dernière devient ainsi
nourricière et maternelle car elle est encore associée à des termes mélioratifs qui évoquent
le plaisir, l’accueil, l’hospitalité et la tendresse : l’adjectif « bon » fait ici écho à « doux », que
l’on trouvait au vers 8. Elle fournit une nourriture spirituelle, des « gouttes de rosée », qui
sont associés grâce à la comparaison à un « vin de vigueur » : il s’agit d’une périphrase
désignant une eau-de-vie et témoignant de l’élan vital de la nature, qui a sur le poète le
même effet qu’un alcool fort, à savoir l’ivresse des sens.

TERCET 2 :

 Dans ce 2° tercet des termes renvoient à la création poétique : « rimant », « lyre »,


« pied ». Dans le premier vers, la nature devient mystérieuse et inquiétante à travers le
groupe nominal « ombres fantastiques », le registre fantastique prenant ici sur le pas sur
le merveilleux. Mais il semble stimuler encore plus l’inspiration du poète : la liberté de
mouvement et la liberté de création sont donc étroitement liées dans ce texte. Elles font
de l’errance du poète un édifiant voyage littéraire.
 Rimbaud tourne en dérision ses propres émois poétiques, puisqu’il les associe à des
termes prosaïques tels que « élastiques », « souliers » et « pied ».
 Cette écriture devient totalement iconoclaste* puisqu’elle associe un élément noble,
l’emblème de la poésie, la lyre, avec un objet trivial : les lacets deviennent ici de
vulgaires élastiques qui remplacent les cordes raffinées de l’instrument.
 Enfin, les jeux de mots se multiplient dans cette strophe. Doit-on entendre « des lyres »
ou un délire ? le « pied » est-il une partie du corps ou une partie du vers ?

>>> C’est la poésie ici qui devient une destination en soi pour le jeune homme, indocile et
rebelle, qui utilise la tradition littéraire pour mieux en jouer, nous faisant ici le témoin à la
fois de sa culture, mais aussi de sa hardiesse et de son effronterie pleine d’arrogance et de
panache.

LEXIQUE
Analepse : Procédé de style par lequel on revient en arrière dans un récit.
Pérégrination: promenade sans but particulier.
Vocatif: Construction, phrase exclamative par laquelle on s'adresse directement à
qqn.
Iconoclaste: qui est hostile aux traditions et cherche à les faire disparaître.

QUESTION DE GRAMMAIRE
Vers 10 : « où je sentais des gouttes» prop.sub. RELATIVE introduite par le pronom relatif« où» ,
cette relative complète « Ces bons soirs de septembre»
Vers 8-9 : « – Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou/Et je les écoutais… ». Il s’agit ici d’une
phrase complexe composée de 2 propositions qui sont cordonnées par la conjonction de
coordination « ET ».
« Roman », Arthur Rimbaud, 1870
I
On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
- Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
- On va sous les tilleuls verts de la promenade.

Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !


L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits - la ville n'est pas loin -
A des parfums de vigne et des parfums de bière...

II

- Voilà qu'on aperçoit un tout petit chiffon


D'azur sombre, encadré d'une petite branche,
Piqué d'une mauvaise étoile, qui se fond
Avec de doux frissons, petite et toute blanche...

Nuit de juin ! Dix-sept ans ! - On se laisse griser.


La sève est du champagne et vous monte à la tête...
On divague ; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête...

III

Le coeur fou robinsonne à travers les romans,


- Lorsque, dans la clarté d'un pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l'ombre du faux col effrayant de son père...

Et, comme elle vous trouve immensément naïf,


Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne, alerte et d'un mouvement vif...
- Sur vos lèvres alors meurent les cavatines...

IV

Vous êtes amoureux. Loué jusqu'au mois d'août.


Vous êtes amoureux. - Vos sonnets La font rire.
Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût.
- Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire !...

- Ce soir-là..., - vous rentrez aux cafés éclatants,


Vous demandez des bocks ou de la limonade...
- On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade.
« Ma Bohème », Arthur Rimbaud, Cahier de Douai (1870)

Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;


Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !

Mon unique culotte avait un large trou.


– Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
– Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou

Et je les écoutais, assis au bord des routes,


Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,


Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur !

Arthur Rimbaud, Cahier de Douai (1870)


La Poésie du XIX ème au XXème siècle
Parcours associé : Emancipations créatrices
« Le Crapaud », Corbières
« Le Pont Mirabeau », Apollinaire

« Le Crapaud »

Un chant dans une nuit sans air…


— La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.

… Un chant ; comme un écho, tout vif


Enterré, là, sous le massif…
— Ça se tait : Viens, c’est là, dans l’ombre…

— Un crapaud ! — Pourquoi cette peur,


Près de moi, ton soldat fidèle !
Vois-le, poète tondu, sans aile,
Rossignol de la boue… — Horreur ! —

… Il chante. — Horreur !! — Horreur pourquoi ?


Vois-tu pas son œil de lumière…
Non : il s’en va, froid, sous sa pierre.
....................

Bonsoir — ce crapaud-là c’est moi.

(Ce soir, 20 Juillet.)

Tristan Corbière, Les Amours jaunes (Editions Glady Frères, Paris),1873


« Le Pont Mirabeau »

Sous le pont Mirabeau coule la Seine


Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine

Vienne la nuit sonne l’heure


Les jours s’en vont je demeure

Les mains dans les mains restons face à face


Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse

Vienne la nuit sonne l’heure


Les jours s’en vont je demeure

L’amour s’en va comme cette eau courante


L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente

Vienne la nuit sonne l’heure


Les jours s’en vont je demeure

Passent les jours et passent les semaines


Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Vienne la nuit sonne l’heure


Les jours s’en vont je demeure

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913


EXPLICATION LINEAIRE 3
Parcours associé : « Emancipations créatrices »

« Le Crapaud »

Un chant dans une nuit sans air…


— La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.

… Un chant ; comme un écho, tout vif


Enterré, là, sous le massif…
— Ça se tait : Viens, c’est là, dans l’ombre…

— Un crapaud ! — Pourquoi cette peur,


Près de moi, ton soldat fidèle !
Vois-le, poète tondu, sans aile,
Rossignol de la boue… — Horreur ! —

… Il chante. — Horreur !! — Horreur pourquoi ?


Vois-tu pas son œil de lumière…
Non : il s’en va, froid, sous sa pierre.
....................

Bonsoir — ce crapaud-là c’est moi.

(Ce soir, 20 Juillet.)

Tristan Corbière, Les Amours jaunes (Editions Glady Frères, Paris),1873

Introduction
a) Amorce (phrase générale en lien avec le texte)
b) Présentation rapide de l’œuvre (titre, date, genre) de son auteur, éventuellement du mouvement
auquel il appartient…+ présentation de l’extrait, du poème…
c) De quoi parle l’extrait, quel sujet/thème aborde ce texte ?
d) PROJET DE LECTURE : Dans quelle intention l’auteur écrit-il, quel est l'intérêt du texte?
e) PARCOURS DE LECTURE : Annonce des mouvements.

ET SURTOUT PENSEZ A EFFECTUER LA LECTURE !!!

Le symbolisme, école poétique née dans le prolongement de la poésie de Baudelaire verra


naitre de nombreux artistes aussi audacieux que talentueux. Ainsi Tristan Corbière, poète du XIX ème
siècle est un contemporain inclassable de figures marquantes de la poésie symboliste telles que
Rimbaud, Verlaine ou encore Mallarmé.
Poète qui ne se tient pas aux codes de la poésie tant par le fond que par la forme, Corbière rend
ainsi son œuvre originale et inimitable.
Le poème, « Le Crapaud », est issu de son œuvre unique Les Amours Jaunes datant de 1873. Ainsi, il
s’agira de montrer comment à travers ce sonnet inversé se dessine le portrait du poète maudit.

Mouvements du texte :
1er mouvement (les deux tercets) : un chant mystérieux
2ème mouvement ( les deux quatrains) : beauté et laideur du crapaud maudit

Introduction
a) Amorce (phrase générale en lien avec le texte)
b) Présentation rapide de l’œuvre (titre, date, genre) de son auteur, éventuellement du mouvement
auquel il appartient…+ présentation de l’extrait, du poème…
c) De quoi parle l’extrait, quel sujet/thème aborde ce texte ?
d) PROJET DE LECTURE : Dans quelle intention l’auteur écrit-il, quel est l'intérêt du texte?
e) PARCOURS DE LECTURE : Annonce des mouvements.

ET SURTOUT PENSEZ A EFFECTUER LA LECTURE !!!

Le symbolisme, école poétique née dans le prolongement de la poésie de Baudelaire verra


naitre de nombreux artistes aussi audacieux que talentueux. Ainsi Tristan Corbière, poète du XIX ème
siècle est un contemporain inclassable de figures marquantes de la poésie symboliste telles que
Rimbaud, Verlaine ou encore Mallarmé.
Poète qui ne se tient pas aux codes de la poésie tant par le fond que par la forme, Corbière rend
ainsi son œuvre originale et inimitable.
Le poème, « Le Crapaud », est issu de son œuvre unique Les Amours Jaunes datant de 1873.
Ainsi, il s’agira de montrer comment à travers ce sonnet inversé se dessine le portrait du poète
maudit.

Mouvements du texte :
1er mouvement (les deux tercets) : un chant mystérieux …
2ème mouvement ( les deux quatrains) : beauté et laideur du crapaud maudit

1er mouvement : v.1 à 6, un chant mystérieux


« Un chant dans une nuit Mise en valeur par sa place Importance du chant, comme s’il remplissait l’espace à lui seul. Bruit
sans air », vers 1 en début de poème + dans décalé dans un décor sombre, étrangeté de la scène.
une phrase non verbale.
« Chant » = Premier mot du texte + Place stratégique en tête de
vers.
La phrase initiale du poème plante le décor : « nuit sans air » vers 1
= atmosphère asphyxiante

LE CHANT = Présent dans les quatre strophes : « Un chant »1, « …


Un chant » vers 2, « Rossignol » vers 10, « …Il chante » vers 11.
Double sens possible du mot « air » (= ambivalence) : oxygène,
dimension vitale OU mélodie, dimension esthétique.
Le chant est donc malmené et connaît une évolution négative dans
le texte : « sans air », réduit à un « écho » vers 4, « enterré » vers 5
et laisse place à l’insupportable discordance dans la dernière
strophe (« Il chante. – Horreur ! » vers 11).
« nuit sans air » Sensation d’étouffement, de pesanteur

points de suspension vers 1 Suspense, mystère

tiret du vers 2 Opère une coupure/rupture pour décrire le cadre, afin d’insister sur
l’aspect incongru du chant ici

« nuit » / « lune » Éléments du fantastique Ambiance fantastique, peur, mystère.

Monde plongé dans l'obscurité : « nuit » vers 1, « sombre » vers 3, «


ombre » vers 6 + l' « œil de lumière » vers 12 est difficile à
percevoir.
« plaque », « métal », Image du tranchant ou de la Froideur, peur.
« découpure », vers 2-3 dureté
Nature glaçante (« métal » vers 2, « vert » vers 3 = couleur froide),
minérale (« pierre » vers 13) = Univers inhospitalier, inanimé,
hostile, effrayant.
Images inquiétantes :
Astre + végétation dans la métaphore : « La lune plaque en métal
clair les découpures du vert sombre » vers 2-3
« clair » / « sombre », Antithèse Étrangeté du décor
vers 2-3

« … un chant » Points de suspension pré- Comme si les v.2 et 3 n’avaient été qu’une parenthèse et que le
posés poète revenait à l’essentiel : le chant, intrigant.

« Comme un écho », comparaison À mettre en relation avec l’anaphore de « un chant » : il se répète, il


vers 4 remplit la nuit
« Tout vif », vers 4 polysémie - vivant, intense, donc sonore ?
- net et tranchant, comme la lune, donc effrayant ?
- à vif, comme une plaie douloureuse ?
= en tout cas, intrigant, semble trancher le silence de la nuit → le
chant devient l’unique préoccupation du poète.
« enterré », « sous le Lexique de l’enfouissement Le mystère qui entoure le chant est souligné par sa localisation
massif... », vers 5 comme s’il se cachait.

Enjambement antithétique qui souligne le paradoxe : « Tout vif/


Enterré, là » vers 4-5).
« là » Adverbe de lieu Que désigne cet adverbe de lieu ? Où sommes-nous ?
L'adverbe suggère que le poète se trouve à proximité du lieu où se
trouve le crapaud, et donc qu’il aurait une proximité psychologique
avec ce chant. Il fait d’ailleurs écho au « là » de « ce crapaud-là »
dans le dernier vers.
v.5 points de suspension Laissent à penser que le poète s’est approché de l’endroit et qu’il se
tait pour écouter → silence

« viens » l'impératif Le poète s’adresse à quelqu’un : on ignore de qui il s’agit : adresse


au lecteur ?

Tiret du v. 6 (et les Semblent désormais être les marqueurs d’un dialogue, mais on
suivants) ignore toujours qui accompagne le poète.

« ombre » /« sombre », rime Contribue au mystère ou à l’inquiétude qui émane du chant.

Montée de l'angoisse :
Le démonstratif « ça »6 à valeur indéfinie crée un effet de suspens
Ce démonstratif est associé au silence « ça se tait », vers 6 =

2ème mouvement : v. 7 à 14, beauté et laideur d’un crapaud maudit

« Un crapaud ! », vers 8 Exclamation Prononcé sur un ton apeuré, comme le suggère ce commentaire
interne « pourquoi cette peur ».
« Pourquoi cette peur »
« Un crapaud ! »en tête de vers = Première apparition du batracien
mise en valeur.

Gradation : de la « peur » vers 7 à l'« horreur »10-11 (x 3).

Lexique de la guerre Evocation sous-jacente de la guerre :


« soldat » vers 8, « métal » vers 2, « boue »10, « enterré » vers 5,
« froid, sous sa pierre vers 13 » (tombale) // Contexte guerre
franco-prussienne
« Crapaud » Symbole Animal maudit (prince charmant transformé en crapaud par les
sorcières, bave de crapaud… ) → poète maudit ?

« près de moi » Le poète se pose en homme protecteur et en maître : l’injonction


« près de moi » et la métaphore du « soldat fidèle » montrent un
aspect protecteur → protéger une femme d’un crapaud = prête à
sourire.

« vois-le » Impératif Vise à ouvrir les yeux de la femme pour lui faire une leçon sur le
crapaud.

« poète tondu, sans Métaphores Il est décrit par des images étonnantes : il apparaît comme un
aile » animal caractérisé par des manques (tondu / sans ailes) et un
animal méprisable, bas (de la boue)
« rossignol de la boue » Oxymore Les sentiments du poète à son endroit sont ambigus : mépris
(« tondu », « sans aile », « de la boue ») ou admiration (« poète »,
« rossignol ») ?

La désignation « poète tondu » assimile le crapaud à un poète →


rapprochement de Corbière avec le crapaud.
Le poète « sans aile », empêché de voler est une allusion à
Baudelaire : chez ce dernier, l’idéal prend souvent la figure d’un
oiseau, d’un envol (dans « Elévation » ou « L'Albatros » par
exemple). Ici, le poète ne peut atteindre l’idéal, il est plaqué au sol,
enfoncé dans le sol (« enterré », « sous sa pierre »). Il a la faculté de
chanter de chanter mais pas celle de s’envoler.

L’oxymore « rossignol de la boue » suggère un embourbement dans


ce que Baudelaire appelle « la fange » ou « les miasmes sordides »
de l’existence. Le poète (rossignol) est voué au malheur, à la honte
(il reste dans la boue). Cependant, la boue évoque le pouvoir du
poète, lorsque l'on pense au vers de Baudelaire « Tu m'as donné ta
boue et j'en ai fait de l'or ».

« Horreur ! » ,vers Interjection à la rime avec Marque de dégoût. « horreur » marque une gradation par rapport à
« peur » « peur », ce qui accentue le dégoût ressenti par la femme

« Il chante », vers 11 Métaphore Le coassement est désigné par un chant → le crapaud ressemble à
méliorative(positive) l’aède, ou au poète.

Ici, le crapaud est valorisé :


Il est au centre de l'attention (c'est de lui qu'on se rapproche
progressivement : « Ca »6, puis « Un crapaud »7, puis « son œil »12,
et enfin « Moi »14).
Il est porteur d'une certaine beauté, cachée, intérieure : « œil de
lumière »12 (= métaphore méliorative qui le présente comme une
entité capable d’éclairer les êtres humains).
Il est question du « chant » et non pas du cri du crapaud.
« Tout vif »4 + « œil de lumière »12 dénotent l’intelligence et la
clairvoyance du crapaud.
« Horreur !! », vers 11 2ème occurrence de Comme si l’horreur allait croissant.
« horreur » + deux pts
d’exclamation

« Horreur pourquoi » Questions rhétoriques .

en écho à « pourquoi
cette peur » v.7

« œil de lumière » Métaphore Référence au poète voyant, au poète déchiffreur de mystères


(représentation propre au Symbolisme). Le crapaud = voyant
puisqu’il éclaire l’obscurité.
« il s’en va, froid, sous sa Suggère une image de mort : « froid, sous la pierre » : méprisé,
pierre » inadapté au monde dans lequel il vit, le crapaud-poète s’exclut du
monde, semble se condamner à mort.
« nuit », « sombre », Antithèses ombre / lumière Le crapaud est caractérisé par des antithèses : il est à la fois dans
« ombre », « enterré », l’ombre et porteur de lumière → se cache car maudit, détesté,
« sous sa pierre »/ comme le prouve la réaction de la femme ; et pourtant engendre la
« lune », « métal clair », beauté, chante, illumine la nuit.
« lumière »
Ligne de points Balafre typographique qui vient rendre le texte encore plus
disgracieux et discontinu ?

Dernier vers : explication du poème


« Bonsoir – ce crapaud- « Bonsoir – ce crapaud-là c'est moi. »14 :
là, c'est moi. » Registre ironique = Phrase finale qui fonctionne comme une
chute (invite à une seconde lecture du poème)
Effet d’autant plus grand que « moi » est le dernier mot du
poème
Présentation courtoise, aimable, civilité après les
« horreurs ».
Mise en abyme, autoportrait plein d’autodérision.
EXPLICATION LINEAIRE 4
Parcours associé : « Emancipations créatrices »

« Le Pont Mirabeau », Apollinaire

Introduction
a) Amorce (phrase générale en lien avec le texte)
b) Présentation rapide de l’œuvre (titre, date, genre) de son auteur, éventuellement du mouvement
auquel il appartient…+ présentation de l’extrait, du poème…
c) De quoi parle l’extrait, quel sujet/thème aborde ce texte ?
d) PROJET DE LECTURE : Dans quelle intention l’auteur écrit-il, quel est l'intérêt du texte?
e) PARCOURS DE LECTURE : Annonce des mouvements.

ET SURTOUT PENSEZ A EFFECTUER LA LECTURE !!!

La chanson étant connue comme une des premières formes poétiques mise à l’honneur dès
l’époque médiévale, elle perdure et s’installe dans le temps. Ainsi, Apollinaire, poète du
début du XXème siècle, proche des peintres cubistes, compose une chanson poétique. «Le
Pont Mirabeau». Le propos est simple, posté sur le pont Mirabeau à Paris, le poète
contemple la Seine et se remémore sa liaison avec Marie Laurencin, brillante artiste. Le
temps du poème, le poète évoque, la fin d’un amour, son espérance et le temps qui passe.

Comment Apollinaire réinvente-t-il le topos de l’amour et celui de la fuite du temps ?

MOUVEMENTS

Le premier quatrain évoque la fin de


Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours l’amour.
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Pont Mirabeau, lieu où Apollinaire et M. Laurencin
se donnaient rendez-vous. Pont récent métallique +>
modernité comme l’œuvre du poète
Le groupe «Et nos amours» possède un statut
flottant, particulier :
Renouvellement du thème de l’amour, de la
soit rattaché au vers 1 soit au vers 3. Ambiguïté
séparation
Apollinaire assimile le passage de l’eau à celui du
Absence de ponctuation : liberté du lecteur, pas temps, élément insaisissable
de contraintes.
La disposition des vers au sein des quatrains
v1 Présent de l’indicatif, présent de vérité semble mimer et les méandres du fleuve
générale : message universel comme l’écoulement du temps. L’absence de
ponctuation concourt également à cet effet de
Utilisation du registre lyrique : « je », nos », fluidité́, effet qui est aussi renforcé par le
sentiments lexique du mouvement dans l’ensemble du
poème : « couler », « passe », « s’en va », « s’en
vont »...

Vienne la nuit sonne l'heure Le refrain exprime la solitude et la


Les jours s'en vont je demeure
tristesse du poète.
Ce distique est répété 4 fois : c’est un refrain.
Les distiques composés d’heptasyllabes forment Le premier refrain consacre l’inéluctable fuite de
le refrain. l’amour et l’inévitable solitude du poète. Il
introduit une nuance de stabilité : «Je demeure
Anti-thèse : s’en aller/demeurer « exprimerait la fidélité et la constance du
poète.
Vienne la nuit sonne l’heure : présent du subjonctif :
expression d’un souhait.
Recours au vers impair => Hommage discret à
Verlaine, poète symboliste, auteur du célèbre vers
«de la musique avant toute chose, et pour cela
préfère l’impair» dans son Art poétique

Mélodie triste et mélancolique.


Les mains dans les mains restons face à face Le deuxième quatrain convoque la
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe présence des deux amants.
Des éternels regards l'onde si lasse
Le poète se souvient du couple qu’il formait avec
V. 7 métonymie « mains dans les mains », ou Marie Laurencin. Les deux êtres alors communiaient
encore à partir de l’expression « face à face » «mains dans les mains» et réfléchissaient leurs
sentiments, ils se tenaient «face à face». =>image
V. 9 métaphore « le pont de nos bras » d’un couple heureux.
Relation sensuelle et intime.
V. 10 Syntaxe inversée : complément de
l’adjectif « les éternels regards » antéposé V9 => image du pont : enlacement des deux êtres, la
suggère également que le couple se situait en complicité́ des deux amoureux, capables d’établir
dehors du temps comme tous les couples qui se des liens au-delà̀ des différences.
vouent un amour passionné.
Pourtant ce couple n’existe plus, la joie d’aimer et
d’être aimé laisse la place à la mélancolie.
V.10 métaphore l’onde des éternels regards L’expérience a démenti l’idéal d’éternité́.

=> enjambement.

La métaphore « le pont de nos bras »


crée un effet de miroir avec le Pont
Mirabeau. Le paysage et les sentiments
semblent se répondre.

Le troisième quatrain développe à


L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va nouveau l’idée de la fin d’un amour et la
Comme la vie est lente présence d’un espoir
Et comme l'Espérance est violente

v. 13 Comparaison : l’amour s’en va comme cette Dans l’échec de cet amour, Apollinaire incrimine
eau courante le temps et a recours à l’image de l’eau qui
v.13-14 Anaphore : l’amour s’en va : procédé coule pour suggérer l’érosion des sentiments.
d’insistance.
«L’amour s’en va comme cette eau courante»
associe explicitement les thèmes majeurs du
V16 Majuscule + personnification Allégorie de poème. Le temps est en un effet un leitmotiv de
l’Espérance ce poème dont l’eau, l’onde et le fleuve sont le
Adverbe d’intensité répété : « comme « la vie », symbole matérialisé.
« comme » l’Espérance.
Antithèse Espérance/violente
V. 15. Le poète déplore que le temps s’écoule
lentement « Comme la vie est lente»
Utilisation d'une paronomase
(rapprochement de mots aux sonorités
V. 16 espoir d’un retour aux amours anciennes
semblables) « vie est lente »/est violente »
Souffrance du poète

Adjectif attribut « violente » mis en valeur à la


rime et par la diérèse anéantit le désir et
l’espoir.

Le dernier quatrain rappelle que le temps a fait


Passent les jours et passent les semaines son œuvre et a définitivement détruit l’espoir
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
de retrouvailles.
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
v 20-21 constat de la perte irrémédiable :
Omniprésence du champ lexical du temps : l’amour ne peut renaître de ses cendres.
passent, jours, semaines, temps passé.
Rythme lent qui suggère une certaine
v. répétition du verbe passer au présent de résignation et désespoir.
l’indicatif inversion syntaxique.

V. 20 et 21.

Anaphore adverbe de négation : « ni temps


passé, ni les amours reviennent »

Mots clefs reviennent inlassablement comme


une ritournelle obsédante «amours» bien
entendu, mais aussi «pont».

V. 23 Notons le changement du déterminant le


groupe nominal « nos amours» devient «les
amours.».
Le vers 24 /Vers 1, le poète formule un constat.
le dernier vers boucle le texte, marquant par là
l’achèvement d’un cycle.

L’ensemble crée un effet de complainte.

CONCLUSION

Le chant poétique conjure le temps et sublime la déception amoureuse en effet si le poète a


conscience de la finitude de toute chose, il semble vouloir surmonter son désespoir grâce à
son chant poétique.
Face au caractère irréversible du temps, cet ennemi des artistes (Cf. Les Fleurs du mal : le
temps vampirise l’homme), le poète se résigne. L’image du cercle domine le poème avec les
arches les ponts de nos bras, le « pont », la répétition de vers...

Caractère universel du propos, le poète se détache de son expérience personnelle pour


atteindre l’universel.

+ OUVERTURE
La Poésie du XIX ème au XXème siècle
Parcours associé : Emancipations créatrices
« Le Crapaud », Corbière
« Le Pont Mirabeau », Apollinaire

Définitions, Dictionnaire Larousse

EMANCIPATION :
Action de s’affranchir d’un lien, d’une entrave, d’un état de dépendance, d’une domination…
SYNONYMES :
Affranchissement - libération

CREATION/ CREATRICE
a)Action d’établir, de fonder quelque chose qui n’existait pas encore.
b) Action de créer une œuvre originale, production nouvelle.
SYNONYMES :
Conception - élaboration - établissement - fondation - invention - production

En créant des images nouvelles, en transformant le sens, en créant de nouveaux univers,


en détournant les objets et la réalité, le poète s’affranchit de certaines règles plus
classiques, plus anciennes. C’est ainsi qu’il crée et s’émancipe !

Quelques auteurs « émancipés » :

-Villon (XV eme siècle)

-Baudelaire (XIX eme siècle)

-Lautréamont (XIX eme siècle)

-Verlaine (XIX eme siècle)

-Apollinaire (XIX eme siècle)

- Césaire (XX eme siècle)


La Bruyère, Les Caractères, livre XI « De l'Homme »

Objet d’étude : La littérature d’idées du XVI ème au siècle XVIIIème siècle

Lectures linéaires :
« Ménalque » (Remarque 7), livre XI « De l'Homme »
« GNATHON » (REMARQUE 121), livre XI « De l'Homme »
Lecture complémentaire : préface de l’œuvre

Parcours associé : peindre les Hommes, examiner la nature humaine.

Lecture linéaire :

« Les Animaux malades de la peste » (VII, 1), Les Fables, VII, 1

Lecture cursive : Candide, Voltaire

Les Caractères, La Bruyère (1688-1696)


Chapitre XI, Remarque 7 « De l’Homme »
« Ménalque »

Ménalque descend son escalier, ouvre sa porte pour sortir, il la referme : il s’aperçoit qu’il
est en bonnet de nuit ; et venant à mieux s’examiner, il se trouve rasé à moitié, il voit que
son épée est mise du côté droit, que ses bas sont rabattus sur ses talons, et que sa chemise
est par-dessus ses chausses. S’il marche dans les places, il se sent tout d’un coup rudement
frappé à l’estomac ou au visage ; il ne soupçonne point ce que ce peut être, jusqu’à ce
qu’ouvrant les yeux et se réveillant, il se trouve ou devant un limon de charrette, ou derrière
un long ais de menuiserie que porte un ouvrier sur ses épaules. On l’a vu une fois heurter du
front contre celui d’un aveugle, s’embarrasser dans ses jambes, et tomber avec lui chacun de
son côté à la renverse. Il lui est arrivé plusieurs fois de se trouver tête pour tête à la
rencontre d’un prince et sur son passage, se reconnaître à peine, et n’avoir que le loisir de se
coller à un mur pour lui faire place. Il cherche, il brouille, il crie, il s’échauffe, il appelle ses
valets l’un après l’autre : on lui perd tout, on lui égare tout ; il demande ses gants, qu’il a
dans ses mains, semblable à cette femme qui prenait le temps de demander son masque
lorsqu’elle l’avait sur son visage. Il entre à l’appartement, et passe sous un lustre où sa
perruque s’accroche et demeure suspendue : tous les courtisans regardent et rient ;
Ménalque regarde aussi et rit plus haut que les autres, il cherche des yeux dans toute
l’assemblée où est celui qui montre ses oreilles, et à qui il manque une perruque. S’il va par
la ville, après avoir fait quelque chemin, il se croit égaré, il s’émeut, et il demande où il est à
des passants, qui lui disent précisément le nom de sa rue ; il entre ensuite dans sa maison,
d’où il sort précipitamment, croyant qu’il s’est trompé. Il descend du Palais, et trouvant au
bas du grand degré un carrosse qu’il prend pour le sien, il se met dedans : le cocher touche
et croit ramener son maître dans sa maison ; Ménalque se jette hors de la portière, traverse
la cour, monte l’escalier, parcourt l’antichambre, la chambre, le cabinet ; tout lui est familier,
rien ne lui est nouveau ; il s’assit, il se repose, il est chez soi. Le maître arrive : celui-ci se lève
pour le recevoir ; il le traite fort civilement, le prie de s’asseoir, et croit faire les honneurs de
sa chambre ; il parle, il rêve, il reprend la parole : le maître de la maison s’ennuie, et
demeure étonné …
Les Caractères, La Bruyère (1688-1696)
Chapitre XI, Remarque 121 « De l’Homme »
« Gnathon »

Gnathon ne vit que pour soi, et tous les hommes ensemble sont à son égard comme s'ils
n'étaient point. Non content de remplir à une table la première place, il occupe lui seul celle
de deux autres ; il oublie que le repas est pour lui et pour toute la compagnie ; il se rend
maître du plat, et fait son propre1 de chaque service : il ne s'attache à aucun des mets, qu'il
n'ait achevé d'essayer de tous ; il voudrait pouvoir les savourer tous tout à la fois. Il ne se
sert à table que de ses mains ; il manie les viandes2, les remanie, démembre, déchire, et en
use de manière qu'il faut que les conviés, s'ils veulent manger, mangent ses restes. Il ne leur
épargne aucune de ces malpropretés dégoûtantes, capables d'ôter l'appétit aux plus
affamés ; le jus et les sauces lui dégouttent du menton et de la barbe ; s'il enlève un ragoût
de dessus un plat, il le répand en chemin dans un autre plat et sur la nappe ; on le suit à la
trace. Il mange haut3 et avec grand bruit ; il roule les yeux en mangeant ; la table est pour lui
un râtelier4 ; il écure ses dents, et il continue à manger. Il se fait, quelque part où il se trouve,
une manière d'établissement5, et ne souffre pas d'être plus pressé6 au sermon ou au théâtre
que dans sa chambre. Il n'y a dans un carrosse que les places du fond qui lui conviennent ;
dans toute autre, si on veut l'en croire, il pâlit et tombe en faiblesse. S'il fait un voyage avec
plusieurs, il les prévient7 dans les hôtelleries, et il sait toujours se conserver dans la meilleure
chambre le meilleur lit. Il tourne tout à son usage ; ses valets, ceux d'autrui, courent dans le
même temps pour son service. Tout ce qu'il trouve sous sa main lui est propre, hardes 8,
équipages9. Il embarrasse tout le monde, ne se contraint pour personne, ne plaint personne,
ne connaît de maux que les siens, que sa réplétion10 et sa bile, ne pleure point la mort des
autres, n'appréhende que la sienne, qu'il rachèterait volontiers de l'extinction du genre
humain.

1 son propre : sa propriété.


2 viandes : se dit pour toute espèce de nourriture.
3 manger haut : manger bruyamment, en se faisant remarquer.
4 râtelier : assemblage de barreaux contenant le fourrage du bétail.
5 une manière d'établissement : il fait comme s'il était chez lui.
6 pressé : serré dans la foule.
7 prévenir : devancer.
8 hardes : bagages.
9 équipage : tout ce qui est nécessaire pour voyager (chevaux, carrosses, habits, etc.).
10 réplétion : surcharge d'aliments dans l'appareil digestif.
« Les Animaux malades de la peste », Jean de La Fontaine
Les fables - Recueil II, livre VII

Un mal qui répand la terreur,


Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste [puisqu'il faut l'appeler par son nom]
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie ;
Nul mets n'excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d'amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J'ai dévoré force moutons.
Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le Berger.
Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d'honneur.
Et quant au Berger l'on peut dire
Qu'il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L'Ane vint à son tour et dit : J'ai souvenance
Qu'en un pré de Moines passant,
La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net.
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
EXPLICATION LINEAIRE 7: Les Caractères, La Bruyère (1688-1696), Chapitre XI, « De l’Homme »
Du début jusqu’à « ».

INTRODUCTON
RAPPELS
1-Amorce : contexte les éléments historiques, culturels, politiques, biographiques, … qui permettent de situer le texte à
étudier dans son contexte d'écriture.
2-Présentation Œuvre/Auteur : ses idées, ses combats, ses sources, ses autres œuvres, les auteurs qui lui sont
contemporains.../ son titre, son genre, son enjeu principal...
2- Situation et caractérisation de l’extrait : éventuel résumé de ce qui se passe avant, ou partie du recueil dans laquelle se
situe l'extrait étudié, ses particularités, sa singularité.
3- Formulation du projet de lecture : sous la forme d'une question directe ou d'une interrogative indirecte, cette étape
doit faire apparaître en termes clairs et précis la singularité de l'extrait à expliquer.
En quoi Gnathon est-il l’anti-portrait de l’honnête homme ?
4-MOUVEMENTS : à annoncer !

Lecture de l’extrait à voix haute : lisez de manière expressive en adaptant votre lecture au
genre littéraire et à la tonalité du texte. On attend fluidité, intonation et respect de la
syntaxe.

« GNATHON » (REMARQUE 121)

 Il ne s’agit pas d’un portrait physique, mais moral, qui ne concerne pas une personne en
particulier mais d’un type d’individu.
 Le choix du prénom du personnage est intéressant sur un plan onomastique, puisqu’il
renvoie étymologiquement au terme « mâchoire ». Il fonctionne alors comme une
synecdoque.

EXPLICATION DE TEXTE :

I-Gnathon , un être glouton


 Tout d’abord, nous avons affaire à une allégorie de l’égocentrisme. Le texte s’ouvre sur la
négation restrictive « ne vit que pour soi » qui traduit l’égoïsme et l’exclusivité qui habitent
l’anti-héros.
 Dans la première phrase s’opère également une négation des autres à travers la
comparaison « comme s’ils n'existaient point ».
 Ce dernier s’oppose par ailleurs au reste du monde comme le prouve le fonctionnement
antithétique du texte, qui établit un contraste entre Gnathon et certaines expressions
comme « tous les hommes », « les conviés », « deux autres » « ses valets », « tout le
monde », « les autres », formules qui, pour la plupart, sont au pluriel.
 On remarque d’autre part la présence de termes qui signalent que le protagoniste veut se
rendre le maître et le possesseur de tout ce qui l'entoure : « à son égard », « son propre »,
« ses mains », « sa chambre », « son usage », « ses valets », « son service », « sa main », « lui
est propre », « sa réplétion », « sa ville », « la sienne ».
 La forme possessive est ainsi déclinée sous toutes les manières possibles : au masculin, au
féminin et au pluriel. Gnathon semble obsédé par l’avoir et la propriété au détriment des
autres.
 Il n’y a donc dans son esprit aucune place pour le partage ou pour l’altruisme : son
comportement est uniquement guidé par l'avidité et l’insatisfaction : « non content de
remplir à une table la première place ».
 En outre, l’écriture de La Bruyère est marquée par l’asyndète ( L'asyndète est une figure de style par
laquelle on juxtapose des éléments tout en supprimant volontairement les mots de coordination )afin de
retranscrire le caractère mécanique des actions du personnage.
 Celui-ci est marqué par une forme de dispersion qui signale une gloutonnerie grotesque : « il
ne s’attache à aucun des mets, qu’il n’ait achevé d’essayer de tous ».
 Nous pouvons remarquer que le style de La Bruyère donne à voir des redondances
volontaires qui créent un sorte de lourdeur : « tous tout à la fois », « manger mangent », « la
meilleure chambre dans le meilleur lit ». Il s’agit pour l’auteur d’imiter le mauvais goût de
Gnathon, son manque d’élégance de distinction, de sophistication, de raffinement. Le
portraitiste veut également, à travers des hyperboles qui génèrent l’emphase sans nuance,
caricaturer son personnage.
 De plus, il est important de signaler l’omniprésence du terme « manger » qui témoigne de
l’importance de cette activité primaire. Gnathon semble être réduit à cette seule activité !
 De manière générale, tout le texte est structuré autour du vocabulaire de la nourriture et de
tout ce qui l’entoure. Vocabulaire peu recherché : « table » (répété plusieurs fois), « repas »,
« services », « mets », « savourer », « viande », « appétit », « jus », « sauce », « ragoût »,
« plat », « nappe ».

II-Un individu animalisé et sans élégance
 L’anti-héros semble inférieur à l’animal qui sait lui s’arrêter quand il est repu. Gnathon est
d’ailleurs présenté comme un carnassier, un charognard qui fait preuve d’une grande
brutalité, brusquerie, comme le prouve le rythme ternaire dans l’énumération « les
remanie, démembre, déchire ».
 Nous avons affaire ici à ce qui relève de la curée (portion de la bête tuée que l’on donne aux
chiens de chasse ; autre sens : ruée vers les places).
 Ainsi, son insensibilité à l’environnement qui l’entoure qui sont ici mises en valeur : « s’ils
veulent manger, mange ses restes ».
 Gnathon est aussi marqué par son manque d’hygiène et d’éducation comme le suggère le
terme « malpropretés ». La Bruyère joue également sur les homophones à fin de heurter
davantage le lecteur : « dégoûtante » fait écho à « dégouttent » et discrédite le personnage
qui suscite alors le rejet, la répugnance, l’aversion.
 Nous pouvons ici parler d’un portrait satirique qui épouvante le lecteur et fait basculer le
texte dans le registre polémique. Ce texte présente alors une visée édifiante et didactique
puisque Gnathon apparaît comme un exemple à ne pas suivre.
 D’autre part, le champ lexical du corps se rapporte encore à l’univers de la nourriture :
« menton », « barbe », « dents ».
 Ces termes présentent tous en effet un lien avec la bouche. Le caractère inconvenant,
indélicat et sauvage du protagoniste fait de lui un être en proie à des pulsions et le
rapproche encore du monde animal : « s’il enlève un ragoût de dessus un plat, il le répand en
chemin dans un autre plat et sur la nappe ; on le suit à la trace ».
 Sa vulgarité fait de lui une sorte de butor, comme le prouve l’expression « mange haut et
avec grand bruit ». Il est dépourvu de discrétion, de réserve, de pudeur.
 La métaphore contenue dans la formule : « la table est pour lui un râtelier », achève de de le
déshumaniser totalement.
 Il est alors présenté comme un homme absolument imperturbable : « il écure ses dents, il
continue à manger ».
 Sa désinvolture et sa familiarité sont également suggérées par la phrase : « il se fait, quelque
part où il se trouve, une manière d’établissement ».
 Gnathon manque de distinction, et apparaît comme un homme importun, en contradiction
certaine avec la référence au « sermon » ou au « théâtre » qui renvoie à l’aristocratie et à la
noblesse.
 L’auteur met ensuite l’accent sur son impudence, son aplomb et son effronterie : il ne se
soucie que de son confort : « il n’y a dans un carrosse que les places du fond qui lui
conviennent ».
 C’est un personnage en représentation, artificiel et théâtral, un homme de la démesure qui
n’hésite pas à manipuler, à utiliser le mensonge et la simulation : « si on veut l’en croire, il
pâlit et tombe en faiblesse ».
 Son individualisme, son immoralité et son manque de solidarité s’expriment dans la phrase :
« s’il fait un voyage avec plusieurs, il est prévient dans les hôtelleries ».
 Il semble ainsi n’avoir aucune noblesse d'âme : « il sait toujours se conserver dans la
meilleure chambre le meilleur lit ».
 Gnathon est un profiteur, un opportuniste : « ses valets, ceux de autrui, courent dans le
même temps pour son service ».
 Par conséquent, il n’hésite pas à créer le malaise, la gêne, la contrariété, le déplaisir. Il
indispose, transgresse tous les codes de la politesse et de la civilité : « il embarrasse tout le
monde, ne se contraint pour personne, ne plaint personne, ne connaît de maux que les
siens ».
 La Bruyère met l’accent sur son manque de compassion comme le prouvent les tournures
négatives qui sont de plus en plus nombreuses à mesure qu’avance le texte. Aucune
réciprocité, empathie ou charité ne semblent marquer le comportement de Gnathon.
La métaphore finale traduit l’orgueil du personnage qui se croit au-dessus de sa condition de
mortel : « ne pleure point la mort des autres, n’appréhende que la sienne, qu'il rachèterait volontiers
de l’extinction du genre humain.
EXPLICATION LINEAIRE 8: Les Caractères, La Bruyère (1688-1696), Chapitre XI, « De l’Homme »

GNATHON , Remarque 121

INTRODUCTON

RAPPELS
1-Amorce : contexte les éléments historiques, culturels, politiques, biographiques, … qui permettent de situer le texte à
étudier dans son contexte d'écriture.
2-Présentation Œuvre/Auteur : ses idées, ses combats, ses sources, ses autres œuvres, les auteurs qui lui sont
contemporains.../ son titre, son genre, son enjeu principal...
2- Situation et caractérisation de l’extrait : éventuel résumé de ce qui se passe avant, ou partie du recueil dans laquelle se
situe l'extrait étudié, ses particularités, sa singularité.
3- Formulation du projet de lecture : sous la forme d'une question directe ou d'une interrogative indirecte, cette étape
doit faire apparaître en termes clairs et précis la singularité de l'extrait à expliquer.
Comment à travers ce texte, La Bruyère brosse-t-il le portrait d’un anti-honnête homme ?
4-MOUVEMENTS :
-un être égocentrique et peu raffiné : début jusqu’à « et il continue à manger. »
-Gnathon en société… : « Il se fait quelque part où il se trouve,… » jusqu’à fin

5-Lecture de l’extrait à voix haute : lisez de manière expressive en adaptant votre lecture au
genre littéraire et à la tonalité du texte. On attend fluidité, intonation et respect de la
syntaxe.

REMARQUES PRELIMINAIRES :

 Il ne s’agit pas ici d’un portrait physique, mais moral, qui ne concerne pas une personne en
particulier mais d’un type d’individu.
 Le choix du prénom du personnage est intéressant sur un plan onomastique, puisqu’il
renvoie étymologiquement au terme « mâchoire ». Il fonctionne alors comme une
synecdoque.

EXPLICATION DE TEXTE :

1-Un être égocentrique et peu raffiné

 Tout d’abord, nous avons affaire à une allégorie de l’égocentrisme. Le texte s’ouvre sur la
négation restrictive* « ne vit que pour soi » qui traduit l’égoïsme et l’exclusivité qui habitent
l’anti-héros.
 Dans la première phrase s’opère également une négation des autres à travers la
comparaison « comme s’ils n'existaient point ».
 Ce dernier s’oppose par ailleurs au reste du monde comme le prouve le fonctionnement
antithétique du texte, qui établit un contraste entre Gnathon et certaines expressions
comme « tous les hommes », « les conviés », « deux autres » « ses valets », « tout le
monde », « les autres », formules qui, pour la plupart, sont au pluriel.
 On remarque d’autre part la présence de termes qui signalent que le protagoniste veut se
rendre le maître et le possesseur de tout ce qui l'entoure : « à son égard », « son propre »,
« ses mains », « sa chambre », « son usage », « ses valets », « son service », « sa main »…
 La forme possessive est ainsi déclinée sous toutes les manières possibles : au masculin, au
féminin et au pluriel. Gnathon semble obsédé par l’avoir et la propriété au détriment de
l’être et de l’authenticité.
 Il n’y a donc dans son esprit aucune place pour le partage ou pour l’altruisme : son
comportement est uniquement guidé par l'avidité, la convoitise et l’insatisfaction : « non
content de remplir à une table la première place ».
 Le texte signale une gloutonnerie grotesque : « il ne s’attache à aucun des mets, qu’il n’ait
achevé d’essayer de tous ».
 Nous pouvons remarquer que le style de La Bruyère donne à voir des redondances
volontaires qui créent un sorte de lourdeur : « tous tout à la fois », « manger mangent », « la
meilleure chambre dans le meilleur lit ». Il s’agit pour l’auteur d’imiter le mauvais goût de
Gnathon, son manque d’élégance de distinction, de sophistication, de raffinement. Le
portraitiste veut également, à travers des hyperboles qui caricaturent son personnage.
 De plus, il est important de signaler l’omniprésence du terme « manger » qui témoigne de
l’importance de cette activité primaire. L’auteur use donc d’un polyptote puisque ce verbe
est présent à presque toutes les formes : participe présent, infinitif, verbe conjugué, comme
si Gnathon était réductible à cette seule action.
 De manière générale, tout le texte est structuré autour du vocabulaire de l’ingestion
d’aliments peu recherchés : « table » (répété plusieurs fois), « repas », « services », « mets »,
« savourer », « viande », « appétit », « jus », « sauce », « ragoût », « plat », « nappe ».
 L’anti-héros semble inférieur à l’animal qui sait lui s’arrêter quand il est repu. Gnathon est
d’ailleurs présenté comme un carnassier, un charognard qui fait preuve d’une grande
brutalité, brusquerie, comme le prouve le rythme ternaire dans l’énumération « les
remanie, démembre, déchire ».
 Nous avons affaire ici à ce qui relève de la curée (portion de la bête tuée que l’on donne aux
chiens de chasse ; autre sens : ruée vers les places).
 Ainsi, c’est son insatiabilité, et son insensibilité à l’environnement qui l’entoure qui sont ici
mises en valeur : « s’ils veulent manger, mange ses restes ».
 Gnathon est aussi marqué par son manque d’hygiène et d’éducation comme le suggère le
terme « malpropretés ». La Bruyère joue également sur les homophones à fin de heurter
davantage le lecteur : « dégoûtante » fait écho à « dégouttent » et discrédite le personnage
qui suscite alors le rejet, la répugnance, l’aversion.
 Nous pouvons ici parler d’un portrait satirique qui épouvante le lecteur et fait basculer le
texte dans le registre polémique. Ce texte présente alors une visée édifiante et didactique
puisque Gnathon apparaît comme un exemple à ne pas suivre.
 D’autre part, le champ lexical du corps se rapporte encore à l’univers de la nourriture :
« menton », « barbe », « dents ».
 Ces termes présentent tous en effet un lien avec la bouche. Le caractère indélicat et sauvage
du protagoniste fait de lui un être en proie à des pulsions et le rapproche encore du monde
animal : « s’il enlève un ragoût de dessus un plat, il le répand en chemin dans un autre plat et
sur la nappe ; on le suit à la trace ».
 Il est alors présenté comme un homme absolument imperturbable: « il écure ses dents, il
continue à manger ».

2-Gnathon en société…
 Sa désinvolture et sa familiarité sont également suggérées par la phrase : « il se fait, quelque
part où il se trouve, une manière d’établissement ».
 Gnathon manque de distinction, et apparaît en contradiction avec les valeurs de
l’aristocratie et de la noblesse.
 L’auteur met ensuite l’accent sur son aplomb: il ne se soucie que de son confort : « il n’y a
dans un carrosse que les places du fond qui lui conviennent ».
 C’est un personnage en représentation, artificiel et théâtral, un homme de la démesure qui
n’hésite pas à manipuler, à utiliser le mensonge et la simulation : « si on veut l’en croire, il
pâlit et tombe en faiblesse ».
 Son individualisme, son immoralité et son manque de solidarité s’expriment dans la phrase :
« s’il fait un voyage avec plusieurs, il est prévient dans les hôtelleries ».
 Il semble ainsi n’avoir aucune noblesse d'âme : « il sait toujours se conserver dans la
meilleure chambre le meilleur lit ».
 Gnathon est un profiteur, un opportuniste : « ses valets, ceux de autrui, courent dans le
même temps pour son service ».
 Par conséquent, il n’hésite pas à créer le malaise, la gêne, la contrariété, le déplaisir. Il
indispose, transgresse tous les codes de la politesse et de la civilité : « il embarrasse tout le
monde, ne se contraint pour personne, ne plaint personne, ne connaît de maux que les
siens ».
 La Bruyère met l’accent sur son manque de compassion comme le prouvent les tournures
négatives qui sont de plus en plus nombreuses à mesure qu’avance le texte. Aucune
empathie ou charité ne semblent marquer le comportement de Gnathon.
 La métaphore finale traduit l’orgueil du personnage qui se croit au-dessus de sa condition
de mortel : « ne pleure point la mort des autres, n’appréhende que la sienne, qu'il
rachèterait volontiers de l’extinction du genre humain ».

CONCLUSION : BILAN +OUVERTURE

Négation restrictive : elle est construite avec l’adverbe de négation NE+QUE. Ce type de négation
sert à marquer une affirmation.
Ex : Je ne peux venir que lundi : je peux venir seulement lundi
EXPLICATION LINEAIRE : « Les Animaux malades de la peste », Livre VII, 1, La Fontaine,1678

INTRODUCTON
RAPPELS
1-Amorce : contexte les éléments historiques, culturels, politiques, biographiques, religieux qui permettent de situer le
texte à étudier dans son contexte d'écriture.=>Auteur : ses idées, ses combats, ses sources, ses autres œuvres, les auteurs
qui lui sont contemporains...=>Œuvre : son titre, son genre, son enjeu principal...
2- Situation et caractérisation du passage du passage : éventuel résumé de ce qui se passe avant, ou partie du recueil dans
laquelle se situe l'extrait étudié, ses particularités, sa singularité.
3- Lecture de l’extrait : lisez de manière expressive en adaptant votre lecture au genre littéraire et à la tonalité du texte.
On attend fluidité, intonation et respect de la syntaxe.
4- Formulation du projet de lecture : sous la forme d'une question directe ou d'une interrogative indirecte, cette étape
doit faire apparaître en termes clairs et précis la singularité de l'extrait à expliquer.
5-Composition du texte et organisation de l'exposé : mise au jour de sa structure, de son plan (mouvements du texte) qui
sera aussi le plan de l’étude ; annoncez clairement ses grandes parties.

Au XVII ème siècle s’élaborent les formes principales de l’argumentation, sous


l’influence notamment des moralistes tels La Fontaine. En effet, auteur majeur du
classicisme, il sera célèbre pour ses fables, emprunté à Esope mais auxquelles il a donné de
véritables couleurs.
La fable, « Les Animaux malades de la peste » est la première du second recueil, avec cet
apologue l’auteur évoque une réalité terrible celle des épidémies de peste.
Mettant en scène une sorte de confession publique, le fabuliste soulignera une véritable
injustice et une cynique critique du pouvoir.
Nous verrons comment La Fontaine à travers cet apologue fait la satire de la cour.

I-Une situation initiale efficace (vers 1-14)


PARTIE NON PRESENTEE A L’ORAL

Le récit proposé par le fabuliste dès le début de la fable cherche à plaire et à instruire suivant le précepte latin
« placere et docere », en effet ce récit devient plaisant grâce aux images poétiques mais aussi à la variété des
vers qui rythme la fable. Enfin le discours direct dominant cette fable dynamise l’ensemble mais c’est le schéma
narratif proposé qui permet au lecteur d’adhérer à la histoire de manière agréable pour aller jusqu’à la morale.
Ainsi La Fontaine expose de manière plaisante les faits avant de proposer sa propre réflexion sur le pouvoir.
RELEVES PROCEDES INTERPRETATIONS
I-Une situation initiale -Champ lexical du malheur: « mal, Le contexte et le cadre sont posé
efficace (vers 1-14) terreur, crimes… » dès les premiers vers. L’histoire
-Périphrases : vers 1-2-3 est menée avec une certaine
-Vers 4 : apparition du mot gravité, le ton est dès le départ
Vers 1 à 6 « peste » tragique. Le poète semble
-Allitération en « r » : « terreur, retarder l’apparition du mot
fureur, punir, crime, terre « peste » tout en s’adressant au
Achéron » lecteur « puisqu’il faut l’appeler
par son nom ».

Effet de dramatisation, la peste


est un fléau qui apparait comme
une punition, une superstition.
Punition divine(Achéron) :
référence à l’épisode de la grande
peste de Thèbes qui dans l’œuvre
Œdipe roi de Sophocle a lieu suite
aux actes d’Œdipe.
Les périphrases soulignent la
dimension mythique.
Les allitérations : grondement
furieux de la colère divine qui
soutiennent les périphrases.
Vers 7 Chiasme Ce chiasme insiste sur
« Ils ne mourraient pas tous, mais l’importance et l’ampleur du fléau
tous étaient frappés »
Forces surhumaines en présence
(vers 2/3)
Chiasme (vers 7)…
Vers 7 à 14 Accumulation de négations (nul, L’accumulation marque la
ni, plus…) disparition des instincts naturels.
Dans ce contexte pesant, la cour
de justice exige une confession
publique afin de désigner le
coupable et de…le sacrifier

II-Chacun prend la parole…

Ainsi à partir du vers 15 les


différents personnages vont
prendre la parole, les
puissants auront un long
temps de parole, le début
de l’injustice !

Vers 15 à 49 -Présence du discours direct pour Le lion (vers 15-32) :


le lion, le renard et l’âne. Le lion fait d’abord un état des
Vs 15 : apostrophe « Chers lieux, il rend compte de la
amis… » situation « cette infortune »
-Lexique de la bienveillance Il joue la modestie, la sincérité et
-vers 48 : ironie à l’égard des la familiarité avec l’auditoire, il
puissants évoquera très rapidement son cas
-lexique dépréciatif : « maudit, personnel. Il insistera sur les
galeux, pelé, mal » pronoms « on, nous » afin de
- Antithèse : « harangue déplacer la faute individuelle vers
/peccadille » la culpabilité collective.
-vers 37 : questions rhétoriques La Fontaine fait un portrait
-Exclamatives vers 60 bienveillant du lion afin qu’il soit
vite pardonné…
Ironie du fabuliste à l’égard des Le lion apparait à la fois juge et
puissants: vers 45-48. partie…mais attention il s’agit
« petits saints » ; « les moins bien d’une stratégie pour trouver
paromase* : Figure qui consiste à pardonnables offenses » un bouc-émissaire. Le lion
rapprocher des mots de sonorités
Vers 59 : paromase *, autoritaire et habile réussit à
voisines dans une phrase
ex. Qui s'excuse s'accuse « peccadille/pendable » persuader son auditoire qu’il n’est
Vers 53-61 : prise de position du pas le plus coupable !
fabuliste qui souligne la Le renard (à partir du vers 34) :
disproportion entre la faute de personnage qui maitrise très bien,
l’âne et le châtiment le langage, c’est un personnage
flatteur et hypocrite, il utilise un
langage soutenu. Il fait ainsi
l’éloge du lion afin d’être épargné.
Il n’avoue rien, il fait preuve de
ruse à ce moment précis. Dans la
littérature, traditionnellement
c’est un animal rusé, égoïste et
fourbe.
II-Aveu et condamnation L’âne (vers 49-54) : son discours
simple et sincère (une pauvre
Vers 49 à 62 anecdote) le condamnera à mort !
L’âne respecte naïvement le jeu
de la confession mais il est piégé
par ses propres aveux.
Etre naïf et imprudent, manipulé
par les puissants.
L’antithèse met en valeur la
démesure de la situation, en effet
l’âne va être condamné car il a
mangé un peu d’herbe !
Le loup (exclamative vers 60) :
son harangue vise à condamner
l’âne. Son discours agressif et ses
arguments sans fondement
soulignent la mauvaise foi des
puissants. Il établit un portrait
terrible de l’âne : « maudit,
galeux, pelé, mal » appuyé par
l’exclamative du vers 60.
La paronomase transforme une
simple erreur en crime
abominable. Le loup en tire des
conclusions terribles (vers 57-62
La morale… Cette morale confirme bien
Vers 63-64 l’injustice faite aux plus fragiles.
Cette morale justifie cette
injustice sans aucune ambiguïté :
la justice s’applique de manière
différente selon votre condition
sociale.

CONCLUSION

En somme cette fable fait apparaitre un âne sympathique mais naïf…manipulé par les plus
puissants. Le lion auquel tous obéissent, symbolise Louis XIV à une période où l’absolutisme
est de plus en plus fort. Les autres animaux constituent une cour dont tous les membres
cherchent à plaire au souverain. L’ensemble de la société du XVII ème siècle est donc
représenté par cette parodie de procès.
De plus cette fable nous propose une variété de registres et des personnages extrêmement
marqués. D’un côté les puissants de l’autre les plus fragiles (l’âne est-il le symbole du
peuple ?).
Enfin, on pourrait se demander s’il s’agit d’une critique de la justice servant les puissants ou
de mises à mort fréquentes au XVIIème ? Dans tous les cas, La Fontaine souligne le pouvoir
de la parole…qui l’emporte souvent.

QUESTIONS DE GRAMMAIRE

❶Analysez le vers suivant: «Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net » (vers 54).
Il s’agit d’une phrase complexe composée d’une principale et d’une subordonnée. La subordonnée ici
présente est une proposition subordonnée conjonctive en fonction de circonstancielle, les circonstancielle sont
déplaçables et parfois supprimables.
La proposition conjonctive « puisqu’il faut parler net » est subordonnée à la principale «Je n’en avais nul droit ».
Elle est introduite par la conjonction « puisque ». Il s’agit ici d’une subordonnée circonstancielle de cause (du
verbe de la principale « avais »)
Cette subordonnée souligne la naïveté de l’âne qui a cru que la sincérité était de mise…

❷Analysez le vers suivant: « Selon que vous serez puissant ou misérable /Les jugements de cour vous
rendront blanc ou noir» (vers 63-64)
Il s’agit d’une phrase complexe composée d’une principale et d’une subordonnée. La principale se
positionnant ici après la subordonnée. Cette proposition est une subordonnée conjonctive en fonction de
circonstancielle, les circonstancielle sont déplaçables et parfois supprimables.
La proposition conjonctive « Selon que vous serez puissant ou misérable » est subordonnée à la principale «Les
jugements de cour vous rendront blanc ou noir». Elle est introduite par la locution conjonctive « selon que »
suivie de l’indicatif (futur de l’indicatif : « serez »).Il s’agit ici d’une subordonnée circonstancielle de condition
(du verbe de la principale « rendront ».)
Cette proposition souligne la différence du verdict de la cour selon la position sociale du plaignant…
Marivaux, L'Île des esclaves, 1725

Objet d’étude : Le théâtre du XVII s au XXI ème siècle


Parcours : maitres et valets
Projet de lecture : comment cette comédie utopique interroge-t-elle les rapports entre maitre et
valet ?

Lecture linéaire
1-Scène 1 de l’acte I, La scène d’exposition
Extrait : Début jusqu’à « Mais je ne comprends point, mon cher Arlequin »
Le mouvement des Lumières marquera de manière profonde le XVIIIème siècle mais
également les intellectuels les plus contemporains. Marivaux lui-même influencé par les idées de ce
mouvement, dénonce sous une légèreté apparente les injustices sociales. Représentée pour la
première fois en 1725, la pièce de Marivaux, comédie sociale, sera fort appréciée.
Suite à un naufrage, Iphicrate, un jeune maitre athénien et Arlequin, son esclave, ont échoué sur l'ile
des esclaves, habitée par d'anciens esclaves qui suppriment les maitres ou qui les jettent dans
l'esclavage. Alors qu’Iphicrate désormais en danger, est pressé de partir à la recherche de ses
camarades, et qu'il espère quitter l'ile le plus rapidement possible, Arlequin ralentit le pas et n'a pas
tout à fait les mêmes intentions que son maitre.
Comment cette scène révèle de nouveaux rapports sociaux ?

Premier mouvement : L’arrivée sur l’ile…: « IPHICRATE, après avoir soupiré…


jusqu’à nous les cherchions »
●La didascalie initiale suppose un décor fermé, sans fuite possible : « La scène est dans l’ile des
esclaves. Le théâtre…maisons ».Les champs lexicaux de la vie insulaire font donc écho à cette
didascalie initiale :
Champ lexical de l’île : « l’Île des esclaves », « cases », « coutume »
Champ lexical de la mer : « naufrage », « noyés », « mer », « vaisseau », « rocher », « chaloupe
», « vagues », « embarquement », « vogue »
Ce cadre éloigne les protagonistes de leur environnement habituel, les plongeant brutalement dans
un cadre nouveau et mystérieux. L’espace semble rétréci, confiné entre la « mer » , « rocher[s] » et
les « cases » des autochtones.
●Dès le début de l’extrait, la tonalité pathétique se nourrit du désespoir d’Iphicrate, celui-ci a
conscience du sort qui va lui être résevé.
-soupir/ questionnement (« Que deviendrons-nous sur cette ile ? « tristement »)/ lexique du
désespoir (« seul, sort, morts de faim… »)
Parallèlement, Arlequin assure un comique de farce :aux « soupirs » désespérés d’Iphicrate
s’opposent le persiflage(tourner quelqu’un en ridicule)et les chants grivois d’Arlequin. Son attitude
détachée face à cette situation est marquée par la didascalie : « avec une bouteille de vin… mais
également plus loin par sa réplique : « Cherchons, …je vous donnerai le reste. ».
●La 6° réplique d’Iphicrate est assez informative car elle suggère le naufrage par conséquent une
situation assez malheureuse : « quand notre vaisseau s’est échoué », à cette information Arlequin
répond avec beaucoup de désinvolture : « …reposons-nous auparavant…je vous donnerai le reste. »
●Les relations entre les deux personnages sont immédiatement identifiables grâce à leur nom :
Arlequin est connu comme le célèbre valet du théâtre italien et le nom Iphicrate renvoie par sa
sonorité à la noblesse de la Grèce antique (Iphicrate signifie « force et pouvoir »). Leurs échanges
(lexique, ordres, vouvoiement contre tutoiement) confirment encore le rapport hiérarchique qui
oppose les deux hommes. On peut donc sans difficulté comprendre, dès les premiers instants, que la
pièce posera la question des inégalités sociales dans un leur nouveau qui en bouleversera les règles .
●Arlequin apparait dans cette scène comme un personnage tout à fait conforme à la tradition des
valets de comédie : désinvolture, moquerie, langage et attitude comiques.
Ce début de scène d’exposition est assez informatif puisqu’il pose le cadre de l’intrigue, il
s’agit d’un cadre insulaire qui devient rapidement le lieu de bouleversements.

Deuxième mouvement : un début d’inversion…: « Cherchons, il n’y a… je ne


comprends point, mon cher Arlequin »
●L’intrigue de la pièce de Marivaux est située dans un contexte insulaire. Le nom de l’île est révélé
par Iphicrate dès l’ouverture de la pièce :« nous sommes dans l’Île des esclaves ». Elle se présente
comme un lieu politique qui accueille des esclaves révoltés contre leurs maîtres. L’adverbe de
lieu« ici » ne permet pas une localisation précise. En revanche « Athènes » est mentionnée comme
lieu d’origine des naufragés et symbole de l’esclavagisme sous l’Antiquité.

●Dans cette situation Iphicrate essaye de maintenir l'ordre ancien et de ne pas accepter les
changements. Il a peur de perdre la liberté sur cette île, et c'est pour cela qu'il aimerait vite
partir de celle-ci.

Cependant de manière étonnante à la réplique 11, c’est Iphicrate qui informe Arlequin du sort
qui l’attend : « Ce sont des esclaves de la Grèce révoltés contre leurs maitres… ». Iphicrate ne
peut s’empêcher d’être grave : « Arlequin, cela ne te suffit pas…plaindre ? ». Cette interrogative
souligne la prise de conscience d’Iphicrate de sort qui l’attend mais également son désespoir.

●Aux propos d’Iphicrate la réaction d’Arlequin est très enthousiaste et déplacé aux yeux de son
« maitre », nombreuses interjections : « Eh ! Ah ! » mais nous devons également noter les
sifflements, chants, exclamations.
●Dès qu’Arlequin comprend les coutumes de l’île, il se comporte à l’égard de son maître avec
une arrogance croissante. Au début de la scène, le valet se montre encore très soumis à
Iphicrate (« Mon patron ! »). Certes, Arlequin doit son tempérament jovial et impertinent à ses
origines théâtrales et il ne déroge pas à la tradition du théâtre italien, mais pour la première fois,
le personnage devient peu à peu grave et révolté.
●Comme il a besoin de son esclave pour retrouver d'éventuels compagnons qui auraient
survécu au naufrage, Iphicrate adopte une fausse amabilité envers Arlequin., il devient poli avec
lui : « Avançons je t'en prie. Arlequin ne manque pas d'ironiser sur cette nouvelle politesse :
« comme vous êtes civil et poli ; c'est l'air du pays qui fait cela. », allant jusqu’à chanter afin de
provoquer la colère chez son maitre.
Arlequin faisant ainsi preuve d'insolence montre ainsi que les rapports maître / valet ne sont
plus les mêmes…Iphicrate en a bien conscience… : « en retenant sa colère. Mais je ne comprends
point, mon cher Arlequin ». La didascalie « en retenant sa colère » souligne amplement le
changement d’état d’esprit d’Iphicrate qui a de moins en moins d’autorité sur Arlequin.
Au fil de la scène, Arlequin montre à son maitre que le changement est en train de se mettre en
place, son attitude à l’égard d’Iphicrate souligne la conscience qu’il a de cette nouvelle situation.
Conclusion : bilan +amorce
Ouverture : Le Mariage de Figaro, 1784
Le personnage devient l’archétype du valet qui prend une revanche sociale : monologue de
Figaro

QUESTION GRAMMAIRE

Analysez les phrases suivantes :

1-« Je t'en prie, je t'en prie; comme vous êtes civil et poli; c'est l'air du pays qui fait
cela. »

Il s’agit d’une phrase constituée principalement de propositions juxtaposées


(, / ;), cette phrase souligne le rythme dynamique des propos d’Arlequin.

2-« Comment donc ! Que veux-tu dire ? »

Il s’agit d’une phrase constituée d’une phrase non verbale de forme exclamative
ainsi que d’une phrase simple déclarative de type interrogatif.
Marivaux, L'Île des esclaves, 1725
Lecture linéaire

Scène 3
Extrait : De « En quoi ? partout, à tout heure, en tous lieux…» jusqu’à « ce sont
des pauvres gens pour nous. »
Le mouvement des Lumières marquera de manière profonde le XVIIIème siècle mais
également les intellectuels les plus contemporains. Marivaux lui-même influencé par les idées de ce
mouvement, dénonce sous une légèreté apparente les injustices sociales. Représentée pour la
première fois en 1725, la pièce de Marivaux, comédie sociale, sera fort appréciée.
Suite à un naufrage, Iphicrate, un jeune maitre athénien et Arlequin, son esclave, ont échoué sur l'ile
des esclaves, habitée par d'anciens esclaves qui suppriment les maitres ou qui les jettent dans
l'esclavage. Dans la scène 3, Cléanthis, ancienne esclave, se saisit de l'occasion offerte par l'inversion
des rôles pour dresser un portrait satirique de sa maîtresse, Euphrosine.
En quoi cette scène dresse-t-elle le portrait satirique d’une coquette ?

Il s’agira d’étudier principalement les répliques de Cléanthis qui font ainsi la critique du
comportement d’Euphrosine.

Entrée en matière…

 Emportement et confusion (« par où commencer ») > Cléanthis se montre incapable


de parler de son ancienne maîtresse avec mesure et retenue, car sa parole est
autorisée, délivrée et elle n’ pas l’habitude de s’exprimer librement : « cela me
brouille ».
 Dès les premières lignes de sa réplique, le rythme de ses propos s’accélère > Cf
emploi de propositions brèves: « je n’en sais rien, je m’y perds », « j’en ai tant vu tant
remarqué. » = Parataxe (procédé qui consiste à juxtaposer des propositions sans lien
de coordination) > Vivacité du discours qui témoigne de l’exaspération de l’ancienne
servante.
 Ce comportement génère une instabilité que suggèrent les antithèses « Madame se
tait, Madame parle », « elle est triste, elle est gaie ». Cléanthis montre qu’Euphrosine
est une femme instable, versatile, lunatique. « Silence, discours, regards, tristesse et
joie, c’est tout un, il n’y a que la couleur de différente » : ses minauderies sont moins
l’expression de sentiments sincères qu’un ensemble d’artifices et de simulations.
 Selon ses humeurs, cette dernière est, tour à tour, femme séductrice et enfant
boudeuse, « babillarde » ou « fâchée ». Elle est moins un être qu’une succession
d’êtres. Elle se trouve entraînée dans le tourbillon d’une perpétuelle mise en scène
des masques qu’elle arbore.
 « Toujours vaine ou coquette l’un après l’autre ou les deux à la fois. » : identités qui
se superposent et se confondent. Euphrosine apparaît comme une femme
déshumanisée, sans âme.
 Cléanthis prouve ici qu’elle n’est pas dupe de cette comédie qu’elle révèle ici au
grand jour = Réquisitoire, blâme, portrait à charge, dénigrement, discrédit > Rompt
le lien hiérarchique.
 Texte argumentatif, démonstration (« voilà ce que c’est, voilà par où je débute, rien
que cela »).
 Plaisir de la revanche, à laquelle s’associe Trivelin, qui ménage les effets du discours
et semble promettre des révélations encore plus compromettantes : « Attendez
donc, ce n’est qu’un début ».
 Ce faisant, elle exprime aussi le ressentiment et la rancœur qu’elle éprouve : cette
intervention est aussi l’occasion d’une vengeance personnelle (= fustige les mœurs
de sa maîtresse) > Elle ne désigne jamais sa maîtresse par son prénom, mais par des
termes chargés de connotation négatives.
 Le substantif « Madame », ennobli par la majuscule, rappelle, non sans ironie, la
déférence que la servante était censée devoir à sa maîtresse. Puis elle emploie
l’adjectif démonstratif « c’est » ou du pronom indéfini « on », abandonnant ainsi ces
marques de respect pour traiter avec sarcasme et mépris celle qui l’a jadis tant fait
souffrir = Dimension satirique.

ENSUITE, DEUX REPLIQUES QUI FONCTIONNENT DE CONCERT GRACE A UNE


CONSTRUCTION ANTITHETIQUE

REPLIQUE 1

 « Madame se lève ; a-t-elle bien dormi, le sommeil l’a-t-elle rendue belle, se sent-elle
du vif, du sémillant dans les yeux ? vite, sur les armes, la journée sera glorieuse » =
Euphrosine sur le pied de guerre, la vie sociale apparaît comme un combat à mener
pour diffuser une image parfaite et idéalisée de soi.
 Ici Cléanthis apparaît comme le porte-parole de Marivaux, qui raille le
comportement des femmes galantes de l’aristocratie de son époque.
 Le dramaturge dénonce ici les clichés sociaux auxquels se prêtent les coquettes :
séduire sans jamais aimer, composer son visage en dissimulant ses véritables
intentions, quêter l’éloge des flatteurs et des dupes, aller aux « spectacles, aux
promenades, aux assemblées », non par goût personnel, mais par convention sociale.
 Or ici désespoir : par son unique intervention (« Je ne saurais y tenir »), la jeune
noble prouve combien ce portrait l’affecte : elle ne supporte pas de voir cette vérité
exposée ainsi.
REPLIQUE 2
 « Madame, au contraire, a-t-elle mal reposé ? Ah ! Qu’on m’apporte un miroir !
comme me voilà faite ! » Comme Narcisse, personnage de la mythologie grecque
épris de sa propre image, Euphrosine voue un culte à ses apparences. Sa coquetterie
est la manifestation égoïste de cette préférence pour soi-même qu’est l’amour-
propre. Entièrement tournée vers elle-même, Euphrosine se place au centre de son
univers : que les autres l’écoutent, la regardent ou l’admirent lui paraît normal > Cf
emploi réitéré des pronoms personnels sujets ou compléments : « qu’on m’habille »,
« que je suis mal bâtie », « ce n’est point moi ».
 Euphrosine consacre l’essentiel de son temps à se contempler et à se travestir, dans
son miroir, objet symbolique : « Cependant, on se mire, on éprouve son visage de
toutes les façons, rien ne réussit ».
 Qu’elle s’enorgueillisse ou se désespère de son visage, elle est prisonnière de
l’image qu’elle souhaite donner aux autres : elle nous est donc présentée comme
une femme futile, soumise à la tyrannie du paraître « Que va-t-on penser du visage
de Madame ? on croira qu’elle enlaidit. »
 Personnage de la dissimulation : « il faut envelopper ce visage-là. » et de l’excès >
Folie, décisions radicales, extrêmes et insensées : « Madame ne verra personne
aujourd’hui, pas même le jour, si elle peut »
 Marivaux s’en prend ainsi moins à la coquette qu’est Euphrosine qu’à la coquetterie
en général et à la vaste comédie humaine à laquelle chacun se livre = Le monde
comme un piège, une univers malsain et impitoyable dans lequel chacun guette la
chute de l’autre : « donnera-t-elle se plaisir à ses bonnes amies ? »
 La coquette feint ainsi d’avoir « perdu le sommeil », « il y a huit jours que je n’ai
fermé l’œil ; je n’ose pas me montre, je fais peur » >>> Stratégie du mensonge et de
l’hypocrisie : « Et cela veut dire » « J’entendais tout cela, moi » = Cléanthis traduit,
décode, interprète pour nous les simagrées de son ancienne maîtresse avec bcp
d’intelligence. (Comportement affecté destiné à attirer l'attention, à tromper)
 Qu’importe ce qu’elle éprouve et ce qu’elle est réellement, seule compte la comédie
des apparences.
 « Messieurs, figurez-vous que ce n’est point moi, au moins ; ne me regardez pas ;
remettez à me voir ; ne me jugez pas aujourd’hui, attendez que j’aie dormi. » = Série
d’injonctions qui suggère le caractère impérieux, l’urgence de la situation = Ton
catastrophiste, alarmiste, décalage comique entre le ton employé et le manque de
gravité de la situation.
 Le portrait que brosse Cléanthis fonctionne, à sa manière comme un miroir. Non le
miroir mensonger du cabinet de toilette, mais un miroir de paroles, réaliste et
véridique, dans lequel tous ses défauts se trouvent subitement révélés.
 Après s’être adressée à Trivelin (« vous allez voir »), Cléanthis joue le rôle d’une
dame de compagnie venue rendre visite à Euphrosine (« Comment vous portez-vous,
madame ? »).

Dans cette scène Cléanthis apparait comme une femme émancipée qui libère sa
parole à la demande de Trivelin…l’occasion ainsi pour cette dernière de « régler ses
comptes » avec son ancienne maitresse. Marivaux par l’intermédiaire de Cléanthis
dresse un portrait terrible des femmes galantes et des mœurs de son temps.
Ouverture : La servante Dorine, dans le Tartuffe de Molière, « une fille suivante/Un
peu trop forte en gueule, et fort impertinente »

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