Vie Et Mort en Afrique Noire: Marcel Anganga

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Théologiques

Vie et mort en Afrique noire


Marcel Anganga

Volume 19, numéro 1, 2011 Résumé de l'article


En Afrique, continent-Mère de l’homme et source de notre civilisation, vie et
Théologie africaine et vie mort, depuis plus de 200 000 ans avant notre ère, sont liées. Inséparables. Elles
constituent, ensemble, les deux faces de l’existence humaine et, par ce fait, la
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1014182ar mort se veut la conséquence de la vie. Dès lors, dans la cosmogonie
DOI : https://doi.org/10.7202/1014182ar négro-africaine dont les traces sont visibles dans le judaïsme et le
christianisme, l’idéologie de la vie prime sur celle de la thanatologie, car la vie
ne finit pas avec la mort. A contrario, elle la dépasse, la transcende et continue
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dans l’Au-delà. Ainsi, la mort n’est pas le dernier mot de la vie pour l’Africain.
Celle-ci est, reste et demeurera une phrase en pointillés qui s’achèvera au
village des ancêtres lors du retour final.
Éditeur(s)
Faculté de théologie et de sciences des religions, Université de Montréal

ISSN
1188-7109 (imprimé)
1492-1413 (numérique)

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Citer cet article


Anganga, M. (2011). Vie et mort en Afrique noire. Théologiques, 19(1), 87–106.
https://doi.org/10.7202/1014182ar

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Théologiques 19/1 (2011) p. 87-106

Vie et mort en Afrique noire

Marcel Anganga*

De plus en plus, pour les individus comme pour les sociétés, la mort apparaît
comme la clé de l’histoire. La philosophie existentialiste proclame le
triomphe de la mort ; le matérialisme glouton précipite l’individu des socié-
tés vers la mort ; la littérature, le cinéma, la télévision n’ont plus d’autres
leçons à enseigner à l’humanité que l’art de donner la mort. Or l’héritage
culturel africain, avec sa vision du monde et sa conception de l’homme,
préconise tout juste le contraire. C’est-à-dire la victoire de la vie sur la mort.
La civilisation dans le monde pharaonique comme dans l’Afrique tradition-
nelle consiste à organiser et à gérer l’homme dans le cosmos, en vue d’assu-
rer la victoire de la vie sur la mort. Pour nous, la question est simple. Nous
disons qu’en face des idéologies de la mort, il y a place pour les idéologies
de la vie et que l’Afrique a quelque chose à apporter dans la recherche, dans
l’organisation et dans la gestion de l’homme et du cosmos aujourd’hui. La
contribution de l’Afrique doit être celle d’une civilisation du triomphe de la
vie sur la mort. (Mveng et Lipawing 1996)

Ces sages paroles du feu Camerounais jésuite Engelbert Mveng,


quelques mois avant son assassinat à Yaoundé1, constituent le pacte d’écri-
ture du présent article. Elles s’inscrivent, avec pertinence et force perlocu-

* Marcel Anganga est docteur en Écriture Sainte de l’Institut Catholique de Paris et de


l’Université Catholique de Leuven en Belgique (2010). Il est curé paroissial des sec-
teurs de Châtillon Coligny et de Nogent-sur-Vernisson dans le diocèse d’Orléans. Ses
recherches portent actuellement sur l’évangile selon Saint Marc et sur la relation entre
la culture des peuples et l’Écriture Sainte. Il a récemment publié (2011) Analyse nar-
rative du récit johannique de la Passion. Enjeux théologiques pour la célébration du
vendredi Saint, ARNT, Villeneuve d’Ascq et, en collaboration avec François Kabasele
et Sylvain Nkongolo, (2011) Naissances insolites en terre africaine, Karthala.
1. « Le matin du 23 avril 1995 le P. E. Mveng fut trouvé mort. Étranglé, couché dans
son lit face au plafond, une profonde blessure à la tête. Un meurtre inexplicable,
puisque rien n’avait été emporté de sa chambre ». Extrait tiré du site web <http://
www.afriquespoir.com/cibles/page6.html> sur le Cameroun, (s.d).

© Revue Théologiques 2011. Tout droit réservé.

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tionnaire, dans une séculaire confession de l’homme des Tropiques sur sa


conception toute particulière de vie et mort. Il s’agit, en effet, en Afrique
d’une « conception autre » de cette réalité qui, bien que prioritairement
anthropologico-philosophique, sera, dans notre contribution, enrichie et
éclairée par des indications tant historiques, culturelles, sociologiques que
religieuses.
La question de vie et mort, d’aucuns ne l’ignorent, est humaine.
Existentielle. Elle est liée à la provenance de l’homme, à son parcours et à
son destin. Se posant et s’imposant d’elle-même, jamais elle n’a cessé,
depuis la nuit des temps, de hanter l’humain qu’elle a précédé dans l’exis-
tence, à en croire ce dicton bàntu du peuple Lubà du Kàsaayì, au Congo
démocratique : « Pànu m ` pasangana pakolè. Masela nè bilùnde m̀bisangana
bimenà », ce qui veut dire : « L’ici-bas est trouvé dur, des hautes herbes et
des souches coriaces défiant la houe sont trouvées déjà-là ». Autrement dit,
vie et mort, selon la cosmogonie africaine, sont aînées et antérieures à
l’homme. Elles ont devancé ce dernier qui, dans la vie, est un puîné subissant
au quotidien l’expérience d’enfantement et de trépas, de larmes et de sourire,
d’enthousiasme et de chagrin. C’est autour d’elles que gravitent, pour le
Mùntu [l’homme], tout son être. Régine Mofila l’exprime en ces termes :
La spiritualité du muntu est centrée sur les concepts « vie et mort ». La vie
étant une réalité sacrée, elle reste le centre de son existence. De même le
concept de mort est intimement lié à la vie. Dans le vécu de tous les jours,
la vie est conçue par le muntu comme une lutte engagée contre tout ce qui
provoque la mort, bien que celle-ci ne soit qu’un pas vers une vie de l’au-
delà, une vie avec les ancêtres. Cette façon de concevoir la vie et la mort est
un atout des cultures africaines en général et du muntu en particulier.
(Mofila 1997, 26)
Dès lors, une réflexion portant sur « vie et mort en Afrique Noire » est
une excellente opportunité à saisir. Elle permet, dans un premier temps, de
revisiter la vérité scientifique portant sur l’origine de l’homme, mais qui,
malencontreusement, se trouve encore, même en ce début du xxie siècle,
torpillée, déformée et contestée par certains idéologues au nom de leur
« préjugé raciste » (Attolodé 2004, 4). Deuxièmement, elle autorise à réaf-
firmer, à la suite des travaux probants, l’incontournable place qu’occupe
le continent noir dans l’évolution de l’humanité, malgré les guerres inter-
minables qui lui sont imposées, l’occupation de ses terres ainsi que l’exploi-
tation de ses richesses par les grands prédateurs de ce monde. Enfin,
l’occasion est propice pour évaluer et repenser, à nouveaux frais, le rôle et
l’apport de l’Afrique à la compréhension de la réalité vie et mort face aux

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diverses conceptions négativistes et destructrices sévissant dans le monde.


Mais, à partir de quel « lieu » doit-on débattre ce sujet ?

I. D’où faut-il, « objectivement parlant », aborder la question de vie


et mort ?
La problématique de vie et mort, parce qu’elle concerne en premier chef
l’humain, s’inscrit dans le registre diachronique. À ce titre, l’approcher à
partir des visions occidentale (grecque, romaine, etc.), asiatique (par réfé-
rence à Jésus2) ou judéo-chrétienne comme il est habituel de le faire, c’est
malheureusement rejeter sciemment les acquis importants des sciences
humaines. C’est falsifier l’histoire. C’est non seulement, selon les propos
du chercheur et historien africain Cheik Anta Diop (1984), « raconter
l’histoire à rebours et vouloir renverser le courant de l’évolution » mais
c’est aussi refuser, incontestablement, au nom d’un certain à priori à la fois
intentionnel et pitoyable, la déconcertante et objective vérité des faits à la
suite de l’Allemand Hegel3, du Français Lévy-Bruhl, de l’Écossais David
Hume, ainsi que de leurs épigones au préjugé identique. À la fois intellec-

2. « Jésus est né, a vécu, a prêché et est mort en Asie. Cependant, on le considère souvent
comme un Occidental. Historiquement parlant, la chrétienté s’est plus largement
répandue vers l’Ouest que l’Est. [Bien entendu, les termes ‘‘Ouest’’ et ‘‘Est’’ sont
utilisés en rapport avec la Palestine où Jésus est né et a vécu]. Cette étendue géogra-
phique a coïncidé avec l’étendue de l’Empire romain influencée par la culture grecque
et le système romain politique judiciaire. » (Amaladoss 2007, 9).
3. Hegel a prêché dans ses Leçons sur la philosophie de l’Histoire que le « Nègre est sans
culture », d’où son irrémédiable inertie. Ainsi, n’ayant ni raison ni liberté, le Noir est,
selon Hegel, « hors de l’histoire ». Tristes paroles que reprendra à Dakar, dans son
discours du 26/07/2007, Nicolas Sarkozy, le président français qui n’a pas pu citer
sa source ni continuer cette autre affirmation gratuite de son maître Hegel :
« L’Afrique, aussi loin que remonte l’histoire, est restée fermée, sans lien avec le reste
du monde ; c’est le pays de l’or, replié sur lui-même, le pays de l’enfance qui, au-delà
du jour de l’histoire consciente, est enveloppé dans la couleur noire de la nuit […]
c’est un monde anhistorique non développé, entièrement prisonnier de l’esprit natu-
rel et dont la place se trouve encore au seuil de l’histoire universelle ». C’est pourquoi,
poursuit Hegel, « Le Nègre représente l’homme naturel dans toute sa barbarie et son
absence de discipline. » (1979, 247, 251 et 269). Pour sa part, David Hume écrit : « Je
suspecte les Nègres et en général les autres espèces humaines d’être naturellement
inférieures à la race blanche. Il n’y a jamais eu de nation civilisée d’une autre couleur
que la couleur blanche ni d’individu illustre par ses actions ou par sa capacité de
réflexion […] Il n’y a chez eux ni engins manufacturés, ni art, ni science. Sans faire
mention de nos colonies, il y a des nègres esclaves dispersés à travers l’Europe ; on
n’a jamais découvert chez eux le moindre signe d’intelligence. » (Hume 1852, 252)

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tuels, savants et civilisés, ces penseurs n’avaient pas à l’esprit que « devant
les faits, [dit-on], point de preuves ». Assurément, si les données scienti-
fiques modernes confirment que l’Afrique est le berceau de l’humanité, ne
serait-il pas équitable, comme l’indiquent Richard Leakey et Ian Mc Dougall,
« que les concepts spirituels que l’on trouve dans les différentes religions
du monde, aient été élaborés par les Africains en premier, sachant que les
humains modernes sont nés en Afrique, 200 000 ans avant notre ère » ?
(Cité par Ogowè Nyalendo 2010, 1).
Évidemment, s’il est avéré qu’à une époque très reculée, les habitants
de la vallée du Nil se sont questionnés sur le sens de la vie et de la mort
ainsi que sur l’idée de l’implication des actes que l’homme a posés au cours
de sa vie terrestre, c’est donc sur les terres africaines qu’a eu lieu, comme
l’atteste Jacques Lacarrière, écrivain français et spécialiste de la Grèce
antique, la plus vieille représentation portant sur vie et mort. Rendons-
nous à l’évidence :
La plus ancienne idée d’un jugement des âmes, destiné à leur conférer un
sort différent selon leurs mérites, est née sur les rives du Nil. On n’en trouve
aucune trace dans la mythologie sumérienne ni akkadienne mais en Égypte,
[…] la légende d’Osiris, en ouvrant à chacun les portes d’un monde régénéré
et en promettant la résurrection, impliquait la notion d’un jugement, d’un
tribunal, bref d’une « sélection » des âmes appelées à connaître le même sort
qu’Osiris. D’ailleurs, Osiris lui-même, une fois ressuscité, n’avait-il pas à se
défendre contre les attaques de Seth et faire reconnaître son innocence par
le tribunal des grands dieux ? L’homme, à l’image d’Osiris, devait donc lui
aussi faire admettre son innocence par un tribunal identique, tribunal dont
le Livre des morts nous a laissé une description impressionnante. »
(Lacarrière 1998, 471-472)

Cela étant et, conséquemment, ne serait-il pas intègre, honnêteté scien-


tifique oblige, d’éclairer la lanterne de l’humanité — sur la question de vie
et mort — par l’entremise de la conception du premier peuple qui est
apparu sur la terre, c’est-à-dire l’Africain ? Dès lors, l’Afrique s’imposant,
naturellement, en lieu-aîné à la fois culturel et géographique qui a porté
l’homme moderne (Braüer 1994, 132-150) à sa naissance constitue, comme
le confirme Christiane Noblecourt d’heureuse mémoire4, « la source de la
culture moderne ». Elle note :

4. Née le 17 novembre 1913, elle a tiré sa révérence le 26 juin 2011, en France, à l’âge
de 97 ans.

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Mon propos, en écrivant ce livre, est d’introduire mes lecteurs, sans leur
infliger de savantes explications, ni les fatiguer par un verbe pompeux, à la
découverte des thèmes fondamentaux sur lesquels notre civilisation s’est
construite. L’Égypte ancienne leur apparaîtra alors comme une pionnière en
raison des connaissances, de la sagesse et de l’humanisme qu’elle nous a
transmis. Elle demeure la grande inspiratrice pour ceux qui désirent retrou-
ver leurs racines. (Noblecourt 2006, 6)

Cette certification subversive se trouve renforcée par un commentaire


de l’ouvrage, rédigé par Brigitte Kermel et placé sur la 4e de couverture. En
voici un extrait :
Quel est le point commun entre le jeu de l’oie, l’alphabet, le calendrier, les
animaux des fables d’Ésope et de La Fontaine, le test de grossesse, les trai-
tements contre la migraine ou encore les châteaux forts ? Leur origine prend
sa source au cœur de l’Égypte ancienne. Philosophie, médecine, techniques
et sciences, théologie… ces disciplines fondatrices nous viennent, toutes, en
ligne droite, des 4000 ans d’histoire de la civilisation égyptienne. Christiane
Desroches Noblecourt, la plus respectée et la plus audacieuse des égyptolo-
gues contemporaines, dresse un panorama étourdissant du legs insoupçonné
de l’Égypte ancienne à l’Occident, dans sa vie quotidienne comme dans ses
fondements religieux et philosophiques les plus essentiels. Une démonstra-
tion aussi limpide que passionnante qui nous incite à tourner plus que
jamais nos regards vers une civilisation incroyablement féconde, indéniable-
ment liée à la naissance de la nôtre.

Ce n’est pas tout. « L’antériorité de la longue tradition négro-


égyptienne est soulignée ainsi que son influence sur les peuples sémitiques
et indo-européens attestée par son empreinte laissée dans le judaïsme et le
christianisme », selon le témoignage du professeur Théophile Obenga
(1997-1998, 9-53). De même que les nations nègres, ainsi que leurs cultures,
sont antérieures à la civilisation égypto-nubienne, celle d’Égypte fait elle-
même partie de l’univers nègre (Diop 1967). Par conséquent : « N’est-il pas
de plus en plus attesté chez les historiens que le judaïsme et le christianisme
n’ont rien inventé des figures majeures qu’ils prodiguent, et qu’au contraire,
ils les ont puisées dans le trésor culturel ancien des autres peuples, notam-
ment de l’Égypte et de la Mésopotamie ? » (Kabasele, Nkongolo et Anganga
2010, 8). Cela est d’autant plus vrai que « L’Égypte pharaonique était une
civilisation nilotique, née, épanouie et morte aux bords du Nil, dans la
vallée du Bas-Nil. Et de ce fait, ses racines appartiennent totalement à
l’univers culturel négro-africain (Érythrée, Abyssinie, Éthiopie, Nubie,
ancien Soudan, Sahara préhistorique, etc.) » (Omotunde 2000, 40-41 ;

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nous soulignons). D’où l’interrogation fondamentale suivante de François


Kabasele (2005, 223) : « L’Afrique noire n’a-t-elle pas une part prépondé-
rante dans l’héritage spirituel de l’Égypte ancienne ? Et s’il en est ainsi, les
écrits juifs, bien que postérieurs aux textes sacrés des pyramides, ne
seraient-ils pas inspirés des traditions égyptiennes ? »
Ces préalables indiquent et justifient, comme on peut le constater, que
l’Afrique, au titre de « Mère de la vie », est l’unique lieu autorisé à partir
duquel devrait partir tout discours, si pluridisciplinaire soit-il, portant sur
vie et mort. Ainsi, la question à laquelle nous voulons répondre est la sui-
vante : quelles sont, à partir des données objectives, les approches cultu-
relles, les configurations et les significations que le couple vie et mort a
revêtues en Afrique, berceau de l’humanité, au cours des âges ? Pour le dire
autrement, comment l’Afrique, par son antériorité à toutes les autres civi-
lisations, peut-elle apporter au monde une autre philosophie, une manière
différente d’être, eu égard aux diverses « stratégies et implications idéolo-
giques, narratologiques et énonciatives » (Amougou 2008, 1) sur le binôme
vie et mort ? Mais cherchons, avant d’aller plus loin, cette conception
africaine de l’homme et en quoi elle diverge de celles d’autres civilisations.

II. La conception de l’homme dans les plus vieilles philosophies


Comme nous l’avons précédemment illustré, il est inexact d’affirmer, dans
l’aujourd’hui, que les cultures grecques et judéo-chrétiennes ordinairement
présentées comme les plus anciennes seraient fondatrices des concepts et
idées qu’elles prônent. Elles sont, a contrario et preuves à l’appui, tributaires
de la pensée africaine5.
Sur le plan anthropologique, la pensée grecque reste dominée, avec ses
deux tenants classiques que sont Platon et Aristote, par un dualisme radi-
cal avec la prédominance de l’âme sur le corps. Pour le premier, sous
l’influence de la tradition religieuse de croyance orphico-pythagoricienne,

5. « […] et c’est encore grâce à l’Égypte en plein déclin, que Thalès introduisit la concep-
tion de l’immortalité de l’âme ; Pythagore après plus de vingt années d’études en
Égypte, fut initié aux mystères ; Platon (sur la Philosophie) dans ces œuvres, Timée
(Platon utilise sans le citer toutes les idées égyptiennes à savoir : la composition du
monde, l’immortalité de l’âme, les quatre éléments “feu, terre, air, eau”, la notion du
temps, essence mathématique du monde conçue comme nombre pur…), le Phèdre, et
le Phédon fait référence à l’ Égypte ». Voir SHENOC (2008), « La conception des
peuples noirs de la mort et de l’immortalité », <http://www.shenoc.com/la_concep-
tion_des_peuples_noirs_de_la_mort_et_de_l-immortalite.htm>, en référence à
Obenga (1984).

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l’âme est dans le corps comme dans une enveloppe charnelle, dans une
prison ou encore dans un tombeau. C’est à ce titre que l’âme fait l’homme6
parce qu’elle commande le corps. Quant au second (Maison 1990, 1174),
par sa théorie de l’hylémorphisme, il prône l’indéfectible lien des deux
principes la forme et la matière qui, appliqués à l’anthropologie, révèlent
que « l’âme humaine soit un genre d’âme tout différent, c’est-à-dire intel-
lective », parce que possédant, comme caractéristiques propres, « l’intelli-
gence et la faculté théorétique » contrairement à l’âme végétative et à l’âme
sensitive (Aristote, De Anima 1934, 76-77). Point n’est besoin de rappeler
que cette vision grecque de disséquer l’être humain en âme et corps n’a pas
épargné le christianisme, alors que dans les pays des missions, l’âme de
l’évangélisé valait plus que son corps. D’où la légitimation de la théologie
missionnaire du salut des âmes.
Pour sa part, la conception sémite de l’homme, d’où est née la judéo-
chrétienne, contrairement à celle des Grecs, ne conçoit pas l’homme comme
distinctement composé de corps et de l’âme. Sont impensables une quel-
conque préexistence de l’âme au corps et une dualité substantielle entre les
deux ; car, selon le philosophe helléniste et hébraïsant exégète français
Claude Tresmontant, « l’homme est créé une âme vivante », comme l’atteste
la LXX7. Ainsi, pour les Hébreux, il est un non-sens de concevoir un corps
sans âme au sens grec du terme. D’ailleurs, ce fut une grave erreur des Grecs
d’avoir traduit par « Ψυχń » (psychè) le concept hébraïque appelé « nephesh »,
ou principe vital, malheureusement rendu par « anima » en latin et par
« âme » en français. Or, selon la tradition sémite, l’homme intégral est dési-
gné par « basar ». Claude Tresmontant l’authentifie quand il écrit :
En hébreu, la basar, ce n’est pas le corps en tant que distinct de l’âme. La
basar, c’est la totalité humaine, pour nous français « corps et âme », la tota-
lité psycho-physiologique, ou psycho-somatique. C’est le biologique et le
physiologique à la fois. L’hébreu basar ne correspond donc nullement à ce
que nous appelons le « corps », ni « la chair » distincte de l’âme, mais à ce
que nous appelons l’homme vivant. (Tresmontant 1971, 62)

Cela est d’autant plus vrai que pour l’anthropologue français Jean
Mouroux, « La personne est donc un esprit à la fois immergé et émergent,
immanent et transcendant au corps. Cet esprit et ce corps ne sont qu’un

6. Voir Alcibiade 129a-131d : « Et Socrate de préciser à Alcibiade : “C’est l’âme qui est
l’homme”. »
7. Tresmontant (1971, 59-60) : « Yhwh forma l’homme de la poussière du sol, et il
souffla dans ses narines un souffle de vie, et l’homme devint une âme vivante (Gn 2). »

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être » (1943, 106-107 ; voir Gn 2,7 ; 1Th 5,23). Du point de vue critique,
on ne peut en douter, l’anthropologie asiatique de l’unité psycho-somatique
dont le judaïsme se fait messager n’est pas qu’en rupture avec celle des
hellénisants, mais elle est reprise par le christianisme alors qu’elle fonde
son origine dans la plus vieille des visions du monde, c’est-à-dire l’Afrique
Noire, terre ancestrale de l’humain.
Dès lors, étant donné que « communiquer est éminemment culturel »,
l’anthropologie africaine, en l’occurrence celle des Bàntu (Mujinya Nimisi,
1978), partant de son langage, de ses représentations, de ses codes et de
son matériel symbolique définit l’homme, à la différence de la conception
grecque, comme un tout. Un ensemble. Quelques concepts méritent d’être
clarifiés.
En premier, la notion de l’être. Elle est commune à chaque élément
présent dans la nature. Dès lors, le monde est conçu en Afrique, chez les
Bàntu, « comme un tout organique, dont tous les éléments sont réunis par
un dénominateur commun qui est la vie, valeur suprême vers laquelle tout
tend » (Kabasele 2005, 259). Ainsi, la vie est commune à tout ce qui vit,
qui fait partie de la nature créée et qui participe, à de degrés divers, à cet
ordre. François Kabasele le décrit dans l’extrait suivant :
Tous les êtres sont participants à cette vie dont la source première est Dieu.
Cela veut dire que l’herbe a la vie, l’eau a la vie, l’animal a la vie, la motte
de terre a la vie, les étoiles et les astres ont la vie. On l’éprouve par la force
qui se dégage d’eux et qui se déploie autour d’eux : ainsi la terre fait germer
les graines ; l’eau étanche la soif ; l’herbe peut nourrir ou tuer quand on la
consomme ; l’herbe peut tuer le microbe et guérir un malade ; le soleil réveille
les hommes, fait croître, réchauffe en chassant le froid ; la lune fait varier les
tempéraments, provoque des changements dans le corps humain ; chez
l’homme, la vie se déploie d’une manière encore plus rapide : il entre en
relations, il produit, il réfléchit, il engendre… La participation à la vie se fait
à de degrés divers et permet ainsi une interdépendance multiforme entre les
êtres, selon leur nature et leur affinité : les Ancêtres sur les descendants, les
Forts (chefs, guérisseurs, sorciers) sur les mouvements de la nature et des
hommes, les Aînés sur les puînés, les parents sur leurs enfants, ceux qui sont
dans leurs droits (ayant le lusanzu), sur les fautifs, etc. (Kabasele Lumbala
2005, 259-260)

Comme deuxième concept nous évoquons le Bumùùntù ou « la valeur,


l’être de l’homme ». Celui-ci a pour sens qu’« en chaque chose est une autre
chose ; dans chaque homme ou personne se trouve un petit homme, c’est-
à-dire qu’il y a lieu de distinguer dans l’être matériel ce qui tombe sous le

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sens, ou phénomène apparent, de ce qui ne se voit pas, ou nature intrin-


sèque de l’être : l’homme (corps), l’ombre, le souffle (signe apparent de la
vie), et l’homme lui-même ou l’âme » (Tempels 1945, 37 ; voir aussi
Mujinya Nimisi, 1978). C’est l’ensemble de ces éléments qui font l’homme.
Pas un sans l’autre. C’est ce discernement et cette logique que Placide
Tempels, missionnaire catholique belge et pionnier de la philosophie afri-
caine, a découverts dans l’ontologie du Sud dont la « Vie », valeur absolue,
est le fondement. Ayant pour source Dieu, la vie, également nommée force
vitale, chez le Mùntu, se reçoit et s’acquiert. Elle exige renforcement, pro-
tection et croissance en cas de menace ou de diminution. D’où la pratique
des rites traversant toute la vie de l’Africain ainsi que les prières qu’il
adresse à la fois aux Ancêtres et à Dieu, l’Être Suprême. Tempels le certifie
quand il écrit :
La force, la vie puissante, l’énergie vitale sont l’objet des prières et des invo-
cations à Dieu, aux esprits et aux défunts, ainsi que de tout ce qu’on est
convenu de nommer « magie », « divination » et « remèdes magiques » ou
plutôt des forces raffermissements de la nature. Eux-mêmes diront qu’ils
s’adressent au « devin » pour apprendre « des paroles de vie », qu’il enseigne
la manière de renforcer la vie. Dans chaque langage bantou on découvrira
facilement des mots ou locutions désignant une force, qui n’est pas exclusi-
vement « corporelle », mais « totalement humaine ». Ils parlent de la force de
notre être entier, de toute notre vie. Leurs paroles désignent « l’intégrité » de
l’être. Le bwanga (ce qu’on traduit par remède magique) ne doit pas néces-
sairement, d’après eux, être appliqué ou collé à la plaie ou au membre
malade. Il n’a pas en premier lieu un effet thérapeutique local, mais il ren-
force, il augmente directement la force vitale, ou l’être même. (Tempels
1945, 29)

Dès cet instant, la relation entre ces êtres ne se traduit pas en terme de
conquête par le possessif : « j’ai mon cheval, j’ai ma femme, etc. » ; ce qui
équivaudrait à une soumission, à un esclavagisme ou à une exploitation de
l’autre être. A contrario, le lien entre êtres s’exprime par « l’être-avec ».
C’est-à-dire qu’on n’est pas seul dans la nature. Chacun des créés ayant
une mission à accomplir avec l’autre et à côté de l’autre a le droit d’être
respecté. À cet effet, la relation d’interdépendance entre êtres se traduira,
selon la linguistique africaine, par l’expression « je suis avec mon mari » ;
« je suis avec ma femme » ; « je suis avec ma chèvre ou je suis avec mon
pognon », et non « j’ai ma femme » comme en langue française. Ce mode
opératoire exclut toute idée de dominer l’autre, de le rendre dépendant de
nous, alors qu’il a sa propre identité — laquelle est, à son tour, liée à la

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nôtre et en appelle à de sains rapports. Cet « être-avec », comme nous pou-


vons le constater, rend visible toute une philosophie, un comportement,
une mentalité. Il traduit le respect de l’être avec qui on est en relation ; il le
conçoit non pas comme un objet dont on peut user comme bon nous
semble, mais comme celui qu’on doit traiter avec déférence, car notre vie
dépend également de son être-là, à nos côtés et avec nous — et nous
sommes ensemble-avec-lui dans le monde. C’est dans ce registre que s’ins-
crit la notion de l’être qui a pour point d’ancrage la force vitale en tant que
valeur suprême et centre de la vie chez les Bàntu (voir Tempels 1945,
28-30).
Sous cet éclairage, la « vie » en Afrique est sacrée. Énigmatique. À ce
titre, elle ne doit être ni ôtée ni violentée, contrairement à ce qui, malheu-
reusement, s’expérimente au quotidien. C’est pourquoi, dans la tradition,
le cadavre de quiconque s’étant suicidé était publiquement fouetté et châtié
avant sa mise en terre. Dans cette optique, les guerres, les meurtres, la
violence… bref, tout ce qui portait atteinte à la vie humaine était non seu-
lement condamné, mais ostensiblement réprimé et conjuré comme un
mauvais sort. Dans le même ordre d’idées, un guérisseur ne pouvait arra-
cher l’écorce d’un arbre ou le feuillage d’une plante, pour préparer une
potion, un fétiche ou un médicament pour soigner, sans avoir parlementé
avec l’arbre ou la plante en lui adressant, par la parole, sa demande. Ainsi
l’Africain est conscient de la dépendance de sa vie humaine de celle d’autres
créés qui sont ses adjuvants : faune, végétaux, minerais, inanimés, etc. La
vie est, dans ce cadre, un tissu organique, un réseau de relations à des
niveaux divers : relation avec l’Être Suprême appelé mâyi mfùkya mukèlè,
c’est-à-dire « l’Eau qui a créé le sel », Lui, le Dieu Puissant et « générateur
de la force de toute créature » (Tempels 1945, 29) ; relations avec les
Ancêtres qui, en premier, ont eu l’appel et la révélation de Dieu dans leur
cheminement, l’ont servi et siègent désormais dans le kaalà kakòmba, vil-
lage des Ancêtres ; relations avec tous les autres intermédiaires visibles et
invisibles ainsi que les humains, sans oublier la nature avec laquelle il faut
être en harmonie pour renforcer sa vitalité. Bref, en Afrique tout créé est
« vie » et participe à la vie : une vie souhaitée, désirée et entretenue. Raison
pour laquelle au pays Balubà, c’est par l’expression muoyo ou « la vie »
qu’on se salue souhaitant ainsi la vie à la personne à qui l’on dit bonjour.
En somme, le corps, en anthropologie africaine, n’est pas une partie de
l’homme, mais l’homme qui s’extériorise. Dans cet homme il y a la force
vivante, « la force » ou l’être qui, possédant la vie véritable et pleine, est la
force éminente parmi les autres êtres créés. La force et l’être étant intrinsè-

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quement liés, ils le sont aussi dans leur définition, à savoir l’être est force.
La copule est à sa place ; elle identifie les deux éléments et sanctionne leur
jointure. C’est par elle que tient la charpente de toute cette ontologie. Cette
force n’est pas, comme chez les autres, un accident. Elle n’est pas non plus
physique, mais elle est en revanche, l’essence même de l’être en soi ; elle est
l’être tel qu’il se manifeste, c’est-à-dire dans sa totalité réelle. L’unicité de
la personne humaine est ici affirmée et démontrée.

III. Contribution de l’Afrique face aux idéologies thanatologiques


Au regard de l’anthropologie philosophique, l’idéologie funéraire africaine
est culturellement inscrite dans les mythes, les contes, proverbes et repré-
sentations symboliques de l’Au-delà : en Égypte ancienne, par le Phénix
(oiseau fabuleux renaissant toujours de ses cendres en signe de résurrec-
tion) ; en Afrique Noire par un long voyage, la roue de la vie, le pont du
jugement et diverses autres images. Au sujet de ces mythes qui véhiculent
l’idéologie de mort en Afrique, Dominique Zahan note :
Ces mythes ont des thèmes variés qui justifient l’entrée dans le monde des
humains, avec un raisonnement particulier lié à l’immortalité de l’être
humain. Un certain nombre de ces récits sont appelés par certains auteurs
« le message manqué » (Baumann 1936, 238 ; voir aussi Abrahamsson
111,4). Selon ce thème, la divinité décide d’envoyer aux hommes deux mes-
sages, l’un de la mortalité, l’autre de l’immortalité. C’est le premier arrivé à
destination qui décide, une fois pour toutes, de la destinée de l’humanité.
Dans la plupart de cas, Dieu confie le message de l’immortalité à un animal
lent, tandis qu’un animal rapide est chargé de porter le message de l’immor-
talité. (Zahan 1979, 41)

Dans ce débat idéologique de thanatologie, alors que les énoncés scien-


tifiques et bien d’autres encore, sous l’influence des conceptions diachro-
niquement ultérieures (philosophie grecque, monde biblique et vision
judéo-chrétienne), portent sur la nature et l’explication du « pourquoi » de
la mort, démarche qui engage la quête du responsable de la mort ou de sa
cause — sans plus —, l’approche philosophique de l’Afrique Noire, en
revanche, va au-delà et s’intéresse, quant à elle, au sens de la mort en cher-
chant à répondre à la question du « comment ». Dès lors, ce principe, à la
fois philosophique et herméneutique, se trouve au fondement de toute la
sagesse et de la doctrine de la mort dans les Tropiques comme nous l’in-
diquent les dictons suivants : « La mort, est le fruit de la vie. La vie est le
fruit de la mort » au pays Diola du Sénégal ; « Lufù, ndukùlù, bwanga

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ncidìngishilu », c’est-à-dire : « la mort est l’aînée, alors que le fétiche reste


un trompe l’œil » chez le Lubà du Kàsaayì, au Congo R.D. ; et selon un
dicton Sakata : « le vivant sur terre qui ne pense pas à sa mort est un
insensé ».
Dans cette perspective, en Afrique, vie et mort sont toutes « données »
à l’être humain par le créateur.
Elles sont les connotations fondamentales de l’existence et se trouvent si
intimement liées que l’une ne peut pas se concevoir sans l’autre… [et] la
mort semble la conséquence inévitable de la vie. C’est dans le contexte d’une
telle dialectique que s’inscrivent presque tous les mythes africains d’origine
de la mort, depuis longtemps analysés et classés par l’érudition occidentale.
(Zahan 1979, 41)

Au regard de cette donnée basique, les conceptions sur la mort diver-


gent selon les cultures, les peuples et les visions du monde. Et dans le cas
qui nous concerne, notamment celui de l’Afrique, la conception sur vie et
mort se polarise autour des quelques axes majeurs.
Le premier de ces axes est la conviction selon laquelle, « les morts en
Afrique ne sont pas morts ». Ils ne sont pas partis, à en croire le poète
sénégalais Birago Diop8, bien que vivant ailleurs d’une autre façon, ils
restent cependant présents parmi les vivants. Ils sont avec eux, mais autre-
ment. Invoqués en cas de nécessité, ils répondent et donnent satisfaction.
D’où les rites d’invocations et d’offrandes pratiqués à leur égard. Donc,
lors d’une catastrophe naturelle, d’une pandémie en famille ou dans un
village, d’un malheur, d’une recherche de bénédiction ou d’autres grâces,
l’Africain appellera son grand-père, son père ou sa mère pour le protéger.
On parlerait mieux ici d’une médiation plutôt que de superstition, comme
l’ont prétendu, malheureusement et sans discernement, nombre des fana-
tiques chrétiens formatés à la cartésienne. Or, c’est cette même croyance
qui se trouve renforcée de manière particulière dans le culte des saints dans
la Tradition de l’Église. Sinon ce culte, parce que célébrant des personnages
étrangers à l’Africain dont il porte cependant les prénoms même si ceux-ci
sont extérieurs à son identité (Diagne 2000, 44-53) — comme si un prénom

8. Voir Les Souffles, poème de Birago expliqué et commenté par Magnier (1990, 223).
Selon un autre commentaire : « Pour Léopold Sedar-Senghor, dans la préface des
Contes d’Amadou Koumba, Birago Diop nous rappelle ce Pacte lourd mais essentiel
qui nous lie à la vie : “Birago Diop ne fait que traduire, à travers la loi de l’interaction
des forces vitales, la dialectique de la vie qui est celle de l’univers. À l’anarchie et à la
mort s’oppose l’ordre de la vie.” »

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ne pouvait être qu’européen —, constituerait une grande superstition de


l’Église et dans l’Église. Dès lors, « Pour saisir et vivre d’emblée le message
pascal, c’est-à-dire la mort et la résurrection du Christ, nous pouvons et
nous devons donc en tant qu’Africains, nous référer à notre héritage ances-
tral » clame la sœur congolaise Régine Mofila (1997, 24), étant donné que
« Dieu source de tout ce qu’il y a de positif dans notre héritage culturel est
en même temps l’auteur de la révélation chrétienne. Fidèle à lui-même, il ne
peut se contredire, car à travers les siècles, Dieu en père providentiel a pré-
paré la voie de Évangile » (Mulago 1973, 153). Ainsi Dieu, depuis toute
éternité, aurait préparé, en son Fils venu accomplir et parfaire toute culture,
les cultures de tous les peuples de la terre pour mieux l’accueillir. C’est cette
conviction que nous exprimions dans notre récente publication :
Dieu ne se communique pas en dehors de l’homme et de son environnement,
il ne se révèle ni hors de l’homme ni en dehors de ce qui le constitue et le
définit. En revanche, Dieu rejoint l’humain dans sa culture, plus exactement
« là où il est situé culturellement ». […] Il ne parle que dans la langue connue
de lui, sa propre langue, celle qui lui vient de sa culture et de ses ancêtres. Dieu
communique avec l’homme par les diverses expressions du terroir dont celui-
ci est issu : symboles, images, gestes, signes, là où l’homme habite. Ainsi, la
culture de chaque peuple dans son ensemble constitue le lieu « de la révélation
de Dieu », « de sa présence », et « de son être-là ». (Anganga 2011, 247)
Comme deuxième axe de l’apport de l’Afrique au monde face à l’idéo-
logie de la mort, nous mentionnons cette sagesse des Tropiques qui certifie
que la mort est un passage vers la vie et la vie est un passage vers la mort.
En effet, « la vie n’est qu’un passage, le pays des morts étant celui d’où tout
homme vient et où tout homme retournera. L’existence alors transcende la
vie temporelle, dans une conception cyclique, où l’on ne meurt que pour
survivre » (Thomas 1984, 746). Dans cet entendement, la vie de l’homme
est composée de deux frontières : la naissance ou la vie perceptible en
amont ; et la mort au titre de borne existentielle d’en bas. Les deux bornes,
comme on le sait, limitent et encadrent l’existence humaine. Elles s’inter-
pellent, s’appellent et interagissent. Cependant, la tension de la vie vers la
mort n’est pas à entendre en terme de déchéance ni de destruction car, le
vocabulaire usuel de « j’ai perdu mon père » pour dire qu’il est mort, n’est
ni propre ni approprié à l’Africain. Une perte induit au dégât, au préjudice,
bref au mal, à la détérioration. Le vocable en usage pour parler de la mort,
dans les forêts et brousses africaines, depuis la nuit des temps est celui du
voyage, d’une excursion. Car il s’imprime dans ce déplacement l’idée d’un
retour, non pas sur terre, mais à nos origines, d’où nous sommes tous

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venus. Dans cette optique, l’humain n’est qu’un immigré. Un être en per-
pétuelle pérégrination. Par sa venue au monde, l’homme, dans la mentalité
de l’Africain, est censé quitter ses origines ; et par sa mort, il retourne à ces
mêmes origines.
Venons-en au troisième pivot qui est celui d’une vision optimiste de la
vie. Certes, en Afrique, selon les travaux de l’anthropologue Louis-Vincent
Thomas, « la vie et la mort ne sont pas les deux pôles antinomiques du
cheminement humain, mais, au contraire, deux réalités qui interfèrent, se
complètent et se nourrissent réciproquement » (Thomas 1984, 746). Cette
conception positive de la vie est issue des Religions Traditionnelles
Africaines où se trouve affirmé, selon les spécialistes, « le caractère inépui-
sable des forces cosmiques et de la perpétuité de la vie », étant donné qu’en
Afrique, le principe vital de l’individu n’est pas détruit par la mort. Dès
lors, cet optimisme constitue une véritable grille de lecture de la réalité vie
et mort, alors que la civilisation occidentale, bien que de haute technicité,
n’a jamais su, au cours de son histoire, l’intégrer à sa réflexion anthropo-
logique. Évoquons une fois de plus Louis-Vincent Thomas qui décortique
mieux le sujet.
Car, en Afrique, rien n’est fini et rien n’est commencement, la naissance est
une « mort » dans le royaume de l’au-delà d’où l’on est censé venir, ma mort
est une « naissance » au monde des ancêtres, monde qui préside à la subsis-
tance et à la vie quotidienne des mortels et qui lui apporte protection et
conseil. Car elle n’est jamais une rupture dans ces sociétés où le culte des
ancêtres vient tisser des liens constamment resserrés par le sacrifice et la
prière, mais aussi par la divinisation et l’écoute du message ancestral, source
permanente de cette protection. La mort, au contraire, introduit le défunt
au rang d’ancêtre, dont l’esprit renaîtra un jour pour insuffler une nouvelle
vie dans l’un de ses descendants. (Thomas 1984, 748)

De cet extrait réaliste, réajustons cependant et précisons que la mort


n’introduit pas tout défunt « au rang d’ancêtre », comme l’affirme son
auteur. Sinon tous les défunts africains seraient des ancêtres. Elle l’intro-
duit plutôt dans le village des ancêtres où tous n’ont pas le statut d’ancêtre.
Évidemment, n’est considéré en Afrique comme ancêtre, après sa mort, que
celui qui a bien vécu ; qui a été un exemple et un modèle dans la société ;
celui a respecté le droit, la justice et l’humain ; celui qui, de son vivant, n’a
pas pris femme d’autrui, ni volé ni tué ; celui qui a traversé ses jours en
ayant comme couche la charte traditionnelle, etc. Celui-là peut, au regard
de la tradition, être vénéré comme ancêtre. À ce titre, il rejoint l’ordre
d’intermédiaires de médiation. Dans cette perspective, il s’avère que vie et

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mort ne se laissent pas séparer en Afrique. Elles sont les deux faces de
l’existence. Elles conditionnent le comportement humain ; et la mort, fron-
tière d’en bas et dernière expérience de « quittement », ouvre sur le village
des Ancêtres et s’impose comme un des moments clés du cycle vital. Même
alors, disons-le, la mort n’est pas, dans le mental et subconscient des
Tropiques, le dernier mot de la vie humaine. Celle-ci, en revanche, est et
restera, tant que sous les Tropiques le jour se lève et se lèvera, une phrase
en pointillés ; un texte inachevé dont le terme ne se réalisera que lors du
passage ou de la traversée du fleuve qui conduit vers l’au-delà.
Le quatrième et avant-dernier paramètre d’apport africain à l’idéologie
thanatologique se veut un constat. La mort : « une sanction que l’homme
— et bien souvent la femme — a provoquée sciemment ou non par son
comportement à l’égard du créateur » (Thomas 1984, 748). Évidemment,
des mythes dogon et bambara (Griaule et Dieterlen 1965) au Mali, à
l’Ouest du continent, jusqu’à ceux des Bàntu du Kàsaayì au cœur de
l’Afrique au Congo R.D., « tous renvoient à une période pré-mythique, où
l’être humain était immortel et où “Dieu dispensait abri et nourriture” ;
[…] tous évoquent un monde, enjeu de forces sans cesse en mouvement et
qui viennent animer la vie, le pouvoir et la parole » (Fourche et Morlighen
2002). Et c’est par la faute de l’humain que Dieu, selon ces récits, a sanc-
tionné celui-ci en lui infligeant la mort.
Par ailleurs, on ne peut pas ne pas mentionner les croyances et céré-
monies qui ont trait à la mort en Égypte antique et qui étaient d’un impact
vital. Inscrites dans le religieux, elles constituaient une grande « étape de la
vie du pharaon, frère des dieux, qui devait après son décès vivre auprès des
dieux un repos éternel. Les Égyptiens considéraient qu’après le décès, l’âme
du défunt pouvait renaître et accéder au “royaume des morts” et au “repos
éternel” » (Fourche et Morlighen 2002, 213-215). Deux étapes majeures
composaient ce mythe égyptien de la mort. D’abord, « le voyage du défunt
vers l’au-delà avec le rite d’embaumement ». Ensuite son jugement par le
dieu Osiris, au moment où il atteignait l’au-delà pour possiblement entrer
au repos éternel. Ce rituel, bien détaillé dans le Livre des Morts du Scribe
Negbed atteste que le corps humain, selon l’Égyptien, uni par plusieurs
composantes dont le djet, l’équivalent du corps, et le ka, assimilé à l’esprit,
vit, de la naissance à la mort, sous la guidance de ces deux noumènes. Au
décès de l’homme, son entrée dans l’au-delà par le ka est conditionnée par
l’embaumement du djet (le corps), rite qui fait renaître le défunt et lui
donne accès au « royaume des morts et au repos éternel ». Au cas contraire,
un djet non-embaumé change le ka en khat et, à partir de cet instant, l’accès

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au royaume et au repos immortel est quasiment impossible. Telle est la


conviction qu’Osiris, instigateur de ce rite pour embaumer son épouse Isis
en vue de lui redonner la vie, a imprimé dans cette donne. Dans le même
ordre d’idées, sont mis dans le sarcophage à côté du défunt : offrandes,
statuettes, et autres objets au titre « d’actants » pour lui tenir compagnie
sur le chemin qui le conduit au jugement de l’âme. Cette réalité est égale-
ment reproduite dans l’art architectural, en l’occurrence les pyramides.
Évidemment, le chemin vers l’au-delà étant figuré, c’est par des couloirs
hautement élevés que le défunt peut, de son lit, observer le ciel à partir de
la chambre où il est déposé, permettant ainsi « à son âme de s’élever et
d’atteindre le royaume des morts ». En plus, un exemplaire du Livre des
Morts était posé auprès du corps sans vie au titre du guide ou d’indicateur
vers le royaume des Morts, en guise de préparation au jugement par les
incantations et recueils constituant son contenu.
Enfin signalons, comme dernier apport, la pensée des Tropiques selon
laquelle la vie ne finit pas. Elle est une continuité, même dans la mort. En
Afrique, en effet, « la mort semble être, selon l’ethnologue Dominique
Zahan, que nous citons encore, la conséquence inévitable de la vie »
(Zahan 1979, 241). Elle est son prolongement avec l’au-delà comme son
résultat inéluctable. C’est à ce titre que la mort constitue, d’après le
Congolais Alphonse Ngindu Mushete, un passage d’une existence vers une
autre existence. Ainsi, la vie de l’homme dans l’Au-delà est, pour ce théo-
logien, la continuation de celle qu’il a passée sur la terre (1993). Pour faire
court, nous affirmons, à la suite du philosophe sénégalais Souleymane
Bachir Diagne (2000, 2), que « le muntu, l’être humain, est vivant et fort
de ses liens à la divinité, à son clan, à sa famille, à ses descendants, comme
il est fort et vivant de son patrimoine et de sa terre, de ce qu’elle porte et
de ce qu’elle produit, de ce qui y pousse ou y vit. »

IV. Conclusion

Après ces quelques réflexions, qu’il nous soit permis de conclure. Au terme
de ce parcours sur vie et mort en Afrique Noire, nous avons conscience que
nous n’avons pas épuisé un sujet si complexe. L’ayant, en plus, abordé
dans un angle déterminé, d’autres aspects, peut-être plus importants, n’ont
pas été développés. En guise de conclusion, nous retenons deux indications.
La première d’entre elles, nous l’empruntons chez Dominique Zahan
qui, au cours de ses recherches a compris qu’au sujet du Continent Mère
de l’humanité, il faut essayer de

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pénétrer dans l’âme noire afin d’y découvrir le principe animateur de la vie.
[…] L’homme noir, microcosme où aboutissent, invisibles, d’innombrables
fils qui tissent les choses et les lient entre eux, en vertu des règles de corres-
pondance fournies par les catégories et les classifications. Il n’est pas le
« Roi » de la création, mais plutôt l’élément central d’un système auquel il
imprime une orientation centripète. (Zahan 1979, 14 et 16)

La seconde indication de conclusion est inscrite dans le registre cosmo-


gonique africain. Il s’agit de la relation du coudoiement entre vie et mort.
Évidemment, proches l’une de l’autre, dans la vision du monde africaine,
vie et mort portent chaque existence. Elles la caractérisent. À ce titre, elles
sont comme les deux faces de la main. Indissociables, vie et mort, en
Afrique, sont liées alors qu’ailleurs dans d’autres cultures la mort jette le
désarroi. On la cache, la maladie y compris. On n’en parle pas. Et il arrive
souvent que sur la même rue ou sur le même pallier d’un immeuble, on
n’apprenne le décès d’un voisin que plusieurs jours après son inhumation
alors qu’on partageait le même lieu d’habitation. Par ailleurs, la vie, pour
l’Africain, est donnée. Elle est un don et vient de quelque part. L’homme
n’en est pas l’initiateur. Il n’en connaît pas tous les secrets et elle reste une
énigme. Ainsi en est-il également de la mort qui se trouve entourée du
même mystère pour l’Africain. Alors que nombre de civilisations voient
dans la mort une absurdité, un non-sens de l’existence humaine et que
beaucoup, à l’idée de l’évoquer, perdent pieds, dépriment et parfois l’accé-
lèrent en se suicidant, l’homme des Tropiques, lui, face à la culture de la
mort envisage la vie, pense à la vie et cherche, à sa façon, comment l’aug-
menter si jamais elle diminuait. Ainsi, l’Afrique, si on veut rejoindre le père
Engelbert Mveng qu’on a évoqué au début de cette étude, a plus à apporter
et à dire dans ce débat à propos des deux terminus existentiels de l’itiné-
raire terrestre humain : la « vie » comme terminus a quo et la « mort » au
titre de terminus ad quem ouvrant sur la vie. Une nouvelle vie. Une autre
vie.

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Résumé

En Afrique, continent-Mère de l’homme et source de notre civilisation, vie


et mort, depuis plus de 200 000 ans avant notre ère, sont liées. Inséparables.
Elles constituent, ensemble, les deux faces de l’existence humaine et, par ce
fait, la mort se veut la conséquence de la vie. Dès lors, dans la cosmogonie
négro-africaine dont les traces sont visibles dans le judaïsme et le christia-
nisme, l’idéologie de la vie prime sur celle de la thanatologie, car la vie ne
finit pas avec la mort. A contrario, elle la dépasse, la transcende et continue
dans l’Au-delà. Ainsi, la mort n’est pas le dernier mot de la vie pour l’Afri-
cain. Celle-ci est, reste et demeurera une phrase en pointillés qui s’achèvera
au village des ancêtres lors du retour final.

Abstract

In Africa, motherland of humanity and background of our civilization, life


and death have been closely related for over 200 000 years. Inseparable,
even. Together, they constitute the two sides of human existence and by this
fact, death is seen as the consequence of life. As such, in negro-African cos-
mogony of which traces can be found in Judaism and Christianity, the
ideology of life primes over thanatology, since life doesn’t end with death.
To the contrary, life goes beyond death, transcends it and continues into the
Afterlife. Therefore, for the Africans, death is not life’s last word. It is and
stays an open-ended sentence that culminates in our ancestors’ village at the
moment of the final return.

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