2019 Out Sabbagh N

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Nathalie SABBAGH ABOU ASSI

La réparation en droit pénal : étude comparative

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SABBAGH ABOU ASSI, Nathalie. La réparation en droit pénal : étude comparative, sous la direction
de Anne-Sophie Chavent-Leclère et de Marie-Claude Najm Kobeh. - Lyon : Université Jean Moulin
(Lyon 3), 2019

Disponible sur : http://www.theses.fr/2019LYSE3047

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Document diffusé sous le contrat Creative Commons « Attribution – Pas d’utilisation commerciale - Pas de modification »
Vous êtes libre de le reproduire, de le distribuer et de le communiquer au public à condition d’en mentionner le nom de l’auteur et de
ne pas le modifier, le transformer, l’adapter ni l’utiliser à des fins commerciales.
N° d’ordre NNT: 2019LYSE3047

THÈSE de DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ DE LYON


opérée au sein de
L’Université Jean Moulin Lyon 3
En cotutelle internationale avec l’Université Saint-Joseph de Beyrouth

École Doctorale N° 492


Discipline de doctorat : Droit
Mention : Droit pénal et sciences criminelles

Soutenue publiquement le 08/11/2019, par :


Nathalie SABBAGH ABOU ASSI

LA RÉPARATION EN DROIT PÉNAL


Étude comparative

Devant le jury composé de :

Robert CARIO Professeur émérite à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour


Anne-Sophie CHAVENT-LECLÈRE Maître de conférences à l’Université Jean Moulin Lyon III, Directrice de thèse
Marie-Claude NAJM KOBEH Professeur à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, Co-directrice de thèse
Jean-Baptiste PERRIER Professeur à l’Université Aix-Marseille, Rapporteur
Xavier PIN Professeur à l’Université Jean Moulin Lyon III
Leila SAADÉ Professeur à l’Université Libanaise, Rapporteur
L’Université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse.
Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.
REMERCIEMENTS

La thèse fait sûrement partie des travaux qui s’accomplissent en solitaire et dans lesquels le
temps est le principal ennemi du thésard mais aussi son principal allié, en ce qu’il permet la
maturation de réflexions hasardeuses.

Pour m’avoir accompagné dans l’aventure qu’est la rédaction d’une thèse, je remercie :

Mme Chavent-Leclère, pour avoir accepté les défis d’une cotutelle internationale, pour m’avoir
toujours soutenu et pour avoir trouvé les mots pour me motiver et me pousser à chercher au-delà
de mes acquis ;
Mme Najm Kobeh, pour avoir relevé le défi de diriger une thèse en droit pénal, pour m’avoir
insufflé un esprit de rigueur et de précision et pour m’avoir permis de cheminer moins seule.

Je tiens également à remercier Mme Leila Saadé et M. Jean-Baptiste Perrier pour avoir accepté
de lire la thèse et d’en être les rapporteurs. Je remercie également M. Robert Cario et M. Xavier
Pin pour avoir accepté de faire partie du jury.

Au terme de ce parcours, je tiens surtout à remercier mes parents, mon mari et ma famille pour
avoir été d’un soutien indéfectible et d’une patience infinie.
J’exprime également ma gratitude à Nour, pour la minutie de ses relectures.
Enfin, je tiens à remercier tous mes amis qui m’ont soutenue et encouragée pendant ces années.
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS

AJDA Actualité juridique de droit administratif


AJ Pénal Actualité juridique pénal
al. Alinéa
A.N. Assemblée Nationale
Art. Article
Ass. Assemblée
Ass. Plén. Assemblée plénière de la Cour de cassation
Bull. civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation
Bull. crim. Bulletin des arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation
c/ Contre
C. civ. Code civil
C. com. Code de commerce
C. const. hab. Code de la construction et de l’habitation
C. envir. Code de l’environnement
C. pén. Code pénal
C. pr. pén. Code de procédure pénale
C. urb. Code de l’urbanisme
CA Cour d’appel
Cass. Cour de cassation
Cass. civ. Chambre civile de la Cour de cassation
Cass. com. Chambre commerciale de la Cour de cassation
Cass. crim. Chambre pénale de la Cour de cassation
CE Conseil d’État
CEDH Cour européenne des droits de l’homme
CGI Code général des impôts
CIJ Cour internationale de Justice
CPI Cour pénale internationale
CPJI Cour permanence de justice internationale
Cf. Confer, voir
Ch. Chambre
Chron. Chronique
CIVI Commission d’indemnisation des victimes d’infractions
Coll. Collection
Comm. Commentaire
Cons. const. Conseil constitutionnel
Consid. Considérant
D. Recueil Dalloz
Dalloz IP/IT Revue Droit de la propriété intellectuelle et du numérique
dir. Direction
Dr. fam. Revue Droit de la famille
Dr. pénal Revue Droit pénal
doc. Document
doct. Doctrine
Ed. Edition
Et al. Et alii, et autres
Et s. Et suivant(e)s
Fasc. Fascicule
Gaz. Pal. Gazette du Palais
in. Dans l’ouvrage
Infra Ci-dessous
JCP La semaine juridique
JO Journal officiel
n° Numéro
Obs. Observation
Op. cit. Opus citatum, ouvrage précité
Ord. Ordonnance
p. Page
puf Presses universitaires de France
QPC Question prioritaire de constitutionnalité
Rec. Recueil
RDI Revue de droit immobilier
RFDA Revue française de droit administratif
RSC Revue de science criminelle et de droit pénal comparé
RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil
RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial
Somm. Sommaire
dir. Direction
Supra Ci-dessus
t. Tome
TGI Tribunal de grande instance
Th. doct. Thèse de doctorat
TIG Travail d’intérêt général
v. Voir
Vol. Volume
SOMMAIRE

- PREMIÈRE PARTIE -

LA RÉPARATION, ALTERNATIVE À LA JUSTICE PÉNALE

Titre 1 : Les manifestations de la réparation comme alternative à la justice pénale


Chapitre 1 : La réparation, alternative aux poursuites
Chapitre 2 : La réparation, alternative à la peine

Titre 2 : Les moteurs de la réparation comme alternative à la justice pénale


Chapitre 1 : L’implication du délinquant, facteur de réparation
Chapitre 2 : Le réalisme du droit, moteur de réparation

- DEUXIÈME PARTIE -
LA RÉPARATION, COMPOSANTE DE LA JUSTICE PÉNALE

Titre 1 : La réparation, objet de la justice pénale


Chapitre 1 : L’autonomie de la réparation
Chapitre 2 : L’internationalisation de la réparation

Titre 2 : La réparation, complément de la justice pénale


Chapitre 1 : La réparation, accessoire au droit pénal
Chapitre 2 : La restauration, supplément du droit pénal
INTRODUCTION

« La fonction principale de la réaction sociale à la criminalité n’est ni de punir, ni de rééduquer,


ni de traiter, mais de promouvoir la réparation des torts causés par le délit»1.

1. À en croire Ihering, l’histoire de la peine est celle d’une abolition constante 2. Or


l’Histoire nous prouve que la peine résiste aux réformes législatives et que son abolition totale
est impossible. Il n’existe toujours pas de nos jours de réponses pénales qui permettent de
remplacer la peine pour toutes les infractions. Cependant, c’est le sens de la peine qui a évolué
avec le temps. L’abolition de la peine de mort, les tendances philosophiques rétributives et
utilitaristes de la peine et le mouvement d’individualisation de la peine ont contribué à
l’évolution du sens de la peine.

2. Cette évolution fut favorisée par la prise de conscience de l’inadéquation de la peine


d’emprisonnement comme réponse de principe à la délinquance. La surpopulation carcérale, les
conditions de détention, le coût de la prison et l’absence de réels effets positifs sur la récidive,
animent les débats autour d’une nouvelle réponse pénale. Il s’agissait alors d’élaborer de
nouvelles peines afin d’éviter la peine d’emprisonnement lorsque cela est possible. L’apparition
d’une « troisième voie » s’est révélée avec la création de mesures alternatives destinées à
certaines catégories d’infractions et de délinquants. La profusion de ces nouvelles mesures et
peines alternatives a créé la confusion au sein d’une justice pénale qui a longtemps reposé sur la
peine d’emprisonnement et la peine d’amende. Cette confusion a été alimentée par le fait que la
création de mesures alternatives semblait parfois être réalisée par à-coups, en fonction de besoins
particuliers ou suite à des événements tragiques qui ont poussé le législateur à légiférer. Il
n’existait pas forcément de fil rouge, de principe de base sur lequel se construisait cette nouvelle
forme de justice.

1
Déclaration de Leuven, 1997, “On the advisability of promoting the restorative approach to juvenile crime”,
European journal of criminal policy and research, vol.5, n°4, p.118.
2
Rudolf von Ihering (1818-1892).

1
3. Après la création et parfois l’abrogation de plusieurs dizaines de mesures, l’analyse de
la situation actuelle de la justice pénale française en matière de mesures alternatives permet de
dégager un fondement qui s’impose de lui-même, celui de la réparation du dommage causé par
l’infraction. Longtemps limitée au droit civil, la notion de réparation fait son entrée en droit
pénal grâce à la mise en œuvre de mesures et de peines alternatives. Le choix d’étudier la
réparation en droit pénal s’est alors révélé être une évidence.

4. Une approche comparée de la réparation. Choisir d’étudier la réparation en droit


pénal a d’abord nécessité de délimiter les recherches dans l’espace. Le droit comparé a toujours
apporté richesse et ouverture aux réflexions juridiques. Il « permet au juriste une meilleure
connaissance et une meilleure compréhension de son droit dont les caractères particuliers se
dégagent mieux au vu d’une comparaison avec l’étranger »3. Le débat autour de la réparation en
matière pénale en droit français nous a ainsi mené à choisir un droit dans lequel la présence de la
réparation en droit pénal était acquise, le droit anglais, et un autre dans lequel la question de la
réparation en droit pénal ne se pose pas encore, le droit libanais. Il ne s’agit cependant pas de
faire trois thèses parallèles sur les trois droits choisis. La thèse se concentrera sur le droit français
qui sera étudié à la lumière du droit anglais et du droit libanais. La comparaison pourra ainsi
enrichir les réflexions autour de la notion de réparation en droit pénal.

Avant de nous engager dans l’approche comparative de l’étude de la réparation en droit


pénal, il s’avère intéressant de remonter aux origines de la notion de réparation en matière
pénale, de l’Antiquité aux fondements religieux (I). Les concepts et définitions historiques de la
réparation permettront d’apporter un éclairage à la notion contemporaine de réparation qui
continue d’interagir avec la matière pénale (II).

I. Les origines de la notion de réparation

5. La notion de réparation a connu bien des acceptions et des définitions selon les siècles
et les courants et cela dès le 7e siècle avant J.-C. Afin de comprendre au mieux les manifestations

3
Marc ANCEL, Utilité et méthodes du droit comparé. Eléments d'introduction générale à l'étude comparative des
droits., Ides et Calendes, 1971, p.10.

2
de cette notion en droit contemporain, il semble primordial d’en retracer les racines historiques
(A). La réparation a aussi été inspirée par des mouvements plus contemporains du droit (B).

A. Les racines historiques de la réparation en droit pénal

6. Les origines historiques connues de la réparation remontent aux premiers écrits religieux
qui posent les grands principes de la notion (1). La définition de la réparation a ensuite été
laïcisée par différents courants de pensée, de la philosophie de l’Antiquité à celle de l’Ancien
Régime (2).

1. L’ancrage religieux de la réparation

7. Le phénomène criminel ayant toujours existé, on retrouve des traces de la notion de


réparation dans les écrits religieux qui sont à l’origine de la répression et des premières règles
morales4. Les liens entre la religion et le droit étant étroits, on retrouve encore des traces de
règles religieuses dans les législations contemporaines 5. L’influence de la pensée chrétienne a
par exemple introduit la notion de responsabilité individuelle, fondement de la sanction, et qui a
pour objectif la compensation afflictive et expiatoire de la faute, sorte de réparation
proportionnée aux conséquences de l’infraction. L’Église a aussi influencé les principes de
réhabilitation en donnant à la peine une « valeur perfectionnelle »6 devant améliorer l’auteur de
l’infraction. Avec la laïcisation, le phénomène criminel est devenu une transgression de l’ordre
social, distinct de l’ordre religieux7. Les origines du droit pénal classique viennent pourtant
d’une « inspiration qui vient d’en haut »8, inspiration qui a permis de distinguer le bon du

4
H. DONNEDIEU DE VABRES, Traité élémentaire de droit criminel et de législation pénale comparée, 2e éd.,
Librairie du recueil Sirey, 1943.
5
Edouard TILLET, « Histoire des doctrines pénales », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale - Dalloz,
octobre 2010; Marcel MAUSS, « La religion et les origines du droit pénal d'après un livre récent », Revue d'histoire
des religions, 1896, n° 34; Roger MERLE et André VITU, Traité de droit criminel, problèmes généraux de la
science criminelle, 7e éd., Editions Cujas, 1997, t. I.
6
Roger MERLE et André VITU, op. cit. p.2.
7
Bernard BOULOC, Droit pénal général, 23e éd., Dalloz, 2013; Adrien-Charles DANA, Essai sur la notion
d'infraction pénale, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1982.
8
Philippe MALAURIE, « Notre droit est-il inspiré? », Répertoire du notariat Defrénois, 30 mai 2002, n° 10, p. 637.

3
mauvais, l’acte permis de l’acte répréhensible. La question que l’on se pose est celle de savoir si
la réparation dans son acception contemporaine a des origines dans les textes religieux (a) et
dans l’application pratique des textes religieux (b), ces textes et pratiques pouvant nous aider à
mieux comprendre ou élaborer la conception de la réparation au XXIe siècle.

a) Les origines de la réparation dans les écrits religieux

8. La loi du talion, une juste réparation ? De la célèbre loi du talion - « œil pour œil, dent
pour dent »9 - au verset coranique qui autorise à couper la main du voleur10, la possibilité de
réparation par l’auteur de sa faute est absente de ces principes. Ces derniers marquent le besoin
d’un châtiment pour assouvir la soif de vengeance de la victime ou de sa famille.

Cependant, la loi du talion a subi maintes interprétations. D’un côté, elle est interprétée comme
un droit de vengeance et perçue comme une loi « barbare »11, d’un autre, elle est vue comme une
limitation du droit à la vengeance, ce qui voudrait simplement dire: si on te cause un dommage,
tu ne peux demander en réparation que l’exacte réciprocité du mal causé 12. Apparaît ainsi de
manière sous-jacente la notion de « juste réparation », de réparation proportionnée, qui limite
l’arbitraire dans la détermination du degré de la sanction. Mais la différence terminologique entre
juste réparation et juste vengeance est mince à l’époque des civilisations anciennes où la
vengeance privée était privilégiée. La justice privée fondée sur la vengeance aboutissait ainsi en
définitive à réparer le dommage causé à la victime ou à sa famille, que la réparation intervienne
par l’intermédiaire d’une autorité publique ou qu’elle ait été la conséquence d’un arrangement
privé.

La loi du talion a son équivalent dans la religion musulmane 13 qui accepte le principe de punir
une mauvaise action par une mauvaise action. Ce n’est pas la réparation du dommage qui est

9
Exode 21:24
10
Coran 5:38
11
H. DONNEDIEU DE VABRES, Traité élémentaire de droit criminel et de législation pénale comparée, 2 éd.,
Librairie du recueil Sirey, 1943, p.26.
12
Jean-Marie CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, 2e éd., puf, p.14; André LAINGUI et
Arlette LEBRIGRE, Histoire du droit pénal: Le droit pénal, Cujas, t. I; H. DONNEDIEU DE VABRES, Traité
élémentaire de droit criminel et de législation pénale comparée, 2e éd., Librairie du recueil Sirey, 1943, p. 26.
13
« La sanction d'une mauvaise action est une mauvaise action (une peine) identique. Mais quiconque pardonne et
réforme, son salaire incombe à Dieu. » (Coran, 42 : 40)

4
l’objectif dans ce cas mais la vengeance au travers d’une mauvaise action identique. Mais le
Coran, comme la Bible, laissent aussi une place au pardon.

9. Du pardon à la réparation. Une autre notion fondamentale est aussi présente dans
toutes les religions : le pardon des offenses. Il est au cœur de la religion chrétienne, que ce soit
dans les textes de l’Évangile 14 ou dans la prière fondamentale du Notre-Père15. La religion
musulmane consacre aussi le pardon16 et le repentir du coupable dans la détermination de la
peine. La religion place le pardon au-dessus de la peine. Si celle-ci est acceptée en cas de
dommage, la victime qui accepte le pardon comme réparation de son préjudice est considérée
comme ayant des valeurs supérieures et aura ainsi droit aux bons égards de Dieu.

La perception de la réparation par la religion semble donc plus idéaliste que celle qu’en a le
droit. Le pardon suffirait pour considérer la réparation acquise. On pourrait même se demander si
rendre le bien pour le mal contredit le principe de réparation 17. Dire que lorsque la victime ouvre
une voie à la réparation de l’auteur par son pardon, elle lui rend un bien en lui évitant de subir le
poids d’une peine, pourrait uniquement être une vue de l’esprit. Pourtant on retrouve le pardon
dans certains anciens articles de doctrine qui ont laïcisé la notion 18. Il est question d’un droit de
grâce individuel qui résulterait du pardon et de la réparation. Ce droit de grâce s’exprimerait
lorsque l’intérêt individuel lésé dépasse l’intérêt de la société. Si l’individu pardonne suite à la
réparation du dommage, la société n’aurait plus le droit d’exercer son mandat de protection et de
défense de l’individu. Cette hypothèse est exclue pour les crimes atroces mais semble, selon le
juge au Tribunal de Rennes en 1899, complètement justifiée pour les infractions mineures 19.

14
« Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi; mais si vous ne
pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos offenses. » (Matthieu 6:14-15). « Dans
la punition, comme dans le pardon, il n’y a de bon que ce qui se fait pour rendre les hommes meilleurs » (Saint
Augustin).
15
« Pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. »
16
« Pratique le pardon ; ordonne le bien ; écarte-toi des ignorants. » (Coran, 7 : 199); « Et celui qui endure et
pardonne, cela en vérité, fait partie des bonnes dispositions et de la résolution des affaires. » (Coran, 42 : 43)
17
Pour reprendre la formule de Castiglione BALDASSARRE : « En pardonnant trop à qui a failli, on fait injustice à
qui n’a pas failli » (1528).
18
Raoul DE LA GRASSERIE, « Effet de la réparation et du pardon sur la peine à intervenir », La scala positiva,
1899, Annexe 4, 11-12.
19
Idem.

5
De nos jours, la notion de pardon est notamment consacrée dans des mesures telles que
l’amnistie et la prescription20, comme une « volonté sociale de pardonner »21. Ce pardon n’est
pas conditionné par une réparation du dommage. La prescription, par exemple, entraîne
l’extinction de l’action publique donc l’impossibilité d’accorder une réparation à la victime, d’où
une remise en question de cette mesure dont les causes de suspension sont de plus en plus
utilisées22. La philosophie du pardon sous-tend cependant celle de la réparation ; le travail de
réparation de l’auteur de l’infraction envers la victime ouvre la voie au pardon de celle-ci et au
pardon de la société23. C’est l’acte réparateur qui permettrait au délinquant de mériter le pardon.

Loin de vouloir philosopher sur le sujet, il nous semble qu’il y a matière à réflexion avec
l’exposé des applications pratiques des textes religieux.

b) Les origines de la réparation dans l’application pratique des textes religieux

10. Une réparation-amendement en droit chrétien. Il fut un temps dans l’Antiquité où le


politique et le religieux s’entremêlaient 24 : la religion commandait la vie privée et publique. Avec
le christianisme, et malgré la volonté de distinguer le spirituel et le temporel25, la justice
ecclésiastique cherchait, à travers ses jugements, à rétablir l’ordre social et à satisfaire la victime.
Les jugements religieux permettaient aux délinquants d’échapper à la peine qui aurait pu être
prononcée par la justice publique.

20
Arts 7, 8 et 9 C. pr. pén.
21
Caroline GATTO, Le pardon en droit pénal, Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2014, [Droit : Université de
Nice Sophia Antipolis].
22
Comme par exemple pour les mesures alternatives utilisées par le procureur de la République (art. 41-1 et 41-2 du
Code de procédure pénale). Voir aussi Ass. plén. 7 nov. 2014, n° 14-83.739, commentaire à l’AJ Pénal 2015 p.36.
Laurent GRIFFON, « Prescription de la peine: de la prescription sans fin à la fin de la prescription », AJ Pénal,
2012, p.462.
23
Caroline GATTO, Le pardon en droit pénal, Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2014, [Droit : Université de
Nice Sophia Antipolis], p.379.
24
Fustel DE COULANGES, La cité antique, Librairie Hachette, 1900.
25
« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », Nouveau Testament, Marc, XII, 13-
17; Matthieu, XXII, 21; Luc, XX, 25.

6
L’amendement du criminel était l’objectif premier du droit pénal ecclésiastique 26 qui distinguait
entre le péché, qui pouvait être racheté par la confession, et le délit, qui relevait du for externe et
relevait de la compétence de la juridiction ecclésiastique. L’Église refusait la peine de mort et les
peines corporelles27 et encourageait plutôt les accords privés dans le but de donner satisfaction à
la victime. Elle recherchait le regret sincère du pêcheur qui devait permettre une réconciliation
des parties après acquittement d’une compensation pécuniaire.

Même si les termes employés à l’époque étaient la pénitence et l’expiation, il apparaît que
derrière ces mots, la justice ecclésiastique était essentiellement basée sur la réparation. Cette
réparation prenait deux aspects : un aspect matériel, visant à réparer le dommage causé à la
victime, et un aspect moral, visant à apaiser son désir de vengeance. La réparation matérielle,
jusqu’au début du XIIIe siècle, consistait en ce qui était appelé la pénitence religieuse. Celle-ci
présentait un caractère public. Les clercs avaient établi une grille de « tarifs » de pénitence, les
pénitentiels. Ces recueils regroupaient d’innombrables péchés ainsi que les pénitences
nécessaires pour le rachat des fautes. La réparation morale, quant à elle, consistait à donner à la
peine une fonction de « régénération du coupable et de réconciliation par la voie du pardon »28.
La peine devait permettre l’amendement du coupable et la réconciliation car la religion
catholique prône le pardon réciproque : l’auteur de l’acte répréhensible doit savoir, en échange
de son pardon, pardonner à autrui29. Ces deux formes de réparation sont indissociables dans le
sens où la réparation morale ne peut être envisagée si la réparation matérielle n’a pas été
effectuée. La gratuité du pardon ne fait pas encore partie de la justice pénale.

11. Une réparation-substitution en droit musulman. Selon la religion musulmane, seul


Dieu peut distinguer le bien du mal. Les messages divins transmis par les prophètes permettent
de rassembler les normes religieuses à suivre par les croyants30. L’homme ne peut édicter de
nouvelles normes sauf dans les domaines qui n’ont pas déjà été réglés par la norme religieuse. Il
26
Jean-Marie CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, 2e éd., puf, p.267. H. DONNEDIEU
DE VABRES, Traite élémentaire de droit criminel et de législation pénale comparée, 2e éd., Librairie du recueil
Sirey, 1943, p.28.
27
Roger MERLE et André VITU, op. cit. H. DONNEDIEU DE VABRES, op.cit.
28
Edouard TILLET, « Histoire des doctrines pénales », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale - Dalloz,
octobre 2010.
29
Caroline GATTO, Le pardon en droit pénal, Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2014, [Droit : Université de
Nice Sophia Antipolis].
30
Sami Awad Aldeeb ABU-SAHLIEH, op.cit.

7
peut aussi déduire de nouvelles normes par analogie afin d’appliquer des normes existantes à de
nouveaux cas. Pour les croyants, ce système permet de limiter l’arbitraire ou la défaillance des
êtres humains car seul Dieu est neutre et juste.

Les délits en droit musulman se divisent en deux catégories : ceux qui sont punis de peines fixes
prédéterminées car toutes leurs conditions sont réunies et ceux qui sont punis de peines
discrétionnaires, soit parce qu’une de leurs conditions manque, soit parce qu’ils ne font pas partie
de la catégorie des délits punis de peines fixes. Une précision s’impose quant aux délits punis
d’une peine fixe : leurs conditions sont tellement précises, voire quasi-impossibles à réaliser,
qu’ils finissent par tomber dans la catégorie des délits aux peines discrétionnaires. Cela permet
au délinquant d’éviter ainsi la peine fixe qui est souvent la plus sévère.

Cependant, dans le cas de certains délits (comme l’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique,
l’adultère, le vol), le pardon du lésé peut jouer un rôle dans le remplacement de la peine. Dans le
cas de l’atteinte à la vie par exemple, le pardon accordé par le lésé permettrait de remplacer la
peine par une réparation financière : le prix du sang31.

Pour d’autres délits (comme le brigandage 32 ou l’apostasie33), le repentir du coupable permet


uniquement d’échapper à la peine fixe, l’État pouvant toujours prononcer une peine
discrétionnaire. Ainsi, si le coupable se rend avant d’être arrêté par les autorités, sa peine peut
être remplacée par une sanction financière. C’est donc par le repentir du coupable et le pardon du
lésé que la possibilité d’une réparation peut venir se substituer à la peine.

Le caractère répressif du droit pénal islamique a cependant pris plus d’ampleur avec la révolution
iranienne de 1979. Il se manifeste par l’acceptation des châtiments corporels qui consistaient soit
à amputer un membre, soit à administrer des coups de fouet, soit à exécuter le délinquant pour
les crimes les plus graves. De nos jours, ces sanctions islamiques ont été abandonnées par la
majorité des pays musulmans (comme l’Égypte) mais elles restent appliquées dans certains pays
de manière plus ou moins étendue (comme en Arabie Saoudite 34, au Soudan35 ou en Iran36).

31
« Celui qui a été gracié d’une chose par son frère, qu’il fasse suivre le pardon par une compensation selon les
convenances et la lui restitue avec bienveillance. Voilà une allègement de la part de votre Seigneur et une
miséricorde. Quiconque transgresse après cela aura un châtiment affligeant. » (Coran 2 :178)
32
Vols, pillages.
33
Abandon public et volontaire de la religion.
34
Sami Awad Aldeeb ABU-SAHLIEH, Religion et droit dans les pays arabes, Presses universitaires de Bordeaux,
2008, p.137. Voir aussi : Article Le Monde du 19 mai 2015, « L’Arabie Saoudite recrute huit bourreaux » : l’offre

8
2. L’ancrage philosophique de la réparation

12. La notion de réparation est aussi développée dans les écrits philosophiques de l’Antiquité
(a) et de l’Ancien Régime (b). On la retrouve dans les écrits relatifs à l’organisation des rapports
entre les citoyens et des rapports entre les citoyens et le pouvoir.

a) La réparation dans l’Antiquité

13. La réparation dans la philosophie grecque, compatible avec la vengeance. Dans la


philosophie grecque, le crime est considéré comme une impureté qui demande vengeance et
réparation. Platon, pour qui la loi pénale se contredisait en voulant en même temps rétablir la
justice et imposer une punition au coupable, préconisait de réparer le préjudice subi et de
« rétablir l’harmonie de l’âme du coupable »37. Aristote n’a pas suivi cette voie car en prônant le
libre arbitre de l’homme, il ne pouvait pas accepter l’idée de restauration pour les actes
volontaires. Il y a substitué la réparation du préjudice par la prononciation d’une peine en
fonction de la gravité du dommage. Il voulait donc que l’équilibre soit retrouvé entre ce qu’a
perdu la victime et ce qu’a gagné le coupable. La peine infligée au délinquant avait une fonction
de réparation et permettait de rétablir l’ordre rompu par le crime 38.

14. La réparation dans la pensée romaine, une composition pécuniaire. Le droit romain a
évolué du stade de la vengeance à celui de la loi du talion, représentée dans la loi des XII Tables.
La réparation juste du talion est combinée avec le système des compositions pécuniaires, les

d’emploi a été mise en ligne sur le site officiel du gouvernement : www.eservices.mcs.gov.sa. Le site décrit le poste
comme consistant à exécuter les jugements d’exécution et d’amputation prononcés selon les lois de la Charia
islamique.
35
Le Soudan a promulgué un nouveau Code pénal musulman en 1991 après avoir abandonné l’usage du droit
religieux musulman en 1983.
36
https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2015/03/iran-eye-for-an-eye-acid-retribution/
37
Edouard TILLET, « Histoire des doctrines pénales », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale - Dalloz,
octobre 2010.
38
Roger MERLE et André VITU, Traité de droit criminel, problèmes généraux de la science criminelle, 7e éd.,
Editions Cujas, 1997, t. I.

9
« poena »39. Dans la conception privée de la justice, la composition avait un aspect de peine
pécuniaire et un aspect de réparation pécuniaire. Elle englobait ce que de nos jours on aurait
appelé les sanctions civiles et pénales.

Cette évolution a été accompagnée par la philosophie de Sénèque qui prône l’abandon de l’idée
de vengeance au profit d’une « volonté curative »40 et se rapproche des pensées de Platon en
faveur d’un amendement du coupable. Cependant, la réparation n’excluait pas le choix de peines
exemplaires et dissuasives qui constituaient l’arsenal répressif du droit romain 41.

b) La réparation dans l’Ancien Régime

15. La réparation dans l’Ancien Régime, un accessoire de la peine. Afin d’asseoir le


monopole de l’État et du Roi, le lien entre le coupable et la victime est délaissé au profit du lien
entre le coupable et l’État : il ne s’agit plus d’obtenir réparation pour la victime mais de réparer
l’offense faite au Roi. Le rapport de droit n’est plus horizontal (victime-coupable) mais vertical
(coupable-État). La réparation de l’offense faite au Roi passe par la peine qui permet d’annuler le
mal causé par l’infraction42. La peine prononcée doit être juste et exemplaire, elle est utile parce
qu’elle prévient la survenance d’autres crimes et qu’elle préserve l’ordre public.

La théorie du libre arbitre d’Aristote est adoptée pour justifier la répression large des infractions
(y compris la tentative) qui permet la préservation de la tranquillité de l’État, montre l’exemple
et dissuade le délinquant. L’introduction de la justice pénale dans la sphère publique et dans les
affaires du Roi donne à la réparation un caractère civil qui la rend très accessoire par rapport à la
sentence. La réparation accède cependant au rang de principe dès le XIII e siècle43 mais reste
irrégulièrement admise selon les régions et la nature de l’infraction. En effet, la loi romaine

39
Jean-Marie CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, 2e éd., puf, p.68. H. DONNEDIEU
DE VABRES, Traité élémentaire de droit criminel et de législation pénale comparée, 2e éd., Librairie du recueil
Sirey, 1943, p.26.
40
Edouard TILLET, « Histoire des doctrines pénales », op.cit.
41
Jean-Marie CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, op.cit: la peine de mort, la mort par le
glaive, la condamnation aux bêtes dans le cirque, le supplice de la croix, le bûcher, les travaux forcés.
42
Op.cit. p. 268.
43
Jean-Marie CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, 2e éd., puf, p.309: la charte du
Consulat d’Arles énonçait (vers 1156) qu’une réparation convenable devait être versée à celui qui souffert l’injuria
(injures, coups et blessures).

10
Aquilia empêchait l’évaluation en argent de la vie humaine. La réparation était donc impossible
en cas d’homicide et il a fallu user de détours afin de permettre à la famille de la victime de
recevoir une compensation financière : paiement des frais médicaux et des dépenses liées au
décès et évaluation du manque à gagner de la famille causé par le décès de l’un de ses
membres44.

La réparation pécuniaire pouvait aussi s’accompagner d’une réparation morale : l’auteur de


l’infraction faisait « amende honorable », c’est-à-dire qu’il demandait pardon à la victime.
L’amende honorable était aussi perçue comme une peine car elle se faisait dans des conditions
qui devaient humilier l’auteur afin de restituer l’honneur de la victime.

16. La réparation, grande absente du siècle des Lumières. Le siècle des Lumières a
introduit de grandes innovations au droit pénal dont notamment le principe de la légalité des
délits et des peines et le principe de proportionnalité des peines aux délits. Cependant, le principe
de réparation n’en faisait pas partie. Plus précisément, la définition du principe d’utilité de la
peine a écarté quelque peu les objectifs de réparation attachés à la peine. La peine est juste parce
qu’elle est utile45. Elle a pour but la défense de la société.

Ce principe est illustré en 1764 par Cesare BECCARIA dans son ouvrage, le Traité des délits et
des peines46. BECCARIA y développe un point de vue utilitaire de la peine qui doit être infligée
pour l’avenir, pour éviter que d’autres délits ne se produisent. La peine a donc un but de
dissuasion47. A la sévérité des peines, BECCARIA préfère la modération accompagnée de la
certitude d’une peine en cas de crime ou de délit 48. Cependant, la réparation ne fait l’objet
d’aucune réflexion durant cette période où il était davantage question de se débarrasser de la
sévérité et de l’atrocité des peines. Mais les principes des Lumières ont indirectement servi la
réparation, auparavant liée à la peine. En modifiant les principes de la peine, ils ont ouvert la

44
Jean-Marie CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, op.cit, p.312.
45
« Il faut punir pas plus qu’il n’est juste, pas plus qu’il n’est utile » (Rossi).
46
Marc ANCEL et Gaston STEFANI, Le traité des délits et des peines de Beccaria, Cujas, 1966.
47
Jean-Marie CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, 2e éd., puf, p.396.
48
Cesare BECCARIA, Traité des délits et des peines: les peines doivent produire « l’impression la plus efficace et
la plus durable sur l’esprit des hommes, et la moins cruelle sur le corps du coupable ». H. DONNEDIEU DE
VABRES, Traité élémentaire de droit criminel et de législation pénale comparée, 2e éd., Librairie du recueil Sirey,
1943.

11
voie à une autre perception de la réparation. D’une sanction de la faute, la réparation deviendra le
« remède au dommage »49. Cette différence de perception sera très utile dans la définition de la
notion de réparation qui peut être perçue, d’un point de vue civiliste, comme une réponse au
dommage ou au préjudice, et d’un point de vue pénaliste comme une possible réponse à
l’infraction commise.

17. L’influence du modèle anglais sur les mouvements doctrinaux français. Dans un
contexte français de contestations et de réformes, l’Angleterre a servi de modèle en ce qui
concerne le respect des libertés individuelles (par l’institution de jurys criminels, forme de
jugement par les pairs) et les réformes présentées sous la forme simple de slogan (comme
l’Habeas Corpus)50. Voltaire affirmait même que « en France, le droit criminel paraît dirigé pour
la perte des citoyens, en Angleterre, pour leur sauvegarde »51. L’Angleterre était aussi reconnue
pour son application des principes d’individualisation et de proportionnalité de la peine, illustrés
par Montesquieu dans L’Esprit des lois52.

Il apparaît ainsi, de ce survol historique, que les différents courants de pensée ont chacun pris en
compte la réparation de manière spécifique dans la justice pénale. Toujours liée à la peine, la
réparation était tantôt une composante de la peine, tantôt son accessoire. Les mouvements
ultérieurs la détacheront petit à petit de la peine pour lui accorder une certaine autonomie.

B. Les inspirations contemporaines de la réparation en droit pénal

18. Différents mouvements ont ouvert la voie à la réparation en s’attaquant à la notion de


peine et en tentant de donner de nouveaux objectifs à la justice pénale (1). La naissance du

49
Marie-Eve ROUJOU DE BOUBEE, Essai sur la notion de réparation, Librairie générale de droit et de
jurisprudence, 1974, [Th.doct. : Droit privé].
50
Edouard TILLET, La constitution anglaise, un modèle politique et institutionnel dans la France des Lumières,
Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2001, p.445.
51
VOLTAIRE, Prix de la justice et de l’humanité, 1777, t. III, p.340.
52
MONTESQUIEU, L’Esprit des lois, p.328.

12
concept autonome de réparation a été rendue possible grâce à la distinction de la réparation et de
la peine et l’établissement d’un droit à réparation (2).

1. Des différents mouvements ouvrant la voie à la réparation

19. Avec l’héritage de la période de l’Ancien Régime, il était difficile d’envisager une place
pour la notion de réparation en droit pénal. La sévérité des peines, la confusion de la réparation
avec la peine et la vision utilitaire de la peine avaient pour objectif de traiter le crime du
délinquant dans sa relation avec la société et non dans une optique délinquant-victime. Il a fallu
attendre l’influence de différentes doctrines avant de voir apparaître un droit à réparation. Ces
doctrines ont, en quelque sorte, introduit des prérequis à l’introduction de la réparation en droit
pénal. Ils ont permis le recul du règne quasi-exclusif de la peine en droit pénal (a) et introduit de
nouvelles notions liées à la réparation (b).

a) Le recul du règne quasi-exclusif de la peine en droit pénal

20. Mouvement de dépénalisation. Pour reprendre l’expression de IHERING, « l’histoire de


la peine est une constante abolition »53. Que ce soit en France, en Angleterre et au Liban, le
mouvement de dépénalisation s’est traduit, de manière quelque peu différente selon les pays, par
une diminution du recours automatique aux peines d’emprisonnement grâce à l’introduction de
nouvelles peines de substitution, de la dispense de peine, du sursis et du travail d’intérêt
général54. Ce mouvement s’est surtout fait connaître, par la dépénalisation de l’adultère, de
l’avortement et d’autres infractions qui ont, soit disparu, soit vu leur régime adouci.

Le prononcé d’une peine d’emprisonnement en dernier recours seulement permet de conférer une
plus grande place à la réparation dans les jugements des magistrats, même si la réparation n’est

53
TARDE G., 1890, La philosophie pénale, Lyon, Storck.
54
Revue internationale de droit comparé, « La réforme pénale anglaise de 1967 », avril-juin 1968, n° vol. 20, n°2,
p.355, en ligne : <www.persee.fr>.

13
pas incompatible avec une peine de prison. De même, les peines substitutives à
l’emprisonnement sont conditionnées par la réparation du dommage causé par l’infraction 55.

21. Mouvement d’adoucissement des peines. Ce mouvement a surtout été marqué par
l’abolition de la peine de mort et l’introduction des circonstances atténuantes dans la
détermination des peines et par l’abandon des peines les plus cruelles. En effet, pour atténuer la
rigidité du Code pénal de 1810 en matière de fixation des peines, une première loi du 25 juin
1824 avait permis aux juges des cours d’assises de reconnaître des circonstances atténuantes
dans certains cas. Mais l’application de ces circonstances ne s’est généralisée que quelques
années plus tard avec une loi du 28 avril 1832 qui a permis au jury de reconnaître des
circonstances atténuantes sur la base d’une simple impression ressentie lors des débats.

Cette loi de 1832 a aussi eu pour conséquence d’entraîner un mouvement d’adoucissement des
peines car outre l’introduction des circonstances atténuantes, elle comportait une révision de près
du quart des articles du Code pénal56. Les peines les plus cruelles furent supprimées. La peine de
mort a vu son champ d’application restreint petit à petit jusqu’à n’être prononcée que pour les
crimes les plus abominables. Elle était, au demeurant, appliquée encore plus rarement lorsque le
droit de grâce du Roi n’y faisait pas obstacle. Elle fut finalement abolie en France en 1981.

Ce mouvement a été un préalable nécessaire car la réparation n’aurait pas pu être envisagée dans
un système qui privilégie les peines corporelles et humiliantes et qui ne permet pas la prise en
compte des circonstances ayant conduit à la survenance de l’infraction. Cette tendance vers la
prise en compte de l’individu et du contexte de l’infraction fut confirmée avec le mouvement de
la Défense sociale nouvelle.

b) L’introduction de notions nouvelles liées à la réparation

22. Doctrine de la « Défense sociale nouvelle ». Il a fallu attendre la fin de la Seconde


guerre mondiale pour voir apparaître le mouvement doctrinal de la Défense sociale nouvelle,

55
Arts. 132-59, 132-45 et 131-8 C. pén.
56
Jean-Marie CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, 2e éd., puf, p.453.

14
porté en France par Marc ANCEL57. Ce mouvement se base essentiellement sur deux idées : la
première est que les conditions sociales dans lesquelles vivent les délinquants expliquent leur
passage à l’acte ; la seconde est qu’en replaçant l’infraction dans son contexte (déduit de la
première idée), le délinquant ne doit pas être éloigné ou éliminé mais « soigné et resocialisé »58.
L’État ne devrait pas seulement punir mais resocialiser le délinquant par des mesures curatives et
éducatives. Selon Marc ANCEL, le délinquant doit être vu comme une personne « en danger »59
qu’il faut protéger. La lutte contre l’emprisonnement et la recherche de substituts ont donc
largement occupé les partisans du mouvement de Défense sociale nouvelle 60.

L’influence du mouvement s’est traduite en droit positif par une plus grande individualisation
des peines qui prennent désormais en compte le délinquant en tant que personne. « C’est le crime
que l’on punit, mais c’est la considération de l’individu qui détermine le genre de mesure qui lui
convient. La responsabilité, fondement de la peine, et l’individualisation, criterium de son
application : telle est la formule du droit pénal moderne »61. En pratique, la Défense sociale
nouvelle a, entre autres, favorisé l’introduction des mesures éducatives dans le droit pénal des
mineurs62, a expérimenté les « peines différées » bien avant l’introduction du sursis avec mise à
l’épreuve et a prôné la personnalisation des peines et la resocialisation du condamné 63.

Ce sont la prise en compte de l’individu dans la détermination de la peine, la notion de


responsabilité et l’introduction de mesures éducatives et du sursis que l’on retiendra de ce
mouvement pour réfléchir au développement de l’obligation de réparation en droit pénal.

57
Mais lancé par l’italien Felippo GRAMATICA qui publie ses « Principes de défense sociale », Ed. Cujas, 1964.
Marc ANCEL, La défense sociale nouvelle: un mouvement de politique criminelle humaniste, 2e éd., Cujas, 1971.
58
Jean-Marie CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, 2e éd., puf, p.456.
59
Edouard TILLET, « Histoire des doctrines pénales », Répertoire de droit pénal et de procédure penale - Dalloz,
octobre 2010.
60
G. LEVASSEUR, « L'influence de Marc Ancel sur la législation répressive française contemporaine », Revue de
sciences criminelles, 1991.
61
Raymond SALEILLES, L'individualisation de la peine, 3e éd., Eres, 2001, p.121.
62 o
Ordonnance n 45-174 du 2 février 1945.
63
G. LEVASSEUR, « L'influence de Marc Ancel sur la législation répressive francaise contemporaine », Revue de
sciences criminelles, 1991. Christine LAZERGES, « La défense sociale nouvelle a 50 ans », RSC, 2005, p.165.

15
2. La naissance du concept autonome de réparation

23. Les mouvements successifs de dépénalisation et de resocialisation du délinquant ont


permis de distinguer théoriquement les notions de peine et de réparation (a). Cette distinction a
permis l’apparition d’un droit à réparation, désormais distinct du prononcé de la peine (b).

a) De la distinction de la peine et de la réparation

24. Des critères de distinction. De l’étude des origines historiques et contemporaines de la


réparation, le lien entre la réparation et la peine paraît solide. Ces deux notions sont tantôt
confondues, tantôt complémentaires. Dès le XXe siècle, les réflexions sur la nature de la peine
vont conduire à la distinguer encore plus de la réparation 64. Nous reprendrons ici les critères de
distinction présentés dans la thèse de Mme Marie-Ève ROUJOU DE BOUBEE65 :

- Le critère objectif : la valeur de la réparation est déterminée en fonction du dommage


alors que l’étendue de la peine différera selon le tort éprouvé.

- Le critère subjectif : en matière de réparation, la faute n’est que le déclencheur de


l’obligation de réparation, alors qu’en matière de peine, la faute est la mesure de la peine.

- Le critère téléologique : la réparation est tournée vers la victime de l’infraction alors que
la peine vise l’auteur de l’infraction.

Ces critères font ainsi apparaître un droit autonome à la réparation du dommage, distinct du
devoir du juge de prononcer une peine à l’encontre de l’auteur de l’infraction.

64
Voir: MARTY et RAYNAUD, Les obligations, Sirey, 1988 ; HUGUENEY, Le sort de la peine privée en France
dans la première moitié du XXème siècle, in Mélanges Ripert II, p. 249 ; L. RIPERT, La réparation du préjudice
dans la responsabilité délictuelle, Librairie Dalloz 1933, [Th.doct.].
65
Marie-Eve ROUJOU DE BOUBEE, Essai sur la notion de réparation, Librairie générale de droit et de
jurisprudence, 1974, [Th.doct. : Droit privé].

16
b) De la naissance du droit à réparation

25. Du droit à réparation des victimes. Le droit à réparation des victimes s’exerce grâce à
l’action civile, différente de l’action en responsabilité délictuelle 66 en ce qu’elle est fondée sur
une infraction au droit pénal. L’action civile est régie par l’article 2 du Code de procédure pénale
qui marque dans sa rédaction le droit à réparation : « l'action civile en réparation du dommage
causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement
souffert du dommage directement causé par l'infraction ». Elle est un droit parce qu’elle
appartient à la victime, contrairement à l’action publique qui est confiée aux magistrats, selon la
rédaction de l’article 1 er du Code de procédure pénale. Ce droit à réparation est aussi mentionné
aux articles 75, 142-10, 149, 495-13, 626-1 et 707 du Code de procédure pénale et à l’article
133-8 du Code pénal.

Le droit libanais a aussi inclus le droit à réparation de la victime dans le Code de procédure
pénale67. A l’image du droit français, le droit libanais connaît l’action civile et l’action publique.
Quant au droit anglais, le droit à réparation y est prévu comme l’un des objectifs de toute
condamnation pénale68. Ce n’est donc pas expressément un droit directement accordé à la
victime mais une obligation pesant sur le condamné.

Ces différents mouvements ont conduit à construire le droit tel que nous le connaissons
aujourd’hui. Cet aperçu historique de la notion de réparation était donc un préalable
indispensable à l’étude de la réparation dans les droits contemporains français, anglais et
libanais.

II. L’interaction de la réparation avec la matière pénale

26. Nous aborderons, en premier lieu, la présence de la réparation en matière pénale (A)
avant d’envisager, en second lieu, la contribution de la réparation à la justice pénale (B).

66
Art. 1382 du Code civil.
67
Art. 5 et 7 de la loi n° 328 du 2 août 2001, modifiée par la loi n° 359 du 16 août 2001.
68
Criminal Justice Act, Chapter 44, 2003, en ligne : <www.legislation.gov.uk>.

17
A. La présence de la réparation en matière pénale

27. Le terme « réparation » existe dans 12 articles du Code pénal français et le terme
« réparer » dans un seul article. La présence de la notion de réparation est plus importante dans le
Code de procédure pénale où le terme « réparation » revient dans 75 articles et « réparer » dans 6
articles69. La notion de réparation existe bien en droit pénal (1) et est fortement reliée à celui-ci
(2).

1. La définition de la réparation en droit pénal

28. La définition courante de la réparation. La réparation est un nom commun qui se


définit par lui-même. La réparation est l’action de réparer quelque chose d’endommagé ou de
réparer une faute commise70. Elle est aussi définit comme étant l’action qui permet de faire
disparaître les dégâts causés à une chose. L’objet de la réparation est matériel mais on peut aussi
réparer l’honneur, ou la personne, dans le sens de rétablissement et de remise en état.

29. La définition juridique de la réparation. La réparation est, en droit pénal, le fait de


réparer les conséquences dommageables d’une infraction. Définir la réparation nécessite ainsi de
déterminer en quoi consiste « le fait de réparer ». Couramment, l’acte réparateur est défini
comme le « dédommagement d’un préjudice par la personne qui en est responsable, soit par le
rétablissement de la situation antérieure, soit par le versement d’une somme d’argent »71.

Cependant, la recherche d’une définition juridique de la réparation est primordiale pour poser les
bases de notre analyse. La réparation n’étant pas un terme juridique en soi, elle n’est définit par
les différents lexiques juridiques qu’associée à d’autres termes (comme le principe de réparation
intégrale, ou l’action en réparation). Ainsi, et à défaut de trouver une définition légale de la
69
On ne retrouve le terme « réparation » que dans 9 articles du Code de procédure civile mais dans 45 articles du
Code civil.
70
Dictionnaire Larousse.
71
Dictionnaire Larousse.

18
réparation, nous nous concentrerons sur les définitions jurisprudentielles et doctrinales. Selon
l’expression de la Cour de cassation, la réparation vise « à replacer la victime dans la situation où
elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne se serait pas produit »72. Cette définition suggère
un retour en arrière, une sorte d’effacement des conséquences de l’infraction. Or il est évident
que ce retour en arrière n’est pas possible pour toute sorte d’infractions, notamment les crimes. Il
existerait donc des infractions pour lesquelles la réparation est impossible, ce qui délimite
forcément le champ de recherche.

30. Ce que la réparation n’est pas. Il est important de préciser que la réparation, comme
nous l’entendons, n’est pas l’indemnisation73. Elle ne se limite pas au paiement d’une somme
d’argent en compensation mais peut être réalisée en nature. Elle ne se confond pas avec la
réparation au sens civil du terme et n’est pas synonyme de dommages et intérêts. La réparation
en droit pénal est la réparation prononcée par un juge pénal ou mise en œuvre dans le cadre
d’une procédure pénale. Elle compose la mesure ou la sanction pénale.

2. La liaison de la réparation et du droit pénal

31. Une relation équivoque. La réparation en droit pénal semble être une notion
empruntée au droit civil. En effet, l’article 1er du Code de procédure pénale français introduit
l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction. Il en est de même de l’article
7 du Code de procédure pénale libanais relatif à l’action de la partie civile en réparation du
dommage résultant d’infractions pénales. Le droit anglais diffère des droits français et libanais en
ce qu’il intègre la réparation au droit pénal. Il qualifie notamment la réparation comme l’un des
objectifs de la peine74.

72
Civ. 2e, 28 octobre 1954, Bull. civ. II, n° 328 ; Civ. 2e, 9 juillet 1981, Bull. civ. II, n° 156 ; Crim., 12 avril 1994,
Bull. crim. n° 146.
73
Catherine LAZERGES, « L'indemnisation n'est pas la réparation », in La victime sur la scène pénale en Europe,
puf, 2008, p.228.
74
Section 142 du Criminal Justice Act, 2003: “Any court dealing with an offender in respect of his offence must
have regard to the following purposes of sentencing: the punishment of offenders, the reduction of crime, the reform

19
Si la relation entre la réparation et le droit pénal est plutôt claire en droit anglais, elle l’est mois
en droit pénal français et en droit libanais. La réparation existe bien dans ces deux droits mais
cela ne suffit pas pour affirmer qu’elle en est une composante. Cela nous ramène à la question de
la fonction du droit pénal. Traditionnellement, le droit pénal est connu pour avoir une fonction
« expressive » et une fonction « répressive »75. Le droit pénal est un droit qui interdit et un droit
qui punit. Il régit donc les relations entre les individus et l’État. Il n’a pas de fonction réparatrice,
la réparation relevant des relations entre individus. Cependant, la relation grandissante entre la
réparation et la peine pourrait porter à équivoque. En effet, si le droit pénal est le droit de la
peine, et si la peine acquiert une fonction réparatrice, cela se répercutera vraisemblablement sur
les fonctions du droit pénal.

32. Une relation circonstancielle. La relation entre la réparation et le droit pénal est
aussi circonstancielle. Elle dépend des politiques pénales adoptées par les États et de leur volonté
d’intégrer la réparation parmi les moyens de prise en charge des infractions. Les mouvements
d’individualisation de la peine et de « contractualisation » du droit pénal on créé un terrain
propice au développement de la réparation en droit pénal 76. On observe toutefois un éclatement
du droit de la peine qui, d’un côté, se tourne vers une plus grande répression pour la grande
criminalité et, de l’autre, assouplit les peines de la petite délinquance 77. Cette situation est
accentuée par les nouveaux défis auxquels fait face la justice pénale, notamment le traitement
des infractions à caractère terroriste78. Les mesures réparatrices, considérées comme des mesures
souples, sont donc reléguées dans la catégorie des réponses pénales aux infractions de faible
gravité.

and rehabilitation of offenders, the protection of the public and the making of reparation by offenders to persons
affected by their offences”.
75
Xavier PIN, Droit pénal général, 9e éd., Dalloz, 2018, p.3.
76
Francoise ALT-MAES, « La contractualisation du droit pénal. Mythe ou réalité? », Revue de sciences criminelles,
2002, p.501.
77
Patricia HENNION-JACQUET, « L'indemnisation du dommage causé par une infraction : une forme atypique de
réparation ? Dommages et intérêts, classement sous condition de réparation, sanction-réparation », RSC, 2013,
p.517. Marie-Ange COCHARD, « La multiplication des peines: diversité ou dilution? », Droit pénal, n° 9, dossier 9.
78
A cet effet, consulter la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019.

20
B. La contribution de la réparation à la justice pénale

33. La présence croissante de la réparation au sein de mesures et de sanctions pénales lui


permet de contribuer à l’évolution du sens de la peine (1) et du modèle de justice pénale (2).

1. Un sens à la peine

34. Une relation intermittente. Les développements relatifs aux origines historiques et
religieuses de la réparation nous ont montré que la réparation et la peine ont longtemps été unies,
voire confondues. En 1956, Jean FOYER écrivait : « la distinction de la peine et de la réparation
est une idée récente »79. Ainsi, le temps consacra la séparation de la peine et de la réparation au
point où le lien entre ces deux notions finit par étonner: « Il est donc solide cet espoir que la
peine va agir, faire quelque chose… Mais quoi ? Non pas réparer, c’est le domaine de la
responsabilité civile, et si parfois la sanction pénale devient réparatrice […] c’est par suite d’une
erreur, d’une confusion du législateur ; en réalité, il s’agirait plutôt là, par nature, d’une sanction
civile ou administrative »80. La distinction de l’action publique et de l’action civile par le Code
des délits et des peines du 3 brumaire IV finit par sceller la distinction entre la répression et la
réparation.

En droit français, l’absence d’une définition légale de la peine et de ses objectifs a alimenté
pendant un temps les débats autour des objectifs de la peine et a facilité l’intégration de la
réparation au cœur de certaines peines. On pense notamment à la peine de sanction-réparation.
Dans les cas où la peine et la réparation se confondent, il s’agit de comprendre s’il faut punir
pour réparer ou si réparer permet de punir. La loi du 15 août 2014 donne pour la première fois
une définition légale du sens de la peine. La peine a pour objectif d’assurer la protection de la
société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans
le respect des intérêts de la victime. Elle a pour fonction de sanctionner l’auteur de l’infraction et

79
Jean FOYER, « L'action civile devant la juridiction répressive », in Quelques aspects de l'autonomie du droit
pénal, sous la dir. de G. STEFANI, Dalloz, 1956, p.320.
80
Mireille DELMAS-MARTY, Les chemins de la répression, Ed. puf, 1980, p.11.

21
de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion 81. La réparation n’y est pas
expressément mentionnée mais la référence aux intérêts de la victime et la recherche de
l’amendement de l’auteur de l’infraction ne font qu’alimenter les débats sur la possibilité de
renouer les liens entre la réparation et la peine.

35. Une relation refoulée. La relation que peuvent entretenir la peine et la réparation est,
jusqu’à présent, refoulée. Plusieurs thèses se sont attaquées à la confusion entre la réparation et
la peine. Ainsi, certaines ont avancé que « la peine peut permettre la réparation du dommage
mais ne peut être la réparation du dommage »82. D’autres refusent d’accorder une fonction
réparatrice à la répression pénale 83. Il ne s’agit pas uniquement d’apporter un avis contraire à ce
qui a déjà été avancé mais il s’agit surtout de prendre en compte les développements récents en
matière de législation pénale. En effet, les dernières années ont été riches en réformes favorables
à l’intégration de la réparation dans la justice pénale. En outre, l’aspect comparatif adopté
permettra d’enrichir la réflexion et de rationnaliser les débats autour de l’existence d’une forme
de réparation en droit pénal.

36. Une relation dévoilée. Que la relation entre la réparation et le droit pénal soit
intermittente ou refoulée, soit. Il n’empêche que cette relation est dévoilée par les dernières
réformes législatives qui dessinent, sans doute involontairement, les esquisses d’une notion
pénale de réparation. En droit pénal français, les mesures comme la médiation ou le travail
d’intérêt général ont ouvert la voie à l’entrée de la réparation en droit pénal mais elles étaient
encore perçues comme exceptionnelles. La composition pénale et la peine de sanction-réparation
ont permis d’élargir le domaine d’intervention des mesures réparatrices. La détermination des
fonctions de la peine par la loi du 15 août 2014 et la mise en place de nouvelles mesures telles
que la transaction par officier de police judiciaire et la contrainte pénale ont fini par confirmer la
présence d’une notion de réparation pénale qui vient se joindre aux mesures et peines mises en
œuvre, ou constitue le cœur de ces sanctions.
81
Art. 130-1 C. pén.
82
Claire SAAS, L'ajournement du prononcé de la peine, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2004, p. 145-
146.
83
Bertrand PAILLARD, La fonction réparatrice de la répression pénale, L.G.D.J, 2007, [Université Panthéon-
Assas].

22
La réparation existe bien en droit pénal mais elle n’a pas encore de nature bien définie. On la
retrouve parfois sous forme de peine alternative, comme dans la sanction-réparation, et parfois
comme mesure alternative à la peine. Son autonomie reste encore à confirmer. Toutefois, la
ministre de la Justice Nicole Belloubet, en campagne pour le projet de loi de réforme pour la
justice, exprime dans une allocution, la volonté d’œuvrer pour une nouvelle échelle de peines qui
inclurait de nouvelles sanctions autonomes, sans référence à l’emprisonnement 84. La loi de
programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 ne révèle pas encore de
telles sanctions, mais nous pouvons toutefois envisager la présence de la réparation au cœur de
nouvelles sanctions, comme c’est déjà le cas en droit anglais.

2. Un modèle de justice

37. Une justice apaisée. La réparation, aujourd’hui reconnue comme moyen civil de
résolution des conflits, est perçue en droit pénal comme instaurant une sorte de justice apaisée.
Sa pénalisation est reliée avec le phénomène que certains qualifient de « civilisation »85. Ce
phénomène a permis de substituer des sanctions civiles aux sanctions pénales, permettant ainsi
un règlement pacifique des conflits. La civilisation par l’entrée de la réparation dans le domaine
de la justice pénale, marque ainsi un « recul de la force », signe majeur du progrès social.

En outre, les mouvements de criminologie et de victimologie ont « contaminé86 » la procédure


pénale en justifiant le recours à des mesures permettant de restaurer le lien social, d’assurer une
réparation à la victime, et d’éviter la stigmatisation du délinquant pour faciliter sa réhabilitation
et sa resocialisation. Ils viennent créer une troisième voie entre le classement sans suite et la
poursuite judiciaire. A défaut de pouvoir concurrencer la peine d’emprisonnement, les mesures
réparatrices évoluent au cœur des alternatives aux poursuites et permettent d’apporter une
réponse pénale aux infractions mineures87.

84
Audition de Nicole Belloubet, ministre de la Justice, à l’Assemblée Nationale, 6 novembre 2018.
85
Roger MERLE et André VITU, Traité de droit criminel, problèmes généraux de la science criminelle, 7 éd.,
Editions Cujas, 1997, t. I.
86
Raymond GASSIN, « Considérations sur le but de la procédure pénale », in Le droit pénal à l'aube du troisième
millénaire, Mélanges offerts à Jean Pradel, Cujas, 2004.
87
Jean-Christophe CROCQ, « Le pouvoir de transaction et de sanction du procureur de la République: le chaînon
manquant », RSC, 2015, p.595.

23
38. Une justice pour la victime et l’auteur de l’infraction. Il est important de spécifier
que la réparation en droit pénal n’instaure pas une justice uniquement orientée vers la victime 88.
Il est évident que la victime est le bénéficiaire direct de la réparation. Mais si on doit envisager la
réparation comme réponse pénale à l’infraction, elle doit surtout être une mesure dirigée vers
l’auteur de l’infraction. C’est sous cet angle que la réparation sera analysée. Nous connaissons
déjà la réparation comme droit pour la victime. Nous ne délaisserons pas cet aspect mais nous
nous intéresserons particulièrement à la réparation comme sanction, devoir, obligation du
délinquant.

39. Une justice réparatrice. Le choix d’une étude comparative a aussi été motivé par le
modèle de justice restaurative, aussi appelée justice réparatrice, venu des pays de Common law89.
La justice restaurative est une philosophie qui prend en compte les besoins des victimes, des
infracteurs et de la communauté touchée par l’infraction. Elle permet d’apporter une réparation
du dommage et de la personne. La justice restaurative assure à la victime ses besoins
d’information, de vérité, de responsabilisation et de réparation. Elle mène l’infracteur à sa propre
responsabilisation et réhabilitation. La justice restaurative est un modèle de réparation globale
qui ne peut remplacer le modèle de justice pénale actuel mais qui offre une philosophie
réparatrice à laquelle le droit pénal contemporain n’est pas indifférent.

40. Limites de la recherche. Enfin, on ne peut nier que dans la recherche de la


réparation du dommage causé par une infraction, il y a une part d’irréparable. Les conséquences
de certaines infractions ne peuvent être réparées. C’est pour cette raison que dans le cadre de nos
recherches, les infractions concernées sont les infractions pénales contre les personnes et contre
les biens. Nous excluons donc les crimes comme le meurtre, le viol, les agressions sexuelles,

88
C’est en cela que l’angle de notre thèse diffère de celle de Nathalie PIGNOUX, La réparation des victimes
d'infractions pénales, 2007, [Université de Pau et des Pays de l'Adour].
89
Lode WALGRAVE et Ivo AERTSEN, « Reintegrative shaming and restorative justice », European journal on
criminology policy and research, 1996, n° 4, p.67. Lode WALGRAVE, « La justice restaurative et la perspective de
victimes concrètes », in Justice réparatrice et médiation pénale, convergences ou divergences, sous la dir. de M.
JACCOUD, L'Harmattan, 2003. Howard ZEHR, Changing lenses, restorative justice for our times, 2015. Howard
ZEHR, La justice restaurative, pour sortir des impasses de la logique punitive, Labor et fides, 2012.

24
dont les conséquences ne peuvent être réparées, mais uniquement compensées. Une entorse à
cette exception sera faite dans le cadre du droit pénal international, la justice transitionnelle
apportant un éclairage intéressant à la question de la réparation en droit pénal. Dans une
approche restaurative transitionnelle, on peut rapprocher la réparation de la guérison. Mais la
guérison reste une démarche individuelle entreprise par la victime dans laquelle l’infracteur peut
ne jouer aucun rôle.

La réparation bute ainsi sur cette part d’irréparable qu’on ne peut compenser car « quand on
cherche à équilibrer une valeur humaine par une valeur comptable, on poursuit une tâche
impossible, en ce sens que l’équivalence laisse toujours un reste. Ici le reste est énorme.
L’équivalence boite furieusement » 90. Mais « l’idée d’équivalence n’est pas si intimement liée à
celle de réparation qu’il faille renoncer à celle-ci par l’impossibilité où l’on est d’obtenir celle-
là »91.

41. La réparation, alternative ou composante. Au regard de la présence de la réparation


dans la sphère pénale et de son interaction avec le droit pénal, la question de la place de la
réparation en droit pénal est soulevée : La réparation est-elle une alternative à la justice pénale ou
une composante de la justice pénale ? Le choix de l’expression justice pénale est voulu pour
englober les liens de la réparation avec le droit pénal perçu dans sa globalité comme « l’ultima
ratio de la réaction sociale »92.

Ainsi précisée, cette problématique dévoile une option alors qu’il se pourrait qu’au bout de
l’étude, les deux possibilités soient valides. Il convient ainsi d’analyser les manifestations de la
réparation dans les mesures alternatives et les éléments qui favorisent son développement au sein
de ces mesures afin de consacrer le rôle de la réparation comme alternative à la justice pénale
(Première partie). En outre, l’étude suivra un chemin audacieux à la recherche de la réparation
comme composante de la justice pénale (Deuxième partie). Il ne s’agit pas de rechercher
comment la justice pénale absorbe la réparation au sens civil mais de rechercher l’existence
d’une notion de réparation pénale, autonome et indépendante de la réparation civile.
90
Marie-Eve ROUJOU DE BOUBEE, Essai sur la notion de réparation, Librairie générale de droit et de
jurisprudence, 1974, [Th.doct. : Droit privé].
91
Armand DORVILLE, De l'intérêt moral dans les obligations, étude de droit comparé sur le principe de
réparation pécuniaire des dommages non-économiques, 1901, [Université de Paris].
92
Emmanuel DREYER, Droit pénal général, 4e éd., Lexinexis Manuel, 2016, n°82.

25
Première partie – La réparation, alternative à la justice pénale

Deuxième partie – La réparation, composante de la justice pénale

26
27
- PREMIÈRE PARTIE -

LA RÉPARATION, ALTERNATIVE
À LA JUSTICE PÉNALE

42. Dire que la réparation est une alternative à la justice pénale pourrait sous-entendre,
dans une pensée extrême, une forme de justice alternative extérieure la justice pénale. Mais c’est
à l’intérieur de la justice pénale que se développe cette alternative comme nouveau mode
d’action93. La nécessité d’individualiser la peine et la volonté d’éviter le recours à la peine
d’emprisonnement lorsque cela est possible ont permis le développement de ce qui est désormais
connu comme des alternatives à la justice pénale traditionnelle 94.

Cette nouvelle voie s’est d’abord constituée de mesures prises de manières éparses, sans lien
entre elles. En droit français et anglais, la médiation a ainsi été l’une des premières mesures à se
dérouler en marge du procès pénal. D’autres mesures, comme la composition pénale ou le travail
d’intérêt général, ont permis de diversifier les types de réponses pénales pour mieux
individualiser la sanction. A observer le contenu des mesures alternatives, on remarque que la
grande majorité se base sur l’obligation de réparation du dommage issu de l’infraction, ou au
moins la prend en compte.

43. La notion pénale de réparation se dégage ainsi de ces mesures et se manifeste comme
une alternative sérieuse à la justice pénale (Titre 1). Cette alternative ne peut se développer sans
l’implication du délinquant dans le processus. Les défis auxquels fait face la justice pénale et les
ambitions qu’on lui attribue sont autant de moteurs qui encouragent le développement de la
réparation comme alternative à la justice pénale (Titre 2).

93
Parfois aussi plus modestement appelé la « troisième voie ». Voir : Frédéric DEBOVE, « La justice pénale
instantanée, entre miracles et mirages », Droit pénal, novembre 2009, n° 11, 19. Christophe DUBOIS et Dider
VRANCKEN, « Travail sur soi et justice réparatrice: comptes rendus d'une mise en pratique », Sociologie et
Sociétés, 2014, n° 46, 1, p.249.
94
Dominique GAILLARDOT, « Les sanctions pénales alternatives », Revue internationale de droit comparé, Avril-
Juin 1994, n° 42, p.683. Jean-Hervé SYR, « Les avatars de l'individualisation dans la réforme pénale », RSC, 1994,
p.217.

28
TITRE 1

LES MANIFESTATIONS DE LA RÉPARATION COMME ALTERNATIVE


À LA JUSTICE PÉNALE

44. Les mesures alternatives à la justice pénale se sont d’abord manifestées comme une
forme d’évitement de la peine d’emprisonnement. Ainsi, le développement des peines avec sursis
a permis un temps d’éviter des peines de prison non indispensables mais le sursis a vite laissé
place au sentiment d’une réponse pénale incomplète et à une frustration de voir une grâce
accordée au délinquant. La création d’alternatives à l’emprisonnement s’est alors avérée
nécessaire. Ces alternatives ont mis l’accent sur les principes de réparation ou de cessation du
trouble causé à l’ordre social. La réparation fait ainsi son entrée dans la sphère des sanctions
pénales95. Il est donc intéressant d’étudier les manifestations de la réparation comme alternative à
la justice pénale.

45. Ces manifestations prennent la forme de mesures alternatives au sens large. Il en


existe un certain nombre en droit français, en droit anglais et en droit libanais et leur nombre est
en augmentation permanente. Leur caractère protéiforme rend leur analyse ardue. Ces
alternatives sont, d’une part, des alternatives aux poursuites pénales (Chapitre 1). Elles
bouleversent au passage la répartition des pouvoirs entre les différents acteurs judiciaires et
renforcent l’image d’une justice pénale négociée. Les alternatives réparatrices sont, d’autre part,
des alternatives à la peine (Chapitre 2). Elles remettent en question le sens de la peine et font leur
entrée dans l’échelle des peines.

95
Marie-Eve ROUJOU DE BOUBEE, Essai sur la notion de réparation, Librairie générale de droit et de
jurisprudence, 1974, [Th.doct. : Droit privé]. Jocelyne LEBLOIS-HAPPE, « La redéfinition des finalités et fonctions
de la peine - vers des principes directeurs en matière de peine? », Gazette du Palais, 23 mai 2015, 143, p.10.

29
Chapitre 1 : La réparation, alternative aux poursuites

46. La réparation au cœur des alternatives aux poursuites. Les alternatives aux
poursuites irradient depuis la fin du 20e siècle l’évolution de la justice pénale. Le recours aux
modes alternatifs de résolution des litiges répond à une dimension philosophique fondée sur la
possibilité pour les hommes de s’entendre sur un compromis. Ce compromis réside pour le droit
pénal dans la réparation des conséquences de l’infraction, qui forme la majorité des alternatives
aux poursuites. Apporter une réponse alternative permet d’instituer une « troisième voie »96 entre
les poursuites et le classement sans suite.

47. La recherche d’une justice de qualité implique l’assurance de la célérité des


poursuites pénales97. En 2017, la durée moyenne de l’instruction d’une personne mise en examen
en France était de plus de 31,6 mois98. Afin de faire face au nombre croissant d’affaires et
d’apporter une réponse adéquate à chaque infraction, des mesures alternatives ont été mises en
place par le législateur français. Leur exécution a été confiée au procureur de la République et
aux officiers de police judiciaire. Au critère temporel s’ajoute donc la nécessité de modifier la
distribution des prérogatives des acteurs judiciaires. Une troisième voie déchargerait les
magistrats des dossiers de petite délinquance pour leur permettre de consacrer plus de temps aux
dossiers plus importants. La réparation viendrait donc se substituer aux poursuites pénales.

48. Au Liban, malgré l’existence de défis similaires en matière de durée d’instruction et


de surcharge des tribunaux, la centralisation des pouvoirs au stade des poursuites dans les mains
du procureur qui a l’obligation d’engager des poursuites en cas d’infraction avérée rend le
développement des alternatives aux poursuites plus difficile.

49. En Angleterre, le bouleversement de la répartition des prérogatives de la police


judiciaire et du Crown Prosecution Service (l’équivalent du procureur de la République)

96
Jean PRADEL, Manuel de procédure pénale, 13e éd., Editions Cujas, 2007, p.539. Fréderic DEBOVE, François
FALLETTI et Emmanuel DUPIC, Précis de droit pénal et de procédure pénale, 5e éd., Point Delta, 2013, p.539.
97
Jean DANET, « La célérite de la réponse pénale », AJ Pénal, 2013, p.576. Jean-Claude MAGENDIE, Célérité et
qualité de la justice, la gestion du temps dans le procès, ministère de la Justice, 2004, en ligne :
<www.presse.justice.gouv.fr>.
98
Les chiffres-clés de la justice, Edition 2018, Sous-direction de la statistique et des études, ministère de la Justice,
en ligne : <www.justice.gouv.fr>.

30
introduit par le Criminal Justice Act de 2003 accorde à chacun de ces organes des prérogatives
en matière d’alternatives aux poursuites et de réparation99.

Ces alternatives aux poursuites permettent d’envisager la réparation du dommage à


l’étape de l’enquête de police (section 1) et à l’étape de la décision de poursuite (section 2).

Section 1 : La réparation au stade de l’enquête de police

50. La police judiciaire, nouvel acteur en faveur de la réparation. La police est


l’organe judiciaire auquel le délinquant est confronté en premier. Le policier est son premier
interlocuteur à compter de son arrestation. Dans le cadre de ce sujet, nous nous intéresserons
particulièrement au rôle que peut jouer la police en matière de réparation des préjudices car
l’évolution législative va dans le sens d’une plus grande implication des services de police
judiciaire dans la résolution et la réparation, en amont des poursuites, voire en substitution de
celles-ci. En analysant les législations française, anglaise et libanaise, on observe des tendances
divergentes : le droit français a, pour un temps, permis l’intégration de la réparation dans les
prérogatives des officiers de police judiciaire tandis que le droit anglais tend à limiter certaines
prérogatives accordées à la police judiciaire tout en préservant un objectif réparateur. Le droit
libanais maintient, quant à lui, une vision classique des attributions de la police.

Nous verrons dans les développements qui suivent quelles sont les évolutions en la matière, les
raisons qui les motivent et les conséquences qu’elles peuvent avoir à travers l’étude de
l’intégration de la réparation dans les prérogatives de la police (I) et les questions soulevées par
cette prérogative (II).

I. L’intégration de la réparation dans les prérogatives de la police

51. Sur la base d’une comparaison entre le droit anglais, le droit français et le droit
libanais, deux tendances apparaissent dans les attributions de la police judiciaire relatives aux

99
Criminal Justice Act, Chapter 44, 2003, en ligne : <www.legislation.gov.uk>.

31
mesures de réparation des conséquences d’une infraction : une tendance classique et une
tendance plus contemporaine.

52. Une tendance classique limitatrice. La tendance classique, au Liban, limite le rôle
de la police à l’enquête et l’arrestation des infracteurs. En effet, l’article 10 du Code de
procédure pénale libanais dispose que « les organes de police judiciaire sont chargés de constater
les infractions, d’en rassembler les preuves, d’en arrêter les auteurs et de les traduire devant les
tribunaux chargés de les punir ». Ces organes sont placés sous l’autorité du procureur de la
République, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre de
l’instruction. La police ne joue donc pas, dans ce cas, de rôle quant à la détermination ou la
proposition de mesures de réparation. Cette conception a longtemps prévalu en droit français100
avant que le législateur ne fasse le choix de l’élargissement des moyens mis à la disposition de la
police.

53. Une tendance contemporaine plus élargie. La tendance contemporaine, en France


et en Angleterre, pose la question des prérogatives des officiers de la police judiciaire dans le
traitement d’un dossier : le droit français a intégré, jusqu’au 23 mars 2019101, de nouvelles
prérogatives reliées à la réparation ; le droit anglais supprime pour sa part certaines prérogatives
sans pour autant supprimer la présence de la notion de réparation. Ce sont ces deux directions
que nous développerons ci-dessous, s’agissant du cadre de leur intégration (A) et des
conséquences de celle-ci (B).

100
Il faut noter que pendant le mandat français au Liban, un certain nombre de codes libanais ont été inspirés par les
codes français ou ont été rédigés par des juristes français (comme par exemple le Code des obligations et des
contrats en 1932).
101
Avec la promulgation de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice du 23 mars 2019, qui
supprime la transaction par officier de police judiciaire.

32
A. Le cadre de l’intégration de la réparation dans les prérogatives de la police

54. Une parenthèse en droit français. En France, la police judiciaire est chargée selon
l’article 14 du Code de procédure pénale de « constater les infractions à la loi pénale, d’en
rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte ».
La loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative l’individualisation des peines et renforçant
l’efficacité des sanctions pénales a toutefois ouvert une parenthèse en ce qui concerne les
prérogatives de la police judiciaire 102. En effet, l’article 35 de la loi accordait à l’officier de
police judiciaire la possibilité de transiger avec l’auteur de l’infraction à condition que ce dernier
répare le dommage résultant de l’infraction. Cette possibilité de transiger sous condition de
réparation était déjà accordée depuis 2006 aux maires, en leur qualité d’officiers de police
judiciaire103. Si ces textes semblent essentiellement évoquer la transaction, la condition de
réparation du dommage résultant de l’infraction qu’ils impliquent est centrale. On la retrouve
dans l’exposé des motifs de la loi qui précise que les mesures prévues visent à « sanctionner
celui qui commet une infraction et s'attacher à permettre sa réinsertion au sein du corps social
afin de prévenir le mieux possible le risque de récidive et de réparer le préjudice causé aux
victimes ».

Cette innovation en matière de mesures alternatives ne fut malheureusement que de courte durée.
En effet, la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice promulguée le 23 mars
2019 vient dans son article 59 abroger l’article 41-1-1 du Code de procédure pénale104. La
promulgation de cette loi ne supprime pas l’intérêt d’étudier la transaction par officier de police
judiciaire qui a permis d’innover, même temporairement, dans le domaine des mesures

102
Muriel GIACOPELLI, « La loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité
des sanctions pénales: un rendez-vous manqué », AJ Pénal, 2014, p.448. Magalie NORD-WAGNER, « Justice
restaurative et transaction policière: un regard sur deux procédures originales issues de la loi du 15 août
2014», Gazette du Palais, 23 mai 2015, n° 143, p.6.
103
Articles 16 et 44-1 c .pr. pén, prérogative accordée depuis la loi n°2006-396 du 2 avril 2006. La transaction existe
aussi pour des infractions en droit pénal spécial, comme en droit fiscal et en droit de l’environnement. On la retrouve
aussi dans le Code des douanes (article 350), dans le Code de la consommation (articles L.141-2 et L.216-11), dans
le Code rural (article L.205-10), dans le Code de commerce (articles L.490-5) et dans le Code des transports (articles
L.6142-3). Elle fait aussi partie des prérogatives du Défenseur des droits qui peut proposer un transaction consistant
dans le versement d’une amende avant la mise en mouvement de l’action publique (loi organique n°2011-333 du 29
mars 2011, art. 28 II). Ces transactions en droit pénal spécial, de par leurs particularités, feront l’objet de la
deuxième partie de la thèse.
104
Loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, publiée au JO le 24
mars 2019.

33
alternatives en droit français. Nous verrons aussi que le rôle des officiers de police judiciaire
persiste, quoique plus limité, grâce à la possibilité ouverte par la modification de l’article 28 du
Code de procédure pénale.

55. D’un pouvoir d’inculpation aux mains de la police... Le système judiciaire de


l’Angleterre a conduit à une situation particulière. Jusqu’aux années 1980, la police était l’organe
chargé de l’inculpation et de la conduite des poursuites dans la plupart des affaires
quotidiennes105. Le système accusatoire de l’époque était marqué par l’absence d’une fonction de
procureur pour mener les poursuites. C’était l’indépendance de la police qui garantissait la bonne
marche de la procédure. Mais l’accroissement des chiffres de la délinquance et les considérations
politiques ont conduit à la réforme du système.

En 1985, le Prosecution of Offences Act a créé le Crown Prosecution Service (CPS), équivalent
du procureur de la République français. Ce service avait des pouvoirs limités car il dépendait
toujours d’une certaine manière de la police, laquelle prenait la décision initiale d’inculpation. La
police pouvait décider d’elle-même de classer le dossier sans suite ou de délivrer un simple
avertissement106. Le Crown Prosecution Service ne prenait en charge le dossier qu’à compter de
la décision d’inculpation de la police. Cette situation a fini par créer des tensions entre les
différentes institutions, jusqu’aux réformes introduites en 2003.

56. … A une faculté d’incitation à la réparation. Le nouveau Criminal Justice Act107


entré en vigueur en 2003 vient étendre les pouvoirs du Crown Prosecution Service. Tout en
gardant à la police la responsabilité de la décision initiale d’inculpation pour les infractions les
moins graves, il transfère cette responsabilité de manière générale au Crown Prosecution Service
qui n’est désormais plus lié par les décisions de la police 108.

105
Steward FIELD, « La politique pénale en Angleterre et au Pays de Galles : formation et responsabilité », AJ
Pénal, 2012, p. 455.
106
Connu sous le nom de « police caution ».
107
Criminal Justice Act, Chapter 44, 2003, en ligne : <www.legislation.gov.uk>.
108
Ce changement fait du Crown Prosecution Service l’équivalent anglais du procureur de la République. Depuis,
on ne peut que constater un rapprochement entre les droits français et anglais. Voir: Renaud COSLON et Stewart
FIELD, « La fabrique des procédures pénales », Revue de sciences criminelles et de droit comparé, 2010, n° 2, p.
365. Cependant, certaines institutions, comme le Serious Fraud Office et le Health and Safety Commission,

34
L’étendue des pouvoirs du Crown Prosecution Service et la limitation des pouvoirs de la police
vont avoir certaines répercussions. Limitée dans son pourvoir d’inculpation, la police se voit
toutefois dotée de nouvelles prérogatives qui lui permettent de prendre des mesures de
réparation. En effet, si avant 2003 la police avait le pouvoir de délivrer des avertissements
simples, elle peut désormais en vertu du Criminal Justice Act délivrer des avertissements sous
condition109 pour les infractions les moins graves, les summary offences, qui sont jugées par un
juge unique sans jury110. Si cette prérogative n’est pas exclusive puisque le Crown Prosecution
Service et d’autres institutions spécifiques l’exercent également, elle accorde à la police un
nouveau rôle qui, tout en supprimant l’exclusivité de l’inculpation, accorde une participation à la
mise en place d’une mesure de réparation. La limitation des attributions de la police anglaise
rapproche ainsi ces dernières des prérogatives de la police française en matière d’alternatives aux
poursuites.

Cet aperçu historique des différentes législations permet de mieux aborder les conditions (1) et le
contenu (2) de l’action policière en matière de réparation.

1. Conditions préalables à l’action policière en matière de réparation

57. Un ordre d’actions. En droit français, la mise en œuvre de la transaction pénale ne


pouvait avoir lieu que si l’action publique n’avait pas été déjà mise en mouvement. Cette
condition de temps résulte du fait que ces mesures étaient proposées par les officiers de police
judiciaire ou par les personnes agissant en qualité d’officier de police, donc avant que le dossier
ne soit transmis au procureur de la République. Si cette condition temporelle était acquise,
l’officier de police judiciaire pouvait envisager la possibilité d’une transaction pénale avec toutes
les conditions de mise en œuvre qu’elle supposait. Il en est de même en droit anglais,
l’avertissement sous condition intervenant au stade de l’enquête de police, avant l’engagement
des poursuites.

continuent d’exercer un droit de poursuites de manière indépendante pour les infractions spécialisées relevant de
leurs compétences.
109
Conditional cautioning.
110
Contrairement aux indictables offences, infractions plus graves qui sont jugées devant une Cour avec jury et dont
la proposition d’avertissement sous condition relève du Crown Prosecution Service.

35
a) La reconnaissance de culpabilité

58. Condition sous-entendue de la réparation par la transaction. Si les articles 44-1


(relatif aux maires) et 41-1-1 (ancien) du Code de procédure pénale (relatif aux officiers de
police judiciaire) ne la mentionnent pas, la condition de reconnaissance de culpabilité par
l’auteur de l’infraction est une condition préalable nécessaire pour permettre aux officiers de
police judiciaire d’utiliser les moyens mis à leur disposition 111. Ainsi, la reconnaissance de sa
culpabilité par l’auteur de l’infraction va lui ouvrir la possibilité de bénéficier d’une proposition
de transaction qui allègera sa peine. Cette condition est aussi nécessaire pour permettre la mise
en œuvre d’une obligation de réparation qui n’est pas prononcée par un juge mais qui provient
dans ce cas d’une démarche volontaire. En acceptant de se déclarer coupable, l’auteur de
l’infraction accepte indirectement l’obligation de réparation.

Mais si cette condition semble bénéficier aux délinquants, ce pourrait être un moyen pour les
officiers de police de pousser une personne à reconnaître sa culpabilité dans l’espoir de
bénéficier d’une transaction. D’une fenêtre ouverte vers la résolution du litige, elle peut se
transformer en moyen de pression.

59. Condition nécessaire de l’avertissement sous condition. En droit anglais, nous


retrouvons parmi les conditions de l’avertissement la condition de l’aveu de l’infracteur et celle
de la signature par ce dernier d’un document spécifiant qu’il a accepté les conditions de
l’avertissement. Les règles relatives à l’avertissement sous condition précisent que l’aveu
préalable n’est pas nécessaire pour que l’officier de police judiciaire décide si un avertissement
sous condition est une mesure appropriée. L’aveu peut et doit survenir à la suite de la

111
Crim., 22 janv 1970, Bull. crim. n° 37 : la transaction comporte nécessairement la reconnaissance de l'infraction.
Dans sa décision du 26 septembre 2014, le Conseil constitutionnel le confirme aussi dans le consid. n° 15 : « ni le
principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, qui découle de l'article 9 de la Déclaration de 1789, ni aucune autre
exigence constitutionnelle ne fait obstacle à ce qu'une personne suspectée d'avoir commis une infraction reconnaisse
librement sa culpabilité et consente à exécuter une peine ou des mesures de nature à faire cesser l'infraction ou en
réparer les conséquences ; que, par suite, les dispositions contestées ne méconnaissent pas la présomption
d'innocence ».

36
communication de l’avertissement à l’auteur de l’infraction112. La signature de l’aveu intervient
donc juste après que l’auteur de l’infraction ait été informé du risque d’engagement des
poursuites en cas de non application des conditions. Cette chronologie dans la procédure suscite
des craintes sur l’existence d’une pression exercée sur l’auteur de l’infraction pour l’amener à
reconnaître sa culpabilité. Elle révèle surtout la tournure de négociation que pourrait prendre la
phase de l’arrestation.

b) La validation par une autorité supérieure

60. L’acceptation par le procureur et l’homologation par le juge, conditions


nécessaires de la réparation par la transaction en droit français. Les articles 44-1 et 41-1-1
(ancien) du Code de procédure pénale disposent que les transactions sont proposées par les
officiers de police judiciaire ou par les personnes agissant en qualité d’officier de police, donc
avant que le dossier ne soit transmis au procureur de la République. Les transactions permettent
une intervention en amont pour tenter de régler le litige avant l’engagement de poursuites
pénales. Cependant, si l’officier de police judiciaire propose la mesure, celle-ci devait être
acceptée par le procureur et homologuée par le juge compétent. Cette condition s’explique au
regard du principe de la séparation des pouvoirs. D’une part, il n’était pas envisageable
d’accorder aux officiers de police judiciaire des pouvoirs de décision. Le principe de la
séparation des pouvoirs qui préserve les droits des inculpés et garantit l’indépendance et
l’impartialité des jugements aurait été mis en péril. D’autre part, l’acceptation de la proposition
par le procureur de la République et son homologation par le juge permettait de sauvegarder le
rôle de ces derniers sans bouleverser les principes directeurs de la procédure pénale française 113.
L’octroi du droit à la réparation des dommages causés par l’infraction se fait par le juge,
contrairement aux conceptions adoptées par le droit anglais 114.

Cela étant, le pouvoir de proposition était entre les mains de l’officier de police. Ce pouvoir de
choisir est cependant relatif car si la loi accorde aux officiers de police de nouvelles prérogatives,

112
Code of practice for adult conditional cautions, Ministry of Justice, 2013, p.16.
113
Magalie NORD-WAGNER, « Justice restaurative et transaction policière: un regard sur deux procédures
originales issues de la loi du 15 août 2014 », Gazette du Palais, 23 mai 2015, n° 143, p.6.
114
Infra n° 61.

37
l’absence d’utilisation de celles-ci n’empêchera pas les possibilités de réparation du dommage
grâce à d’autres leviers qui peuvent être actionnés par le procureur de la République (comme par
exemple ceux mentionnés à l’article 41-1 du Code de procédure pénale) et par le juge
d’instruction. La condition d’acceptation du procureur et d’homologation du juge permettait de
relativiser les prérogatives des officiers de police judiciaire. De plus, si l’article 35 de la loi du 15
août 2014 s’inscrivait dans le chapitre des dispositions visant à renforcer les pouvoirs des
services de police, une fois introduit dans le Code de procédure pénale, l’art 41-1-1 (ancien) a été
inséré dans la section consacrée aux attributions du procureur de la République. Le passage d’un
pouvoir des services de police à une attribution de procureur semble avoir facilement été fait de
manière à limiter l’impact de ce texte.

Cette mesure pouvait être envisagée comme une attribution du procureur qui venait renforcer les
pouvoirs des services de police, une attribution qui leur serait déléguée 115. Le procureur ne
pouvait recourir à l’article 41-1-1 sans la proposition d’un officier de police judiciaire et ce
dernier ne pouvait espérer la mise en œuvre du texte sans l’autorisation du procureur. La valeur
ajoutée de cette mesure reste discutable 116 au vu des autres attributions du procureur qui
permettent d’aboutir à des résultats semblables en matière de réparation117. En outre, du point de
vue de la nature de la transaction, la procédure d’homologation adoptée alourdissait le recours à
cette mesure qui ne permettait pas d’éviter l’intervention du juge.

61. Une absence d’homologation, facteur d’autonomie de l’avertissement sous


conditions en droit anglais. Si les avertissements sous conditions pour les infractions les plus
graves118 restent du ressort du Crown Prosecution Service, les prérogatives de la police pour les
autres infractions ne sont pas négligeables, surtout parce qu’elle les exerce de manière
autonome. Le Criminal Justice Act de 2003 ayant retiré à la police son pouvoir général
d’inculpation, celle-ci semble pourtant l’exercer à travers la mesure d’avertissement qui pourrait
être utilisée dans les cas où la police ne souhaiterait pas entamer des poursuites. La réparation

115
Nicolas JEANNE, « Réflexions sur la transaction pénale par officier de police judiciaire », RSC, 2016, p.1.
116
Jean-Baptiste PERRIER, « La transaction pénale de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale. Bonne idée ou
outil dangereux ? », Recueil Dalloz, 2014, p.2182. Camille MIANSONI, « La transaction par officier de police
judiciaire ou TOPJ », AJ Pénal, 2015, p.469.
117
Comme les mesures prévues à l’art. 41-2 C. pr.pén.
118
Les indictable offences.

38
sert donc d’alternative aux poursuites au stade de l’enquête de police en droit anglais. Cependant,
bien qu’évitant un jugement, l’avertissement apparaît sur le casier judiciaire de l’auteur de
l’infraction. Son contenu permet toutefois de le qualifier de mesure de réparation.

2. Contenu de l’action policière en matière de réparation

62. Pour bien identifier l’ampleur des prérogatives de la police en matière de réparation,
il est nécessaire de préciser le domaine et les moyens prévus pour la transaction policière et
l’avertissement sous condition.

a) Les infractions concernées

63. Le choix audacieux des infractions concernées par la réparation par transaction.
Les mesures annoncées dans les articles 44-1 et 41-1-1 (ancien) du Code de procédure pénale
concernent des délits variés. Si l’article 44-1 inclut uniquement les contraventions que les agents
de la police municipale sont habilités à constater, certains délits assortis d’une peine
d’emprisonnement faisaient partie de l’énumération de l’article 41-1-1.

En effet, jusqu’au 23 septembre 2016, l’article 41-1-1 englobait les infractions suivantes dans le
champ d’application de la mesure de transaction :

« 1° les contraventions prévues par le code pénal, à l'exception des contraventions des quatre
premières classes pour lesquelles l'action publique est éteinte par le paiement d'une amende
forfaitaire en application de l’article 529;

2° Des délits prévus par le Code pénal et punis d'une peine d'amende ;

3° Des délits prévus par le même code et punis d'un an d'emprisonnement au plus, à
l'exception du délit d'outrage prévu au deuxième alinéa de l’article 433-5 dudit code ;

4° Du délit prévu à l’article 311-3 du même code, lorsque la valeur de la chose volée est
inférieure à un seuil fixé par décret ;

5° Du délit prévu à l'article L. 3421-1 du Code de la santé publique ;

39
6° Du délit prévu au premier alinéa de l'article L. 126-3 du Code de la construction et de
l'habitation. »

Les points 3 à 6 concernent des peines d’emprisonnement qui restent cependant limitées à un an
au maximum. L’article 311-1 du Code pénal visé par le 4 ème alinéa mentionne une peine
d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans mais le décret n°2015-1272 a limité119 la
valeur de la chose volée à 300 euros pour la mise en œuvre d’une transaction, ce qui limite par
conséquent la durée d’emprisonnement. Cette précision a été transposée à l’article 41-1-1 par le
législateur suite à la décision du Conseil constitutionnel en date du 23 septembre 2016 qui
déclare contraire à la Constitution le 4e alinéa de l’article 41-1-1 du Code de procédure pénale au
motif que « le législateur a méconnu sa compétence dans des conditions affectant l’égalité devant
la procédure pénale, en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de délimiter le champ
d’application d’une procédure ayant pour objet l’extinction de l’action publique » 120
. Cette
décision ne soulève pas d’objections de fond quant au champ d’application de l’article 41-1-1 du
Code de procédure pénale. Il ne s’agissait pas de refuser d’inclure le délit de vol dans le champ
d’application de la transaction mais de refuser que le montant de la chose volée ne soit pas
délimité par le législateur. Le législateur y a remédié en mentionnant le seuil du montant de la
chose volée au sein de l’article 41-1-1 du Code de procédure pénale121. La loi du 15 août 2014 a
englobé un large contentieux, visant à écarter des procédures judiciaires traditionnelles les
infractions de faible gravité.

64. Le choix mesuré des infractions concernées par l’avertissement sous conditions.
Le Criminal Justice Act et le manuel sur l’application des avertissements sous condition 122 ne
délimitent pas le champ d’application de l’avertissement sous conditions pouvant être prononcé
par un officier de police judiciaire. Le manuel permet au Director of Public Prosecution,
équivalent du procureur général français, de publier un guide qui détermine le champ
d’application des avertissements sous conditions123. Ce guide accorde la possibilité aux officiers

119
Art. R15-33-33-3 du décret.
120
Décision n°2016-569 QPC, Syndicat de la magistrature et autre. Voir : AJ Pénal, « Transaction pénale: vers une
meilleure prise en compte des droits de la défense », 2016, p.546.
121
Article 19 de la loi n°2017-258 du 28 février 2017.
122
Code of practice for adult conditional cautions, Ministry of Justice, 2013, en ligne: www.gov.uk.
123
Dont la 7e édition date d’avril 2013. Il porte le titre de « Director’s guidance on adult conditional cautions ».
Disponible en ligne sur le site du « Crown prosecution service » : www.cps.gov.uk.

40
de police de recourir à des avertissements sous conditions lorsqu’il s’agit de summary offences124
et de either way offences125, toutes deux des infractions de faible gravité. Pour qu’une infraction
entrant dans l’une de ces catégories puisse faire l’objet d’un avertissement sous conditions, elle
ne peut en théorie être sanctionnée de plus de six mois d’emprisonnement. Les infractions plus
graves pouvant faire l’objet d’un avertissement sous condition sont réservées à l’appréciation du
Crown Prosecution Service. Le manuel exclut aussi en principe du champ d’application des
avertissements sous conditions les violences domestiques et les délits motivés par la haine
raciale, xénophobe, religieuse ou homophobe.

b) Le moyen employé

65. Une réparation par transaction. L’article 41-1-1126 du Code de procédure pénale
comprenait le principe même de l’individualisation de la peine, voulu par la loi du 15 août 2014,
qui prend en compte les circonstances de l’infraction et la situation de l’infracteur pour la
détermination de la peine. L’individualisation de la peine passe aussi par la réparation du
dommage sans exclure la détermination d’une peine pour autant. En effet, le 1er point de l’article
concernait la détermination d’une amende transactionnelle. L’association des deux termes
d’amende et de transaction conduisait à une ambiguïté, l’amende sous-entendant une peine et la
transaction l’excluant. La transaction, associée à l’amende, prendrait le caractère d’une sanction.
Ce n’est pourtant pas ce qu’a décidé le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2014-416 du
26 septembre 2014127. Le Conseil avait été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité

124
Catégorie qui comprend les contraventions et délits routiers, les actes de violences sans conséquences majeures,
les menaces, etc.
125
Catégorie large de délits pouvant aller d’un vol simple à l’étalage à un braquage de banque.
126
« La proposition de transaction est déterminée en fonction des circonstances et de la gravité de l'infraction,
de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de son auteur ainsi que de ses ressources et
de ses charges. Elle fixe :
1° L'amende transactionnelle due par l'auteur de l'infraction et dont le montant ne peut excéder le tiers
du montant de l'amende encourue ;
2° Le cas échéant, l'obligation pour l'auteur de l'infraction de réparer le dommage résultant de celle-ci ;
3° Les délais impartis pour le paiement et, s'il y a lieu, l'exécution de l'obligation de réparer le
dommage. »
127
« Transaction (infractions au code de l'environnement) : constitutionnalité du dispositif », Recueil Dalloz 2014

41
portant sur l’article L. 173-12 du Code de l’environnement comportant une transaction pénale.
La question était de savoir si cette transaction pénale pouvait être qualifiée de sanction ayant le
caractère de punition. Le Conseil répond par la négative car la transaction suppose « un accord
libre et non équivoque de l’auteur des faits. En outre, la transaction homologuée ne présente
aucun caractère exécutoire et n’entraîne aucune privation ou restriction des droits de
l’intéressé »128. Ainsi, une amende transactionnelle peut se cumuler avec une sanction,
administrative dans le cas de l’espèce. Cette décision rejoint celle prise par le Conseil le 30 mars
2006129 sur l’article 44-1 du Code de procédure pénale dont la transaction ne présenterait aucun
caractère exécutoire. Si pour certains cette conclusion est erronée130, nous retenons de ces
différences de points de vue que si la transaction n’est pas une sanction, son contenu pourrait
avoir une nature sanctionnatrice. Selon le Conseil constitutionnel, la nature du contenu de la
transaction disparaît une fois encadrée dans la transaction.

Le caractère de sanction du 1er alinéa de l’art 41-1-1 (ancien) du Code de procédure pénale serait
aussi critiquable au regard de l’existence d’une obligation de réparation. S’il y a lieu, la
transaction prévue doit contenir l’obligation pour l’auteur de l’infraction de réparer le dommage
résultant de celle-ci. L’officier de police judiciaire devient, par la proposition de transaction qu’il
porte au procureur de la République, l’un des garants de la réparation du dommage par l’auteur
de l’infraction. Si l’amende est « transactionnelle », la réparation est une « obligation ». Même si
la non-exécution de l’une ou de l’autre des clauses de la transaction entraînerait pareillement
l’annulation de cette dernière, il ne peut y avoir homologation d’une transaction, qui impliquerait
le paiement d’une amende, sans que le dommage résultant de l’infraction ne soit aussi réparé.
C’est en cela que la réparation est une obligation qui permet l’existence de la proposition de
transaction.

p.2503. AJDA 2014, p.1859. RSC 2014, p.785. HOEPFFNER, « La transaction pénale en matière
environnementale: le clair-obscur de la décision du Conseil constitutionnel », Les Nouveaux Cahiers du Conseil
constitutionnel 2015, p.161; J.-H. ROBERT, Dr. pénal 2014, p.140. Hajer ROUIDI, « Du pouvoir de l'OPJ de
transiger sur l'action publique », Dr. pénal, janvier 2016, n° 1, étude 2.
128
Idem.
129
Conseil constitutionnel, 30 mars 2006, n°2006-535, AJDA 2006, p.732. Voir aussi : RFDA 2006, p.1261.
130
Jean-Baptiste PERRIER, « La transaction pénale et l'erreur du Conseil constitutionnel », Recueil Dalloz, 25 12
2014, n° 44, p.2503. Bertrand DE LAMY, « Où l'on apprend que la transaction n'est pas pénale ...parce que
l'interessé consent », RSC, 2015, p.711.

42
La transaction pénale avait pour effet de suspendre l’action publique et son exécution entraînait
l’extinction de cette-dernière. Elle avait donc des conséquences sur le déroulement de la
procédure judiciaire.

66. Une réparation par avertissement. En droit anglais, les directives de mise en œuvre
des avertissements sous conditions qui peuvent être délivrés par la police ont été élaborées dans
un manuel spécifique131. On y retrouve les objectifs poursuivis, les conditions nécessaires pour
un avertissement sous conditions ainsi que la procédure à suivre. Le manuel précise que les
avertissements sous conditions permettent de donner une réponse proportionnée aux infractions
mineures, d’offrir aux auteurs de l’infraction la possibilité de réparer rapidement les dommages
causés aux victimes et/ou à la communauté, de les réorienter à un stade précoce vers des services
de réhabilitation pour prévenir la récidive et de fixer une sanction à travers une compensation
financière. Il y est aussi spécifié que les conditions contenues dans l’avertissement doivent
poursuivre un ou plusieurs des objectifs suivants : la réhabilitation, la réparation et la sanction,
cette dernière n’étant utilisée que si les deux premières ne peuvent être mises en œuvre ou
n’apportent pas de réponse adéquate à la situation. Pour ce qui est de la condition de réparation,
elle peut inclure des excuses, la réparation du dommage causé ou sa prise en charge et la
possibilité d’une compensation financière. La condition de réparation et son contenu doivent être
acceptés par la victime.

Cette prérogative des officiers de police judiciaire est importante car ceux-ci n’ont pas besoin
d’une autorisation du Crown Prosecution Service ou de toute autre institution pour émettre un
avertissement sous conditions. Ils peuvent le délivrer dans le poste de police « si ceci permet
d’avoir l’impact approprié sur l’infracteur »132. En outre, l’usage du mot « avertissement », bien
loin de celui de « transaction » en France, est révélateur du pouvoir des officiers de police. Si le
terme de « transaction » sous-entend l’implication de deux parties, l’officier de police et l’auteur
de l’infraction, celui d’ « avertissement » n’en implique qu’une seule, l’officier de police qui le
délivre. De plus, les avertissements sous conditions sont inscrits dans le casier judiciaire de

131
Code of practice for adult conditional cautions, Ministry of Justice, 2013. Pour faciliter la comparaison, un
manuel est l’équivalent d’une circulaire en droit français.
132
Op.cit., traduction libre: « the conditional caution may be administered in a police station, court building, the
offices of any prosecutor or any other suitable location consistent with achieving the appropriate impact on the
offender. »

43
l’intéressé, ce qui accorde une importance plus grande aux prérogatives de l’officier de police car
sa décision aura des répercussions plus lourdes sur l’auteur de l’infraction.

B. Les conséquences de l’intégration

67. L’intégration d’une mesure réparatrice aux prérogatives de la police judiciaire a des
conséquences sur le déroulement de la procédure (1) et notamment sur la célérité et l’efficacité
de la réponse pénale (2).

1. Les conséquences sur le déroulement de la procédure

68. Un allègement de la procédure non abouti. Les nouvelles mesures accordées aux
officiers de police judiciaire étaient encore récentes pour qu’on puisse affirmer avec certitude
l’effet qu’elles auraient pu avoir sur la procédure judiciaire et la justice pénale en général, mais
nous pouvons quand même émettre certaines éventualités et certaines interrogations qui
apparaissent à première vue133.

Les mesures prévues aux articles 44-1 et 41-1-1 (ancien) du Code de procédure pénale
permettent vraisemblablement un allègement des peines et des procédures. Un allègement des
peines d’abord, car les transactions que ces mesures prévoient se substituent à des peines plus
sévères. Un allègement des procédures ensuite, car elles ont un délai d’exécution moins long et
ne mobilisent pas longtemps les magistrats. En outre, l’exécution de l’obligation de réparation
par l’auteur de l’infraction rend inutile le déclenchement d’une procédure civile pour obtenir la
réparation du dommage. Sur un autre plan, l’article 41-1-1 (ancien) ne précisait pas si la

133
Il est regrettable que le rapport du ministère de la Justice sur la mise en œuvre de la loi du 15 août 2014 relative à
l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales n’ait pas inclus d’évaluation de la
transaction par officier de police judiciaire. Le rapport, émis le 21 octobre 2016, s’est concentré sur la peine de
contrainte pénale, sur les mesures de suivi post-sentenciel ainsi que sur la justice restaurative. Or la transaction par
officier de police judiciaire mériterait qu’on lui accorde un plus grand intérêt. Rapport consultable sur :
www.justice.gouv.fr. Voir aussi : Maud LENA, « Deux ans après, qu'en est-il de la mise en oeuvre de la loi du 15
août 2014? », AJ Pénal, 2016, p.509.

44
transaction serait inscrite au casier judiciaire de l’intéressé mais se limitait à mentionner
l’inscription de la mesure dans un procès-verbal134.

On remarque cependant que la proposition faite par l’officier de police judiciaire ajoutait une
étape procédurale avec le transfert du dossier au procureur de la République et n’empêchait pas
le traitement du dossier par le juge. Mais ce dernier n’avait qu’à l’homologuer, ce qui constitue
un gain de temps. La procédure soulevait à cet égard quelques inquiétudes. Le texte prévoyait en
effet que la transaction proposée par l’officier de police devait être autorisée par le procureur et
homologuée par le juge. Le caractère purement « formel » que pouvait avoir l’homologation
d’une mesure qui a été proposée par un officier de police judiciaire peut inquiéter car l’article 41-
1-1 (ancien) du Code de procédure pénale ne prévoyait aucune possibilité de comparution de
l’auteur de l’infraction devant le juge135. Le rôle du juge pouvait se limiter à vérifier que les
conditions de détermination de l’amende et de l’exécution de l’obligation de réparation étaient
formellement conformes aux dispositions du texte.

69. D’une réparation à une autre en cas de non-exécution. En cas de non exécution du
contenu de la transaction ou en cas de refus d’homologation, l’article 41-1-1 du Code de
procédure pénale prévoyait que le procureur de la République pouvait soit mettre en œuvre les
mesures prévues à l’article 41-1 du même code, soit opter pour une composition pénale, soit
engager des poursuites. Si la mesure de transaction était perçue comme une seconde chance et
une alternative aux poursuites, l’engagement des poursuites était une suite logique en cas
d’exécution inachevée des mesures prévues par la transaction. Mais le procureur pouvait aussi
opter pour une composition pénale ou pour les mesures prévues à l’article 41-1 du Code de
procédure pénale. Ce choix, avantageux pour encourager le recours à des mesures réparatrices,
entraînait néanmoins quelques questionnements. En effet, l’art 41-1 contient d’autres possibilités
de mesures alternatives mises à disposition du procureur, et présente parmi ces mesures des
options parfois moins sévères que celles de l’article 41-1-1 (ancien) du Code de procédure pénale
comme celle du simple rappel à la loi. De son côté, l’art 41-2 du Code de procédure pénale relatif
à la composition pénale permet au procureur de proposer une amende dont le montant n’est pas

134
Comme dans le cas de la composition pénale, article 41-2 C. pr. pén.
135
Jean-Baptiste PERRIER, « La transaction pénale de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale. Bonne idée ou
outil dangereux ? », Recueil Dalloz, 2014, p.2182.

45
limité136 contrairement à l’amende de l’article 41-1-1 (ancien), ce qui n’empêcherait pas
l’hypothèse d’une amende inférieure à celle prévue par la transaction.

Si l’article 41-1-1 (ancien) pouvait être perçu comme une « occasion manquée »137, il faisait
toutefois partie de l’arsenal législatif qui permettait le développement de mesures alternatives
aux poursuites sous condition de réparation des dommages résultant de l’infraction. Il incluait la
police judiciaire parmi les organes pouvant déclencher la réparation des dommages et permettait
ainsi à la réparation d’être réalisée plus rapidement.

70. Des conséquences sur l’action civile. La transaction par officier de police judiciaire
permettait l’extinction de l’action publique lorsque l’auteur de l’infraction avait exécuté
l’ensemble des obligations résultant de l’acceptation de la transaction. Cette extinction de
l’action pénale ne supprimait pas les moyens de recours de la victime qui pouvait toujours, selon
le décret d’application de la transaction, délivrer citation directe devant le tribunal correctionnel
pour que celui-ci statue sur les intérêts civils138. Cette distinction découlait du fait que la victime
de l’infraction est étrangère à la transaction qui intervenait entre les autorités de poursuite et
l’auteur de l’infraction. Cette inopposabilité de la transaction a d’abord été consacrée par la
jurisprudence avant que les textes législatifs ne garantissent la possibilité pour la victime de
délivrer une citation directe suite à une transaction pénale 139. De plus, la validation de la
transaction par le juge n’étant pas une condamnation au sens propre du terme, la transaction
n’avait pas autorité de la chose jugée au pénal sur le civil 140. Si au regard de la nature alternative
de ces mesures cette affirmation semble incontestable, elle l’est moins au regard de la notion de
réparation, commune à la transaction et à l’action civile. S’il n’y a pas identité de parties entre
les deux, il y a une identité d’objet. Le droit de la victime d’intenter une action civile ou de
délivrer citation directe pour ses intérêts civils ne pouvant être ôté, la difficulté aurait résidé dans
la conciliation de la réparation du dommage déjà acquise à travers la transaction dont la victime

136
Jean-Baptiste PERRIER, « La transaction pénale de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale. Bonne idée ou
outil dangereux ? », Recueil Dalloz, 2014, p.2182.
137
Idem.
138
Article R15-33-37-6 du décret n°2015-1272 du 13 octobre 2015. Cette possibilité est aussi prévue à l’article 41-2
du C. pr. pén. relatif à la composition pénale.
139
Crim., 18 février 1954, D. 1954, p.421 ; CA Pau, 15 novembre 1962, D. 1963, p.276.
140
Jean-Baptiste PERRIER, La transaction en matière pénale, [Th. doct. : Droit privé et sciences criminelles : Aix
Marseille : 2012], p.340 et suivant. Voir aussi : Soc. 13 janvier 2009, Bull. Civ. V, n°1.

46
est bénéficiaire, même si elle n’en est pas partie, et la réparation demandée dans le cadre de
l’action civile.

2. Les conséquences sur la célérité de la procédure

71. Une célérité de par les acteurs concernés. Le facteur temporel est un élément
important des mesures alternatives aux poursuites141. En effet, la mise en place d’alternatives
n’aurait pas lieu d’être si elle ne rendait pas le traitement des infractions plus rapide et plus
simple. En ce qui concerne la transaction de l’art 41-1-1 (ancien) du Code de procédure pénale,
la rapidité et l’allègement des procédures venaient du fait que la mesure intervenait au stade de la
police, la survenance de l’infraction étant encore proche dans le temps. Les procédures étaient
simplifiées pour les personnes concernées par l’infraction (auteur et victime) car leur seul
interlocuteur était l’officier de police judiciaire qui s’occupait de la liaison avec le procureur de
la République pour l’autorisation de la transaction et avec le juge pour l’homologation. Les
procédures étaient aussi moins longues, le dossier étant traité par l’organe de police judiciaire.
De même, ce facteur temporel est important dans l’avertissement sous condition anglais qui est
prononcé par l’officier de police sans besoin d’autorisation ou d’homologation du Crown
Prosecution Service.

72. Une recherche d’efficacité. La simplicité et la célérité de cette mesure alternative


dans le traitement de l’infraction permettaient une plus grande efficacité de la réponse pénale 142.
En effet, la mesure de transaction concernait les infractions d’une gravité réduite. Celles-ci
restent souvent soit impunies, par manque de temps et de moyens, soit « trop » punies
relativement à leur gravité, de par la lourdeur de la procédure et le temps écoulé avant le
jugement. L’efficacité pouvait également se ressentir à travers le désengorgement des tribunaux
qui voient dans ces mesures alternatives une opportunité d’alléger le nombre de dossiers à traiter
141
Frédéric DEBOVE, « La justice pénale instantanée, entre miracles et mirages », Droit pénal, novembre 2006,
n° 11, 19.
142
Les statistiques du ministère de la Justice entre 2000 et 2017 montrent une augmentation de nombre de
compositions et de mesures alternatives parallèle à une diminution du nombre de classements sans suite. Les
chiffres-clés de la justice, Edition 2018, Sous-direction de la statistiques et des études, ministère de la Justice,
en ligne : <www.justice.gouv.fr>.

47
et d’avoir plus de temps à consacrer aux infractions les plus graves 143. Enfin, le gain de temps
procédural permet d’aboutir à une réparation plus rapide des victimes des infractions, une
réparation qui intervient plus tôt, au moment où elle est le plus attendue.

Mais pour permettre une mesure rapide, le législateur a dû accorder de nouvelles prérogatives à
de nouveaux acteurs. Ce nouvel équilibre pourrait ne pas jouer en faveur des droits des victimes
et des auteurs de l’infraction.

II. Les questions soulevées par la réparation comme prérogative de la police judiciaire

73. Des conséquences controversées. Les mesures alternatives développées plus haut
permettent d’éviter des poursuites pénales 144. Cet objectif peut être atteint si certaines conditions
sont établies : la reconnaissance de culpabilité de l’auteur des faits (condition préalable), la
vérification de la nature de l’infraction et de sa prise en compte parmi celles mentionnées par la
loi (condition objective) et la réparation des dommages qui résultent de l’infraction (condition
sine qua non). La réparation des dommages est la seule condition tournée vers l’avenir, les autres
étant déjà vérifiées par la commission de l’infraction. La réparation est une condition posée par
la loi et demandée par les officiers de police judiciaire. C’est une obligation de résultat qui va
permettre l’extinction de l’action publique. Cette condition, présente dans les différentes mesures
françaises ou anglaises, est un élément central des alternatives aux poursuites. Elles donnent plus
de prérogatives aux officiers de police judiciaire (A), mais bouleverse la prise en charge des
droits des victimes et des auteurs de l’infraction (B).

143
J-P EKEU, Consensualisme et poursuite en droit pénal comparé, Travaux de l'Institut de sciences criminelles de
Poitiers, Cujas, 1992, n°19: « L’usage de la négociation permet de désengorger l’appareil judiciaire d’une part
considérable de travail ». L. CADIET, « Procès équitable et modes alternatifs de règlement des conflits », in
Variations autour d'un droit commun, Société de législation comparée, 2002: « l’explosion du contentieux et
l’encombrement des juridictions qu’elle a entraîné ne sont certainement pas pour rien dans la recherche des solutions
alternatives qui sont autant de circuits de dérivation permettant d’éviter la lenteur des procédures, mais aussi leur
coût et leur formalisme ».
144
Supra n°54 et s.

48
A. Un déséquilibre des pouvoirs

74. La transaction par officier de police judiciaire, en essayant d’ancrer la notion de


réparation au sein des mesures alternatives, déséquilibrait la répartition des pouvoirs entre la
police judiciaire et le procureur de la République, au point où l’on pouvait y voir une forme de
concurrence dans le traitement des infractions 145. Cette concurrence s’exprime par le pouvoir de
sanction (1) et d’appréciation (2) qu’elle accordait à l’officier de police judiciaire.

1. Un pouvoir de sanction

75. Une nouvelle arme aux mains de la police. Les mesures alternatives aux poursuites ont
accordé aux officiers de police des prérogatives qui dépassent la simple enquête sur les faits
constitutifs de l’infraction et l’arrestation des auteurs suspectés de l’avoir commise. Ces
prérogatives posent la question de savoir si le pouvoir de transiger confié à l’organe de police
judiciaire n’est pas assimilé, dans ce cas, à un pouvoir de sanction.

Cette assimilation repose sur le fait que de véritables peines sont en jeu. Si le Conseil
constitutionnel n’a pas vu, dans la transaction pénale, de « sanction ayant le caractère de
punition »146, l’amende transactionnelle et l’obligation de réparation reflètent quand même une
visée punitive. En effet, si l’amende est acceptée par l’auteur de l’infraction, cela n’empêche pas
qu’elle soit perçue comme une punition par ce dernier qui se voit obligé de l’accepter et de
réparer les conséquences de l’infraction pour éviter que des poursuites ne soient engagées contre
lui. En Angleterre, les avertissements sous conditions relèvent du mouvement de développement
des sanctions non juridictionnelles 147, caractéristique de la justice pénale anglaise 148.

L’opinion du Conseil constitutionnel est reprise par d’aucuns qui estiment que l’homologation du
juge n’était pas nécessaire dans la transaction pénale car les mesures qu’elle englobait ne portent

145
Nicolas JEANNE, « Réflexions sur la transaction pénale par officier de police judiciaire », RSC, 2016, p.1.
146
Jean-Baptiste PERRIER, « La transaction pénale et l'erreur du Conseil constitutionnel », Recueil Dalloz, 25.12.
2014, n°44, p.2503.
147
Nicolas PADFIELD, « Actualités du droit de l'Angleterre et du Pays de Galle en 2008 », RSC, 2009, p.989.
148
En 2007, 26% des infractions constatées ont aboutit à un avertissement de la police (Statistiques criminelles
disponibles sur www.justice.gov.uk/publications/criminalannual.htm).

49
en rien atteinte à la liberté individuelle de la personne 149 et ne nécessitent pas l’intervention d’un
magistrat150.

2. Un pouvoir d’appréciation

76. Une appréciation de l’opportunité de la mesure. De son côté, l’article 41-1-1 (ancien)
du Code de procédure pénale accordait à l’officier de police un pouvoir d’appréciation en ce
qu’il devait tenir compte dans la détermination de la proposition de transaction des
« circonstances et de la gravité de l'infraction, de la personnalité et de la situation matérielle,
familiale et sociale de son auteur ainsi que de ses ressources et de ses charges ». Ce pouvoir
d’appréciation permettait d’assimiler l’organe de police à un organe de sanction chargé d’étudier
le dossier et de transiger. Cette problématique ne se pose pas en Angleterre où les prérogatives
accordées à la police et le rôle quasi-correctionnel qu’elle joue dans les avertissements sous
conditions semblent assumés. Cela s’explique par le fait qu’avant 2003, la police anglaise
détenait encore le pouvoir d’engager des poursuites.

77. Une appréciation du montant de l’amende transactionnelle. Si la proposition de


transaction émanait de l’officier de police judiciaire, la détermination du montant de l’amende
l’aurait été aussi, ce qui aurait eu pour conséquence d’étendre les pouvoirs de celui-ci.
Cependant, cette question ne semblait pas tranchée avant l’entrée en vigueur du décret
d’application de l’article 41-1-1 (ancien) du Code de procédure pénale 151. Le décret n°2015-1272
du 13 octobre 2015 aura eu pour avantage la clarté de la réponse. En effet, l’article R.15-33-37-1
du Code de procédure pénale disposait que l’officier de police judiciaire, en demandant
l’autorisation au procureur de la République, indique le montant de l’amende qu’il propose et, le

149
L’allusion à la liberté individuelle vient de la décision du Conseil constitutionnel invalidant l’injonction pénale au
motif que dans le cas de l’injonction, l’absence du recours au juge porterait atteinte à la liberté individuelle (Cons.
const. 2 février 1995, n°95-360, consid. n°6).
150
Jean-Baptiste PERRIER, « Réflexions et perspectives sur la transaction en matière pénale », AJ Pénal, 2015,
p.474. D’ailleurs, l’homologation du juge n’est pas prévue pour les transactions spéciales (comme en droit de
l’environnement ou en droit fiscal).
151
Muriel GIACOPELLI, « La loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité
des sanctions pénales: un rendez-vous manqué », AJ Pénal, 2014, p.448.

50
cas échéant, les modalités de réparation du dommage. Le pouvoir d’appréciation était bel et bien
accordé aux officiers de police judiciaire qui pouvaient agir en véritables agents de réparation. Ils
pouvaient même obliger la personne ayant accepté l’amende transactionnelle à consigner une
somme d’argent égale au montant de l’amende, avant même que la transaction ne soit
homologuée152. C’est en partie cette obligation qui avait conduit à l’annulation du décret par le
Conseil d’État sur le fondement du respect du droit au procès équitable (article 6 de la
convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales)153.

78. Que les pouvoirs de sanction et d’appréciation soient assumés ou non proclamés, ces
conséquences des mesures alternatives aux poursuites entraînent des interrogations sur la prise en
compte des droits des victimes et des auteurs de l’infraction.

B. Des droits fragilisés

79. La nécessité de garanties. La rapidité de traitement des infractions et le


renforcement des prérogatives de la police judiciaire ne jouent pas nécessairement en faveur des
droits des victimes et des auteurs de l’infraction.

Plusieurs observations nous mènent en effet à douter de l’efficacité de ces mesures alternatives
aux poursuites, tant du côté de la préservation des droits de la victime (1) que de celui de l’auteur
de l’infraction (2). Car « si l’évitement de la poursuite est louable de la part du législateur, il doit
s’accompagner de garanties importantes visant à équilibrer les armes »154.

152
Art. R15-33-37-4 du décret n°2015-1272 en date du 13 octobre 2015.
153
Décision du Conseil d’État en date du 24 mai 2017: AJDA, « La transaction pénale rattrapée par le droit au procès
équitable », 2017, p.1144. Recueil Lebon - Recueil des décisions du Conseil d'Etat, « Transaction pénale et droit au
procès équitable », 2017. Jean-Baptiste PERRIER, « La transaction pénale et les apports du Conseil d'Etat », Recueil
Dalloz, 2017, p.1744. Selon la décision du Conseil d’Etat, le fait que la consignation d’une somme d’argent vaut
paiement de l’amende transactionnelle en cas d’homologation de la transaction prive l’auteur de l’infraction de
refuser de payer la somme due après l’homologation. Aussi, la procédure de transaction pénale doit reposer sur
l’accord libre et non équivoque de l’intéressé alors que le décret ne prévoit pas l’obligation d’informer la personne à
qui est proposée la transaction de la nature des faits reprochés et de leur qualification juridique.
154
Anne-Sophie CHAVENT-LECLERE, « Des évolutions en cours à la révolution attendue en procédure
pénale», Procédures, Janvier 2015, n° 1, dossier 6.

51
1. Les droits de l’auteur de l’infraction

80. Des droits négligés. Du côté de l’auteur de l’infraction, le déséquilibre est


flagrant dans la procédure mise en place par l’article 41-1-1 (ancien) du Code de procédure
pénale: la mise en œuvre d’une transaction pénale oblige l’auteur de l’infraction à accepter de
reconnaître sa culpabilité, à payer une amende transactionnelle et à réparer les dommages issus
de l’infraction mais ne lui accorde, en contrepartie, ni accès au dossier, ni recours obligatoire à
un avocat en vue de l’acceptation de la transaction, et n’oblige pas le juge à procéder à une
audition avant l’homologation de la transaction. Il peut l’entendre « s’il y a lieu ». De ce fait, le
Conseil d’État a, par une décision en date du 24 mai 2017, annulé partiellement le décret
d’application du 13 octobre 2015, dont les dispositions ne prévoyaient pas que les personnes qui
se voient proposer une transaction pénale soient dûment informées des faits reprochés et de
l’infraction qu’ils constituent. Ces dispositions méconnaissaient ainsi le droit à un procès
équitable155.

En Angleterre, le pouvoir discrétionnaire de la police dans l’administration d’un avertissement


sous conditions risque aussi de pousser les personnes les plus vulnérables à admettre leur
culpabilité sous pression. Cela pourrait entraîner pour l’auteur de l’infraction des conséquences
plus sévères que l’issue prévisible du procès156. Le manuel relatif à l’avertissement sous
conditions y remédie en prévoyant des obligations d’information assez larges. Les informations
portent sur les preuves à l’encontre de l’auteur de l’infraction, les conditions et conséquences de
l’avertissement, sur l’aveu et sur l’inscription au casier judiciaire.

81. La garantie de l’assistance d’un avocat. La jurisprudence du Conseil


constitutionnel est venue combler quelque peu ce manque en précisant dans sa décision du 23

155
Décision du Conseil d’État en date du 24 mai 2017, Syndicat de la magistrature et autres, Syndicat national des
magistrats force ouvrière: AJDA, « La transaction pénale rattrapée par le droit au procès équitable », 2017, p.1144.
Recueil Lebon - Recueil des décisions du Conseil d'Etat, « Transaction pénale et droit au procès équitable », 2017.
Jean-Baptiste PERRIER, « La transaction pénale et les apports du Conseil d'Etat », Recueil Dalloz, 2017, p.1744.
156
Abie LONGSTAFF, Breaking the cycle: effective punishment, rehabilitation and sentencing of offenders: the
Police Foundation Response, The Police Foundation, 2011.

52
septembre 2016157 que « les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître les droits de
la défense, autoriser qu'une transaction soit conclue sans que la personne suspectée d'avoir
commis une infraction ait été informée de son droit à être assistée de son avocat avant d'accepter
la proposition qui lui est faite, y compris si celle-ci intervient pendant qu'elle est placée en garde
à vue ». En ce qui concerne l’avertissement sous condition, le droit anglais prévoit l’obligation
de proposer l’assistance gratuite d’un avocat 158. La présence de l’avocat permet de s’assurer que
le consentement de l’auteur de l’infraction à la transaction est libre et éclairé.

2. Les droits de la victime de l’infraction

82. Le droit à réparation. Du côté de la victime, le déséquilibre semble jouer en sa


faveur, vu la rapidité et la célérité de la procédure qui lui permettra de faire valoir plus
rapidement son droit à réparation. La réparation comprend ici la réparation matérielle du
dommage grâce à l’obligation de réparation et la réparation morale en partie satisfaite grâce à la
reconnaissance de culpabilité. Dans certains cas, ces mesures alternatives sont le seul moyen qui
permet à la victime d’obtenir réparation, compte tenu du taux de recouvrement assez faible de
certaines amendes pénales159. De plus, ces mesures lui évitent la lenteur des procédures et
l’incertitude de l’issue du procès où le juge peut choisir de ne pas prononcer la peine
d’emprisonnement encourue au regard de la faible gravité des faits160. Mais dans le cas de
l’article 41-1-1 (ancien) du Code de procédure pénale, la victime pouvait rester insatisfaite car
l’amende transactionnelle ne pouvait dépasser le tiers de l’amende encourue. En effet, si l’article
prévoyait que la transaction devait être « acceptée par l’auteur de l’infraction », il ne prévoyait

157
Florian ENGEL, « Transaction pénale: vers une meilleure prise en compte des droits de la défense? », AJ Pénal,
2016, p.546. Jean-Baptiste PERRIER, « La transaction pénale et les progrès du Conseil constitutionnel », Recueil
Dalloz, 2016, p.2545.
158
Code of practice for adult conditional cautions, Ministry of Justice, 2013, section 3.5, en ligne: www.gov.uk.
159
Un rapport d’information adressé au Sénat relève l’évolution du taux de recouvrement contentieux des amendes
sur 10 ans : sur la période s’étalant de 1995 à 2004, le taux diminue de 44,4% à 31,6%. Le rapport « Recouvrement
des sanctions pénales et fiscales : la fin de l’impunité » est disponible en ligne sur : www.senat.fr.
160
Anne-Sophie CHAVENT-LECLERE, « Des évolutions en cours à la révolution attendue en procédure
pénale», Procédures, Janvier 2015, n° 1, dossier 6.

53
pas l’acceptation formelle de la victime qui n’était même pas mentionnée dans la rédaction du
texte161.

83. Le droit à l’information. Rien n’était prévu dans l’article 41-1-1 (ancien) du Code
de procédure pénale pour garantir l’information de la victime sur les conséquences de la
transaction conclue entre l’auteur de l’infraction et le procureur de la République. En
comparaison, l’article 41-2 du Code de procédure pénale relatif à la composition pénale prévoit
d’informer « la personne à qui est proposée une composition pénale […] qu'elle peut se faire
assister par un avocat avant de donner son accord à la proposition du procureur de la
République » et prévoit aussi d’informer la victime de la proposition de réparation et de recueillir
son accord. On ne peut que déplorer ce manque de rigueur dans la rédaction de l’article 41-1-1
(ancien) du Code de procédure pénale dont le décret d’application162 n’apportait pas vraiment de
réponses à ces questions. Le décret prévoyait uniquement la possibilité pour la victime de
délivrer citation directe devant le tribunal correctionnel même en cas d’exécution de la
transaction afin que celui-ci statue sur les intérêts civils. Le décret permettait aussi de demander
le recouvrement des dommages et intérêts prévus dans l’ordonnance d’homologation par la
procédure d’injonction de payer. Cela pouvait répondre à l’insatisfaction de la victime face à la
proposition de transaction effectuée par l’officier de police judiciaire, mais la victime restait
toutefois étrangère à la transaction.

En comparaison avec l’avertissement sous condition anglais, l’accord de la victime ne figure pas
parmi les cinq conditions de mise en œuvre de la mesure. Toutefois, l’avis de la victime figure
parmi les points que l’officier de police doit prendre en compte lorsqu’il envisage de proposer un
avertissement sous condition163, ce qui révèle un meilleur équilibre entre les droits des deux
parties, ou en tout cas une meilleure prise en compte de leur opinion.

161
Jean-Baptiste PERRIER, « Réflexions et perspectives sur la transaction en matiere pénale », AJ Pénal, 2015,
p.474.
162
Décret n°2015-1272 en date du 13 octobre 2015.
163
Code of practice for adult conditional cautions, Ministry of Justice, 2013, art. 2.7: “in deciding whether to
give a conditional caution the decision maker will take into account: […] any views expressed by the victim…”,
en ligne: www.gov.uk.

54
84. Il apparaît donc, en définitive, que si les objectifs recherchés par la mise en place de
ces mesures alternatives aux poursuites qui permettent la réparation du dommage par l’auteur de
l’infraction sont louables, il reste toutefois certains points à éclaircir ou à préciser. Alors que les
prérogatives de la police en matière d’alternatives aux poursuites sont dûment acquises en droit
anglais, le développement de telles prérogatives en droit français soulevait des interrogations
quand à la répartition des pouvoirs et l’équilibre entre les droits des victimes et ceux de l’auteur
de l’infraction.

85. Ce débat a été clos en droit français avec la promulgation de la loi de programmation
2018-2022 et de réforme de la justice le 23 mars 2019. La loi continue dans la lancée de la
décision du Conseil d’État abrogeant le décret d’application de la transaction par officier de
police judiciaire et abroge la mesure dans son ensemble164. Cependant, cette loi préserve un rôle
infime aux officiers de police judicaire en matière de mesures alternatives en modifiant l’article
28 du Code de procédure pénale. Désormais, les fonctionnaires et agents de police judiciaire
peuvent, sur instruction du procureur de la République, procéder à la mise en œuvre des mesures
prévues à l’article 41-1 du Code de procédure pénale. L’abrogation de la transaction par officier
de police judiciaire nous fait regretter la créativité et la diversité des mesures alternatives.
Cependant, le recadrage des prérogatives de chacun qu’a entrepris le législateur par la loi du 23
mars 2019 permet de répondre aux critiques. Il serait en effet dangereux si les impératifs de
rapidité et de simplification de la procédure - auxquels permettent de répondre les alternatives
aux poursuites - prennent les devants sur les droits des parties et les prérogatives du procureur de
la République. Ce dernier possède quant à lui une plus grande marge de manœuvre en ce qui
concerne les alternatives à la décision de poursuite.

Section 2 : La réparation au stade de la décision de poursuite

86. Réparer pour éviter les poursuites. Le procureur joue un rôle central dans la mise
en œuvre de mesures de réparation. Tout comme il peut prendre la décision d’engager des

164
Etienne VERGES, « Réforme de la procédure pénale: une loi fleuve, pour une justice au gré des courants. A
propos de la loi n°2018-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice », Droit
pénal, mai 2019, n° 5, étude 12.

55
poursuites, il peut aussi choisir d’autres mesures pour éviter la mise en mouvement de l’action
publique. Ces mesures qui font partie des prérogatives du procureur sont connues sous le nom de
« mesures alternatives aux poursuites », et de « out of court disposals » en droit anglais. Ces
mesures n’existent pas en droit libanais car les procureurs n’ont pas le droit de transiger avec
l’action publique.

En France, depuis la loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 (article 5), le procureur de la République
veille à la prévention des infractions à la loi pénale « dans le cadre de ses attributions en matière
d’alternative aux poursuites, de mise en mouvement et d’exercice de l’action publique… ». En
droit anglais, la création du Crown prosecution service donne aux procureurs un rôle dans la
gestion de la politique pénale et la responsabilité de la décision d’engager des poursuites 165. Ces
nouvelles attributions permettent de désengorger les tribunaux et d’apporter une réponse plus
adéquate aux infractions de faible gravité.

Si leur dénomination de « mesures alternative aux poursuites » envisage la renonciation aux


poursuites comme objectif premier, la réparation est au cœur de ces alternatives (I). Celle-ci
vient donner une cohérence au système : comment envisager de renoncer aux poursuites sans
obtenir réparation du préjudice subi ? Mais cette cohérence est mise à mal par certains aspects de
ces mesures qui conduisent parfois à une altération de l’esprit de la réparation (II).

I. L’expression de la réparation au stade de la décision de poursuite

87. En France et en Angleterre, les mesures alternatives font partie du paysage judiciaire
depuis plusieurs années. Le Liban semble encore loin de les inclure dans le sien, le droit libanais
subordonnant toujours la réparation à l’engagement de poursuites pénales et au choix de la
victime (A). En France et en Angleterre, les mesures alternatives réparatrices opèrent à deux
niveaux : au niveau des conséquences de l’acte et au niveau de ses causes (B).

165
Le Crown prosecution service a été créé par le Prosecution of offences act de 1985. Le Criminal justice act de
2003 élargit ses prérogatives à la décision d’engager des poursuites.

56
A. Une réparation subordonnée

88. Le retard du droit libanais. Le dernier amendement important du Code de


procédure pénale libanais date du 7 août 2001166. N’ayant pas atteint son objectif de modernité,
cette nouvelle version préserve cependant le droit pour la victime d’intenter une action en
réparation du dommage causé par l’infraction qu’elle peut choisir de porter devant le tribunal
pénal ou civil167. Cependant, rien dans le code ne prévoit la possibilité d’avoir recours à des
alternatives aux poursuites : le procureur a uniquement le choix entre le classement sans suite et
l’engagement de poursuites pénales 168. L’esprit du nouveau Code de procédure pénale libanais
n’a donc pas grandement évolué par rapport à l’ancien : la priorité reste l’intérêt public lésé par
l’infraction, plutôt que le droit des victimes à obtenir une réparation rapide et efficace pour les
dommages encourus du fait de la commission de l’infraction. Une prise de conscience du fait que
l’intérêt public passe aussi par la préservation et la défense des intérêts privés est nécessaire afin
de pouvoir envisager l’introduction de mesures alternatives aux poursuites dans la procédure
pénale libanaise. Se préoccuper de l’intérêt public lésé, c’est en effet accorder aux victimes des
droits qui reconnaissent le statut de celles-ci et diversifier les possibilités de réponses pénales
afin de répondre à la multiplicité des infractions.

Cette vision est fondée sur un choix de politique pénale qui pourrait être motivé par une sérieuse
étude de terrain et une analyse précise des chiffres de la délinquance pénale au Liban. En
attendant ce changement, le Code de procédure pénale libanais interdit au ministère public de
transiger sur l’action publique 169 mais ouvre cette possibilité aux victimes de l’infraction170. Ces
restrictions rendent la réparation dépendante des poursuites pénales (1), sauf volonté contraire de
la victime (2).

166
Loi n° 328 du 7 août 2001 dont quelques articles ont été modifiés par la loi n° 359 du 16 août 2001.
167
Article 2 de la loi du 2 août 2001, modifiée par la loi du 16 août 2001.
168
Doreid BECHERAOUI, « La place de la victime dans le procès pénal en droit libanais », Revue internationale de
droit comparé, 2007, n° 4, p.891.
169
Article 6 C. pr. pén. libanais.
170
Article 7 C. pr. pén. libanais.

57
1. La réparation subordonnée aux poursuites pénales

89. Les obstacles légaux du ministère public. L’article 6, alinéa 1er, du Code de
procédure pénale libanais dispose que « le ministère public exerce l’action publique. Il ne peut ni
y renoncer ni proposer une transaction »171. C’est parce que le ministère public ne fait qu’exercer
l’action publique qu’il ne peut transiger ou s’en désister. L’action publique ne lui appartient
pas172. Elle appartient à la société. Ce principe implique que le ministère public est obligé de
poursuivre l’action publique s’il existe un fondement juridique. Le classement sans suite n’est
possible qu’en cas d’absence de fondement légal.

La rédaction de l’article 6 ne permet pas de dire si l’impossibilité de transiger concerne la


période précédant la mise en mouvement de l’action publique ou la période qui fait suite au
déclenchement des poursuites. Il n’est pas clair si la faculté de transiger concerne la décision de
poursuivre en elle-même ou la possibilité de transiger une fois les poursuites entamées.
L’absence de distinction autorise à pencher vers une interdiction générale englobant les deux
possibilités. Cette interdiction qui limite les pouvoirs du ministère public conduit à
l’impossibilité d’aborder une alternative aux poursuites et par-là à l’impossibilité d’aboutir à la
réparation du préjudice en dehors des poursuites judiciaires.

90. Les obstacles pratiques du ministère public. Pour comprendre l’origine de cette
limitation, la comparaison avec le droit pénal français permet de relever une différence
essentielle dans les prérogatives du procureur de la République en France. En effet, ce dernier
possède un pouvoir d’appréciation de l’opportunité des poursuites 173 que son homologue libanais
n’a pas. Les articles 40 et 40-1 du Code de procédure pénale français accordent au procureur de
la République français le pouvoir de décider des suites à donner aux infractions : engager des
poursuites, opter pour une procédure alternative aux poursuites ou classer sans suite si les
circonstances particulières de l’infraction le justifient.

171
Traduit de l’arabe par la Maison des publications juridiques sous la supervision de Me Hussam Afif
CHAMSEDDINE.
172
Elias ABOU EID, La procédure pénale, étude comparative des textes, de la jurisprudence et de la doctrine,
Publications juridiques Al Halabi, 2002, t. I (ouvrage en langue arabe).
173
En plus de son pouvoir d’appréciation de la légalité des poursuites. Voir dans ce sens : François MOLINS,
«Ministère public », in Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, 2014.

58
Sur le plan de la politique pénale des deux pays, le droit pénal libanais préserve l’intérêt général
par la limitation des pouvoirs du procureur, obligé d’engager des poursuites en cas de fondement
légal174. Le droit pénal français voit dans le principe de l’opportunité des poursuites un moyen de
préserver l’intérêt général car il est parfois dans l’intérêt de la société de ne pas poursuivre ou de
procéder à la mise en place de mesures plus douces dans des cas de primo-délinquance par
exemple.

Le ministère public libanais a donc moins de flexibilité dans son action, et c’est la victime qui
reste maître de son action en réparation. Elle peut accepter une transaction ou mettre en
mouvement l’action publique par la constitution de partie civile. La réparation reste donc
subordonnée au choix de la victime.

2. La réparation subordonnée au choix de la victime

91. Les options de la victime. La victime d’une infraction pénale a, en droit libanais, le
droit de mettre en mouvement l’action publique si celle-ci n’a pas déjà été déclenchée par le
ministère public. L’article 7 du Code de procédure pénale libanais lui donne le choix de se
désister de sa plainte ou d’accepter une transaction175. Il est précisé que cette transaction n’a pas
d’effet sur l’action publique sauf dans les cas où celle-ci s’éteint par suite d’extinction de l’action
civile176. La transaction intervient ici dans le contexte de l’action publique. Elle est mentionnée
dans le texte relatif à la mise en mouvement de l’action publique par la victime. L’absence
d’effet de la transaction sur l’action publique n’implique pas nécessairement que la transaction
intervienne au cours de l’action publique. On pourrait envisager qu’elle intervienne en amont,
rendant toujours possible le déclenchement de poursuites pénales.

174
L’article 50 du Code de procédure pénale libanais stipule que « le classement de l’enquête peut se faire si le
procureur conclut que le fait ne constitue pas une infraction ou s’il n’existe pas de preuves suffisantes ou si l’action
publique est éteinte ». Il n’a donc pas de pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité des poursuites.
175
L’article 20 du Code de procédure pénale libanais ouvre aussi la possibilité d’engager une transaction avec
l’administration compétente dans les cas d’infractions bancaires, l’administration agissant en qualité de victime.
Dans ce cas particulier, la transaction entraînera l’extinction de l’action publique si elle intervient avant le prononcé
du jugement. A moins que la loi n’en dispose autrement, l’exécution de la peine s’interrompt en cas de transaction
postérieure au jugement.
176
Comme dans le cas des coups et blessures ou de préjudices corporels n’ayant pas entrainé d’arrêt de travail (arts.
554 et 565 C. pén. libanais) ou dans le cas de l’émission de chèques sans provisions (art. 666 C. pén. libanais).

59
92. Une transaction au sens du droit civil. Le Code de procédure pénale libanais ne
développe pas davantage la notion de transaction qui ne se voit pas encadrée comme en droit
français. Il faut revenir au Code des obligations et des contrats177 dont l’article 1035 définit la
transaction comme étant « un contrat par lequel les parties, au moyen de concessions mutuelles,
terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. » L’article 1037 du
Code des obligations et des contrats précise qu’on ne peut transiger sur une question d’ordre
public mais qu’on peut le faire sur « un intérêt pécuniaire d’une question d’état ou d’un délit ».
Par une transaction sur la réparation, la victime se désiste de son droit de poursuivre son action
civile178. La transaction accorde à la victime un moyen alternatif d’obtenir réparation de son
préjudice en lui permettant d’écourter son action civile. La réparation est dans ce cas une
alternative à l’action civile mais elle n’a pas d’effets sur l’action publique sauf dans les cas
spécifiquement mentionnés par la loi.

B. Une réparation à deux niveaux

93. Réparation et réhabilitation. Les mesures alternatives aux poursuites permettent la


réparation du dommage résultant de l’infraction, donc le désintéressement de la victime par le
rétablissement de sa situation, ainsi que la réhabilitation de l’auteur de l’infraction par sa prise en
charge sociale, sanitaire ou professionnelle. La prise en compte de ces deux acteurs, victime et
infracteur, fait des mesures alternatives des mesures tournées vers un idéal, celui de la réparation
des biens et de l’humain. Le Code de procédure pénale français développe dans ses articles 41-1
et 41-2 les mesures qui constituent l’arsenal du procureur de la République en matière
d’alternatives aux poursuites. En effet, c’est l’article 40-1 qui, dans son 2ème alinéa, regroupe ces

177
L’équivalent du Code civil français mais sans les chapitres relatifs au statut personnel qui sont essentiellement
régis au Liban par les communautés religieuses.
178
Art 1042 du Code des obligations et des contrats: « la transaction a pour effet d’éteindre définitivement les droits
et les prétentions relativement auxquels elle est intervenue […] »

60
deux articles sous la catégorie des procédures alternatives aux poursuites faisant partie des
prérogatives du procureur, avec l’engagement des poursuites ou le classement sans suite179.

L’article 41-1 du Code de procédure pénale permet au procureur « s’il lui apparaît qu’une telle
mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au
trouble résultant de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits » :

 de procéder à un rappel à la loi,

 d’orienter l’auteur des faits vers une structure sociale, sanitaire ou professionnelle,

 de lui demander de régulariser sa situation,

 de lui demander de réparer le dommage résultant des faits,

 de faire procéder à une mission de médiation,

 en cas de violences conjugales de demander à l’auteur de quitter le domicile conjugal,

 de demander à l’auteur des faits de ne pas paraître pour une durée déterminée dans un
lieu déterminé.

L’article 41-2 du Code de procédure pénale est relatif à la composition pénale, mesure spécifique
permettant au procureur de décider de contraventions à l’encontre de l’auteur des faits et de lui
demander de réparer le dommage résultant de l’infraction 180.

Le Crown Prosecution Service anglais a, depuis le Criminal Justice Act de 2003, la possibilité de
prononcer des avertissements sous conditions, même pour des infractions relativement graves 181,
contrairement à la police dont le pouvoir est limité aux infractions mineures182.

179
Jean PRADEL, « Vers un aggiornamento des réponses de la procédure pénale à la criminalité. Apports de la loi
n°2004-204 du 9 mars 2004 dite loi Perben II », La Semaine Juridique, Edition Générale, 5 mai 2004, n° 19,
doc.132.
180
Philippe MILBURN, Christian MOUHANNA et Vanessa PERROCHEAU, « Controverses et compromis dans la
mise en place de la composition pénale », Archives de politique criminelle, 2005/1, 27.
181
“Indictable offences”.
182
Notons ici une mesure alternative spécifique, le “deferred prosecution agreement” (DPA), qui est une mesure
alternative aux poursuites pouvant être proposée uniquement aux entreprises par le “Director of Public Prosecution”
ou le “Director of the Serious Fraud Office” pour traiter d’infractions financières spécifiques telles que la fraude, la
corruption ou la comptabilité frauduleuse. Elle permet, suite à un accord avec la personne morale, d’enclencher les
poursuites pénales et de les suspendre directement dans l’attente de l’exécution des termes de l’accord (amende,
régularisation, etc.). Nous ne la développerons pas étant donné son caractère limité à des infractions spécifiques et
l’absence d’une réelle forme de réparation. Plus de détails en ligne : www.sfo.gov.uk.

61
Ces mesures sont tournées soit vers les conséquences de l’acte (1), par la réparation du
dommage, soit vers les causes de l’acte (2), par la réhabilitation de l’auteur des faits.

1. La réparation tournée sur les conséquences de l’acte

94. La réparation des dommages résultant de l’infraction est une mesure tournée vers les
conséquences de l’acte en ce qu’elle vise à rétablir l’équilibre rompu par la commission de
l’infraction. Les mesures réparatrices alternatives envisagent la réparation comme une mesure
concrète, une simple proposition ou un objectif à atteindre.

95. La réparation, une mesure concrète. L’article 41-1 du Code de procédure pénale
est à notre sens très emblématique de la réflexion sur le concept de réparation car il inclut dans sa
rédaction deux orientations : la réparation comme objectif (une mesure susceptible d’assurer la
réparation du dommage) et la réparation comme correctif, action concrète pouvant être
demandée à l’auteur des faits183. Si l’utilisation du terme de réparation à deux reprises semble
faire double emploi, il manifeste la volonté du législateur français d’inclure la réparation au cœur
des mesures alternatives aux poursuites : c’est en même temps la fin et le moyen de la mesure
alternative. La réparation « recherche le désintéressement effectif de la victime, soit par la
restitution de l’objet frauduleusement soustrait, soit par le dédommagement de nature pécuniaire.
En aucun cas cette mesure ne peut servir de fondement à l’accomplissement d’une obligation de
faire, sous forme d’activité non rémunérée. A la marge, la notion de « réparation » peut revêtir
une dimension morale et donc procéder d’une démarche pédagogique comme l’expression
d’excuses à l’égard de la victime 184 ».

96. La réparation, une proposition. L’article 41-2 du Code de procédure pénale est plus
précis que l’article 41-1 du même code, sa rédaction met mieux en évidence la réparation au

183
Cette réflexion sera détaillée plus amplement dans la 2ème partie de cette thèse avec la question de la réparation
comme mesure autonome.
184
J-C MARIN, Circulaire relative à la politique pénale en matière de réponses alternatives aux poursuites et de
recours aux délégués du procureur, Bulletin officiel du ministère de la Justice n°93, 2004.

62
cœur de la mesure de composition pénale. La composition pénale consiste en une forme de
transaction proposée par le procureur de la République à l’auteur d’une infraction, pour un délit
normalement puni d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas 5
ans185. Cette transaction peut être assortie d’une ou de plusieurs contraventions connexes
détaillées en 19 points dans le texte. Ces contraventions consistent en différentes mesures:
amendes, stages, interdictions ou travaux non rémunérés. A ces mesures s’ajoute l’obligation
pour le procureur de « proposer » à l’auteur des faits de réparer les dommages causés par
l’infraction dans un délai de six mois. Il doit informer la victime de cette proposition. Ces
observations soulèvent deux points, l’un négatif et l’autre positif.

Le premier point, négatif, relève du choix des termes : le procureur de la République n’oblige pas
l’auteur des faits à réparer mais « propose ». C’est la proposition qui est obligatoirement incluse
dans la composition lorsque la victime est identifiée et qu’elle n’a pas encore été indemnisée.
Pourquoi ce choix alors que dans l’article 41-1, moins sévère que l’article 41-2, la réparation
constitue une obligation ? La proposition s’expliquerait par la nature de la composition pénale,
transaction entre le procureur et l’auteur des faits. Son contenu est donc proposé à l’auteur des
faits qui peut l’accepter ou le refuser. Cependant, il aurait été plus judicieux de diviser la
composition en une partie négociable et une partie non négociable : si l’auteur des faits accepte
le principe de la composition ainsi que les contraventions choisies par le procureur, il se trouve
dans l’obligation de réparer les dommages résultant de l’infraction. La réparation serait ainsi non
négociable. Cette proposition serait plus en harmonie avec l’esprit des mesures alternatives qui
assurent en même temps une sortie plus douce à l’auteur des faits mais doivent aussi permettre le
désintéressement de la victime résultant de la réparation du dommage.

Le deuxième point, positif, concerne l’implication de la victime dans la proposition de


réparation. La victime est informée par le procureur et doit donner son accord dans le cas de la
remise en état d’un bien endommagé par l’infraction. Cette prise en considération de la victime
rappelle que la réparation n’est pas seulement un acte entrepris par l’auteur de l’infraction mais
c’est surtout un acte orienté vers une victime. Cette notion n’est malheureusement pas toujours
explicitement mentionnée dans les textes relatifs aux mesures réparatrices. La prise en compte de
la victime fait pourtant partie de la prise en charge de toutes les conséquences de l’acte. Il est

185
Jean-Paul CERE, « Composition pénale », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Octobre 2014.

63
important de mentionner que la composition pénale, même si elle est acceptée, permet toujours à
la victime « de délivrer citation directe devant le tribunal correctionnel […]. Le tribunal,
composé d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs conférés au président, ne statue alors que sur
les seuls intérêts civils, au vu du dossier de la procédure qui est versé au débat. La victime a
également la possibilité, au vu de l'ordonnance de validation, lorsque l'auteur des faits s'est
engagé à lui verser des dommages et intérêts, d'en demander le recouvrement suivant la
procédure d'injonction de payer, conformément aux règles prévues par le Code de procédure
civile »186. La composition pénale permet ainsi le renforcement du droit à la réparation de la
victime.

97. La réparation, un objectif à atteindre. Sur un autre plan, l’avertissement sous


condition anglais envisage la réparation comme un des objectifs de l’avertissement, à côté de la
réhabilitation et de la punition qui sont des objectifs non cumulables. Ce n’est pas uniquement
une mesure (comme dans l’article 41-1 du Code de procédure pénale), ni une proposition incluse
dans une transaction (article 41-2 du même code). C’est un objectif rattaché à une condition de
l’avertissement délivré par le Crown Prosecution Service. L’objectif de réparation englobe
différentes mesures possibles qui permettent de le remplir 187 : présentation d’excuses, réparation
matérielle du dommage ou compensation financière. C’est la réalisation de cet objectif qui
permettra d’éviter la mise en mouvement des poursuites judiciaires par le Crown Prosecution
Service.

L’objectif de réparation apparaît plus important à réaliser pour une certaine catégorie
d’infractions et d’infracteurs que celui d’une punition qui interviendrait suite à une procédure
lente et contraignante. En effet, en 2008, le Crown Prosecution Service a délivré 8011
avertissements sous conditions : 707 d’entre eux n’ont pas été exécutés (parmi lesquels 571 ont
été poursuivis en justice, 10 ont vu leurs conditions modifiées et 126 ont été classés sans

186
Art. 41-2 C. pr. pén.
187
Code of practice for adult conditional cautions, Ministry of Justice, 2013: “Reparative conditions may include
apologizing, repairing or otherwise making good any damage caused, provided this is acceptable to the victim.
Specific financial compensation may be paid, for example, to a victim. Where the offending has resulted in damage
to community property, reparation may take the form of: repairing the damage caused; reparative activity within
the community more generally; or a payment to an appropriate local charitable or community fund.”

64
suite)188. La réparation du dommage causé à la victime par l’auteur de l’infraction a donc plus de
90% de chance de réussir, preuve de l’efficacité des mesures alternatives aux poursuites en
Angleterre.

98. Le choix de la simplicité législative. Les textes du Criminal Justice Act relatifs aux
avertissements sous conditions se font remarquer par leur rédaction générale : les mêmes
conditions et les mêmes mesures s’appliquent à toutes les infractions comprises dans le champ
d’application de l’avertissement délivré par le Crown Prosecution Service, qui contrairement au
procureur français n’a pas à se poser la question de la mesure à utiliser pour aboutir au même
résultat189: la réparation et la réhabilitation. Il n’est pas certain que la multiplication des textes
relatifs aux mesures alternatives soit favorable à la cohérence du droit pénal français. Cette
absence d’harmonie entraîne des incompatibilités avec la logique des mesures alternatives,
incompatibilités dont n’est pas épargné non plus le droit anglais.

2. La réhabilitation tournée vers les causes de l’acte

99. Si la réparation vise à réparer les conséquences de l’action de l’auteur sur la victime,
la réhabilitation est en quelque sorte la « réparation de l’humain », action centrée sur la personne
de l’auteur de l’infraction par la reconstruction du lien qui le lie à la société.

100. La réhabilitation, corollaire de la réparation. Cette notion de réhabilitation est


présente dans les textes français et anglais relatifs aux alternatives aux poursuites. En effet, parmi
les conditions de l’application de l’article 41-1 du Code de procédure pénale, le procureur de la
République doit s’assurer que la mesure doit, entre autres, contribuer au reclassement de l’auteur
des faits. Ce reclassement passe par des mesures telles que celles proposées par les alinéas 2 et 5
de l’article : l’orientation vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle pour
l’accomplissement d’un stage ou d’une formation en lien avec son infraction ou le
188
The Crown Prosecution Service: Gatekeeper of the Criminal Justice System, House of Commons, 2008, Ninth
Report of sessions 2008-09, en ligne: www.publications.parliament.uk.
189
Voir articles 41-1 et 41-2 C. pr. pén.

65
déclenchement d’une mission de médiation qui remplit quant à elle deux objectifs : un accord sur
la réparation accordée à la victime et la réhabilitation de l’auteur des faits par la prise de
conscience des conséquences de son acte et sa participation à l’élaboration de l’accord de
médiation. L’article 41-2 du Code de procédure pénale comporte encore plus de mesures
susceptibles d’assurer la réhabilitation de l’auteur des faits 190: stages de formation relatifs à
l’infraction, mesure d’activité de jour ou mesure d’injonction thérapeutique.

La réhabilitation est une notion également présente dans le Criminal Justice Act anglais. L’article
22 de ce texte mentionne en effet que l’avertissement sous conditions doit avoir l’un ou les deux
objets suivants : faciliter la réhabilitation de l’auteur de l’infraction et/ou assurer la réparation par
l’auteur des conséquences de l’infraction191. Les mesures à visées réhabilitatives sont définies
comme permettant de modifier l’attitude de l’auteur de l’infraction, de réduire le risque d’une
récidive et de l’aider à se réintégrer dans la société. Elles consistent en des stages ou des
programmes de prévention relatifs à l’infraction, par exemple lorsque celle-ci concerne l’usage
de stupéfiants ou la conduite en état d’ivresse 192.

101. Des faux doublons. Les mesures des articles 41-1 et 41-2 du Code de procédure
pénale pourraient sembler identiques à premier abord mais le contenu de ces mesures reste à
analyser. Prenons le cas d’une infraction particulière, telle que l’usage et la consommation de
stupéfiants. Alors que l’article 41-1 du Code de procédure pénale oriente l’auteur des faits vers
une structure sanitaire, l’article 41-2 ouvre la possibilité de recourir à une injonction
thérapeutique. La question a été posée de savoir si l’orientation vers une structure sanitaire
pouvait impliquer une mesure d’injonction thérapeutique qui induit une obligation de soins alors
même que l’article 41-2 développe l’alinéa relatif à l’orientation vers une structure sanitaire dans
le sens de l’accomplissement d’un stage ou d’une formation193.

190
Alinéas 4, 6, 7, 13, 15, 16, 17 et 18.
191
The conditions which may be attached to such a caution are those which have either or both of the following
objects: (a) facilitating the rehabilitation of the offender, (b) ensuring that he makes reparation for the offence.
192
Code of practice for adult conditional cautions, Ministry of Justice, 2013, en ligne: www.gov.uk.
193
Aurélie LEGRAS, « L'injonction thérapeutique entre les mains du parquet : quel cadre d'intervention ? », AJ
Pénal, 2013, p.329.

66
Deux circulaires ministérielles du 9 mai 2008194 et du 16 février 2012195 ont prévu que la mesure
d’injonction thérapeutique pouvait être choisie dans le cadre des alternatives aux poursuites,
incluant par cette dénomination les mesures prévues à l’article 41-2 du Code de procédure
pénale. L’intérêt d’avoir deux textes différents pour la décision de recourir à une mesure
d’injonction thérapeutique lorsque ces deux textes sont des alternatives aux poursuites est
discutable. Seules les conséquences différentes de ces deux textes notamment sur le plan de
l’inscription au casier judiciaire et des poursuites de l’action publique peuvent expliquer ce
dédoublement.

102. La réhabilitation des personnes morales. Il est intéressant de faire une petite
digression en mentionnant une mesure réparatrice qui vise les personnes morales mises en causes
dans des affaires de trafic d’influence, de corruption, de blanchiment ou de fraude fiscale. En
effet, l’article 41-1-2 du Code de procédure pénale permet au procureur de la République, avant
la mise en mouvement de l’action publique, de proposer une convention judiciaire d’intérêt
public à toute personne morale mise en cause pour les délits précédemment cités196. Cette
convention, similaire dans son approche à feu la transaction par officier de police judiciaire 197,
permet au procureur d’imposer plusieurs obligations à la charge de la personne morale : le
versement d’une amende d’intérêt public au Trésor public, le suivi d’un programme de mise en
conformité sous le contrôle de l’Agence française anticorruption et la réparation de son préjudice
à la victime lorsque celle-ci est identifiée. La validation de la convention et l’exécution des
obligations ont pour effet d’éteindre l’action publique.

L’article 41-1-1 du Code de procédure pénale étant abrogé, la convention peut désormais être
comparée à la composition pénale. Contrairement à cette dernière, la convention judiciaire
d’intérêt public n’est pas inscrite au bulletin n°1 du casier judiciaire, elle fait uniquement l’objet

194
Circulaire de la DACG 2008 - 11 G4/ du 9 mai 2008 relative à la lutte contre la toxicomanie et les dépendances,
NOR : JUSD0811637C
195
Circulaire du 16 févr. 2012 relative à l'amélioration du traitement judiciaire de l'usage de produits stupéfiants,
NOR : JUSD1204745C.
196
Astrid MIGNON COLOMBET, « La convention judiciaire d'intérêt public: vers une justice de coopération? », AJ
Pénal, 2017, p.68.
197
Art. 41-1-1 C.pr.pén., abrogé par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, du 23 mars
2019.

67
d’un communiqué de presse du procureur de la République. Cela s’explique par le fait que
l’article mentionne explicitement que la convention n’emporte pas déclaration de culpabilité et
n’a pas la nature ni les effets d’un jugement de condamnation. Cependant, ces arguments sont
aussi valables pour la composition pénale qui est pourtant inscrite au bulletin n°1 du casier
judiciaire. Cette différenciation est critiquable, d’autant plus que les fraudes commises par les
personnes morales visées par la convention s’élèvent à des montants astronomiques, comme
l’atteste la première convention judiciaire d’intérêt public conclue 198.

103. Il semble donc, au regard des développements ci-dessus, que les mesures
alternatives aux poursuites faisant partie des prérogatives du procureur tendent vers un idéal :
celui de permettre la réparation et la réhabilitation en évitant d’engager des poursuites contre
l’auteur de l’infraction et d’espérer rétablir ainsi l’équilibre social rompu. Mais l’application
pratique de ces mesures aboutit parfois à altérer leur esprit et la logique sur laquelle elles sont
bâties.

II. L’altération de la réparation au stade de la décision de poursuite

104. Des incompatibilités entre la notion de réparation et les mesures réparatrices.


La mise en œuvre de mesures alternatives aux poursuites par le procureur soulève certaines
interrogations quant à la sévérité possible de ces mesures, incompatible avec l’esprit des
alternatives (A), et aux conséquences que ces mesures peuvent avoir, incompatibles avec la
logique des alternatives (B).

198
TGI Paris, ord., 14 novembre 2017 : convention conclue entre le parquet national financier et la banque HSBC
Private Bank Suisse SA pour un montant total de 300 millions d’euros. Ophélia CLAUDE, « Réflexions sur la
première convention judiciaire d'intérêt public », AJ Pénal, 2018, p.30. Laurent SAENKO, « Première convention
judiciaire d'intérêt public: HSBC face à l'histoire », RTD Com., 2018, p.230.

68
A. Une sévérité incompatible avec l’esprit des alternatives aux poursuites

105. Envisager des mesures alternatives aux poursuites c’est induire qu’elles seront
nécessairement plus douces que les conséquences des poursuites pénales. Il arrive cependant que
leur contenu (1) et leur impact (2) dépassent le seuil de sévérité que l’on pourrait attendre de ces
mesures.

1. Sévérité quant au contenu des mesures

106. Une absence de limites matérielles. La question de la sévérité des mesures


alternatives aux poursuites se pose en Angleterre au vu de l’absence de limites matérielles des
avertissements sous conditions. Il est même arrivé que ces mesures alternatives aux poursuites
soient qualifiées de « sanctions sans poursuite »199. Ces critiques viennent du fait que rien dans
les textes ne fixe de limite matérielle au contenu des conditions. Ainsi, si une condition de
réparation (ou de punition) mentionnée dans l’avertissement contient le paiement d’une somme
d’argent, rien dans les textes ne limite le montant que devra payer l’auteur de l’infraction, le
risque étant qu’il soit obligé de payer un montant supérieur à celui qu’une Cour de justice aurait
décidé. Ce risque peut sembler théorique et on pourrait logiquement se fier au sens logique du
Crown Prosecution Service pour éviter de telles situations mais l’absence de limites légales
laisse une grande marge de manœuvre au CPS et présente un risque pour l’auteur de l’infraction.

Ce risque est quant à lui contenu en droit français : l’alinéa 1 de l’article 41-2 du Code de
procédure pénale prévoit que le montant de l’amende payée au Trésor public ne peut excéder
celui de l’amende normalement encourue.

107. Un champ d’application partagé avec d’autres mesures punitives. La


composition pénale a le même champ d’application que la comparution sur reconnaissance

199
“Punishment without prosecution”: Robin WHITE, in The Crown Prosecution Service: Gatekeeper of the
Criminal Justice System, House of Commons, 2008, Ninth Report of sessions 2008-09, en ligne:
www.publications.parliament.uk.

69
préalable de culpabilité (CRPC) 200 à savoir les délits punis d’une peine d’une durée maximale de
cinq ans. On se rend ainsi compte que le législateur français a préservé la spécificité de la
composition pénale : elle permet des mesures alternatives douces, éducatives et surtout
réparatrices contrairement à la CRPC qui peut mener à une peine d’emprisonnement. La question
qui se pose naturellement dans cette situation est celle du critère de choix du procureur :
comment pour une même infraction choisir entre une composition pénale et une comparution sur
reconnaissance préalable de culpabilité ? Comment choisir justement entre une peine
d’emprisonnement et une mesure alternative ?

La comparaison du contenu des textes relatifs à ces deux mesures permet de relever une
différence essentielle, en dehors du fait que la CRPC ne soit pas dans la forme une mesure
alternative : la présence d’une obligation de réparation et d’un souci de réhabilitation dans la
composition pénale. Cet objectif de réparation et de réhabilitation permet au procureur de
décider, en fonction de la personnalité du délinquant, si la composition pénale est la mesure la
plus adaptée au cas de l’espèce ou si la CRPC permet de répondre de manière plus efficace à
l’infraction commise. Lorsque la personnalité du délinquant permet d’envisager la réparation des
dommages causés par l’infraction, la composition pénale devrait être privilégiée.

Nous pouvons regretter que des indications sur les critères de choix du procureur ne soient pas
mentionnées dans les textes relatifs à ces deux mesures, pour tracer la voie et éviter des
disparités dans les décisions des différents procureurs. Cependant, la composition pénale
française reste, dans l’esprit des mesures alternatives une mesure douce, individualisée et
réparatrice. Elle n’est toutefois pas sans conséquence sur l’auteur de l’infraction.

2. Sévérité quant à l’impact de ces mesures sur l’auteur de l’infraction

109. Un moyen de pression. Les conséquences des mesures alternatives aux poursuites
sont plus douces que celles des poursuites judiciaires. Pourtant, les conséquences des mesures
alternatives ne sont pas sans importance pour l’auteur de l’infraction, que ce soit en droit français
ou anglais. En effet, « toute la crédibilité de ces mesures se fonde sur la certitude d’une sanction,

200
Jean DANET et Sylvie GRUNVALD, « Brèves remarques tirées d'une première évaluation de la composition
pénale », AJ Pénal, 2004, p.196.

70
en cas d’échec imputable à l’auteur »201. C’est cette certitude de la sanction qui crée
vraisemblablement une pression sur l’auteur de l’infraction et le pousse aux aveux, nécessaires
pour le choix d’une mesure alternative aux poursuites. M. Jean PRADEL a qualifié cette
situation de « promotion de l’aveu »202. La promesse d’un éventuel abandon des poursuites
pénales ou d’un recours à des sanctions excluant toute peine d’emprisonnement aurait un effet
sur les aveux des personnes mises en cause.

Les statistiques relatives aux taux de refus montrent qu’en 2004, moins de 10% des justiciables
ont refusé la proposition de composition pénale émise par un procureur203. Lorsque l’on voit
qu’en 2017, 36,7% des affaires en France ont fait l’objet de mesures alternatives aux
poursuites204, l’opportunité du choix de ces mesures est incontestable quant à leurs effets sur les
aveux des délinquants. La vulnérabilité de ces personnes au moment où elles doivent faire le
choix d’accepter ou non la composition pénale rend nécessaire un respect accru des droits de la
défense par la présence d’un avocat, laquelle n’est pas prévue à l’article 41-1 du Code de
procédure pénale205, mais est simplement proposée à l’article 41-2 du même code ainsi que dans
le Criminal Justice Act qui prévoit que l’infracteur peut demander conseil auprès d’un avocat 206.

110. Une inscription au casier judiciaire. Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 9


septembre 2002207, l’acceptation de la composition par l’auteur de l’infraction aurait pu être
encouragée par le fait que l’article 41-2 du Code de procédure pénale ne prévoyait pas
l’inscription de la mesure de composition pénale sur le casier judiciaire de l’intéressé. Mais

201
J-C MARIN, Circulaire relative à la politique pénale en matière de réponses alternatives aux poursuites et de
recours aux délégués du procureur, Bulletin officiel du ministère de la Justice n°93, 2004.
202
Jean-Pierre DINTILHAC, « Rôle et attributions du procureur de la République », Revue de sciences criminelles,
2002, p. 35.
203
Jean DANET et Sylvie GRUNVALD, « Brèves remarques tirées d'une première évaluation de la composition
pénale », AJ Pénal, 2004, p.196. Statistiques issues du rapport général effectué dans le cadre de la Mission de
recherche: Droit et Justice.
204
« Les chiffres clés de la justice », Rapport du ministère de la Justice, 2018. On ne comprend pas pourquoi ce
chiffre n’inclut pas le taux relatif aux compositions pénales, non inclues dans les procédures alternatives aux
poursuites par le rapport et qui est de l’ordre de 4,9% des affaires justiciables.
205
Mais a été reprécisé par le Conseil constitutionnel dans sa décision en date du 23 septembre 2016, n°2016-569.
206
“Before administering a conditional caution the authorized person shall ensure that the offender has the
opportunity to receive free and independent legal advice in relation to the criminal offence” In Criminal Justice Act,
Chapter 44, 2003, en ligne : <www.legislation.gov.uk>.
207
Date de promulgation de la loi n° 2002-1138 d'orientation et de programmation pour la justice, NOR:
JUSX0200117L.

71
depuis 2002, l’auteur de l’infraction subit l’inscription de la composition au bulletin numéro 1 de
son casier judiciaire, mesure prévue à l’article 41-2. Cette inscription de la composition au casier
judiciaire est un élément qui la différencie des autres mesures alternatives aux poursuites car elle
lui donne effectivement une sévérité contraire à l’esprit de ces mesures, sévérité inspirée des
décisions judiciaires. Cela pourrait s’expliquer par le fait que la composition pénale acceptée par
l’auteur des faits doit être validée par le président du tribunal qui décide ou non de rendre une
ordonnance à fin de validation de la composition208. Il y a donc décision de justice entraînant
inscription au casier judiciaire. De plus, cette inscription permettra aux magistrats de connaître le
passé judiciaire d’un individu qui se représenterait devant la justice pour un autre délit et de
prononcer ainsi la sanction la plus adéquate209. Cependant, depuis la loi de programmation et de
réforme pour la justice du 23 mars 2019, l’homologation du tribunal n’est plus requise pour les
propositions de compositions portant sur des délits punis d’une peine d’emprisonnement
inférieure ou égale à trois mois et dont l’amende de composition n’excède pas le montant prévu à
l’article 131-3 du Code pénal. L’inscription au casier judiciaire est dans ce cas moins justifiée.

Les effets de cette mesure doivent cependant être mesurés pour deux raisons : d’abord parce que
l’inscription d’une composition pénale au casier judiciaire n’est faite que pour une durée de trois
ans210 à l’expiration desquels la composition n’apparaît plus sauf si une autre composition a été
prononcée entre temps, et ensuite parce que la consultation du bulletin numéro 1 n’est accessible
qu’aux autorités judiciaires et aux établissements pénitentiaires dans le cadre de l’instruction de
certaines mesures d’exécution de la peine211.

111. Cette relativisation ne nous empêche pas de poser la question de la nature de la


composition pénale qui possède des caractéristiques propres aux mesures alternatives et d’autres
caractéristiques qui rappellent celles de la peine. En effet, si la composition pénale est
mentionnée comme alternative aux poursuites par l’article 40-1 du Code de procédure pénale,

208
Obligation de validation nuancée par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice,
promulguée le 23 mars 2019. L’article 59 de la loi supprime l’obligation de validation par le juge des compositions
comprenant une mesure d’amende ou de restitution inférieure ou égale à 3000 euros pour les délits punis jusqu'à 3
ans.
209
Jocelyne LEBLOIS-HAPPE, « De la transaction pénale à la composition pénale », La Semaine Juridique, Edition
Générale, 19 janvier 2000, n° 3, I 198.
210
Art. 769 C. pr. pén.
211
Art. 774 et suivant C. pr. pén.

72
elle est assortie de mesures qui lui donnent le caractère d’une sanction212. Mais ces mesures sont
essentiellement de nature réhabilitative et non sanctionnatrice. Une réponse tranchée conduirait à
qualifier la réparation soit de composante d’une mesure alternative soit de composante d’une
mesure de peine. A défaut de pouvoir trancher la question, nous penchons vers une nature
hybride de la composition pénale : « mesure alternative à penchant punitif »213.

En droit anglais, les effets de l’avertissement sous condition sont encore plus prononcés car ce
dernier est inscrit au casier judiciaire de l’infracteur et peut même dans certains cas être dévoilé à
l’employeur ou au futur employeur ce qui aboutit à une stigmatisation encore plus forte de
l’auteur de l’infraction. Cette sévérité des mesures alternatives nous amène à aborder les
conséquences de ces mesures, parfois incompatibles avec la logique des alternatives aux
poursuites.

B. Des conséquences incompatibles avec la logique des alternatives aux poursuites

112. Les mesures alternatives aux poursuites dans leurs formes diverses accordent des
prérogatives au procureur qui ne sont pas sans conséquence sur son rôle (1) et sur l’avenir des
poursuites pénales (2).

1. Des conséquences sur le rôle du procureur

113. Une autonomie contestée. Le procureur, acteur principal des mesures alternatives
aux poursuites, a vu son rôle évoluer avec l’élargissement du domaine des alternatives aux
poursuites et leur utilisation de plus en plus fréquente. En Angleterre, les alternatives aux
poursuites ou out of court disposals ont donné une indépendance au Crown Prosecution Service

212
Voir dans le sens d’une qualification de la composition d’ « alternative punitive »: Jacques BUISSON, « La
sanction pénale », in La sanction, Université Jean Moulin Lyon 3, 27 novembre 2003, L'Harmattan, p.183.
213
Il faut noter que cette question de la nature de la composition pénale est visible dans le rapport du ministère de la
Justice, « Les chiffres-clés de la justice, 2018 ». Les statistiques relatives à la composition pénale ne sont pas inclues
dans celles relatives aux alternatives aux poursuites mais font l’objet d’une catégorie à part. Suite à un courrier
envoyé à la Sous-direction de la Statistique et des Études, la réponse reçue a confirmé la nature d’alternative aux
poursuites de la composition pénale mais l’a qualifié de « procédure un peu particulière pouvant s’adjoindre une
sanction et s’apparenter en cela à une condamnation », ce qui rend intéressant de montrer ses chiffres à part.

73
qui est autonome en matière d’alternatives aux poursuites. Le législateur français a essayé de
préserver la séparation des pouvoirs d’enquête et de jugement en limitant l’autonomie du
procureur en la matière.

L’autonomie du Crown Prosecution service anglais tient dans le fait que sa décision d’opter pour
une mesure alternative n’a besoin d’aucune validation par un juge 214. Cette prérogative du Crown
Prosecution Service, si elle désencombre les tribunaux et permet plus de rapidité et de flexibilité,
donne au Service une fonction de jugement en lui permettant d’écarter certaines infractions des
procédures habituelles215. Ce pragmatisme anglais qui écarte le principe de séparation des
pouvoirs conduit à la constitution d’une justice silencieuse et cachée, contraire au caractère
public de la justice. La procédure des avertissements sous conditions se fait à huis-clos
contrairement à un procès, ce qui peut ne pas convenir aux victimes. De plus, une trop grande
utilisation des out of court disposals écarte un grand nombre de cas du système judiciaire
classique. Il faudrait alors des garde-fous pour éviter que des cas qui auraient dû être jugés par un
magistrat, soient pour des raisons matérielles traités par le Crown Prosecution Service. Ces
inquiétudes ont conduit à la publication de lignes directrices afin de guider le Crown Prosecution
Service dans ses choix216 mais certains praticiens soulèvent déjà quelques interrogations217.

Le législateur français a emprunté la même voie que son voisin anglais lorsqu’il a voulu faire
valider par le Conseil constitutionnel la mesure d’injonction pénale. Néanmoins, cette mesure
élaborée par le législateur en 1994 a été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision
du 2 février 1995218. Le Conseil a fondé sa décision sur le principe de la présomption
d’innocence, consacré à l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et sur
le principe de séparation des autorités de poursuite et de jugement, séparation qui garantit le
respect des libertés individuelles. De plus, il a jugé que certaines mesures comprises dans
l’injonction pénale avaient la nature de sanctions pénales et ne pouvaient donc être prononcées

214
Article 1.6: Code of practice for adult conditional cautions, Ministry of Justice, 2013.
215
“New powers of the CPS to recommend conditional cautions – whereby prosecution is suspended pending
successful completion of particular conditions within a specific timeframe – were described as giving the CPS the
function of a sentence, fundamentally blurring the boundaries between the role of the courts and the role of the
prosecutor.” In The Crown Prosecution Service: Gatekeeper of the Criminal Justice System, House of Commons,
2008, Ninth Report of sessions 2008-09, en ligne: www.publications.parliament.uk.
216
Code of practice for adult conditional cautions, Ministry of Justice, 2013.
217
The Crown Prosecution Service: Gatekeeper of the Criminal Justice System, House of Commons, 2008, Ninth
Report of sessions 2008-09, en ligne: www.publications.parliament.uk.
218
Décision Cons. Const. N° 95-360 DC.

74
que par un tribunal. La nécessité de mettre en place des mesures alternatives aux poursuites a
conduit le législateur à prendre en compte la position du Conseil constitutionnel lors de
l’élaboration de la loi sur la composition pénale 219.

114. Une autonomie limitée. Afin d’éviter une deuxième censure constitutionnelle, le
législateur a édicté la nécessité d’une homologation par le juge du choix du procureur de recourir
à une composition pénale. Cette homologation respecte en effet le principe de séparation des
autorités de poursuite et de jugement et garantit l’équilibre des droits des parties mais elle
alourdit une procédure qui doit être plus rapide et plus flexible. En effet, l’homologation est
quasiment une procédure administrative car l’audition des parties par le magistrat est
facultative220. La séparation des autorités est en apparence respectée mais la composition les relie
à plusieurs niveaux :

 d’abord, la décision initiale de recourir à une composition pénale revient au procureur qui
voit ses prérogatives étendues, et une fois le dossier chez le juge, ce dernier ne peut ni
revenir en arrière s’il juge que des poursuites auraient été plus adéquates, ni proposer de
modifier le contenu de la composition.

 ensuite, l’absence de validation de la composition par le juge oblige indirectement le


procureur à engager des poursuites ;

 enfin, selon une évaluation effectuée auprès des tribunaux, il apparaît que des
concertations informelles entre le parquet et le siège sont effectuées concernant le choix
d’une mesure de composition pénale et la délimitation de son cadre, afin d’anticiper et de
garantir la validation d’une composition pénale proposée par le parquet 221. Les magistrats

219
Jean PRADEL, « Une consécration du "plea bargaining" à la française: la composition pénale instituée par la loi
n° 99-515 du 23 juin 1999 », Recueil Dalloz, 1999, p.379. Pierrette PONCELA, « Quand le procureur compose avec
la peine », RSC , 2002, p.638. Jocelyne LEBLOIS-HAPPE, « De la transaction pénale à la composition pénale », La
Semaine Juridique, Edition Générale, 19 janvier 2000, n° 3, I 198.
220
Circulaire de la direction des affaires criminelles et des grâces, « Présentation des dispositions concernant la
composition pénale issues de la loi du 23 juin 1999 renforçant l’efficacité de la procédure pénale et du décret du 29
janvier 2001 », en ligne: www.justice.gouv.fr. Voir aussi l’article de Philip MILBURN, Mouhanna CHRISTIAN et
Vanessa PERROCHEAU, « Controverses et compromis dans la mise en place de la composition pénale », Archives
de politique criminelle, 2005/1, n° 27, p.151 et s., dans lequel les auteurs décrivent des magistrats qui se chargent de
l’homologation des compositions « durant les heures creuses ».
221
Sylvie GRUNVALD et Jean DANET, La composition pénale, une première évaluation, L'Harmattan, 2005,
p.115 et s.

75
du siège ont donc la possibilité, par cette consultation préalable, de peser sur le choix de
la composition pénale.

Toutefois, la limitation de l’autonomie du procureur dans l’administration d’une composition


pénale a été bouleversée par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice,
promulguée le 23 mars 2019. D’une part, la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme
pour la justice vient étendre le pouvoir d’appréciation du magistrat en intégrant notamment à
l’article 41-2 les raisons pour lesquelles le magistrat peut refuser de valider une composition
pénale, raisons très larges portant sur l’opportunité du recours à une mesure de composition
pénale222.

D’autre part, la loi limite les prérogatives du magistrat en matière de composition pénale pour
certains délits. En effet, l’article 59, (3e) de la loi dispose que la proposition de la composition
n’est pas soumise à la validation du président du tribunal pour un délit puni d’une peine
d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à trois ans et pour une amende de
composition n’excédant pas 3000 euros ou une remise d’une chose n’excédant pas le même
montant. La composition pénale subit ainsi une « petite révolution » car elle permet désormais
d’apporter une réponse pénale sans la validation d’un juge pour les délits les moins graves et
d’éteindre quand même l’action publique 223. Une deuxième révolution s’est ainsi opérée dans la
décision du Conseil constitutionnel qui n’a pas, cette fois, jugé contraire à la constitution les
modifications apportées à la composition pénale par la loi du 23 mars 2019. Le Conseil a ainsi
assoupli la position qu’il avait adoptée lors de sa décision sur l’injonction pénale en validant
l’absence d’homologation d’une composition pénale pour infraction mineure parce que le champ
d’application est restreint 224.

222
« Le magistrat refuse de valider la composition pénale s’il estime que la gravité des faits, au regard des
circonstances de l’espèce, ou que la personnalité de l’intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société
justifient le recours à une autre procédure, ou lorsque les déclarations de la victime […] apportent un éclairage
nouveau sur les conditions dans lesquelles l’infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur ».
223
Etienne VERGES, « Réforme de la procédure pénale: une loi fleuve, pour une justice au gré des courants. A
propos de la loi n°2018-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice », Droit
pénal, mai 2019, n° 5, étude 12.
224
Cons. const., 21 mars 2019, n°2019-778 DC : JurisData n°2019-004275. William ROUMIER, « Présentation des
dispositions pénales de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la
justice », Droit pénal, mai 2019, n° 5, alerte 26.

76
2. Des conséquences sur les poursuites pénales

115. Des conséquences incertaines. Une alternative est par définition l’obligation de
choisir entre deux possibilités. Le terme ainsi employé conduit naturellement à penser que le
procureur devra choisir entre ces mesures et l’engagement de poursuites judiciaires. C’est le cas
en Angleterre où le Crown Prosecution Service s’oblige à ne pas engager de poursuites lorsque
la proposition d’avertissement sous condition est acceptée par l’auteur de l’infraction. Mais cette
évidence n’est pas aussi tranchée dans le Code de procédure pénale français. En effet, alors que
la composition pénale de l’article 41-2 du Code de procédure pénale semble être une alternative
incomplète en raison de la sévérité de ses mesures, les dispositions prévues à l’article 41-1 du
même code sembleraient aussi ne pas remplir les critères qu’on pourrait attendre d’une mesure
alternative aux poursuites.

116. Des poursuites pénales toujours possibles pour le procureur. En effet, la mesure
de l’article 41-1 du Code de procédure pénale, parfois qualifiée de « classement sous condition
de réparation »225, n’aboutit pas systématiquement au classement même en cas d’exécution de la
réparation. C’est la conclusion délivrée par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans sa
décision en date du 21 juin 2011 226. Dans sa décision, la Cour explique qu’il résulte de l’article
41-1 « que le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l’action publique,
prescrire l’une des obligations prévues par ledit article, sans que l’exécution de cette obligation
éteigne l’action publique ». Cette décision a soulevé de nombreux débats 227. D’un côté, lorsque
le dernier alinéa de l’article 41-1 dispose qu’« en cas de non-exécution de la mesure en raison du
comportement de l'auteur des faits, le procureur de la République, sauf élément nouveau, met en
œuvre une composition pénale ou engage des poursuites », on peut déduire a contrario qu’en cas
d’exécution de la mesure, le procureur n’engage pas de poursuites. D’un autre côté, si on se base

225
Patricia HENNION-JACQUET, « L'indemnisation du dommage causé par une infraction : une forme atypique de
réparation ? Dommages et intérêts, classement sous condition de réparation, sanction-réparation », RSC, 2013,
p.517.
226
François DESPREZ, « L'illustration d'une insuffisance législative à propos des alternatives aux poursuites »,
Recueil Dalloz, 2011, p.2379. Franck LUDWICZAK, « Procédures alternatives aux poursuites et action publique:
entre apparence de conformité et quête de cohérence », La semaine juridique, Edition générale, 26 décembre 2011,
n° 52, 1453.
227
Olivier SAUTEL, « Les alternatives aux poursuites, un exemple de "dérive" », in Politiques criminelles,
Mélanges en l'honneur de Christine Lazerges, Dalloz, 2014, p.797.

77
sur le premier alinéa de l’article 41-1, rien n’indique que l’objectif de la mesure proposée par le
procureur est de ne pas engager de poursuites. La mesure a textuellement pour objectifs
« d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de
l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits ». Seulement la question qu’on
pourrait se poser à la lecture de ces objectifs est celle de savoir ce qui pourrait motiver le
procureur à engager des poursuites lorsque la réparation du dommage a été faite, le trouble a
cessé et l’auteur a été pris en charge. Seule une erreur de jugement de la part du procureur lors du
choix de la mesure alternative le pousserait à décider d’engager des poursuites après avoir voulu
opter pour une alternative.

La volonté de donner une place à la réparation n’entraîne pas encore de conséquences sur
l’action publique qui poursuit son objectif de jugement sanctionnateur. Cette décision de la Cour
de cassation, fondée juridiquement, entraîne une grave incompatibilité entre le texte de l’article
41-1 du Code de procédure pénale et la logique des mesures alternatives aux poursuites : la place
accordée à la réparation se voit diminuée et l’objectif de célérité et de désengorgement des
tribunaux est écarté. Cette incompatibilité nécessite une intervention urgente du législateur soit
en mentionnant, comme pour la composition pénale, l’extinction de l’action publique 228, soit en
écartant l’article 41-1 de la section des mesures alternatives aux poursuites. La Cour de cassation
pourrait aussi opérer un revirement de jurisprudence et modifier son interprétation de l’article
41-1. Une solution médiane a été proposée en faveur d’une possibilité de recours à la seule
composition pénale en cas d’échec de la mesure choisie dans le cadre de l’article 41-1229.

Cette décision de justice a été suivie par une autre décision de la chambre criminelle de la Cour
de cassation en date du 17 janvier 2012230 qui élargit le premier raisonnement en permettant au
plaignant de mettre en mouvement l’action publique même après l’exécution d’une mesure
prévue à l’article 41-1 du Code de procédure pénale. Ce raisonnement est en adéquation avec le
principe d’égalité entre la partie publique et la partie civile 231 mais contrevient à la logique des
mesures réparatrices : si la mesure choisie par le procureur a permis la réparation du dommage
causé à la victime, cette dernière n’aurait plus d’intérêt à poursuivre son action mis à part dans
228
Et à ce moment-là ajouter la mesure parmi les causes d’extinction de l’action publique prévues à l’article 6 C. pr.
pén.
229
Franck LUDWICZAK, « Procédures alternatives aux poursuites et action publique: entre apparence de
conformité et quête de cohérence », La semaine juridique, Edition générale, 26 décembre 2011, n° 52, 1453.
230
Jean PRADEL, « Procédure pénale », Recueil Dalloz, 2012, p.2118.
231
Article 1 C. pr. pén.

78
un esprit de vengeance. La réparation morale passerait peut-être pour certaines victimes par le
prononcé d’une peine à l’encontre de l’auteur des faits, les mesures plus douces n’étant pas
suffisantes.

117. Des moyens de poursuivre toujours possibles pour la victime. Sur un autre plan,
il convient de mentionner que la composition pénale n’empêche pas la victime de demander au
procureur de citer l’auteur des faits à une audience devant le tribunal pour lui permettre de se
constituer partie civile ; le tribunal ne statue alors que sur les intérêts civils. L’article 41-2 du
Code de procédure pénale donne l’exemple de la « remise en état du bien endommagé » avec
l’accord de la victime. Même si en pratique, la réparation du dommage a été réalisée, la
composition pénale ne vient régler que le litige de nature pénale. Ainsi, seule l’action publique
est éteinte232. Il n’y a pas d’autorité de la chose « transigée » car il n’y a pas d’identité de parties
entre les actions civiles et pénales (la composition intervenant entre l’auteur de l’infraction et les
autorités de poursuite)233.

Sur ce plan, la chambre correctionnelle de la Cour d’Appel de Montpellier a, dans son arrêt du
17 mars 2010234, infirmé le jugement qui a déclaré la citation directe des parties irrecevable suite
à l’exécution d’une composition pénale, exécution qui éteint l’action publique mais ne fait pas
échec au droit de la partie civile de délivrer citation directe devant le tribunal correctionnel pour
les seuls intérêts civils235. En l’espèce, deux personnes, coupables d’outrage à une personne
dépositaire de l’autorité publique, avaient accepté une composition pénale qui les a contraint à
payer respectivement une amende de 300 euros et 1000 euros, ce qu’elles ont fait. L’action
publique a donc été éteinte par l’exécution de la composition. Selon les faits, l’infraction
commise est un outrage, le dommage causé est donc moral. Or rien dans la composition de

232
Sur la délimitation de l’effet extinctif des alternatives aux poursuites : Jean-Baptiste PERRIER, La transaction en
matière pénale, [Th. doct. : Droit privé et sciences criminelles : Aix Marseille : 2012], p.336 et suivant.
233
J-B. PERRIER soutient dans sa thèse qu’il n’y pas non plus d’identité d’objet et de cause car l’action publique a
pour objectif d’assurer la répression du comportement infractionnel, l’action civile la réparation des conséquences
de l’infraction. Or cette déduction accorderait à la composition pénale un aspect répressif et au procureur un pouvoir
de sanction. Or la composition pénale n’est pas une peine. Si on prend en compte son objectif préventif, réhabilitatif
et réparateur, et si on compare les objets de la composition pénale et de l’action civile, nous pouvons ne pas adhérer
à l’opinion soulevée dans la thèse de M. PERRIER.
234
CA Montpellier, décision 09/01748.
235
La procédure de citation directe dans le cadre d’une composition pénale a été remplacée par la loi du 23 mars
2019 de programmation et de réforme pour la justice par une citation du procureur de la République sur demande de
la victime.

79
l’espèce, qui détermine uniquement le paiement d’une amende, ne fait état de l’obligation de
réparer le dommage causé par l’infraction, obligation pourtant spécifiée à l’article 41-2 du Code
de procédure pénale. On comprend alors le besoin de la victime de procéder à une citation
directe pour obtenir réparation de son préjudice personnel.

La possibilité de citer l’auteur des faits à une audience permet ainsi de prévenir ces situations. Si
la composition avait pris en compte la réparation du préjudice commis, les victimes n’auraient
plus eu d’intérêt à poursuivre une action civile et la notion de « mesure alternative aux
poursuites » aurait produit tous ses effets.

118. La prévention des poursuites par l’adhésion à la réparation. Sur un autre plan, il
faut relever que l’article 41-2 ne mentionne nullement l’adhésion de la victime à la mesure de
composition pénale, sauf dans le cas de la remise en état du bien endommagé déjà mentionné,
cette-dernière étant juste « informée » de la proposition de réparation. La notion d’adhésion de la
victime à la composition pénale a fait l’objet d’un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de
cassation en date du 24 juin 2008 236. La cour a confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’appel qui
« pour déclarer recevable la demande de la partie civile, retient qu’à supposer qu’elle ait perçu la
somme versée par l’auteur des faits en exécution d’une composition pénale, aucune transaction,
au sens de l’article 2044 et suivants du Code civil, n’a été conclue ». Dans le cas de l’espèce, le
procureur avait prévu dans la proposition de composition une somme pour les dommages et
intérêts devant être versés à la victime, en plus du paiement d’une amende, et cette condition a
été exécutée par l’auteur de l’infraction. Cependant, cette condition n’ayant pas emporté
l’adhésion de la victime, celle-ci n’a pas perdu son droit de délivrer citation directe devant un
tribunal correctionnel pour ses seuls intérêts civils, ce qui est de toute logique dans l’état actuel
des textes.

Ce qui reste critiquable c’est que la réparation ne soit pas encore envisagée comme un acte qui
implique les deux acteurs concernés : l’auteur qui l’exécute et la victime qui l’accepte. La
réparation est pourtant un objectif poursuivi, une condition posée mais elle ne déploie pas encore
tous ses effets, ni au stade de la décision d’engager ou non des poursuites ni au stade de la
décision d’allocation de dommages-intérêts.

236
Cass., crim., 24 juin 2008, décision n° 07-87.511 publiée au bulletin criminel 2008, n°162.

80
Conclusion du chapitre 1

119. La réparation est bien au cœur des alternatives aux poursuites : elle est parfois
énoncée comme un objectif, parfois comme la condition d’une mesure et parfois comme une
mesure spécifique. Elle prend diverses formes et appellations mais recouvre une même réalité.
Les mesures réparatrices, alternatives à la justice pénale, ont néanmoins bien des conséquences
sur cette dernière. Elles renforcent l’œuvre de justice en permettant de donner une réponse
pénale plus effective et plus individualisée selon le type d’infraction et selon la personnalité de
l’auteur. Les mesures réparatrices introduisent toutefois une nouvelle donne, celle d’une justice
pénale exercée, parfois en dehors du tribunal, par une multiplicité d’acteurs.

120. La réparation alternative aux poursuites a, certes, bien des avantages mentionnés
dans ce chapitre, mais son caractère transactionnel, conventionnel, qui se déploie en dehors de
tout procès pénal, peut être critiqué. En effet, la réparation alternative évince « le jugement moral
essentiel à tout jugement de responsabilité » et empêche le coupable de rendre des comptes non
seulement à la victime mais aussi à la société237. La réparation alternative aux poursuites est donc
exceptionnelle au regard des principes du droit pénal. La réparation n’y déploie pas encore tous
ses effets pour ne pas perturber l’équilibre traditionnel selon lequel le juge pénal punit et le juge
civil répare. Mais il est des situations où le juge pénal, pour ne pas punir, a recours à la
réparation comme alternative à la peine.

237
Louis CADIET, « Sur les faits et les méfaits de l'idéologie de la réparation », in Le juge entre deux millénaires,
Mélanges offerts à Pierre Drai, Dalloz, 2000, p.495 et s.

81
Chapitre 2 : La réparation, alternative à la peine

121. Alternative aux poursuites pénales, la réparation joue aussi le rôle d’alternative à la
sanction pénale. Elle permet dans certains cas spécifiquement mentionnés par la loi d’éviter soit
le prononcé de la peine, soit l’exécution de la peine. Cet évitement de la peine accorde une place
primordiale à la réparation et nous mène à réfléchir aux objectifs du droit pénal. L’action
publique a pour objectif « l’application des peines »238 et le choix de suppléer la réparation à
l’application, voire au prononcé de la peine nous pousse à nous interroger sur le rôle que joue la
réparation dans ce cadre.

Les peines qui seront envisagées dans ce chapitre sont relatives aux infractions correctionnelles
et contraventionnelles239 en droit français et libanais et aux infractions mineures en droit anglais.
Dès l’origine, les alternatives à la peine, qualifiées de probation en Common Law240, sont
profondément liées à la peine d’emprisonnement. Celle-ci demeure la peine de référence malgré
ses effets pervers. Les alternatives à la peine ont été mises en place afin de permettre de réduire
les coûts engendrés par l’administration des prisons et d’éviter les conséquences néfastes de la
prison sur l’avenir des auteurs d’infractions considérées comme étant mineures. Ces alternatives
font partie des mesures permettant une plus grande individualisation des peines 241.

122. Les mesures alternatives à la peine prennent diverses formes. En droit français il est
question de dispense ou d’ajournement de peine, de sursis probatoire (nouvelle mesure née de la
fusion de la contrainte pénale et du sursis avec mise à l’épreuve 242) et de libération
conditionnelle. Le droit libanais connaît quant à lui le sursis et la suspension de peine. La notion
de probation, parfois retrouvée en droit français, apparaît spécifique à la Common Law dans

238
Art. 1er C. pr. pén. français, Art 132-33 C. pén. libanais.
239
A l’exception des infractions contraventionnelles dont les sanctions ne peuvent faire l’objet d’un ajournement
avec mise à l’épreuve.
240
“Although the early origins of probation were variously and unevenly shaped by a variety of mechanisms,
people, ideologies, economies and politics in diverse orderings across various jurisdictions worldwide, probation’s
one common penal cornerstone was, and continues to be, the prison” in Maurice VANSTONE, « The international
origins and initial development of probation », British journal of criminology, 2008, p.735.
241
Danièle CARON, « Dispense de peine et ajournement », Jurisclasseur Pénal Code, mis à jour le 14 janvier 2015,
Fasc.20.
242
Depuis la loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars 2019.

82
laquelle elle prend forme sous différentes mesures. M. ANCEL la définit comme étant « une
mesure restrictive de liberté comportant une suspension de peine de la mesure pénale
primitivement encourue (qu’il s’agisse d’une suspension de l’exécution ou d’une suspension de
la condamnation), une surveillance et plus spécialement une assistance éducative organisée, et
enfin une individualisation très poussée qui se manifeste à la fois dans le choix du Probationer et
du Probation Officer et dans une participation active et reconnue indispensable du délinquant à
son propre relèvement, suivant des modalités prévues par le juge dans chaque cas individuel et
toujours modifiables »243.

123. L’ensemble de ces mesures alternatives à la peine sont fondées sur la réparation et
peuvent être regroupées en deux catégories : celles qui permettent d’éviter le prononcé de la
peine (section 1) et celles qui, à la suite du prononcé de la peine, permettent d’éviter son
exécution (section 2).

Section 1 : Une alternative au prononcé de la peine

124. La question du traitement efficace des infractions mineures a permis l’avancée du


principe d’individualisation de la peine ; les objectifs visés par ce principe étant une meilleure
resocialisation des infracteurs et la prévention de la récidive. Pour favoriser l’individualisation de
la peine, les alternatives au prononcé de la sanction sont venues élargir le panel de sentences du
juge. Elles ont pour effet majeur de dissocier la responsabilité et la peine, la culpabilité et
l’imputabilité. Elles sont en quelque sorte une forme de « pardon judiciaire »244 qui opère une
« césure du procès pénal »245 en séparant la phase de la déclaration de culpabilité de celle du
prononcé de la sanction. Elles forment en cela une exception au principe énoncé à l’alinéa 1 de
l’article 464 du Code de procédure pénale français qui dispose que « si le tribunal estime que le
fait constitue un délit, il prononce la peine ».

243
Roland BERGER, Le système de probation anglais et le sursis continental, étude dogmatique, critique et de droit
comparé, Imprimerie Atar, 1953, [Th. doct. : Droit : Université de Genève]. Marc ANCEL, « Quelles mesures
seraient indiquées en lieu et place de la peine, pour tenir compte des nécessités d’une défense sociale humaine ? »,
Actes du XIIe Congrès pénal et pénitentiaire, 1951, vol. I, p.547.
244
Pierre COUVRAT, « L'ajournement du prononcé de la peine », Revue de sciences criminelles, 1985, p. 622.
245
Marc ANCEL, « La césure du procès pénal », in Mélanges en l'honneur de Louis Hugueney, Sirey, 1964, p. 205.

83
Le non prononcé d’une peine ne peut être envisagé en l’absence d’une réparation réalisée ou
réalisable. Lorsque le préjudice causé par l’infraction disparaît, l’intérêt de l’État cesserait
également, ce qui permet de confondre « une logique réparatrice avec la logique punitive »246.

Cette logique fait de la réparation un élément essentiel des alternatives au prononcé de la peine.
C’est d’une part une condition préalable à une dispense de peine (I) et d’autre part une obligation
de l’ajournement du prononcé de la peine en vue d’une éventuelle dispense de peine (II).

I. La réparation, condition de la dispense de peine

125. En France, la loi n°75-624 du 11 juillet 1975 modifiant et complétant certaines


dispositions du Code pénal introduit la possibilité d’une dispense de peine pour les
contraventions et les délits. Cette mesure permet aux magistrats de ne pas prononcer de peine à
l’encontre de l’auteur de l’infraction lorsque qu’il apparaît que son reclassement est acquis, que
le dommage causé est réparé et que le trouble résultant de l’infraction a cessé 247. La réparation
apparaît ainsi comme l’une des trois conditions de la dispense de peine.

L’équivalent en Common Law de la dispense de peine est l’ « absolute discharge »248, mesure
qui permet à la Cour de dispenser de peine l’auteur d’une infraction lorsqu’il apparaît, au regard
de la nature de l’infraction et du caractère de l’infracteur, qu’il est inopportun de prononcer une
peine249. Contrairement à la dispense de peine, la mesure anglaise ne fait pas figurer la réparation
comme une condition mais la prévoit comme une faculté pour le juge250.

Ces deux mesures accordent cependant une place particulière à la réparation, place qui se situe
entre la déclaration de culpabilité et le prononcé de la peine (A). Cette position dans le

246
Guillaume ROYER, « La victime et la peine », Dalloz, 2007, p. 1745.
247
Article 132-59 C. pén.
248
Trdl : décharge absolue, inconditionnelle, par opposition à la « conditional discharge » qui comprend la décharge
sous condition de ne pas commettre d’autres infractions pendant une durée déterminée.
249
Powers of Criminal Courts Sentencing Act (2000), Part II (12).
250
“Nothing in this section shall be construed as preventing a court, on discharging an offender absolutely or
conditionally in respect of any offence, from making an order for costs against the offender or imposing any
disqualification on him or from making in respect of the offence an order under section 130, 143 or 148 below
(compensation orders, deprivation orders and restitution orders).” in Powers of Criminal Courts Sentencing Act
(2000), Part II (12).

84
mécanisme de la dispense de peine conditionne les effets de la réparation sur la décision du juge
et sur l’action civile (B).

A. La place de la réparation dans la dispense de peine

126. La césure du procès pénal qu’opère la dispense de peine place la réparation « à mi-
chemin » entre la culpabilité de l’auteur et la peine. Elle est d’un côté une réponse apportée par
l’auteur de l’infraction à sa reconnaissance de culpabilité, et de l’autre un élément clé qui va
permettre au juge d’opter pour une dispense de peine251. La réparation fait donc suite à la
commission de l’infraction (1) et constitue un préalable à la dispense de peine (2).

1. La réparation, conséquence de la culpabilité

127. La réparation volontaire en vue du pardon. C’est d’une manière chronologique et


volontaire que la réparation peut être perçue comme une conséquence de la culpabilité.
Chronologique, car elle intervient à la suite de la commission de l’infraction qui rend son auteur
coupable, indépendamment de la déclaration de culpabilité par la Cour. Volontaire, car elle
dépend d’un choix conscient et délibéré de l’auteur de l’infraction.

La réparation des conséquences de l’infraction permet dans certains cas d’éviter les décisions de
relaxe au profit des déclarations de culpabilité car la simple survenance de la réparation pourrait
être interprétée comme une reconnaissance de culpabilité. La réparation forme ainsi l’expression
d’un « repentir actif »252 du coupable qui pourrait aboutir à l’obtention d’une dispense de peine.
Celle-ci est ainsi perçue par certains auteurs comme une forme de « pardon judiciaire »253. Ce
repentir exprimé par la réparation volontaire du dommage afin d’obtenir le pardon de la faute

251
Veronique TARDY, « L'indemnisation de la victime, condition d'octroi d'une mesure de faveur », Petites
affiches, 26 janvier 1998, 11, p.8.
252
Marie-Clet DESDEVISES, « L'opportunité d'une sanction pénale: ajournement - dispense de peine - relèvement
[Leur application par les Cours d'appel de Rennes et d'Angers] », Revue Judiciaire de l'Ouest, 1982-1, p.13.
253
Michel VAN DER KERCHOVE, Quand dire c'est punir, Essai sur le jugement pénal, Publications des Facultés
universitaires Saint Louis, Bruxelles, 2005. Danièle CARON, « Dispense de peine et ajournement », Jurisclasseur
Pénal Code, 14 janvier 2015, Fasc.20.

85
nous rappelle la présence de la réparation dans les textes religieux relatifs au pardon254. Le trait
marquant de la réparation dans la dispense de peine est son caractère volontaire qui ne dépend
pas d’une décision judiciaire. C’est un acte autonome et personnel qui permet d’opter pour une
alternative à la sanction et non une demande formulée par le juge qui oblige l’auteur à réparer les
conséquences de son acte. La réparation exprime ici une reconnaissance de sa faute par le
délinquant qui manifeste son regret par la réparation et efface les conséquences de son acte. Cette
attitude permet d’expliquer l’acceptation de la dispense de peine par la société comme réponse à
l’acte. La dispense de peine ne heurte donc pas la morale car elle a été méritée 255.

En ce qui concerne l’absolute discharge, la réparation n’est qu’une obligation que le juge peut
imposer lorsqu’il opte pour une dispense de peine 256 car sa décision est fondée sur la nature de
l’infraction et la personnalité de l’infracteur. Elle n’intervient donc pas nécessairement avant la
décision du juge. La question de la protection des intérêts de la société, et particulièrement de la
victime, se pose dans cette situation sauf si la prise en compte de la personnalité de l’auteur de
l’infraction suppose son intention réparatrice mais rien dans les textes n’y fait allusion. Par
ailleurs, la déclaration de culpabilité est perçue comme assez stigmatisante socialement pour
qu’une peine supplémentaire soit nécessaire257.

128. La réparation et la déclaration de culpabilité. La déclaration de culpabilité joue


un rôle important du point de vue de la victime et de l’auteur de l’infraction. Ce dernier effectue,
par la prise de conscience de sa faute, un premier pas vers sa resocialisation. L’absence de
prononcé d’une peine dans le mécanisme de la dispense fait de la déclaration de culpabilité la
seule expression de la désapprobation de l’acte par la société. Il n’y a pas absence de réponse
pénale en l’absence de peine. La déclaration de culpabilité est en effet la réponse apportée par le
droit pénal. Cette culpabilité est mentionnée sur le casier judiciaire de l’intéressé,
obligatoirement en droit anglais, facultativement en droit français. Elle est aussi retranscrite sur

254
Voir supra n° 9. G. LEVASSEUR a même qualifié la dispense de peine d’ « absolution judiciaire » (in
L’absolution en droit pénal, Liber Amicorum Bekaert, Gand, 1977).
255
Danièle CARON, « Dispense de peine et ajournement », Jurisclasseur Pénal Code, 14 janvier 2015, Fasc.20.
David SMITH et Maurice VANSTONE, « Probation and social justice », British journal of social work, 2002, n° 32,
p.818: “the individual had to qualify for the benefits of social justice by demonstrating their deservingness”.
256
La réparation se fera à travers un “compensation order”.
257
Michel VAN DER KERCHOVE, Quand dire c'est punir, Essai sur le jugement pénal, Publications des Facultés
universitaires Saint Louis, Bruxelles, 2005.

86
le fichier national automatisé des empreintes génétiques depuis 2010 en France258. Cependant, la
dispense de peine n’est pas une décision de condamnation, elle fait suite à une déclaration de
culpabilité. L’infraction qui en est l’objet n’est donc pas comptabilisée pour l’établissement
d’une situation de récidive 259.

La dispense de peine permet néanmoins la reconnaissance de la responsabilité pénale de l’auteur


de l’infraction. Cette reconnaissance sert la victime d’abord d’un point de vue psychologique car
elle est reconnue dans son statut de victime et ensuite d’un point de vue matériel du fait de la
réparation des dommages issus de l’infraction.

129. La réparation, entre responsabilité pénale et responsabilité civile. La dispense


de peine permet d’affirmer la responsabilité pénale du coupable, responsabilité qui est la
condition de l’indemnisation au civil. L’article 132-58 du Code pénal dispose qu’ « en même
temps qu’elle se prononce sur la culpabilité du prévenu, la juridiction statue, s’il y a lieu, sur
l’action civile ». La réparation, condition de la dispense et dont l’exécution est préalablement
effectuée, viderait l’action civile de son sens dans ce cas. Elle ne peut pas être à la fois une
condition et une conséquence de la dispense de peine.

Deux cas de figure peuvent ainsi être envisagés : d’une part, lorsque la réparation a été
entièrement accomplie et que la question de l’action civile est uniquement envisagée de manière
formelle afin d’affirmer l’exécution de la réparation ; d’autre part, lorsqu’il existe plusieurs
parties civiles, par exemple l’une personne physique et l’autre personne morale, la demande en
réparation de la dernière devant être tranchée.

Un troisième cas de figure peut être envisagé au regard du pouvoir discrétionnaire du juge
d’opter pour la dispense de peine, pouvoir qui ne l’oblige pas à motiver sa décision. Dans
certains cas, la dispense de peine est prononcée par le tribunal sans que le jugement ne précise si
les conditions de la dispense de peine ont été réunies. Il a ainsi été jugé « qu’au vu des
circonstances de la cause, de l’ancienneté de l’affaire, le trouble résultant de l’infraction ayant

258
Ce fichier rassemble depuis 2010 les empreintes des personnes déclarées coupables, en plus des personnes
condamnées. Voir Loi n° 2010-242 du 10 mars 2010.
259
Art. 132-58 et s. relatifs à la dispense de peine et art 132-10 C. pén. qui prévoit que le premier terme d’une
récidive doit être constitué par une condamnation définitive. Voir aussi: Observations de M. Robert, avocat général,
relatives à l’avis de la Cour de cassation du 18 janvier 2010 n°0090005P.

87
cessé, il convient de dispenser le prévenu de peine » 260. Et c’est suite à la dispense de peine que
la Cour statue sur les intérêts civils en se basant sur les requêtes des victimes. Ce cas de figure
sera plus longuement détaillé dans les développements qui suivent et qui concernent les pouvoirs
des juges sur les conditions de la dispense de peine, notamment la condition de réparation 261.

2. La réparation, préalable de la dispense de peine

130. L’opportunité de la peine suite à la réparation. La question qui se pose est celle
de l’opportunité de la peine, à la suite de la réalisation de la réparation par l’auteur de
l’infraction. Les développements ci-dessus ont montré le sens que porte la réparation pour
l’auteur comme pour la victime, que ce soit du point de vue de la reconnaissance de culpabilité
ou du point de vue du pardon exprimé par les actes réparateurs. C’est en effet sur la base de la
situation au moment du jugement que les magistrats évaluent l’opportunité de prononcer une
peine ou au contraire d’en dispenser le délinquant. La survenance des trois conditions de la
dispense de peine rend l’infraction, au moment de la décision du juge, obsolète et dépassée. La
réparation du dommage, la cessation du trouble causé et le reclassement du coupable modifient
en effet largement la situation, au point de remettre en question la nécessité de la peine.

La réparation occupe parmi les conditions de la dispense de peine une place primordiale de par la
facilité de sa vérification matérielle. En effet, elle sert d’indicateur matériel important pour la
détermination du reclassement du coupable et de la cessation du trouble causé par l’infraction car
c’est par la réparation que le reclassement peut être atteint et que le trouble causé peut cesser.
Les trois conditions de la dispense sont liées, de sorte que la réalisation de l’une a une incidence
sur les autres : la réparation du dommage fera disparaître une partie du trouble causé par
l’infraction et met en bonne voie le reclassement du coupable 262. D’autres éléments peuvent
également entrer en ligne de compte, comme la formulation d’excuses par le délinquant, ou son
choix d’intégrer des programmes de soutien et de traitement, mais c’est la réparation des
dommages issus de l’infraction qui joue un rôle déterminant dans l’évaluation de la situation au
moment du jugement.

260
CA Metz, 21 avril 1983, D. 1983 p. 567, note Andrée Mayer-Jack et Danièle Mayer.
261
Infra n°133 et s.
262
Claire SAAS, L'ajournement du prononcé de la peine, Dalloz, Nouvelles Bibliothèque de Thèses, 2004, p. 136.

88
L’article 130-1 du Code pénal définit les fonctions de la peine comme permettant de sanctionner
l’auteur de l’infraction et de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion. L’alinéa
1er précise que la peine vise à assurer la protection de la société, à prévenir la commission de
nouvelles infractions et à restaurer l’équilibre social dans le respect des intérêts de la victime.
Ces fonctions de la peine rejoignent les conditions de la dispense de peine : la cessation du
trouble résultant de l’infraction revient à assurer la protection de la société ; l’assurance du
reclassement du coupable permet de prévenir la commission de nouvelles infractions ; la
réparation du dommage causé permet de rétablir l’équilibre social dans le respect des intérêts de
la victime.

Une fois ces objectifs atteints, le prononcé d’une peine n’a plus lieu d’être car la cause n’existe
plus. La peine n’est désormais ni nécessaire ni opportune. A cet égard, il existe entre le droit
français et le droit anglais une différence de perception. En droit français, la peine n’est plus
nécessaire alors qu’en droit anglais l’acte n’est plus punissable. La différence est à peine
perceptible mais si on la regarde du point de vue des conditions de la dispense de peine et de
l’absolute discharge, on comprend que c’est la réparation qui neutralise le besoin de recourir à
une peine en droit français alors que le caractère punissable de l’acte en droit anglais ne dépend
pas de la réparation mais de sa nature et de la personnalité de son auteur.

131. L’absence de prononcé de toute peine à la suite de la réparation. Le choix du


juge d’opter pour une dispense de peine a une signification particulière mise en avant par l’arrêt
Biancale263 de la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Selon cet arrêt, le juge qui
dispense de peine le prévenu ne peut prononcer aucune peine. Ainsi, le juge ne peut dispenser de
peine un prévenu après avoir prononcé une peine. Dans la procédure pénale, les articles 469-1 et
469-2 du Code de procédure pénale prévoient que le tribunal peut, « après avoir déclaré le
prévenu coupable, le dispenser de peine ». Il ne peut donc formellement pas prononcer la peine
qui aurait pu être la réponse à l’acte délictueux, même en guise d’avertissement 264, en vue peut-
être de prévenir la commission de nouvelles infractions. Cette précision est importante pour

263
Cass. Crim. 27 novembre 1978: Bull. Crim. n°332; D. 1979 IR 271 ; Gaz. Pal 1979.2.311, Revue de sciences
criminelles 1980 p.115 obs. Larguier ; Jean PRADEL et André VARINARD, Les grands arrêts du droit pénal
général, 5e éd., Dalloz, 2005, p. 704.
264
Jean PRADEL et André VARINARD, Les grands arrêts du droit pénal général, 5e éd., Dalloz, 2005.

89
préserver le sens de la dispense de peine. Si un avertissement semble nécessaire c’est que le
reclassement du prévenu n’est pas encore acquis et que la dispense n’est pas la réponse adéquate
à l’acte délictueux. Le prononcé d’une peine dans le jugement suppose une condamnation, ce que
n’est pas la dispense de peine. Celle-ci se limite à la déclaration de culpabilité. Elle n’est donc
pas prise en compte pour la récidive et peut ne pas être inscrite sur le casier judiciaire.

B. Les effets de la réparation en matière de dispense de peine

132. La réparation comme condition de la dispense de peine n’a pas les mêmes effets sur
l’action pénale et sur l’action civile. Ses effets sur l’action pénale sont limités en raison du
pouvoir discrétionnaire des juges qui ont la faculté et non l’obligation d’opter pour une dispense
de peine (1). En revanche, la réparation a un effet direct sur l’action civile qui n’a plus lieu d’être
en cas de réparation des dommages (2).

1. Des effets limités de la réparation sur la décision du juge

133. La réparation n’emporte pas obligation de dispense de peine. Les conditions de


la dispense de peine énumérées à l’article 132-59 du Code pénal, dont la réparation des
dommages causés par l’infraction, semblent avoir des effets limités sur le pouvoir et la décision
des magistrats. En effet, la réalisation de la réparation et des deux autres conditions ne permet
pas d’écarter le pouvoir discrétionnaire du juge. D’une part, celui-ci n’est pas tenu de prononcer
une dispense de peine même si les conditions de la dispense sont réunies. D’autre part, il n’a pas
l’obligation d’indiquer dans sa décision la vérification des conditions légales de la dispense
lorsqu’il opte pour cette mesure. En ce qui concerne l’absolute discharge en droit anglais, la
question des effets de la réparation ne se pose pas car le juge s’appuie sur la nature de
l’infraction et la personnalité de l’infracteur pour opter pour une dispense de peine. L’absolute
discharge est une faculté pour la Cour qui « peut »265 y recourir.

265
Powers of Criminal Courts Sentencing Act , 2000, Part II (12): “The court may make an order either—(a)
discharging him absolutely”

90
La jurisprudence française consacre le principe selon lequel la dispense de peine est une simple
faculté accordée au juge qui n’a aucune obligation de dispenser le prévenu de peine même si les
conditions de la dispense sont réunies 266. Selon un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de
cassation du 20 novembre 1985, « même dans les cas où les conditions des articles 469-1 et 469-
2 du Code de procédure pénale sont réunies, l'application de la sanction de "dispense de peine"
est une faculté discrétionnaire dont les juges du fond ne doivent aucun compte » 267. Le pouvoir
discrétionnaire du juge explique certainement ce raisonnement de la Cour de cassation mais il
faut aussi revenir à l’origine de la dispense de peine, mesure venant proposer une alternative à la
sanction. Cette alternative est toujours une possibilité pour le juge qui a l’obligation de faire un
choix mais non l’obligation de faire un choix spécifique. Le texte de loi précise bien que le juge
« peut » accorder une dispense de peine lorsque les conditions sont réunies. Les conditions
mentionnées à l’article 132-59 du Code pénal ont donc un caractère indicatif dans le cas où le
juge envisagerait une dispense de peine.

134. La réparation, condition indicative en cas de dispense de peine ? Une deuxième


constante de la jurisprudence française tendait à permettre au juge de prononcer une dispense de
peine sans être obligé de se justifier, sur la base de son pouvoir discrétionnaire. Les arrêts de la
Cour de cassation convergeaient pour affirmer que « le juge qui, après avoir souverainement
constaté que sont remplies les conditions requises […] pour que le prévenu puisse bénéficier
d'une dispense de peine, fait application de cette mesure, use d'une faculté discrétionnaire de
268
l'exercice de laquelle il ne doit aucun compte » et que « la juridiction de proximité dispose
d’une faculté laissée à sa libre appréciation pour prononcer une dispense de peine » sans qu’elle
n’ait à caractériser chacune des conditions prévues à l’article 132-59 du Code pénal269.

Néanmoins, les juges usaient parfois de justifications très personnelles sans être obligés de
justifier le recours à la dispense de peine en caractérisant la réalisation des conditions prévues 270.

266
Danièle CARON, « Dispense de peine et ajournement », Jurisclasseur Pénal Code, 14 janvier 2015, Fasc.20.
267
Cass. crim. 20 novembre 1985, Bull. crim. 1985 n°368.
268
Cass. crim., 9 juill. 1991: Bull. crim. 1991, n° 293.
269
Cass. Crim. 28 sept. 2011, n° 11-82.469. Dans le même sens: Cass. crim., 16 sept. 2014, n° 13-85.526 : JurisData
n° 2014-020961.
270
Cass. crim., 24 juin 2014, n° 13-84.955 : JurisData n° 2014-013814: « qu'il résulte de la procédure que M. X...,
bien qu'auteur de l'infraction reprochée, est l'héritier d'une culture réunionnaise forte soudée par la solidarité

91
Le Conseil constitutionnel, dans une décision rendue le 2 mars 2018, souligne que « le principe
d’individualisation des peines implique qu’une sanction ne puisse être appliquée que si le juge
l’a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à l’espèce. Ces
exigences constitutionnelles imposent la motivation des jugements et arrêts de condamnation
pour la culpabilité comme pour la peine »271. Cette obligation de motivation a été retranscrite par
la loi du 23 mars 2019 aux articles 365-1 et 485-1 du Code de procédure pénale. La dispense de
peine étant un moyen de personnalisation des peines, elle devrait ainsi succomber à l’obligation
de motivation.

Le caractère indicatif des conditions de la dispense de peine peut être accepté dans les cas où le
juge ne souhaite pas recourir à la dispense de peine qui reste une mesure alternative à la peine.
Cependant, ce caractère indicatif ne doit pas être étendu aux cas où la dispense de peine est
accordée. Cette mesure emporte des conséquences importantes sur l’auteur de l’infraction qui
évite une condamnation pénale. En effet, ce pardon judiciaire n’implique pas automatiquement
un pardon de la victime de l’infraction. La justification de la réalisation de la réparation des
dommages, du reclassement de l’auteur de l’infraction et de la cessation du trouble causé par
l’infraction sont des éléments importants qui permettent de préserver les intérêts de la victime et
de la société. La réparation ne devrait pas être éludée au profit d’autres considérations comme le
fait que l’auteur de l’infraction ait agi avec cœur et dévouement 272 ou que les magistrats aient usé
de leur libre appréciation car cette liberté ne doit pas passer outre le respect des droits de la
victime. L’interprétation jurisprudentielle des textes relatifs à la dispense de peine rend parfois la
preuve de la matérialité de la réparation des dommages causés par l’infraction assez floue.

En droit anglais, l’aspect facultatif et discrétionnaire de la réparation est mentionné dans la


section consacrée à l’absolute discharge dans le Powers of criminal courts sentencing Act. Le
juge a en effet la possibilité d’ordonner, en plus de la dispense, un compensation order dont la

familiale et réunie autour des morts ; qu'il a agi dans la présente affaire, certes sans discernement suffisant, mais
avec cœur et un dévouement total aux membres de son association ; qu'il est conscient du nécessaire respect des
textes et a toutes les capacités pour régulariser la situation administrative de l'association Saint-Vincent de Paul ;
que, compte tenu de ces éléments, et de l'absence de toute recherche de profit de la part de M. X... dans la présente
cause, il convient de le dispenser de peine ».
271
Décision n°2017-694 QPC du 2 mars 2018, M. Ousmane K. et autres, relative à la motivation de la peine dans les
arrêts de la cour d’assises. Voir aussi : Djoheur ZEROUKI-COTTIN, « Réflexions pluridisciplinaires sur la
motivation des peines par la Cour d'assises », RSC, 2018, p.789. Armand DADOUN, « L'obligation constitutionnelle
de motivation des peines », RSC, 2018, p.805.
272
Idem.

92
nature se rapproche plus d’une obligation de payer des indemnités que d’une obligation de
réparation au sens large. Cet ordre de compensation est une faculté pour le juge.

2. Un effet direct de la réparation sur l’action civile

135. L’autorité au civil de la réparation constatée au pénal. Normalement, c’est


l’action civile qui conduit à la réparation. La dispense de peine permet d’envisager une situation
dans laquelle c’est la réparation qui empêche l’action civile. Ce cas de figure a été l’objet d’un
arrêt significatif, en date du 17 novembre 1997 273. En l’espèce, la victime avait initié une action
en réparation devant une juridiction civile à la suite d’une décision du tribunal pénal prononçant
une dispense de peine fondée sur la constatation de la réparation du dommage causé à la victime.
La Cour d’appel a déclaré son action en indemnisation devant le juge civil irrecevable car « la
constatation par le juge répressif de la réparation du dommage provenant de l’infraction, soutien
nécessaire du dispositif de sa décision à présent irrévocable, a l’autorité au civil de la chose
définitivement jugée au pénal ». Le principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal
englobe ainsi tous les éléments du jugement pénal. La constatation de la réparation comme base
de la décision de dispense de peine lui confère ainsi l’autorité de la chose jugée.

La loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 a simplifié ce


raisonnement en complétant l’article 10 du Code de procédure pénale. Ce texte permet désormais
à la victime de ressaisir la juridiction pénale lorsque celle-ci a omis de se prononcer sur une ou
plusieurs des demandes de la partie civile régulièrement constituée.

136. Intérêt de constater la réparation. L’arrêt de la Cour d’appel de Basse-Terre nous


amène à envisager l’intérêt de constater expressément la réalisation matérielle de la réparation
des dommages causés par l’infraction lors d’une décision de dispense de peine. Dans la situation
où le juge n’aurait pas inclus le critère de la réparation du dommage dans son jugement, nous
pouvons nous demander si l’arrêt de la Cour d’appel aurait été identique. Deux possibilités
peuvent être envisagées. La première consiste à dire que sur la base du pouvoir discrétionnaire

273
CA Basse-Terre, 17 novembre 1997, Gazette du Palais 1998 (1er sem.), note Henri VRAY, p.25.

93
du juge qui peut ne pas motiver sa décision, l’absence de vérification formelle de la réparation du
dommage l’empêcherait d’avoir le caractère d’autorité de la chose jugée et permettrait ainsi la
possibilité d’une action civile. La deuxième possibilité consiste à sous-entendre la réalisation des
conditions de la dispense de peine qui empêcherait à elle seule la possibilité d’intenter une action
civile en réparation.

Dans le premier cas, si l’action civile peut être reçue dans la forme, la constatation de la
réalisation de la réparation du dommage mettra fin aux prétentions de la partie requérante.
Cependant, le risque d’une contradiction ou d’une différence de jugement existe lors du
traitement de l’infraction par la juridiction civile. Cette situation permet d’insister sur l’intérêt de
constater dans le jugement de dispense de peine la réalisation de la réparation et d’en détailler ses
aspects. Les conséquences d’une telle situation restent cependant limitées aux situations dans
lesquelles il n’y a pas eu de constitution de partie civile lors du procès pénal car dans ce cas la
juridiction aurait statué en même temps sur l’action civile 274.

II. La réparation, obligation de l’ajournement en vue d’une dispense de peine

137. Un temps pour la réparation. La césure du procès pénal opérée par la dispense de
peine sépare la déclaration de culpabilité du prononcé de la sanction. Dans le cas de
l’ajournement du prononcé de la peine, cette césure marque un « temps de pause »275 qui donne
l’opportunité de revenir au procès avec de nouveaux éléments. En droit français, l’ajournement
du prononcé de la peine prend plusieurs formes : trois formes anciennes qui sont l’ajournement
simple276, l’ajournement avec mise à l’épreuve 277 et l’ajournement avec injonction278 et deux
formes plus récentes introduites par la loi du 15 août 2014279, l’ajournement aux fins

274
Article 132-58 C. pén.
275
Claire SAAS, L'ajournement du prononcé de la peine, Dalloz, Nouvelles Bibliothèque de Thèses, 2004, préface.
276
Art. 132-60 à 132-62 C. pén.
277
Art. 132-63 à 132-65 C. pén.
278
Art.132-66 à 132-70 C. pén.
279
Loi n°2014-896 du 15 août 2014, publiée au JO n°189 du 17 août 2014.

94
d’investigation sur la personnalité ou la situation matérielle, familiale ou sociale 280 et
l’ajournement aux fins de consignation d’une somme d’argent 281.

Nous écarterons dans nos développements l’ajournement avec injonction et l’ajournement aux
fins de consignation d’une somme d’argent qui par leur objet s’éloignent de l’objectif de
réparation des dommages causés à la victime. L’ajournement avec injonction vise à obtenir la
conformité aux prescriptions prévues par les lois ou règlements. L’ajournement aux fins de
consignation d’une somme d’argent vise à garantir le paiement d’une éventuelle peine d’amende.

Nous écarterons aussi l’ajournement aux fins d’investigation qui, à défaut de contenir une
condition de réparation, donne la possibilité au juge d’octroyer à la victime, immédiatement
après la décision d’ajournement, des dommages et intérêts à titre provisionnel ou définitif. Ce
type d’ajournement a des objectifs spécifiques, la réparation n’y est pas une obligation à
accomplir. Le juge statue ainsi sur les intérêts civils de la victime. Notons cependant que
l’ajournement aux fins d’investigation sur la personnalité ou la situation matérielle, familiale ou
sociale de l’auteur de l’infraction sert indirectement la réparation du dommage. En effet, à la
lecture des travaux parlementaires de la loi du 15 août 2014, on relève la volonté d’assurer une
meilleure individualisation de la peine. L’ajournement pour investigations permettrait dans
certains cas, par une meilleure connaissance de l’auteur de l’infraction, d’éviter le prononcé
d’une peine d’emprisonnement au profit d’une contrainte pénale (avant la récente abrogation de
celle-ci282), ou de prononcer une peine plus adaptée qui aura un meilleur impact sur le risque de
récidive. L’ajournement permettrait enfin une meilleure prise en compte des préjudices causés
par l’infraction et favoriserait leur réparation283.

L’ajournement simple et l’ajournement avec mise à l’épreuve visent, quant à eux,


l’accomplissement de la réparation : le premier pouvant être accordé lorsque le dommage « est
en voie d’être réparé » et le second pouvant englober dans les obligations de mise à l’épreuve

280
Art. 132-70-1 C. pén. qui fut modifié par la loi du 23 mars 2019 (la mise en vigueur des modifications est prévue
pour le 24 mars 2020).
281
Art. 132-70-3 C. pén.
282
Par la loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars 2019.
283
Projet de loi relative à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines, Étude d’impact, 7 octobre
2013, en ligne: www.legifrance.gouv.fr.

95
l’obligation de « réparer en tout ou en partie, en fonction de ses facultés contributives, les
dommages causés par l'infraction, même en l'absence de décision sur l'action civile284 ».

Le droit anglais connaît le principe de l’ajournement du prononcé de la peine par la mesure de


probation285, aujourd’hui identifiée par l’expression de « deferred sentence ». Cette mesure est
fondée sur la nature de l’infraction et sur la personnalité du coupable, comme pour l’absolute
discharge, avec la différence que dans le cas de l’ajournement, le juge doit préciser au condamné
la conduite qu’il doit avoir durant la période séparant la décision d’ajournement de la décision
sur la peine. Cette conduite peut contenir l’obligation de réparation du dommage causé à la
victime.

Le droit libanais ne connaît pas de mesure d’ajournement du prononcé de la peine. Il fera


uniquement l’objet de l’étude dans la section 2 consacrée à l’ajournement de l’exécution de la
peine.

Les mesures d’ajournement en vue d’une dispense de peine prennent en compte, de


manière spécifique, la réparation du dommage (A). La réparation, si elle est réalisée, aura ainsi
des conséquences sur l’avenir des poursuites pénales (B).

A. Spécificités de la réparation du dommage dans la mesure d’ajournement

138. Afin d’avoir recours à la mesure d’ajournement en vue d’une dispense de peine,
les critères de réalisation de la réparation sont particuliers. Il faut d’abord justifier d’un certain
degré de réparation dans le temps (1) et prouver ensuite l’implication du délinquant dans le
processus de réparation pour l’obtention d’une dispense de peine (2).

284
Art.132-45, 5° C. pén.
285
Jean PRADEL, Droit pénal général, Dalloz, 2008, p.514.

96
1. Le degré de réalisation de la réparation

139. Un critère degré-temps. L’ajournement du prononcé de la peine, simple ou avec


mise à l’épreuve, est soumis, en droit français, aux mêmes conditions que celles de la dispense
de peine, à une différence près : ces conditions sont « en voie » d’être réalisées. Ce n’est pas la
teneur des conditions mais leur degré de réalisation qui différencie la dispense de l’ajournement
de la peine. Les conditions de réparation du dommage, de reclassement du coupable et de
cessation du trouble causé par l’infraction ne sont donc pas encore remplies mais il apparaît au
juge qu’elles pourraient l’être à une échéance relativement courte. C’est l’espoir de les voir se
réaliser qui motive la décision du juge. L’expression « en voie de » utilisé à l’article 132-60 du
Code pénal renferme deux notions : le degré de réalisation, qui suppose une action déjà
entreprise, et l’assurance d’une réalisation complète dans un délai bref, qui suppose une action à
venir.

L’appréciation du degré de réalisation des conditions de la dispense de peine ne relève pas


toujours d’un calcul mathématique. Dans le cas d’un remboursement d’une somme due, une
réalisation en cours peut supposer l’exécution du paiement d’une partie de la somme et la
prévision du paiement du reste à brève échéance. Mais dans le cas d’un vol, et si la partie civile
demande la restitution de l’objet, cette restitution peut difficilement être étalée dans le temps.
Une difficulté se pose aussi dans le cas où le montant des indemnités doit être fixé par le juge, le
coupable ne pouvant donc commencer à rembourser une somme non définie. Le critère du degré
de réalisation ne peut jouer dans ce cas. Le juge pourra alors s’appuyer sur le critère temporel.
Ce critère laisse supposer que la réalisation des conditions de la dispense de peine se fera dans un
délai assez proche pour accorder une chance au coupable. Cette possibilité de réalisation des
conditions se manifeste notamment par la volonté du coupable de venir à bout du processus dans
l’espoir de bénéficier d’une dispense de peine. Ainsi, au critère objectif du degré de réalisation
s’ajoute un critère subjectif de volonté de remplir les conditions dans un délai proche.

Si on ajoute à l’imprécision textuelle de la détermination du degré de réalisation des conditions


de l’ajournement, l’appréciation souveraine du juge quant à la décision d’ajourner le prononcé de
la peine, il est possible de se demander si cette mesure n’est qu’un outil mis à la disposition du
juge qui peut décider de l’utiliser suivant son ressenti de l’affaire.

97
Le droit anglais se rapproche en cela du droit français et n’envisage l’ajournement du prononcé
de la peine que dans les obligations futures qu’il peut créer et non dans ce qui doit déjà être « en
voie » de réalisation.

140. Une obligation d’action. En droit anglais, le defferment of sentence, ou


ajournement du prononcé de la peine, permet à la Cour de prendre en considération dans la
détermination de la peine la conduite du coupable après le jugement de culpabilité et tout
changement de circonstances induisant le reclassement du coupable 286. Le Criminal Justice Act
précise que l’appréciation de la conduite du coupable inclut la réparation du dommage causé à la
victime lorsque celle-ci est possible.

En droit français, l’ajournement simple a pour condition la réparation prévisible du dommage et


l’ajournement avec mise à l’épreuve retient la même condition à laquelle s’ajoute l’obligation de
réparation comprise parmi les obligations du régime de la mise à l’épreuve 287.

La réparation du dommage est donc, dans le cas de l’ajournement de peine, plus une obligation
d’action qu’une condition. La condition étant la prévisibilité de la réalisation de la réparation du
dommage, l’obligation consiste à demander une action réparatrice au prévenu en vue d’une
possible dispense de peine. En outre, si la réparation du dommage était une condition, la dispense
de peine devrait être automatiquement accordée suite à la réalisation des conditions de
l’ajournement. Or l’obligation d’agir en vue de la réparation du dommage ne lie en aucun cas le
juge dans sa décision d’accorder une dispense de peine 288.

Mme Claire SAAS observe à juste titre qu’ « en posant cette condition au prononcé d’un
ajournement, on semble ainsi prêter, dans un jeu de miroir, une fonction réparatrice à la peine, et
par voie de conséquence, à l’ajournement du prononcé de la peine »289. Ce « jeu de miroir »
apparaît lorsque la réparation du dommage faisant suite à l’ajournement de peine permet
d’obtenir une dispense de peine. C’est la peur de la peine, la simple idée d’une peine possible,
qui permet d’obtenir une réparation du dommage. C’est donc plus exactement l’idée théorique de

286
Criminal Justice Act, Chapter 44, Schedule 23, 2003, en ligne : <www.legislation.gov.uk>.
287
Art. 132-45 (5°) C. pén.
288
Georges VERMELLE, « Conditions de l'ajournement simple (Cass. crim. 18 mai 2004, Bull.crim. n°122, JCP
2004. 2517) », RSC, 2004, p.874. Voir aussi: Cass. Crim. 2 septembre 2004, n° 03-82.965.
289
Claire SAAS, L'ajournement du prononcé de la peine, Dalloz, Nouvelles Bibliothèque de Thèses, 2004, p. 130.

98
la peine, et non son prononcé, qui aurait une fonction réparatrice, une capacité à obtenir la
réparation du dommage issu de l’infraction.

2. L’implication du délinquant pour l’obtention d’une dispense de peine

141. Partant de l’idée que dans le cadre d’un ajournement de peine, la réparation du
dommage constitue une obligation d’agir, l’implication du condamné est primordiale pour
remplir cette obligation et espérer obtenir une dispense de peine. Par son comportement, le
condamné doit accepter le principe de la réparation et doit apporter la preuve qu’aucune sanction
n’est nécessaire290.

142. L’acceptation de la réparation. L’ajournement du prononcé de la peine n’étant


pas, par nature, une sanction, la réparation du dommage doit être acceptée par le condamné pour
assurer son exécution. Elle ne peut être imposée, c’est donc volontairement qu’elle sera réalisée.

Le consentement du condamné est clairement mentionné dans le Criminal Justice Act comme
étant la première condition qui permet au juge d’exercer son pouvoir d’ajournement du prononcé
de la peine291. La décision du juge sur la peine étant dépendante du comportement futur du
prévenu, son consentement constitue une première manifestation de sa volonté de prouver son
amendement.

En droit pénal français, le consentement du condamné n’est pas expressément mentionné comme
condition nécessaire à l’ajournement de peine. Cependant, et contrairement à la mesure de
dispense de peine, la présence à l’audience du prévenu est nécessaire pour que le juge lui accorde
le bénéfice d’un ajournement du prononcé de la peine 292. La jurisprudence est unanime : cette
présence doit être mentionnée par le juge dans sa décision, sous peine de nullité293.

290
Marie-Clet DESDEVISES, « L'opportunité d'une sanction pénale: ajournement - dispense de peine - relèvement
[Leur application par les Cours d'appel de Rennes et d'Angers] », Revue Judiciaire de l'Ouest, 1982-1, p.4.
291
Criminal Justice Act 2003, Schedule 23, 1 (3): “The power conferred by subsection 1 above shall be exercisable
only if the offender consents…”
292
Art. 132-60 et 132-63 c. pén.
293
Crim. 22 mai 1986, Bull. crim. n°166; Crim. 17 novembre 1987, Bull. crim. n°414 ; Crim, 24 mars 2015, Dalloz
2015 p.735.

99
Il est évident que cette condition de présence du prévenu manifeste le besoin de recueillir
l’acceptation par le condamné des obligations qui découleront de l’ajournement de peine. Cela
permet au juge de s’assurer qu’ils se sont entendus sur la procédure qui doit suivre. Mme SAAS
parle d’une forme d’« engagement moral »294 entre le juge et le condamné. Cette notion
d’engagement apparaît de manière encore plus poussée dans un rapport de l’Assemblée
Nationale précisant que « le tribunal conclut une sorte de contrat avec le prévenu. C’est pourquoi
l’ajournement du prononcé de la peine ne peut évidemment être prononcé en cas de jugement par
défaut ; le prévenu doit comparaître personnellement »295.

Le terme de contrat employé dans ce rapport doit, nous semble t-il, être évité car il pourrait sous-
entendre l’existence d’obligations à la charge des deux parties. Or le juge n’a aucune obligation
vis-à-vis du condamné et n’est pas contraint de prononcer une dispense de peine même lorsque la
réparation est prouvée. On pourrait de même y voir une forme de contrat unilatéral, mais l’idée
que le juge puisse conclure une forme de contrat avec le condamné reste surprenante.

143. La charge de la preuve de la réparation. L’ajournement du prononcé de la


peine permet, une fois le délai écoulé, de pouvoir constater que le dommage causé a été
réparé296. La preuve de cette constatation repose sur le condamné lui-même. Cette obligation de
rapporter la preuve de la réparation du dommage a été mentionnée pour la première fois par la
chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 16 octobre 1991297. Selon la Cour,
« il appartient au prévenu de satisfaire l’obligation prise par lui à l’audience d’ajournement, de
réparer le dommage causé par l’infraction et, à l’audience du prononcé de la peine, de rapporter
la preuve de cette réparation ». La décision de la Cour n’est pas surprenante car le prévenu est le
mieux placé pour apporter la preuve de la réparation du dommage causé par l’infraction. De plus,
l’ajournement du prononcé de la peine étant une faveur accordée par la Cour, il paraît naturel que
ce soit la personne qui en bénéficie qui supporte le poids de la preuve.

294
Claire SAAS, L'ajournement du prononcé de la peine, Dalloz, Nouvelles Bibliothèque de Thèses, 2004, p.71.
295
Claude GERBET, Rapport A.N. n° 75/1616, p.40.
296
Bernard BOULOC, « Ajournement du prononcé de la peine », RSC, 1993, p.313.
297
Cass. Crim. 16 octobre 1991, Recueil Dalloz 1992 p. 321, note J. Pradel, Bull. Crim. n°352.

100
La formulation adoptée par la Cour qui qualifie la réparation d’obligation confirme le fait que la
réparation du dommage est plus une obligation d’action qu’une condition 298. Préciser que la
réparation est une « obligation prise par lui » éloigne ainsi la théorie du contrat entre le juge et le
prévenu et renforce l’idée d’un engagement moral en vue de la réparation du dommage.

En droit anglais, la situation est différente car le Criminal Justice Act prévoit la possibilité pour
le juge de décider, pendant la période d’ajournement, de faire superviser le prévenu par un
officier du local probation board299 ou par une personne qu’il juge appropriée. C’est cette
personne qui sera chargée d’apporter à la Cour les informations relatives à l’accomplissement
par le prévenu des obligations rattachées à la période d’ajournement de la peine. Du point de vue
de l’encadrement qui suit la décision d’ajournement du prononcé de la peine, la mesure de
deferment of sentence se rapproche plus de l’ajournement avec mise à l’épreuve du droit français
qui prévoit l’intervention du juge d’application des peines et/ou d’un travailleur social désigné.

B. Conséquences de la réparation sur l’avenir des poursuites pénales

144. Lorsqu’une mesure d’ajournement de peine est prise, la réalisation de la


réparation du dommage emporte des conséquences sur le jugement pénal (1) et sur l’action civile
(2).

1. Conséquences de la réparation sur le jugement pénal

145. Réparation du dommage et dispense de peine. En droit français, comme pour la


dispense de peine qui n’est qu’une faculté pour le juge, la réalisation des conditions de la
dispense suite à l’ajournement du prononcé de la peine n’oblige en aucun cas le juge à dispenser
de peine le condamné300.

298
Voir supra n° 140.
299
L’équivalent du Service pénitentiaire d’insertion et de probation français, le « local probation board » assure le
rôle du juge de l’application des peines ou du travailleur social désigné.
300
Cass. Crim., 2 septembre 2004, AJ Pénal 2005, p. 163.

101
A l’issue de la période d’ajournement, le juge peut soit dispenser le prévenu de peine, soit
prononcer la peine prévue par la loi, soit ajourner une nouvelle fois le prononcé de la peine 301. Et
comme la dispense de peine n’est qu’une possibilité pour le juge 302, l’ajournement n’aboutit pas
nécessairement, en théorie, à une dispense de peine. Dans cette optique, Mme Claire SAAS
envisage l’ajournement comme une aide à la détermination de la peine 303. On pourrait ainsi
considérer que la réparation du dommage causé par l’infraction entraînerait la détermination
d’une peine d’une autre nature, d’une durée ou d’un montant inférieurs à ce qui aurait été
prononcé en l’absence d’ajournement du prononcé de la peine.

Cependant, il apparaît plus vraisemblable que lorsqu’un magistrat décide d’ajourner le prononcé
d’une peine, c’est bien dans l’optique d’aboutir à une dispense de peine. En effet, l’objectif de
réparation du dommage causé par l’infraction tient une place centrale au sein du dispositif
d’ajournement. Si le dommage causé est réparé, le juge devrait en principe prononcer une
dispense de peine. Ce postulat est conforté par l’étude des statistiques du ministère de la Justice
qui révèlent qu’entre 2008 et 2012, le nombre de personnes physiques ayant bénéficié d’un
ajournement du prononcé de la peine est passé de 4486 à 2625, soit une baisse d’environ 58%304.
Cette baisse est significative lorsqu’elle est mise en rapport avec la nette augmentation des
mesures alternatives aux poursuites qui concernaient en 2017 36.7% des affaires
poursuivables305. La réparation du dommage ainsi acquise à travers une mesure alternative aux
poursuites diminue le nombre d’affaires qui pourraient faire l’objet d’une dispense de peine.

146. Les conceptions de la réparation à la base du jugement pénal. La réparation du


dommage causé par l’infraction à la suite de l’ajournement du prononcé de la peine a donc des
conséquences sur le jugement pénal, que ce soit en faveur d’une dispense de peine ou d’une
atténuation de la peine. Ces conséquences ont, à première vue, une origine matérielle objective :
la réparation du dommage. Si celle-ci est à l’initiative de l’auteur de l’infraction lorsqu’une
dispense de peine est directement accordée, elle ne l’est pas nécessairement lors d’un

301
Art. 132-61 et 132-65 C. pén.
302
Art 132-59 C. pén.
303
Claire SAAS, L'ajournement du prononcé de la peine, Dalloz, Nouvelles Bibliothèque de Thèses, 2004, p.140.
304
L'actualité judiciaire pénale en 2012, Sous-direction de la statistique et des études, ministère de la Justice, 2013,
p.9.
305
Les chiffres clés de la justice, Edition 2018, Sous-direction de la statistiques et des études, ministère de la Justice,
en ligne : <www.justice.gouv.fr>.

102
ajournement du prononcé de la peine. Dans ce cas, elle est proposée ou imposée par le juge, de
sorte que certains auteurs posent la question du fondement de l’indulgence accordée 306.

Si la peine se rattache uniquement à l’acte délictueux, si la peine punit l’acte, la réparation des
conséquences de l’acte permettrait une exemption de peine. Cependant, il est difficile de
dissocier la dispense de peine de l’homme car la réparation volontaire est liée à la personnalité
du délinquant. Or c’est cette « volonté » qui est discutable en matière d’ajournement du prononcé
de la peine. C’est cette volonté, caractéristique de la personnalité du délinquant, qui motive le
juge à opter pour une dispense de peine. Il y a donc deux conceptions de la réparation du
dommage en jeu : la conception objective d’une réparation matérielle du dommage et la
conception subjective qui prend en compte les efforts effectués par le délinquant et sa volonté de
réparer le dommage307. Dans le cas de l’ajournement du prononcé de la peine, nous pensons que
la réparation effective du dommage doit être combinée à la volonté et aux efforts de l’auteur de
l’infraction car ces éléments constituent aussi des indices en faveur de la détermination du
reclassement du coupable.

Cette question de conception de la réparation ne se pose pas en Common Law car le deferment of
sentence est basé sur l’appréciation de la conduite du coupable pendant la période
d’ajournement, la réparation étant un élément de cette conduite. Cette appréciation ne pouvant
être que subjective, rien ne garantit donc la dispense de peine après la période de probation.

L’ajournement du prononcé de la peine et l’obligation de réparation du dommage qu’il implique


ont ouvert la voie aux critiques : l’action publique dépendrait ainsi de considérations relatives à
l’action civile et « l’issue du procès serait subordonnée à l’accomplissement de la réparation »308.
Nous ne rejoignons pas, pour notre part, cette analyse car une dépendance à un élément est
forcée, or dans ce cas de figure, c’est un choix libre du juge qui fait de la réparation un élément
déterminant du futur jugement pénal.

306
Philippe CONTE et Patrick MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, 5e éd., Armand Colin, 2000,
p.285.
307
Dans sa thèse, Claire SAAS défend la conception subjective de la réparation: Claire SAAS, L'ajournement du
prononcé de la peine, Dalloz, Nouvelles Bibliothèque de Thèses, 2004, p.134.
308
Gabriel ROUJOU DE BOUBEE, « L'ajournement et la dispense de peine », in Mélanges dédiés à Gabriel Marty,
Université des sciences sociales de Toulouse, 1978, p.955.

103
2. Conséquences de la réparation sur l’action civile

147. Dans le cadre des mesures de dispense ou d’ajournement de peine, l’article 132-58
du Code pénal français dispose qu’« en même temps qu’elle se prononce sur la culpabilité du
prévenu, la juridiction statue, s’il y a lieu, sur l’action civile ». Ainsi, dans le cas où la partie
civile a porté son action en réparation devant le juge pénal, celui-ci doit statuer sur l’action civile
dès qu’il se prononce sur la culpabilité du prévenu. Selon la chronologie prévue par le texte, ce
n’est qu’après s’être prononcé sur l’action civile que le juge prononce la dispense ou
l’ajournement de peine.

Cette disposition pousse à la réflexion car l’action civile est une action en réparation du
dommage causé par l’infraction309 et la réparation est au cœur des mesures de dispense et
d’ajournement de peine. Si la notion de réparation du dommage ne peut être divisée de manière
pratique, car il n’y a qu’une seule réparation, la réparation peut être envisagée sur le plan
théorique du point de vue des conditions de la dispense ou de l’ajournement de peine et du point
de vue de l’objet de l’action civile. Cette dissociation théorique s’explique de manière
chronologique : la réparation-condition intervient antérieurement à la demande de réparation-
objet. Dans cette perspective, il doit donc nécessairement y avoir une influence de la réparation,
condition de la dispense ou de l’ajournement, sur la réparation, objet de l’action civile. Cette
influence est différente dans le cas d’une dispense de peine et dans le cas d’un ajournement du
prononcé de la peine.

148. Action en réparation et dispense de peine. Comme le précise l’article 132-59 du


Code pénal, la réalisation de la réparation du dommage causé par l’infraction est l’une des
conditions de la dispense de peine. Lorsque le juge envisage la possibilité d’une dispense de
peine, c’est qu’il s’est assuré de la réalisation des trois conditions de la dispense. Il a donc
considéré que les moyens mis en œuvre par le prévenu en vue de la réparation du dommage ont
permis la réalisation de celle-ci. Dans ce cas, les demandes de la partie civile en terme de
réparation seront évaluées selon la réparation déjà réalisée par le coupable. Le juge devant
statuer sur l’action civile accordera à la victime l’équivalent de ce qui a déjà été réalisé, une

309
Art. 2 C. pr. pén.

104
réparation identique. Ce n’est que de cette façon que la dispense de peine sera validée. Si la
réponse apportée à l’action civile en réparation portée devant le juge pénal était différente du
contenu de la réparation déjà réalisée par le coupable, la condition de la dispense de peine serait
invalide. L’appréciation par le juge de la réparation effectuée par le coupable antérieurement au
procès a donc une incidence directe sur la réponse apportée à l’action civile de la victime.
Cependant, si on considère qu’il n’y a qu’une seule réparation possible au dommage causé par
l’infraction, la distinction opérée plus haut peut sembler une pure figure de l’esprit. Mais comme
les prétentions des parties civiles peuvent varier, le choix d’une dispense de peine par le juge
signifierait que son évaluation de la réparation concorderait avec celle réalisée par le coupable et
non avec celle contenue dans les demandes de la victime.

149. Action en réparation et ajournement du prononcé de la peine. Dans le cas de la


mesure d’ajournement du prononcé de la peine, le lien entre la réparation, condition de la
mesure, et la réparation, objet de l’action civile, est plus complexe car la réparation en « en
voie » de réalisation. Ainsi, si on applique à la lettre l’article 132-58 du Code pénal, le juge doit
statuer sur l’action en réparation alors que les moyens mis en faveur de la réparation sont en
cours.

Cette situation nous ramène à la notion de volonté du délinquant de réparer le préjudice issu de la
commission de l’infraction. Au jour du procès, si le juge constate un début de réalisation de la
réparation, c’est que celle-ci a été entreprise volontairement par le coupable de l’infraction.

Statuer sur l’action civile avant la réalisation complète de la réparation du dommage permettrait
de préciser et de déterminer le contenu et le montant de la réparation. Le jugement ôterait ainsi
tout le caractère volontaire de la réparation qui est à la base de la décision d’ajournement. La
décision sur l’action civile va tracer la voie de l’avenir de la réalisation de la réparation du
dommage par le coupable qui devra satisfaire les exigences posées par la décision du juge 310.

150. Ainsi, il apparaît qu’au travers des mesures de dispense de peine et d’ajournement,
la considération de la réparation du dommage manifeste davantage une vision pragmatique de la

310
A titre d’exemple: CA de Toulouse, 3e chambre correctionnelle, 11 février 1999, Borrego-Nunez c/Ministère
public, D. 2015.

105
justice pénale au détriment de la symbolique du procès pénal. Il s’agirait moins de montrer
l’exemplarité de la peine comme réponse à la délinquance mais d’assurer la réparation du
dommage causé par l’infraction dans un but de reclassement et de resocialisation du coupable et
de satisfaction des revendications des victimes. La réparation du dommage joue dans ce cas de
figure le rôle d’alternative au prononcé de la peine. Ce n’est pas la peine qui met fin au trouble
causé à l’ordre social mais la réparation, plus adaptée aux troubles mineurs. La réparation accède
ainsi au rang de réponse pénale à l’infraction. Mais lorsque le prononcé de la peine est
nécessaire, la réparation intervient comme alternative à l’exécution de la peine.

Section 2 : Une alternative à l’exécution de la peine

151. Les développements ci-dessus ont permis de mettre en relief le rôle et la présence
constante de la réparation du dommage dans les mesures alternatives au prononcé de la peine. Il
aurait sans doute fallu préciser « de toute peine » car ces mesures alternatives concernent des
peines de différentes natures (peine d’emprisonnement, amende, etc.). En revanche, dans le cas
de l’étude de la réparation comme alternative à l’exécution de la peine, il apparaît très
rapidement, au regard des mesures concernées, qu’il s’agit principalement de trouver une
alternative à la peine d’emprisonnement afin de permettre l’exécution de la peine en milieu
ouvert, au sein de la société.

Opter pour une alternative au prononcé de la peine permet de dissocier la déclaration de


culpabilité du prononcé de la peine. Le choix d’une alternative à l’exécution de la peine permet
de dissocier la condamnation (donc le prononcé d’une peine) et l’exécution de la peine, ici la
peine d’emprisonnement. Cette dissociation se manifeste lors du procès mais est surtout visible
dans la mise en œuvre des alternatives à l’exécution de la peine, souvent déléguées à des
institutions non étatiques. En Angleterre, une réforme, entamée en 2013 et aboutie en 2015,
intitulée « transforming rehabilitation » vise même la privatisation de la probation, mettant hors
circuit étatique l’exécution des mesures alternatives.

Le droit français, le droit libanais et le droit anglais offrent une diversité de mesures alternatives
à l’exécution de la peine d’emprisonnement qui peuvent être divisées, selon leur nature, en deux

106
catégories: les mesures alternatives à l’exécution de la peine d’emprisonnement (I) et les peines
alternatives à l’exécution de la peine d’emprisonnement (II). La réparation du dommage causé
par l’infraction est un élément commun à ces deux catégories de mesures mais sa présence
permet aussi de questionner l’intérêt d’avoir une telle diversité de mesures et de peines
alternatives.

I. La réparation dans les mesures alternatives à l’exécution de la peine


d’emprisonnement

152. La possibilité d’éviter l’exécution de la peine d’emprisonnement existe en droit


français, en droit libanais et en droit anglais. C’est surtout l’exécution de courtes peines
d’emprisonnement, lesquelles engorgent les prisons et favorisent la récidive, qui motive le
recours à des mesures alternatives. La réparation du dommage causé par l’infraction fait partie de
ces mesures alternatives qui peuvent être mises en œuvre avant l’application de la peine
d’emprisonnement (A), en évitant au condamné l’incarcération, ou lors de l’application de la
peine d’emprisonnement, pour éviter au condamné d’exécuter sa peine dans sa totalité ou pour
récompenser l’exemplarité de son comportement en prison (B).

A. La réparation dans les mesures pré-emprisonnement

153. La mesure principale en droit français est le sursis311, il a pour origine la probation
anglaise312. En droit pénal français, il se présentait sous plusieurs formes : le sursis simple, le
sursis avec mise à l’épreuve et le sursis assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt
général313. Nous ne traiterons pas dans cette partie du sursis simple qui ne comprend pas
d’obligation de réparation et qui est accordé dans le but d’éviter la peine d’emprisonnement et
d’individualiser la peine. Le sursis avec mise à l’épreuve ainsi que le sursis assorti de

311
Arts. 132-29 à 132-39 C. pén.
312
Muriel GIACOPELLI, « Sursis avec mise à l'épreuve », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, janvier
2011.
313
Veronique TARDY, « L'indemnisation de la victime, condition d'octroi d'une mesure de faveur », Petites
affiches, 26 janvier 1998, 11, p.8.

107
l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général314 peuvent tout deux être assortis d’une
obligation de réparer les dommages causés par l’infraction. Ces deux formes de sursis ont été
fusionnés en un « sursis probatoire » par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour
la justice en date du 23 mars 2019. La mise en vigueur de cette modification a cependant été
reportée au 24 mars 2020.

Le sursis existe en droit pénal libanais sous une seule et unique forme qui comprend le
« dédommagement de la partie civile ». La Common Law anglaise surnomme cette forme de
probation le suspended sentence order315 ou suspended sentence of imprisonment.

Toutes ces mesures laissent, chacune d’une façon particulière, une place à la réparation du
dommage (1). La portée de la réparation est cependant différente selon le type de sursis envisagé
(2).

1. La place de la réparation dans les différents types de sursis

154. La notion de réparation est présente sous différentes formes dans le sursis français,
le sursis libanais et le suspended sentence order anglais. Si l’objectif de ces mesures est
unanimement d’éviter l’exécution de la peine d’emprisonnement, la réparation du dommage y est
présentée sous un angle sensiblement différent.

155. Une réparation en demi-teinte en droit français. Le droit pénal français assortit le
sursis probatoire d’un régime particulier de « probation316 » qui, en plus d’accorder au condamné
une seconde chance, le soumet au respect de certaines mesures de contrôle317 et obligations318
pendant un délai de probation. C’est parmi ces obligations que se trouve l’obligation de « réparer
en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par l'infraction,
même en l'absence de décision sur l'action civile » (article 132-45, 5° du Code pénal)319. Si on

314
Art. 132-54 C. pén.
315
Jean PRADEL, Droit pénal général, Dalloz, 2008, p.517.
316
Nommé « mise à l’épreuve » avant la loi du 23 mars 2019.
317
Article 132-44 du Code pénal.
318
Article 132-45 du Code pénal.
319
Cette obligation restera identique pour le sursis probatoire à compter du 24 mars 2020.

108
peut regretter la place accordée à la réparation, noyée dans la liste des obligations énumérées à
l’article 132-45, il faut cependant noter qu’après comparaison des obligations, l’obligation de
réparation est la seule ayant une portée générale. Nous entendons par là qu’elle serait la seule
obligation qui pourrait être conjuguée à toute sorte de délits, les autres obligations semblant
répondre à des catégories particulières d’infractions (par exemple : se soumettre à des mesures
d’examen médical, s’abstenir de conduire certains véhicules, ne pas fréquenter les débits de
boissons, etc.). En outre, elle est la seule qui pourrait apaiser le besoin de justice de la victime de
l’infraction lorsqu’un sursis est accordé à l’auteur de l’acte délictueux.

Sous un autre angle, l’obligation de réparation du dommage tire sa force de la 2ème partie de
l’alinéa qui écarte la nécessité d’une décision sur l’action civile 320 et de son caractère réaliste qui
subordonne sa détermination aux facultés contributives du condamné. L’objectif est donc de
permettre au juge pénal d’assurer une réparation effective du dommage, indépendamment de
l’action civile et fixée de manière à rendre possible sa réalisation.

A l’obligation de réparation, la loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars


2019 ajoute dès le 24 mars 2020, suite à l’abrogation définitive du sursis-TIG, l’obligation
d’accomplir un travail d’intérêt général. La réparation indirecte deviendra aussi une option
possible du sursis probatoire.

156. Un dédommagement en droit libanais. L’article 169 du Code pénal libanais relatif
au sursis précise que le juge peut y recourir lorsqu’il prononce une peine délictuelle ou
contraventionnelle si le condamné n’a pas antérieurement encouru une peine de même nature ou
une peine plus grave. L’article 170 du même code ajoute que « le juge peut subordonner l’octroi
du sursis à une ou plusieurs des obligations suivantes : 1- que le condamné fournisse un
cautionnement préventif, 2- qu’il soit soumis au patronage321, 3- que la partie civile soit
dédommagée en tout ou en partie dans un délai qui n’excèdera pas deux ans si le fait constitue un
délit et six mois s’il constitue une contravention. »

320
Ce n’était pas le cas avant le nouveau Code pénal, la jurisprudence antérieure subordonnait l’obligation de
réparation du dommage à l’existence d’une condamnation civile (Crim. 10 déc. 1990, n° 90-82.329, Bull. crim.
n° 423 ; RSC 1992. 67, obs. Vitu).
321
Le patronage est une mesure de sûreté restrictive de liberté (article 71 du Code pénal). Il est confié à des
institutions privées reconnues par l’État. L’institution procurera du travail au patroné. Ses délégués surveilleront
discrètement sa manière de vivre et lui donneront conseil et appui [...] (article 87 du Code pénal).

109
Ce texte ne traduit pas exactement la volonté de la commission chargée de la réforme du code.
La commission a fait référence dans son rapport322 au code italien qui, sous l’impulsion des
pensées de Garofalo, a soumis l’octroi de la faveur du sursis à la réparation du préjudice causé à
la victime. Le législateur libanais a opté, comme son homologue français, pour l’octroi d’une
possibilité pour le juge de choisir parmi les obligations énumérées à l’article. La liste des
obligations ne comportant que trois choix, l’obligation de réparation est mise en relief et devrait
donc être davantage utilisée par les magistrats.

La forme libanaise du sursis se différencie du sursis français par son champ d’application : le
sursis en droit pénal libanais ne s’applique pas aux crimes. Il concerne cependant les peines
délictuelles comme les peines contraventionnelles. Il ne se limite donc pas aux seules peines
d’emprisonnement. Cette particularité permet de pallier l’absence en droit libanais de mesures
alternatives au prononcé de la peine. Il n’aurait pas été cohérent de prévoir une alternative aux
peines délictuelles et non aux peines contraventionnelles. Cela reste cependant critiquable : de la
même manière qu’il existe une échelle des peines, il devrait exister une échelle des alternatives à
l’exécution des peines compatibles avec la sévérité des peines. Les contraventions mériteraient
d’avoir en droit pénal libanais des alternatives à leur exécution plus adaptées à leur nature.

157. La réparation dans le suspended sentence order (SSO). Le suspended sentence


order, dans sa nouvelle forme introduite le 4 avril 2005323, est l’équivalent du sursis probatoire.
Il a pour objectif de réduire le recours aux peines d’emprisonnement, spécialement le recours aux
courtes peines, car il ne peut être utilisé que dans les cas où le juge prononce une peine
d’emprisonnement entre quatre et douze mois. Son champ d’application est donc plus restreint
qu’en droit pénal français qui permet le recours au sursis pour les condamnations pour une durée
pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. Le SSO est accompagné de douze obligations
parmi lesquelles le juge peut choisir 324. Parmi ces obligations figurent une condition

322
Rapport général sur la réforme pénale, commission de révision du Code pénal présidé par M. Fouad AMMOUN,
24 mars 1939, publié dans le Code pénal, Éditions Antoine 2009.
323
Il a d’abord été introduit en 1967 mais a subi diverses modifications qui ont altéré sa substance. George MAIR,
Noel CROSS et Stuart TAYLOR, The community order and the suspended sentence order, the views and attitude of
sentencers, Center for crime and justice studies, 2008, en ligne : <www.crimeandjustice.org.uk >.
324
Criminal Justice Act, Part 12, section. 190 (1), Chapter 44, 2003, en ligne : <www.legislation.gov.uk>.

110
d’activité325, définie par la section 201 du Criminal Justice Act comme étant une obligation pour
le condamné de se présenter selon un calendrier établi à des rencontres avec un officier de
probation et de participer à des activités prédéterminées. Ces activités pourraient avoir pour objet
la réparation, comme celles impliquant un contact entre les auteurs de l’infraction et les victimes.
La réparation figure donc, comme en droit français, parmi une liste d’obligations dont la mise en
œuvre dépend du choix du juge. Le recours à l’obligation d’activité ne semble pas être la voie
privilégiée, elle ne constituait que 9% des obligations prononcées dans le cadre d’un SSO au
deuxième trimestre 2012326. Ce taux peu élevé a été soulevé dans un rapport du ministère de la
Justice327 qui, à la suite d’une consultation, avait recommandé d’établir une stratégie afin de
passer d’une culture de compensation par l’État à une culture de compensation directe par le
coupable du dommage causé à la victime. Le rapport a soulevé le besoin de réformer les peines
exécutées dans la communauté, comme le SSO, afin qu’elles permettent d’accomplir cet objectif.
Cela a été mis en œuvre en théorie grâce au Offender Rehabilitation Act328 qui a modifié les
sections relatives au SSO dans le Criminal Justice Act de 2003 en introduisant une nouvelle
obligation aux douze originales : l’obligation d’effectuer une activité de réhabilitation. Cette
activité y est définie comme une activité ayant un objectif de réparation, par exemple les activités
de justice restaurative. La volonté de réforme a donc bien été traduite dans les textes mais les
statistiques actuelles ne permettent pas encore de prouver son effectivité sur le terrain.

2. La portée de la réparation dans les différents types de sursis

158. Un mode de personnalisation de la peine en droit français. La réparation occupe


une place contrastée dans les différentes formes de sursis français, libanais et anglais. C’est une
obligation que le juge peut assortir à son jugement, sans y être contraint, ce que l’on peut
regretter vu la faveur accordée par le sursis. L’évitement de la prison est perçu de différentes

325
“Activity requirement”
326
Offender management statistics quarterly, April 2010 to September 2012, England and Wales, Ministry of
Justice. En ligne sur: www.gov.uk.
327
Lord Chancellor and Secretary of State for Justice, Punishment and reform: effective community sentences,
Ministry of Justice, March 2012, p.13, en ligne : <www.justice.gov.uk>.
328
Offender Rehabilitation Act, Ministry of Justice, 2014, en ligne : <www.justice.gov.uk>.

111
manières dans les législations objet de notre étude. La question reste de savoir si cette différence
de perception a des répercussions sur la portée de la réparation du dommage.

En effet, le Code pénal français place le sursis dans la section relative aux « modes de
personnalisation des peines ». Le sursis probatoire est ainsi placé dans la même catégorie que la
dispense de peine, l’ajournement de peine et les autres mesures alternatives à la peine. Il se
distingue cependant de ces autres mesures par sa fonction : c’est une alternative à l’exécution
d’une peine déjà prononcée et non une alternative au prononcé d’une peine. Dans l’optique des
modes de personnalisation des peines, il est donc logique que l’obligation de réparation du
dommage soit une option comme une autre pour le juge.

159. Une forme de peine en droit anglais. La Common Law a une approche différente.
Le suspended sentence order figure dans la partie du Criminal Justice Act consacrée aux peines,
spécifiquement sous le chapitre des peines d’emprisonnement inférieures à douze mois. Il est
présenté en théorie comme une forme de peine d’emprisonnement effectuée dans la communauté
mais sa définition en fait une vraie mesure alternative à la peine d’emprisonnement et c’est ainsi
qu’il est perçu par les praticiens du droit 329. On aurait pu s’attendre à ce que la réparation ne soit
pas une obligation facultative pour le juge mais qu’elle fasse partie des conditions nécessaires
pour la mise en œuvre d’un suspended sentence order. Si le SSO fait partie des formes de peines
d’emprisonnement au regard de sa position dans le Criminal Justice Act, il devrait répondre aux
objectifs de la détermination d’une peine prévus à la section 142 du Criminal Justice Act : (a) la
punition des délinquants, (b) la baisse de la criminalité, (c) la réforme et la réhabilitation des
délinquants, (d) la protection de la société et (e) la réalisation de la réparation par les délinquants
aux victimes des dommages causés par leurs infractions. S’il est vrai que le SSO est une
alternative à l’exécution de la peine d’emprisonnement, la peine est tout de même prononcée et
devrait donc respecter les objectifs visés à la section mentionnée ci-dessus.

329
George MAIR, Noel CROSS et Stuart TAYLOR, The community order and the suspended sentence order, the
views and attitude of sentencers, Center for crime and justice studies, 2008, p.23, en ligne :
<www.crimeandjustice.org.uk>.

112
160. Un mode d’extinction de la peine en droit libanais. Le Code pénal libanais se
rapproche du droit anglais car il fait figurer le sursis sous le titre relatif aux condamnations
pénales et plus spécifiquement sous le chapitre relatif à l’extinction des condamnations pénales.
Le sursis y est donc perçu comme un mode d’extinction de la peine, au même titre que la
prescription, par exemple, qui figure au même chapitre. Cette catégorisation du sursis le limite à
son effet de suspension de l’exécution de la peine d’emprisonnement et ne prend pas en compte
ses objectifs de politique criminelle, tels que la personnalisation de la peine et la réhabilitation du
délinquant par l’octroi d’une seconde chance. De plus, elle ne prend pas en compte les objectifs
des éléments qui composent le sursis : le cautionnement, le patronage330 et le dédommagement
qui permettent la responsabilisation de l’auteur de l’infraction et la réparation du dommage causé
à la victime. Ce sursis, dans sa forme la plus simple, peut être qualifié, pour emprunter
l’expression à Mme Lara MOUNAYAR, d’ « embryon de sursis »331, qui, par manque de
moyens, n’a pas évolué comme le sursis en droit pénal français.

B. La réparation dans les mesures post-emprisonnement

161. Une fois la peine d’emprisonnement prononcée et mise à exécution, il semblerait


plus difficile d’envisager la réparation comme alternative aux peines d’emprisonnement.
Cependant, il existe des situations où le sursis se combine à une peine d’emprisonnement et
permet ainsi l’intégration de mesures réparatrices (1) et d’autres situations où la peine
d’emprisonnement est interrompue de manière anticipée en faveur de mesures de réhabilitation
qui devraient éviter les sorties sèches de prison par une remise en liberté progressive (2).

1. La superposition de mesures alternatives à la peine d’emprisonnement

162. La possibilité d’une peine mixte. Le droit pénal français permet au juge, dans
certaines situations, de ne pas trancher en faveur d’une peine d’emprisonnement ou d’un sursis,

330
Équivalent du travail d’intérêt général.
331
Lara MOUNAYAR, Le sursis à l'exécution de la peine: étude de droit libanais à la lumière du droit français,
[Droit pénal : Université de Poitiers et Université Saint Esprit de Kaslik : 2001].

113
mais d’opter pour une peine mixte. Ainsi, une partie de la peine sera constituée d’une peine
d’emprisonnement fixe et une autre d’une période de sursis 332. Dans le cas du sursis probatoire,
le délai de probation333 est suspendu pendant la période d’incarcération334. Les obligations, dont
l’obligation de réparation, sont donc reportées jusqu’à la remise en liberté du condamné.

Dans le cas de ces peines d’emprisonnement mixtes, le sursis probatoire, s’il favorise la
personnalisation de la peine, permet surtout de donner un sens à la peine. Lorsque la situation
personnelle de l’intéressé et les circonstances de l’infraction rendent l’application de la peine
prévue trop sévère, la juxtaposition d’un sursis vient assouplir les modalités d’exécution de la
peine335. Le régime de la mise à l’épreuve favorise aussi la mise en liberté progressive du
condamné et l’exécution des obligations choisies par le juge favorisera sa réhabilitation et sa
réinsertion dans la société.

Sous l’angle spécifique de la réparation du dommage, il faudrait distinguer les procédures


comprenant une action civile portée devant le juge pénal de celles qui n’en comprennent pas.
Dans le cas où la victime du dommage ne s’est pas portée partie civile au procès pénal, il ne
serait pas incohérent pour le juge d’assortir le sursis de l’obligation de réparer le dommage causé
à la victime. La réparation sera dans ce cas peut-être plus longue à obtenir pour la victime au
regard de la détention de l’auteur de l’infraction.

Cependant, dans le cas où la partie civile existe, le juge devra statuer sur l’action civile et juger
du montant ou de la forme de la réparation accordée à la victime de l’infraction. La réparation
retombe ainsi dans le volet civil et obéira aux règles de procédure civile336. Elle prendra
généralement la forme de dommages et intérêts alors que dans le cas où elle fait partie des
obligations du régime de probation, on pourrait imaginer d’autres formes de réparation.

163. L’imposition d’une peine mixte. Le droit anglais a une approche beaucoup plus
simple du sursis. Alors qu’en droit français, le sursis vise indirectement la personnalisation des

332
Article 132-42 al.2 C. pén.
333
A partir du 24 mars 2020, date de la mise en vigueur des modifications apportées par la loi de programmation
2018-2022 et de réforme pour la justice.
334
Article 132-43 al. 2 C. pén.
335
Sarah DINDO, Sursis avec mise à l'épreuve: la peine méconnue, Direction de l'administration pénitentiaire, mai
2011, p.15.
336
Article 10 C. pr. pén.

114
peines et la réhabilitation de leur auteur, le droit anglais s’y oblige. En effet, le Criminal Justice
Act prévoit que pour les peines d’emprisonnement inférieures à douze mois, le juge doit assortir
la peine d’une période de mise à l’épreuve pendant laquelle le condamné devra accomplir
certaines obligations337. Il doit ainsi déterminer dans son jugement la période que le condamné
devra passer en prison, celle-ci devant être comprise entre deux et treize semaines. La période
restante sera consacrée à l’exécution d’une des obligations mentionnées à la section 182 : le
travail d’intérêt général, l’obligation d’activité (définie comme comprenant une activité
réparatrice), l’obligation de suivre un programme déterminé, l’interdiction d’exercer une activité
déterminée, l’obligation de respecter un couvre-feu, etc. Cette exécution partielle en milieu
ouvert de la courte peine d’emprisonnement favorise la réalisation concrète d’une activité
réparatrice en faveur de la victime de l’infraction. Elle raccourcit aussi la période écoulée entre le
moment de la commission de l’infraction et celui durant lequel intervient la réparation du
dommage. On peut regretter dans ce cas que le caractère systématique de l’application d’une
période de sursis aux peines inférieures à douze mois ne s’applique pas à l’obligation de réparer
le dommage causé par l’infraction.

En outre, si le juge trouve la période d’incarcération trop courte (entre deux et treize semaines), il
sera tenté d’augmenter la durée de la peine d’emprisonnement à douze mois et plus afin de
contourner l’obligation de l’assortir d’une période de mise à l’épreuve 338. Cette situation agirait à
contresens de la volonté d’assortir les courtes peines d’emprisonnement d’une période de
réhabilitation.

164. L’absence de peine mixte. En droit libanais, les textes relatifs au sursis ne
mentionnent pas la possibilité d’un sursis partiel. Le sursis n’étant possible que pour les peines
délictuelles et contraventionnelles, il englobe toute la période de la peine. Cet aspect du sursis le
rend plus difficile à octroyer et n’apporte pas vraiment aux magistrats un moyen de
personnalisation de la peine. Ces derniers pourraient y recourir pour faire pression sur le
condamné en vue d’obtenir la réparation du préjudice subi par la victime de l’infraction. En

337
Criminal Justice Act, 2003, chapter 3, section 181, en ligne : <www.legislation.gov.uk>.
338
Mike MAGUIRE, Rod MORGAN et Robert REINER, The Oxford Handbook on Criminology, 4th éd., Oxford
university press, p.1009.

115
dehors de cette motivation, le sursis est rarement utilisé faute de textes législatifs le régissant et
par manque de moyens matériels de suivi du condamné, une fois le sursis prononcé.

2. L’arrêt anticipé de la peine d’emprisonnement

165. Il nous a paru intéressant de voir si la réparation du dommage existe toujours parmi
les préoccupations du juge pénal, même suite à l’exécution de la peine d’emprisonnement. Nous
nous arrêterons sur les situations d’arrêt anticipé de la peine d’emprisonnement. Le droit
français prévoit la possibilité de recourir à des aménagements de peine, le droit libanais connaît
la mesure de suspension de peine339 et le droit anglais la mesure de « release on licence ». Ces
mesures permettent toutes de mettre un terme prématuré à la peine d’emprisonnement, sans que
ce terme ne soit déterminé dès la prononciation de la peine. Le critère de réparation du dommage
causé par l’infraction y est présent sous différentes dénominations.

166. Quand la réparation devient indemnisation. Le droit pénal français prévoit


plusieurs mesures d’aménagement de peine. Nous nous concentrerons sur deux d’entre elles : la
libération conditionnelle prévue à l’article 729 du Code de procédure pénale et la réduction
supplémentaire de peine prévue à l’article 721-1 du même code. Ces deux mesures peuvent être
accordées en fonction des efforts de réadaptation sociale manifestés par le condamné et
notamment en fonction des efforts effectués en vue d’indemniser leurs victimes 340. Deux points
peuvent être soulevés :

 Les efforts d’indemnisation de la victime ne sont pas déterminants à eux seuls des efforts
de réadaptation sociale du condamné mais font partie d’un faisceau d’autres critères (la
participation à la vie de famille, l’exercice d’une activité ou d’une formation
professionnelle, etc.). En outre, l’existence de ces efforts d’indemnisation en plus
d’autres efforts ne garantit pas l’obtention de la libération conditionnelle. C’est ce que
confirme la jurisprudence341 lorsqu’elle privilégie le « principe de crédibilité de la peine »

339
La suspension de peine a un sens différent en droit français, voir article 720-1-1 C. pr. pén.
340
Articles 721 al.1 et 729 al.2, 4° C. pr. pén.
341
Cass. crim., 28 avril 2011, AJ Pénal 2012 p.107, note de Martine HERZOG-EVANS.

116
et l’intérêt de la victime qui passe aussi par l’application d’une peine et non seulement
par la réparation du dommage. Cette position peut être déplorée du point de vue de la
réinsertion sociale des détenus et de l’évitement des sorties sèches de prison, au point que
certains considèrent que c’est la généralisation de la libération conditionnelle qui
donnerait un sens à la peine, par une réflexion sur le passage à l’acte et la construction
d’un projet de réintégration sociale 342.

 C’est le terme d’indemnisation et non de réparation que l’on retrouve dans ces textes. Si
l’indemnisation renvoie à l’action de payer des indemnités, la réparation a une définition
bien plus large et englobe toute opération qui consiste à réparer quelque chose 343. Si les
termes d’indemnisation et de réparation sont souvent utilisés comme synonymes,
l’utilisation de l’indemnisation dans le cas de ces aménagements de peine est judicieux et
s’explique par la nature même de la réparation qui sera accomplie. Le détenu étant privé
de sa liberté ne pourra que verser des indemnités à la victime en vue de réparer les
conséquences de son infraction.

167. Le choix de la suspension. Le Code pénal libanais de 1983 prévoyait dans son
article 176 la possibilité d’une suspension conditionnelle d’une peine ou d’une mesure de sûreté
privative de liberté qui pouvait être subordonnée à une ou plusieurs des obligations prévues à
l’article 170 du Code pénal (relatif au sursis). Ce texte prévoit l’obligation de dédommager la
partie civile en tout ou en partie dans un délai relatif au type d’infraction. La réparation du
dommage était donc une possibilité et non une obligation en cas de libération conditionnelle en
droit libanais.

Cette forme de libération conditionnelle - de par le choix du terme de « suspension


conditionnelle » et du lien effectué avec l’article 170 du Code pénal - nous amène à penser que la
mesure prévue à l’article 176 ancien du Code pénal s’apparentait à une forme de sursis partiel
qui pouvait être prononcé suite à l’exécution d’une partie de la peine d’emprisonnement. Le
sursis partiel n’existant pas en droit libanais, la mesure de suspension conditionnelle venait

342
Philippe POTTIER, « Nouveaux aménagements de peine, libération conditionnelle et SPIP », AJ Pénal, 2005,
p.105.
343
Catherine LAZERGES, « L'indemnisation n'est pas la réparation », in La victime sur la scène pénale en Europe,
édité par P. U. FRANCE, 2008, p.228.

117
combler cette lacune pour les détenus qui présenteraient des signes d’amendement. Les articles
173 et 175 à 178 du Code pénal ont cependant été respectivement abrogés par l’article 47 de la
loi du 5 février 1948 et par l’article 7 du décret-loi n° 112 du 16 septembre 1983. Il ne reste dans
la partie du Code pénal réservée à la suspension conditionnelle de la condamnation que l’article
174 qui dispose que la suspension conditionnelle de la peine ne peut être accordée si le
condamné doit subir en fin de peine une mesure de sûreté privative de liberté. La suspension de
peine n’a point d’effet sur les peines accessoires et complémentaires. En pratique, cette mesure
est désuète, aucun condamné n’en a bénéficié jusqu’en 2016344.

168. Un choix fondé sur l’évaluation du risque. En droit anglais, le Criminal Justice
Act prévoit la possibilité d’une libération conditionnelle, appelée « release on licence », et la
confie à un organe nommé le « Parole board ». Il est précisé que cet organe prend en compte
dans son jugement le risque qui serait encouru par la société si le prévenu était libéré avant le
terme prévu345. L’évaluation de ce risque prend aussi en compte les bénéfices qui pourraient
exister en terme de réhabilitation et de réduction de la récidive. Mais dans la pesée des divers
impératifs en jeu, le risque qui pourrait être encouru par la société prend le dessus sur les
possibilités de réhabilitation346. La réparation du dommage ne rentre pas en ligne de compte dans
l’évaluation du Parole board, contrairement à la notion de risque qui occupe une place centrale.
Cependant, il semble logique de dire que la réparation pourrait aider à l’évaluation de ce risque
car un détenu qui aura réalisé la réparation du dommage causé par son infraction présente
vraisemblablement un risque moindre en cas de libération. Mais rien dans les textes ou dans les
faits ne permet d’affirmer que le critère de la réparation du dommage est pris systématiquement
en considération par le Parole board lors de son évaluation.

344
Selon les statistiques issues du programme informatique de gestion des prisons tenu par le ministère de la Justice
libanais.
345
Criminal Justice Act, Chapter 44, section 239 (6), 2003, en ligne : <www.legislation.gov.uk>.
346
David TIDMARSH, « Necessary but not sufficient », in Remorse and reparation, sous la dir. de M. COX, édité
par J. K. PUBLISHERS, 1999, p.52.

118
II. La réparation dans les peines alternatives à l’exécution de la peine
d’emprisonnement

169. Les développements ci-dessus ont permis de mettre en relief les mesures alternatives
qui permettent d’éviter l’exécution de la peine d’emprisonnement. Cette partie sera consacrée
aux peines alternatives qui jouent ce rôle 347. Il s’agit évidemment d’une différence de nature
mais cette différence ouvre la voie à une réflexion sur le lien entre la peine et la réparation,
réflexion qui sera approfondie dans la deuxième partie de cette thèse. Les peines alternatives
englobent différents types de peines : nous exclurons de nos développements les peines
privatives ou restrictives de droits qui ne comportent pas de fonction réparatrice, et nous nous
concentrerons sur les peines alternatives incluant un aspect réparateur comme, en droit français,
la contrainte pénale348, le travail d’intérêt général, la sanction-réparation, et en droit anglais, le
community order. En droit libanais, il n’existait pas de peines réparatrices alternatives à
l’emprisonnement jusqu’à l’adoption d’une loi le 26 juin 2019 qui instaure la peine de travail
d’intérêt général pour les majeurs349.

L’accent sera mis sur l’analyse de la place de la réparation dans ces peines alternatives à
l’emprisonnement. Celle-ci constitue d’une part une constante de ces peines alternatives (A) et
pourrait être d’autre part, la solution au problème de confusion des peines alternatives à
l’exécution de la peine d’emprisonnement (B).

A. La réparation, constante des peines alternatives à l’exécution de la peine


d’emprisonnement

170. La réparation semble être un élément constant des peines alternatives à l’exécution
de la peine d’emprisonnement, au point de permettre de qualifier ces peines de « peines

347
Dominique GAILLARDOT, « Les sanctions pénales alternatives », Revue internationale de droit comparé,
Avril-Juin 1994, n° 42, p.683.
348
Désormais abrogée par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, en date du 23 mars
2019.
349
Jusqu’à cette date, le travail d’intérêt général n’était prévu que dans la loi 422/2002 relative aux mineurs en
conflit avec la loi.

119
réparatrices » (1). Ces peines demeurent cependant des alternatives à l’exécution des peines
d’emprisonnement (2).

1. Des peines réparatrices

171. Si nous ne trouvons pas de peines réparatrices en droit libanais 350, le droit français et
le droit anglais sont d’un intérêt certain. En effet, nous retrouvons, en droit pénal français, des
peines fondées sur la réparation du dommage causé par l’infraction, comme la contrainte pénale
et la sanction-réparation. Nous déplorons l’abrogation récente de la contrainte pénale par la loi
de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, car même si cette peine semblait
porter à confusion, son existence permettait d’incarner un modèle de peine réparatrice. Certains
développements relatifs à la contrainte pénale restent intéressants au regard de l’aspect
comparatif de notre thèse.

Outre les peines réparatrices, il existe des peines qui ont une visée réparatrice, même si la
réparation du dommage n’est pas explicitement mentionnée au nombre de leurs objectifs, tels
que le travail d’intérêt général en droit français et le community order en droit anglais. Même si
nous saluons la volonté du législateur libanais d’adopter une loi sur le travail d’intérêt général,
première peine alternative à l’emprisonnement en droit des majeurs (après l’amende), nous ne
pouvons qu’être sceptiques (et effarés !), au regard du contenu de cette loi, tant son esprit
s’éloigne de la réparation. La loi, publiée au Journal officiel le 11 juin 2019, instaure
pratiquement une peine de travaux forcés et son adoption confirme qu’il ne suffit pas de mettre
un cadre technique aux alternatives mais qu’il faut surtout adhérer à la philosophie des
alternatives réparatrices351.

350
En ce qui concerne les majeurs, les mesures réservées aux mineurs étant traitées dans une partie qui leur est
réservée.
351
A première lecture, plusieurs critiques peuvent être adressées : la première est le lien inutile effectué avec la
peine de TIG prévue pour les mineurs qui, elle, est mieux définie dans la loi 422/2002 ; la seconde est le mode de
calcul de la durée du TIG qui selon l’article 2 de la loi équivaut à 8h de travail par jour de prison, la durée pouvant
ainsi atteindre 2920 heures pour une peine d’un an d’emprisonnement ; et la troisième étant la mention du TIG
comme alternative aux peines d’amendes prononcées à la place de l’emprisonnement, une sorte d’alternative à
l’alternative ! Enfin, la loi manque de précision au niveau de la prise en compte des droits des auteurs et des
victimes, notamment en ce qui concerne le consentement de l’auteur de l’infraction qui n’est pas requis. La peine de
TIG se rapproche plus ici des travaux forcés que des réelles alternatives réparatrices.

120
172. La combinaison peine-réparation. La contrainte pénale et la sanction-réparation
sont la manifestation flagrante de l’intégration de la réparation du dommage au sein d’une peine.
En effet, l’article 131-3 du Code pénal français qui énumère les différentes peines
correctionnelles faisait figurer – jusqu’à la loi du 23 mars 2019 - la contrainte pénale en
deuxième position après l’emprisonnement, démontrant ainsi son importance dans l’échelle des
peines352. La réparation-sanction figure quant à elle en neuvième et dernière position353. La
nature de peine de ces deux mesures ne peut donc être contestée et elle est reprise dans leurs
textes respectifs : l’article 131-4-1 relatif à la contrainte pénale disposait que « la juridiction peut
prononcer la peine de contrainte pénale » et l’article 131-8-1 du Code pénal relatif à la sanction-
réparation utilise également le terme de « peine de sanction-réparation ». D’ailleurs, la
dénomination de sanction-réparation suffit à associer les deux concepts punitifs et réparateurs.

La réparation se manifestait dans la contrainte pénale à travers les obligations et interdictions


particulières auxquelles peut être astreint le condamné, dont on retient :

 les obligations prévues à l’article 132-45 en matière de sursis354, qui mentionnent la


réparation du dommage, mesure encore trop peu utilisée 355,

 l’obligation d’effectuer un travail d’intérêt général qui, comme nous le verrons ci-
dessous, a une visée réparatrice356,

 l’injonction de soins, qui à défaut de réparer le dommage, permet de mener le condamné


sur le chemin de la réparation de soi.

352
Jean-Jacques URVOAS, Rapport sur la mise en œuvre de la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des
peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, ministère de la Justice, 2016, en ligne :
<www.justice.gouv.fr>.
353
En 8e et dernière position à compter du 20 mars 2020.
354
5° : « Réparer en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par l'infraction,
même en l'absence de décision sur l'action civile ».
355
La mesure de réparation du dommage est utilisée dans 11,5% des contraintes pénales prononcées. C’est la 3 ème
mesure la plus utilisée derrière l’exercice d’une activité professionnelle ou d’une formation et le suivi médical. Ceci
s’explique car la contrainte pénale est majoritairement utilisée dans les cas de délits routiers (conduite avec alcool ou
sous stupéfiants). Chiffres issus du Rapport sur la mise en oeuvre de la loi du 15 août 2014 relative à
l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, ministère de la Justice, 2016, en ligne :
<www.justice.gouv.fr>.
356
Le travail d’intérêt général est uniquement utilisé dans 4,9% des contraintes pénales (rapport précité).

121
La sanction-réparation est, quant à elle, fondée sur la réparation qui détermine sa définition.
Selon l’article 131-8-1 du Code pénal, « la sanction-réparation consiste dans l'obligation pour le
condamné de procéder, dans le délai et selon les modalités fixés par la juridiction, à
l'indemnisation du préjudice de la victime ». Nous aurions sans doute critiqué le traditionnel
rapprochement entre réparation et indemnisation si l’article ne prévoyait pas dans son 3 ème alinéa
la possibilité d’une réparation en nature, dépendante de l’accord de la victime et du prévenu. En
outre, le terme d’indemnisation pourrait renvoyer au vocabulaire employé par le juge civil
lorsqu’il statue sur les dommages et intérêts. L’importance de les différencier vient du fait que
rien n’empêche la victime ayant obtenu réparation au pénal de demander des dommages et
intérêts au civil, dommages et intérêts qui prendront dans ce cas un caractère punitif 357. La
réparation du dommage ne pouvant avoir lieu qu’une seule fois, toute autre forme de
compensation serait une indemnisation supplémentaire des conséquences de l’infraction.

La possibilité d’une réparation en nature prévue par la sanction-réparation est d’autant plus
importante qu’elle permet à l’auteur de contribuer effectivement à la réparation de son erreur et
donc de rétablir plus sûrement le trouble causé à l’ordre public car l’auteur de l’infraction sera au
plus près de la situation de la victime et prendra réellement conscience du dommage qu’elle a
subi358. D’autres peines, à défaut d’être centrées sur la réparation, comportent une visée
réparatrice.

173. Une peine avec un volet de réparation. Distinguer le travail d’intérêt général et le
community order de la sanction-réparation s’explique par le fait que ces peines ne ciblent pas
directement la réparation du dommage causé par l’infraction mais comporte néanmoins un aspect
réparateur. Le community order ressemble par ailleurs étrangement à la contrainte pénale.
Introduit dès le 4 avril 2005, il a permis de rassembler en une seule mesure plusieurs peines : les
community rehabilitation order, community punishment order, community punishment and

357
Patricia HENNION-JACQUET, « L'indemnisation du dommage causé par une infraction : une forme atypique de
réparation ? Dommages et intérêts, classement sous condition de réparation, sanction-réparation », RSC, 2013,
p.517.
358
Caroline GATTO, Le pardon en droit pénal, Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2014, [Droit : Université de
Nice Sophia Antipolis]: « d’un point de vue pratique, lorsque la remise en état d’un bien endommagée est réalisée
par le condamné lui-même et non par un professionnel qu’il rémunère, l’auteur inspire davantage de confiance à la
victime et à la société » , p.383.

122
rehabilitation order, drug treatment and testing order, curfew order, attendance centre order359.
Le parallèle avec la contrainte pénale qui rassemblait les obligations du sursis avec mise à
l’épreuve, le travail d’intérêt général et l’injonction de soin, semble facile à opérer, à la seule
différence que le community Order est venu remplacer les peines qu’il a absorbé, ce qui permet
d’éviter les critiques de doublons dirigées vers la contrainte pénale. Au regard des modifications
apportées par la loi du 23 mars 2019, on pourrait se demander s’il n’aurait pas mieux fallu que la
contrainte pénale absorbe le sursis avec mise à l’épreuve, le travail d’intérêt général et
l’injonction de soin afin d’éviter les doublons et par là-même sa disparition programmée du Code
pénal.

L’aspect réparateur du community order se présente dans deux des obligations qui font partie de
la liste des mesures offertes aux magistrats pour composer le community order360 :

 L’obligation d’activité, activity requirement, qui consiste en des activités à visée


réparatrice, pouvant inclure un contact entre la victime et l’auteur de l’infraction ;

 L’obligation de réhabilitation, rehabilitation activity requirement 361, qui consiste en des


activités à visée réparatrice, comme les activités de justice restaurative.

Ces deux obligations auraient été identiques sans la mention de la justice restaurative dans
l’obligation de réhabilitation, obligation qui semble avoir été introduite dans le but d’inclure la
justice restaurative parmi les mesures et peines alternatives à l’emprisonnement.

Sur un autre plan, le travail d’intérêt général qui figure à l’article 131-13 du Code pénal
français en 6ème position des peines correctionnelles, est défini à l’article 131-8 du même code
comme une « peine de travail d’intérêt général » effectuée au profit soit d’une personne morale
de droit public soit d’une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service
public, ou d’une association habilitée à mettre en œuvre des travaux d’intérêt général. Il est
comparable à l’ancienne forme du community order connu sous la dénomination de community

359
George MAIR, Noel CROSS et Stuart TAYLOR, The community order and the suspended sentence order, the
views and attitude of sentencers, Center for crime and justice studies, 2008, en ligne : www.crimeandjustice.org.uk ,
p. 7.
360
Samuel KING, Going straight on probation: desistance transitions and the impact of probation, [Th. doct. :
Philosophy : University of Birmingham : 2010].
361
Elle a été introduite par le “Offender Rehabilitation Act”, Ministry of Justice, 2014, en ligne :
www.justice.gov.uk, p. 13, section 15-(1), qui vient insérer une section 200A au “Criminal Justice Act” de 2003.

123
service order362. Si l’objectif premier du travail d’intérêt général est de punir, il comporte un
objectif réparateur indéniable. Cet objectif transparaît d’abord dans le fait que le juge essaye
autant que possible de trouver un lien entre l’infraction commise et la nature du travail d’intérêt
général choisi, et ensuite dans le fait que l’activité effectuée par l’auteur de l’infraction profite à
la communauté en réparation du trouble causé à celle-ci. Il s’agit ici d’un effort de réparation
globale envers la société, d’une réparation symbolique, plutôt que d’une action de réparation
particulière envers la victime de l’infraction.

En droit libanais, la loi du 26 juin 2019 vient modifier le code pénal en introduisant la
peine de travail d’intérêt général. Il est mentionné dans les – très brefs - motifs de la loi que la
peine ne doit pas seulement viser la répression de l’auteur de l’infraction mais aussi sa
réhabilitation en vue de sa resocialisation. Si cette définition des fonctions de la peine est
louable, la loi sur le travail d’intérêt général manque de clarté sur le sens de la mesure.

2. Des peines alternatives

174. Si ces peines figurent dans la partie de la thèse relative aux alternatives c’est qu’elles
ont pour mission d’être une alternative à l’emprisonnement. En droit pénal français, elles
pourraient pourtant avoir le caractère de peines autonomes car ce sont des sanctions pénales à
part entière qui figurent dans la liste des peines correctionnelles à l’article 131-3 du Code pénal,
au même titre que l’emprisonnement. Le droit libanais qualifie le travail d’intérêt général
d’alternative à la peine d’emprisonnement pour les contraventions et les délits et d’alternatives
aux peines d’amendes qui remplacent une peine d’emprisonnement ou une peine d’amende
additionnelle. Le droit anglais considère le community Order comme une peine à part entière et
le fait figurer dans la partie consacrée à la condamnation, sentencing, au sein du Criminal Justice
Act. Le choix a cependant été pris de les analyser dans la partie relative aux peines alternatives à
l’exécution d’une peine d’emprisonnement pour plusieurs raisons que nous développons ci-
dessous.

362
Bernard BOULOC, Droit pénal général, 23e éd., Dalloz, 2013, p. 455.

124
175. Le non-cumul avec la peine d’emprisonnement. L’article 131-9 du Code pénal
prévoit que l’emprisonnement ne peut être prononcé cumulativement avec une des peines
prévues à l’article 131-6, ou avec la peine de travail d’intérêt général. Cette interdiction de cumul
soutient le choix de qualifier d’alternatives à l’emprisonnement la peine de travail d’intérêt
général. De plus, les articles relatifs à la sanction-réparation et au travail d’intérêt général
précisent que ces mesures peuvent être prononcées « à la place » de l’emprisonnement. La
mention « à la place de l’emprisonnement » a été ajoutée à l’article 131-8 du Code pénal relatif
au travail d’intérêt général uniquement depuis la loi n°2004-204 du 9 mars 2004, soit 21 ans
après l’introduction du travail d’intérêt général. Le renforcement de la place du travail d’intérêt
général au sein de l’échelle des peines est de plus en plus souhaitée par la doctrine qui exprime la
volonté que le cette peine soit considérée comme une peine à part entière et non comme une
alternative à l’emprisonnement 363.

176. La menace d’une peine d’emprisonnement. En droit français, l’article 131-8-1 du


Code pénal français relatif à la sanction-réparation, ainsi que l’article 131-9 qui englobe les
peines prévues aux articles 131-5-1 à 131-8 du Code pénal, mentionnent la fixation par le juge au
moment du jugement de la durée de la peine d’emprisonnement qui sera appliquée en cas
d’inobservation des obligations et interdictions résultant de la peine prononcée. L’article 434-42
du Code pénal dispose que la violation par le condamné des obligations résultant de la peine de
travail d’intérêt général est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
La peine d’emprisonnement est, sans aucun doute, non cumulable avec la sanction-réparation et
le travail d’intérêt général mais elle intervient à nouveau en cas d’échec de ces peines qui sont
ainsi perçues comme une seconde chance accordée à l’auteur de l’infraction.

En droit libanais, l’article 6 de la loi du 26 juin 2019 précise qu’en cas de non-exécution de tout
ou partie du travail d’intérêt général, la peine d’emprisonnement initiale sera mise à exécution.

La situation est identique en droit anglais où en cas d’échec du community order, le juge peut
revoir le dossier comme si le community order n’avait jamais été prononcé et que l’affaire devait

363
Didier PARIS et David LAYANI, Les leviers qui permettent de dynamiser le travail d'intérêt général, Rapport
remis au Premier Ministre Edouard Philippe, Mars 2018, en ligne : <www.justice.gouv.fr>. Bruno COTTE, Pour
une refonte du droit des peines, Rapport adressé à Mme la Garde des Sceaux, ministère de la Justice, Décembre
2015.

125
être jugée à nouveau 364. Dans ce cas, et comme le community order est une alternative à
l’emprisonnement, la peine d’emprisonnement serait le choix le plus probable du juge, ce qui
mène certains auteurs à affirmer que le community order encouragerait l’emprisonnement en cas
de non réalisation des obligations qui le composent alors que d’autres alternatives prévoient
d’autres mesures, comme l’amende ou l’avertissement, en cas de non réalisation des obligations
du condamné365. Cette solution de secours vient consolider la qualification de ces peines comme
alternatives à l’emprisonnement, et les différencie des mesures alternatives, traitées au chapitre
premier, qui forment de manière plus globale des alternatives aux poursuites et interviennent plus
en amont de la procédure pénale.

177. La prise en compte du choix du condamné. Le troisième argument en faveur de la


qualification de peine alternative concerne spécifiquement le travail d’intérêt général qui selon
l’article 131-8 du Code pénal ne peut être prononcé sans le consentement du condamné, si celui-
ci est présent à l’audience366. Cette condition rend le travail d’intérêt général conforme à l’article
3 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif aux peines et traitements inhumains
ou dégradants et au travail forcé. Mais elle apporte surtout un éclairage au débat sur le caractère
de peine principale du travail d’intérêt général. En effet, depuis la loi n°2002-1138 du 9
septembre 2002, la peine de travail d’intérêt général est intégrée à l’article 322-1 du Code pénal,
avec la peine d’amende, pour les délits d’inscriptions de signes ou de dessins sans autorisation
préalable sur des façades, des voitures, etc. Le caractère de peine principale a été soulevé car le
travail d’intérêt général est mentionné dans ce texte de manière autonome, sans allusion aucune à
la peine d’emprisonnement. Cependant, la nécessité de l’accord du condamné pour la mise à
exécution du travail d’intérêt général remet en question cette autonomie. Le juge ne pourra dans
le cadre de l’article 322-1 du Code pénal, en cas de refus du condamné, que prononcer une

364
Criminal Justice Act, Chapter 44, 2003, schedule 8, p. 258, en ligne : <www.legislation.gov.uk>.
365
George MAIR, Noel CROSS et Stuart TAYLOR, The community order and the suspended sentence order, the
views and attitude of sentencers, Center for crime and justice studies, 2008, p.15, en ligne :
www.crimeandjustice.org.uk.
366
Ce consentement peut être recueilli depuis la loi n°2016-731 du 3 juin 2016 (art. 107), même en cas d’absence du
condamné à l’audience, s’il a fait connaître par écrit son accord et qu’il est représenté par son avocat.

126
amende, ce qui, pour certains, remet en question l’autorité de la justice 367 car ce serait donner le
choix de la peine au condamné.

La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice promulguée le 23 mars 2019


vient renforcer le caractère de peine du travail d’intérêt général et met un terme à ce débat en
admettant la possibilité de prononcer un travail d’intérêt général lorsque le prévenu n’est pas
présent à l’audience et n’a pas fait connaître son accord368. La mise à exécution du travail
d’intérêt général reste toutefois suspendue à l’acceptation du condamné qui, s’il refuse, se verra
imposer la peine d’emprisonnement ou l’amende fixée au préalable par la juridiction.

En droit libanais, la nouvelle loi du 26 juin 2019 instaurant la peine alternative de travail
d’intérêt général ne fait aucune référence au consentement du condamné, ce qui est regrettable
mais pas surprenant, le code pénal libanais comprenant encore la peine de travaux forcés pour les
crimes.

B. La réparation, solution à la confusion des peines alternatives à l’exécution de la peine


d’emprisonnement

178. En leur qualité d’alternatives à l’emprisonnement, les peines mentionnées ci-dessus


sont rattachées par nature à la peine d’emprisonnement. Ce rapprochement est critiquable sur
plusieurs aspects (1). De plus, la multiplicité de ces mesures conduit à une confusion dans leur
choix et leur mise en application (2).

1. La confusion entre les peines alternatives et l’emprisonnement

179. Une existence subordonnée à la peine d’emprisonnement. La pertinence de la


catégorie des peines alternatives a d’ores et déjà été relevée par la Garde des Sceaux dans la
lettre de mission adressée au Président Bruno Cotte le 31 mars 2014, chargeant celui-ci,
notamment, de réfléchir avec la commission à la simplification du panel très large des peines

367
Xavier PIN, « Le travail d'intérêt général, peine principale de référence: l'innovation en vaut-elle la
peine?», Dalloz, 2003, p.75.
368
Article 71 de la loi de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice, promulguée le 23 mars 2019.

127
alternatives ainsi qu’à la pertinence des catégories de peines principales, complémentaires et
alternatives369. Dans ce rapport, la commission propose de regrouper les peines alternatives en
deux catégories : les peines alternatives communes à l’emprisonnement et à l’amende et les
seules peines alternatives à l’emprisonnement. Cette proposition est critiquable car elle considère
toujours la peine d’emprisonnement comme la peine de référence et lui conserve une place
prépondérante dans l’arsenal des peines parmi lesquelles le juge peut choisir. Ces peines
n’existeraient qu’en tant qu’alternative à l’emprisonnement. Or les critiques auxquelles fait face
la peine d’emprisonnement 370 et la quasi-certitude qu’elle ne permet pas de lutter contre la
récidive ont conduit au mouvement d’individualisation de la peine qui incite à chercher la
meilleure peine pour chaque infraction et son auteur. L’article 3 de la loi n°2014-896 du 14 août
2015 confirme cette tendance en disposant qu’ « en matière correctionnelle, une peine
d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de
l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre
sanction est manifestement inadéquate ; dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la
personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire
l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux sous-sections 1 et 2 de la section 2 du
présent chapitre »371. Ce texte consacre le principe de subsidiarité de l’emprisonnement et devrait
amener à réduire l’automatisme du recours à la peine d’emprisonnement qui ne devrait être
utilisée qu’en dernier recours en matière correctionnelle. Le principe de subsidiarité a été
renforcé par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
qui permettra, à partir du 24 mars 2020, d’interdire le prononcé de peines d’emprisonnement
ferme inférieures ou égales à un mois. De plus, l’aménagement de peine deviendra le principe
pour les peines d’emprisonnement inférieures à six mois.

Le juge devrait ainsi rechercher la peine adéquate par elle-même sans qu’elle ne soit reliée à
l’emprisonnement. Car l’allusion à l’emprisonnement dans la définition de ces peines ne leur
accorde pas de nature propre.

369
Commission présidée par Bruno COTTE, Pour une refonte du droit des peines, Rapport adressé à Mme la Garde
des Sceaux, Ministre de la Justice, Décembre 2015.
370
De la plus traditionnelle des critiques qui qualifie la prison comme étant l’école du crime aux études qui
démontrent le effets néfastes de la prison sur la plan de la désocialisation et de la récidive. Pour plus de détails, se
référer au chapitre relatif au réalisme du droit.
371
Article 132-19 C. pén.

128
180. Un lien de dépendance critiquable. La sanction-réparation et le travail d’intérêt
général mériteraient d’avoir une nature indépendante de la peine d’emprisonnement. Ces
mesures sont en effet citées en tant que peines correctionnelles à part entière à l’article 131-3 du
Code pénal. Mais pour leur permettre d’être autonomes, la mention de la peine
d’emprisonnement dans les textes y relatifs devrait disparaître372. Les mentions « à la place de
l’emprisonnement » et « lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement » devraient être
supprimées des articles relatifs au travail d’intérêt général et à la sanction-réparation373. Dans le
cas contraire, l’article 131-3 du Code pénal ne devrait pas énumérer les peines de 1 à 8 mais il
devrait être rédigé de la sorte : la peine correctionnelle encourue par une personne physique est la
peine d’emprisonnement. Pour tout motif relié à la situation de l’auteur ou à la commission de
l’infraction mentionnée aux articles suivants, le juge peut substituer l’une ou plusieurs des peines
suivantes à la peine d’emprisonnement : le travail d’intérêt général, l’amende, etc.

Sur un autre plan, plus sociologique, qualifier ces peines d’alternatives à l’emprisonnement fait
allusion au fait que les condamnés auraient dû être emprisonnés mais ne le seront pas, ce qui peut
ne pas être accepté par la société. La mise en relief de l’aspect réparateur de ces peines
permettrait de leur donner une nature propre de peines réparatrices qui devraient pouvoir
intervenir en cas de primo-délinquance et d’infractions délictuelles mineures, sans lien avec une
éventuelle peine d’emprisonnement. Cependant, cela ne pourrait se faire qu’une fois la confusion
entre ces peines réparatrices est résolue.

2. La confusion entre les différentes peines alternatives

181. Une confusion entre la contrainte pénale et le sursis avec mise à l’épreuve,
aujourd’hui résolue. Les peines alternatives à fonction réparatrice font l’objet de critiques car
leur multiplicité crée une certaine confusion et remet ainsi en question l’utilité de certaines

372
Gérard PITTI, « La contrainte pénale, cette peine inachevée », Gazette du Palais, 13 juin 2015, n° 164. Muriel
GIACOPELLI, « La loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des
sanctions pénales: un rendez-vous manqué », AJ Pénal, 2014, p.448.
373
Le rapport du jury de consensus remis au Premier ministre le 20 février 2013 et intitulé : « Pour une nouvelle
politique publique de prévention de la récidive, Principes d’action et méthodes » recommande spécifiquement
l’instauration du peine de probation indépendante et sans lien ni référence avec l’emprisonnement, en ligne :
www.justice.gouv.fr.

129
mesures. La principale confusion touchait le sursis avec mise à l’épreuve et la contrainte pénale,
récemment abrogés par la loi 2019-22 du 23 mars 2019 et fusionné en une même mesure : le
sursis probatoire. Cette confusion ne tenait pas uniquement au fait que la contrainte pénale
renvoyait en premier lieu dans la liste de ses obligations et interdictions à celles prévues à
l’article 132-45 du Code pénal relatif au sursis avec mise à l’épreuve374. Elle relevait aussi de la
finalité des deux mesures. En effet, ces mesures visaient à éviter au condamné la peine
d’emprisonnement et la remplaçaient par des obligations et des interdictions similaires. Du point
de vue de leur domaine, ces mesures concernaient toutes deux les infractions punies de cinq ans
d’emprisonnement. En outre, le non respect de l’une ou de l’autre mesure aboutissait à la mise à
exécution d’une peine d’emprisonnement.

Mais du point de vue de leur définition, le sursis avec mise à l’épreuve était une suspension sous
condition de l’exécution de la peine d’emprisonnement, la contrainte pénale était quant à elle une
peine alternative à l’emprisonnement prononcée à titre principal et qui était non cumulable avec
l’emprisonnement. Cependant, il n’était pas certain que cette différence de nature aboutisse à une
réelle différence en pratique. D’ailleurs, c’est le rejet par les praticiens de la contrainte pénale qui
a probablement contribué à son abrogation.

La contrainte pénale visait à remplacer le sursis avec mise à l’épreuve dans le cas de personnes
nécessitant un suivi renforcé et à garder le sursis pour les infractions mineures qui nécessitent
uniquement le contrôle formel du respect des obligations du sursis375. Cette différence de degré
au niveau du suivi remet cependant en cause la définition de la probation dont l’une des bases est
le suivi individualisé du condamné. Différencier la nature de ce suivi mettrait à mal l’objectif
probationnaire des deux mesures et transmettrait un message négatif aux institutions
responsables de ce suivi.

Le point positif de la contrainte pénale était l’évaluation de la personnalité et de la situation du


condamné avant le choix des obligations et des interdictions auxquelles il sera astreint. Cette
condition n’était pas prévue dans le cadre du sursis avec mise à l’épreuve, et ne l’est pas dans le
cadre du sursis probatoire qui le remplace, mais rien n’empêche le juge de procéder à cette

374
La confusion aboutit parfois à qualifier la contrainte pénale de « fausse peine » : Pierrette PONCELA, « Les
peines extensibles de la loi du 15 août 2014 », Revue des sciences criminelles, 2014, p.611.
375
Anne GROSCLAUDE-HARTMANN, « Modalités et régime de la nouvelle peine: la contrainte pénale et le
sursis avec mise à l'épreuve », La Gazette du Palais, 23 mai 2015, n° 143.

130
évaluation. Ce point n’a pas suffit pas à évincer le sursis avec mise à l’épreuve qui garde
l’avantage de la mixité possible avec une peine d’emprisonnement et l’avantage de l’effacement
de la mesure du casier judiciaire qui sont, selon certains auteurs, les principaux atouts qui ont fait
que le sursis avec mise à l’épreuve n’a pas reculé pas devant la contrainte pénale 376.

Mais cet avis ne rejoint pas le point de vue émis par le rapport COTTE qui proposait une
promotion de la contrainte pénale au détriment du sursis avec mise à l’épreuve que la
commission en charge du rapport propose de supprimer. Pour pallier les conséquences de cette
suppression, la commission proposait la transformation du suivi socio-judiciaire en « suivi socio-
judiciaire probatoire ou de probation »377 qui pourrait suivre une peine d’emprisonnement purgée
et qui comprendrait en plus du suivi et du contrôle des mesures telles que celles prévues par
l’article 132-45 du Code pénal et telles que l’injonction de soins.

Cette proposition est critiquable car elle n’aurait servi qu’à promouvoir la contrainte pénale en
évinçant sa concurrence : le sursis avec mise à l’épreuve prononcé sans peine d’emprisonnement.
Le rapport répondait au besoin de préserver les peines mixtes en accordant au suivi socio-
judiciaire un cadre plus général. Cependant, nous pensons que la promotion de la contrainte
pénale devait se faire indépendamment du sursis avec mise à l’épreuve : le second est par
essence relié à l’emprisonnement qu’il permet d’éviter en tout ou en partie alors que la première
devait gagner en autonomie et devait devenir une peine de référence pour certaines catégories
d’infractions et de délinquants. Pourtant, le projet de loi de programmation et de réforme pour la
Justice a interrompu ce débat en fusionnant le sursis avec mise à l’épreuve et la contrainte pénale
en une nouvelle mesure, le sursis probatoire, qui consiste en un suivi avec mise à l’épreuve

376
Anne GROSCLAUDE-HARTMANN, « Modalités et régime de la nouvelle peine: la contrainte pénale et le
sursis avec mise à l'épreuve », La Gazette du Palais, 23 mai 2015, n° 143. Martine HERZOG-EVANS, « La
contrainte pénale ne marche pas... c'est donc une bonne mesure? », en ligne : <http://herzog-evans.com/la-
contrainte-penale-ne-marche-pas-cest-donc-une-bonne-mesure/>. Voir aussi dans ce sens: URVOAS JEAN-
JACQUES, Rapport sur la mise en œuvre de la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et
renforçant l'efficacité des sanctions pénales, ministère de la Justice, 2016, p.17, en ligne : www.justice.gouv.fr: au
30 septembre 2016, une contrainte pénale pour 32 sursis avec mise à l’épreuve a été prononcée en répression
d’infractions entrant dans le champ d’application de la contrainte pénale. Philippe PIROT, Brigitte POULAILLER
et Nicolas SIGLER, Le sursis avec mise à l'épreuve en 2016, Infostat Justice n°155, ministère de la Justice,
septembre 2017, en ligne : <www.justice.gouv.fr>.
377
Bruno COTTE, Pour une refonte du droit des peines, rapport adressé à Mme la Garde des Sceaux, ministère de la
Justice, Décembre 2015, p.45.

131
assorti d’un suivi socio-éducatif individualisé et soutenu et pouvant être prononcé en même
temps qu’une peine d’emprisonnement378.

182. Une confusion similaire en droit anglais. Le parallèle effectué entre la contrainte
pénale et le community order refait surface ici quant à la confusion qui peut exister entre le
community order et le suspended sentence order, deux mesures qui partagent le même contenu.
Les réflexions menées sur le community order sont, de manière surprenante, assez comparables à
celles qui visaient la contrainte pénale, notamment celles qui portent sur le caractère novateur ou
non de ces mesures qui semblent plutôt concentrer en une seule peine des mesures éparpillées
déjà existantes379. Cependant, leur définition les différencie sur le plan de leur nature : le
community order est une peine exécutée au sein de la communauté alors que le suspended
sentence order est une peine d’emprisonnement 380. C’est sans doute cette clarté qui manquait
dans les définitions de la contrainte pénale et du sursis avec mise à l’épreuve afin d’éviter la
confusion entre ces deux peines, et leur récente abrogation.

378
Loi 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, en date du 23 mars 2019. Jenny
FRINCHABOY, « Le sens et l'efficacité des peines dans la Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la
justice », AJ Pénal, 2019, p.198.
379
George MAIR, Noel CROSS et Stuart TAYLOR, The community order and the suspended sentence order, the
views and attitude of sentencers, Center for crime and justice studies, 2008, p.7, en ligne :
<www.crimeandjustice.org.uk>. Anne GROSCLAUDE-HARTMANN, « Modalités et régime de la nouvelle peine:
la contrainte pénale et le sursis avec mise à l'épreuve », La Gazette du Palais, 23 mai 2015, n° 143.
380
MAIR, CROSS & TAYLOR, p. 20.

132
Conclusion du chapitre 2

183. La réparation apparaît sous différentes formes dans les mesures alternatives au
prononcé ou à l’exécution de la peine d’emprisonnement. Condition de la dispense de peine ou
obligation de l’ajournement en vue d’une dispense de peine, la réparation pèse dans la décision
du juge pénal. Ce dernier choisit de ne pas prononcer de peine car le dommage est réparé et
l’intérêt individuel à l’action largement diminué. Dans le cadre des délits mineurs et des
contraventions, l’atteinte à l’ordre public est tellement faible que l’intérêt de l’État à prononcer
une peine est moins important que l’intérêt de la victime à recevoir une réparation. Cet intérêt
étant satisfait, l’État choisit de se limiter à une déclaration de culpabilité qui s’avère plus
proportionnée.

184. Du point de vue des alternatives à l’exécution de la peine d’emprisonnement,


l’intérêt de l’État à prononcer une peine qui sera exécutée est présent. Il s’agit plutôt
d’individualiser la peine prononcée tout en évitant la peine d’emprisonnement. Basées sur la
réparation plutôt que sur la répression, les peines à visée réparatrice créent la confusion entre les
fonctions traditionnelles du droit pénal et l’action civile. C’est le cas notamment de la sanction-
réparation. Cette confusion soulève la question de la qualification de ces mesures de peines à part
entière, question qui sera traitée dans la deuxième partie de cette thèse. Nous pouvons cependant
affirmer, au regard de l’analyse des mesures et peines alternatives à la peine d’emprisonnement,
que la réparation donne du sens à ces mesures et ces peines. Ce sens recherché dans le rapport
français sur les chantiers de la justice se traduit par une plus grande individualisation des peines
et une participation du délinquant à leur exécution, deux points qui renforcent l’efficacité des
peines alternatives381.

381
Sens et efficacité des peines, les axes de la réforme, Ministère de la Justice, mars 2018, en ligne:
www.justice.gouv.fr.

133
Conclusion du Titre 1

185. Envisager la place de la réparation au sein des alternatives aux poursuites et des
alternatives à la peine nous mène à une évidence, celle de l’intégration de cette notion au sein de
la justice pénale. En outre, qualifier les mesures étudiées dans ce titre d’alternatives à la justice
pénale ne devrait pas laisser penser qu’elles existent « en dehors » de la justice pénale. Elles
forment effectivement ce qui y est communément appelé la « troisième voie », une voie
supplémentaire et non différente, qui vient s’ajouter aux autres voies de la justice pénale. Cette
voie est encore aujourd’hui considérée comme une alternative, une bifurcation lorsqu’on ne veut
pas s’embarquer dans la voie principale, celle des poursuites pénales et de la condamnation à une
peine d’emprisonnement.

186. Les alternatives réparatrices sont toujours utilisées de manière minoritaire,


exceptionnelle. En effet, elles ne bénéficient pas du même statut que les peines de référence que
sont la peine d’emprisonnement et l’amende. Cela s’explique d’une part au regard de leur mode
de fonctionnement qui est spécifique et requiert l’implication du délinquant dans le déroulement
du processus. D’autre part, ces alternatives sont encore nouvellement introduites pour la plupart,
et n’ont sans doute pas encore gagné la confiance des magistrats.

187. Si le droit français et le droit anglais semblent bien engagés dans la voie des
alternatives réparatrices, on ne peut que déplorer l’immobilisme du droit libanais en la matière.
Pourtant, l’incapacité de la justice libanaise à faire face aux problèmes qu’elle rencontre devrait
pousser le législateur à prendre exemple sur le droit français et le droit anglais. Les mesures
alternatives comptent aussi et surtout sur le réalisme du droit pour défendre et réussir pleinement
leur intégration dans la justice pénale.

134
TITRE 2

LES MOTEURS DE LA RÉPARATION COMME ALTERNATIVE


À LA JUSTICE PÉNALE

188. Le développement des mesures alternatives réparatrices en nombre et en genres peut


paraître surprenant. Il s’explique pourtant par des facteurs qui sont les moteurs de cette
réparation alternative. La politique d’évitement des peines d’emprisonnement, dont les résultats
sont moins qu’encourageants, et des peines d’amende, dont l’exécution apparaît difficile, a
encouragé la montée de l’individualisation des peines afin de garantir leur réalisation et un
impact positif sur le délinquant. Cette individualisation des peines s’est accompagnée par la
vision d’un délinquant actif dans le processus. La passivité du délinquant qui subit sa peine est
délaissée au profit de sa participation à l’exécution de sa peine. L’individualisation, couplée au
concept de responsabilisation, font de l’implication du délinquant un moteur de la réparation
(Chapitre 1). La réparation nécessite forcément l’implication du délinquant pour sa réalisation.
Mais la philosophie de la peine véhiculée aujourd’hui promeut indirectement les mesures
réparatrices par la recherche de l’implication du délinquant.

De plus, les politiques pénales cherchent à répondre aux besoins et aux difficultés de la justice
pénale de la manière la plus concrète possible. Des défis tels que la hausse du nombre des
classements sans suite, l’insatisfaction des victimes, l’engorgement des tribunaux, les contraintes
budgétaires des acteurs judiciaires, la lutte contre la délinquance et la récidive, imposent aux
législateurs et aux gouvernements d’y faire face avec réalisme par l’adoption de politiques
concrètes. La réparation apparaît comme un outil pratique et concret pour les politiques d’action
publique et les politiques pénales. Ainsi, le réalisme du droit est aujourd’hui un moteur de la
réparation (Chapitre 2).

135
Chapitre 1 : L’implication du délinquant, facteur de réparation

189. Garantir l’implication du délinquant est la première étape d’un processus qui lui
permettra de prendre ses responsabilités, dans le cadre d’une « justice de dialogue »382 dont les
mesures seront plus efficaces car elles seront acceptées. La place qu’a pris le consentement du
délinquant en droit pénal a déjà été relevée par de nombreux auteurs dès la fin du 20e siècle et le
renforcement du consensualisme dans la procédure pénale déjà anticipé 383. Au regard des
alternatives aux poursuites ou des alternatives à la peine, la formule « un mauvais accord vaut
mieux qu’un bon procès » prend une toute autre dimension. La recherche d’un consensus au
moyen des alternatives est privilégiée. Le dialogue permet d’aboutir à une solution négociée et
non imposée384. On retrouve ainsi la notion de consentement de l’auteur de l’infraction, en droit
français et en droit anglais, dans les textes relatifs aux mesures et peines réparatrices. Cette
notion reste absente du droit pénal libanais qui consacre encore les travaux forcés parmi les
catégories des peines385, même si ces derniers ne sont pratiquement plus utilisés par les
magistrats de nos jours.

La multiplication des mesures et peines réparatrices rend l’analyse de la place du consentement


encore plus importante puisque celui-ci constitue un élément nécessaire à la réparation par le
délinquant (section 1). En effet, il caractérise la participation du délinquant au processus de
réparation (section 2).

382
J., SALVAGE, Ph. FRANCILLON, « Les ambiguïtés des sanctions de substitution », JCP, 1984, 3133.
383
Philippe SALVAGE, « Le consentement en droit pénal », Revue de sciences criminelles, 1991, p.699. Xavier
PIN, Le consentement en matière pénale, L.G.D.J, 2002. Françoise ALT-MAES, « La contractualisation du droit
pénal. Mythe ou réalité? », Revue de sciences criminelles, 2002, p.501. J-P EKEU, Consensualisme et poursuite en
droit pénal comparé, Travaux de l'Institut de sciences criminelles de Poitiers, Cujas, 1992, n°19.
384
Françoise ALT-MAES, « La contractualisation du droit pénal. Mythe ou réalité? », Revue de sciences
criminelles, 2002, p.501.
385
Articles 37 et 39 du Code pénal libanais.

136
Section 1 : Le consentement du délinquant à la réparation

190. S’il apparaît « saugrenu »386 pour certains de demander un consentement à la


sanction, il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit d’une réparation. Le consentement, dans sa
définition juridique, est « l’acceptation par une partie de la proposition faite par l’autre dans la
création d’un acte juridique. L’échange des consentements entraîne l’accord de volonté qui lie
les parties »387. Le lexique classe cette définition dans la catégorie du droit civil, pour bien la
distinguer de la définition du terme qui la suit, celle du consentement de la victime. Le
consentement de la victime est « l’acceptation par une personne de faits constitutifs d’une
infraction pénale à son encontre »388. Nous n’en sommes pas au stade de définir juridiquement le
consentement du délinquant, ce qui ne saurait tarder au regard des évolutions législatives.

L’évolution du droit pénal fait apparaître le consentement du délinquant comme une condition
nécessaire pour la mise en œuvre de mesures réparatrices (I) mais les interrogations concernant
son caractère libre et éclairé doivent être soulevées au regard de la procédure de recueillement du
consentement et du contexte vécu par le délinquant (II).

I. La nécessité du consentement à la réparation

191. La nécessité du consentement à la mesure ou à la peine réparatrice apparaît dans les


textes législatifs comme une condition obligatoire (A). Cependant, son absence de certains
textes de loi relatifs aux mesures réparatrices et les conditions de son recueil laissent penser que
cette condition est souvent bafouée (B).

386
Michel DANTI-JUAN, « Le consentement et la sanction », in La sanction du droit - Mélanges offerts à Pierre
Couvrat, puf, 2001, p.367.
387
« Lexique des termes juridiques », sous la dir. de S. GUINCHARD et T. DEBARD, 25 éd., Dalloz, 2017-2018,
p.286.
388
Idem.

137
A. Le consentement, une condition obligatoire

192. Le consentement est devenu une condition obligatoire lors de la mise en place de la
sanction de nombreuses infractions (1). Autrefois absent de la matière pénale car incompatible
avec la justice répressive, il fait son entrée dans le Code pénal français grâce aux apports du droit
international et de la tendance d’une justice réparatrice. Le recueil du consentement,
puisqu’obligatoire, doit être entouré de garanties afin de protéger son caractère libre et éclairé
(2).

1. Les raisons du caractère obligatoire du consentement

193. Les mesures et peines alternatives étudiées dans le titre premier de cette partie
n’accordent pas la même place au consentement au sein de leurs conditions d’exécution. Cela
dépend du contenu de la peine et de l’autorité judiciaire qui les propose.

194. L’autorité judiciaire en charge. La nécessité du consentement à la réparation


dépend de l’identité de l’autorité judiciaire à l’origine de la mesure réparatrice. La transaction
pénale était une mesure proposée par l’officier de police judiciaire et autorisée par le procureur
de la République389. La composition pénale est une mesure que peut proposer le procureur de la
République. N’étant pas des autorités de jugement, l’officier et le procureur ne peuvent que
proposer des mesures alternatives au délinquant qui peut les refuser ou les accepter. Le droit
anglais rejoint en cela le droit français car le consentement de l’auteur de l’infraction est requis
pour l’octroi d’une conditional caution proposée par l’agent chargé de l’enquête ou par un
procureur390.

Ce facteur peut être recoupé avec celui de la nature de peine de la mesure concernée. Si on peut
tolérer qu’une mesure soit acceptée, on ne pourrait pas en dire autant pour une peine qui par

389
Avant son abrogation par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019.
390
Criminal Justice Act, Chapter 44, 2003, Part 3 (22), en ligne : www.legislation.gov.uk.

138
nature est imposée. La sanction-réparation, peine qui comporte un objectif de réparation, ne
nécessite pas le consentement du prévenu pour leur mise en œuvre 391.

Il existe cependant, en droit français, une exception à ce principe dans des peines qui nécessitent
le consentement du prévenu, en raison de leur contenu.

195. Le contenu imposé de la peine. Le consentement à la réparation est obligatoire


lorsqu’elle intervient dans des peines qui imposent une obligation de faire au délinquant. En
effet, on retrouve dans les textes de loi relatifs au travail d’intérêt général la nécessité de
recueillir le consentement du prévenu afin de pouvoir prononcer la mesure. Depuis la
promulgation de la loi 2019-222 du 23 mars 2019, et en cas d’absence du prévenu à l’audience,
le recueil du consentement n’est plus nécessaire pour le prononcé d’un travail d’intérêt général
mais uniquement pour sa mise à exécution. Cette condition permet au droit pénal français de
rester en conformité avec ses engagements internationaux relatifs à l’interdiction des travaux
forcés392. Le travail d’intérêt général pouvant être assimilé à des travaux forcés, le recueil du
consentement de l’intéressé permet d’ôter le caractère forcé de ces travaux et de rendre
légalement acceptable le choix de sortir du schéma traditionnel de la répression.

Cependant, le travail d’intérêt général est une peine qui par nature devrait être imposée et non
acceptée. Si dans la rédaction de l’article 131-8 du Code pénal, le juge ne propose pas de travail
d’intérêt général mais le prescrit, son choix reste suspendu à l’intervention du prévenu. Le
législateur a ainsi privilégié la formulation tendant à recueillir le refus du condamné d’exécuter
un travail d’intérêt général, ce dernier n’ayant pas le droit d’accepter le travail d’intérêt général
mais « le droit de refuser l’accomplissement d’un travail d’intérêt général »393. Ce jeu de mots
cache une même réalité car ne pas refuser une peine, c’est bien l’accepter. Il n’y a peut-être pas
d’offre formulée pour parler d’acceptation mais il y a un droit de veto accordé au prévenu.

391
Il en était de même pour la contrainte pénale, abrogée par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour
la justice, du 23 mars 2019.
392
L’Organisation Internationale du Travail définit le travail forcé comme étant « tout travail ou service exigé d’un
individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de son plein gré »,
art. 2, para. 1 de la Convention n°29 de l’OIT sur le travail forcé, adoptée en 1930. Voir aussi : art. 4 de la
Convention européenne des droits de l’homme relatif à l’interdiction de l’esclavage et du travail forcé. Une requête
contre la Russie relative à une peine de travail d’intérêt général non exécutée est toujours pendante devant la Cour
(Tiunov c. Russie, requête n°29442/18), Fiche thématique en ligne sur : www.echr.coe.int.
393
Art. 131-8 C. pén.

139
La situation est similaire en matière de libération conditionnelle, mesure que le prévenu a le droit
de refuser car elle est assortie de conditions particulières, notamment celles mentionnées aux
articles 132-44 et 132-45 du Code pénal394. Ces conditions sont pourtant celles qui assortissent
aussi le sursis probatoire qui, lui, est imposé et ne nécessite pas le consentement de l’intéressé
pour sa mise en place. La nécessité du consentement en matière de libération conditionnelle
pourrait s’expliquer par les mesures d’aide et de contrôle supplémentaires prévues aux articles
D.532 à D.536 du Code de procédure pénale 395 (comme le suivi renforcé du SPIP, ses visites à
domicile et au lieu de travail, la remise du compte nominatif au SPIP, l’engagement dans
l’armée, etc.). Cependant, ces mesures sont nettement moins contraignantes que
l’emprisonnement, l’imposition du recueil du consentement du prévenu semble inutile au regard
de l’allègement de la peine.

En Common Law, le consentement à la réparation n’est pas requis pour les mesures de
suspended sentence order et de community order. Ces peines et leur contenu (activité de
réparation, travail non payé) sont imposés, à l’exception des obligations de soins ou de
traitements lesquelles, si elles sont inclues dans les obligations proposées par le juge, doivent être
acceptées par l’auteur de l’infraction.

Le consentement à la réparation n’est pas requis non plus en droit libanais en ce qui concerne le
sursis396, le juge pouvant subordonner l’octroi du sursis au dédommagement de la victime sans
recueillir le consentement de l’intéressé.

Il ne suffit pas que le consentement soit obligatoire pour préserver les droits des auteurs
d’infraction, encore faut-il qu’il soit entouré de garanties visant à assurer son caractère éclairé.

2. Les garanties du consentement

196. Des garanties pour la reconnaissance de culpabilité. L’une des premières


conséquences du consentement de l’intéressé est la reconnaissance de culpabilité qu’il induit
dans le cas des mesures alternatives aux poursuites. L’article 41-2 du Code de procédure pénale

394
Philippe SALVAGE, « Le consentement en droit pénal », Revue de sciences criminelles, 1991, p.699.
395
Xavier PIN, Droit pénal général, 8e éd., Dalloz, 2016, p.472 et s.
396
Articles 169 et s. du Code pénal libanais.

140
relatif à la composition pénale prévoit explicitement dans son alinéa premier la condition de
reconnaissance de culpabilité. Cette reconnaissance est sous-entendue dans l’acception de la
proposition de médiation pénale, mesure alternative aux poursuites. Pour sa part, le Conseil
constitutionnel estime qu’il n’y a pas atteinte à la présomption d’innocence et qu’aucune
exigence constitutionnelle « ne fait obstacle à ce qu’une personne suspectée d’avoir commis une
infraction reconnaisse librement sa culpabilité et consente à exécuter une peine ou des mesures
de nature à faire cesser l’infraction et à en réparer les conséquences »397.

En Common Law, il est prévu dans les dispositions du conditional caution que la reconnaissance
de culpabilité est l’une des conditions de mise en œuvre de la mesure398.

Afin que cette reconnaissance de culpabilité soit libre, des garanties doivent être prévues pour
permettre un consentement éclairé.

197. Des garanties pour un consentement éclairé. La reconnaissance de culpabilité


étant lourde de conséquences pour le prévenu, il est important que son consentement à la mesure
alternative entraînant la réparation du dommage soit entouré de garanties favorisant son caractère
libre et éclairé. Parmi ces garanties on peut citer : l’assistance d’un avocat, la possibilité d’un
temps de réflexion399, l’information de l’accusé sur le mécanisme proposé et sur ses droits.

L’assistance de l’avocat permet une meilleure prise en compte des droits de la défense et assure
une meilleure information de l’accusé (ce qui n’exclut pas qu’elle puisse être faite par le juge).
Cette garantie est prévue dans la composition pénale qui mentionne le recueil du consentement
de l’accusé. Les textes relatifs à la composition pénale prévoient l’établissement d’un procès-
verbal signé par l’auteur des faits, document qui précise la nature des faits reprochés et leur
qualification juridique, la nature et le quantum de mesures proposées et le montant ou la nature
de la réparation. Le procès-verbal indique aussi que la victime a été informée de ses droits et de
la procédure de composition pénale 400.

397
Conseil constitutionnel, décision n°2014-416 QPC, 26 septembre 2014.
398
Criminal Justice Act, Chapter 44, 2003, Part 3 (23), en ligne : <www.legislation.gov.uk>.
399
L’art. R15-33-39 C.pr.pén. accorde dix jours de réflexion à la personne à qui est proposée une mesure de
composition pénale.
400
Arts. 41-2 et R15-33-40 C.pr.pén.

141
La possibilité d’accorder un temps de réflexion n’était pas prévue dans toutes les mesures
réparatrices, ce qui pouvait être un facteur de pression sur l’auteur de l’infraction. L’explication
du mécanisme et des droits du prévenu n’était par exemple pas explicitement prévue pour la
transaction policière. Le Conseil d’État a d’ailleurs annulé, dans une décision du 24 mai 2017,
l’ensemble des dispositions du décret du 13 octobre 2015 portant application des mesures
prévues à l’article 41-1-1 (ancien) du Code de procédure pénale au motif que le texte ne
prévoyait pas que les personnes se voyant proposer une transaction pénale soient informées de la
nature des faits reprochés et de leur qualification juridique 401. Le Conseil constitutionnel vient
cependant apporter une précision quant à la question de l’assistance de l’avocat pour la mise en
place d’une transaction : la personne suspectée doit être informée de son droit à être assistée
d’un avocat avant d’accepter la proposition qui lui est faite 402.

Mentionner l’information de l’auteur de l’infraction parmi les dispositions de mise en œuvre de


ces mesures permet une meilleure protection des droits de la défense et un consentement plus
éclairé403. En droit anglais, l’information du prévenu est prévue pour la mesure de conditional
caution. En effet, l’une des cinq obligations pour la mise en œuvre de cette mesure est la
communication par l’autorité des effets du conditional caution sur l’auteur des faits et sa mise en
garde contre les conséquences du non respect de ses obligations.

Le consentement à la réparation est en théorie une condition nécessaire, il devrait être protégé
par certaines garanties afin de permettre qu’il soit émis par l’auteur de l’infraction de façon libre
et éclairée. Toute lacune des textes législatifs relatifs aux mesures et peines réparatrices forcerait
le prévenu à consentir à la mesure proposée.

B. Le consentement, une condition bafouée

198. S’il apparaît que le consentement est nécessaire pour la mise en œuvre des mesures
et des peines alternatives, son essence est remise en cause au point de se demander s’il s’agit
bien d’un consentement. En droit civil des contrats, le consentement n’est plus libre et éclairé

401
CE, Syndicat de la magistrature et autres, Syndicat national des magistrats force ouvrière, 24 mai 2017.
402
Conseil const., décision n°2016-569 en date du 23 septembre 2016.
403
Arts. D.1-1 C. pr. pén et R. 73-2 C. envir.

142
lorsqu’il est atteint d’un vice. L’application de cette théorie en droit pénal se révèle
infructueuse404, les vices n’étant pas compatibles avec les principes de la procédure pénale. Il
n’empêche que le consentement à la réparation semble être donné de façon forcée (1), ce qui
remet en cause la qualification de justice pénale consensuelle (2).

1. Un consentement forcé

199. Un consentement forcé au regard des choix du prévenu. Le recueil du


consentement de l’auteur de l’infraction dans le cadre des mesures réparatrices est sans doute une
nécessité, comme nous l’avons vu. La question reste de savoir si l’expression de ce consentement
est réelle ou uniquement formelle. Pour que le consentement soit vrai, l’auteur de l’infraction
doit sentir qu’il est face à deux ou plusieurs choix et qu’il a la liberté de choisir. Or l’étude de ces
choix nous mène à penser que ce sont de faux choix : lorsqu’il est demandé au prévenu de choisir
entre l’engagement des poursuites et une alternative ou entre l’emprisonnement et une
alternative, son choix est guidé, évident, forcé405. Une vision théorique radicale de ce
consentement considère que ce consentement n’est pas forcé car l’usage d’une voie de droit ne
constitue pas une menace et une contrainte si les moyens employés et le but poursuivi sont
légitimes406.

Les moyens employés et le but poursuivi sont sans doute légitimes, le consentement n’en reste
pas moins forcé en réalité. Il ne viendrait pas exprimer un choix réel mais serait plutôt une
condition de forme pour permettre de poursuivre une certaine procédure. La mesure ou la peine
alternative proposée au délinquant serait en quelque sorte imposée par le procureur ou le juge.

200. Un consentement forcé au regard du contexte. Le consentement est de même


forcé au regard du contexte dans lequel il intervient, que ce soit dans le bureau du procureur ou
dans un tribunal. Conscient de ce risque, le pouvoir réglementaire avait prévu dans le décret

404
Evan RASCHEL, « Le consentement à la transaction en matière pénale », AJ Pénal, 2015, p.463.
405
Brigitte PEREIRA, « Justice négociée: efficacité répressive et droits de la défense? », Recueil Dalloz , 2005,
p.2041.
406
Françoise ALT-MAES, « La contractualisation du droit pénal. Mythe ou réalité? », Revue de sciences
criminelles, 2002, p.501.

143
d’application de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant
l’efficacité des sanctions pénales, que la transaction ne pouvait être proposée à une personne
durant sa garde à vue407 car elle pourrait faire l’objet de pression408. Cette pression existe
cependant de par la qualité des personnes qui communiquent avec l’auteur de l’infraction, que ce
soit le procureur de la République ou le magistrat. La pression sur le consentement de l’accusé
existe donc bel et bien dans la réalité, la relation entre les deux parties étant par nature
déséquilibrée409.

2. Un consensualisme critiqué

201. Ni consensualisme, ni contractualisation, ni justice pénale négociée. C’est


l’introduction du consentement en matière pénale, et notamment au sein des articles relatifs aux
alternatives, qui a mené la doctrine à parler d’un début de consensualisme en droit pénal, voire
d’une contractualisation de la justice pénale et d’une justice pénale négociée 410. Or la remise en
cause de la définition du consentement au sein des mesures alternatives nous pousse à nous
demander si ces termes de droit privé peuvent être transposés à cette matière du droit pénal. Ces
qualifications relèvent plus de réflexions doctrinales que d’une réalité tangible. L’idée de
consensualisme est d’abord écartée car la réalité du droit pénal ne correspond pas à la définition
civiliste du terme. Le consensualisme est défini comme le « principe déduit de l’autonomie de la
volonté en vertu duquel un acte juridique n’est soumis à aucune forme particulière pour sa

407
Article R15-33-37-2 C. pr. pén.
408
On retrouve cette interrogation parmi les motifs soulevés dans la QPC relative à la transaction policière et posée
au Conseil d’État par le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France. Les syndicats requérants
soutiennent que « la procédure prévue à l’article 41-1-1 du Code de procédure pénale ne présente pas les caractères
d’une transaction librement consentie et exécutée […] la personne à laquelle la transaction est proposée serait
exposée à un risque de pression résultant directement de la qualité et des pouvoirs de l’officier de police judiciaire
qui présente cette proposition ». Cette situation méconnaissait selon eux le droit à un procès équitable et les droits de
la défense, motif que n’a pas retenu le Conseil constitutionnel qui a jugé conforme à la constitution cet aspect de
l’article 41-1-1 du Code de procédure pénale. Voir : CE, Syndicat de la magistrature et autres, Syndicat national des
magistrats force ouvrière, 24 mai 2017.
409
D’où les réserves énoncées au sein de la décision du Conseil const., n°2016-569 en date du 23 septembre 2016.
410
Jean PRADEL, Manuel de procédure pénale, 13e éd., Editions Cujas, 2007, p.539. Françoise ALT-MAES, « La
contractualisation du droit pénal. Mythe ou réalité? », Revue de sciences criminelles, 2002, p.501. Xavier PIN, « La
privatisation du procès pénal », Revue de sciences criminelles, 2002, p.245. Yannick JOSEPH-RATINEAU,
«Contractualisation de la procédure pénale et liberté procédurale du parquet », Recueil Dalloz, 2008, p.1035.
Brigitte PEREIRA, « Justice négociée: efficacité répressive et droits de la défense? », Recueil Dalloz , 2005, p.2041.

144
validité, le consentement ayant à lui seul le pouvoir de créer des obligations »411. Or dans le
consentement à la réparation en droit pénal, il n’y a pas d’autonomie de la volonté, celle-ci étant
dépendante d’une proposition faite par une autorité judiciaire et influencée par la perspective
d’échapper à la peine d’emprisonnement. Il n’y a pas non plus absence de forme particulière, la
procédure pénale étant très détaillée quant au recueil du consentement et à l’exécution de la
mesure. En outre, le consentement, quoique nécessaire, ne suffit pas à lui seul à créer des
obligations, l’homologation du juge étant nécessaire pour la validité de la mesure alternative.
Seul, peut-être, le consentement à exécuter un travail d’intérêt général est constitutif de la mesure
comme c’est le juge qui le propose.

Écarter le terme de consensualisme revient de surcroît à écarter celui de contractualisation de la


justice pénale412. Dans le cas de la transaction pénale par exemple, même si le rapprochement
avec la définition civile de la transaction semble facile à faire, ce n’est pas pour autant qu’il faut
parler de contractualisation de la justice pénale 413. De plus, la procédure civile de la transaction
ne peut être adaptée à la forme pénale de la transaction. En outre, si on cherche du côté du
contrat d’adhésion, il y a des obligations qui incombent aux deux parties, ce qui n’est pas le cas
pour les mesures réparatrices. Techniquement, le procureur ne s’engage en rien vis-à-vis du
délinquant qui lui seul s’engage à observer une certaine conduite ou à exécuter certaines
obligations.

De plus, si le procureur fait une offre, il ne la négocie nullement. Donner à la justice un caractère
négocié insinuerait qu’il y aurait échange, discussion entre deux parties, chacune pouvant
proposer quelque chose afin d’arriver à une entente. Or dans le cadre des mesures alternatives, le
procureur ne négocie pas, il propose. Il accorde une option que le délinquant n’est pas en
position de négocier. La présence du consentement dans les législations actuelles ne changerait
donc pas le caractère infligé de la peine 414.

411
« Lexique des termes juridiques », sous la dir. de S. GUINCHARD et T. DEBARD, 23 éd., Dalloz, 2015-2016.
412
Michel DANTI-JUAN, « Le consentement et la sanction », in La sanction du droit - Mélanges offerts à Pierre
Couvrat, puf, 2001, p.367 et s.
413
Anne-Sophie CHAVENT-LECLERE, « La transaction existe-t-elle en droit pénal? », in La transaction dans
toutes ses dimensions, Dalloz, coll. Thèmes & commentaires, 2006.
414
Mattias GUYOMAR, « Les conditions de la transaction pénale », RFDA, 2006, p.1261.

145
202. Choix d’une option. A l’origine du consentement à la réparation, il y a une
proposition du procureur ou du juge qui accorde au délinquant une option. Cette option est
l’ouverture d’une autre voie possible, subordonnée au consentement de l’intéressé. Il y a certes
une offre et une acceptation, comme dans un contrat, mais il n’y a pas contrat, uniquement un
engagement du coupable à exécuter les obligations proposées par le procureur ou le juge.
L’option est une « manifestation de volonté par laquelle le justiciable accepte de se soumettre à
un ensemble de règles que les autorités répressives (de poursuite, d’instruction ou de jugement)
proposent de substituer aux règles normalement applicables »415. Nous rejoignons la qualification
d’ « acte unilatéral substitutif » adoptée par le professeur Xavier PIN, et écartons les
qualifications contractuelles issues de la théorie du consentement.

Le choix de cette option permet donc au délinquant de bénéficier d’un changement de procédure
et d’accéder à une autre forme de justice qui requiert son implication dans la mise à exécution
des mesures, au lieu de sa passivité à subir une peine d’emprisonnement. On pourrait parler
d’une plus grande souplesse de la justice, d’un souci d’individualisation de la peine et
d’implication du condamné dans la réalisation de son amendement.

II. Les effets du consentement à la réparation

203. Le consentement est nécessaire pour préserver les droits des auteurs et victimes de
l’infraction. La présence du consentement entraîne toutefois des effets qui dépassent le simple
respect de la philosophie des mesures alternatives. Le consentement à la réparation a des effets
sur la procédure pénale (A) et sur le droit pénal (B).

A. Les effets du consentement à la réparation sur la procédure pénale

204. Le consentement émis par l’auteur de l’infraction à la mesure ou à la peine


alternative proposée pose la question du rôle du juge dans le cadre de ces mesures (1) et des
conséquences sur la poursuite de l’infraction (2).
415
Xavier PIN, « La privatisation du procès pénal », Revue de sciences criminelles, 2002, p.245.

146
1. Quant au rôle du juge

205. Un rôle formel. Le rôle du juge est différent selon qu’il s’agit de mesures ou de
peines alternatives. Dans le cas de la composition pénale, le consentement de l’auteur de
l’infraction intervient suite à la proposition du procureur. Le juge n’intervient qu’à la suite de
l’acceptation du délinquant afin d’homologuer la composition qui est transmise au juge lorsque
l’auteur des faits donne son accord « aux fins de validation ». L’accord sur le principe et le
contenu de la mesure proposée ayant déjà été donné, le juge se contente de vérifier le respect de
la loi pour l’homologation de la mesure416. L’accord du prévenu a donc un effet décisif quant au
contenu de la mesure imposée. Il n’est pourtant pas suffisant du point de vue procédural,
l’intervention du juge reste nécessaire pour la validation.

Dans le cas des peines alternatives où le consentement de l’auteur de l’infraction est requis (par
exemple le travail d’intérêt général417), la décision du juge n’est pas suffisante. L’accord de
l’auteur a donc un effet constitutif de la peine prévue par le juge, que Dan KAMINSKI a qualifié
de juge « castré de son pouvoir contraignant »418. Cette interdépendance de la décision de
l’autorité judiciaire et du consentement de l’intéressé porte en quelque sorte atteinte à l’autorité
de la justice419. L’officier de police judiciaire (mandaté par le procureur) ou le procureur seraient
tentés, pour recueillir le consentement de l’intéressé d’utiliser des moyens de pression ou de
menace et le juge serait tenté d’utiliser une « logique de marchandage » pour contraindre le
délinquant à accepter un travail d’intérêt général.

206. Un rôle partagé. En outre, on retrouve la logique de marchandage dans la


perception qu’ont les magistrats anglais du community order et du suspended sentence order,

416
Coralie AMBROISE-CASTEROT, « Le consentement en procédure pénale », in Le droit pénal à l'aube du
troisième millénaire, Mélanges offerts à Jean Pradel, Ed. Cujas, 2006, p.29.
417
Il est important de relever que le consentement du délinquant n’est plus requis en cas d’absence lors du procès, et
ce depuis la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, du 23 mars 2019.
418
Dan KAMINSKI, « Un nouveau sujet de droit pénal? », in La responsabilité et la responsabilisation dans la
justice pénale, sous la dir. de F. DIGNEFFE et T. MOREAU, De Boeck & Larcier, 2016, p.329.
419
Xavier PIN, « Le travail d'intérêt général, peine principale de référence: l'innovation en vaut-elle la
peine?», Dalloz, 2003, p.75.

147
utilisés comme des menaces d’une peine d’emprisonnement en cas de non exécution de la
mesure420. Pour ces deux peines, le rôle du juge est préservé car il en est l’instigateur et n’a pas
besoin de recueillir le consentement de l’auteur de l’infraction pour leur mise à exécution. Mais
l’intervention du juge est inexistante dans la procédure de mise en œuvre du conditional caution
qui reste sous l’emprise de l’officier de police judiciaire et du Crown prosection service.
Contrairement au droit français qui prévoit l’homologation du juge pour les mesures
alternatives421, le droit anglais assume une vision tranchée des alternatives à la justice
traditionnelle. On devrait y voir une remise en question des pouvoirs du juge comme on pourrait
considérer qu’il n’y a pas d’atteinte à ses prérogatives, les alternatives n’en faisant pas partie.

Ainsi, en droit français, le consentement du délinquant reste en principe lié à l’intervention du


juge pour homologation dans le cas des mesures alternatives et pour proposition dans le cas des
peines alternatives422. En droit anglais, le consentement est nécessaire et suffisant pour les
mesures alternatives, l’intervention du juge n’étant prévue que pour les peines alternatives.

2. Quant à la poursuite de l’infraction

207. L’analyse des conséquences de la réparation du dommage issu de l’infraction sur les
poursuites avait déjà été réalisée dans le chapitre 1er du Titre 1 relatif à la réparation comme
alternative aux poursuites. L’exécution de la réparation entraîne en effet, dans certaines mesures,
l’extinction de l’action publique. Il s’agit dans cette partie d’étudier les conséquences de la
manifestation du consentement à la réparation sur la poursuite de l’infraction, dans le cas où il
est requis.

420
George MAIR, Noel CROSS et Stuart TAYLOR, The community order and the suspended sentence order, the
views and attitude of sentencers, Center for crime and justice studies, 2008, p.29, en ligne :
<www.crimeandjustice.org.uk >.
421
En principe, car la validation de la composition pénale par le juge n’est plus nécessaire si la mesure d’amende est
inférieure à 3000 euros, et ce depuis la loi 2019-222 du 23 mars 2019.
422
Relevons ici à nouveau l’exception introduite par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la
justice, du 23 mars 2019, qui exempte les propositions de compositions pénales de l’obligation de validation par le
juge pour les délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à trois ans ou si elles
portent sur une amende de composition n’excédant pas le montant prévu à l’article 131-3 C.pén. ou lorsque la valeur
de la chose remise n’excède pas ce montant.

148
208. Un consentement qui lie. Le consentement de l’auteur de l’infraction a un effet
particulier en matière de composition pénale. Une fois émis, il lie le procureur de la République
qui se voit contraint de saisir le tribunal pour validation de la composition. Ce principe a été
déduit par la Cour de cassation423 dans sa décision en date du 20 novembre 2007. La Cour, vu les
articles 41-2 et 591 du Code de procédure pénale, a estimé que « dès lors qu'est signé le procès-
verbal de proposition de composition pénale prévoyant les mesures décidées, le procureur de la
République doit saisir le président du tribunal aux fins de validation de la composition, et ne
recouvre la possibilité de mettre en mouvement l'action publique que si ce magistrat refuse de
valider la composition ou si, une fois la validation intervenue, l'intéressé n'exécute pas
intégralement les mesures décidées »424. Cette interprétation stricte de l’article 41-2 du Code de
procédure pénale a ravivé les discussions sur l’aspect contractuel de la composition pénale 425.
Nous y voyons plutôt une re-délimitation des pouvoirs du parquet qui semblaient s’être
largement renforcés avec la multitude des mesures alternatives ainsi qu’une affirmation des
garanties procédurales dont le juge vient assurer le respect.

Cette décision de la Cour de cassation sur l’irrévocabilité du choix procédural effectué par le
parquet vient suggérer aux procureurs de bien réfléchir avant de proposer l’option d’une
composition pénale et vient protéger le consentement de l’auteur de l’infraction, vu les
concessions faites notamment au regard de la reconnaissance de culpabilité. Cela ne va pas à
l’encontre de l’individualisation de la peine car si de nouveaux éléments sont portés à la
connaissance du procureur et justifieraient d’écarter la composition pénale, le juge appréciera si
la composition pénale est adaptée ou non à la situation présentée.

209. Un consentement suspensif. Le consentement à la réparation du délinquant a un


effet suspensif. Pour les mesures alternatives, le consentement suspend d’abord la prescription de
l’action426 pour accorder au délinquant le temps nécessaire pour satisfaire les obligations prévues

423
Cass. Crim. 20 novembre 2007, n°07-82.808. Yannick JOSEPH-RATINEAU, « Contractualisation de la
procédure pénale et liberté procédurale du parquet », Recueil Dalloz, 2008, p.1035. Danièle CARON et Sylvie
MENOTTI, « Chronique de jurisprudence de la Cour de cassation », Recueil Dalloz, 2008, p.109.
424
Situation où le procureur avait avancé l’option de la composition mais avait décidé d’engager des poursuites
pénales malgré la signature par l’intéressé du procès-verbal de composition pénale. Il n’envoie donc pas l’accord sur
la composition au tribunal.
425
Idem.
426
Articles 41-1-1 et 41-2 C. pr. pén.

149
par la composition. La suspension dure jusqu’à expiration des délais accordés pour l’exécution
de la mesure. C’est uniquement l’exécution de la mesure qui viendra éteindre l’action publique
ou permettre un classement sans suite. Le consentement suspend aussi indirectement l’action
publique tant qu’il n’a pas été donné. Cette suspension dure tant que le délinquant n’a pas fait
part de sa décision.

B. Les effets du consentement à la réparation sur le droit pénal

210. Recueillir le consentement à la réparation de l’auteur de l’infraction n’est pas sans


effets sur la conception traditionnelle du droit pénal. Nous avons déjà expliqué pourquoi nous
n’adoptons pas les qualifications de justice consensuelle, contractuelle ou négociée. L’analyse
juridique imposée par le travail de thèse nous pousse cependant à essayer de définir les effets du
consentement à la réparation sur la nature des sanctions alternatives concernées (1) et de manière
plus large sur une nouvelle conception du droit pénal (2).

1. Effets sur la nature des sanctions alternatives

211. Effets sur la qualification de la peine. L’effet du consentement à la sanction


alternative varie selon les mesures. On a déjà évoqué la décision du Conseil constitutionnel en
date du 26 septembre 2014 427 qui a refusé de qualifier les mesures transactionnelles de
« sanctions ayant le caractère de punition » car elles sont exécutées de manière volontaire. Le
consentement affecterait donc leur nature. Si ce raisonnement devait être élargi aux autres
mesures nécessitant le consentement de l’intéressé pour leur mise en œuvre, le caractère de
sanction de la composition pénale serait aussi rejeté or le caractère répressif de cette mesure est
indéniable. A pousser la réflexion à l’extrême, le travail d’intérêt général ne serait pas une peine
car son exécution est consentie, ce qui est une aberration. Le rejet de la qualification de
« sanction ayant le caractère d’une punition » aurait dû être fondé sur le fait que la transaction
intervenait à un stade précoce de la procédure et qu’elle était proposée par un officier de police

427
Conseil const. 26 septembre 2014, n°2014-416 QPC, consid. 8, AJDA 2014. 1859.

150
judiciaire auquel on ne peut accorder la prérogative du choix d’une sanction. D’où l’obligation
de recueillir le consentement de l’accusé.

Le consentement n’aurait pas, selon nous, d’effet sur la qualification pénale des mesures qui le
prévoient. Dire qu’il s’agit de « peines ou de mesures consenties » ne remet pas en cause la
nature de la peine car son caractère consenti ne lui retire pas son caractère imposé.

212. Effets sur le caractère infligé de la peine. L’obligation de recueillir le


consentement de l’auteur de l’infraction ne retire en rien le caractère imposé des mesures et
peines alternatives. Le délinquant reste soumis et obligé d’exécuter la peine alternative et ne peut
retirer son consentement une fois la peine prononcée par le magistrat. La peine ne perd pas son
caractère afflictif et infamant parce qu’elle a été acceptée par le délinquant, surtout au regard des
conditions entourant le recueil du consentement développées plus haut 428.

2. Effets sur la conception même du droit pénal

213. Le consentement, symbole d’adhésion au droit. La place de plus en plus


perceptible du consentement dans des dispositions de droit pénal apporte une nouveauté
majeure : celle de l’inclusion du délinquant dans le processus de détermination de la sanction.
Nous assistons aujourd’hui à la construction progressive d’un droit pénal participatif. Les
objectifs de réhabilitation et de réparation ne peuvent fonctionner qu’avec la participation du
délinquant lui-même.

D’un point de vue sociologique, la contrainte ne fonctionne vraiment que si la personne adhère à
la mesure imposée. On n’invite plus le condamné à subir, à se conformer, mais à participer, à se
transformer. Son consentement ne renie pas les caractères fondamentaux de la peine mais
manifeste sa soumission volontaire aux mesures infligées, indicateur d’une responsabilisation. La
responsabilité pénale est prononcée par le juge, mais la responsabilisation429 ne peut venir que
d’une prise de conscience du condamné. Selon Dan KAMINSKI, la manifestation du
428
Supra n°196 et s.
429
Dan KAMINSKI, « Un nouveau sujet de droit pénal? », in La responsabilité et la responsabilisation dans la
justice pénale, sous la dir. de F. DIGNEFFE et T. MOREAU, De Boeck & Larcier, 2006.

151
consentement du délinquant permet de passer d’une logique d’obéissance à une logique
d’ « allégeance »430. Les deux comportent une soumission mais l’allégeance relève, selon
KAMINSKI, d’un « compromis spécifique dans la distribution des rôles qu’elle opère, dans les
effets de la parole qu’elle exige et dans le ressort amoureux de son fonctionnement idéal »431.
Nous préférons le terme d’adhésion432 à celui d’allégeance.

ROUSSEAU le pensait déjà en 1755 lorsqu’il affirmait que « le gouvernement se fera


difficilement obéir s’il se borne à l’obéissance [car] l’autorité la plus absolue est celle qui pénètre
jusqu’à l’intérieur de l’homme et ne s’exerce pas moins sur la volonté que sur les actions. Si
vous voulez qu’on obéisse aux lois, faites qu’on les aime, et pour faire ce qu’on doit, il suffise de
songer qu’on doit le faire »433.

214. En conclusion, les garanties préservant le recueil du consentement ne sont pas


énoncées de manière homogène dans les textes relatifs aux mesures réparatrices. Que ce soit en
droit français ou en droit anglais, le recueil du consentement n’est pas systématique lorsqu’une
activité de réparation est envisagée. La nécessité du consentement est plus liée à la nature de la
mesure ou à l’organe judiciaire en charge de la proposer ou de l’imposer. L’expression du
consentement à la réparation induit aussi des conséquences indéniables : le dialogue fait évoluer
le rôle du juge, l’adhésion à la mesure change le cours des poursuites pénales et la recherche de
l’acceptation de la réparation donne son sens aux mesures alternatives.

Avec la montée des mouvements individualistes, l’importance du consentement de la personne


est appelée à s’étendre dans la procédure pénale. Le consentement est notamment indispensable
au regard de la participation du délinquant au processus de réparation.

430
Dan KAMINSKI, « Un nouveau sujet de droit pénal? », in La responsabilité et la responsabilisation dans la
justice pénale, sous la dir. de F. DIGNEFFE et T. MOREAU, De Boeck & Larcier, 2006, p. 328.
431
Idem, p.337.
432
Michel VAN DE KERCHOVE, « Le consentement dans le champ de la sanction pénale: portée et enjeux », in La
responsabilité et la responsabilisation dans la justice pénale, sous la dir. de F. DIGNEFFE et T. MOREAU, De
Boeck & Larcier, 2006, p. 401.
433
Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l'économie politique, Oeuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade,
1964, t. III, p.251.

152
Section 2 : La participation du délinquant à la réparation

215. Le deuxième moyen d’implication du délinquant dans la réparation du dommage


causé par l’infraction, et sans doute le plus efficace, est sa participation à la réparation. Le
consentement à la réparation, indicateur de bonne volonté, prend forme avec l’implication du
délinquant dans le processus de réparation. Son implication se manifeste dans sa participation à
l’élaboration de l’accord de réparation et dans l’exécution de la réparation. Le modèle type qui
permet la participation réelle du délinquant à l’élaboration de l’accord de réparation est la
médiation pénale (I). Nous avons choisi de la traiter dans cette section, séparément des autres
mesures alternatives, car c’est le seul dispositif qui, selon nous, comporte une grande part de
négociation, implique une participation active du délinquant et est mis en place « en dehors » de
la procédure pénale traditionnelle.

L’exécution de la réparation vient compléter le tableau de l’implication du délinquant au sein du


processus de réparation alternative (II).

I. La participation du délinquant à l’accord de réparation : la médiation pénale

216. D’abord simple pratique mise en place de manière expérimentale par certains
tribunaux434, elle fut légalisée par la loi du 4 janvier 1993. La médiation pénale fait aujourd’hui
partie des mesures alternatives dont dispose le procureur de la République afin d’éviter
d’engager des poursuites. Consacrée à l’article 41-1 du Code de procédure pénale, elle fait partie
des mesures que le procureur peut utiliser « s’il lui apparaît qu’une telle mesure est susceptible
d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de
l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits ». En droit anglais, la médiation
pénale435 fait partie des mesures de justice restaurative qui peuvent être utilisées dans le cadre
d’un conditional caution, soit pour déterminer les conditions de cet avertissement sous condition,
soit comme une des conditions de l’avertissement.

434
Marie-Clet DESDEVISES, « L'évaluation des expériences de médiation entre délinquants et victimes: l'exemple
britannique », Revue de science criminelle, 1993, p.45. Thierry LEBEHOT, « Le cadre juridique de la médiation
pénale », AJ Pénal, 2011, p.216.
435
Appelée “victim-offender mediation”.

153
217. En droit libanais, une loi sur la médiation judiciaire a récemment été adoptée par le
Parlement libanais436. La loi prévoit la possibilité pour le juge d’orienter les parties vers un
processus de médiation, quel que soit le domaine du litige, à l’exception de ce qui a trait à l’ordre
public et aux lois impératives. Les limites quant à l’application de la loi en matière pénale se
dessinent, quoiqu’une médiation sur la réparation civile serait envisageable. Cependant, la loi sur
la médiation n’est toujours pas entrée en vigueur, dans l’attente d’un décret d’application qui
devrait, on l’espère, éclaircir le champ d’application de la loi. Nous nous concentrerons donc sur
le droit français et le droit anglais en matière de médiation.

218. De manière générale, la médiation pénale vient répondre à un triple objectif : la


recherche d’alternatives aux mesures répressives classiques, le besoin des victimes d’obtenir
réparation et l’incitation de la personne mise en cause à réfléchir à la notion de réparation437.
L’accent est donc mis sur le droit à la réparation, écartant ainsi le droit de punir 438. La médiation
pénale part de l’idée « qu’il n’est meilleure justice que celle que les parties s’administrent elles-
mêmes »439. L’auteur et la victime de l’infraction ne participent pas seulement au processus (A),
ils en sont les principaux acteurs et en déterminent l’issue (B).

A. Le processus de médiation pénale

219. La médiation pénale est une forme de médiation judiciaire. Elle « consiste à
rechercher, grâce à l’intervention d’un tiers, une solution librement négociée entre les parties à
un conflit né d’une infraction »440. Si l’on reprend la définition de la médiation judiciaire de M.
JARROSSON, on retient que c’est « celle qui est organisée, le plus souvent par le législateur,

436
Loi 82/2018 relative à la médiation judiciaire, publiée au Journal officiel n°45 en date du 18 octobre 2018.
437
Thierry LEBEHOT, « Le cadre juridique de la médiation pénale », AJ Pénal, 2011, p.216.
438
Sandrine VOISIN, « La médiation pénale est-elle juste? », Petites affiches, 26 août 2002, 170, p.49.
439
Frédéric DEBOVE, François FALLETTI et Emmanuel DUPIC, Précis de droit pénal et de procédure pénale,
5e éd., Point Delta, 2013, p. 541.
440
Jean PRADEL, Manuel de procédure pénale, 13e éd., Editions Cujas, 2007, p.146.

154
autour ou à l’orée de la procédure judiciaire »441. La médiation pénale, et plus généralement la
médiation judiciaire, est donc un processus parajudiciaire qui se déroule en marge de la
procédure pénale traditionnelle (1), mais qui n’est pas autonome pour autant (2).

1. Un processus parajudiciaire

220. Il s’agit d’abord d’expliquer pourquoi c’est un processus et ensuite en quoi il est
parajudiciaire. La médiation pénale, à la différence des autres mesures alternatives dont le
contenu est défini par l’autorité judiciaire et dont le résultat est connu, est un processus à part
entière. Lorsqu’une médiation pénale est engagée, ce n’est pas une mesure qui est définie mais
une procédure qui est adoptée. C’est donc une procédure alternative qui permet d’aborder les
contours de l’infraction et de déterminer la réparation qui s’ensuit. Ce processus peut être pré-
sentenciel comme post-sentenciel. En droit anglais, la médiation pénale fait partie des moyens
employés dans le cadre de la justice restaurative. Si la législation et la doctrine françaises
s’accordent aussi à inclure la médiation dans la justice restaurative442, le législateur lui donne
depuis bien longtemps une place à part. Nous nous limiterons dans cette partie à la phase
précédant le jugement car c’est là où la médiation joue comme alternative 443.

La particularité de la médiation pénale transparaît dans la qualification de « mission de médiation


pénale » adoptée dans l’article 41-1 du Code de procédure pénale français. Une mission sous-
entend par définition qu’elle soit accordée à quelqu’un et que cette personne accomplisse une
tâche définie.

221. La médiation et les acteurs qui la conduisent. La médiation se distingue d’abord


des autres alternatives par les acteurs qui la conduisent. En effet, elle est parajudiciaire parce

441
Jean-Philippe TRICOIT, La médiation judiciaire, L'Harmattan, 2008, p.24.
442
Comme dans l’article 10-1 du Code de procédure pénale. Le thème de la justice restaurative sera abordé en 2e
partie, nous étudierons uniquement ici les cas où la médiation joue comme alternative, c.-à-d. ceux reliés à l’article
41-1 du Code de procédure pénale.
443
La médiation post-sentencielle sera étudiée dans la deuxième partie de la thèse, notamment dans la partie
consacrée à la justice restaurative, car elle n’a pas de conséquences sur l’issue de la procédure et bénéficie d’une
certaine autonomie.

155
qu’elle est dirigée par un médiateur, tiers neutre et indépendant 444. Ce médiateur, garant du
processus, est membre d’une association habilitée par le ministère de la justice à effectuer des
missions de médiations pénales. Il est mandaté à effectuer la médiation entre la victime et
l’auteur de l’infraction. C’est ce deuxième point qui confirme ensuite le caractère parajudiciaire
de la médiation pénale : la présence de la victime et de l’auteur de l’infraction au sein d’une
même procédure. Même si la victime acquiert de plus en plus de place au sein du procès pénal,
elle n’est pas pour autant partie au procès pénal et peut uniquement se constituer partie civile. La
médiation met dans le même cadre les parties concernées par l’infraction. Elle accorde même à la
victime un statut important : le droit français se caractérise par la possibilité accordée à la
victime de demander elle-même la médiation au procureur.

Ces deux points marquent moins le caractère parajudiciaire de la médiation en droit anglais
fondé sur une procédure accusatoire, qui accorde donc une place plus importante à la victime et
est ainsi ouvert à une certaine forme de négociation. De plus, on retrouve en Common Law des
juges non professionnels qui siègent dans les tribunaux correctionnels 445, ce qui rend plus
admissible l’idée de déléguer à un médiateur le processus d’élaboration d’un accord de
réparation. Le caractère parajudiciaire de la médiation est déduit de sa catégorisation en justice
restaurative.

222. L’adhésion des parties. En droit anglais comme en droit français, le consentement
des parties à la médiation est nécessaire 446. Ce consentement implique une reconnaissance
implicite de culpabilité et par conséquent une renonciation à la présomption d’innocence.
L’auteur de l’infraction, ayant reconnu sa culpabilité, y voit un moyen d’éviter une peine
classique et une seconde chance accordée par l’autorité judiciaire. Du côté de la victime, l’accord
en vue d’une médiation est plus difficile à avoir car il nécessite une volonté de conciliation qui
dépasse le seul souci de réparation ou le désir de vengeance. La victime peut aussi dans certains
cas être motivée pour collaborer avec la justice dans la lutte contre la récidive et se positionne
ainsi en acteur d’une justice pénale réparatrice et restaurative. En droit français, on pourrait

444
Art. R15-33-30: Personne physique ou association habilités comme médiateurs du procureur de la République.
445
Magistrates Courts.
446
Emmanuel DREYER, « La médiation, objet juridique mal identifié », La Semaine Juridique, Edition générale, 2
avril 2008, n° 14, doct.131. Sophie POKORA, « La médiation pénale », AJ Pénal, 2003, p.58, sur « la condition sine
qua non de la médiation: la reconnaissance des faits ».

156
s’étonner du fait que l’alinéa 5 de l’article 41-1 du Code de procédure pénale ne requiert que le
consentement de la victime pour la mise en route d’une médiation, alors que le consentement de
l’auteur de l’infraction serait un bon indicateur de la réussite ou de l’échec futur du processus car
il témoignerait de sa volonté de conciliation. Son consentement pourrait être présumé, la
médiation étant une sortie de secours face à la menace des poursuites. Cependant, l’expression de
son consentement est importante du point de vue de son reclassement.

223. La médiation et les méthodes utilisées. La médiation se différencie du procès


pénal classique par les moyens employés pour aboutir à la réparation des conséquences de
l’infraction. Elle met en place, par l’intermédiaire du médiateur, une communication entre
l’auteur et la victime de l’infraction. La communication peut être directe s’ils acceptent la
confrontation, ou indirecte, le médiateur effectuant la navette entre les deux parties. Si la
doctrine est consciente qu’il n’y a pas une médiation pénale mais des médiations pénales au
regard de la multiplicité des pratiques, le médiateur, neutre et impartial, met en application des
techniques d’écoute active et empathique, des techniques de reformulation, afin de créer un
espace de communication apaisée entre les deux parties.

La communication a pour objectif principal d’aboutir à un accord sur la réparation. Mais mis à
part la négociation de la réparation des conséquences de l’infraction, la médiation permet surtout
à la victime d’exprimer ses ressentis sur ce qu’elle a vécu et permet à l’auteur de l’infraction de
s’exprimer sur les circonstances de l’infraction. Grâce à cette communication, la médiation
permet une prise de conscience par l’auteur de la gravité des faits commis et une meilleure prise
en considération de la victime.

Ainsi, il ressort des expériences de médiation que la réparation du dommage causé à la victime
ne se limite souvent pas à une réparation pécuniaire sous forme de dommages et intérêts mais
comprend parfois un aspect moral, caractéristique de la médiation pénale, qui se manifeste sous
différentes formes (notamment la formulation d’excuses écrites ou orales à la victime ou
l’engagement de ne pas récidiver). La possibilité d’une réparation symbolique est caractéristique
à la médiation pénale447.

447
Marie-Clet DESDEVISES, « L'évaluation des expériences de médiation entre délinquants et victimes: l'exemple
britannique », Revue de science criminelle, 1993, p.45.

157
2. Un processus à l’autonomie relative

224. Le lien avec la matière pénale. La médiation pénale semble à première vue être un
processus autonome car elle a été construite en dehors des tribunaux, effectivement pour
proposer une solution différente, contraire, aux réponses judiciaires répressives classiques. Mais
la matière pénale d’ordre public ne peut se conjuguer avec une procédure autonome qui n’y
serait pas un tant soit peu rattachée. C’est ainsi que le besoin d’institutionnaliser la médiation
pénale s’est fait ressentir et que les bases de cette institutionnalisation ont rendu l’autonomie de
la médiation pénale toute relative448.

Bien qu’elle soit une procédure parajudiciaire, la médiation pénale marque son lien avec la
matière pénale simplement de par sa dénomination449. L’expression « victim-offender
mediation » est tout aussi reliée au droit pénal du fait de l’utilisation des termes de victimes et
d’auteur de l’infraction450.

225. L’autonomie de la procédure. L’autonomie de la médiation est relative en droit


français car elle est proposée par le procureur de la République et ne peut donc être choisie par
les parties. Il est vrai que le consentement des parties est nécessaire mais nous avons vu les
réticences existantes pour qualifier ce consentement de libre. De plus, c’est le juge qui choisit le
médiateur ou l’association habilitée à procéder à la médiation et c’est aussi lui qui homologue
l’accord issu de la médiation. En droit anglais, en ce qui concerne les adultes délinquants, elle est
limitée au cadre des avertissements sous condition. Sa mise en œuvre est donc sous l’emprise du
Crown Prosecution Service. La médiation pénale prévue à l’article 41-1 du Code de procédure
pénale français nait et développe ses effets dans le cadre de l’institution judiciaire, ce qui fait
d’elle une mesure alternative à la justice pénale.

448
Jacques FAGET, « Les "accommodements raisonnables" de la médiation pénale », RSC, 2009.
449
Emmanuel DREYER, « La médiation, objet juridique mal identifié », La Semaine Juridique, Edition générale, 2
avril 2008, n° 14, doct.131.
450
Termes qui peuvent être critiqués dans le cas de la médiation pré-sentencielle car en théorie, avant le jugement, il
n’y a qu’un mis en cause, qui bénéficie de la présomption d’innocence, et un plaignant. Voir : Jacques FAGET, «Les
"accommodements raisonnables" de la médiation pénale », RSC, 2009, p.981.

158
226. L’autonomie du médiateur. Le médiateur est certes un tiers neutre et indépendant
vis-à-vis du conflit et des parties. En droit français, le médiateur est habilité par le procureur de
la République. Les textes prévoient son autonomie en ce qu’il ne peut exercer de fonctions
judiciaires ou être investi d’un mandat électif, et ne peut en principe être conjoint ou parent d’un
magistrat ou fonctionnaire de la juridiction. Il doit présenter des garanties de compétence,
d’indépendance et d’impartialité451.

Le médiateur ne fait pas partie de l’autorité judiciaire mais il subit cependant ses exigences. Il a
l’obligation de remettre un rapport sur le déroulement de la médiation au magistrat en charge du
dossier, ce qui pourrait mettre en danger l’obligation de confidentialité du processus. Il est
rémunéré selon le nombre de dossiers qu’il prend en charge ce qui pourrait créer une certaine
dépendance financière. Selon J. FAGET452, la mission du médiateur est aussi dépendante des
délais accordés pour la médiation et d’un souci de productivité qui pourraient amener le
médiateur à accélérer le processus et proposer des solutions pour garantir la réussite de la
médiation (qui se traduit par la rédaction d’un accord entre les parties). Pourtant, le médiateur ne
doit en aucun cas être tenu à une obligation de résultat, mais uniquement à une obligation de
moyens. Seules l’implication et la volonté des parties sont garantes du résultat de la médiation.

227. De manière générale, on pourrait voir dans la médiation une pénalisation du social
ou une socialisation du pénal. La médiation pénale, c’est plus précisément une « procédure
sociétale sous contrôle judiciaire »453. Conçue par la société, placée sous le contrôle du Ministère
public mais mise en place par une association, cette alternative souffre aujourd’hui d’une
instabilité et d’un écartèlement qui nuit sensiblement à ces principes éthiques.

451
Art. R15-33-33 C.pr.pén. Aussi selon l’art. R15-33-36 C.pr.pén., le médiateur doit prêter serment devant le TGI
ou la cour d’appel en jurant d’exercer ses fonctions « avec rigueur, loyauté, impartialité et dignité et de respecter le
secret professionnel ».
452
Jacques FAGET, « Les "accomodements raisonnables" de la médiation pénale », RSC, 2009, p.981.
453
Jean-Philippe TRICOIT, La médiation judiciaire, L'Harmattan, 2008, p. 540.

159
B. L’issue de la médiation pénale

228. La médiation pénale n’étant pas une mesure à contenu défini mais un processus, son
issue tient dans l’accord conclu entre les parties (1). C’est cet accord qui déterminera les
modalités de réparation acceptées par chacun et qui aura des conséquences sur les poursuites
pénales (2).

1. L’accord de médiation pénale

229. Un accord négocié. L’accord de médiation pénale vient consacrer les modalités de
réparation convenues entre les parties, que ce soit une indemnisation financière, une réparation
matérielle ou une réparation symbolique. Le processus de médiation permet certes de revenir sur
les faits précurseurs et constitutifs de l’infraction et d’instaurer une communication entre les
parties. Mais il permet surtout de négocier un accord en vue d’une réparation des conséquences
de l’infraction. La médiation est la mesure alternative aux poursuites qui est réellement basée sur
une négociation libre d’un accord sur la réparation. Contrairement à la composition pénale dans
laquelle les modalités de la réparation sont proposées (quasi-imposées) par le procureur, la
médiation pénale permet aux parties de proposer ou de demander des mesures réparatrices, et de
les négocier afin d’aboutir à un accord. C’est ce caractère négocié qui remet en cause, entre
autres, la présence de la médiation dans le domaine pénal454. Et c’est ce caractère négocié qui fait
que l’accord de médiation soit qualifié de transaction.

Cet accord est matérialisé dans un procès-verbal signé par le médiateur et par les parties qui en
gardent une copie. Ce formalisme permet aux parties de garantir l’exécution des engagements de
réparation.

230. Une transaction au sens du droit civil. Le processus menant à l’accord de médiation a
finalement poussé la jurisprudence de la Cour de cassation à confirmer le caractère

454
Emmanuel DREYER, « La médiation, objet juridique mal identifié », La Semaine Juridique, Edition générale, 2
avril 2008, n° 14, doct.131.

160
transactionnel de l’accord de médiation455. Selon la Cour, « le procès-verbal établi et signé à
l'occasion d'une médiation pénale, qui contient les engagements de l'auteur des faits incriminés,
pris envers sa victime en contrepartie de la renonciation de celle-ci à sa plainte et, le cas échéant,
à une indemnisation intégrale, afin d'assurer la réparation des conséquences dommageables de
l'infraction et d'en prévenir la réitération par le règlement des désaccords entre les parties,
constitue une transaction qui, en dehors de toute procédure pénale, tend à régler tous les
différends s'y trouvant compris et laisse au procureur de la République la libre appréciation des
poursuites en considération du comportement du mis en cause. » De cette décision, nous tirons
deux enseignements. Le premier est que l’accord de médiation est une transaction au sens des
articles 2044 et suivant du Code civil456, au regard des concessions faites par l’auteur de
l’infraction et la victime. Étant une transaction, les parties sont obligées d’exécuter les
obligations qui y sont prévues. Cette exécution forcée a été facilitée par l’article 41-1 du Code de
procédure pénale qui prévoit que la victime peut demander le recouvrement des dommages et
intérêts selon la procédure d’injonction de payer, conformément aux règles prévues par le Code
de procédure civile. Mais de manière plus générale, tout engagement pris dans le cadre de
l’accord de médiation peut faire l’objet d’une demande d’exécution forcée ou d’une exception
d’inexécution et la victime peut en conséquent saisir le juge civil (ou le juge pénal pour
l’exception d’inexécution).

Le deuxième enseignement, que nous étudierons ci-dessous, est déduit de l’affirmation selon
laquelle le procureur de la République garde la libre appréciation de l’opportunité des poursuites,
ce qui n’est pas sans conséquences.

2. Les conséquences de la médiation sur les poursuites pénales

231. Une suspension temporaire le temps de la médiation. Au cours du processus de


médiation, les poursuites pénales sont suspendues. A l’issue du processus, le médiateur adresse
au procureur un compte-rendu dans lequel il mentionne les éléments généraux du dossier et de la

455
Cass, 1e civ., 10 avril 2013, n°12-13.672, AJ Pénal 2013, p.422.
456
Jean-Baptiste PERRIER, « Le caractère transactionnel de l'accord issu d'une médiation pénale », Recueil Dalloz,
2013, p.1663.

161
procédure de médiation. Dans le cas où un procès-verbal a été établi, il est joint au compte-
rendu. Le compte-rendu est aussi envoyé dans le cas où la médiation n’aboutit pas à un accord ou
dans le cas où l’une des parties refuse la médiation. Les conséquences sur les poursuites pénales
varient selon l’issue positive ou négative du processus de médiation.

232. En cas de réussite de la médiation. Si la médiation a abouti à un accord consacré


dans un procès-verbal et que cet accord a été correctement exécuté, le litige existant entre
l’auteur de l’infraction et la victime est éteint devant le juge civil. Mais si l’accord de médiation
est considéré comme une transaction au regard du droit civil, la médiation n’en demeure pas
moins pénale. L’arrêt de la Cour de cassation457 rappelle en effet que la transaction issue de la
médiation est sans incidence sur les poursuites pénales que le procureur est libre d’enclencher 458.
Il ne s’agit pas d’une transaction au sens de l’article 6 du Code de procédure pénale, et cela vaut
pour toutes les mesures prévues à l’article 41-1 du même code. Cette position réduit
malheureusement la médiation pénale, et les autres mesures de l’article 41-1, à de simples
mesures préalables à l’action publique. C’est tout l’esprit des mesures alternatives réparatrices
qui est remis en cause. En effet, quel intérêt y-a-t-il à poursuivre les poursuites pénales lorsque la
réparation du dommage causé à la victime a été assurée, le trouble résultant de l’infraction a
cessé et le reclassement de l’auteur des faits a été effectué. Ces conditions qui sont valables pour
la dispense de peine devraient pouvoir empêcher la poursuite de la procédure pénale à l’encontre
de l’auteur de l’infraction.

Il faut ajouter à cela que dans le cas où le procureur de la République choisit de continuer les
poursuites, la victime peut se joindre à l’action publique pour tout ce qui n’est pas en lien avec la
demande réparation du dommage qui a déjà été satisfaite.

Cependant, ces limitations légales et jurisprudentielles, bien que contestables, n’ont pas
d’applications pratiques très importantes. Quand on pense que les mesures alternatives viennent

457
Cass, 1e civ., 10 avril 2013, n°12-13.672, AJ Pénal 2013, p.422.
458
Crim. 21 juin 2011, n° 11-80.003, Bull. crim. n° 141 ; D. 2011. 2379, note F. Desprez, 2349, point de vue J.-B.
Perrier, et 2012. 2118, spéc. 2120, obs. J. Pradel; AJ pénal 2011. 584, note L. Belfanti; RSC 2011. 660, obs. J.
Danet; Gaz. Pal. 19 juill. 2011, p. 18, note S. Detraz ; Procédures 2011. Comm. 312, obs. J. Buisson ; JCP 2011.
1453, note F. Ludwiczak.

162
aujourd’hui éviter, entre autre, les classements sans suite et non les poursuites459, il est rare que
dans cette optique un procureur décide d’engager des poursuites suite à la réussite d’une
médiation. Le succès de la médiation révèle en pratique l’inopportunité des poursuites.

En droit anglais, la médiation étant une des conditions pouvant accompagner un conditional
caution, la réussite de ce processus entraîne normalement l’arrêt des poursuites 460. Ceci
s’explique par le fait que l’avertissement sous conditions suspend les poursuites le temps
nécessaire à la réalisation de la réparation du dommage. Cette mesure agit en réelle alternative
aux poursuites.

233. En cas d’échec de la médiation. L’article 41-1 du Code de procédure pénale


prévoit qu’ « en cas de non-exécution de la mesure en raison du comportement de l’auteur des
faits, le procureur de la République, sauf élément nouveau, met en œuvre une composition
pénale ou engage des poursuites ». Soulevons en premier lieu qu’en droit français, l’échec de la
médiation entraîne d’abord des conséquences plus graves pour l’auteur de l’infraction, surtout si
on considère que la médiation vient se substituer à un classement sans suite 461. Les conséquences
sont les mêmes en Common Law ; si les conditions de l’avertissement sous conditions ne sont
pas réalisées, les poursuites sont relancées 462.

En second lieu, il est fait mention dans l’article 41-1 au comportement de l’auteur des faits. Il est
évident que si celui-ci ne manifeste pas de volonté de réparation en vue de la conclusion d’un
accord et ne s’engage pas à mobiliser ses efforts en vue d’une réparation, une autre procédure
plus contraignante doit être mise en route par le procureur. Cependant, il arrive parfois que ce
soit le comportement de la victime qui empêche la réussite de la médiation. Dans le cas où celle-
ci a accepté la médiation mais ne manifeste durant le processus aucun effort de conciliation avec
l’auteur de l’infraction et qu’aucun accord n’est conclu, engager des poursuites contre l’auteur de

459
Emmanuel DREYER, « La médiation, objet juridique mal identifié », La Semaine Juridique, Edition générale, 2
avril 2008, n° 14, doct.131.
460
Code of practice for adult conditional cautions, Ministry of Justice, 2013.
461
Ce mécanisme de renforcement de la répression causé par l’échec des mesures alternatives est mis en relief par
plusieurs auteurs dont : Sylvie GRUNVALD, « Les choix et schémas d'orientation », in La réponse pénale, dix ans
de traitement des délits, sous la dir. de J. DANET, Presses universitaires de Rennes: “Un certain nombre de dossiers
qui autrefois n’allaient jamais à l’audience parce qu’on les classait sans suite, aujourd’hui on les retrouve parce que
ce sont des échecs de mesures alternatives[…]”.
462
Code of practice for adult conditional cautions, section 1, Ministry of Justice, 2013, en ligne: www.gov.uk.

163
l’infraction pourrait paraître injuste. Permettre au procureur de recourir à une composition pénale
en cas d’échec maintient une possibilité de résolution consensuelle des conséquences de
l’infraction463, qui servirait grandement dans ce cas.

234. Vu l’absence d’un réel caractère alternatif, la médiation serait ainsi réduite à une
mesure de réparation anticipée du préjudice 464 et cette limitation ne nuit pas tant à la médiation
qu’à la réparation en elle-même. C’est les effets de la réparation qui sont limités et non ceux de
la médiation qui n’est que le moyen d’aboutir à la réparation du préjudice. Cette limitation est
bien traduite par J. PRADEL selon qui « par l’effet de la médiation, le parquetier devient un peu
le juge civil des petites affaires pénales »465. La médiation, et la réparation qu’elle permet, restent
en dehors de la sphère pénale et ne sont que des alternatives potentielles et non garanties aux
poursuites pénales.

II. La participation du délinquant à l’exécution de la réparation

235. La participation active du délinquant est au cœur du processus de réparation 466. Elle
lui donne son sens et sa valeur en tant que mesure alternative. Le délinquant ne subit plus la
mesure mais agit afin d’y mettre un terme. Il détermine la fin de la mesure grâce à l’exécution
de ses obligations. La teneur de la participation du délinquant à la réparation a donc un aspect
particulier (A). En cas de non-exécution de la réparation, les textes prévoient des conséquences
variables (B).

463
Jean-Baptiste PERRIER, « La médiation pénale », in Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, sous la
dir. de Y. MAYAUD, Dalloz, 2013.
464
Jean-Baptiste PERRIER, « Le caractère transactionnel de l'accord issu d'une médiation pénale », Recueil Dalloz,
2013, p.1663.
465
Jean PRADEL, Manuel de procédure pénale, 13e éd., Editions Cujas, 2007, p.542.
466
Henriette POUPET, La probation des délinquants adultes en France, Editions Cujas, 1955, p.4.

164
A. La teneur de la participation du délinquant à l’exécution de la réparation

236. Nous avons envisagé la réparation du dommage causé par l’infraction depuis le
début de cette thèse sans nous arrêter vraiment sur la teneur de cet acte de réparation. Il convient
de voir de plus près en quoi consiste exactement cet acte de réparation qui est demandé à l’auteur
de l’infraction (1) et quel sens ce passage à l’acte réparateur cache t-il (2).

1. L’acte réparateur

237. L’acte réparateur des alternatives aux poursuites. Il est intéressant de constater
en premier lieu la différence des termes employés pour qualifier la manière dont la réparation est
demandée à l’auteur de l’infraction. En ce qui concerne les alternatives aux poursuites, on
retrouvait une « obligation de réparation » au sein de la proposition de transaction467, une
« demande de réparation » qui peut assortir la proposition du procureur468 et une « proposition de
réparation » qui peut compléter une composition pénale 469. Ainsi, les mesures alternatives aux
poursuites étant à l’initiative du procureur ou d’un officier de police judiciaire, la réparation du
dommage causé par l’infraction, tout comme plus largement la mesure alternative en elle-même,
ne devraient être que proposées et non imposées. Or les termes employés peuvent porter à
confusion. L’obligation de réparation mentionnée à l’article 41-1-1 du Code de procédure pénale
n’en était pas une car elle était comprise dans une proposition de transaction. L’article 41-2 du
même code est lui plus clair dans son choix de terminologie et adopte la formulation de
« proposition de réparation ». Il reste l’article 41-1 du Code de procédure pénale dans lequel on
retrouve une « demande de réparation » du dommage qui ressemble plus à une obligation. En
effet, étant comprises dans une mesure alternative aux poursuites, ces propositions sont plutôt
perçues comme des obligations car leur inexécution pourrait entraîner l’engagement des
poursuites pénales par le procureur.

467
Article 41-1 C. pr. pén., récemment abrogé par la loi du 23 mars 2019.
468
Idem.
469
Article 41-2 C. pr. pén.

165
238. L’acte réparateur des alternatives à la peine. Dans le cas des alternatives à la
peine, la question ne fait pas débat car la réparation du dommage est communément imposée,
c’est une obligation qui vient assortir l’alternative à la peine ou la peine alternative. L’obligation
de réparation est mentionnée, de manière générale, sans autres explications. Dans certains cas,
quelques précisions sont apportées et nous permettent de distinguer plusieurs types de
réparations :

 Par rapport au dommage : la réparation peut consister en une indemnisation qui viendrait
couvrir financièrement, de manière indirecte, les frais encourus suite à l’infraction. La
réparation peut aussi être directe et consister, comme dans la composition pénale, en la
remise en état du bien endommagé par la commission de l’infraction, ou comme dans la
sanction-réparation, en une réparation en nature effectuée par l’auteur de l’infraction ou
par un professionnel qui sera rémunéré par le délinquant. Dans le cas de la réparation
directe, l’accord de la victime est nécessaire.

 Par rapport à l’auteur de l’infraction : celui-ci peut réparer les conséquences de


l’infraction directement à la victime (en nature ou par des indemnités) ou effectuer un
travail d’intérêt général, la réparation étant dans ce cas tournée vers la société. Notons
que l’article 132-45 du Code pénal relatif au régime de la mise à l’épreuve (auquel faisait
référence la contrainte pénale, le sursis avec mise à l’épreuve et le sursis-TIG, et plus
récemment le sursis probatoire) prend en considération les facultés contributives du
condamné dans la détermination de l’obligation de réparation.

2. Le sens du passage à l’acte réparateur

239. Le sens de cet acte pour l’auteur de l’infraction. La réparation du dommage par
l’auteur de l’infraction n’est pas un acte anodin. C’est un acte porteur de sens pour le délinquant
et c’est un acte qui reflète une certaine politique criminelle. Participer à la réparation des
dommages causés par l’infraction permet au délinquant d’être un sujet actif et non passif de la
mesure qui lui est proposée ou imposée. Cette démarche active est possible grâce à une prise de
conscience du délinquant qui se rend compte de sa responsabilité et décide de l’assumer. Il y a de

166
même une prise de conscience du tort causé à la victime et des conséquences que l’infraction a
eu pour elle. Le délinquant entre dans un processus de responsabilisation, premier pas vers sa
réhabilitation et sa resocialisation.

Ce sont toutes ces notions qui font des mesures et peines étudiées dans les précédents chapitres
des alternatives à la peine traditionnelle, des mesures de probation. La mise à l’épreuve du
délinquant n’est efficace qu’avec la coopération active de ce dernier 470. Il ne se rend pas
seulement compte des conséquences matérielles de l’infraction commise mais aussi du tort
personnel causé à la victime. Tous les délinquants ne peuvent pas réussir cet effort, c’est ce qui
fait que la probation et ses résultats se méritent.

240. Le sens de cet acte au regard de la politique criminelle. La réparation des


conséquences de l’infraction par le délinquant nous renvoie aux théories de la Défense sociale
nouvelle de Marc ANCEL. Cette politique criminelle prône l’humanisation du droit pénal par la
responsabilisation de l’individu. Selon M. ANCEL, le sentiment de responsabilité serait un
procédé de reclassement de l’individu 471. Le Pr. Roger MERLE définit à son tour la Défense
sociale nouvelle comme une « pédagogie de la responsabilité ». L’obligation de réparation du
dommage ne serait-elle pas un bon moyen d’apprentissage de la responsabilité et le passage à
l’acte réparateur un bon moyen de manifester cette responsabilisation ?

L’acte de réparation nous ramène en outre aux valeurs chrétiennes, notamment celle de
rédemption qui suppose un effort personnel de la personne afin de racheter la faute commise.
L’auteur de l’infraction exprime ainsi sa volonté de se faire pardonner pour devenir un homme
meilleur.

Enfin, nous ne pouvons pas éluder le fait que le sens et l’importance de cet acte de réparation ont
d’abord été relevés dans le domaine de l’enfance délinquante. Il était plus facile de croire en la
réhabilitation d’un mineur qu’en celle d’un adulte chez qui l’intention criminelle pourrait
sembler plus ancrée. Le droit des mineurs a souvent été le terrain d’expérimentation de nouvelles

470
Marc ANCEL, La défense sociale nouvelle: un mouvement de politique criminelle humaniste, 2e éd., Cujas,
1971, p.305 et s.
471
Marc ANCEL, La défense sociale nouvelle: un mouvement de politique criminelle humaniste, 2e éd., Cujas,
1971, p.294.

167
politiques criminelles qui, une fois leur efficacité prouvée, ont fini par intégrer le droit pénal des
majeurs.

B. Les conséquences de la non-exécution de la réparation

241. La participation du délinquant à l’exécution de la réparation reposant sur son libre-


arbitre, les mesures et peines alternatives prévoient chacune des conséquences en cas de non-
exécution de la mesure en général et de la réparation en particulier. Ces conséquences forment
une menace censée peser sur le délinquant afin de le pousser à réparer le dommage causé par
l’infraction. Elles garantissent aussi l’efficacité du droit pénal qui serait remise en cause en cas
de non-exécution de la mesure réparatrice.

Afin d’y voir plus clair dans la multitude de mesures et dans la diversité des conséquences, elles
ont été regroupées dans le tableau ci-dessous. Cette division nous permet de mettre en relief deux
conséquences principales à la non-exécution de la réparation : le retour à la peine initiale (qui
avait été écartée en faveur de l’alternative) dans le cas des mesures alternatives (1) et
l’introduction de peines anticipées dans le cas des peines alternatives (2).

168
Catégorie Mesure Conséquences

Réparation (Art. 41-1 Mise en œuvre d’une composition pénale


c.pr.pén.) ou engagement de poursuites
Alternative aux
poursuites Composition pénale
Engagement de poursuites
(Art. 41-2 c.pr.pén.)

Conditional caution Engagement de poursuites


Alternative au
Ajournement en vue d’une Prononcé de la peine prévue par la loi ou
prononcé de la dispense de peine deuxième ajournement.
peine
Révocation du sursis et mise à exécution
Sursis probatoire
de la peine d’emprisonnement
Avertissement puis arrestation et
Alternative à Suspended sentence order
exécution de la peine d’emprisonnement
l’exécution de la
Travail d’intérêt général Le JAP détermine la peine
peine (Arts. 131-8 et 131-9 c.pén.) d’emprisonnement et le montant de
l’amende dans les limites des maximums
d’emprisonnement
Sanction-réparation fixés préalablement par le juge
(Art. 131-8-1 c.pén.) d’instruction.

Community Order L’affaire est jugée à nouveau

1. La mise à exécution de la peine initiale

242. Prévoir une troisième chance. Dans le cas des mesures alternatives, elles sont
comme leur nom l’indique des « alternatives à ». Lorsque l’alternative ne fonctionne pas, il est
logique de revenir à la mesure à laquelle l’alternative est liée. Pour les mesures alternatives aux
poursuites, on observe en droit français une certaine gradation de la réponse donnée en cas
d’inexécution de la mesure. En effet, les mesures alternatives étant considérées comme des
chances données à l’auteur de l’infraction afin de s’amender et réparer le dommage causé par
l’infraction, le législateur a jugé utile de prévoir, dans une perspective de politique criminelle
plus douce, des alternatives aux alternatives, avant de lancer les poursuites pénales.

169
Le tableau ci-dessus révèle cette gradation des mesures alternatives aux poursuites qui
s’ordonnent, de la plus légère à la plus sévère, de la sorte : la transaction pénale (aujourd’hui
abrogée), la mesure de réparation pénale et la composition pénale. Ces mesures s’emboîtent
comme des poupées russes, chacune ouvrant la voie, en cas d’inexécution, à celles qui la suivent.
La composition pénale, la plus sévère des trois, entraîne elle directement l’engagement des
poursuites pénales.

243. S’en tenir à une seconde chance. La situation est plus simplifiée en droit anglais :
l’alternative aux poursuites qu’est l’avertissement sous condition prévoit l’engagement des
poursuites comme seule conséquence de l’inexécution des conditions. Dans le cas des
alternatives au prononcé de la peine, comme l’ajournement simple ou l’ajournement avec mise à
l’épreuve, si, pendant le délai d’ajournement, les conditions de l’ajournement ne sont pas
satisfaites, le juge peut accorder un second ajournement selon le cas, ou prononcer la peine
prévue par la loi (amende et/ou emprisonnement). Le cas est similaire pour le sursis probatoire
(mesure alternative à l’exécution de la peine d’emprisonnement), et son corollaire anglais, le
suspended sentence order. En cas de non-exécution des conditions affectées à ces mesures, le
juge procède à la révocation du sursis et à l’exécution de la peine d’emprisonnement 472.

La mise à exécution de la peine initiale comme conséquence de l’inexécution des obligations


assortissant les mesures alternatives est logique. La situation des peines alternatives en droit
français est quant à elle plus surprenante car elle introduit en droit pénal la notion de « peine
programmée ».

2. Le cas de la peine programmée

244. Une peine pour garantir l’avenir de la procédure. Les articles relatifs aux peines
alternatives que sont le travail d’intérêt général et la sanction-réparation, contiennent une
particularité par rapport aux dispositions des mesures alternatives. En effet, le juge fixe, dès le

472
En droit anglais, un avertissement précède la révocation du “suspended sentence order”. George MAIR, Noel
CROSS et Stuart TAYLOR, The community order and the suspended sentence order, the views and attitude of
sentencers, Center for crime and justice studies, 2008, p.15, en ligne : <www.crimeandjustice.org.uk >.

170
prononcé de la peine alternative, le maximum du montant de l’amende et de la durée de la peine
d’emprisonnement auxquels sera astreint le condamné en cas de non-exécution de la peine
alternative. La détermination du montant exact de l’amende ou de la durée exacte de
l’emprisonnement est laissée au juge d’application des peines.

Cette situation diffère de celle du sursis probatoire à deux niveaux. D’abord, dans le cas du
sursis, c’est par définition qu’il est sursis à l’emprisonnement. La nature de la peine qui sera mise
en place en cas de non exécution des obligations du sursis est donc prédéterminée naturellement
mais n’est pas délimitée. Dans le cas des autres peines alternatives, la loi permet au juge de fixer
à l’avance la peine d’inexécution de la première peine, une sorte de « peine de peine »473.

Ensuite, c’est le juge qui a accordé le sursis qui revoit le dossier une fois la période écoulée, pour
le clôturer ou pour prononcer la peine d’emprisonnement. Dans le cas du travail d’intérêt général
et de la sanction-réparation, c’est au juge d’application des peines de juger de l’exécution de la
peine alternative ou dans le cas contraire de fixer le montant de l’amende et/ou la durée de
l’emprisonnement dans les limites déterminées par le juge d’instruction. Le juge d’application
des peines voit ainsi ses prérogatives augmenter de manière notable.

245. Une peine pour forcer l’exécution du premier jugement. Cette peine programmée
vient confirmer la nécessité d’avoir des mesures contraignantes pour favoriser l’exécution des
alternatives. C’est une peine qui facilite l’exécution d’une autre peine dont les mesures sont
insusceptibles d’exécution forcée. Elle est en quelque sorte « virtuelle »474 car elle est encourue
pour l’avenir. Elle intervient en cas d’inexécution de la peine initiale. Or par principe, une peine
vient sanctionner une infraction. La présence de cette peine programmée qualifie ainsi
indirectement l’inexécution d’une des peines concernées d’infraction pénale. Par conséquent,
l’inexécution de l’obligation de réparation infligée par une peine est constitutive d’une infraction
pénale475. La condamnation de cette nouvelle infraction ne vient en aucun cas dispenser le
condamné de l’exécution de la peine initiale 476. La réparation du dommage résultant de
l’infraction ne peut être évitée par le prononcé d’une peine d’emprisonnement venant sanctionner
473
Philippe SALVAGE, « Les peines de peine », Droit pénal, Juin 2008, n° 6, étude 9.
474
Philippe SALVAGE, « Les peines de peine », Droit pénal, Juin 2008, n° 6, étude 9.
475
Philippe SALVAGE, « L'inexécution d'une peine insusceptible d'exécution forcée, source de responsabilité
pénale », Droit pénal, Janvier 2000, n° 1, chron.1.
476
La Semaine Juridique Edition Générale, « Cass. Crim. 7 janvier 1997 », 9 juillet 1997, II, 22878.

171
la non-exécution de la réparation. Si ces dispositions viennent confirmer le caractère alternatif
aux peines de sanction-réparation et de travail d’intérêt général, elles ancrent plus profondément
la réparation dans le droit pénal français.

En comparaison avec le droit anglais, le non respect du community order oblige le magistrat à
juger l’affaire à nouveau. Les résultats de cette procédure seraient probablement identiques à
ceux du droit français, le juge allant sans doute vers une peine d’emprisonnement ou d’amende
pour assurer la réparation à la victime et l’amendement du condamné. La différence réside ici
dans le fait que ce sera au juge d’instruction de revoir l’affaire à nouveau.

Le législateur français a opté pour une procédure simplifiée en donnant au juge d’application des
peines les prérogatives de révision du dossier. En permettant au juge d’instruction de
programmer à l’avance une peine en cas de défaut d’exécution de la peine initiale, il favorise le
recours à une procédure simplifiée pour la mise en œuvre de la seconde peine, tout en
contournant les critiques sur les pouvoirs d’instruction du juge d’application des peines.

246. En conclusion, la participation du délinquant à la réparation est primordiale au


regard du sens que cette démarche comporte et au regard des conséquences pratiques de son
implication dans le processus de réparation. La participation du délinquant à la médiation pénale
est en soi une réussite, le processus étant aussi important que l’issue de la médiation. Sa
participation à la réalisation d’obligations de réparation assortissant les mesures alternatives peut
dans certaines situations changer le cours des poursuites pénales. Dans le cas contraire, cela
contribuera à sa réhabilitation et au sentiment de justice de la victime.

172
Conclusion du chapitre 1

247. La vision d’un délinquant passif qui subit sa peine comme moyen de réparer le tort
causé à la société ne suffit plus. Même dans les cas où son exclusion est nécessaire au regard du
crime commis et de son état de dangerosité, la passivité et l’absence d’effort du délinquant en
vue de sa réhabilitation et de sa resocialisation sont les indices d’une récidive assurée. Les
victimes demandent des efforts concrets, elles sont à la recherche d’un contact avec leur
agresseur afin de comprendre et de communiquer leurs sentiments, dans un but ultime de
guérison. Même si la place de la victime dans le procès pénal a connu des évolutions positives en
droit français notamment, elle ne permet pas de prendre en compte l’ensemble de ses besoins qui
ressortent plus du psychologique que du juridique477. La médiation pénale, ainsi que d’autres
moyens de prise en charge des victimes permettent de répondre à leurs attentes hors du procès
pénal.

248. Dans cette optique, l’implication du délinquant est primordiale pour assouvir les
attentes de la société et les objectifs personnels fixés pour le délinquant. La réparation s’est
révélée être un outil important de cette implication car elle vise tous les acteurs touchés par
l’infraction : l’auteur, qui par la réalisation de la réparation va assumer les conséquences de ses
actes et commencer un processus de réhabilitation, la victime qui ne va plus se sentir mise à
l’écart de la procédure pénale et la société en faveur de laquelle pourra être mise en œuvre la
réparation.

Les mesures réparatrices sont ainsi développées et favorisées au sein de la justice pénale qui y
voit un moyen de faire face à bien d’autres défis.

477
La place accordée à la victime en droit pénal ne fait pas non plus l’unanimité : Robert CARIO, « Qui a peur des
victimes? », AJ Pénal, 2004, p.434. Nous développerons ce point dans le chapitre consacré à la réparation,
accessoire du droit pénal (voir infra n°439).

173
Chapitre 2 : Le réalisme du droit, moteur de réparation

249. Il apparaît évident au regard des chapitres précédents que les mesures de réparation
alternative se greffent une place aux abords de la justice pénale traditionnelle. Si les avantages
apparents de la réparation ont été évoqués, c’est au réalisme du droit qu’elle doit aussi sa place
croissante478. En effet, c’est au regard de la réalité de la justice pénale contemporaine, de la
justice de terrain, que la réparation alternative fait son entrée parmi les moyens mis à la
disposition des magistrats et des parquets.

La réparation fait ainsi intervenir la réalité, car elle a souvent émergé de pratiques
expérimentales avant d’être consacrée par le droit, comme cela a été le cas pour la médiation par
exemple. La recherche de moyens efficaces pour une meilleure justice, une justice qui mène son
combat contre la délinquance et la récidive, a été le moteur de la réparation.

250. Le réalisme du droit fait intervenir, quant à lui, des réalités et des considérations
morales, sociales, économiques et politiques. Lorsque la réalité s’impose, le droit doit répondre
aux besoins du fonctionnement quotidien de la justice et à la nécessité d’adapter les politiques
pénales. Du point de vue de l’administration de la justice, la justice anglaise a été le précurseur
dans son application de principes issus du monde de l’économie et de la gestion479. Ce mode de
management ne tardera pas à influencer le législateur et le gouvernement français qui tenteront
de l’adapter aux spécificités de la justice française480. Sur le plan du mode de justice, les moyens
alternatifs adoptés en Common Law et en droit français ouvrent la voie à un nouveau système.

Le réalisme du droit se retranscrit au travers d’une politique, terme pris dans le sens de moyens
mis en œuvre en vue d’atteindre un objectif. Parmi ces moyens mis en œuvre par le législateur et
les praticiens du droit, la réparation sert vraisemblablement d’instrument de régulation de la

478
« Rien de moins juridique que le droit, rien de plus déterminé par des facteurs désordonnés, tels la morale,
l’économie, la politique, les enjeux sociaux », François Colonna D'ISTRIA, « Contre le réalisme: les apports de
l'esthétique au savoir juridique », RTD Civ, 2012, 1.
479
Jean-Paul JEAN, « L'administration de la justice en Europe et l'évaluation de sa qualité », Recueil Dalloz, 2005,
p.598.
480
Jean-Paul JEAN, « De l'efficacité en droit pénal », in Le droit pénal à l'aube du troisième millénaire, Mélanges
offerts à Jean Pradel, Cujas, 2006, p. 135.

174
politique d’action publique (section 1) et d’instrument de définition des politiques pénales
(section 2).

Section 1 : La réparation, outil de la politique d’action publique

251. Étudier la mesure de réparation comme instrument de régulation de la justice nous


mènera ici à envisager la justice, non comme valeur ou comme mission, mais comme une
institution de service public 481, qui comme toute institution doit être gérée, administrée. La
politique d’action publique englobe « l’usage du classement sans suite ou de la mise en
mouvement de l’action publique, les priorités de poursuite, les choix entre les mesures
alternatives aux poursuites et les poursuites, les choix du contentieux eu égard aux capacités de
réponses pénales disponibles, les options entre les modes de poursuites ou celles relatives aux
propositions d’alternatives »482.

252. La politique d’action publique et l’administration de la justice du 21e siècle font face
à de nombreux défis parmi lesquels les défis majeurs d’assurer l’effectivité et l’efficacité de la
réponse pénale, défis communs à la justice française, anglaise et libanaise 483. Pour répondre
concrètement à ces défis, les mesures réparatrices ont été introduites pour garantir une
systématisation et une humanisation de la réponse pénale 484, une réponse pénale effective (I). Un
nouveau mode d’administration de la justice devait alors être pensé. Le droit français s’est ainsi

481
Cette complexité de la notion de justice est définie dans le Vocabulaire juridique de l’Association Henri Capitant,
Puf, 10e édition, 2014.
482
Denis MONDON, « Pour une analyse systémique de la politique pénale? », AJ Pénal, 2012, p.442.
483
Ces objectifs ont été relevés à maintes reprises par différents rapports d’évaluation du fonctionnement de la
justice: Jean-Claude MAGENDIE, Célérité et qualité de la justice, la gestion du temps dans le procès, ministère de
la Justice, 2004, en ligne : <www.presse.justice.gouv.fr>. Pour une administration au service de la justice, Rapport
publié sous la direction de Loïc CADIET, Commission Gouvernance de la justice, Le Club des juristes, en ligne :
<www.leclubdesjuristes.com>. Rapport sous la présidence de Jean-Louis NADAL, Refonder le ministère public,
Commission de modernisation de l'action publique, ministère de la Justice, 2013, en ligne : <www.justice.gouv.fr>.
Rapport sous la présidence de Pierre DELMAS-GOYON, Le juge du 21e siècle, Ministère de la Justice, 2013,
en ligne : <www.justice.gouv.fr>. Rapport sous la présidence de Didier MARSHALL, Les juridictions du 21e siècle,
ministère de la Justice, 2013, en ligne : <www.justice.gouv.fr>. Rapport La prudence et l'autorité, l'office du juge au
21e siècle, Institut des Hautes Etudes sur la Justice, 2013, en ligne : <www.ihej.org>.
484
Philippe POUGET, « La mise en place de la diversification du traitement des délits à travers la législation », in
La réponse pénale, dix ans de traitement des délits, sous la dir. de J. DANET, Presses universitaires de Rennes,
2013, p.49.

175
peu à peu rapproché du mode de gestion anglo-saxon et a intégré la notion de « management » de
la justice. Ce mode de gestion emprunté aux entreprises porte en lui l’espoir d’assurer une
meilleure efficacité de la réponse pénale (II).

I. Pour une effectivité de la réponse pénale

253. Pour reprendre la définition de J. PRADEL, le droit pénal est « le droit de


l’infraction et de la réaction sociale qu’elle engendre »485. La commission d’une infraction
engendre une réaction sociale, déléguée au pouvoir judiciaire, qui est lui en charge de délivrer ce
qu’on appelle communément une « réponse pénale » à l’infraction. La crédibilité de la justice
repose en premier lieu sur l’effectivité de cette réponse pénale : cette réponse doit exister en fait
et doit produire l’effet voulu 486. Son existence impose sa systématisation pour empêcher qu’une
infraction ne soit pas sanctionnée. Mais son existence ne suffit pas si elle ne produit pas son
objectif. La réponse pénale doit donc être individualisée, humanisée, pour être réellement
effective. Elle participe ainsi à la construction d’une justice de qualité (B).

Avec en France un taux de classement sans suite de 12,4% des affaires poursuivables en 2017, et
des procédures alternatives représentant 36,7% des affaires poursuivables 487, la réparation
alternative sert vraisemblablement d’outil pour une systématisation de la réponse pénale (A).

A. La réparation alternative, outil de systématisation de la réponse pénale

254. BECCARIA fit de la promptitude du châtiment le titre XIX de son célèbre


ouvrage488 qui s'ouvre par l'affirmation de ce que « plus le châtiment sera prompt, plus il suivra
de près le crime qui a été commis et plus il sera juste et utile ». Assurer une systématisation de la

485
Jean PRADEL, Droit pénal général, 16e éd., Editions Cujas, 2006, n°1.
486
Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri CAPITANT, 10e éd., puf, 2014.
487
Les chiffres-clés de la justice, Sous-direction de la statistique et des études, ministère de la Justice, 2018.
488
Cesare BECCARIA, Marc ANCEL et Gaston STEFANI, Le traité des délits et des peines de Beccaria, Cujas,
1966.

176
réponse pénale, c’est assurer une réponse pénale rapide et juste489. Cette systématisation fait face
à un obstacle majeur, le principe d’opportunité des poursuites qui permet au procureur de classer
sans suite certaines affaires. La réparation joue dans ce combat un rôle intéressant car elle facilite
l’existence d’une opportunité de la réponse pénale, à défaut d’une opportunité des poursuites (1).
Les poursuites ne deviennent qu’une forme de réponse pénale.

Cette réponse pénale fondée sur la réparation du dommage causé par l’infraction nous renvoie au
principe d’objectivité. Ce principe est fondé sur le traitement de l’infraction en elle-même et non
sur la prise en charge de la personne du délinquant (2).

1. L’opportunité de la réponse pénale

255. Le principe de l’opportunité des poursuites. Du point de vue du principe de


l’opportunité des poursuites, le droit français et le droit anglais se retrouvent et accordent tous
deux la faculté au procureur d’apprécier les suites à donner aux dossiers qui leur sont soumis.
Cette faculté est consacrée en droit français à l’article 40 du Code de procédure pénale qui
dispose que le procureur reçoit les plaintes et apprécie les suites à leur donner, et à l’article 40-1
du même code en vertu duquel le procureur peut choisir entre trois voies : l’engagement des
poursuites, le recours aux procédures alternatives aux poursuites490 et le classement sans suite.
Le Crown Prosecution Service, ou service des procureurs de la Couronne, accorde lui aussi cette
faculté aux procureurs, consacrée dans le Code des procureurs de la Couronne 491. Ce code
précise que « les procureurs doivent toujours agir dans l’intérêt de la justice et non pas
uniquement dans le but d’obtenir une condamnation »492. Ils ont la possibilité d’engager des
poursuites ou de recommander une résolution extrajudiciaire. Cependant, cette faculté
d’apprécier l’opportunité des poursuites est plus détaillée en droit anglais et n’est pas laissée à
l’appréciation discrétionnaire du procureur. En effet, les procureurs ne peuvent engager des
poursuites que si l’affaire a satisfait aux deux étapes du test détaillé dans le code : l’étape des

489
La systématisation de la réponse pénale a notamment été relevé dans les travaux parlementaires précédant la loi
du 23 juin 1999 renforçant l’efficacité de la procédure pénale.
490
Rappelons ici que ces procédures ont d’abord été l’œuvre des praticiens du droit qui y avaient recours
localement, elles ont ensuite été consacrées par le législateur par la loi n°99-515 du 23 juin 1999.
491
Code for Crown Prosecutors.
492
Code des procureurs de la Couronne, en ligne : <www.cps.gov.uk>.

177
preuves et l’étape de l’intérêt public. Pour résumer ces deux étapes, les preuves doivent être
suffisantes, crédibles et recevables devant un tribunal. Une fois cette étape franchie, et même si
ces preuves existent, le procureur doit évaluer si les poursuites sont dans l’intérêt public 493.

Ces critères ne sont pas absents du droit français. En raisonnant a contrario, le procureur les
utilise indirectement pour décider d’un classement sans suite de l’affaire qu’il doit justifier par
des raisons juridiques et d’opportunité494.

En droit libanais, l’article 50 du Code de procédure pénale dispose que « le classement de


l’enquête peut se faire si le procureur conclut que le fait ne constitue pas une infraction ou s’il
n’existe pas de preuves suffisantes ou si l’action publique est éteinte ». C’est donc le principe de
la légalité des poursuites qui s’applique, le procureur libanais ne pouvant pas classer sans suite
une affaire qui comporte tous les éléments permettant les poursuites. Le principe de la légalité
des poursuites limite l’entrée de la réparation dans la procédure pénale car celle-ci dépendra de la
volonté de la victime de se constituer partie civile et de demander réparation de son préjudice.

256. L’appréciation de l’opportunité des poursuites. La question qui reste à poser est
celle de cerner le rôle que pourrait avoir la réparation du dommage sur le principe de
l’opportunité des poursuites. Sur la base de l’article 40-1 du Code de procédure pénale et du
Code des procureurs de la Couronne, la possibilité de recourir à des mesures alternatives aux
poursuites - qui comme nous l’avons déjà exposé dans les chapitres précédents, ont une forte
dominance réparatrice495 - fait de la notion de réparation un critère de choix. Le procureur n’est
plus face à la question de l’opportunité des poursuites mais face à celle de l’opportunité d’une
réponse pénale496.

Cette recherche de la réponse pénale conduit dans certaines situations les victimes à se constituer
partie civile pour forcer le déclenchement des poursuites, lorsque le procureur juge inopportun

493
Il peut être dans l’intérêt public d’avoir plutôt recours à des alternatives ou de classer l’affaire, cela en fonction
de plusieurs critères listés par le Code: la gravité du délit, le degré de culpabilité du suspect, la situation de la
victime, l’âge du suspect, l’impact sur la communauté, la proportionnalité des poursuites par rapport au résultat
attendu et la protection des sources d’information.
494
Art. 40-2 C. pr. pén.
495
Frédéric DEBOVE, François FALLETTI et Emmanuel DUPIC, Précis de droit pénal et de procédure pénale,
5e éd., Point Delta, 2013, p.539.
496
D’aucuns font allusion à une « opportunité des alternatives aux poursuites » : Jean DANET, La justice pénale
entre rituel et management, Presses universitaires de Rennes, 2010.

178
d’engager des poursuites pénales. La systématisation de la réponse pénale viendrait diminuer ce
genre de situations qui pourraient alimenter le sentiment d’injustice chez les victimes et
d’impunité chez les auteurs d’infractions pénales. Elle viendrait surtout réduire le taux de
classement sans suite.

257. Les conséquences sur les classements sans suite. La loi n°2004-204 du 9 mars
2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité reflète, par la rédaction de
l’article 40-1 du Code de procédure pénale, le souhait du législateur de permettre une réponse
pénale systématique en empêchant les classements sans suite « secs »497. En effet, l’article 40-1
accorde au procureur la possibilité de classer sans suite la procédure uniquement si les
circonstances particulières liées à l’infraction le justifient 498. Le classement serait ainsi une forme
particulière de réponse pénale qui fait de l’absence de réponse une réponse individualisée
justifiée par les circonstances de l’infraction. Limiter les possibilités de recourir aux classements
sans suite ne suffit pas pour empêcher les procureurs d’y recourir. Ce sont surtout les procédures
alternatives aux poursuites qui constituent les véritables moyens de lutte effective et active
contre les classements sans suite. Elles permettent un traitement simplifié de l’infraction afin de
garantir l’efficacité de la réponse pénale 499.

En France, les chiffres de la justice pour l’année 2017 révèlent un taux de réponse pénale de
87,6%500, somme des taux de poursuites pénales (46%), de compositions pénales (4,9%) et de
procédures alternatives aux poursuites (36,7%). Le taux de classements sans suite est par
conséquent de 12,4%. L’évolution de l’orientation donnée par le parquet aux affaires
poursuivables révèle deux mouvements opposés : le nombre de classements sans suite diminue
progressivement de 2005 à 2017 (jusqu’à atteindre un plateau dû aux classements sans suite
justifiés) alors que le nombre de mesures alternatives augmente corrélativement.

497
Jean PRADEL, « Vers un aggiornamento des réponses de la procédure pénale à la criminalité. Apports de la loi
n°2004-204 du 9 mars 2004 dite loi Perben II », La Semaine Juridique, Edition Générale, 5 mai 2004, n° 19,
doc.132.
498
Projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, exposé des motifs (disponible sur
www.assemblee-nationale.fr).
499
Renaud COLSON et Stewart FIELD, « La fabrique des procédures pénales », Revue de sciences criminelles et de
droit comparé, 2010, n° 2, p. 365.
500
Les chiffres-clés de la justice, Sous-direction de la statistique et des études, ministère de la Justice, 2018.

179
Le rapport du Ministère de la Justice avance, pour expliquer le taux de classements sans suite, les
motifs suivants : « recherches infructueuses, désistement ou carence du plaignant, état mental
déficient, responsabilité de la victime, victime désintéressée d’office, régularisation d’office,
préjudice ou trouble peu important ». Ces motifs révèlent deux catégories de classements sans
suite : les classements justifiés par des éléments objectifs ou légaux (recherches infructueuses,
état mental déficient, responsabilité de la victime), et les classements basés sur le pouvoir
d’appréciation de l’opportunité des poursuites du procureur (victime désintéressée d’office,
régularisation d’office, préjudice ou trouble peu important). Les motifs choisis pour expliquer les
classements viennent confirmer le fait que les mesures réparatrices visent la réduction des
classements « d’opportunité ». Ces motifs sont en effets rattachés au principe de la réparation des
dommages que ce soit par le désintéressement de la victime à obtenir réparation, à la
régularisation d’office qui peut impliquer une réparation volontaire, ou à l’absence de nécessité
de demander réparation au regard du peu d’importance du trouble causé.

En Angleterre, le taux de réponse pénale est calculé différemment. Le « justice gap » ou


« attrition » constitue la différence entre le nombre d’infractions enregistrées par la police et le
nombre d’auteurs jugés par la justice. Les derniers chiffres officiels publiés par le Crown
Prosection Service révèlent qu’en 2001, ce taux ne dépassait pas les 19,8%501. Sur la même base
de calcul, la France aurait eu un taux de 30% environ en 2018502. Le taux qui nous intéresse plus
est celui du « conviction rate » qui constitue la différence entre le nombre d’affaires ayant
conclues à la culpabilité de l’auteur et le nombre d’affaires soumises à la justice. En 2016, ce
taux s’élevait à 85%503, comparable au taux français, avec pour différence qu’il ne tient pas
compte des mesures alternatives aux poursuites mises en place par le Crown prosecution service
ou la police. Les mesures alternatives à la peine sont, elles, comptabilisées. Ce taux serait donc
supérieur s’il prenait en compte les alternatives aux poursuites (conditional cautions).

501
« Narrowing the justice gap », en ligne : <www.cps.gov.uk>. L’article définit le “justice gap” comme la
différence entre le nombre d’infractions enregistrées et le nombre d’infractions dont l’auteur est présenté à la justice.
Ce taux est un indicateur clé de l’effectivité du système judiciaire et un critère de lutte contre le crime.
502
Différence entre le nombre d’affaires traitées par les parquets et le nombre d’affaires poursuivies. Les chiffres-
clés de la justice, Sous-direction de la statistique et des études, ministère de la Justice, 2018.
503
Criminal justice statistics quarterly England and Wales 2016, Ministry of Justice, May 2017, en ligne :
<https://www.gov.uk/government/statistics/criminal-justice-system-statistics- quarterly-december-2016 >.

180
2. L’objectivité de la réponse pénale

258. Une réponse pénale en lien direct avec l’infraction. Outre le fait de permettre une
plus grande opportunité de la réponse pénale, la notion de réparation joue en faveur de la
systématisation de la réponse pénale grâce au caractère objectif qu’elle donne à cette réponse.
On entend par caractère objectif le fait que la réponse pénale donnée suite à la commission de
l’infraction est équivalente au dommage causé et vise uniquement à réparer les conséquences de
l’infraction. La réponse pénale, ici alternative à la peine, est dans ce cas une sanction au sens
large. C’est toute mesure justifiée par la violation d’une obligation 504.

Si on revient aux origines du mot « peine », issu du grec poïne et du latin poena, la peine était
synonyme de compensation. Le criminel devait payer pour s’acquitter de sa dette envers la
société et non pas pour se racheter505. Ainsi, l’objectif est la réparation du dommage et non la
punition, donc la détermination du montant de la sanction ou de sa teneur est équivalente au
montant ou à la teneur du dommage causé. Cette détermination étant objective, elle peut être
faite de manière systématique et ne nécessite pas l’intervention d’un magistrat. Elle vient
compenser le dommage causé, elle lui est équivalente. Elle est équitable.

L’objectivité de cette réponse pénale consiste à relier le dommage causé à la sanction et non la
sanction à l’auteur de l’infraction. C’est une réponse apportée à l’acte commis et non à la
personne qui en est l’auteur506. L’aléa que l’on connaît en matière de détermination de la peine
n’existe pas en matière de réparation alternative. En effet, la réparation est équivalente au
dommage et non proportionnelle comme l’est la peine par rapport à la gravité de l’infraction et à
la situation du délinquant. Cette objectivité de la réponse pénale acquise par la réparation permet
de renouer avec la fonction rétributive traditionnelle de la peine. La réparation, lorsqu’elle fait
partie de la peine au sens large, permet de ramener le droit de la peine à un droit de l’acte et non
à un droit du délinquant.

504
Jean PRADEL, Droit pénal général, 16e éd., Editions Cujas, 2006, p.519.
505
Frédéric DEBOVE, François FALLETTI et Emmanuel DUPIC, Précis de droit pénal et de procédure pénale,
5e éd., Point Delta, 2013, p.237.
506
Cela rappelle la position de Beccaria selon laquelle la responsabilité pénale est fondée sur le trouble à l’ordre
public, donc les conséquences de l’infraction, et non sur l’intention coupable, donc l’auteur de l’infraction. Ce débat
est repris par Emmanuel DREYER, « L'objet de la sanction pénale », Recueil Dalloz, 2016, p.2583.

181
259. Une concurrence possible des alternatives réparatrices. Pour optimiser la
systématisation de la réponse pénale, son objectivité doit influer sur son mode de détermination.
Dans le cadre traditionnel de traitement des infractions, il existe une peine pour chaque crime ou
délit. En droit français, le cadre des alternatives aux poursuites offre une diversité de mesures
réparatrices qui pourraient entrer en concurrence. Pour une même infraction, le procureur de la
République pourrait avoir le choix entre plusieurs mesures alternatives (composition pénale,
médiation pénale, sanction-réparation, etc.). La réponse pénale, si elle demeure systématique,
perd cependant en uniformité et objectivité. L’appréciation du procureur déterminera quelle
mesure sera privilégiée et la concurrence sera tranchée en fonction des objectifs poursuivis :
célérité de la procédure, économie de l’audience, recueillement du consentement du délinquant à
la mesure proposée507, etc. Le danger est que chaque ministère public se crée une propre grille
d’utilisation des mesures alternatives qui aboutirait à une différence dans l’utilisation des
procédures dans chaque tribunal pour des dossiers comparables. L’absence d’uniformité de la
réponse pénale aboutirait à créer un aléa de la procédure au détriment des droits des justiciables.

La concurrence des mesures a permis à d’aucuns de les qualifier de produits susceptibles d’être
choisis différemment selon l’appréciation du procureur508. L’orientation des délits entre les
différentes mesures alternatives devient un enjeu important de la politique d’action des parquets.
Cette politique d’action publique est menée par le ministre de la Justice qui veille à la cohérence
de son application509 et par le procureur général qui veille à l’harmonisation dans le ressort de la
cour d’appel. Cette situation contribue à alimenter le développement d’un système de
« management » de la justice qui jouerait en faveur d’une systématisation de la réponse pénale
mais pourrait nuire à sa qualité510.

260. La systématisation et l’objectivité de la réponse pénale jouent vraisemblablement en


faveur de son effectivité. Les intérêts de la victime sont ainsi plus fortement préservés et la
crédibilité de la justice est renforcée. Cependant, une systématisation de la réponse pénale ne

507
Jean DANET, La justice pénale entre rituel et management, Presses universitaires de Renne, 2010.
508
Idem.
509
Article 30 C. pr. pén. Notons aussi la circulaire n°04-3/E5 du 16 mars 2004 relative à la politique pénale en
matière de réponses alternatives aux poursuites et de recours aux délégués du procureur, qui détaille les conditions
d’applications des différentes alternatives (en ligne : www.textes.justice.gouv.fr).
510
Renaud COSLON et Stewart FIELD, « La fabrique des procédures pénales », Revue de sciences criminelles et de
droit comparé, 2010, n° 2, p. 365.

182
suffit pas à garantir sa qualité. Cet aspect dépend notamment d’une humanisation de la réponse
pénale au travers de la réparation alternative.

B. La réparation alternative, outil de qualité de la réponse pénale

261. Le projet annuel de performance annexé à la loi de finances pour 2017 cite parmi les
objectifs du programme « Justice judiciaire » : rendre plus efficace la réponse pénale, l’exécution
et l’aménagement des peines. Le premier indicateur de performance de cet objectif est le taux
d’alternatives aux poursuites511.

La réponse pénale fondée sur la réparation est reliée à l’infraction en tant qu’acte. Ce caractère
objectif n’empêche pas la réparation alternative d’être tournée vers l’auteur et la victime de
l’infraction. La réponse pénale fondée sur la réparation du dommage répond au droit à un recours
effectif de la victime, consacré par l’article 8 de la Déclaration universelle des droits de
l’Homme de 1948 et à sa volonté de participer à la manifestation de la vérité et de la justice512.
Cette réponse participe ainsi au sentiment de satisfaction de la victime.

Le sentiment de satisfaction des victimes est un indice de qualité de la justice (1), qualité qui
repose sur la prise en charge de l’auteur de l’infraction (2).

1. La satisfaction de la victime, indice d’une justice de qualité

262. Les différentes mesures de réparation du dommage font partie des réponses pénales
apportées aux infractions de faible gravité. A cet effet, d’aucuns seraient tentés de les appliquer
de manière systématique. Mais ces mesures engagent l’auteur de l’infraction tout comme la
victime. Leur contenu et leur contour sont objectifs mais leur but ultime est de garantir une
réponse pénale de qualité car « l’exigence de qualité du procès doit faire en sorte que la justice,
même dans les contentieux répétitifs, permette au juge de porter une attention suffisante à chaque
511
Avec le délai moyen de transmission des décisions au casier judiciaire national, le taux de mise à exécution et le
délai moyen de mise à exécution. Données disponibles sur : « Projet de loi de finances pour 2017 », en ligne :
<https://www.performance-publique.budget.gouv.fr>.
512
Robert CARIO, « De la victime oubliée... à la victime sacralisée? », AJ Pénal, 2009, p.491.

183
affaire, toujours considérée comme unique par le citoyen concerné, qu’il soit auteur ou
victime »513. La recherche d’une justice de qualité motive la multiplication des réponses pénales,
mais l’évaluation de cette qualité demeure ardue et les critères d’évaluation multiples.

Dans le cadre de ces mesures, nous nous concentrerons sur les critères objectifs et subjectifs de
satisfaction des victimes.

263. Les critères objectifs de satisfaction. Les travaux parlementaires et les motifs des
lois instaurant des mesures alternatives aux poursuites font penser que ces mesures permettent
principalement d’améliorer le taux de réponse pénale. L’insatisfaction des victimes et de la
société serait causée par le taux de classements sans suite qui entraînent un sentiment d’impunité
chez les délinquants et un découragement chez les victimes 514. En France, le taux de réponse
pénale est par ailleurs un « indicateur de performance » important dans le Programme annuel de
performance de l’administration de la justice judiciaire 515. Il traduirait le niveau de satisfaction
des victimes qui saisissent la justice dans l’attente d’une réponse à leur requête. En 2017, il
s’élevait à 87,6% de réponses apportées aux affaires poursuivables516. 41,6% des affaires
poursuivables ayant reçu une réponse pénale ont fait l’objet d’une mesure alternative aux
poursuites ou d’une composition pénale, c’est dire la part que prennent les mesures alternatives
dans le renforcement du taux de réponse pénale.

Cependant, le taux de réponse pénale n’est pas révélateur à lui seul du taux de satisfaction des
victimes, même s’il est considéré comme un enjeu politique et une preuve du bon
fonctionnement de la justice 517. Encore faut-il que la réponse pénale corresponde aux attentes des
victimes. Les mesures alternatives réparatrices ont pour avantage d’assurer la conformité du
délinquant à la mesure de réparation, ce qui augmente pour les victimes les chances d’exécution
de la réparation. Des enquêtes ayant été menées afin de recueillir le sentiment de satisfaction des

513
Jean-Paul JEAN, « De l'efficacité en droit pénal », in Le droit pénal à l'aube du troisième millénaire, Mélanges
offerts à Jean Pradel, Cujas, 2006.
514
Philippe POUGET, « La mise en place de la diversification du traitement des délits à travers la législation », in
La réponse pénale, dix ans de traitement des délits, sous la dir. de J. DANET, Presses universitaires de Rennes,
2013, p.53.
515
Sylvie GRUNVALD, « Les choix et shémas d'orientation », in La réponse pénale, dix ans de traitement des
délits, sous la dir. de J. DANET, Presses universitaires de Rennes, 2013.
516
Les chiffres-clés de la justice, Sous-direction de la statistique et des études, ministère de la Justice, 2018.
517
Jean-Paul JEAN, « Politique criminelle et nouvelle économie du système pénal », AJ Pénal, 2006, p.473.

184
victimes d’infractions révèlent que l’élément objectif qui influence le plus le sentiment de
satisfaction des victimes est celui des dommages et intérêts518. La question de la réparation du
dommage est intimement liée au sentiment de justice rendue. En effet, les résultats de l’enquête
montrent que 72% des victimes ayant reçu des dommages et intérêts d’un montant qu’elles ont
jugé équitable estiment avoir été satisfaite du rendement de la justice. Il est important de noter
que parmi les procédures aboutissant à cette réparation, la médiation vient en première position,
avant le jugement. Ils sont suivis par deux autres mesures alternatives : la régularisation de la
situation de l’auteur de l’infraction et le rappel à la loi.

Le taux de réponse pénale et la réparation du dommage ne suffisent pas à eux seuls à influencer
le sentiment de satisfaction des victimes. Des critères subjectifs participent aussi à ce sentiment.

264. Les critères subjectifs de satisfaction. Selon certaines études, les critères subjectifs
pèsent plus sur le degré de satisfaction des victimes d’infraction519. La victime a certaines
attentes de la justice qui concernent notamment son efficacité à lutter contre la récidive et sa
manière de prendre en compte sa situation de victime. Sans nous attarder sur la lutte contre la
récidive qui dépasse le cadre limité de l’infraction en question et qui sera le sujet de la deuxième
partie de cette section, nous tenterons de développer la teneur du critère de prise en compte de la
situation de la victime qui est un sentiment personnel subjectif. Selon certaines statistiques, « une
victime qui pense n’avoir pas été considérée comme telle a cinq fois moins de chances d’être
satisfaite qu’une victime pour qui ce serait le cas »520. La considération de la victime passe
d’abord par sa relation avec le juge ou le médiateur : la victime accorde une importance à la
qualité d’écoute qu’elle a reçu, le respect à son égard, le temps consacré à son dossier et la
reconnaissance par le juge ou le médiateur de sa qualité de victime. Des enquêtes menées en
Angleterre auprès de victimes ont permis de relever leur satisfaction concernant les out-of-court
disposals qui ont recueilli des taux de satisfaction élevés lorsque leurs processus étaient bien
expliqués aux victimes et lorsqu’elles étaient consultées a priori sur l’administration d’une de

518
Zakia BELMOKHTAR, Les victimes face à la justice: le sentiment de satisfaction sur la réponse judiciaire,
Infostat Justice numéro 98, ministère de la Justice, décembre 2007, en ligne : http://www.justice.gouv.fr/ .
519
Valérie CARRASCO-AUTHIER et Abdellatif BENZAKRI, La satisfaction des victimes de délits suite au
jugement de leur affaire: quels facteurs explicatifs?, Infostat Justice numéro 112, ministère de la Justice, janvier
2011, en ligne : <http://www.justice.gouv.fr/ >.
520
Idem.

185
ces mesures521. Quant aux processus de médiations, les victimes sont satisfaites car ils sont
menés rapidement, permettent de prendre en compte leurs points de vue et déterminent des
résultats convenus entre les parties 522. Le sentiment de reconnaissance passe ainsi surtout par la
réparation du préjudice, preuve de cette reconnaissance. Les critères objectifs et subjectifs sont
étroitement liés et leurs effets sur la satisfaction de la victime très proches.

2. La prise en charge de l’auteur de l’infraction, facteur d’une justice de qualité

265. La prise en charge de l’auteur de l’infraction passe par sa responsabilisation. Au delà


de la fonction de responsabilisation que possède l’acte de réparation du dommage en tant que
tel523, la réparation est aujourd’hui considérée comme un minimum acquis, un dû. Elle ne suffit
plus à elle seule à l’amendement de l’auteur de l’infraction sur le long terme et doit être
complétée d’autres mesures. Par responsabilisation, nous entendons « reclassement » en droit
français et « rehabilitation » en droit anglais 524. Il n’existe pas d’équivalent en droit libanais, seul
l’article relatif au sursis fait référence à une mesure de patronage, mesure non appliquée à défaut
d’un service pour sa mise en place 525.

Les termes de reclassement et de « rehabilitation » englobent différentes mesures qui peuvent


compléter l’alternative réparatrice pour un traitement global de l’infraction. Ces mesures sont
principalement d’ordre médical ou d’ordre social.

521
Initial findings from a review of the use of out-of-court disposals, Office for criminal justice reform, 2010,
en ligne : <https://www.gov.uk>.
522
Inventaire des dispositifs et des procédures favorisant les rencontres entre les victimes et les auteurs dans le
cadre de la mise en oeuvre de la justice restaurative. Le cas de l'Angleterre et du Pays de Galles, Service des
affaires européennes et internationales, ministère de la Justice, 2008, p.23.
523
Comme étudié dans le chapitre relatif au consentement de l’auteur de l’infraction.
524
Le terme de « réhabilitation » en droit français renvoie à la mesure spécifique de réhabilitation judiciaire ou la
réhabilitation de droit prévues aux articles 782 et suivants C. pr. pén. et 133-12 et 133-16 C. pén. Il en est de même
en droit libanais.
525
« Le patronage est une mesure exécutée dans des institutions privées reconnues par l’État et qui procureront du
travail au patroné ; des délégués surveilleront discrètement sa manière de vivre et donneront conseil et appui. Le
péculé du libéré pourra lui être remis. Mais un rapport par trimestre sur sa situation devrait être présenté à la
juridiction qui a prononcé la mesure. » in Philomène NASR, Droit pénal général, Etude comparée entre les deux
Codes libanais et français, Imprimerie St Paul, 1997, p.252.

186
266. La prise en charge médicale. En droit français, l’article 41-2 du Code de procédure
pénale prévoit la possibilité d’assortir la composition d’une mesure d’injonction thérapeutique
lorsqu’il apparaît que l’intéressé fait usage de stupéfiants ou fait une consommation habituelle et
excessive de boissons alcooliques. Le régime de mise à l’épreuve 526 comprend aussi l’obligation
de se soumettre à des mesures d’examen médical, de traitement ou de soins, même sous le
régime de l’hospitalisation, et la possibilité de recourir à la mesure d’injonction thérapeutique en
cas de consommation excessive d’alcool ou d’usage de stupéfiants. On retrouve des mesures
similaires en droit anglais. Le community order permet entre autre d’obliger l’auteur de
l’infraction à suivre un traitement contre son addiction à l’alcool ou à la drogue ou un traitement
pour sa santé mentale527. Cette prise en charge médicale permet de traiter la source de la
commission de l’infraction et de tenter ainsi de prévenir toute récidive.

267. La prise en charge sociale. Cette prise en charge est moins lourde que la prise en
charge médicale. Elle consiste en droit français à orienter l’auteur de l’infraction vers une
structure sanitaire, sociale ou professionnelle afin qu’il y effectue un stage ou une formation. Les
dénominations sont nombreuses : stage de citoyenneté, stage de responsabilité parentale, stage de
sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels, stage de responsabilisation pour la
prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes, stage de sensibilisation
aux dangers de l'usage de produits stupéfiant, stage de sensibilisation à la sécurité routière528. En
droit anglais, le Offender Rehabilitation Act de 2014529 introduit la notion de « rehabilitation
activity requirement » qui signifie obligation de suivre une activité de réhabilitation au sens
large. Le genre d’activités n’est pas spécifié mais l’existence de programmes prédéfinis par le
secrétaire d’État est mentionnée. Ces programmes visent à permettre au délinquant de changer et
donc à prévenir la récidive. Ils peuvent être spécifiques à certaines catégories de délinquants.

Toutes ces mesures ont un aspect éducatif certain et participent à la lutte contre la récidive.

526
Art. 132-45 c. pén.
527
Criminal Justice Act, Chapter 44, 2003, en ligne : <www.legislation.gov.uk>.
528
Ces stages sont énumérés dans un ou plusieurs de ces articles: 41-1-1 et 41-2 C. pr. pén. et 132-45 C. pén. A
compter de la loi du 23 mars 2019, ils ont été regroupés dans une peine unique de stage qui entrera en vigueur le 24
mars 2020 (art. 131-5-1 C.pén.).
529
Offender Rehabilitation Act, Ministry of Justice, 2014, en ligne : <www.justice.gov.uk>.

187
268. La prise en charge de l’auteur de l’infraction permet de soigner l’humain, dans son
corps et son esprit. Les mesures de soins et les stages ne doivent cependant être que
complémentaires à une mesure réparatrice qui reste indispensable pour une justice de qualité530.
Loin de réparer les dommages issus de l’infraction, elles réparent ce qui dans le parcours du
délinquant s’est brisé. Cette vision humaniste de la réparation ne peut exister sans l’implication
des associations ou des institutions publiques ou privées chargées de la mise en place de ces
mesures. Elles contribuent, en marge du système judiciaire, à la préservation d’une justice de
qualité.

II. Pour une efficacité de la réponse pénale

269. La loi de finances pour 2018 prévoit comme objectif premier du programme
« Justice judiciaire » l’amélioration de la qualité et de l’efficacité de la justice. Les indicateurs de
performance de cet objectif se concentrent sur le délai moyen de traitement des procédures et le
nombre d’affaires traitées par un magistrat531. Cet objectif fait écho aux décisions de la Cour
européenne et aux recommandations du Conseil de l’Europe en matière d’administration de la
justice. Ces deux institutions s’accordent sur la nécessité d’organiser les juridictions de manière à
améliorer leur efficacité, par le développement de mesures alternatives et la simplification des
procédures, afin de garantir un délai raisonnable de traitement des infractions 532. Pour atteindre
cet objectif d’efficacité, le droit français s’inspire de plus en plus d’une vision managériale
anglo-saxonne, le « new public management »533.

L’efficacité exprime la qualité de l’adéquation entre le résultat et le moyen utilisé pour y arriver.
Poussée par cet objectif de qualité, une justice pénale simplifiée a émergé et se répand
progressivement. Elle mise surtout sur les mesures alternatives pour la résolution des litiges.

530
Les stages peuvent aussi être prononcés à titre de peines complémentaires.
531
« Rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques », juillet 2017,
https://www.performance-publique.budget.gouv.fr.
532
Jean-Paul JEAN, « L'administration de la justice en Europe et l'évaluation de sa qualité », Recueil Dalloz, 2005,
p.598. La règle du délai raisonnable est consacrée à l’article 6 (1) de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales.
533
On retrouve dans la doctrine française une notion qui s’en rapproche: la gouvernance pénale. Juliette TRICOT,
« L'hypothèse de la gouvernance pénale », in Humanisme et justice, Mélanges en l'honneur de Geneviève Giudicelli-
Delage, Dalloz, 2016, p.1021 et s.

188
Dans ce cadre, la notion de réparation permet de réaliser cette adéquation entre l’efficacité de la
réponse pénale - le résultat – et les mesures alternatives réparatrices - le moyen utilisé -. La
réparation est une réponse à l’engorgement des tribunaux (A) et aux facteurs économiques (B)
auxquels fait face l’administration judiciaire.

A. La réparation, alternative face à l’engorgement des tribunaux

270. La question de l’engorgement des tribunaux soulève deux défis du travail de la


justice : le nombre croissant d’affaires traitées par chaque magistrat et la durée moyenne de
traitement de chaque affaire. Ces réalités ne favorisent pas l’avènement d’une réponse pénale
efficace et de qualité. La réparation vient, à travers les mesures alternatives, soutenir les efforts
de la justice face à ces défis. Il est notamment mentionné dans le recueil des obligations
déontologiques des magistrats que « la gestion des flux et le traitement des affaires dans un délai
raisonnable constituent une exigence légitime pour les magistrats ; ces objectifs ne sauraient les
dispenser du respect des règles procédurales et légales, de la qualité des décisions et de l’écoute
du justiciable, garanties d’une justice indépendante »534. De plus, la réparation permet de
contribuer à la réalisation des exigences imposées par les nouvelles théories de management de
la justice, notamment celles reliées à la performance qualitative des juridictions 535. L’évaluation
de cette performance dépend notamment du délai nécessaire pour recevoir une réponse pénale
(1) et de la charge de travail des magistrats (2).

1. Le défi du délai raisonnable

271. Bien avant d’étudier les moyens pour faire face au défi du délai raisonnable, il
convient d’abord, à défaut de pouvoir le définir, de savoir comment l’évaluer. La Cour
européenne des droits de l’homme « apprécie le caractère raisonnable de la durée de la procédure

534
Conseil Supérieur de la Magistrature, Recueil des obligations déontologiques des magistrats, point (a.15), Dalloz,
2010, en ligne : <http://www.conseil-superieur-magistrature.fr>.
535
Cécile CASTAING, « Les procédures civile et administrative confrontées aux mêmes exigences du management
de la justice », AJDA , 2009, p.913.

189
suivant les circonstances de la cause et eu égard à la complexité des affaires, ainsi qu’en fonction
du comportement du requérant et des autorités, mais aussi en fonction de l’enjeu du litige »536.
Ainsi, pour les infractions de faible gravité dont les enjeux sont peu importants, il apparaît
normal que les délais procéduraux soient courts. Afin de garantir le caractère raisonnable de ces
délais, une diversification des processus et une simplification des procédures se sont avérés
nécessaires.

272. La diversification des processus et la simplification des procédures. Lorsque les


délits forment, en 2017, 98% de l’ensemble des infractions condamnées537, la nécessité de
donner à la justice les moyens de réorganiser les juridictions, afin de pouvoir faire face aux
contentieux de masse, s’avère primordiale. En 2017 en France, la durée moyenne de procédure
pour les délits s’élevait à 11,6 mois (contre 40,5 mois pour les crimes) 538. En Angleterre, 13,5
mois étaient nécessaires en moyenne pour juger des délits par les Magistrate Courts539. Or après
un tel écoulement de temps, les jugements internes perdent toute vertu réparatrice 540.

A défaut d’augmenter les moyens humains et financiers des juridictions, une variété de processus
a été adoptée pour pallier le manque de célérité. A côté des techniques contentieuses destinées à
modérer l’afflux de recours541, les processus de troisième voie ont permis de diversifier les
réponses apportées aux infractions pénales tout en simplifiant les procédures pour y arriver, par
l’intervention directe des officiers de police judiciaire et des procureurs de la République 542. La
multiplication des acteurs a permis de prendre en charge de manière plus rapide les dossiers de

536
Décision de la Cour européenne des droits de l’homme du 24 septembre 1997. Sophie PEREZ, « Notion de "délai
raisonnable" au sens de la Convention européenne des droits de l'homme dans lequel doit intervenir une décision sur
une accusation en matière pénale », Recueil Dalloz, 1998, 207. La CEDH a déjà sanctionné la France pour non
respect du délai raisonnable. Voir en ce sens : CEDH, Cour (Première section), 26 septembre 2000, Guisset c/
France ; et plus récemment : 8 février 2018, Goetschy c. France.
La notion de délai judiciaire a aussi fait l’objet d’un rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la
justice (CEPEJ) intitulé « Analyse des délais judiciaires dans les Etats membres du Conseil de l’Europe à partir de la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », publié en juin 2007 et disponible sur :
https://www.euromed-justice.eu.
537
Les chiffres-clés de la justice, Sous-direction de la statistique et des études, ministère de la Justice, 2018.
538
Idem.
539
Criminal courts statistics quarterly, England and Wales, April to June 2016, Ministry of Justice, 29 september
2016, en ligne : <https://www.gov.uk>.
540
Cécile CASTAING, « Les procédures civile et administrative confrontées aux mêmes exigences du management
de la justice », AJDA , 2009, p.913.
541
L’obligation de présence d’un avocat, la suppression partielle de l’appel et la régulation des flux de dossier admis
en cassation.
542
Jean-Paul JEAN, « Politique criminelle et nouvelle économie du système pénal », AJ Pénal, 2006, p.473.

190
faible gravité. Ce n’est pas un hasard si ces processus ont été mis en place par la loi du 23 juin
1999 intitulée « loi renforçant l’efficacité de la réponse pénale ». Le délai moyen de traitement
des procédures est devenu un indicateur de performance récurrent de la loi organique relative aux
lois de finances (LOLF). Rendre une décision dans un délai raisonnable fait plus que jamais
partie de la culture de la performance imposée aux acteurs judiciaires. Nous pouvons cependant
questionner le moyen choisi pour la meilleure prise en charge des dossiers. Le choix de
multiplier et diversifier les acteurs judiciaires en augmentant leur prérogatives serait-il plus
bénéfique pour la justice que celui d’augmenter le nombre de magistrats, le nombre de tribunaux
et leur répartition dans les régions et les moyens qui leurs sont accordés pour faire face au flux
des dossiers ? A défaut d’être bénéfique pour l’image de l’institution judiciaire, ce choix l’est
sûrement pour le budget alloué à la justice.

273. La méconnaissance du délai raisonnable. Lorsque la procédure choisie n’aboutit


pas dans un délai raisonnable, cela cause en lui-même un préjudice aux victimes et leur ouvre le
droit à réparation. La méconnaissance du délai raisonnable a d’abord été sanctionnée par la Cour
européenne des droits de l’homme sur la base de l’article 6§1 de la Convention543. La France
s’est conformée à ces décisions puisque le non respect du délai raisonnable a ensuite été
sanctionné par la chambre criminelle de la Cour de cassation544.

En outre, l’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire dispose que « l’État est tenu de
réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Sauf
dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un
déni de justice ». Depuis le 20 novembre 2016 545, l’article a été amendé afin d’ajouter, entre
autre, l’adjectif « public » à service, consacrant ainsi la vision gestionnaire de l’administration
judiciaire.

543
La France a été sanctionnée 277 fois par la CEDH pour violation de l’article 6§1 de la convention relative au
délai raisonnable (résultats obtenus sur HUDOC, base de données en ligne de la CEDH). On peut citer notamment:
CEDH 24 oct. 1969, n° 10073/82, § 58, H. c/ France. CEDH 25 mars 1999, n° 25444/94, Pélissier et Sassi c/
France. Le Royaume-Uni a aussi connu des sanctions de la part de la CEDH dont par exemple : CEDH 21 juil.
2015, n° 44547/10, Piper c/ Royaume-Uni.
544
Cass. Crim., 24 avril 2013, n°12-82.863 : « il se déduit des articles préliminaires du code de procédure pénale et
6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droit de l’homme que, si la méconnaissance du délai raisonnable
peut ouvrir droit à réparation, elle est sans incidence sur la validité des procédures ».
545
Loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

191
2. Le défi de la charge de travail des magistrats

274. Le manque de célérité de la justice est non seulement dû à la lenteur des procédures
mais aussi et surtout à la charge de travail des magistrats qui se voient noyés par la quantité de
dossiers à gérer. Afin de faire face à ce défi, les techniques de management influencent de plus
en plus les obligations des magistrats. Le parquet joue, quant à lui, le rôle de filtre afin de
diminuer le flux de dossiers transmis au tribunal.

275. La pression du « management » sur l’office du juge. La magistrature a sans


doute été le dernier service public à succomber aux exigences du management. Elle a longtemps
résisté à la pression de la performance et du rendement qu’elle opposait à la qualité de la justice
rendue. Aujourd’hui, avec les indicateurs mis en place par la LOLF, les magistrats sont évalués
en fonction du nombre d’affaires jugées et des délais nécessaires pour rendre un jugement 546. Ils
ont longtemps brandi le manque de moyens pour justifier le manque de célérité de la justice. Les
notions de management ont permis de réfléchir autrement : c’est la mauvaise utilisation des
moyens disponibles qui empêche une gestion efficace des infractions. Face à une délinquance
croissante, il ne s’agit pas d’augmenter proportionnellement les moyens affectés à la justice mais
de répartir ces moyens afin de s’adapter à l’évolution de la criminalité. Les mesures réparatrices
alternatives à la peine (les différentes formes de sursis, l’ajournement en vue d’une dispense de
peine) apportent une réponse aux délits de faible gravité qui est plus facile à mettre en œuvre
pour l’administration judiciaire. En y ayant recours, le juge participe au désengorgement des
prisons et centres d’arrêts et favorise la qualité de la décision à moindre coût. Car comme nous le
verrons ci-dessous, ces mesures coûtent bien moins qu’une peine de prison. La gestion des
moyens passe aussi par une répartition des tâches avec le parquet.

546
La prudence et l'autorité, l'office du juge au XXIe siècle, Institut des Hautes Etudes sur la Justice, mai 2013, p.70,
en ligne : <www.ihej.org>.

192
276. Le rôle de filtre du parquet. L’un des principaux moyens de lutte contre
l’engorgement des tribunaux consiste dans le rôle de filtre que joue le parquet. La gestion des
flux de dossiers par le parquet, ou le Crown prosecution service en Angleterre, vise à ne
transmettre aux tribunaux que les affaires les plus importantes. Le parquet joue ce rôle de filtre
grâce aux mesures alternatives qui, par une quasi-délégation de la décision, permettent aux
procureurs d’apporter une réponse pénale à son stade547. Les juges se retrouvent réduits à
homologuer ou valider leur proposition, ce qui pourrait déplaire à l’indépendance et l’autonomie
de certains, mais force est de constater que ces procédures allègent nettement leur charge de
travail. Les impératifs d’efficacité et de productivisme ont même été à la source d’initiatives
locales qui ont ensuite été étendues à l’échelle nationale 548. La diversification des procédures et
la répartition des prérogatives ont permis la mise en place d’une nouvelle logique de gestion des
flux549.

B. La réparation, alternative face aux facteurs économiques

277. Les théories de management n’ont pas seulement influencé l’organisation et


l’administration de l’institution judiciaire, elles ont aussi mis en relief l’importance de faire face
au budget que requiert la justice. En France, le budget alloué à la justice est divisé en
programmes et est réévalué chaque année ; les programmes étant pour l’année 2017 : justice
judiciaire, administration pénitentiaire, protection judiciaire de la jeunesse, accès au droit et à la
justice, conduite et pilotage de la politique de la justice et conseil supérieur de la magistrature 550.

Les contraintes budgétaires de la justice ont certainement un impact sur son mode de
fonctionnement et sur les choix de sanctions possibles en fonction du budget disponible (1). Il ne
s’agit donc pas seulement d’augmenter la productivité du système mais de diminuer les coûts
pour que celui-ci soit réellement efficace (2).

547
Nicolas D'HERVE, « La magistrature face au management judiciaire », RSC, 2015, p.49. Notons aussi la
procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, forme de « plaider-coupable », qui permet au
procureur de la République de proposer à une personne qui reconnaît avoir commis un délit, une peine qui, si elle est
acceptée par l’intéressé, sera homologuée par le président du tribunal (art. 495-7 c.pr.pén.).
548
Nous pensons à la médiation, au traitement en temps réel, etc.
549
Jean DANET (dir), La réponse pénale, dix ans de traitement des délits, Presses universitaires de Rennes, 2013,
p.291.
550
Les chiffres-clés de la justice, Sous-direction de la statistique et des études, ministère de la Justice, 2018.

193
1. Les contraintes budgétaires de la justice

278. Les contraintes budgétaires de la justice ont toujours été l’objet de débats et sont
brandies comme l’une des causes principales du mauvais fonctionnement de la justice,
notamment lors de la médiatisation d’affaires aux fins sordides. Or l’étude du budget de la justice
révèle une hausse constante du budget depuis les années 1970 551, budget qui atteint en 2017 plus
de 8,5 milliards d’euros552, soit 4,2% de plus que le budget de 2016. Les moyens disponibles
restent cependant insuffisants pour faire face aux exigences d’une justice de qualité.
L’augmentation annuelle du budget s’accompagne d’une augmentation parallèle voire supérieure
de l’activité judiciaire. Le défi est de pouvoir répartir le budget afin de pouvoir répondre aux
besoins de la justice. Cette répartition dépend fortement de la politique pénale mise en œuvre par
l’État.

279. La répartition du budget, reflet de la politique pénale. En France, le budget


général attribué à la justice est réparti sur ses différents programmes de façon non équitable. Le
point le plus flagrant est le budget alloué à l’administration pénitentiaire, budget le plus
important par rapport aux autres programmes. En 2017, il s’élève à 3,6 milliards d’euros alors
que le programme de la justice judiciaire ne reçoit que 3,3 milliards d’euros553. Plus
particulièrement, le budget alloué pour l’accroissement du parc pénitentiaire s’élève à 1,5
milliards d’euros alors que celui prévu pour le développement des alternatives et des
aménagements de peine n’atteint que 46,9 millions d’euros554. En Angleterre, le budget alloué à
la justice s’élève à 9 milliards de pounds et le projet de budget pour 2017-2018 mentionne
comme priorité clé du ministère de la justice la mise en place d’un programme de réforme et de
sécurité des prisons, et comme autres priorités la réforme de la justice des mineurs,
l’amélioration du système de probation et la mise en place de mesures stratégiques visant à

551
Antoinette HASTINGS-MARCHADIER, « Les contraintes budgétaires de la justice pénale », AJ Pénal, 2013,
p.584.
552
Budget général 2017, projet annuel de performance, annexe au projet de loi de finances pour 2017, disponible en
ligne sur: https://www.performance-publique.budget.gouv.fr.
553
Le programme « justice judiciaire » englobe les volets civil et pénal. Budget général 2017, projet annuel de
performance, annexe au projet de loi de finances pour 2017, disponible en ligne sur: https://www.performance-
publique.budget.gouv.fr.
554
Delphine BOESEL, « Ce que coûte la prison », AJ Pénal, 2016, p.520.

194
réduire la récidive 555. Le projet de budget englobe dans une même catégorie le budget alloué aux
prisons et aux services de probation556, nous ne pouvons donc pas les distinguer. Il est cependant
fait mention d’une augmentation du budget de ce service pour le programme de réforme des
prisons, nous pouvons donc douter du fait que la répartition du budget est aussi inégalitaire, en
faveur du programme des prisons.

Alors qu’il apparaît dans les textes que la politique pénale de la France et de l’Angleterre vise la
promotion des alternatives aux poursuites et à l’emprisonnement comme moyen de lutte contre la
récidive, l’étude des budgets de leurs ministères respectifs permet de douter qu’ils accordent les
moyens nécessaires à cette politique. Les lois visant à limiter l’emprisonnement en dernier
recours ne pourront être efficacement mises en œuvre tant que l’effort financier est dirigé vers le
secteur pénitentiaire. Il reste qu’en pratique, les contraintes budgétaires imposées aux tribunaux
bénéficient sans doute aux alternatives.

280. Le poids du budget sur l’orientation des affaires. Nous avons déjà étudié les
conséquences positives qu’ont les mesures alternatives sur la célérité de la justice. Or une
procédure plus rapide ne joue pas seulement sur l’efficacité de la justice mais aussi sur son
économie. Économiser du temps sur la procédure permet d’économiser des dépenses 557. Ainsi,
lorsqu’un procureur doit choisir la voie à emprunter dans une affaire, la rationalité économique
le fera pencher vers la voie qui lui apportera le résultat le plus satisfaisant par rapport au budget
et au temps qu’il aura engagé 558. Il évaluera donc l’opportunité des poursuites non seulement en
fonction de critères juridiques et d’opportunité mais aussi en fonction des capacités financières
de son parquet. Cette conception encore timidement dévoilée en France est plus ouvertement
assumée en Angleterre où les procureurs de la Couronne agissent dans les limites d’un budget
mis à leur disposition et sont parfois contraints de classer sans suite des affaires bénignes non
prioritaires faute de budget559. Cette rationalité joue en faveur des mesures alternatives qui
devraient être favorisées pour le gain de temps et d’argent qu’elles permettent. Elles sont en
elles-mêmes moins chères à mettre en œuvre pour l’État.

555
Memorandum on main estimate 2017-18, Ministry of justice, en ligne : <http://www.parliament.uk>.
556
Sous la dénomination de “Her Majesty’s Prison and Probation Service”.
557
Antoinette HASTINGS-MARCHADIER.
558
Jean-Paul JEAN, « Politique criminelle et nouvelle économie du système pénal », AJ Pénal, 2006, p.473.
559
Idem.

195
2. Le coût de la sanction

281. Les facteurs économiques auxquels fait face la justice permettent d’apporter un
regard rationnel à l’utilisation des mesures alternatives réparatrices. Au delà de leurs bénéfices
sur le plan moral et humain, elles permettent vraisemblablement de faire des économies
financières. Elles sont d’un côté moins chères à mettre en place et elles permettent, de l’autre, de
lutter contre la surpopulation carcérale.

282. La réparation, moins chère que la prison. La prison est économiquement la peine
la plus chère à mettre en place de par ses besoins en locaux, en ressources humaines et en frais de
fonctionnement. N. BISHOP a résumé la situation en notant que « les prisons sont un moyen
onéreux de rendre des délinquants plus délinquants encore »560. En effet, si les résultats des
peines d’emprisonnement étaient positifs en matière de lutte contre la récidive, personne n’aurait
remis en cause le budget englouti par l’administration pénitentiaire. En France en 2014, le coût
d’une année de prison par personne était estimé à 32000 euros alors que le coût d’une peine
exécutée en milieu ouvert était estimé à 1014 euros561. Ce coût va vraisemblablement augmenter
avec l’accroissement du budget prévu chaque année pour l’administration pénitentiaire,
notamment pour l’accroissement du parc pénitentiaire. En Angleterre, le coût d’une année en
prison s’élevait en 2017 à 24.664 pounds562. Ce coût est en légère régression par rapport aux
années précédentes parce que l’Angleterre, contrairement à la France, réduit progressivement le
budget alloué à l’administration pénitentiaire en faisant notamment des économies sur les
ressources humaines563.

560
Norman BISHOP, « Une question de détermination », Dedans Dehors (octobre 2016), en ligne :
<https://oip.org/>, n°93. Norman Bishop est fondateur du département recherche et développement de
l'administration pénitentiaire suédoise et expert en pénologie pour le Conseil de l'Europe.
561
Avis du Sénat sur le budget 2015 de l’administration pénitentiaire, novembre 2014.
562
Costs per place and costs per prisoner by individual prison, National offender management service, Ministry of
Justice, 2016, en ligne : <https://www.gov.uk/>.
563
Ce budget reste cependant élevé et constitue environ 40% du budget total alloué au ministère de la Justice. En
2015, le coût d’une année de prison par personne s’élevait à 23.854 pounds. Voir les rapports : Costs per place and
costs per prisoner by individual prison, National offender management service, Ministry of Justice, de 2009 à 2015.
Consulter aussi les rapports sur les prisons sur: https://www.instituteforgovernment.org.uk/.

196
Il n’existe malheureusement pas de statistiques relatives au coût de chaque peine ou mesure
alternative séparément. En France, la moyenne de leur coût, trente fois inférieure à une peine de
prison, est significative à elle seule. Développer le recours à ces mesures permettrait de réaliser
des économies non négligeables564.

283. La réparation et la surpopulation carcérale. Privilégier les mesures alternatives


réparatrices ne permettrait pas seulement de réduire les frais de la justice mais aurait aussi un
impact sur la surpopulation carcérale, fléau qui touche tout autant la France, l’Angleterre et le
Liban565. En France, l’administration pénitentiaire a pour obligation d’assurer l’encellulement
individuel des détenus566 et c’est sur cette base qu’elle calcule son taux de surpopulation
carcérale. En 2016, la France avait un taux de surpopulation carcérale de 118%567. L’Angleterre
avait un taux de 108% en 2016, calculé sur la base du critère « certified normal accomodation »
qui garantit un niveau décent d’hébergement568.

Le cas de la France est particulier car elle dispose de plusieurs types de prisons suivant la
catégorie de détenus569. Lorsqu’on observe le taux d’occupation de chaque structure, la
différence de densité est frappante : les maisons d’arrêt ont une densité de 140% alors que les
maisons centrales ont un densité de 74,9%570. Ce sont donc les prisons qui accueillent les
délinquants ayant commis les délits les moins graves qui ont le plus fort taux de surpopulation.

564
Antoinette HASTINGS-MARCHADIER, « Les contraintes budgétaires de la justice pénale », AJ Pénal, 2013,
p.584.
565
La CEDH a d’ailleurs, à maintes reprises, sanctionnée les États européens pour ce qui a trait aux conséquences de
la surpopulation carcérale, notamment les conditions de détention. On cite : Canali c. France, 25 avril 2013 ; Yengo
c. France, 21 mai 2015 ; Orchowski c. Pologne, 22 octobre 2009 ; Torreggioani et autres c. Italie, 8 janvier 2013
(dans lequel la Cour recommande 4m2 d’espace habitable par personne) ; Varga et autres c. Hongrie, 10 mars 2015.
566
Principe promu dans le code pénal de 1875 et consacré par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Le 31 août
2016, une requête (A. B. c/ France, n°51808/16) a été déposée contre la France au sujet des conditions de détention à
la maison d’arrêt de Fresnes.
567
Jean-Jacques URVOAS, En finir avec la surpopulation carcérale - Rapport au parlement sur l'encellulement
er
individuel, ministère de la Justice, 2016, p.16, en ligne : www.justice.gouv.fr: « Au 1 août 2016, pour héberger 68
819 personnes détenues, la France ne compte que 58 507 places de prison, soit un manque brut de 10 312 places et
une surpopulation de 118 %. »
568
Offender management statistics quarterly, Justice statistics analytical services, Ministry of Justice, 2017,
en ligne : < https://www.gov.uk/government/collections/offender-management-statistics-quarterly >.
569
Les maisons d’arrêt pour les condamnés à moins de 2 ans d’emprisonnement, les centres de détention pour les
condamnés à plus de 2 ans d’emprisonnement et dont la détention est axée sur la réinsertion et les maisons centrales
pour les condamnés à plus de 2 ans d’emprisonnement et dont la détention est axée sur la sécurité.
570
Taux d’occupation au 1er août 2016. Jean-Jacques URVOAS, En finir avec la surpopulation carcérale - Rapport
au parlement sur l'encellulement individuel, ministère de la Justice, 2016, p.18, en ligne : <www.justice.gouv.fr>.

197
Ce sont ces mêmes délinquants qui sont la cible privilégiée des mesures et des peines alternatives
réparatrices. Au lieu d’essayer d’absorber cette augmentation de détenus en créant de nouvelles
places en prison, pourquoi ne pas utiliser plus largement les moyens octroyés par les alternatives
réparatrices afin de réduire au contraire la demande de places en prison. La croissance de la
surpopulation carcérale relève d’un choix571, il faut donc que les magistrats soient les principaux
agents de réduction de l’incarcération572. Les alternatives à l’emprisonnement ne devraient plus
être l’exception. En mars 2018, le ministère français de la Justice avait annoncé les chantiers de
la justice sous le thème « Sens et efficacité des peines » et s’était fixé pour objectif de la réforme
d’interdire les peines d’emprisonnement de un jour à un an, ce qui aurait sûrement joué en faveur
des mesures alternatives573. En mars 2019, la promulgation de loi 2019-222 ne permet d’interdire
que les peines d’emprisonnement inférieures à un mois574.

Le constat au Liban est édifiant : en 2016, 30% des personnes incarcérées l’ont été pour des
durées inférieures à deux mois et plus de 47% pour des durées inférieures à six mois 575. La
création et la mise en œuvre de mesures alternatives aux poursuites et à la peine apparaît
primordiale. Même si ces mesures sont au cœur de la politique pénale de la France et de
l’Angleterre, leur utilisation n’est pas aussi systématique qu’elle le devrait et les taux de
surpopulation carcérale laissent à penser que ces alternatives luttent aujourd’hui plus contre les
classements sans suite que contre les courtes peines d’emprisonnement 576. Les mesures
réparatrices auraient cependant un effet positif sur la diminution du taux de surpopulation
carcérale, ce qui permettrait plus largement d’œuvrer en faveur de la réinsertion et de la lutte
contre la récidive.

284. Les politiques d’action publique sont le moteur de la généralisation des mesures
alternatives comme outil d’une justice de qualité. La réparation contrebalance l’approche
économique de l’administration de la justice et préserve les intérêts des victimes face aux

571
Nils CHRISTIE, L'industrie de la punition, Autrement, 2003, p.19.
572
Martine HERZOG-EVANS, « Récidive et surpopulation: pas de baguette magique juridique », AJ Pénal, 2013,
p.136.
573
Les chantiers de la justice - Sens et efficacité des peines, ministère de la Justice, Mars 2018, en ligne :
<www.justice.gouv.fr>.
574
Article 132-19 du Code pénal, mis en vigueur à compter du 24 mars 2020.
575
Statistiques issues du programme informatique de gestion des prisons tenu par le ministère de la Justice et obtenu
suite à une requête personnelle.
576
Idem, p.50.

198
exigences d’efficacité des parquets. Elle est en même temps un outil de cette économie et permet
de réduire les coûts engendrés par l’administration. Outil des politiques d’action publique, la
réparation est aussi au cœur des politiques pénales.

Section 2 : La réparation, mesure des politiques pénales

285. À la différence des politiques d’action publique qui s’occupent du fonctionnement


judiciaire, les politiques pénales articulent les actions de la justice pénale 577. C’est une forme de
politique publique, « un ensemble de normes, d’actions et de moyens financiers et humains au
service d’objectifs définis par une autorité publique »578. Dans un effort de consolider une
définition de la politique pénale, nous retenons celle adoptée par la conférence des procureurs
généraux en 2004 : « la politique pénale a pour objet d’arrêter les priorités que commande
l’intérêt général en ce qui concerne la constatation des infractions à la loi pénale, la recherche et
la sanction de leurs auteurs, la protection des victimes, l’exécution des décisions judiciaires
répressives et la coopération pénale internationale »579. Elle regroupe pour sa mise en œuvre
différents acteurs : le ministre de la justice, les procureurs généraux et les procureurs de la
République.

286. En France, aux termes de l’article 30 du Code de procédure pénale, le garde des
sceaux « conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de
son application sur le territoire de la République. A cette fin, il adresse aux magistrats du
ministère public des instructions générales. Il ne peut leur adresser aucune instruction dans des
affaires individuelles ». Les procureurs généraux déclinent la politique pénale dans l’étendue du

577
Camille MIANSONI, « Politique pénale et management des juridictions ou la politique pénale comme
composante du projet de juridiction », AJ Pénal, 2012, p.448.
578
Denis MONDON, « Pour une analyse systémique de la politique pénale? », AJ Pénal, 2012, p.442.
579
Yves CHARPENEL, Les rendez-vous de la politique pénale, Armand Colin, 2006. Le garde des sceaux, M. Jean-
Jacques URVOAS, définit le concept de politique pénale dans son rapport de politique pénale de mai 2017 comme
suit: « politique, au sens de manière concertée de répondre à des situations données, et pénale, évoquant les
orientations générales et des priorités d’actions du Gouvernement dans le domaine répressif », rapport disponible en
ligne : www.justice.gouv.fr.

199
ressort de leur cour d’appel580 et animent et coordonnent l’action des procureurs de la
République qui met en œuvre la politique pénale en tenant compte du contexte propre à leur
ressort581. Cette chaîne de mise en œuvre de la politique pénale permet d’assurer son efficacité et
une certaine cohérence. C’est vraisemblablement l’absence d’une telle chaîne de collaboration en
Angleterre, et le rôle assez récent du Crown Prosecution Service dans la conduite des poursuites,
qui rendent la définition de la politique pénale moins aisée 582. La politique pénale relève en
Angleterre des compétences du Home Office, équivalent du ministère de l’Intérieur français. Le
ministère de la Justice se charge des matières relatives à la probation, à l’emprisonnement et à
l’exécution des peines, tandis que le Home Office conserve les compétences relatives à la police,
la politique pénale, le développement de la justice restaurative et la politique relative au
terrorisme, à l’immigration et au droit d’asile 583. La politique pénale se développe principalement
au niveau local à travers les Crime and policing plans, mais les plans d’action élaborés au niveau
national ne sont pas à négliger 584.

287. La politique pénale est souvent désignée au singulier, comme une politique unique,
un ensemble cohérent. Mais en réalité, cette politique varie au gré des tendances politiques, des
gouvernements au pouvoir, des objectifs ministériels. Il existe donc au fil du temps des politiques
pénales qui se côtoient, se suivent ou se superposent. De même, pour une même politique,
plusieurs actions peuvent être mises en place. Parmi ces actions, l’instauration de mesures
réparatrices devient de plus en plus fréquente dans les politiques pénales. Nous nous limiterons à
en étudier les raisons et les conséquences sur la base de deux politiques pénales, récurrentes et
stables par leur nécessité et leur actualité : la lutte contre la délinquance (I) et la lutte contre la
récidive (II).

580
Art. 35 C. pr. pén.
581
Art. 39-1 C. pr. pén.
582
Steward FIELD, « La politique pénale en Angleterre et au Pays de Galles : formation et responsabilité », AJ
Pénal, 2012, p. 455.
583
Inventaire des dispositifs et des procédures favorisant les rencontres entre les victimes et les auteurs dans le
cadre de la mise en oeuvre de la justice restaurative. Le cas de l'Angleterre et du Pays de Galles, Service des
affaires européennes et internationales, ministère de la Justice, 2008.
584
Consulter par exemple: “Transforming the criminal justice system – Strategy and action plan”, disponible en
ligne: www.gov.uk.

200
I. Les atouts de la réparation dans les politiques pénales de lutte contre la
délinquance

288. La lutte contre la délinquance a toujours été la raison d’être des politiques pénales.
La lutte contre les infractions aux limites posées par la loi et la société a motivé bien d’autres
politiques plus ciblées sur des problèmes qui découlent de la délinquance. Dans le cadre des
mesures alternatives, le phénomène qui retient notre attention est celui qualifié de « petite
délinquance » et qui renvoie aux infractions de faible gravité. Cette petite délinquance regroupe à
elle seule la majeure partie des infractions enregistrées585. Elle est ainsi devenue une des
préoccupations du législateur qui tente d’y faire face par plusieurs moyens. Les mesures
réparatrices sont mises en avant dans les politiques pénales de lutte contre la petite délinquance
(A) et leur rôle se justifie à plusieurs niveaux (B).

A. Les manifestations de la réparation dans les politiques pénales de lutte contre la


délinquance

289. La réparation se manifeste dans les politiques pénales de lutte contre la petite
délinquance comme faisant partie des mesures qui constituent les réponses apportées à la
délinquance (1). Sous un autre angle, la réparation cible en pratique les actes de petite
délinquance (2).

1. La réparation, réponse à la petite délinquance

290. Plusieurs mesures, un élément commun. Face à la nécessité d’apporter une


réponse pénale à toute infraction poursuivable et face à l’évidence que les courtes peines
d’emprisonnement ne sont plus la réponse adéquate pour lutter contre la petite délinquance, il a

585
Les chiffres-clés de la justice, Sous-direction de la statistique et des études, ministère de la Justice, 2018 : en
2017, l’activité de la justice pénale a compris 2212 condamnations pour des crimes contre 610 761 pour des délits et
5689 condamnations pour des contraventions de 5e classe contre 353 345 pour des contraventions des quatre
premières classes.

201
fallu innover. La délinquance qualifiée de « petite », ou « d’ordinaire »586 se traduit par une
banalisation de la violence et un sentiment d’impunité, et peut être perçue comme une situation
d’insécurité par la société. Une multitude d’actions a été entreprise afin de faire face à ce
contentieux de masse : instauration de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable
de culpabilité, création (puis suppression) des juges de proximité, l’utilisation de la comparution
immédiate, et l’instauration de la comparution à délai différé, etc. Il a ainsi été question
d’assurer une réponse systématique à cette forme de délinquance et d’éviter que son traitement
ne prenne plus de temps que nécessaire. La véritable question reste cependant celle de la nature
de la réponse à apporter.

En Angleterre, le système de probation déjà centenaire est passé par plusieurs phases. La réponse
qu’il souhaitait d’abord apporter était plutôt de nature curative. Venant d’une inspiration
religieuse, il s’agissait surtout de trouver un remède pour les délinquants, de les guérir 587. A la
fin du 20e siècle, le système de probation devient plus pragmatique et n’est plus considéré
comme un traitement mais comme une simple alternative à l’emprisonnement dont la réparation
est un des objectifs. C’est ce que traduit le Criminal Justice Act.

En France, les différentes lois pénales qui se sont succédé ont donné plusieurs réponses à la
problématique de la délinquance. Par exemple, la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la
justice aux évolutions de la criminalité a introduit la procédure de comparution sur
reconnaissance préalable de culpabilité pour améliorer l’effectivité de la réponse pénale mais a
surtout introduit précisé le principe de l’opportunité des poursuites à travers l’article 40-1 du
Code de procédure pénale, donnant ainsi une place plus importante aux procédures alternatives
aux poursuites588. Cette loi complète aussi l’article 41-1 du même code pour que la composition
pénale devienne la réponse à l’échec d’une mesure alternative.

De même, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance et l’exécution des


peines introduit la peine de sanction-réparation, motivée par une nécessaire adaptation des
sanctions aux comportements délinquants des majeurs. Dans l’exposé des motifs du projet de loi,

586
Jocelyne LEBLOIS-HAPPE, « De la transaction pénale à la composition pénale », La Semaine Juridique, Edition
Générale, 19 janvier 2000, n° 3, I 198.
587
Gwen ROBINSON et McNeill FERGUS, « Probation in the United Kingdom », in Transnational criminology
manual, Wolf Legal Publishers.
588
William ROUMIER, « Mise en oeuvre de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de
la criminalité », Droit pénal, avril 2005, n° 4, alerte 29.

202
il est précisé que cette sanction permettra une « véritable prise de conscience du dommage causé
à la victime » car elle oblige l’auteur à remettre, dans la mesure du possible, la situation dans son
état d’origine589. En dernier exemple, la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des
peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales face à la délinquance, avait introduit la
contrainte pénale et la transaction policière pour renforcer cette efficacité, deux mesures
récemment abrogées par la loi 2019-222 du 23 mars 2019.

Sans vouloir dresser une liste exhaustive des lois pénales du 21e siècle, les principales lois, dont
l’un des objectifs est de lutter contre la délinquance quotidienne, introduisent des mesures de
nature réparatrice. Que ce soit pour des objectifs cachés de réduction des coûts, de
démobilisation de magistrats surchargés ou pour une véritable croyance en ce processus, la
réparation est souvent la réponse choisie face à la petite délinquance. Cette volonté législative se
traduit dans la pratique.

2. La petite délinquance, cible de la réparation

291. Une cible compatible. L’usage des mesures alternatives et de la composition pénale
en matière de petite délinquance est nettement plus important que pour les infractions plus
graves. Les statistiques de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales 590
montrent que 48,8% des atteintes aux biens ont fait l’objet en 2015 d’alternatives aux poursuites
lorsqu’il s’agit de vols et recels sans violence contre 17% lorsqu’il s’agissait de vols avec
violence. Sur la même année, 50,6% des atteintes aux personnes ont été résolues par une
alternative aux poursuites contre 26,3% lorsque ces atteintes avaient un caractère sexuel. La
réponse pénale en matière de petite délinquance vise donc majoritairement la réparation et la
réhabilitation.

Cette affirmation se confirme lorsqu’on observe la structure de la réponse pénale selon les
grandes catégories d’affaire. En effet, les mesures alternatives sont privilégiées dans les
catégories d’infractions qui touchent des victimes (économie, finances, travail, personnes, bien,

589
Exposé des motifs du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, disponible en ligne : www.senat.fr.
590
L'activité judiciaire pénale en 2015, Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, Observatoire
national de la délinquance et des réponses pénales, 2016, en ligne : www.inhesj.fr.

203
etc.)591. Les infractions liées à la circulation routière font beaucoup plus l’objet de poursuites que
de mesures alternatives car elles constituent principalement des infractions aux codes de la route
n’ayant pas entraîné d’accidents.

En Angleterre, l’écart entre les infractions de petite délinquance et les infractions plus graves est
visible dans les statistiques relatives aux conditional cautions. En 2016, il y a eu cinq fois plus de
cautions accordées pour des violences contre la personne que pour des atteintes sexuelles et
trente fois plus de cautions accordées en cas de vols sans violence en comparaison avec les vols
avec violence592. Ces observations ne font que conforter l’idée que les mesures alternatives sont
choisies en matière de petite délinquance pour favoriser le processus de réparation en présence
d’une victime. Le recours à ces mesures se justifie aussi pour des arguments en rapport avec la
personnalité du délinquant.

B. Les justifications de la réparation au sein des politiques pénales de lutte contre la


délinquance

292. Les politiques pénales de lutte contre la délinquance cherchent à apporter une
réponse pénale adaptée aux actes de petite délinquance. Le constat de l’inefficacité des courtes
peines d’emprisonnement ou des classements sans suite pour raison d’opportunité a conduit le
législateur et la doctrine à réfléchir à la nature des mesures qui seraient le plus adaptées pour
affirmer l’autorité de l’État et assurer aux victimes le sentiment que la justice a été rendue. Le
choix des mesures réparatrices se justifie à plusieurs égards, d’abord quant à la personne du
délinquant (1) et ensuite quant à la méthode en tant que telle (2).

1. Les justifications liées à la personne du délinquant

293. Le choix de recourir à des mesures réparatrices comme réponse pénale à une
infraction ne dépend pas uniquement du type d’infraction et de sa gravité mais aussi du profil du

591
Idem.
592
Criminal courts statistics quarterly, England and Wales, April to June 2016, Ministry of Justice, 29 september
2016, en ligne : <https://www.gov.uk>.

204
délinquant auteur de l’infraction et de son degré de dangerosité. La réponse pénale doit garder un
caractère de sanction pour influer sur l’auteur de l’infraction et provoquer sa responsabilisation.
Les mesures réparatrices ne sont donc pas adaptées à tous les profils de délinquants.

294. Les profils individuels de délinquance. Parler de profil de délinquant ne signifie


pas faire allusion à un physique type de personne comme Lombroso le décrivait. Ce n’est pas
non plus dresser une liste des facteurs ayant conduit certaines personnes à devenir délinquantes.
C’est observer les caractéristiques principales de la majorité des délinquants afin de comprendre
si les mesures réparatrices leur sont adaptées. Les statistiques pénales révèlent une répartition des
délinquants suivant plusieurs caractéristiques. Les caractéristiques liées au sexe et à l’origine
raciale sont directement écartées car il n’y a pas d’argument objectif pouvant justifier
l’adaptation des mesures réparatrices à tel sexe ou à telle race593. L’âge des délinquants est quant
à lui une caractéristique intéressante. La délinquance est plus fréquente chez les personnes âgées
entre 18 et 24 ans594. En France, les statistiques montrent que la majorité des délinquants dont les
affaires ont été traitées par les parquets en 2015 a moins que 30 ans595. En Angleterre, 26,6% des
délinquants effectuant leur peine en milieu ouvert étaient âgés entre 18 et 24 ans en 2015596. Les
mesures alternatives, par leur aspect pédagogique, peuvent être une réponse adaptée à ce profil
de délinquants. Cet aspect pédagogique est aussi utile pour la reconstruction des valeurs sociales
refoulées par les actes de petite délinquance. La responsabilisation engendrée par l’acte
réparateur permet au délinquant de renouer avec les valeurs de la société. En France, en 2014,
61% des mineurs et 38% des jeunes majeurs ayant fait l’objet d’une réponse pénale ont été
orientés vers des mesures alternatives aux poursuites597.

593
Le traitement judiciaire des auteurs d'infractions pénales, ministère de la Justice, 2015, en ligne :
<www.justice.gouv.fr>. Le rapport révèle que 79% des affaires traitées par les parquets en 2015 ont pour auteur des
hommes.
594
Thierry MAINAUD, La délinquance des jeunes évolue avec l'âge, la réponse pénale aussi, Infostat Justice
n°145, ministère de la Justice, novembre 2014, en ligne : <www.justice.gouv.fr>.
595
Le traitement judiciaire des auteurs d'infractions pénales, figure p.53. Voir aussi : Shadd MARUNA et Thomas
P. LE BEL, « Les apports de l'étude de la désistance à la réinsertion », AJ Pénal, 2010, p.367: « la violence est
typiquement un vice de jeune homme et il a été affirmé que l’arme la plus efficace pour lutter contre le crime est un
trentième anniversaire ».
596
Ce taux est inférieur à celui de 2010 qui était de 34 %. Offender equalities annual report, National Offender
Management Service, Ministry of Justice, 2015, en ligne : <www.gov.uk>.
597
Thierry MAINAUD, La délinquance des jeunes évolue avec l'âge, la réponse pénale aussi, Infostat Justice
n°145, ministère de la Justice, novembre 2014, en ligne : <www.justice.gouv.fr>.

205
295. Le degré de dangerosité des auteurs d’infraction. Le principe d’évaluation de la
dangerosité des délinquants et ses outils forme une controverse car le résultat de l’évaluation
justifie le recours aux mesures de rétention de sûreté598. Ces mesures sont basées sur une
évaluation du délinquant pour ce qu’il est et non pour ce qu’il fait 599. Or ce qu’il fait permet
vraisemblablement de comprendre ce qu’il est. C’est précisément le cas des « petits »
délinquants dont les infractions ne dépassent pas un certain seuil de gravité. C’est parce qu’ils ne
représentent pas un danger pour la société qu’ils peuvent être les destinataires de mesures
alternatives.

2. Les justifications liées à la réparation en tant que méthode

296. La réparation se justifie comme outil des politiques pénales de lutte contre la
délinquance car elle constitue un processus à part entière. Outre le résultat final qui est d’assurer
la réparation des dommages aux victimes, elle permet au délinquant d’intégrer un processus de
responsabilisation et de rééducation. La mesure alternative réparatrice, sorte de seconde chance
accordée au délinquant, devrait l’inciter à s’amender et à choisir de ne plus récidiver. Cette
vision s’apparente au concept de désistance qu’il est intéressant d’aborder.

297. La réparation, outil vers la désistance. La désistance, terme emprunté à la langue


anglaise, se définit comme le moment où le délinquant cesse ses activités de délinquant de lui-
même600. La désistance est plutôt un chemin, plus ou moins long selon les personnalités
délinquantes et qui comporte parfois des retours en arrière 601. Elle permet au délinquant

598
Art. 706-53-13 et suivant C. pr.pén. Martine HERZOG-EVANS, « Outils d'évaluation: sortir des fantasmes et de
l'aveuglement idéologique », AJ Pénal, 2012, p.75. Arnaud COCHE, « Faut-il supprimer les expertises de
dangerosité? », RSC, 2011, p.21.
599
Geneviève GIUDICELLI-DELAGE, « Droit pénal de la dangerosité - Droit pénal de l'ennemi », RSC, 2010, p.69.
600
Martine HERZOG-EVANS, « Définir la désistance et en comprendre l'utilité pour la France », AJ Pénal, 2010,
p.366. Il faut noter qu’un Observatoire de la récidive et de la désistance a été créé par un décret du 1 er août 2014
mais ses membres n’ont été nommés qu’en janvier 2016. Cet observatoire publiera un rapport annuel ayant pour
objectif d’analyser scientifiquement et statistiquement les causes ou facteurs de récidive et de désistance.
601
Gill KELLY, « Qualités personnelles et professionnelles des agents de probation », in L'efficacité de l'exécution
des peines, sous la dir. de M. HERZOG-EVANS, Mare & Martin, 2014, p.48.

206
d’effectuer un travail sur lui-même afin d’arriver à se sortir de la délinquance par ses propres
moyens. Les auteurs et chercheurs qui se sont penchés sur le processus de désistance ont relevé
des facteurs favorisants comme par exemple l’avancement en âge, le mariage ou le fait de
trouver un emploi stable602. Il est donc intéressant de voir s’il y aurait des moyens de provoquer
la réalisation de la désistance sans attendre que le délinquant y parvienne seul et si la réparation
pourrait être un de ces moyens. Parmi les multiples théories qui ont tenté de définir la désistance,
celle de W. GOVE retient notre attention. Selon GOVE, la désistance résulterait entre autre
« d’un passage d’un égocentrisme vers un intérêt pour les autres, d’une acceptation des valeurs
sociales, d’un confort croissant dans les relations sociales et d’un regain d’intérêt pour la
société »603. Ce changement d’ordre psychologique chez le délinquant entraînant sa désistance
est assez proche de ce qu’on pourrait accorder comme vertu aux mesures réparatrices. En effet,
les mesures comme le travail d’intérêt général ou le community order mettent l’individu dans une
situation où il doit renouer avec la société. La médiation permet au délinquant de comprendre les
sentiments qu’a eu la victime de l’infraction et le pousse ainsi à sortir ainsi de son égocentrisme.
Il se rend compte du tort qu’il a causé aux autres. Sans étude scientifique sur le sujet, nous ne
pouvons que relever les points communs entre les effets des mesures réparatrices et les facteurs
favorisant la désistance des délinquants. D’un point de vue plus général, la vision participative de
la réparation comme méthode sert la politique de lutte contre la petite délinquance.

298. Une vision participative. Les mesures alternatives réparatrices ont en commun une
méthode d’action : la participation du délinquant à son propre relèvement. Que ce soit dans la
recherche du consentement du délinquant à la mesure, ou dans une approche transactionnelle,
dans le travail effectué par le délinquant ou même dans sa rencontre avec la victime, la vision
participative est essentielle pour assurer l’efficacité des politiques pénales de lutte contre la
délinquance. L’emprisonnement est une peine passive qui ne requiert aucun acte positif de la part
du délinquant qui ne fait que subir la peine. La mesure réparatrice est une mesure ou une peine
active.

602
Morvan PATRICK, Criminologie, 2e éd., LexisNexis, 2015, p.355. Shadd MARUNA et Thomas P. LE BEL,
«Les apports de l'étude de la désistance à la réinsertion », AJ Pénal, 2010, p.367.
603
W. GOVE, The effect of age and gender on deviant behavior, A.S. Rossi, 1985.

207
299. Inclure la réparation au cœur des politiques pénales de lutte contre la délinquance
donne à ces politiques le caractère de politique pénale d’action. Les mesures employées
requièrent une certaine action positive du délinquant en réponse à la commission de l’infraction.
Les dispositifs mis en place pour permettre cette réparation influent activement sur la lutte contre
la petite délinquance. Sur un autre plan, la notion de réparation joue un rôle préventif en matière
de lutte contre la récidive.

II. Les promesses de la réparation dans les politiques pénales de lutte contre la
récidive

300. La récidive a toujours été un enjeu de politique pénale car elle met en évidence la
question de l’efficacité des peines et de la justice pénale en général. En droit français, la récidive
est, dans son sens juridique, le fait de commettre une infraction de même nature (ou de nature
assimilée) qu’une infraction pour laquelle une condamnation pénale a déjà été prononcée, dans
les délais prévus par la loi604. Nous retiendrons pour l’objet de cette partie la définition de la
récidive au sens large qui prend en compte la réitération d’infractions605, sens large aussi adopté
en droit anglais. La récidive au sens large se définit comme le fait pour une personne déjà
condamnée d’être à nouveau sanctionnée pour des faits commis après la première condamnation.

En France, 59% des sortants de prison récidivent dans les cinq années qui suivent leur
libération606. Au Liban, environ 33,8% de la population carcérale est composée de récidivistes607.
En Angleterre, 43,4% des adultes sortants de prison ont récidivé dans l’année qui a suivi leur
libération608. Les statistiques officielles sur la récidive prennent en compte les personnes
condamnées ayant une inscription sur leur casier judiciaire. Les personnes ayant déjà eu affaire à
la justice dans le cadre d’une mesure alternative aux poursuites ne sont donc pas concernées par

604
Art. 132-8 et suivants C. pén.
605
Art. 132-16-7 C. pén.
606
Rémi JOSNIN, Une approche statistique de la récidive des personnes condamnées, Infostat Justice, ministère de
la Justice, avril 2014, en ligne : <www.justice.gouv.fr>.
607
Statistiques non publiées, obtenues sur demande auprès de la Direction des prisons rattachée au ministère de la
Justice.
608
Statistiques d’octobre 2014 à septembre 2015. Proven Reoffending Statistics Quarterly Bulletin, October 2014 to
September 2015, National statistics, Ministry of Justice, 27 July 2017, en ligne : <www.gov.uk>.

208
les études sur la récidive, ce qui est à déplorer quant à l’intérêt d’évaluer l’efficacité de ces
mesures.

301. La réparation ne prétend pas être une réponse efficace à la récidive, mais
uniquement un moyen de prévention. C’est un des moyens qui permettrait de prévenir qu’un
primo-délinquant ne s’engouffre dans la spirale de la récidive. Certes, l’instauration de sanctions
sévères en cas de récidive est un élément dissuasif 609, mais il n’est pas suffisant. Une politique
pénale de prévention comprend aussi des mesures visant la réhabilitation des délinquants comme
moyen de lutte contre la récidive. Cette réhabilitation passe par les mesures réparatrices. La
corrélation entre les notions de réparation et de récidive a été argumentée et parfois contestée
(A), influençant la réalité de la prise en compte de la réparation dans la politique pénale de lutte
contre la récidive (B).

A. La corrélation entre la réparation et la récidive

302. Le choix de lutter contre la récidive par l’emploi de mesures ou de peines


réparatrices dépend de la politique pénale adoptée. Les tendances des politiques pénales ont varié
selon les gouvernements, allant d’une sévérité très stricte pour engendrer une crainte des
conséquences de la récidive à une responsabilisation des délinquants pour provoquer le choix de
ne pas récidiver plutôt que la crainte. La corrélation entre la réparation et la problématique de la
récidive a été contestée (1) et argumentée (2) principalement en comparaison avec l’effet des
peines de prison sur la récidive. Les mesures alternatives réparatrices sont ainsi présentées
comme une meilleure solution sans pour autant que des résultats scientifiques ne viennent
trancher le débat.

609
On pense notamment au système des peines plancher. Martine HERZOG-EVANS, « Prévenir la récidive, les
limites de la répression pénale », AJ Pénal, 2007, p.357. Pascal CLEMENT, « Mieux prévenir la récidive », AJ
Pénal, 2005, p.345.

209
1. Une corrélation contestée

303. Prison et récidive ne sont pas liées. Le rapport entre la prison et la récidive a été
contesté par un courant doctrinal selon lequel la prison joue un effet dissuasif important. La
simple perspective d’une peine de prison ou l’expérience antérieure d’une incarcération devrait
suffire pour empêcher toute activité délinquante610. Comme l’emprisonnement est la peine la
plus sévère qui puisse être prononcée, on devrait s’attendre à ce qu’elle ait les effets les plus
directs.

Ce lien a aussi été contesté par certains chercheurs qui affirment que les courtes peines de prison
n’ont pas plus d’effets néfastes sur les délinquants que les mesures effectuées en milieu
ouvert611. Certaines études statistiques associent principalement le risque de récidive aux facteurs
de l’âge et de la présence d’antécédents judiciaires612 et non à la prison en elle-même. En outre,
les programmes d’action et les politiques sociales de prévention de la récidive privilégient une
prise en charge globale comportant une évaluation des besoins du délinquant, son insertion
socio-professionnelle et un travail sur ses besoins en matière de santé, de logement, d’emploi,
etc613, autant de facteurs qui peuvent influer sur le risque de récidive.

304. Insuffisance des données scientifiques. Les effets que sembleraient avoir les
mesures alternatives réparatrices sur la prévention de la récidive peuvent être contestés dû au
manque de recherche scientifiques et de statistiques sur l’incidence des mesures réparatrices sur
la récidive des délinquants614. S’il existe quelques études relatives à la récidive suite à
l’exécution d’une peine alternative à la prison (travail d’intérêt général, sursis), les études

610
Paul GENDREAU, Claire GOGGIN et Francis CULLEN, L'incidence de l'emprisonnement sur la récidive,
Solliciteur général du Canada, en ligne : <www.sgc.gc.ca>. José CID, « L'emprisonnement est-il criminogène? », AJ
Pénal, 2011, p.392.
611
Benjamin MONNERY, « Milieu ouvert, milieu fermé: quels effets sur la récidive? », AJ Pénal, 2016, p.253.
L’article fait référence à une étude suisse menée par M. Killias et al. en 2010 qui compare l’avenir d’un groupe de
délinquants incarcérés et d’un groupe de délinquants ayant bénéficié d’une mesure de community service, 11 ans
après leur condamnation.
612
Rémi JOSNIN, Une approche statistique de la récidive des personnes condamnées, Infostat Justice, ministère de
la Justice, avril 2014, en ligne : <www.justice.gouv.fr>.
613
Prévention de la récidive, guide pratique, La documentation française, Comité interministériel de prévention de
la délinquance, Mars 2016.
614
Martine HERZOG-EVANS, « L'efficacité dans la probation à la française: difficultés et enjeux », in L'efficacité
de l'exécution des peines, sous la dir. de M. HERZOG-EVANS, Mare & Martin, 2014, p.87.

210
relatives aux effets des mesures alternatives aux poursuites sur la récidive manquent en France.
Or il est important de connaître les effets de ces mesures sur la lutte contre la récidive car elles
visent les délits qui forment le plus grand taux de récidive. Les rares études anglaises se limitent
à une période donnée et à un échantillon limité de délinquants. Elles affirment avec une certaine
précaution que les mesures ayant eu des effets bénéfiques sur la récidive des jeunes délinquants
sont les aménagements de peine, les modèles de justice restaurative (surtout en matière d’atteinte
à la propriété) et les programmes de réhabilitation au sein des prisons615. La compatibilité de la
réparation et de la récidive peut donc être argumentée.

2. Une corrélation argumentée

305. Le rapport entre la prison et la récidive. Il est courant aujourd’hui d’affirmer que
la prison ne permet pas de lutter contre la récidive, elle serait au contraire un facteur déterminant
de récidive. Des avis plus nuancés estiment que la prison peut avoir un effet dissuasif selon les
profils de délinquants616. Les statistiques du ministère de la Justice révèlent qu’en France, un
condamné à une peine de prison ferme a 1,6 fois plus de risque de récidiver qu’un condamné à
une peine de prison avec sursis ou une peine d’amende 617. Ce facteur de risque est assez faible en
comparaison avec le facteur de l’âge ou celui de la nature de l’infraction. Il existe différentes
études menées localement sur l’impact de la prison sur la récidive. Dans celle effectuée par le
service des études de la Direction de l’administration pénitentiaire, il ressort que les condamnés à
une peine de prison ont un risque de récidive plus important que ceux condamnés à un sursis-
TIG, à un travail d’intérêt général, à un sursis avec mise à l’épreuve ou à un sursis simple 618. En
Angleterre, les statistiques révèlent que le taux de récidive dans l’année des personnes

615
James MCGUIRE, What works in reducing reoffending in young adults? A rapid evidence assessment, National
Offender Management Service, Ministry of Justice, 2015.
616
Paul GENDREAU, Claire GOGGIN et Francis CULLEN, L'incidence de l'emprisonnement sur la récidive,
Solliciteur général du Canada, en ligne : <www.sgc.gc.ca>.
617
Rémi JOSNIN, Une approche statistique de la récidive des personnes condamnées, Infostat Justice, ministère de
la Justice, avril 2014, en ligne : <www.justice.gouv.fr>.
618
Pierre TOURNIER, « Peines d'emprisonnement ou peines alternatives: quelle récidive? », AJ Pénal, 2005, p.315.

211
condamnées à un suspended sentence order ou à un community order s’élève à 31%, contre
43,4% pour les personnes sortant de prison619.

Éviter les courtes peines de prison jouerait aussi en faveur de la lutte contre la récidive : en
Angleterre, les adultes ayant effectué une peine de prison inférieure à 12 mois ont un risque de
récidive de 58,4%, alors que ceux qui ont effectué une peine plus longue ont un risque de
récidive de 31,1%620.

Même dans les cas où le délinquant a exécuté une peine de prison, le mode de sortie de prison
influencera sa propension à la récidive. Les études montrent que lorsque le délinquant vit une
sortie sèche de prison à la date prévue initialement, il a plus de chance de récidiver qu’un
délinquant ayant bénéficié d’un aménagement de peine621. En outre, il apparaît que plus l’écart
entre la peine effectuée en prison et la peine initialement prononcée est grand, donc plus le temps
passé en prison est raccourci, plus de chances à le condamné de ne pas récidiver 622. Ainsi, plus la
proportion de temps effectué en prison est faible, plus le risque de récidive l’est aussi. Les
aménagements de peine exerceraient donc une influence sur la récidive, mais ils sont encore trop
peu utilisés.

306. Le rapport entre la réparation et la récidive. En France, la corrélation entre


l’utilisation des mesures alternatives et le taux de récidive a été discutée par différentes instances
qui ont répondu aux appels lancés par le ministère de la Justice : l’Assemblée nationale, la
Conférence de consensus sur la prévention de la récidive et la Commission nationale consultative
des droits de l’homme. Ces trois instances ont soumis dans leurs rapports des recommandations
visant à détrôner la peine de prison comme peine de référence, à introduire une peine de
probation comprenant des mesures de réparation et à développer la justice restaurative ou
réparatrice623. Cette démarche a été suivie de l’adoption de la loi du 15 août 2014 relative

619
Proven Reoffending Statistics Quarterly Bulletin, October 2014 to September 2015, National statistics, Ministry
of Justice, 27 July 2017, en ligne : <www.gov.uk>.
620
Proven Reoffending Statistics Quarterly Bulletin, October 2014 to September 2015, National statistics, Ministry
of Justice, 27 July 2017, en ligne : <www.gov.uk>.
621
Josefina ALVAREZ, « Prison et récidive. Chronique de recherche sur les apports de la socio-démographie pénale
au débat sur l'inflation carcérale et la récidive. », RSC, 2008, 667.
622
Annie KENSEY, « Définir et mesurer la récidive: nécessité d'éclairer le débat », AJ Pénal, 2007, p.393.
623
Rapport parlementaire d'information de l'Assemblée nationale n°652/2013, Dominique RAIMBOURG, Penser la
peine autrement : propositions pour mettre fin à la surpopulation carcérale. Avis de la Commission nationale

212
à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales. Il semble que
l’affirmation de la compatibilité des mesures de réparation et de la lutte contre la récidive vient
essentiellement de l’observation d’expériences concrètes plus que d’explications théoriques. Que
ce soit en comparaison avec des expériences étrangères ou sur la base d’une comparaison
statistique, il semblerait que les alternatives réparatrices ont un effet bénéfique sur la diminution
du taux de récidive624.

On pourrait expliquer ces observations par différents arguments relevés par les chercheurs et les
praticiens625 : la manière dont est pris en charge le délinquant, l’accompagnement dont il
bénéficie dans l’exécution d’une peine en milieu ouvert, la responsabilisation et le changement
de comportement qu’il peut expérimenter lors de l’exécution d’une mesure de réparation et la
réinsertion qu’il entame lorsqu’il n’est pas exclu de la société. Ces arguments jouent en faveur
d’une réelle prise en compte de la réparation dans la lutte contre la récidive.

B. La réalité de la prise en compte de la réparation dans la lutte contre la récidive

307. Les politiques pénales en matière de lutte contre la récidive varient en fonction des
gouvernements. En France, sous la Ve République, les gouvernements de droite ont privilégié
une approche sévère en introduisant les peines planchers alors que les gouvernements de gauche
ont tenté de renverser la tendance avec la conférence de consensus suite à laquelle plusieurs
mesures d’assouplissement ont été introduites626. En Angleterre, le gouvernement de coalition
conservateur et libéral démocrate a publié une feuille de route sur la récidive et la
réhabilitation627. Le gouvernement a estimé que la récidive coûte très cher au contribuable628 et
s’est donc fixé pour objectif de diminuer le taux de récidive. Ont ainsi été développés, entre

consultative des droits de l’homme du 21 février 2013, en ligne : www.cncdh.fr. Jean PRADEL, « Les
recommandations de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive », Recueil Dalloz, 2013, p.725.
Christine LAZERGES, « Du consensus sur la prévention de la récidive », RSC, 2013, p.191.
624
Pierre TOURNIER, « Peines d'emprisonnement ou peines alternatives: quelle récidive? », AJ Pénal, 2005, p.315.
625
Circulaire du 2 juin 2016 de politique pénale de Monsieur le garde des sceaux, n°2016-06, publiée au bulletin
officiel du 30 juin 2016 et qui fait référence à la contrainte pénale comme moyen de lutte contre la récidive.
626
Libération conditionnelle automatique, annulation des peines planchers, ouverture des aménagements de peines
aux récidivistes, etc. Ces mesures sont critiquées par une partie de la doctrine : Jean PRADEL, « Les
recommandations de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive », Recueil Dalloz, 2013, p.725.
627
« 2010 to 2015 government policy: reoffending and rehabilitation », en ligne : <www.gov.uk>.
628
Entre 9,5 et 13 milliards de pounds par an.

213
autre, les programmes de réhabilitation dont les acteurs sont rémunérés suivant leurs résultats, les
sanctions effectuées en milieu ouvert et les mesures de justice restaurative.

De ces mesures mises en place par les différents gouvernements, deux tendances apparaissent
quant à la prise en compte de la réparation dans la lutte contre la récidive. La première limite les
possibilités d’alternatives réparatrices en cas de récidive (1) et la deuxième n’inclut pas les
mesures alternatives dans le compte de la récidive (2).

1. L’ouverture des alternatives réparatrices aux récidivistes

308. La récidive est, de manière constante au fil du temps et des différentes législations,
une cause d’aggravation des peines629. En France, le doublement de la durée de la peine est du
montant de l’amende constitue la règle de base 630. En Angleterre, la récidive permet au magistrat
de traiter l’affaire plus sévèrement. Cette sévérité n’exclut pas la possibilité de recourir aux
mesures alternatives, même si la personne est en état de récidive légale.

309. Ouverture aux récidivistes des mesures alternatives aux poursuites. L’opinion la
plus commune est celle qui prétend que les mesures alternatives ne seraient pas adaptées aux
délinquants récidivistes, car dépourvues de tout cadre contraignant 631. Or les législations
française et anglaise n’excluent pas les récidivistes du champ d’application des mesures
alternatives. En cas de récidive, c’est moins l’infraction qui est punie que le délinquant dont on
apprécie la dangerosité632. L’individualisation des peines est donc encore plus importante en cas
de récidive633. En droit anglais, les règles relatives au conditional caution prévoient
explicitement que le magistrat doit prendre en compte les antécédents judiciaires du délinquant
mais que ceci ne doit pas exclure la possibilité de lui administrer un avertissement sous
629
Pierre TCHERKESSOFF, « Récidive: soigner ou punir? Introduction à la thématique », in Incriminer et protéger,
sous la dir. de C. PHILIPPE et S. TZITZIS, 1e éd., Dalloz, 2014, p.7.
630
Art. 132-8 et suivant du Code pénal.
631
Circulaire n°2011-03 du 15 février 2011 relative à des instructions générales de politique pénale. La circulaire
recommande même aux parquets d’interjeter appel si « les décisions ne s’inscriraient pas dans cette logique de
cohérence de la réponse pénale », en ligne : www.textes.justice.gouv.fr.
632
Marie-Hélène RENAUT, « Une technique juridique appliquée à un problème de société, la récidive », RSC, 2000,
p.319.
633
Elise LETOUZEY, La répétition d'infractions, Dalloz, 2016, [Toulouse 1 Capitole : 2014], p.329.

214
conditions. Ce dernier peut être approprié si un temps suffisant est passé entre les deux
infractions634, si l’infraction est de faible gravité ou est de nature différente des précédentes, si
l’avertissement sous conditions produira vraisemblablement le meilleur résultat pour la victime
et pour le délinquant et si le délinquant a déjà accompli positivement une autre forme de mesure
alternative635. Le droit français ne prévoit pas de dispositions particulières aux récidivistes dans
les textes relatifs aux mesures alternatives. Leur utilisation dépendra donc du pouvoir
d’appréciation du juge et du procureur de la République.

310. Limitation nuancée de l’accès des récidivistes aux mesures alternatives à


l’exécution de la peine. En droit français, et contrairement aux mesures alternatives aux
poursuites, les mesures alternatives à l’exécution totale ou partielle de la peine comportent des
limitations spécifiques aux cas de récidive. Dans le cas des mesures qui permettent de suspendre
l’exécution de la peine en totalité, les dispositions relatives au sursis probatoire sont
ambivalentes. Elles facilitent d’une part l’accès des récidivistes au sursis probatoire en l’étendant
aux condamnations à l’emprisonnement pour une durée inférieure à dix ans, alors que cette durée
ne doit pas dépasser les cinq ans si la personne n’est pas état de récidive légale 636. D’autre part,
elles limitent la possibilité de recourir au sursis si la personne a déjà fait l’objet de deux
condamnations assorties d’un sursis probatoire pour des délits identiques ou assimilés. Ces deux
condamnations sont réduites à une seule en cas de crime ou de délit de violences volontaires,
d’agressions ou d’atteintes sexuelles ou de délit commis avec la circonstance aggravante de
violence. Le délai de probation est aussi allongé en cas de récidive 637. Ces limitations apportées
aux cas de récidive doivent être nuancées car elles permettent de recourir au sursis probatoire
malgré l’état de récidive mais elles fixent un seuil au-dessus duquel il est évident que le sursis
probatoire n’est plus une mesure adaptée au délinquant.

Dans le cas des mesures qui permettent de suspendre l’exécution partielle de la peine
d’emprisonnement comme le régime de la semi-liberté, le placement sous surveillance
électronique ou le fractionnement de la peine, les textes prévoient des conditions d’accès plus

634
Plus de deux ans.
635
Code of practice for adult conditional cautions, section 2,11, Ministry of Justice, 2013.
636
Art. 132-41 C. pén. Charlotte CLAVERIE-ROUSSET, L'habitude en droit pénal, L.G.D.J, 2014, p.316.
637
Art.132-42 C. pén.

215
difficiles aux personnes en état de récidive légale. Dans ces cas, les durées des peines
d’emprisonnement concernées par ces mesures sont réduites638. Ceci rend l’accès à ces mesures
plus difficile et restreint aux récidivistes qui commettent des infractions mineures.

En droit anglais, les community orders peuvent être prononcés en cas de récidive, uniquement
pour les infractions les moins graves. Le Sentencing Act prévoit en effet des mesures
d’emprisonnement quasi-obligatoires pour les infractions les plus graves639.

2. L’alternative réparatrice dans le calcul de la récidive

311. Les alternatives aux poursuites ne comptent pas. Les mesures alternatives aux
poursuites sont une seconde chance accordée aux délinquants, non seulement parce qu’elles lui
permettent d’éviter des poursuites pénales mais parce que ces mesures ne constituent pas le
premier terme de la récidive. Cette règle est a été déduite par la jurisprudence à partir de l’article
132-10 du Code pénal qui définit la personne en état de récidive comme celle ayant déjà été
condamnée définitivement pour un délit et qui commet dans un délai de cinq ans à compter de
l’expiration ou de la prescription de la précédente peine, soit le même délit, soit un délit assimilé.
En effet, la chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé, dans un avis, qu’une amende de
composition pénale ne pouvait constituer le premier terme d’une récidive au sens de l’article
132-10 du Code pénal car la composition pénale n’est pas une condamnation définitive 640.
Malgré son inscription au casier judiciaire, la composition pénale n’est pas une peine et ne peut
constituer le premier terme d’une récidive. Cet avis peut être étendu à toutes les mesures
alternatives aux poursuites mentionnées à l’article 41-1 du Code de procédure pénale.

312. Le sursis, terme de la récidive. La tolérance exercée à l’égard des délinquants


récidivistes ayant bénéficié d’une mesure alternative aux poursuites n’est pas la même lorsqu’il

638
Respectivement les articles 132-25, 132-26-1 et 132-27 C. pén.
639
Powers of Criminal Courts Sentencing Act, 2000, sections 110-112.
640
Avis de la Cour de cassation, 18 janvier 2010, Bull. 2010, Avis n°1, demande n°09-00.005 ; Muriel
GIACOPELLI, « Les procédures alternatives aux poursuites », RSC, 2012, p.505. Jean DANET, « Une amende de
composition pénale ne peut constituer le premier terme de la récidive », AJ Pénal, 2010, p.187. Recueil Dalloz,
« Composition pénale et récidive, arrêt rendu par la Cour de cassation crim., 30-11-2010 », 2011, p.166.

216
s’agit d’un sursis, mesure alternative à la peine. Dans ce cas, une fois les conditions de la
probation réalisées et/ou le délai écoulé, la condamnation est réputée non avenue641. Cependant,
dans un avis en date du 29 janvier 2009, la Cour de cassation estime « qu’une condamnation
assortie d’un sursis, bien que réputée non avenue, peut constituer le premier terme de la
récidive »642. Cet avis a été suivi par la chambre criminelle 643 qui a précisé que le délai de
récidive ne court qu’à compter du jour où la décision assortie du sursis est réputée non avenue.
Cette position est critiquable car contraire à l’esprit même du sursis. Le sursitaire sera soumis à
deux délais : le délai de probation du sursis et le délai de récidive qui ne commence qu’une fois
le premier délai écoulé. Cet allongement des délais pourrait décourager le délinquant qui, de
surcroît, subit un traitement plus sévère qu’un autre délinquant qui aurait été condamné à une
peine d’emprisonnement ferme car dans le cas de ce dernier, le délai de récidive pourrait
commencer à courir plus tôt.

313. Il nous apparaît ainsi évident que les mesures réparatrices jouent un rôle de
prévention dans les politiques pénales de lutte contre la récidive. L’intérêt de les développer
ressort encore plus au vu du taux de récidive par type de délits. Il y a une corrélation entre les
délits qui ont les plus hauts taux de récidive et ceux qui peuvent faire l’objet de mesures
réparatrices. Ces mesures viennent ainsi cibler la majeure partie du taux de récidive en étendant
leur rôle de prévention à un rôle d’action.

641
Art. 132-52 C. pén.
642
Claire SAAS, « Les sursitaires en danger au regard de la récidive », AJ Pénal, 2009, p.173.
643
Cass, crim. 14 octobre 2014 – D. 2014. 2113.

217
Conclusion du chapitre 2

314. Le réalisme du droit est vraisemblablement de nos jours un moteur du


développement des mesures réparatrices. Le coût de la peine et du fonctionnement de la justice
traditionnelle et le manque d’efficacité prouvé des peines d’emprisonnement dans la lutte contre
la délinquance et la récidive font porter les espoirs du législateur et des acteurs de la justice sur
les mesures alternatives réparatrices.

Au cœur des politiques d’action publique en faveur d’une meilleure administration du service de
la justice, les mesures réparatrices permettent d’apporter de nouveaux outils pour permettre une
systématisation de la réponse pénale, une réponse pénale de qualité dans un délai raisonnable et
une réponse pénale à bas coût. Les politiques pénales qui s’attaquent aujourd’hui aux défis que
sont la délinquance et la récidive optent pour les mesures réparatrices qui semblent plus adaptées
au format actuel de la délinquance et au profil des délinquants et qui portent encore en elles
l’espoir de réduire la récidive, espoir perdu avec la peine d’emprisonnement.

315. Très récemment, une nouvelle tendance apparaît en France, celle d’une forme de e-justice
qui relie technologie et justice, déjà instaurée au Royaume-Uni et aux États-Unis. Cette justice
des temps modernes pourrait bien devenir un moteur supplémentaire de la réparation. En France,
la loi Lemaire du 7 octobre 2016 fonde la République numérique et permet au passage de mettre
gratuitement à la disposition du public les décisions rendues par les juridictions judiciaires, dans
le respect de la vie privée des personnes concernées 644. La loi de programmation 2018-2022 et
de réforme pour la justice du 23 mars 2019 instaure, elle, la possibilité pour les victimes de
porter plainte en ligne pour certaines infractions qui seront précisées par décret 645.

Avec le développement des nouvelles technologies – intelligence artificielle et « big data » - le


passage au numérique a permis l’émergence de « legaltechs », start-up spécialisées dans des
projets alliant technologie et services juridiques. Les services proposés visent notamment
l’analyse des décisions des juridictions afin d’en tirer des prévisions et des tendances. Ce
mouvement, connu sous le nom de justice prédictive, permet, grâce à l’insertion de données

644
Art. L.111-13 du Code de l’organisation judiciaire.
645
Art. 15-3-1 C.pr.pén.

218
relatives à l’affaire visée dans un logiciel, d’avoir, suite à un calcul algorithmique, une réponse
prévisionnelle. Pour les individus et les avocats, cela permet d’anticiper un jugement probable
tandis que pour les magistrats, cela leur permettrait de trouver les tendances majoritaires dans un
type de conflit déterminé. Très décriée par certains en raisons des risques qu’elle comporte646,
cette justice prédictive pourrait servir les alternatives à la justice car elle permettrait aux
justiciables et aux avocats de se rendre compte qu’ils pourraient dans certains cas aboutir à une
meilleure solution s’ils ont recours à des mesures alternatives. Cet argument ne peut cependant
fonctionner en matière pénale, le traitement des infractions relevant de l’ordre public. La justice
prédictive permettrait cependant, selon ses adeptes, d’apporter transparence, prévisibilité et
discipline à la jurisprudence 647. Le risque en matière pénale est que la justice prédictive limite le
recours aux alternatives à la peine à certaines catégories d’individus. Il semblerait que les
algorithmes utilisés par certains logiciels aux États-Unis font apparaître des peines plus longues
si le coupable est afro-américain et rend la probabilité d’une liberté conditionnelle plus grande si
l’individu bénéficie d’un emploi, et a une famille et un domicile 648. Le Royaume-Uni et les
États-Unis abordent la justice prédictive sous une autre forme. Ils l’utilisent dans un but de
profilage en vue de déterminer, au stade de l’enquête de police, le risque de récidive d’un
individu et la nécessité de le maintenir en détention provisoire, et au stade du jugement si son
risque de récidive nécessite une peine spécifique 649. C’est sous cette forme que la justice peut
devenir un moteur de la réparation alternative. En cas de risque de récidive faible, la police
judiciaire, le procureur ou le magistrat pourraient être encouragés à recourir aux mesures et
peines alternatives.

Ce phénomène est trop récent pour qu’on puisse l’analyser en tant que réel moteur de la
réparation alternative. Il nous est apparu néanmoins important de l’aborder comme une
possibilité intéressante qui devrait être suivie de près.
646
Risque d’uniformisation des décisions judiciaires sur la base de statistiques, risque d’encadrement du pouvoir
souverain du juge, risque de représentations politiques du monde et de la justice, risque de reproduire les stigmas
sociaux, etc. Pour plus de détails voir : Lêmy GODEFROY, « La performativité de la justice "prédictive": un
pharmakon? », D. 2018, p.1979. Antoine GARAPON, « Les enjeux de la justice prédictive », La semaine juridique -
Edition générale, 9 janvier 2017, n° 1-2, p.47. Frédéric ROUVIERE, « Le raisonnement par algorithmes: le
fantasme du juge-robot », RTD civ., 2018, p.530.
647
Yannick MENECEUR, « Quel avenir pour la "justice prédictive"? », La semaine juridique - Edition générale, 12
février 2018, n° 7, p.316.
648
Antoine GARAPON, « Les enjeux de la justice prédictive », La semaine juridique - Edition générale, 9 janvier
2017, n° 1-2, p.47.
649
Fabrice DEFFERRARD, « Le pouvoir de jurisdictio des algorithmes aux Etats-Unis: entre fantasme et réalité
jurisprudentielle », Dalloz IP/IT, 2017, p.668.

219
220
Conclusion du Titre 2

316. L’implication du délinquant et le réalisme du droit nous ont semblé être les
principaux moteurs de la réparation dans la justice pénale. Dans une justice pénale qui accorde
de plus en plus de place à la victime, il était important de se recentrer sur la personnalité du
délinquant. Les mesures et peines réparatrices sont venues rompre avec la passivité des peines
d’emprisonnement. Contenant une obligation de faire, elles nécessitent le consentement de
l’intéressé et sa participation pour la réalisation de la réparation. Le cadre pénal dans lequel ce
consentement est donné nous permet d’émettre des doutes quant à son caractère libre et éclairé.
Nous pouvons concevoir que le caractère libre du consentement soit purement théorique, au
regard des circonstances. Son caractère éclairé est cependant nécessaire afin de préserver les
droits de la défense650. En outre, le consentement du délinquant à la mesure de réparation n’est
pas sans conséquences sur les poursuites pénales. Mais il semblerait que le droit pénal n’est pas
prêt d’accorder au consentement tous les effets qu’on pourrait lui attribuer. Certaines peines
réparatrices conservent ainsi leur caractère de peine malgré la condition du consentement. Il ne
s’agit donc pas d’une justice consensuelle ou négociée mais plutôt d’une justice d’adhésion.

317. Dans cette forme de justice, la recherche de sanctions plus adaptées à chaque
catégorie d’infraction et à chaque profil de délinquant s’est avérée primordiale. Le législateur a
ainsi trouvé dans la réparation une réponse pénale satisfaisante pour les infractions de faible
gravité. Que ce soit pour la lutte contre la récidive et la lutte contre la délinquance, la réparation
porte en elle les espoirs d’une justice participative651, plus humaine et plus apaisée652. Les
mesures réparatrices s’avèrent aussi moins coûteuses à mettre en place que les peines
d’emprisonnement. Cela ne suffit pas pour que la réparation soit plus utilisée. Un changement de
mentalité et une meilleure mobilisation des magistrats en faveur des mesures réparatrices sont
primordiaux. L’abrogation de la contrainte pénale et de la transaction par officier de police

650
Brigitte PEREIRA, « Justice négociée: efficacité répressive et droits de la défense? », Recueil Dalloz , 2005,
p.2041.
651
Florence G'SEIL-MACREZ, « Vers la justice participative? Pour une négociation à l'ombre du droit », D., 2010,
p.2450.
652
Serge GUINCHARD, L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, Rapport au ministère de la Justice, juillet 2008.

221
judiciaire est symptomatique du manque de mobilisation des acteurs judiciaires en faveur d’une
justice réparatrice.

222
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

318. La réparation comme alternative à la justice pénale classique se développe


indéniablement en droit français et en droit anglais. Elle reste limitée en droit libanais mais la
récente adoption de la loi sur la médiation judiciaire pourrait changer la donne. Les mesures
réparatrices, au sens large, bouleversent au passage certains principes de droit pénal et de
procédure pénale au point de se créer des principes propres aux alternatives réparatrices. Ces
principes sont liés aux autorités en charge de proposer et mettre en place les mesures
réparatrices, à la procédure de validation de ces mesures, au sens de la peine, au rôle du
délinquant dans l’acceptation et la réalisation de la mesure de réparation, aux conséquences de la
réparation sur les poursuites pénales et sur l’action civile, etc. Les mesures réparatrices sont
principalement alternatives aux poursuites et alternatives à la peine d’emprisonnement. Elles
peuvent cependant avoir une nature de peine, ce qui permet de confirmer que l’alternative
réparatrice évolue bien au sein de la justice pénale. En droit français, la loi de programmation
2018-2022 et de réforme pour la justice vient renforcer la déjudiciarisation au moyen de mesures
alternatives653.

319. La réparation alternative a ainsi pour bienfait de porter en elle le potentiel d’une
autre forme de justice qui pourrait en même temps satisfaire la victime et mener le délinquant sur
la voie de la réhabilitation. Ce constat peut pourtant n’être que temporaire car il dépend des
politiques pénales adoptées par les gouvernements, souvent influencés par les faits divers et la
pression de la société qui réagit à la suite de crimes atroces. Afin d’inscrire cette tendance dans la
durée, les mesures réparatrices ne doivent pas seulement être limitées à des mesures alternatives
à la justice pénale mais doivent acquérir plus d’autonomie au sein de la justice pénale.

653
Jean-Baptiste PERRIER, « Les (r)évolutions de la procédure pénale », D. 2019, 1061.

223
224
- DEUXIÈME PARTIE -

LA RÉPARATION, COMPOSANTE
DE LA JUSTICE PÉNALE

320. Il fut un temps où la réparation se présentait sous forme de composition pécuniaire


et était un objet de la justice pénale654. En droit anglais, la procédure accusatoire a permis de
garder la réparation comme composante de la justice pénale. En droit français et libanais, la
procédure inquisitoire et la séparation des actions pénales et civiles ont rangé la réparation dans
le cadre de l’action civile, limitant en théorie l’action pénale à l’intérêt public de répression des
infractions. Cependant, la réparation est vraisemblablement un objet de la justice pénale dans
certains volets spécifiques du droit pénal français et libanais (Titre 1). On la retrouve notamment
en droit des mineurs, en droit international et dans certains droits pénaux spéciaux où elle évolue
comme notion autonome.

A défaut d’être l’objet de la justice pénale, la réparation en est un complément (Titre 2).
Envisager la réparation comme objet de l’action civile ne la sépare pas vraiment de l’action
pénale. L’action civile étant accessoire à l’action pénale, la réparation demeure liée à la justice
pénale. En outre, le débat autour des véritables objectifs de l’action civile permet de douter de
l’exclusivité de son objectif réparateur655.

La présentation de la réparation comme composante de la justice pénale permet d’envisager une


définition spécifique à la réparation pénale, distincte de la réparation civile. Cette idée est
renforcée par l’institutionnalisation de la justice restaurative, sorte de modèle de justice pénale
réparatrice656.

654
Jean-Marie CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, 2e éd., puf, p.267.
655
Claire ROCA, De la dissociation entre la réparation et la répression dans l'action civile exercée devant les
juridictions répressives, Dalloz, 1991, p.85. Fernand BOULAN, « Le double visage de l'action civile exercée devant
la juridiction répressive », JCP, 1973, n° I, doct.2563.
656
Pierre NOREAU et Romilda MARTIRE, « L'institutionnalisation de la justice réparatrice », in Justice
réparatrice et médiation pénale: convergences ou divergences?, sous la dir. de M. JACCOUD, L'Harmattan, 2003,
p.209. Lode WALGRAVE, « Comment combiner justice restauratrice et justice pénale: questions et discussions »,
in La justice restauratrice, sous la dir. de P. GAILLY, Larcier, 2011, p.417.

225
TITRE 1
LA RÉPARATION, OBJET DE LA JUSTICE PÉNALE

321. L’objet de la justice pénale est la répression, elle a des fins vindicatives657. Cette
vérité de La Palice est tellement ancrée dans notre mode de réflexion qu’il nous semble difficile
d’envisager la justice pénale sous un autre angle. Or ce titre aura pour ambition d’envisager la
réparation comme objet de la justice pénale. Il ne s’agit pas de bouleverser la nature et la
fonction du droit pénal qui reste un droit répressif, mais d’étudier la possibilité d’y voir une
forme de réparation spécifique qui viendrait compléter le mode d’expression traditionnel du droit
pénal qu’est la sanction. En effet, il existe des domaines dans lesquels l’objectif de réparation
dépasse l’objectif de sanction. En droit pénal interne, le droit des mineurs a été précurseur en
matière de réparation658. Le droit des mineurs français, anglais et libanais accorde à la réparation
une place autonome. De même, les droits de l’environnement et de l’urbanisme sont les terreaux
d’une autonomie de la réparation. Ce principe d’autonomie de la réparation commence aussi à se
répandre en droit pénal général (Chapitre 1).

En droit pénal international, la punition est parfois impossible lorsque c’est un État qui est
coupable d’une violation d’un droit fondamental. La sanction est parfois insuffisante face au
crime international commis 659. La notion de réparation s’internationalise alors pour répondre à la
mission de la justice pénale (Chapitre 2).

657
Didier REBUT, « Justice pénale et justice civile - évolution, instrumentalisation, effets pervers... », Pouvoirs,
2009/1, n° 128, p.49.
658
Sylvain JACOPIN, « Le droit pénal français des mineurs, évolutions et transformations juridiques », Revue
pénitentiaire et de droit pénal, octobre-décembre 2015, n° 4, p.792.
659
Florence BRISSET-FOUCAULT ET AL, « Vérité, justice, réconciliation ou comment concilier
l'inconciliable», Mouvements, 2008/1, n° 53, p.9. Jean-Baptiste JEANGENE VILMER, Réparer l’irréparable, Les
réparations aux victimes devant la Cour pénale internationale , puf, 2009.

226
Chapitre 1 : L’autonomie de la réparation

322. Le titre de ce chapitre, l’autonomie de la réparation, suscite des interrogations


sémantiques. L’association des deux termes : autonomie et réparation, nous amène d’abord à
définir chacun des deux et les deux ensemble. Par autonomie, il est fait référence au caractère de
quelque chose qui fonctionne indépendamment d’autre chose660. Par réparation, nous entendons
la réparation au sens large, qu’elle soit perçue comme un objectif général ou une mesure
spécifique, une sanction ou une peine, qu’elle soit une peine principale ou accessoire, matérielle
ou immatérielle, en nature ou en espèces. L’autonomie de la réparation implique de considérer la
réparation en tant que concept défini uniquement par lui-même et non par opposition ou
comparaison avec d’autres notions. La réparation est ainsi définie sans référence à son caractère
civil dont elle se délie, ou à son caractère alternatif qui limite son champ d’intervention. Elle
acquiert une identité propre et n’est plus tributaire d’autres mesures pénales. Cette autonomie de
la réparation a depuis plusieurs décennies été acquise dans le droit des mineurs qui se sert de
cette notion comme fondement de la prise en charge des mineurs délinquants (section 1). En
droit pénal commun, l’autonomisation de la réparation est aujourd’hui un processus en marche
(section 2).

Section 1 : L’autonomie de la réparation dans le droit pénal des mineurs

323. À l’origine du droit des mineurs, on retrouve la conception qu’un mineur délinquant
est un mineur en danger661. Les peines d’emprisonnement sont très tôt reléguées au second rang
dans la justice des mineurs comme étant des peines de dernier recours. Ce principe a été consacré
en 1985 dans l’ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la
justice pour mineurs, connues sous l’appellation de Règles de Beijing 662. La justice des mineurs
se démarque par son mode de prise en charge spécifique des jeunes délinquants, fondé

660
Dictionnaire de français Larousse.
661
Sylvain JACOPIN, « Le droit pénal français des mineurs, évolutions et transformations juridiques », Revue
pénitentiaire et de droit pénal, octobre-décembre 2015, n° 4, p.792.
662
Règles adoptée par l’Assemblée générale dans la résolution 40/33 du 29 novembre 1985.

227
essentiellement sur un processus éducatif. La forme (I) et les caractéristiques (II) de la réparation
en droit des mineurs permettent d’argumenter son autonomie.

I. Une forme spécifique pour fonder l’autonomie de la réparation

324. La réparation devient une notion autonome lorsqu’elle existe abstraction faite de
toute autre mesure, c’est une réponse pénale qui se suffit à elle-même. Elle n’est pas
complémentaire à une peine d’emprisonnement ou à une quelconque mesure. La réparation est
une notion autonome lorsqu’elle est choisie pour ce qu’elle est et non dans la poursuite d’un
autre objectif. Elle n’est plus une alternative qui se définit par ce qu’elle permet d’éviter, les
poursuites ou la peine. Cette autonomie de la réparation lui donne une définition propre (A), elle
se décline sous plusieurs formes (B).

A. La définition de la réparation dans la justice des mineurs

325. En France, le concept juridique de réparation pénale a d’abord été abordé dans
différents documents institutionnels 663. La réparation a ensuite pris forme grâce à diverses
initiatives expérimentales de quelques juridictions qui ont mis en place des formes de
« médiation-réparation » à l’intention de mineurs délinquants. Ces initiatives ont été encouragées
par l’administration, notamment à travers une circulaire du 15 octobre 1991 relative à la
politique de protection de la jeunesse, qui définit les actions de médiation-réparation comme des
réponses compréhensibles par le mineur et qui permettent de prendre en considération les droits
des victimes et favorisent le respect d’autrui664. La définition de la réparation prend sa forme
finale dans l’article 12-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante,
introduit par la loi du 4 janvier 1993.

663
Rapport de la commission Menga portant sur l’adaptation des structures et des méthodes éducatives à l’évolution
de la Protection judiciaire de la jeunesse (1982) ; Rapport de la commission Martaguet portant sur la réforme du
droit pénal des mineurs (1983).
664
Circulaire, ministère de la Justice, n° NOR JUS F 91 50 0083 C, 15 octobre 1991.

228
En Angleterre, il ne semble pas que le concept de réparation soit défini en tant que tel dans la
justice des mineurs, ce qui n’empêche pas pour autant l’existence de mesures réparatrices
autonomes, différentes des alternatives aux poursuites ou à la peine.

La notion de réparation est plus récente dans la justice pénale des mineurs au Liban, elle apparaît
pour la première fois dans la loi n°422 du 6 juin 2002 relative à la protection des mineurs en
danger ou en conflit avec la loi.

Ces différents éléments ont posé les fondations de la définition juridique (1) et de la dimension
globale (2) de la réparation comme mesure autonome du droit des mineurs.

1. La définition juridique de la réparation dans la justice des mineurs

326. Ce qu’est la réparation en droit des mineurs. En droit français, l’article 12-1 de
l’ordonnance de 1945 dispose que le procureur de la République ou le juge chargé de l’affaire
ont la faculté de proposer au mineur une mesure ou une activité d’aide ou de réparation à l’égard
de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité665. La notion de réparation est plus détaillée dans
la circulaire d’application de l’ordonnance en date du 11 mars 1993 666 qui précise que la
réparation est une réponse pénale qui revêt un caractère éducatif certain pour les mineurs car elle
permet « de leur faire mieux comprendre la portée de leur acte et s’appuie sur leur propre
capacité à réparer le tort causé à la victime ». Celle-ci y trouve une réponse rapide et adaptée au
dommage subi. L’environnement peut être associé à la mise en œuvre de cette mesure, ce qui
pourrait contribuer à modifier la perception qu’a la société de la délinquance des mineurs. La
réparation en droit français a donc une dimension globale qui comprend un aspect psychologique
et un aspect matériel. Transposé dans un cas réel, le contenu de la réparation n’est pas vraiment
défini. La circulaire se limite à comparer la réparation directe, effectuée auprès de la victime et
en lien avec le dommage causé, à la réparation indirecte, effectuée auprès de la communauté et
en lien avec l’infraction commise.

665
JCI Pénal Code, Art 122-8 Fasc. 20: Mineur délinquant.
666
Direction de la protection judiciaire de la jeunesse, ministère de la Justice, note n° NOR JUR F 93 500 13 C, 11
mars 1993, « Mise en œuvre à l’égard des mineurs de la mesure de réparation pénale », en ligne :
www.legifrance.gouv.fr.

229
Le droit libanais ne définit pas la réparation dans la loi 422/2002 mais sa position dans l’article 5
relatif aux mesures non privatives de liberté pourrait nous donner un indice sur la vision qu’a le
législateur de cette mesure. En effet, l’une des mesures est: « le travail d’intérêt général ou le
travail en réparation à la victime ». Il n’est pas clair si le législateur a voulu distinguer au sein
d’une même mesure entre la réparation indirecte, au profit de la communauté, et la réparation
directe au profit de la victime, ou s’il distingue entre deux mesures : l’une étant le travail
d’intérêt général et l’autre la réparation. Si l’on considère que la loi 422/2002 ne prévoit la
mesure de réparation qu’envers la victime de l’infraction, on peut comprendre pourquoi la
mesure est très peu utilisée. En effet, au regard de la longueur des délais de jugement, la mesure
de réparation devient obsolète au moment du jugement, souvent parce que la victime aura déjà
réparé par elle-même le dommage causé, aura obtenu réparation ou se sera retirée en tant que
partie civile667.

Quant au droit anglais, le caractère éducatif manque dans les textes et les mesures qui visent la
réparation la définissent en se basant sur ce qu’elle n’est pas.

327. Ce que la réparation en droit des mineurs n’est pas. Il apparaît des différents
textes législatifs anglais qu’il est plus aisé de dire ce que la mesure de réparation n’est pas plutôt
que ce qu’elle est. Son caractère individualisable suivant l’infraction commise rendrait chaque
mesure de réparation unique. Cependant, différencier la réparation d’autres mesures permet de
mieux cerner ses contours. La réparation n’est pas celle que recherche la victime en se
constituant partie civile. Elle ne se limite pas à une simple indemnisation. En ce sens, en droit
anglais, les textes de loi mentionnent que « faire réparation » pour le délinquant signifie faire
réparation pour l’infraction « autrement que par le payement d’une compensation »668.

En droit français, la mesure de réparation ne doit pas être confondue avec la médiation pénale. Si
ces deux mesures se ressemblent, elles n’en restent pas moins distinctes : la première est une
mesure éducative adressée à un mineur et exige d’engager des poursuites pénales ; la deuxième a
pour objectif le règlement rapide des conséquences de l’infraction, la satisfaction des victimes et

667
Dans une décision rendue par le tribunal pour enfant du Liban-Sud en date du 1er février 2010 (inédit, décision
n°18), la mesure de réparation intervient trois ans après la commission de l’infraction.
668
Traduction libre. Powers of Criminal Courts Sentencing Act , 2000, section 73 relative aux “reparation orders”.

230
peut servir comme alternative aux poursuites 669. La médiation pénale vise aussi la réparation des
dommages causés par l’infraction mais elle constitue un moyen spécifique permettant d’aboutir à
la réparation matérielle ou symbolique du dommage et peut s’appliquer aux majeurs comme aux
mineurs délinquants. De plus, la mesure de réparation n’est pas la peine de travail d’intérêt
général même si elles partagent parfois le même terrain d’application670. Cette différenciation
entre la réparation et le travail d’intérêt général est moins marquée en droit libanais qui comme
mentionné précédemment intègre ces deux mesures dans un même alinéa en tant que mesures
alternatives. Ceci s’explique par le fait que le travail d’intérêt général en droit libanais est une
mesure alternative et non une peine comme en droit français. Si en droit français, la nature de la
mesure permet de différencier la réparation du travail d’intérêt général, en droit libanais, cette
différenciation est plus difficile à opérer car la nature des deux mesures est identique et leurs
objectifs et moyens de mise en œuvre similaires.

Du point de vue de son champ d’application, la réparation n’est pas une réponse rattachée à un
type d’infraction spécifique mais constitue plutôt une réponse en lien avec la personnalité du
mineur délinquant. Le choix de la réparation est pris en vue de l’effet potentiel de cette mesure
sur la réhabilitation du délinquant671. Elle exclut certes les crimes dont les conséquences ne sont
pas « réparables » mais elle garde un champ d’application très vaste en matière délictuelle.

2. La dimension globale de la réparation dans la justice des mineurs

328. Une dimension psychologique. Contrairement à ce que son nom pourrait indiquer,
la réparation telle que décrite dans le Code pénal français ne vise pas principalement la
réparation du dommage issu de l’infraction mais elle est tournée vers l’auteur de l’infraction 672.
Il ne s’agit pas pour l’auteur « d’effacer l’acte transgressif, mais de le reconnaître »673.
Reconnaître l’acte transgressif permet d’entamer un processus de responsabilisation qui aboutira

669
Direction de la protection judiciaire de la jeunesse, ministère de la Justice, note n° NOR JUR F 93 500 13 C, 11
mars 1993, « Mise en œuvre à l’égard des mineurs de la mesure de réparation pénale ».
670
Alain BRUEL, Pratiques et évolutions de la justice des mineurs, Erès, 2015, p.237.
671
Philippe MILBURN, « La réparation pénale à l'égard des mineurs: éléments d'analyse sociologique d'une mesure
de justice restaurative », Archives de politique criminelle, 2002/1, n° 24, p.147.
672
Idem.
673
Maryse VAILLANT, La réparation. De la délinquance à la découverte de la responsabilité, Gallimard, 1999,
p.20.

231
à la réparation matérielle des conséquences de l’infraction. La circulaire de mise en œuvre de
l’article 12-1 de l’ordonnance de 1945 précise que la mesure « favorise un processus de
responsabilisation du mineur en lui faisant prendre conscience d’une loi pénale, de son contenu
et des conséquences de sa violation pour lui-même, pour la victime et pour la société »674. La
réparation a une dimension psychologique car elle fait réfléchir le mineur 675 sur l’acte qu’il a
commis.

En droit anglais, le système de la justice des mineurs a pour principal objectif la prévention de la
récidive des mineurs676. Cet objectif final passe par le même processus psychologique qui permet
au mineur d’entamer un processus de désistance.

329. Une dimension matérielle. La dimension matérielle de la réparation en droit des


mineurs ne tient pas uniquement dans le résultat de la réparation, que celui-ci soit la restitution
ou la compensation ou la réparation en nature ou symbolique. Elle tient dans l’activité qui va
permettre d’aboutir à ce résultat. Le droit français parle d’ « activité d’aide ou de réparation ». Le
droit libanais opte pour un « travail de réparation » et le droit anglais pour les termes « faire
réparation »677 ce qui implique un certain travail ou une activité. L’implication du mineur
délinquant dans le processus est donc au cœur de la réparation. Le droit français ne définit pas le
volume de l’activité de réparation, comme c’est le cas pour le travail d’intérêt général678, alors
que le droit anglais limite la durée du travail en réparation à 24 heures dans l’ensemble pour le
« reparation order »679 et précise pour la mesure de réparation incluse dans le « action plan
order » qu’elle ne doit pas interférer avec les horaires de travail ou d’école du mineur, ce qui
limite automatiquement le volume horaire du travail requis. En droit libanais, la loi accorde au
juge la faculté de préciser la durée de la mesure, sans lui indiquer de limites. Un manuel du
ministère de la Justice libanais adressé aux magistrats mentionne cependant une durée comprise

674
Direction de la protection judiciaire de la jeunesse, ministère de la Justice, note n° NOR JUR F 93 500 13 C, 11
mars 1993, « Mise en œuvre à l’égard des mineurs de la mesure de réparation pénale ».
675
Michel ALLAIX et Michel ROBIN, « La genèse de la mesure de réparation pénale à l'égard des mineurs », in De
la dette au don. La réparation pénale à l'égard des mineurs, sous la dir. de M. VAILLANT, ESF Editeurs, p.40.
676
Crime and Disorder Act 1998, section 37.
677
Traduction de “make reparation”, section 70, Powers of Criminal Courts Sentencing Act, 2000.
678
D’une durée de 20h à 400 heures, article 131-8 C. pén.
679
Powers of Criminal Courts Sentencing Act , 2000, section 74.

232
entre vingt et soixante heures de travail concret, réparties sur une période n’excédant pas six
mois680.

330. Nous pouvons en conclusion résumer ces différents éléments de définition de la


réparation par une définition large. La réparation en droit des mineurs est une mesure consistant
en une activité ou un travail qui vise à faire réparation à la victime ou à la communauté en
réponse au dommage causé par l’infraction. Elle a pour objectif la satisfaction des victimes mais
surtout la responsabilisation du mineur et son éducation pour empêcher toute récidive.

B. Les formes de la réparation dans la justice des mineurs

331. Si le principe de la réparation est acquis dans la justice des mineurs, il se décline de
plusieurs façons. En droit français et en droit libanais, la mesure de réparation a une forme
unique (1). Le droit anglais se caractérise par la multiplicité des mesures de réparation en droit
des mineurs (2).

1. Une mesure réparatrice spécifique dans les droits français et libanais

332. Une seule mesure. Le principe de réparation est représenté en droit français par une
mesure phare introduite en 1993 au sein de l’ordonnance de 1945 : la mesure de réparation. C’est
la seule forme que prend la réparation dans l’ordonnance et cette mesure constitue la réponse
pénale de référence en matière d’infractions délictuelles. Contrairement au droit pénal des
majeurs où on retrouve différentes mesures de réparation, le droit des mineurs français se
démarque par une approche unique en matière de réparation. La mesure de réparation ne diffère
pas selon les stades de la procédure, elle peut être mise en œuvre par le procureur de la

680
Manuel du ministère de la Justice sur « Les mesures éducatives alternatives aux mesures privatives de liberté »,
2006, www.justice.gov.lb.

233
République comme alternative aux poursuites ou par le juge des enfants à titre préjudiciel ou à
titre de jugement 681. Cette approche confère une certaine cohérence au principe de réparation.

Cependant, cette cohérence est mise à mal car certaines mesures alternatives aux poursuites - ou
mesures alternatives à la peine - applicables aux majeurs sont aussi applicables aux mineurs. En
effet, la médiation pénale, la composition pénale et l’ajournement sous condition sont applicables
aux mineurs682. Comme nous l’avons étudié dans la première partie de cette thèse, ces mesures
permettent la réalisation de la réparation du dommage causé par l’infraction. Or la réparation
visée par ces mesures n’est pas la réparation voulue par le droit des mineurs, axé sur la
dimension pédagogique qui caractérise ce droit. Cette infiltration du droit des majeurs pourrait
annoncer le début d’une déspécialisation de la justice des mineurs.

En droit libanais, il existe une seule mention de la mesure de réparation dans la loi 422. Cette
mesure manque d’une réelle définition propre car elle est associée au travail d’intérêt général
mais est dirigée vers la victime. Elle n’en demeure pas moins unique, ce qui assure une certaine
cohérence au principe de réparation en droit des mineurs.

333. Une mise en œuvre multiple. La mesure de réparation est unique par définition en
droit des mineurs mais on observe en droit français une certaine confusion dans sa mise en
œuvre. En effet, la mesure de réparation peut être mise en œuvre soit en tant que mesure
éducative soit en tant que sanction éducative683. La catégorie de sanction éducative a été
introduite par la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 684.
Les sanctions éducatives sont applicables aux mineurs âgés de dix à dix-huit ans et formeraient
une catégorie intermédiaire entre les mesures éducatives et les peines. Ces sanctions qui sont
énumérées à l’article 15-1 de l’ordonnance de 1945, comportent la « mesure d’aide ou de
réparation mentionnée à l’article 12-1 » et peuvent être prononcées lorsque les circonstances et la
personnalité des mineurs l’exigent 685. Voulant introduire une approche plus ferme et répressive
au sein de la justice des mineurs, les sanctions éducatives introduisent surtout une confusion dans

681
Philip MILBURN, La réparation pénale à l'égard des mineurs, puf, 2005, p.20.
682
Art. 7-1 et 7-2 de l’ordonnance de 1945.
683
Jean PRADEL, « Les fondements nationaux de la justice pénale des mineurs », in Réformer le droit des mineurs
délinquants, sous la dir. de F. LUDWUCZAK, L'Harmattan, 2016, p,38.
684
Loi 2002-1138.
685
Art. 2 de l’ordonnance de 1945.

234
l’ordonnance de 1945. Pour d’aucuns, associer le terme « éducatives » à celui de « sanctions » ne
suffirait pas à les distinguer des peines686, alors que d’autres estiment que sanctionner n’est que
« constater et tirer la conséquence d’un fait »687. De plus, la réparation mesure éducative n’est
pas inscrite au casier judiciaire du mineur alors que la réparation sanction éducative l’est. En
résumé, cette catégorie de mesures ne fait qu’ajouter de la confusion notamment quant à la
mesure de réparation qui peut ainsi être mise en œuvre de plusieurs façons.

Pour régler ce problème de cohérence, le rapport VARINARD proposait le choix d’une


alternative binaire entre sanctions éducatives et peines 688. Le pré-projet de loi relatif à la justice
pénale des enfants et des adolescents conduit par la ministre de la Justice C. TAUBIRA avait en
outre proposé de supprimer la catégorie des sanctions éducatives car peu utilisées689. On ne peut
que déplorer le fait que ce projet n’ait pas abouti.

2. Des mesures réparatrices multiples dans le droit anglais

334. Des mesures calquées sur le droit des majeurs. Le droit anglais des mineurs se
différencie des droits français et libanais en ce qu’il comprend différentes mesures réparatrices
à l’attention des mineurs délinquants. Ces mesures se répartissent tout au long de la procédure,
comme pour les majeurs : certaines sont des alternatives aux poursuites, d’autres des alternatives
à la peine et des sanctions autonomes. Lorsque l’affaire est encore entre les mains de la police, le
droit anglais accorde aux officiers une prérogative importante, celle d’opter pour une mesure de
résolution « non-statutaire » au sein de la communauté690. En effet, depuis la mise en place en
2013 du Legal Aid, Sentencing and Punishment of Offenders Act 2012, les officiers de police
judiciaire peuvent décider de mettre en œuvre une mesure de résolution au sein de la
communauté, si le mineur est primo-délinquant ou lorsque l’infraction est d’une faible gravité.

686
Arlène DOUMIT EL KHOURY, « Les sanctions éducatives », Vie sociale et traitements (2005/3), p. 144, n°87.
687
André VARINARD, « La justice pénale des mineurs: une justice qui reste à réformer », in Entre tradition et
modernité: le droit pénal en contrepoint. Mélanges en l'honneur d'Yves Mayaud, Dalloz, 2017, p.685.
688
André VARINARD, Adapter la justice pénale des mineurs, Entre modifications raisonnables et innovations
fondamentales: 70 propositions, Rapport au Ministre de la Justice, La documentation française, 2008.
689
Idem. Voir aussi : « Présentation du projet de réforme relatif à la justice pénale des enfants et des adolescents -
Un avant-projet de réforme et après? », Revue Pénitentiaire et de Droit Pénal, Ed. Cujas, 2015 (4), pp.827-846.
690
Traduction libre de “non-statutory community resolution”.

235
Ce qui caractérise cette mesure c’est le caractère informel de l’accord entre les parties qui
dépend de la reconnaissance de culpabilité et de l’accord du mineur ainsi que de la prise en
compte de l’avis de la victime. Cette mesure peut comprendre des moyens de justice
restaurative691. La mise en œuvre de cette mesure n’implique pas nécessairement la participation
des « youth offending teams » et ne garantit donc pas le caractère éducatif de la mesure, surtout si
celle-ci ne comprend pas des moyens de justice restaurative. De plus, comme pour les majeurs, il
existe une forme d’avertissements spécifiques aux mineurs : les « youth simple cautions » et les
« youth conditional cautions ». Ces derniers peuvent être prononcés par la police judiciaire et par
le Crown Prosecution Service ; elles visent la réparation, la réhabilitation et la sanction à travers
la mise en place d’obligations à l’encontre du mineur.

335. Des mesures spécifiques aux mineurs. Les mesures réparatrices spécifiques aux
infractions commises par des mineurs font partie des moyens mis à la disposition des juges. Elles
sont principalement au nombre de trois : le « reparation order » et le « referral order »
mentionnés dans le Power of Criminal Courts Sentencing Act de 2000 et le « youth rehabilitation
order » mentionné dans le Criminal Justice and Immigration Act de 2008. Ces mesures sont
autonomes car elles ne viennent pas remplacer une peine d’emprisonnement. Pour les deux
premières, elles peuvent être mises en œuvre uniquement lorsque la loi ne prévoit pas de sanction
spécifique et sont incompatibles avec une peine de prison692. Le « youth rehabilitation order »
peut quant à lui être une alternative à une peine d’emprisonnement.

On peut distinguer dans le contenu de ces mesures une sévérité graduelle. La mesure la moins
sévère est le « reparation order » qui vise à obtenir réparation pour la victime ou la communauté
à travers un travail effectué par le mineur n’excédant pas 24 heures au total. Le « referral order »
transfère la responsabilité du mineur à un « Youth offending panel »693 avec qui le mineur conclut
un contrat694 qui comprend les mesures et l’attitude qu’il doit observer pendant une période
pouvant varier entre trois et douze mois. Enfin, en plus de la réparation, le « youth rehabilitation
order » permet au juge d’imposer l’exécution d’autres mesures, comme le couvre-feu, les

691
Youth Out-of-Court disposals, Guide for Police and Youth Offending Services, Ministry of Justice, Youth Justice
Board, 2013, en ligne : <www.yjlc.uk>.
692
Power of Criminal Courts Sentencing Act, 2000, section 16, section 73 (4).
693
Sorte de comité de suivi du mineur.
694
“Youth offender contract”.

236
mesures d’interdiction ou d’exclusion, les mesures d’assignation à résidence ou de surveillance
électronique si la mesure est utilisée comme alternative à l’emprisonnement. Ces mesures
peuvent être ordonnées pour une période allant jusqu’à trois ans, ce qui donne au « youth
rehabilitation order » le caractère d’une peine alternative et non d’une simple mesure.

336. Des objectifs discutables. L’objectif éducatif et pédagogique de la réparation,


évident en droit français, l’est beaucoup moins en droit anglais. Certains considèrent qu’il existe
un compromis discutable dans la justice des mineurs en Angleterre entre objectif punitif et
objectif de réhabilitation695. Il s’agirait plus d’une question de politique pénale. L’efficacité des
moyens mis en œuvre pour faire face à la délinquance des mineurs fait constamment l’objet de
discussions et de recherches en Angleterre. En décembre 2016, le rapport commandé par le
secrétaire à la Justice sur la justice des mineurs recommande de se consacrer à l’enfant d’abord et
au délinquant ensuite et place l’éducation au cœur de la réponse pénale adressée aux mineurs. Le
secrétaire à la justice n’a plus donné suite aux recommandations et a, en réponse au rapport,
précisé que le rôle de la justice des mineurs est de punir le crime dans le but de prévenir la
récidive des jeunes délinquants696. La réparation est une mesure éducative en soi, même si elle
n’est pas présentée comme telle. La différence avec le droit français réside dans le fait que
l’éducation n’est pas présentée en droit anglais comme un objectif de la justice des mineurs en
général et de la réparation en particulier.

II. Des caractéristiques spécifiques pour affermir l’autonomie de la réparation

337. L’autonomie qu’acquiert la réparation en droit des mineurs vient, outre sa définition
et sa forme, de ses caractéristiques. Ses principales caractéristiques sont son aspect pédagogique
qui donne tout son sens à la mesure (A) et son caractère individualisable qui lui permet de
s’adapter à chaque infraction et à chaque délinquant (B).

695
Loraine GELSTHORPE et Caroline LANSKEY, « Youth Justice in England and Wales », Oxford Handbooks
Online, en ligne : <www.oxfordhandbooks.com>, décembre 2016.
696
Tim BATEMAN, The state of youth justice 2017, National association for youth justice, Septembre 2017,
en ligne : www.thenayj.org.uk, p.32.

237
A. La réparation, une mesure pédagogique

338. Dans la justice des mineurs, le délinquant est au centre de l’attention, et non
l’infraction. La mesure de réparation vise principalement le mineur, la réparation de l’infraction
fait partie du processus de réparation du délinquant. Le droit des mineurs a donc un objectif
pédagogique, éducatif. Cet objectif est l’un des principes directeurs de la justice pénale des
mineurs et il se décline sous deux aspects : la finalité éducative de la réponse pénale et le
caractère subsidiaire de la peine 697. Il s’agira dans cette partie d’approfondir le caractère
pédagogique de la réparation en droit des mineurs. Cette pédagogie qu’on associe à la réparation
se fonde principalement sur la responsabilité (1) et la désistance (2).

1. La pédagogie de la responsabilité

339. Réparation et prise de conscience. La pédagogie de la responsabilité commence


par une prise de conscience par le mineur de la gravité de l’acte commis et sur ses répercussions.
Si l’on considère que la responsabilité pénale est fondée sur le libre arbitre de l’individu, cette
responsabilité doit être adaptée dans le cas des mineurs qui ne font pas preuve de discernement,
leur personnalité étant encore en formation. A l’adolescence, le mineur délinquant cherche à
s’affirmer en s’opposant à un ordre établi698. La prise de conscience sera possible grâce à une
réflexion menée avec le mineur par le service éducatif en charge du suivi des mineurs
délinquants, en vue d’une meilleure compréhension des limites et des interdits699.

Dans un rapport de l’Inspection de la protection judiciaire de la jeunesse qui évalue les aspects
de l’ordonnance de 1945 vue par 331 mineurs, il a été observé que les mineurs ont peu

697
André VARINARD, Adapter la justice pénale des mineurs, Entre modifications raisonnables et innovations
fondamentales: 70 propositions, La documentation française, Rapport au ministre de la Justice, 2008.
698
André VARINARD, Adapter la justice pénale des mineurs, Entre modifications raisonnables et innovations
fondamentales: 70 propositions, La documentation française, Rapport au Ministre de la Justice, 2008, p.29.
699
Jeanne CLAVEL, « La réparation pénale: une nouvelle utopie? », AJ Pénal, 2012, p.326.

238
conscience de l’impact de leurs actes sur les victimes 700. Ils sont, pour la majorité, incapables de
prendre en considération autrui. Cette observation renforce l’intérêt que la mesure de réparation
revêt pour ces jeunes et pour les victimes. La prise de conscience est ainsi nécessaire lors du
lancement d’une mesure de réparation car elle permet de déclencher l’adhésion du mineur à la
réparation qu’il acceptera comme mesure valide par rapport à l’acte701.

340. Réparation et responsabilisation. La pédagogie de la mesure de réparation


favorise le processus de responsabilisation du mineur702. Il s’agit d’abord pour le mineur qui a
pris conscience des conséquences de son acte de dépasser la culpabilité et de décider de
transformer son acte négatif en une action positive 703. On y retrouve les principes du mouvement
de la Défense sociale nouvelle 704. En droit français, il est question d’un principe de responsabilité
atténuée pour les mineurs. Mais ce n’est pas dans cette optique que nous devons envisager la
réparation qui n’est pas une « sanction atténuée ». La notion de responsabilité est ici prise dans
sa dimension sociologique. La réparation a pour objectif la responsabilisation du mineur. Elle est
perçue par certains auteurs comme un « processus pédagogique de formation à la responsabilité
sociale »705. La réparation donne ainsi au mineur l’occasion et les moyens de construire sa propre
responsabilité. Il accède donc à la pleine responsabilité de ses actes et commence à devenir un
acteur social, un sujet de droit au sens plein du terme706.

700
Aspects de l'ordonnance du 2 février 1945 vue par 331 mineurs, Inspection de la Direction de la protection
judiciaire de la jeunesse, 2008, en ligne : <www.justice.gouv.fr>. Dans le rapport, il est mentionné que seuls 70
mineurs sur 331 indiquent avoir pensé à la victime et 5 disent s’être spontanément excusés.
701
Philippe MILBURN, « La réparation pénale à l'égard des mineurs: éléments d'analyse sociologique d'une mesure
de justice restaurative », Archives de politique criminelle, 2002/1, n° 24, p.147.
702
Michel ALLAIX et Michel ROBIN, « La genèse de la mesure de réparation pénale à l'égard des mineurs », in De
la dette au don. La réparation pénale à l'égard des mineurs, sous la dir. de M. VAILLANT, ESF Editeurs, p.40.
703
Philip MILBURN, La réparation pénale à l'égard des mineurs, puf, 2005, p.7.
704
Marc ANCEL, La défense sociale nouvelle: un mouvement de politique criminelle humaniste, 2e éd., Cujas,
1971. Christine LAZERGES, « Processus de socialisation et apprentissage de la règle de droit », RSC, 1993, p.593.
705
Philip MILBURN, La réparation pénale à l'égard des mineurs, puf, 2005, p.7.
706
Idem.

239
2. L’éducation pour la désistance

341. Sortir de son statut de délinquant. La réparation, par la responsabilisation du


mineur, vise un objectif plus important, celui de la sortie de délinquance. Cette mesure n’est
donc pas uniquement un moyen d’apporter une réponse pénale aux actes de petite délinquance
mais c’est une mesure éducative qui doit permettre de renforcer les capacités du mineur à se
réinsérer 707. Cet objectif est clairement avancé en droit anglais dans lequel les mesures
réparatrices ont pour principale raison d’être la prévention de la récidive. Le droit français dresse
ce même objectif et la réussite de ces mesures est d’ailleurs jaugée à l’aune du taux de récidive
des mineurs qui en ont bénéficié 708.

En demandant au mineur de donner de son temps ou de son argent pour la réussite de la mesure
de réparation, on contribue à restaurer son estime de soi. Plus confiant en lui-même et en ses
capacités, le mineur peut à nouveau envisager son rapport au monde. La réparation contribue
ainsi à construire une nouvelle relation entre le mineur et son entourage et favorise sa réinsertion
dans la société. L’exécution de la mesure de réparation aidera le mineur à dépasser sa culpabilité
par la restauration de son image dans la société 709. La réparation permet donc le rétablissement
du lien social brisé par la commission de l’infraction. Elle ne sera pas une sanction qui stigmatise
mais elle aura « la valeur d’un seuil qui est franchi »710. Sur un plan plus éducatif, la réparation
accompagne la désistance par l’intégration de nouvelles valeurs qui permettront au mineur
délinquant de construire son identité sociale. Le mineur gagne la possibilité d’assumer ses
erreurs, de comprendre les lois pénales et les interdits et de prendre la responsabilité de la
réparation.

342. Un accompagnement vers la désistance. Le cheminement qu’entreprend le mineur


tout au long du processus de réparation n’aurait pas de fortes chances de réussir s’il n’était pas

707
Alain BRUEL, Pratiques et évolutions de la justice des mineurs, Erès, 2015, p.249.
708
Youth Out-of-Court disposals, Guide for Police and Youth Offending Services, Ministry of Justice, Youth Justice
Board, 2013, en ligne : <www.yjlc.uk>. Tim BATEMAN, The state of youth justice 2017, National association for
youth justice, September 2017, en ligne : www.thenayj.org.uk, p.56. Sebastien DELARRE, Trajectoires judiciaires
des mineurs et désistance, Infostat Justice, ministère de la Justice, Novembre 2012, en ligne :
<www.justice.gouv.fr>, n°119.
709
Jeanne CLAVEL, « La réparation pénale: une nouvelle utopie? », AJ Pénal, 2012, p.326.
710
Christine LAZERGES, « Processus de socialisation et apprentissage de la règle de droit », RSC, 1993, p.593.

240
accompagné. La pédagogie de la réparation est portée par un ensemble d’acteurs qui seront les
garants du caractère éducatif de la mesure. Ces éducateurs sont les agents qui traduiront la
mesure pénale en action sur le terrain, la sanction en démarche de responsabilisation 711. En
France, ils feront partie de la Protection judiciaire de la jeunesse, en droit anglais, ils seront
membres d’un Youth offender panel. Au Liban, dans l’hypothèse où une mesure de réparation est
choisie comme réponse pénale par un juge 712, le suivi de son exécution devrait être pris en
charge par l’Union pour la protection de l’enfance au Liban (UPEL), qui est une association
mandatée par le ministère de la Justice pour le suivi des jugements des mineurs.

Ces éducateurs ou travailleurs sociaux assureront le suivi de la mesure de réparation et serviront


de relais pour la victime et l’organisme qui accueille le mineur pour la réalisation de la mesure.
La relation qu’un éducateur établira avec le mineur permettra à ce dernier de tirer profit de
l’opportunité qui lui a été donnée à travers la mesure de réparation. C’est l’éducateur qui
apportera souvent la proposition de réparation, qui confirmera au juge l’adéquation de la mesure
avec la personnalité du mineur et qui fera réaliser au mineur tous les bénéfices que peut lui
apporter la réparation. Il s’assurera ainsi du fait que la mesure ne soit pas superficielle mais
implique un réel travail en profondeur, sur le double plan matériel et psychologique. Le pari de la
désistance tient dans la compréhension de la validité de la mesure par le mineur, dans son
acceptation et sa compréhension de la réparation et dans la confiance qu’il donnera à son
éducateur.

B. La réparation, une mesure individualisable

343. La deuxième caractéristique majeure de la réparation est sa possibilité d’être


individualisée selon chaque situation, au point que certains la qualifient de « mesure
caméléon »713. Son caractère pédagogique implique que l’activité proposée soit en lien avec
l’infraction commise (2) et corresponde au profil et aux aptitudes du mineur (1)714.

711
Maryse VAILLANT, La réparation. De la délinquance à la découverte de la responsabilité, Gallimard, 1999,
p.61.
712
Ce qui n’a pas encore été le cas jusqu’à présent.
713
Alain BRUEL, Pratiques et évolutions de la justice des mineurs, Erès, 2015, p.238.
714
Alain BRUEL, Pratiques et évolutions de la justice des mineurs, Erès, 2015, p.246.

241
1. Une individualisation selon la personnalité du mineur

344. Le temps de faire connaissance. La mise en place de la mesure de réparation


nécessite au préalable de prendre le temps de connaître le mineur : son identité, son
environnement, son histoire 715. Sans ces informations, il serait difficile d’individualiser la mesure
de réparation. La Cour européenne des droits de l’homme s’inscrit dans cette lignée et considère
la spécialisation des juridictions des mineurs comme une garantie fondamentale de la justice des
mineurs716. En outre, dans une décision du 29 août 2002, le Conseil constitutionnel français a
conféré une valeur constitutionnelle à l’autonomie du droit pénal des mineurs en instaurant un
dixième principe fondamental reconnu par les lois de la République 717. Ce principe reconnaît
« l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, comme la nécessité
de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à
leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures
appropriées ». Cette recherche de l’objectif pédagogique et cette adaptation des mesures
dépendent d’une connaissance réelle de la personnalité du mineur. La spécificité de la justice des
mineurs commande une spécialisation des tribunaux et des magistrats qui devront rechercher
l’éducation des mineurs à travers la réponse pénale. Les magistrats se font assister durant cette
phase par des services éducatifs qui s’occupent des mesures d’investigation.

En prenant le temps de faire connaissance, il s’agit aussi d’évaluer la « capacité réparatrice du


mineur ». Cette capacité réparatrice du mineur renvoie à l’impact éducatif qu’aurait une mesure
de probation718. Son adaptation au profil du mineur est ainsi un facteur primordial de réussite.

345. L’adaptation de la mesure. Les textes de loi en France et en Angleterre ne posent


pas de condition d’âge ou d’autres conditions liées au profil du mineur délinquant. Cela ne

715
Jeanne CLAVEL, « La réparation pénale: une nouvelle utopie? », AJ Pénal, 2012, p.326.
716
CEDH, 15 juin 2004, SC c/Royaume-Uni, Dr. fam. 2004, Alertes n°30.
717
Cons. Const. n°2002-960, 29 août 2002, JO 30 août 2002, p.14411.
718
Sylvain JACOPIN, « Le droit pénal français des mineurs, évolutions et transformations juridiques », Revue
pénitentiaire et de droit pénal, octobre-décembre 2015, n°4, p.792.

242
signifie pas que ces éléments ne doivent pas être pris en compte. C’est sur la base de l’étude de la
personnalité et du profil du mineur que les magistrats peuvent adapter la mesure de réparation.

Des statistiques du ministère de la Justice français différencient les types de réponses pénales
suivant l’âge du mineur. Il apparaît ainsi que plus le mineur est jeune, plus il fera l’objet d’une
mesure alternative aux poursuites719, plus il approche des 18 ans, plus il encourt le risque d’une
peine de prison720. L’adaptation de la mesure dépendra aussi de la personnalité du mineur. Nous
reprenons ici l’exemple donné par Jeanne CLAVEL, dans son article sur la réparation pénale 721.
Elle y présente le cas d’une mineure de 16 ans, Sonia, qui accuse à tort un jeune garçon de viol,
voulant cacher les circonstances de son premier rapport sexuel à ses parents. Les réunions avec le
personnel du service éducatif ont permis de découvrir le profil d’une jeune femme qui manque
de confiance en elle et en son image. Le travail sur ses complexes a ouvert la voie à un travail de
réparation adapté (dans son cas ce fut l’entretien d’un jardin de fleurs).

346. Un besoin de protection. Prendre en compte la personnalité du mineur c’est


l’étudier dans son ensemble et non uniquement dans les aspects liés à la commission de
l’infraction. C’est faire connaissance avec l’humain derrière le délinquant. Ainsi, le besoin de
protection rejaillit souvent avec la nécessité de la sanction. Que ce soit en droit français, libanais
ou anglais, des mesures de protection sont prévues pour accompagner en cas de besoin les
sanctions et apporter une réponse complète à la délinquance des mineurs. L’intitulé de la loi
libanaise n°422 du 6 juin 2002 exprime clairement cette approche : « loi pour la protection des
mineurs en conflit avec la loi ou en danger ». En droit français, les corps de textes relatifs au
mineur en danger et au mineur délinquant ne sont pas identiques. Il existe cependant des
éléments qui permettent de regrouper ces deux situations. Le dossier unique de personnalité
établi pour chaque mineur délinquant rassemble tous les éléments relatifs à la personnalité du
mineur recueillis dans le cadre des procédures pénales et civiles 722. En outre, le juge des mineurs

719
76% des réponses pénales sont des mesures alternatives aux poursuites si le mineur est âge de moins de 13 ans,
58% si le mineur a entre 13 et 15 ans et 51% si le mineur est âgé de 16 et 17 ans, consulter : Les mineurs
délinquants, Références statistiques Justice, ministère de la Justice, 2015, en ligne : <www.justice.gouv.fr>.
720
Thierry MAINAUD, La délinquance des jeunes évolue avec l'âge, la réponse pénale aussi, Infostat Justice
n°145, ministère de la Justice, novembre 2014, en ligne : <www.justice.gouv.fr>.
721
Jeanne CLAVEL, « La réparation pénale: une nouvelle utopie? », AJ Pénal, 2012, p.326.
722
Philippe BONFILS, « L'autonomie du droit pénal des mineurs, entre consécration et affaiblissement », AJ Pénal,
2012, p.312.

243
est souvent appelé à prononcer des mesures de protection en marge des mesures ou des sanctions
éducatives.

2. Une individualisation selon l’infraction

347. Une délinquance particulière. En France, les statistiques relatives à la délinquance


des mineurs révèlent une surreprésentation des atteintes aux biens par rapport aux autres
catégories d’infractions (atteintes aux personnes, atteintes à l’autorité de l’État, infractions en
matière de circulation routière, etc.)723. En 2015, 49% des mineurs impliqués dans une affaire
pénale le sont pour des atteintes aux biens, réparties entre des vols simples, des vols aggravés et
des destructions et dégradations. Cette particularité de la délinquance des mineurs apparaît aussi
en Angleterre où diverses études statistiques comparent le pourcentage d’atteintes aux biens avec
les autres types d’infractions724. L’écart net observé en France l’est moins en Angleterre qui
connaît une augmentation des atteintes à la personne commises par des mineurs. La catégorie des
atteintes aux biens reste la plus importante mais les chiffres devront être observés attentivement
dans les années à venir 725.

Au Liban, les statistiques du Département des mineurs auprès du ministère de la Justice


confirment une prépondérance des vols qui représentent plus de 26% du total des infractions
commises par un mineur en 2016726. Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 6 juin 2002, le
nombre de mesures de réparation prononcées se compte sur les doigts d’une main. La rareté des
mesures prises résulte, d’une part, de l’absence d’un décret d’application détaillant le contenu de
la mesure et d’autre part, de la longueur des délais de jugement. On remarque que les rares
décisions comprenant des mesures de réparation, ou des travaux d’intérêt général qui
ressemblent à des mesures de réparation, sont prises au stade de l’instruction, ce qui fait œuvre
de jurisprudence car la loi libanaise ne prévoit ces mesures qu’au stade du jugement. La longueur

723
Thierry MAINAUD, Une justice pénale des mineurs adaptée à une délinquance particulière, Infostat Justice,
Bulletin d'information statistique, ministère de la Justice, Février 2015, en ligne : <www.justice.gov.lb>.
724
Tim BATEMAN, The state of youth justice 2017, National association for youth justice, September 2017, p.18,
en ligne : <www.thenayj.org.uk>.
725
Youth Justice Statistics 2016/17, Youth Justice Board / Ministry of Justice, 25 January 2018, p.18, en ligne :
<www.gov.uk>.
726
Chiffres communiqués suite à notre demande par le Département des mineurs du de la Justice libanais, pour
l’année 2016.

244
des délais de jugements s’oppose à la rapidité nécessaire dans la mise en œuvre de la mesure de
réparation afin que celle-ci soit utile et cohérente, notamment en matière d’atteinte aux biens. Il
est aussi surprenant de relever que la majorité des jugements rendus par un juge pour enfant
comprenant une mesure de réparation concernent une atteinte physique aux personnes727. Ceci
confirme le flou existant autour de la définition de la mesure de réparation en droit libanais.

Les mesures de réparation apparaissent donc comme appropriées pour individualiser la réponse
pénale. Elles représentent d’ailleurs plus de la moitié des mesures et sanctions éducatives dont
l’exécution est prise en charge en France par la protection judiciaire de la jeunesse en 2013 728.

348. Un rapport triangulaire infraction-réparation-désistance. Le lien entre la


réparation et la désistance a déjà été détaillé parmi les caractéristiques éducatives de la
réparation729. Ce lien se précise cependant lorsque l’élément infractionnel entre en ligne de
compte. Un rapport très intéressant démontre que l’individualisation de la mesure en fonction de
l’infraction garantit un meilleur taux de désistance 730. Il est notamment observé que les mesures
de réparation permettent un taux de désistance de 80% dans les affaires de destruction et de
dégradation. Ce résultat s’expliquerait par l’efficacité de la mesure et par « l’effet de sélection »
de cette mesure pour une catégorie d’infraction et un profil de délinquant. La réparation est une
réponse pénale privilégiée dans les infractions aux biens parce qu’elle est appropriée pour effacer
les conséquences de l’infraction.

Dans les affaires de violences et atteintes aux personnes, la réparation est concurrencée par les
mesures de placement. Mais si on rassemble les mesures de réparation prises en tant
qu’alternatives aux poursuites et les mesures de réparation prononcées par le tribunal, la
réparation se retrouverait en première position des mesures assurant la désistance, pour d’autres
catégories d’infractions (violences, vol simple, vol aggravé).

727
Voir par exemple les décisions rendues le 1er février 2010 et le 21 juin 2010 par le juge pour enfants au Liban-
Sud qui obligent le mineur à effectuer un travail en réparation d’une durée de 20 heures au profit de la victime
(décisions inédites procurées par le Département des mineurs du ministère de la Justice libanais).
728
Thierry MAINAUD, Une justice pénale des mineurs adaptée à une délinquance particulière, Infostat Justice,
Bulletin d'information statistique, ministère de la Justice, Février 2015, en ligne : <www.justice.gov.lb>.
729
Voir supra n°338 et s.
730
Sébastien DELARRE, Trajectoires judiciaires des mineurs et désistance, Bulletin d'information statistique,
ministère de la Justice, Novembre 2012, en ligne : <www.justice.gouv.fr>, n°119.

245
349. En conclusion, la réparation acquiert son autonomie en droit pénal des mineurs
d’abord sur le fondement de la spécialisation de ce droit. Les procédures et objectifs propres à la
justice des mineurs ont permis la mise en œuvre de mesures qui se distinguent par leur
autonomie. La réparation est la mesure-phare de la justice des mineurs en France. En droit
anglais, les mesures prises à l’encontre des mineurs délinquants ont plus la forme de procédures
ou de regroupement d’action sous une mesure déterminée, un « order ». La réparation reste
cependant au cœur de ces mesures. En droit libanais, la réparation n’existe toujours pas de
manière autonome, ce qui est regrettable vu les avantages indéniables qu’elle possède dans la
prévention de la récidive des mineurs et leur resocialisation.

Le droit pénal des mineurs a indéniablement inspiré le droit pénal des majeurs, notamment en
matière de mesures de réparation. Certains le qualifient même de « droit précurseur » du droit
pénal moderne731. La réparation a ainsi fait son apparition sous plusieurs formes en droit pénal
des majeurs mais son autonomie apparaît moins solide.

Section 2 : L’autonomie de la réparation dans le droit pénal des majeurs

350. Le droit pénal général est traditionnellement synonyme du droit pénal des majeurs.
Mais les interactions qui existent entre droit pénal spécial, ou technique, et droit pénal général,
témoignent de l’existence d’un droit pénal commun qui les englobe732. Nous différencierons
cependant au sein de cette section le droit pénal général et le droit pénal spécial.

En droit pénal général, l’autonomie de la réparation est moins claire, que ce soit dans l’énoncé
des textes de loi ou dans son application pratique. Dans notre recherche de cette autonomie de la
réparation, des particularités propres à certains droits spéciaux nous ont paru mériter d’être
analysées dans une partie spécifique à l’autonomie de la réparation en droit pénal spécial (II). La
question de l’autonomie de la réparation en droit pénal général se nourrira de la richesse de
l’étude comparée des différents droits qui font l’objet de cette thèse (I).

731
Sylvain JACOPIN, « Le droit pénal français des mineurs, évolutions et transformations juridiques », Revue
pénitentiaire et de droit pénal, octobre-décembre 2015, n° 4, p.792.
732
Elisa BARON, « Existe-t-il un droit pénal commun? », Droit pénal, Septembre 2013, n° 9, dossier 2.

246
I. L’autonomie de la réparation en droit pénal général

351. L’analyse de l’autonomie de la réparation dans chaque droit pris à part ne s’est pas
révélée suffisamment riche en enseignements. En revanche, l’approche comparée a permis de
mettre en relief les fondements qui permettent l’autonomie de la réparation (A) et les
manifestations de cette autonomie, notamment en droit anglais et en droit français (B). La notion
de réparation pénale en droit libanais étant encore embryonnaire, il serait prématuré d’envisager
son autonomie.

A. Les fondements de l’autonomie de la réparation

352. L’autonomie de la réparation, à supposer qu’elle soit admise comme principe,


s’explique grâce à plusieurs fondements. Nous en avons identifié deux. D’abord : le choix du
système juridique (1). La classification des systèmes de procédure pénale en systèmes
inquisitoires et systèmes accusatoires est l’une des bases de comparaison des procédures pénales.
La procédure pénale anglaise est à dominante accusatoire et la procédure pénale française est à
dominante inquisitoire, mais de nos jours, chaque système emprunte un peu à l’autre733. Chacun
de ces deux systèmes influence à sa manière le degré d’autonomie que peut avoir la réparation au
sein du droit pénal des majeurs. Ensuite, le deuxième fondement est la conception de la peine
(2). Il s’agira dans cette partie d’aborder les liens qui pourraient exister entre la peine et la
réparation et d’envisager la possibilité d’assimiler la réparation à une peine.

1. Le choix du système juridique, base de l’autonomie de la réparation

353. Le système accusatoire, inhérent à l’autonomie de la réparation. L’autonomie de


la réparation en droit anglais est favorisée par le système accusatoire de sa procédure pénale. Le
procès pénal oppose, à l’image du procès civil, les deux parties : la victime – qui déclenche la

733
Antoine BULLIER, La Common Law, 4e éd., Dalloz, 2016, p.104. Maximo LANGER, « La portée des catégories
accusatoire et inquisitoire », RSC, 2014, p.707.

247
procédure - et l’auteur de l’infraction – le prévenu. De par son caractère contradictoire, la
procédure est ouverte à l’idée de négociation entre les parties734. La pratique du « plea
bargaining »735 permet en effet au prévenu de plaider coupable pour un chef d’inculpation moins
grave, suite à une négociation avec le procureur, en échange d’une sentence moins sévère. Le
prévenu peut donc négocier la durée de la peine d’emprisonnement mais il peut aussi négocier le
remplacement de cette peine par une « community sentence »736.

Cette possibilité de négociation est possible grâce à l’une des particularités de la procédure
accusatoire : la distinction entre la phase d’établissement de la culpabilité et celle de la
détermination de la peine. Le délai entre ces deux phases permet de négocier des accords de
réparation en vue d’une réduction de peine.

Le profil des acteurs judiciaires permet de mieux comprendre la facilité avec laquelle des accords
de réparation sont conclus suite à une phase de négociation. En effet, l’action en justice est
souvent exercée par un « solicitor » au nom de la police qui a gardé ses pouvoirs de poursuite
pour les infractions de faible ou de moyenne gravité. La négociation ne se fait donc pas avec les
magistrats. De plus, une partie de ces magistrats, les « magistrates »737, siègent dans les
tribunaux qui traitent des délits et ne sont pas des juges professionnels. Ils sont issus de la
communauté locale et ne doivent pas nécessairement avoir suivi des études juridiques. De par
leur profil, ils sont plus enclins à recourir à des mesures de réparation ou à déléguer leurs
pouvoirs à des médiateurs738. Les caractéristiques du système accusatoire et de la procédure
pénale anglaise sont donc favorables à l’autonomie de la réparation au sein de la justice pénale.
Cette autonomie n’est pas aussi évidente dans le système inquisitoire qui commence néanmoins à
ouvrir une brèche à la réparation.

354. Le système inquisitoire, bousculé par la réparation. Dans le système inquisitoire,


c’est le ministère public qui déclenche le procès pénal. Le juge joue un rôle actif dans le procès

734
Marie-Clet DESDEVISES, « L'évaluation des expériences de médiation entre délinquants et victimes: l'exemple
britannique », Revue de science criminelle, 1993, p.45.
735
Traduite par négociations de plaidoyer ou négociations de peine.
736
« Reduction in sentence for a guilty plea, Definitive Guideline », Sentencing Council, p.6, en ligne :
<www.sentencingcouncil.org.uk>.
737
Aussi nommés “justices of the peace” ou juges de paix.
738
Marie-Clet DESDEVISES, « L'évaluation des expériences de médiation entre délinquants et victimes: l'exemple
britannique », Revue de science criminelle, 1993, p.45.

248
et la procédure n’est pas contradictoire 739. Le rôle de l’accusé est donc en principe limité. En
droit français, la procédure inquisitoire est aujourd’hui bousculée par des outils et des moyens
issus du système accusatoire740. C’est notamment le cas depuis la loi du 9 mars 2004 portant
adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité qui met en place la procédure de
comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), inspirée du « plea
bargaining »741. Cette procédure permet au procureur de proposer à la personne d’exécuter une
ou plusieurs des peines principales ou complémentaires en échange de sa déclaration de
culpabilité742. Sur la base de l’article 131-3 du Code pénal, le procureur pourrait proposer un
travail d’intérêt général ou une sanction-réparation à la place d’une peine d’emprisonnement
dans le cas de la commission d’un délit. Les statistiques révèlent cependant une réalité
différente : les mesures et peines réparatrices ne bénéficient pas encore des possibilités offertes
par la CRPC. En effet, les peines prononcées à la place des peines encourues se limitent aux
peines d’emprisonnement avec sursis (sursis simple, sursis probatoire), aux amendes et aux
travaux d’intérêt général743.

Cela pourrait s’expliquer par la concurrence entre la CRPC et la composition pénale qui serait
une forme de reconnaissance de culpabilité qui ne dit pas son nom744 ; mais aussi par le fait que
bien qu’inspirées par le « plea bargaining », les pratiques de négociation de peine ne se sont pas
réellement développées en droit français dans le sens où la peine n’est pas assouplie en échange
de la reconnaissance de culpabilité. Il s’agit plutôt d’un compromis sur la procédure ou la mesure
adoptée. La CRPC n’est donc pas la mesure qui permettra de favoriser l’autonomie de la
réparation en droit pénal français. L’article 495-13 du Code de procédure pénale invite la victime

739
Jean LARGUIER et Philippe CONTE, Procédure pénale, 24e éd., Dalloz, 2016, p.3.
740
Xavier PIN, « La privatisation du procès pénal », Revue de sciences criminelles, 2002, p.245 : « les justiciables
ont acquis, dans une certaine mesure, un véritable pouvoir de diriger voire de modeler la procédure, à la recherche
d’une vérité plus subjective. Le procès pénal est un peu plus leur procès, ce qui le rapproche du modèle anglo-
saxon ».
741
Jean-Paul CERE et Pascal REMILLIEUX, « De la composition pénale à la comparution sur reconnaissance
préalable de culpabilité: le "plaider-coupable" à la française », AJ Pénal, 2003, p.45. Jean DANET, « La CRPC: du
modèle législatif aux pratiques... et des pratiques vers quel(s) modèle(s)? », AJ Pénal, 2005, p.433.
742
Art. 495-7 et s. C. pr. pén. Edouard VERNY, Procédure pénale, 4e éd., Dalloz, 2014, p.176.
743
Rodolphe HOULLE et Guillaume VANEY, La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, une
procédure pénale de plus en plus utilisée, Bulletin d'information statistique, ministère de la Justice, Décembre 2017,
en ligne : <www.justice.gouv.fr>, n°157.
744
Jean-Paul CERE et Pascal REMILLIEUX, « De la composition pénale à la comparution sur reconnaissance
préalable de culpabilité: le "plaider-coupable" à la française », AJ Pénal, 2003, p.45. Jean DANET et Sylvie
GRUNVALD, « Brèves remarques tirées d'une première évaluation de la composition pénale », AJ Pénal, 2004,
p.196.

249
à se constituer partie civile pour demander réparation de son préjudice, ce qui diffère de
l’approche de la composition pénale qui invite quant à elle l’auteur de l’infraction à réparer le
dommage causé, à la seule condition que la victime soit identifiée 745. Cette différence de voie
pour permettre la réparation est discutable et ne fait qu’ajouter des obstacles à l’autonomie de la
réparation en droit pénal français.

2. La conception de la peine, garante de l’autonomie de la réparation

355. La dichotomie de la réparation et de la peine. Si on devait choisir une image, on


dirait que la réparation et la peine sont deux lignes parallèles qui ne peuvent jamais se rencontrer.
La réparation ne peut ainsi pas être une peine. Or, à bien observer les caractères de la peine et
ceux de la réparation, on pourrait commencer à se demander si ces deux notions sont aussi
antinomiques qu’on le prétend.

La conception de la peine n’a fait qu’évoluer avec le temps et les modèles de justice 746. A
observer de plus près le sens donné à la peine aujourd’hui, la dichotomie entre la réparation et la
peine semble discutable. La peine est une « réaction punitive prononcée par le juge pénal » et
subie par l’auteur d’une infraction747. En droit français, les pénalistes s’accordent sur les
fonctions de la peine : la peine a une fonction rétributive et intimidante. Afin de pouvoir
rapprocher la réparation de la peine, il faudrait que la réponse pénale basée sur la réparation
puisse remplir ces fonctions assignées à la peine748. La fonction rétributive de la peine consiste à
rétablir l’équilibre brisé par la commission de l’infraction et à « faire payer » au délinquant le
mal causé à la société. Cette fonction n’est pas étrangère aux mesures et aux peines de réparation
qui, par l’action en réparation demandée au délinquant, rétablissent l’équilibre rompu vis-à-vis
de la victime (en cas de réparation directe) ou de la société (en cas de réparation indirecte et par
la réponse pénale apportée). La fonction intimidante consiste à prévenir la récidive et la

745
Art. 41-2 C. pr. pén.
746
Voir supra n° 13 et s. Bertrand DE LAMY, « A la recherche de la peine perdue », Droit pénal, Septembre 2015,
n° 9, dossier 1.
747
Jean PRADEL, Droit pénal général, 16e éd., Editions Cujas, 2006, p.519.
748
Le Conseil constitutionnel s’est aussi basé sur ce raisonnement pour comparer les peines et les mesures de sûreté
dont il a comparé les finalités. Voir : Etude par les étudiants du Master 2 Droit pénal et sciences criminelles de
l'université Toulouse 1 Capitole, « Les fonctions de la peine », Droit pénal, Septembre 2015, n° 9, dossier 8.

250
commission d’infractions en général. La peine vise donc à empêcher le délinquant concerné de
récidiver 749, ce que les mesures de réparation permettent, mais la peine vise de plus à montrer
l’exemple en société pour susciter la crainte chez ceux qui seraient tentés de commettre une
infraction. Cette crainte ne se traduit pas par la peur dans le cas des mesures réparatrices mais par
la certitude et le caractère systématique de la réponse pénale qu’elles engendrent. Ces mesures
empêchent ainsi le sentiment d’impunité que pourraient ressentir les auteurs d’actes de
délinquance. La fonction dissuasive se réalise aussi, sur un plan individuel, grâce au caractère
éducatif des mesures de réparation, et sur un plan collectif, par la simple application du droit
pénal qui permet à la société de distinguer les actes répréhensibles à éviter 750.

Ce qui séparerait catégoriquement la peine de la réparation ce serait les caractères afflictifs et


infamants traditionnellement rattachés à la peine, qu’on ne retrouve pas dans les mesures
réparatrices. Ces mesures ne visent pas à faire souffrir l’auteur de l’infraction (même s’il pourrait
ressentir une certaine souffrance à devoir payer une grande somme d’argent ou à effectuer un
travail d’intérêt général). Elles ne visent pas non plus à procurer un sentiment de honte.
Cependant, à observer les peines du droit pénal moderne, on pourrait se demander si ces
caractères ne sont pas en train de disparaître progressivement, ou du moins d’être fortement
atténués751.

356. Les rapprochements entre la réparation et la sanction. Les notions de sanction et


de peine sont souvent utilisées indifféremment pour désigner la réponse pénale qui intervient à la
suite de la commission d’une infraction752. La sanction vient affirmer la responsabilité pénale de
l’auteur de l’infraction753. Or certains auteurs accordent à la sanction un sens plus large que celui
donné à la peine. La sanction est « toute mesure, même réparatrice, justifiée par la violation
d’une obligation » 754
. La peine, quant à elle, serait une « forme de réponse pénale » « qui
n’épuise pas l’ensemble des sanctions de l’infraction »755. Si assimiler la peine à la réparation

749
Voir supra n° 361.
750
Jean PRADEL, Droit pénal général, 16e éd., Editions Cujas, 2006, p.527.
751
Bertrand DE LAMY, « A la recherche de la peine perdue... », Droit pénal, Septembre 2015, n° 9, dossier 1.
752
D’ailleurs, l’article 130-1 du Code pénal français dispose entre autre que la peine a pour fonction de sanctionner
l’auteur de l’infraction.
753
Claire SAAS, « Les sanctions pénales: de nouvelles donn(é)es? », AJ Pénal, 2013, p.581.
754
Jean PRADEL, Droit pénal général, 16e éd., Editions Cujas, 2006.
755
Xavier PIN, Droit pénal général, 9e éd., Dalloz, 2018, p.345.

251
reste difficile à assumer pleinement, le rapprochement entre la réparation et la sanction est plus
facile à faire. Du point de vue de l’autorité concernée, la sanction peut ne pas être prononcée par
un juge, contrairement à la peine. Dans le cas des mesures réparatrices, certaines font partie des
prérogatives des magistrats et pourraient ainsi être qualifiées de peines mais d’autres font partie
des pouvoirs du ministère public ou d’autorités administratives. Elles sont qualifiées de sanctions
pénales. Si la conception de la peine ne permet pas l’autonomie de la réparation en droit pénal, la
notion de sanction suffirait largement à la rendre possible.

B. Les manifestations de l’autonomie de la réparation

357. L’autonomie de la réparation en droit pénal se manifeste par l’accession de celle-ci à


un statut propre de peine à part entière. Si l’on s’en tient au critère substantiel selon lequel une
mesure est une peine si le Code pénal la qualifie ainsi, ce critère jouerait en droit français et en
droit anglais en faveur de l’accession de la réparation au rang de peine. En effet, les textes de loi
en droit anglais sont clairs quant à la relation des notions de réparation et de peine, ils accordent
de ce fait une autonomie à la réparation en droit pénal (1). En droit français, la multiplicité des
textes de lois et la rapidité des évolutions législatives « par éclats », mettent en place des
fondements fragiles à l’autonomie de la réparation qui reste très discutée (2).

1. Une autonomie acquise en droit anglais

358. La réparation, une fonction du jugement pénal. En droit anglais, la réparation est
l’un des objectifs assignés à toute condamnation. La section 142 du Criminal Justice Act de 2003
détermine cinq objectifs que doit prendre en compte tout tribunal avant de prononcer son
jugement : la sanction des délinquants, la réduction de la criminalité (incluant la réduction par
dissuasion), l’amendement et la réhabilitation du délinquant, la protection de la société et la
réalisation de la réparation par les délinquants en faveur des personnes affectées par leurs

252
infractions756. Ces objectifs sont ambitieux, tellement qu’on se demande s’ils peuvent tous être
atteints par une même condamnation. On relève dans des discussions publiées du « Justice
Committee » du Parlement anglais qu’il n’est pas clair si ces objectifs sont cités de manière
hiérarchique ou s’ils sont énumérés à titre informatif et combinés au besoin lors de chaque
condamnation757. Le plus important, dans le cadre de cette étude, est la présence de la réparation
parmi les objectifs de toute condamnation pénale.

359. La réparation, une obligation autonome. L’objectif de réparation est traduit en


pratique par plusieurs moyens. D’abord par les mesures et peines alternatives comprenant des
obligations de réparation, mais aussi, lorsque la réparation n’est pas une alternative mais une
composante du jugement pénal, par les « compensation orders ». Un magistrat peut prononcer,
seul ou en complément d’autres mesures, des ordres de compensation, d’indemnisation en faveur
de toute personne ayant subi un préjudice, une perte ou un dommage en lien avec l’infraction
jugée758. Ces indemnisations sont une forme de réparation pénale qui ne prend pas en compte
l’indemnisation que les victimes pourraient recevoir devant une juridiction civile. Ils se
démarquent des dommages et intérêts car ils sont déterminés en fonction des ressources du
condamné afin de garantir leur réalisation759. Si un ordre de compensation a été exécuté par
l’auteur de l’infraction, son montant sera soustrait d’une future compensation civile, pour éviter
une double indemnisation. Ces obligations pénales de réparer le dommage causé sont d’autant
plus importantes que les textes de loi prévoient que le magistrat doit justifier sa décision lorsqu’il
prononce un jugement sans compensation order, lorsqu’il aurait pu le faire 760.

Si l’autonomie de la réparation en droit pénal anglais est ainsi sans équivoque, elle reste plus
discutée en droit français.

756
Criminal Justice Act, Chapter 44, 2003, en ligne : www.legislation.gov.uk, (traduction libre).
757
Justice Committee CONTENTS, « Sentencing guidelines and Parliament: building a bridge », en ligne :
<www.parliament.uk>.
758
Powers of Criminal Courts Sentencing Act , 2000, s.130.
759
Sous la direction de Géraldine GADBIN-GEORGE, Glossaire de droit anglais, Dalloz, 2014, p. 333 et s.
760
Powers of Criminal Courts Sentencing Act , 2000, s.130 (3).

253
2. Une autonomie discutée en droit français

360. Des fonctions de la peine. Contrairement au droit anglais, le droit pénal français -
avec sa dualité de procédure civile et pénale – ne consacre pas la réparation au rang de fonction
de la peine. L’article 130-1 du Code pénal, créé par la loi n°2014-896 du 15 août 2014,
détermine désormais les finalités et les fonctions de la peine. Elles sont comparables aux
objectifs fixés au jugement en droit anglais, la réparation en moins. Mais la loi distingue les
finalités des fonctions de la peine, ce qui est une vision plus réaliste du sens de la peine. Les
finalités de la peine sont au nombre de trois : la peine tend à assurer la protection de la société,
prévenir la commission de nouvelles infractions et restaurer l’équilibre social dans le respect des
intérêts de la victime. La peine a aussi pour fonction de sanctionner l’auteur de l’infraction et de
favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion761. On peut aisément discerner la
réparation à travers le respect des intérêts de la victime mais cette formulation préserve le socle
de la procédure pénale française.

Cependant, une peine originale est venue accorder à la peine une fonction réparatrice : la
sanction-réparation. Nous avons déjà envisagé cette peine sous l’angle des alternatives à la peine
d’emprisonnement et regretté la formulation employée par l’article 131-8-1 du Code pénal qui
présente la peine de sanction-réparation comme substitut à l’emprisonnement 762. La sanction-
réparation n’en demeure pas moins une peine à part entière et présentée comme telle à l’article
131-3 du même code. Le plus grand apport de cette peine est à notre sens d’associer la réparation
et la sanction et de faire de la réparation la fonction de la peine. Elle permet la mise en œuvre
d’une réparation pénale, même en l’absence de partie civile au procès.

Du point de vue de la conception civile de la réparation, cette approche semble inacceptable ;


elle est même considérée par d’aucuns comme une absence de peine 763, voire une chimère
juridique764. Cependant, en matière délictuelle et contraventionnelle, il est des cas où la simple

761
Jocelyne LEBLOIS-HAPPE, « La redéfinition des finalités et fonctions de la peine - vers des principes directeurs
en matière de peine? », Gazette du Palais, 23 mai 2015, 143, p.10. Emmanuel DREYER, « L'objet de la sanction
pénale », Recueil Dalloz, 2016, p.2583.
762
Voir supra n°179 et s.
763
Michèle-Laure RASSAT, Droit pénal général, édité par ELLIPSES, 3e éd., 2016, p.535. Muriel GIACOPELLI,
« Libres propos sur la sanction-réparation », Dalloz, 2007, 1551.
764
Pierre-Jérôme DELAGE, « C. Mascala (dir), A propos de la sanction, Presses de l' Université des Sciences
Sociales de Toulouse, LGDJ », RSC, 2008, 778.

254
obligation de réparer les dommages causés par l’infraction suffit à faire prendre conscience au
délinquant de la gravité de son acte. De plus, cette peine ne peut être comparée à la réparation
civile car elle est assortie d’une « peine de peine » en cas de non-exécution.

L’autonomie de la réparation n’est pas consacrée textuellement comme finalité de la peine, mais
elle se manifeste au niveau de l’échelle des peines correctionnelles.

361. De l’échelle des peines correctionnelles. A lire uniquement l’article 131-3 du Code
pénal comme modifié par la loi du 15 août 2014, on croirait que la réparation accède au rang de
peine, au même titre que la peine d’emprisonnement. En effet, l’article 131-3 dispose que « les
peines correctionnelles encourues par les personnes physiques sont : l’emprisonnement, la
contrainte pénale765, l’amende, le jour-amende, le stage de citoyenneté, le travail d’intérêt
général, les peines privatives ou restrictives de droit prévues à l’article 131-6, les peines
complémentaires prévues à l’article 131-10, la sanction-réparation ». On compte dans cet article
non moins de trois mesures réparatrices : la contrainte pénale, abrogée par la loi du 23 mars
2019, le travail d’intérêt général et la sanction-réparation766. Deux premières observations sont à
faire. D’abord, le texte qualifie ces mesures de peines correctionnelles. Ensuite, il les cite à côté
d’autres peines sans établir de hiérarchie entre elles. Il n’est pas fait mention de peines
principales et de peines de substitution.

Mais ce texte ne donne qu’une fausse impression de l’autonomie de la réparation en droit pénal
français. Nous avons déjà vu qu’en pratique, le recours à la peine d’emprisonnement est toujours
très important, et que dans les textes, la conception de la peine d’emprisonnement comme peine
de référence est toujours présente dans les articles relatifs aux mesures alternatives qui ne sont
mises en place que comme substituts à l’emprisonnement 767. Il convient d’ajouter que cette
échelle de peines correctionnelles que vient introduire l’article 131-3 de Code pénal serait au
mieux une déclaration d’intention en faveur d’une nouvelle conception de la peine, au pire un
cafouillage juridique non assumé et non abouti. En effet, si le droit pénal général souhaite établir
une nouvelle échelle de peines, le droit pénal spécial régissant chaque infraction demeure sous

765
Remplacée dans le texte par la détention à domicile sous surveillance électronique, à compter du 24 mars 2020.
766
A partir du 24 mars 2020, l’article 130-1 du Code pénal n’inclura plus la contrainte pénale qui a été abrogée par
la loi 2019-222 du 23 mars 2019.
767
Voir supra n°179 et s.

255
l’empire d’une échelle fondée sur les durées de peines d’emprisonnement et les montants
d’amendes768. Aucune infraction spécifique ne mentionnera comme peine principale de référence
la sanction-réparation ou le travail d’intérêt général, alors que pour certaines infractions, elles
seraient les peines les plus adéquates.

L’échelle des peines introduite par la loi du 15 août 2014 a rapidement été discutée. Le rapport
Cotte a préconisé une nouvelle échelle de peines qui comprend : l’emprisonnement, le placement
sous surveillance électronique, la contrainte pénale, l’amende, la peine de jours-amendes et le
travail d’intérêt général. Le rapport a préconisé le retrait de la sanction-réparation (car il propose
par ailleurs sa suppression) mais a conservé la contrainte pénale et le travail d’intérêt général
comme peines principales769. En tant que peines principales, elles déterminent à elles seules la
qualification de l’infraction en délit.

362. L’autonomie de la réparation en droit pénal révèle ici des contradictions pratiques et
théoriques qui nécessitent une révision de fond du droit pénal français en la matière. Comparée
au droit anglais, l’autonomie de la réparation en droit pénal général français n’est pas encore
assez assumée par le législateur. Elle se fait ressentir à travers des textes particuliers mais reste
absente des principes généraux du droit de la peine. Cette recherche de l’autonomie de la
réparation en droit pénal français est cependant plus concluante en droit pénal spécial.

II. L’autonomie de la réparation en droit pénal spécial

363. À observer les mesures de réparation en droit pénal spécial, on relève deux
tendances qui participent à l’autonomisation de la réparation. Dans la première, l’autonomie de
la réparation s’explique par la spécialisation des acteurs (A). Ces acteurs aux compétences
spécifiques et particulières, hors du cadre judiciaire, se voient dotés de prérogatives leur
permettant de mettre en œuvre des mesures ou des sanctions réparatrices. La deuxième tendance

768
Michèle-Laure RASSAT, Droit pénal général, édité par ELLIPSES, 3e éd., 2016, p.525.
769
Bruno COTTE, Pour une refonte du droit des peines, ministère de la Justice, Décembre 2015. Le rapport précise
que « si en pratique le PSE et la contrainte pénale seront sans doute rarement prévues à titre de peine principale, il a
paru important de les compter au nombre des peines principales ». Voir aussi : Virginie PELTIER, « Sens et
efficacité des peines », La Semaine Juridique, Edition Générale, 19 mars 2018, n°12, 310.

256
fonde l’autonomie de la réparation par la spécialité du domaine concerné (B). Certains droits
techniques, comme le droit de l’environnement et le droit de l’urbanisme, ont en effet été
précurseurs dans l’application de mesures de réparation.

A. L’autonomie de la réparation fondée sur la spécialisation des acteurs

364. L’autonomie de la réparation s’explique ici par le fait qu’elle sort du cadre
judiciaire. S’intéresser à cette forme de réparation dans une section consacrée à l’autonomie de la
réparation en droit pénal général pourrait surprendre. Cependant, les mesures de réparation qui
ont été mises en œuvre par des autorités indépendantes ont été précurseur dans l’institution de la
réparation comme réponse légale aux infractions à la loi. La réparation est ainsi mise en œuvre
dans le cadre de mesures et sanctions administratives par des administrations spécialisées dotées
d’un pouvoir de police dans leur domaine (1). Elle fait aussi partie des moyens attribués au
Défenseur des droits (2).

1. Les mesures administratives

365. La réparation, sanction administrative. Le législateur français reconnaît depuis


plusieurs années aux autorités administratives la faculté de mettre en place des sanctions
indépendamment de toute poursuite pénale 770. Même si elles ne relèvent pas du droit pénal, ces
sanctions peuvent avoir le caractère de punition771 ou de réparation. Elles présentent des
avantages d’efficacité, de simplicité et de rapidité772.

En matière de mesures de réparation, l’administration fiscale donne l’exemple avec la majoration


de 10% pour paiement tardif de l’impôt, mesure que le Conseil d’État refuse de qualifier de
sanction fiscale car « elle ne présente pas le caractère d’une peine qui ait pour objet de réprimer

770
Jean PRADEL, Droit pénal général, 16e éd., Editions Cujas, 2006, p.520. Jean-Christophe CROCQ, « Le
pouvoir de transaction et de sanction du procureur de la République: le chaînon manquant », RSC, 2015, p.595.
771
Xavier PIN, Droit pénal général, 9 éd., Dalloz, 2018, p.355.
772
François BRUNET, « De la procédure au procès: le pouvoir de sanction des autorités administratives
indépendantes », RFDA, 2013, p.113.

257
la carence du redevable dans le cas où celui-ci [...] néglige de s’acquitter des impôts mis à sa
charge, mais doit être regardée comme un accessoire de l’impôt institué pour préserver les
intérêts du Trésor public »773. Cette décision a été suivie par la Cour de cassation774 et par le
Conseil constitutionnel775. Ces majorations ont donc le caractère d’une réparation pécuniaire car
elles visent à compenser le préjudice subi par le Trésor public dû au retard d’encaissement de
l’impôt et ne sont pas reliés à l’appréciation du comportement du contribuable 776.

D’autres mesures administratives revêtent un double caractère : le législateur les qualifie de


sanctions administratives mais elles consistent en des travaux de réparation. C’est le cas des
mesures de remises en état ordonnées par une autorité administrative et mentionnées par exemple
à l’article L.312-12 du Code forestier (travaux de reconstitution forestière suite à une coupe
abusive) ou à l’article L.171-8 du Code de l’environnement (obligation de réaliser des travaux,
aménagements, ouvrages, etc.).

366. En Angleterre, le mouvement de dépénalisation a permis de développer les sanctions


administratives légalisées par le « Regulatory enforcement and sanctions Act » de 2008777. Ces
sanctions n’ont pas un but punitif mais visent le changement du comportement du contrevenant,
l’élimination de tout gain résultant du non respect de la loi et la réparation du dommage causé.
Parmi ces sanctions administratives, on retrouve l’amende fixe778, les obligations discrétionnaires
qui peuvent contenir l’obligation de remise en l’état de la situation 779, l’avertissement 780 pour
empêcher la continuation d’une activité qui pourrait nuire à la santé humaine, l’environnement

773
Article 1730 CGI. CE, 10 mai 1952, Sté X, JCP 1952.II.7151. Stéphane AUSTRY, « Les sanctions
administratives en matière fiscale », AJDA, 2001, p.51.
774
Cass. com, 25 octobre 1960 et 29 avril 1997, Ferreire.
775
Cons. Const. n°82-155 DC 30 décembre 1982; Cons. Const. n°2010-103 à 106 QPC, 17 et 18 mars 2011.
776
Les sanctions administratives dans les secteurs techniques, Centre d'Etude et de Recherche sur l'Administration
Publique, Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne, Université Panthéon-Sorbonne, Recherche
effectuée avec le soutien de la Mission de recherche Droit et Justice, Septembre 2016, p.29.
777
Mouvement encouragé suite au rapport de Philip HAMPTON, “Reducing administrative burden: effective
inspection and enforcement”, Mars 2005, www.hm-treasury.gov.uk, et au rapport du Pr. Richard MACRORY,
“Regulatory justice: making sanctions effective”, Novembre 2006, www.nationalarchives.gov.uk.
778
Fixed monetary penalties.
779
Discretionary requirements.
780
Stop notice.

258
ou les intérêts financiers des consommateurs. Ainsi, l’objectif ultime de ces sanctions, en France
et en Angleterre, est d’agir au service de la régulation des situations illégales781.

367. La réparation, transaction administrative. Le droit de transiger a été accordé aux


administrations publiques françaises dès le 19e siècle. Il permet aux administrations de négocier
la réparation du litige en échange de l’abandon des poursuites pénales. En matière fiscale, les
transactions avaient déjà été mises en place par les ordonnances du 30 janvier et du 13 février
1822782. De nos jours, la transaction administrative existe toujours pour des infractions en droit
pénal spécial, comme en droit de l’environnement (article L.173-12). On la retrouve dans le
Code des douanes (article 350), dans le Code de la consommation (articles L.523-1 et s.), dans le
Code rural (article L.205-10), dans le Code de commerce (article L.490-5) et dans le Code des
transports (article L.6142-3)783.

L’accord du procureur de la République est généralement requis pour la plupart de ces


transactions pénales qui ne peuvent intervenir, en principe, que lorsque l’action publique n’a pas
été mise en mouvement. Mis à part cette formalité, c’est de manière autonome que chaque
administration spécialisée met en œuvre une transaction pour rétablir la légalité des situations
frauduleuses par la réparation, la remise en état, l’indemnisation. La transaction permet aux
administrations d’accéder à l’autonomie dans la résolution de leurs litiges et accorde inversement
une identité autonome à la réparation. Le principal intérêt de ces mesures pour l’administration et
les personnes concernées est la résolution des litiges de manière rapide et efficace, et non
l’abandon des poursuites qu’elle permet parallèlement.

Notons ici que le droit libanais connaît une forme de transaction pénale permise en matière
bancaire et douanière784. L’administration concernée peut effectuer une transaction avec le
contrevenant, ce qui permet d’arrêter les poursuites pénales avant le prononcé d’un jugement. La

781
Les sanctions administratives dans les secteurs techniques, Centre d'Etude et de Recherche sur l'Administration
Publique, Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne, Université Panthéon-Sorbonne, Septembre
2016, Recherche effectuée avec le soutien de la Mission de recherche Droit et Justice, p.62.
782
Géraldine CHAVRIER, « Réflexions sur la transaction administrative », RFDA, 2000, p.548.
783
A ce sujet, la thèse de Jean-Baptiste PERRIER est un outil précieux d’analyse des transactions pénales: Jean-
Baptiste PERRIER, La transaction en matière pénale, 2012, [Université Aix Marseille], p.133 et s.
784
Art. 20 C. pr. pén. libanais.

259
transaction peut aussi intervenir suite au commencement de l’exécution de la peine. Elle
interrompt ainsi son exécution, à condition qu’aucun texte de loi ne l’interdise spécifiquement.

Quant au droit anglais, il accorde un caractère civil aux transactions que les administrations
peuvent réaliser car elles sont reliées aux sanctions administratives et non aux poursuites pénales.
En effet, la loi prévoit la possibilité pour les administrations de négocier le montant de
l’indemnité avec le contrevenant si ce-dernier le règle avant qu’il ne reçoive de sanction
officielle785. Ce montant sera évidemment inférieur au montant de l’amende.

2. Les mesures du Défenseur des droits

368. La transaction du Défenseur des droits. Le Défenseur des droits est une autorité
administrative indépendante786. Il a pour fonction de « défendre les droits et libertés dans le cadre
des relations avec les administrations de l’État [...], de défendre et de promouvoir l’intérêt
supérieur et les droits de l’enfant [...], de lutter contre les discriminations [...] et de veiller au
respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la
République »787.

Outre le fait que le Défenseur des droits peut procéder à la résolution d’un différend par voie de
médiation, il peut proposer à l’auteur d’une réclamation et à la personne mise en cause de
conclure une transaction dont il recommande les termes788. Cette transaction consiste dans le
versement d’une amende transactionnelle avant la mise en mouvement de l’action publique et,
s’il y a lieu, dans l’indemnisation de la victime. Comme pour les transactions des autorités
administratives techniques, la transaction du Défenseur des droits doit être homologuée par le
procureur de la République. Mais l’indépendance de cette institution soutient l’autonomie de la
réparation qu’elle permet grâce à la médiation ou à la transaction. Dans cette hypothèse, la
réparation n’est plus une alternative mais fait partie d’un processus autonome.

785
Regulatory Enforcement and Sanctions Act (2008), s.40, “fixed monetary penalties”.
786
Art. 2 de la loi organique n°2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits.
787
Art. 4, loi précitée.
788
Art. 28, loi précitée. Jean-Baptiste PERRIER, La transaction en matière pénale, 2012, [Université Aix
Marseille], p.158 et s.

260
369. Lorsque l’autonomie de la réparation est fondée sur la spécialisation des acteurs, la
réparation se réalise hors de la sphère du droit pénal, même si elle y est reliée comme pour
l’homologation de la transaction par le procureur de la République. Cependant, dans certains
droits pénaux spéciaux, la réparation fonde son autonomie à l’intérieur de la sphère pénale.

B. L’autonomie de la réparation fondée sur la spécialité du domaine

370. Il existe dans certains droits pénaux spéciaux des formes autonomes de mesures de
réparation. Nous avons choisi de nous attarder sur le droit de l’environnement et sur le droit de
l’urbanisme en droit français, dont les positions relatives à la notion de réparation enrichiront le
débat général. La spécificité du préjudice causé à l’environnement donne un caractère particulier
à la réparation de ce préjudice (1). Le droit de l’urbanisme s’est lui révélé moteur de
l’autonomisation de la réparation et de son assimilation à la peine (2).

1. La réparation et le droit de l’environnement

371. Une transaction spécifique au droit environnemental. La transaction pénale


possède une déclinaison spécifique au droit environnemental. En effet, l’article L173-12 du Code
de l’environnement accorde à l’autorité administrative, tant que l’action publique n’a pas été
mise en mouvement de transiger avec les personnes physiques et les personnes morales sur la
poursuite des contraventions et délits punis de moins de deux ans 789. Outre l’amende
transactionnelle, la transaction peut comporter l’obligation de réparer le dommage ou de remettre
en conformité les lieux. Cette transaction est certes une mesure alternative aux poursuites, elle
comporte néanmoins la notion de remise en état, caractéristique de la réparation du préjudice
environnemental.

789
La transaction environnementale a été étendue à l’ensemble des infractions au Code de l’environnement suite à la
réforme pénale du droit de l’environnement en 2014. Voir: Louis DE REDON, « Climat judiciaire et protection de
l'environnement: pas de risque de surchauffe », Droit pénal, février 2019, n° 2, p.17.

261
372. La spécificité du préjudice environnemental. Pour comprendre la spécificité de la
réparation en droit de l’environnement, il est d’abord nécessaire de faire le point sur la notion de
préjudice environnemental. Ce préjudice a une signification particulière depuis l’affaire Erika790.
En effet le jugement du TGI de Paris et l’arrêt de la Cour de cassation qui a suivi, ont reconnu
l’existence d’un préjudice autonome résultant de l’atteinte à l’environnement, préjudice distinct
du préjudice social dont la réparation est assurée par l’exercice de l’action publique et du
préjudice personnel des parties civiles 791. Le préjudice écologique résulterait du dommage causé
à l’environnement lui-même, dans ses éléments inappropriés ou inappropriables,
indépendamment de ses répercussions sur les personnes juridiques et sur leur patrimoine. Ce
préjudice sui generis a donc une signification différente du préjudice au sens du droit de la
responsabilité civile. On lui attribue un caractère « objectif »792 car il n’est pas relié à un
préjudice personnel. Le demandeur n’a donc pas besoin de prouver un intérêt personnel à agir
pour engager des poursuites. Il suffit qu’il fasse partie des personnes spécialement habilitées à
agir en matière d’atteinte à l’environnement 793.

L’affaire Erika a indéniablement eu l’avantage de renforcer la protection de l’environnement par


la consécration d’un préjudice environnemental objectif, distinct. La mise en œuvre de la
réparation de ce préjudice n’a cependant pas été à l’abri de critiques. En effet, ce préjudice a été
évalué par le TGI en fonction des demandeurs (la taille des associations ou institutions, leur
réputation dans la région, leurs activités) et non en fonction de la mesure des dégradations
causées à l’environnement. Ce mode de calcul confondrait le préjudice environnemental avec le
préjudice moral des demandeurs qui seraient ainsi indemnisés deux fois. De surcroît, le moyen
de réparation choisi a été celui d’une réparation monétaire, fortement critiquable car rien
n’obligeait les demandeurs à dépenser la somme allouée à la remise en état de l’environnement
concerné. Or si le préjudice écologique objectif se veut uniquement défini comme une atteinte à
l’environnement, il n’y a pas de véritable réparation sans un travail de remise en état794. La

790
TGI Paris, 16 janvier 2008. CA Paris, 30 mars 2010. Cass, crim., 25 septembre 2012, Bull. crim. n°198 ; AJDA
2013. 667 ; D. 2012. 2711 ; AJ Pénal 2012. 574.
791
Laurent NEYRET, « Naufrage de l'Erika: vers un droit commun de la réparation des atteintes à
l'environnement», Recueil Dalloz, 2008, p.2681. Suzanne SPRUNGARD, « L'environnement est-il l'avenir du
droit?», Tourisme et Droit, 2008, n° 95, p.28.
792
Laurent NEYRET, « La réparation des atteintes à l'environnement par le juge judiciaire », Recueil Dalloz, 2008,
p.170.
793
Art. L.142-2 C. envir.
794
Vincent REBEYROL, « Où en est la réparation du préjudice écologique? », Recueil Dalloz, 2010, p.1804.

262
jurisprudence Erika a encouragé la création d’un régime spécial de réparation du préjudice
écologique.

373. La spécificité de la réparation du préjudice environnemental en droit spécial.


La spécificité de la réparation du préjudice environnemental a d’abord été consacrée dans la loi
n°2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale. Elle introduit au sein
du Code de l’environnement un titre dédié aux mesures de prévention et de réparation des
dommages basées sur le principe « pollueur-payeur »795. L’article L.162-9 consacre le principe
de la réparation en nature et la définit comme devant rétablir les ressources naturelles et les
services écologiques dans leur état initial, celui qui aurait existé si le dommage environnemental
n’était pas survenu. La loi prévoit trois options de réparation graduelles : la réparation primaire
qui consiste en un retour à l’état initial, la réparation complémentaire qui intervient en cas
d’insuffisance de la première pour fournir des ressources et services comparables et la réparation
compensatoire qui intervient en parallèle pour compenser les pertes intermédiaires de ressources
et services survenant entre la date du dommage et la date à laquelle la réparation primaire ou
complémentaire a produit son effet.

La loi du 1er août 2008 a ainsi consacré une définition autonome, spécifique, de la réparation en
droit de l’environnement. Cette réparation ne peut cependant être mise en œuvre que dans le
cadre d’un régime de police administrative et non d’un régime de responsabilité, ce qui en limite
la portée796.

374. La spécificité de la réparation du préjudice environnemental en droit commun.


La jurisprudence797 et la doctrine798 ont ouvert la voie à l’adoption d’un régime spécial de

795
Olivier FUCHS, « Le régime de prévention et de réparation des atteintes environnementales issu de la loi du 1er
août 2008 », AJDA, 2008, p.2109.
796
La loi est aussi limitée dans le temps (aux dommages ayant eu lieu après le 30 avril 2007) et limitée dans son
domaine. Voir: Laurent NEYRET, « La réparation des atteintes à l'environnement par le juge judiciaire », Recueil
Dalloz, 2008, p.170.
797
Cass, crim., 22 mars 2016. Aude-Solveig EPSTEIN, « La réparation du préjudice écologique en droit commun de
la responsabilité civile », Recueil Dalloz, 2016, p.1236.
798
Yves JEGOUZO, Pour la réparation du préjudice écologique, Rapport remis à la Ministre de la justice le 13
septembre 2013, en ligne : <www.justice.gouv.fr>. Laurent FONBAUSTIER, « Promouvoir et améliorer la
réparation du préjudice écologique. A propos du rapport du 17 septembre 2013 », Semaine judique, Edition
générale, 30 septembre 2013, n° 40, p.1773.

263
responsabilité civile de réparation du préjudice écologique. La loi du 8 août 2016 relative à la
reconquête de la biodiversité introduit dans le Code civil un chapitre consacré à la réparation du
préjudice écologique799. Les articles 1246 et suivants du Code civil mettent en place un régime
de responsabilité spécifique au préjudice écologique. Le préjudice écologique est défini comme
consistant en une atteinte non négligeable aux éléments et aux fonctions des écosystèmes et aux
bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement. L’article 1248 du Code civil
détermine les titulaires de l’action et l’article 1249 du même code pose le principe de la
réparation prioritairement en nature. En cas de réparation pécuniaire, elle devra être affectée à la
réparation de l’environnement. L’évaluation de la réparation prendra compte des mesures de
réparation déjà effectuées dans le cadre du régime spécifique de réparation du Code de
l’environnement.

375. La loi du 8 août 2016 semble avoir répondu à toutes les critiques soulevées par les
jugements relatifs à l’affaire Erika et par la loi du 1 er août 2008. Elle consacre ainsi, par la
définition du préjudice écologique, une forme autonome de réparation de ce préjudice. Nous
demeurons cependant perplexe quant à l’intérêt de consacrer un régime spécifique de
responsabilité civile pour la réparation d’un préjudice écologique « objectif » qui devrait en
principe consister en une réparation en nature, alors que la responsabilité pénale pourrait
permettre au juge d’ordonner la réparation/remise en état du dommage causé à l’environnement,
comme mesure complémentaire, ou comme injonction de faire dans le cadre d’un ajournement
de peine800. Cette mesure aurait pu s’inspirer des dispositions de droit spécial en matière de
réparation prévues dans le Code de l’environnement 801. Construire un régime dans lequel le
bénéficiaire de la réparation n’est pas le demandeur à l’action pousse à réfléchir à la différence
matérielle entre la notion de préjudice objectif et de dommage. Envisager le préjudice écologique
comme un dommage résultant d’une infraction au droit de l’environnement permettrait de
surcroît au juge d’ordonner sa réparation même en l’absence de constitution de partie civile.

799
Mathilde HAUTEREAU-BOUTONNET, « Quelle action en responsabilité civile pour la réparation du préjudice
écologique? », Jurisclasseur, Juin 2017, dossier 14.
800
Thierry FOSSIER, « La répression des infractions au droit de l'environnement », AJ Pénal, 2017, p.525.
801
On pourrait aussi prendre comme exemple l’article 131-39-2 du Code pénal relative aux sanctions prises en cas
de délit de corruption et qui instaure un programme de mise en conformité.

264
2. La réparation et le droit de l’urbanisme

376. La nature des mesures de restitution. Le droit de l’urbanisme et de la construction


est intéressant du point de vue de la réflexion sur la réparation. En effet, le Code de l’urbanisme
et le Code de la construction et de l’habitat consacrent plusieurs types de réponses pénales aux
infractions : les amendes à titre de peines principales et plus rarement des peines
d’emprisonnement. Des peines complémentaires, comme la publication du jugement, et des
mesures de restitution peuvent compléter la peine principale 802. Ces mesures de restitution ont
pour objet la mise en conformité des lieux, la démolition de l’ouvrage ou la réaffectation du sol
dans le but du rétablissement des lieux dans leur état antérieur à la commission de l’infraction.
Elles visent donc, plus globalement, la réparation des dommages causés par l’infraction.

La nature de ces mesures de restitution est depuis longtemps débattue par la jurisprudence 803.
Elles ont d’abord été considérées comme une forme de réparation civile car elles ont pour
objectif d’effacer les conséquences de l’infraction804. Cette analyse fondée sur une conception
traditionnelle de la réparation et de la peine a été battue en brèche par la jurisprudence qui a
commencé à y voir « une réparation civile qui n’en constitue pas moins également une
peine »805. Afin de ne pas avoir à se prononcer sur la nature civile ou pénale de ces mesures de
restitution, la jurisprudence a intelligemment qualifié ces mesures de « mesures à caractère
réel »806, catégorie sui generis ayant un régime propre. Ces mesures à caractère réel ne seraient
pas destinées à punir mais à faire cesser une situation illicite. Elles n’ont donc pas un caractère
personnel et sont liées à l’infraction. La jurisprudence en déduit ainsi qu’elles ne peuvent être
prononcées à titre de peine principale. Les mesures de restitution ne peuvent être assimilées à des
peines car elles échappent à la prescription des peines et elles ne peuvent faire l’objet d’un sursis
ou d’un relèvement. Cette position de la jurisprudence semble être stable mais elle est combattue
par certains magistrats courageux qui luttent pour conférer aux mesures de restitution la nature

802
Art. L.152-5 C. const. hab.; art. L.480-5 C. urb.
803
« La sanction des atteintes pénales en matière de construction », in Répertoire de droit pénal et de procédure
pénale, 2018, n°81 et s.
804
Cass.crim., 15 novembre 1961, Bull.crim. n°465; Cass.crim., 29 avril 1970, Bull.crim. n°149.
805
Cass.crim., 12 janvier 1982, RDI 1982 p.562.
806
Cass.crim., 14 novembre 1989, Bull.crim. n°410; RDI 1990.131, obs. G. ROUJOU DE BOUBEE ; Cass.crim., 8
juin 1989, Bull.crim. n°248, RSC 1990.131, obs. ROUJOU DE BOUBEE ; Cass.crim., 19 octobre 2004, RDI 2005
p.125, Droit pénal 2005 n°8.

265
de peine807. Plusieurs arguments jouent en faveur de cette qualification. Les mesures de
restitution sont rattachées à une faute pénale, elles sont consécutives à une infraction et sont
prononcées par une juridiction répressive saisie de l’action publique. Pour reprendre les
caractères généraux de la peine, les mesures de restitution ont un caractère afflictif et infamant
car elles occasionnent une atteinte importante au droit de propriété, notamment la mesure de
démolition dont l’ampleur est certainement ressentie comme une punition par celui qui la subit.
Enfin, même si ces mesures ne respectent pas le principe de personnalité des peines, leur régime
prévoit qu’en cas de changement de constructeur, de bénéficiaire ou d’utilisateur, c’est le
constructeur initial qui demeure responsable 808. Nous adhérons à cette analyse de la nature des
mesures de restitution, même si, à observer l’exécution de ces mesures, certains obstacles
viennent contredire cette position. La prise en compte de l’intérêt général et d’intérêts individuels
fondamentaux comme le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention
européenne des droits de l’homme, empêche dans certaines situations l’exécution des mesures de
restitution prononcées par jugement 809, ce qui n’aurait pas pu être le cas si la nature de peine de
ces mesures avait été consacrée. Les mesures de restitution n’en restent pas moins les mesures
privilégiées en droit de l’urbanisme pour leur efficacité incontestable et sont en pratiques
utilisées au titre de sanctions principales 810.

377. L’apport de la réflexion sur les mesures de restitution. Transposer le débat de la


qualification des mesures de restitution à la question plus générale de la nature des mesures
réparatrices en droit pénal se révèle très intéressant. La jurisprudence dominante a choisi une
voie modérée en qualifiant les mesures de restitution de mesures à caractère réel, ce qui a permis
de les préserver parmi les prérogatives du juge pénal, sans en faire des mesures civiles. Cette
vision était compréhensible vu l’état du droit au 20 e siècle. Les évolutions législatives de notre
siècle permettent d’envisager une conception plus moderne de la peine qui intégrerait une

807
Cass.crim., 6 novembre 2012, n°12-89.449, Bull.crim. n°239 ; JCP 2013.144 ; RTDI 1/2013 ; Semaine juridique,
Edition Générale n°43, 21 octobre 2013, p.1946.
808
Ce qui en pratique n’est pas à l’abri de critiques: Gabriel ROUJOU DE BOUBEE, « Le risque pénal en droit de
l'urbanisme », RDI, 2001, p.421.
809
Cass.crim., 28 juin 2017, n°16-86.261, RDI 2017 p. 409 ; Cass.crim., 15 janvier 2013, n°12-80.552, RDI 2013
p.270 ; Cass.crim., 31 janvier 2017, n°16-82.945, AJDA 2017 .258, D.2017 .352, RDI 2017 p.195.
810
Hugues PERINET-MARQUET, « L'inefficacité des sanctions du droit de l'urbanisme », Recueil Dalloz, 1991,
p.37. Camille DE JACOBET DE NOMBEL, « Le droit de l'urbanisme à l'épreuve des principes du droit
criminel», Droit pénal, septembre 2017, n° 9, dossier 7.

266
pluralité de mesures. Les magistrats pourraient d’une part se fonder sur l’article 131-10 du Code
pénal pour qualifier les mesures de restitution de peines complémentaires qui, d’après le texte,
peuvent emporter une obligation de faire811. Ils pourraient aussi s’inspirer des évolutions du droit
pénal qui connaît aujourd’hui des peines de substitution à l’emprisonnement ou l’amende ; des
mesures alternatives qui ont pour objectif, entre autre, de « mettre fin au trouble résultant de
l’infraction »812 ; et une peine de sanction-réparation qui est la preuve que le législateur accepte
que la répression de l’infraction consiste dans la réparation du dommage causé.

Ainsi, que les mesures de restitution soient qualifiées de peines ou de mesures à caractère réel ne
gêne en rien leur autonomie. Elles constituent des mesures réparatrices intégrées à la justice
pénale, avec un régime qui leur est propre.

378. En conclusion, l’autonomie de la réparation en droit pénal spécial semble bien


installée sans avoir été critiquée ou accusée d’aller à l’encontre des principes du droit pénal.
Cette autonomie en droit pénal général est plus difficile à assumer et dépend des caractéristiques
du système pénal en question. Le système accusatoire anglais et la conception de la peine qui y
est adoptée permettent l’autonomie de la réparation. Le système inquisitoire français et la
conception de la peine en droit pénal français ne facilitent pas cette autonomie de la réparation.
Pourtant, à observer le droit pénal de plus près, il semblerait que l’autonomie de la réparation soit
pratiquement en voie d’être acquise. La validation conceptuelle puis législative de cette
autonomie sera plus longue à acquérir.

811
Jacques LEROY, « De l'assimilation des mesures de restitution à des sanctions pénales », La semaine juridique,
Edition Générale, 21 octobre 2013, n° 43, p.1946.
812
Art. 41-1 C. pr. pén.

267
Conclusion du chapitre 1

379. Les mesures de réparation qui existent dans le droit pénal des mineurs et dans le
droit pénal des majeurs définissent les contours d’une nouvelle définition juridique de la
réparation. La réparation acquiert une définition autonome en droit pénal, au regard de ses
spécificités par rapport à la réparation au sens civil du terme 813. Dans la notion de réparation
pénale, on élargit le champ de vision au-delà de la notion d’indemnisation pour inclure la
dynamique de l’acte réparateur entre le délinquant et la victime, l’engagement du délinquant
dans l’accomplissement de la réparation en tant qu’acte réhabilitateur, la prise en compte des
besoins et intérêts de la victime dans la détermination de la nature de la réparation et surtout
l’inclusion de la réparation dans une démarche de prise en charge globale du délinquant. La
notion de réparation pénale est aussi reliée à des dommages et préjudices spécifiques, comme le
préjudice environnemental. Cela nous mène à réfléchir à la question de l’objet de la réparation
pénale que nous développerons dans le second titre de cette partie.

380. Refuser d’accorder une fonction réparatrice au droit pénal, c’est se fonder sur la
conception civiliste de la réparation. Mais envisager la réparation pénale comme une notion
distincte permettrait de renforcer une conception plus moderne du droit pénal. Nous
complèterons les éléments d’une définition autonome de la réparation par l’analyse de la notion
de réparation en droit international.

813
A ce titre, la thèse de M. Paillard était avant-gardiste sur le sujet car elle est paru notamment avant l’adoption de
la loi du 5 mars 2007 portant création de la sanction-réparation. Les évolutions législatives qui ont suivi nous
permettent de défier son opinion sur la question. Bertrand PAILLARD, La fonction réparatrice de la répression
pénale, L.G.D.J, 2007, [Université Panthéon-Assas].

268
Chapitre 2 : L’internationalisation de la réparation

381. Il est apparu nécessaire, afin de cerner au mieux le développement de la notion de


réparation comme composante de la justice pénale, de sortir un moment de notre approche
comparée et d’analyser la définition et la mise en œuvre de la réparation au niveau international.
Il est intéressant de voir si la réparation est une réelle composante de la justice pénale
internationale. En effet, la notion de réparation prend une toute autre dimension en droit
international du fait des violations et des dommages visés. La typologie des droits reconnus
internationalement et la typologie des crimes internationaux est telle que la réparation de ces
violations ne peut être que particulière.

382. La matière pénale est développée en droit international par les instances
internationales qui consacrent dans leurs instruments une place particulière à la notion de
réparation (section 1). La réparation fait aussi l’objet des préoccupations des juridictions pénales
internationales qui tentent d’assurer un droit à réparation aux victimes de crimes internationaux
(section 2).

Section 1 : Instances internationales et réparation

383. On retrouve la réparation dans le terrain d’action des instances internationales. Ces
instances, internationales ou régionales, peuvent définir une politique commune, une vision
commune à leurs États membres. On retiendra notamment la politique de l’ONU et celle du
Conseil de l’Europe. Ces deux instances s’intéressent à la justice pénale de leurs États membres
pour ce qu’elle reflète comme considérations pour les droits de l’homme. A travers leurs rapports
officiels, on remarque que le principe de réparation fait partie du modèle de justice pénale
encouragé par ces instances internationales (I). De plus, ces instances sont garantes de la
protection des droits qu’elles reconnaissent comme fondamentaux à travers l’adoption de
déclarations ou de conventions. La réparation apparaît alors comme une réponse appropriée à la
violation des droits reconnus internationalement (II).

269
I. La réparation, objet de la justice pénale voulue internationalement

384. Les instances visées dans ce chapitre seront l’ONU au niveau international et le Conseil
de l’Europe au niveau régional814. Dans ces deux cas, ces organisations définissent leur politique
et leurs valeurs communes au travers d’instruments à objectifs et portée variables. Il s’agira en
premier lieu d’étudier la présence de la réparation au sein des instruments internationaux qui
définissent le modèle de justice pénale défini par les instances concernées (A). Nous verrons en
second lieu comment s’est opérée l’adaptation des législations nationales au contenu de ces
instruments (B).

A. La réparation dans les instruments internationaux

385. La notion de réparation est présente au sein de différents instruments internationaux


que nous différencierons par l’organe qui les adopte. Les instruments à thèmes généraux et
spéciaux de l’ONU visent à promouvoir l’intégration d’une justice réparatrice au sein des
systèmes judiciaires des pays membres (1). L’Union Européenne détaille dans ses
recommandations les arguments pour l’adoption de mesures réparatrices au sein de la justice
pénale (2).

1. Les instruments issus de l’ONU

386. La réparation dans les textes généraux. Les textes généraux des Nations-Unies
ouvrent la voie à l’établissement d’un droit à réparation. La Déclaration universelle des droits de
l’homme, adoptée le 10 décembre 1948, proclame dans son article 8 le droit à un recours effectif
devant les juridictions nationales compétentes à toute personne contre les actes violant les droits
fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi815. On retrouve ce même

814
Nous nous limiterons à ces organisations car la France, le Liban et l’Angleterre sont membres de l’une ou des
deux.
815
Emmanuel DECAUX, « Les droits fondamentaux en droit international », AJDA, 1998, p.66.

270
droit de recours à l’article 2 et l’article 14 du pacte international relatif aux droits civils et
politiques816. Le droit à un recours effectif et le droit à réparation sont souvent associés car ils
relèvent tout deux de la place accordée aux victimes par la justice.

387. La réparation dans les textes spéciaux. L’ONU a à plusieurs reprises manifesté son
intérêt pour l’élaboration d’une justice réparatrice. Nous insisterons principalement sur ces
différents textes :

 La Déclaration de Kadoma sur le travail d’intérêt collectif et les recommandations faites


à l’issue du séminaire intitulé « Justice pénale : les défis de la surpopulation carcérale »
tenu du 3 au 7 février 1997.

 La Déclaration de Vienne sur la criminalité et la justice : relever les défis du XXI e siècle
(2000) qui encourage « l’élaboration de mesures, de procédures et de programmes de
justice réparatrice qui respectent les droits, les besoins et les intérêts des victimes, des
délinquants, des collectivités et de toutes les autres parties »817. La Déclaration mentionne
aussi « la promesse qu’offrent les conceptions réparatrices de la justice visant à réduire la
criminalité et promouvoir la guérison des victimes, des délinquants, des communautés »
et encourage l’adoption de mécanismes de médiation et de justice réparatrice.

 La Résolution du Conseil économique et social de l’ONU (2002) qui incite les États
membres à s’inspirer des Principes fondamentaux relatifs au recours à des programmes
de justice réparatrice en matière pénale (ci-après les Principes fondamentaux) 818.

 Le 11e Congrès des Nations-Unies pour la prévention du crime et le traitement des


délinquants (2005) a poussé les États Membres à affiner encore plus leurs politiques de
justice réparatrice.

816
Organisation des Nations-Unies, New York, 16 décembre 1966 : « garantir que toute personne dont les droits et
libertés reconnus dans le présent Pacte auront été violés disposera d’un recours utile... » (art.2), « toute personne a
droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et
impartial... » (art.14).
817
Dixième Congrès des Nations-Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, Vienne 10-17
avril 2000, A/CONF.187/4/Rev.3, disponible sur www.unodc.org.
818
Disponibles en ligne: www.unodc.org.

271
 Les Règles minima des Nations-Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de
liberté (appelées les Règles de Tokyo) qui encouragent à recourir à des substituts à
l’emprisonnement à tout stade de la procédure, tels que, entre autres, les mesures de
probation ou le travail d’intérêt général.

388. Nous nous attarderons surtout sur l’approche des Principes fondamentaux qui
consacrent la définition donnée par l’ONU à la justice réparatrice. En reprenant les différents
éléments du Préambule, nous pouvons définir la justice réparatrice comme une justice qui
s’inspire des formes de justice traditionnelle et autochtone et qui constitue « face à la
criminalité, une réponse dynamique qui respecte la dignité de chacun et l’égalité entre tous,
favorise la compréhension et contribue à l’harmonie sociale en veillant à la guérison des
victimes, des délinquants et des communautés ». Elle permet « à ceux qui subissent les
conséquences d’une infraction de faire part ouvertement de leurs sentiments et de leur expérience
et vise à répondre à leurs besoins ». De plus, elle « offre la possibilité aux victimes d’obtenir
réparation, de se sentir davantage en sécurité et de trouver l’apaisement, permet aux délinquants
de prendre conscience des causes et des effets de leur comportement et d’assumer leur
responsabilité de manière constructive et aide les communautés à comprendre les causes
profondes de la criminalité »819. Le Préambule précise aussi que les mesures de justice
réparatrice s’adaptent avec souplesse et complètent les systèmes de justice pénale existants.

389. Il a fallu reprendre la quasi-intégralité du Préambule pour rendre compte de l’approche


humaniste, voire spirituelle, de la définition de justice réparatrice, notamment par l’utilisation de
termes comme « dignité », « l’harmonie », « la guérison », « les sentiments » et « l’apaisement ».
On retrouve aussi les objectifs d’éducation, de réhabilitation et de prévention de la récidive
assignés à la justice réparatrice. Même si les Principes fondamentaux se limitent dans la
description des processus de réparation au sens strict des processus de justice réparatrice, plus
connus sous le terme anglais de restorative justice, les mesures de réparation mentionnées820

819
Disponibles en ligne: www.unodc.org.
820
Comme la réparation, la restitution, le travail d’intérêt général.

272
englobent une vision plus large de la justice réparatrice qui devrait inspirer les États à adopter
une vision moderne du droit pénal qui ne refoulerait plus son aspect réparateur.

2. Les instruments issus du Conseil de l’Europe

390. Des instruments pour la promotion des mesures de réparation. Le Conseil de


l’Europe a, depuis la moitié du 20 e siècle, pris le parti de promouvoir les mesures de réparation,
qu’elles soient des mesures de substitution à l’emprisonnement, des mesures de probation ou des
mesures de justice réparatrice. Nous avons choisi de citer les résolutions suivantes qui révèlent
une certaine progression, au fil des années. Un passage de la promotion de mesures substitutives
à l’emprisonnement à la promotion plus globale d’un système de justice réparatrice :

 La résolution (65) 1 adoptée par les Délégués des Ministres du Conseil de l’Europe le 22
janvier 1965 sur le sursis, la probation et les autres mesures de substitution aux peines
privatives de liberté821. Elle soulève les inconvénients de l’incarcération et l’intérêt que
revêt la probation pour les délinquants n’ayant pas commis d’infractions graves.

 La résolution (76)10 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur certaines


mesures pénales de substitution aux peines privatives de liberté 822. Cette résolution vise
le développement de mesures alternatives autre que la probation et la promotion de ces
mesures dans la société comme ne portant pas atteinte à la sécurité publique.

 Recommandation (99)19 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur la


médiation en matière pénale 823. L’objectif de la médiation pénale serait, selon la
recommandation, de « contribuer à ce que la justice pénale ait des résultats plus
constructifs et moins répressifs ». Émergent en outre les références au sens des
responsabilités du délinquant, à la participation active de la victime et à l’implication de
la communauté.

821
En ligne: www.coe.int.
822
Adoptée par le Conseil des Ministres le 9 mars 1976 lors de la 255e réunion des Délégués des Ministres. En ligne:
www.coe.int.
823
Adoptée par le Conseil des Ministres le 15 septembre 1999.

273
 La recommandation (2008)11 sur les règles européennes pour les délinquants mineurs
faisant l’objet de sanctions ou de mesures qui encourage le recours à la médiation et aux
autres mesures réparatrices à toutes les étapes des procédures impliquant des mineurs 824.

 La résolution de la 26e conférence des ministres européens de la justice (2005) relative à


la mission sociale du système de justice pénale – justice réparatrice. L’intitulé de la
résolution suffit à rendre compte de la globalité de ses objectifs qui se résument par
l’établissement de sanctions et mesures appliquées dans la communauté ainsi que des
mesures de justice réparatrice, les besoins des victimes et la réinsertion des auteurs
d’infraction825.

 La recommandation (2010)1 sur les règles du Conseil de l’Europe relatives à la probation


qui précise que le but de la probation est de contribuer à « l’équité de la justice pénale »
ainsi qu’à la sécurité publique par la prévention de la récidive 826.

 La résolution 1938 (2013) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur la


promotion d’alternatives à l’emprisonnement 827.

La promotion des mesures réparatrices au travers des recommandations du Comité des Ministres
du Conseil de l’Europe est d’abord motivée par leurs aspects positifs par rapport à la peine
d’emprisonnement mais ensuite par leur apport à la justice pénale en général.

391. Des instruments en faveur de l’autonomie des mesures de réparation. De la


promotion de l’instauration de mesures réparatrices à la promotion de leur autonomie, il y a un
grand pas, que le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a franchi dans la recommandation
(2000)22 concernant l’amélioration de la mise en œuvre des règles européennes sur les sanctions
et mesures appliquées dans la communauté828. Cette recommandation fait suite à une enquête
menée par le Comité européen pour les problèmes criminels concernant la mise en œuvre des

824
Adoptée par le Conseil des Ministres le 5 novembre 2008.
825
Conseil de l’Europe, 26e Conférence des ministres européens de la justice (Helsinki, 7-8 avril 2005) – Résolution
n°2 relative à la mission sociale du système de justice pénale – Justice réparatrice, Journal du droit des jeunes
2014/4, n°334, p.16. En ligne : www.cairn.info.
826
Adoptée par le Comité des Ministres le 20 janvier 2010.
827
Résolution adoptée le 31 mai 2013.
828
Ces règles ont été adoptées par la recommandation n° R(92) 16 en date du 16 octobre 1992. La recommandation
(2000)22 a été adoptée le 29 novembre 2000.

274
règles européennes et prend en compte les « possibilités nouvelles » et « les développements
importants » en matière de sanctions et mesures appliquées dans la communauté. Suite à ces
développements, le Comité des Ministres demande au législateur d’envisager pour certaines
infractions « d’indiquer une peine ou une mesure privative de liberté au lieu de
l’emprisonnement comme sanction de référence »829. Le législateur est aussi encouragé à établir
« des principes de base pour le prononcé des peines [...] afin de réduire le recours à
l’emprisonnement et de recourir davantage aux sanctions et mesures appliquées dans la
communauté et de pourvoir à l’indemnisation des victimes ». La prise de position en faveur de
l’autonomie des mesures réparatrices est claire au niveau européen, son application au niveau
national est moins certaine. La recommandation Rec (2017)3 relative aux règles européennes sur
les sanctions et mesures appliquées dans la communauté830 vient désormais remplacer la
recommandation de 2000.

B. L’adaptation des législations nationales aux instruments internationaux

392. La question de l’intégration des recommandations au sein des législations nationales


dépend, sur un plan théorique, de la valeur juridique des instruments de l’ONU et du Conseil de
l’Europe. Sur un plan pratique, elle dépend des moyens mis à la disposition des États membres
afin de les soutenir dans l’adaptation de leurs législations (1). De plus, il est important d’évaluer
l’adaptation des législations nationales aux instruments internationaux (2).

1. Les moyens de l’adaptation des législations nationales

393. L’intégration, dépendante de la force contraignante des instruments


internationaux. La multiplicité des instruments internationaux relatifs aux mesures alternatives
à l’emprisonnement et à la justice réparatrice est inversement proportionnelle à leur force
contraignante. En effet, les déclarations et résolutions de l’ONU ont plus une valeur politique

829
Pierrette PONCELA et Robert ROTH, « Quelles sanctions pour quelle Europe? », Archives de politique
criminelle, 2005/1, 27, p.105.
830
Adoptée par le Comité des Ministres le 22 mars 2017.

275
qu’une valeur juridique. Les États expriment leur accord sur le principe et le contenu des
déclarations lors du vote et se lient donc eux-mêmes par leur adoption des déclarations ou
résolutions831. La situation est identique en ce qui concerne les recommandations du Comité des
Ministres du Conseil de l’Europe832. Les recommandations, de par leur définition, n’ont pas de
force obligatoire. Ces recommandations, de la catégorie d’instruments qui est qualifiée de « soft
law », sont des instruments qui reflètent un consensus politique des États membres du Conseil de
l’Europe. Elles visent à élaborer un certain standard européen dans les matières qui en sont
l’objet833. Les recommandations du Conseil de l’Europe ont pour but d’influencer les législations
nationales et sont rédigées de manière à pouvoir être mises en place directement par les États qui
le souhaitent. Même si elles sont dépourvues de toute force contraignante, les États signataires
s’engagent, par leur adhésion, à une sorte d’obligation sociale 834, les recommandations étant
l’instrument qui exprime leur collaboration avec le Conseil de l’Europe.

Une particularité existe pour les recommandations du Comité des Ministres du Conseil de
l’Europe. En effet, le Statut du Conseil de l’Europe accorde au Comité des Ministres le droit
d’inviter les gouvernements à lui faire connaître la suite donnée aux recommandations 835. Cette
possibilité ouverte de manière générale par le Statut est déclinée de façon particulière dans
certaines anciennes recommandations qui contiennent parfois des dispositions concernant le suivi
de la mise en œuvre des recommandations par les États membres. Cette pratique est moins
courante aujourd’hui même si elle s’avèrerait pratique pour le développement pratique du suivi
prévu à l’article 15(b) du Statut du Conseil836. Comme l’intégration des recommandations

831
Emmanuel DECAUX et Olivier DE FROUVILLE, Droit international public, 10e éd., Dalloz, 2016, p.62 et s.
Michel VIRALLY, « La valeur juridique des recommandations des organisations internationales », Annuaire
français de droit international, 1956, n° 2, p.66.
832
Nous devons préciser que parmi la liste des instruments du Conseil de l’Europe mentionnés et les résolutions de
1965 et 1976 ont la valeur de recommandation. Les recommandations antérieures à 1979 ont été publiées sous le
titre de résolutions.
833
Pierrette PONCELA et Robert ROTH, « Quelles sanctions pour quelle Europe? », Archives de politique
criminelle, 2005/1, 27, p.105. Voir aussi : Pierrette (dir.) PONCELA, Roth ROBERT et Sara LIWERANT, La
fabrique du droit au Conseil de l'Europe: promotion et mise en oeuvre des sanctions pénales alternatives, Mission
de recherche Droit et Justice, septembre 2004, La documentation Française, en ligne : www.gip-recherche-justice.fr,
rapport dans lequel les auteurs qualifient les recommandations de texte juridique « tendant davantage à la circulation
des idées qu’aux changements directs dans les législations ».
834
Alexandre Charles KISS, « Le Conseil de l'Europe et les suites données par les Etats membres aux textes adoptés
par ses organes », Annuaire français de droit international, 1967, n° 13, p.547.
835
Article 15(b) du Statut du Conseil de l’Europe.
836
Alexandre Charles KISS, « Le Conseil de l'Europe et les suites données par les Etats membres aux textes adoptés
par ses organes », Annuaire français de droit international, 1967, n° 13, p.547.

276
internationales ne peut dépendre de leur valeur contraignante, elle est encouragée par d’autres
moyens mis en œuvre par les organisations internationales.

394. Une expertise au service de l’intégration. La volonté exprimée par les États lors de
leur adhésion à certaines recommandations ou déclarations est parfois insuffisante au regard des
moyens qu’ils possèdent pour l’application de ces recommandations. Afin d’accompagner les
États dans la mise en œuvre des instruments qu’elles édictent, les organisations internationales
ont mis en place plusieurs stratagèmes. Le premier consiste en une assistance technique, un
partage d’expertise de la part des organisations internationales. L’ONU montre l’exemple en la
matière avec la publication de divers manuels sur la justice pénale censés servir d’outils
pratiques pour aider les pays à réformer leur système de justice pénale 837. Le manuel sur les
programmes de justice réparatrice comprend, outre une présentation des différentes mesures
possibles, des conseils allant de la mise en place d’une stratégie et la conception d’un programme
de justice réparatrice à son fonctionnement et son évaluation.

Le deuxième stratagème repose sur une collaboration entre les États et l’organisation
internationale pour un soutien et un échange d’expertise. L’ONU propose aux États membres qui
le souhaitent des services d’experts et des programmes de collaboration technique qui visent à
incorporer les droits et principes prévus dans les déclarations et résolutions de l’organisation.
Plus spécifiquement, l’ONU les accompagne dans l’élaboration de réformes législatives, la mise
en place de programmes et de procédures, la sensibilisation et la formation dans les domaines de
la justice réparatrice et des alternatives à l’emprisonnement838. Les recommandations du Conseil
de l’Europe sont en elles-mêmes des instruments de coopération entre les États en matière de
droit pénal. C’est par la collaboration, l’échange d’expériences et d’expertise que les États se
mettent d’accord sur les principes de base d’une recommandation. Le Conseil de l’Europe peut

837
Manuel sur les programmes de justice réparatrice, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2008,
en ligne : <www.unodc.org>. Manuel des principes fondamentaux et pratiques prometteuses sur les alternatives à
l'emprisonnement, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2008, en ligne : <www.unodc.org>.
838
Office Des Nations Unies contre la drogue et le crime, « Crime prevention and criminal justice reform - Thematic
program 2012-2015 », p.10, en ligne : <www.unodc.org>.

277
aussi fournir son appui par la voie de programmes de coopération technique dans certains
domaines particuliers839.

2. L’évaluation de l’adaptation des législations nationales

395. Une évaluation au niveau européen. Une évaluation pratique des législations
nationales est effectuée par le Conseil de l’Europe à travers des études statistiques comparatives.
Les Statistiques pénales annuelles du Conseil de l’Europe (connues sous l’acronyme SPACE)
compilent des données rassemblées auprès des États membres afin de pouvoir établir des
comparaisons statistiques sur deux grands thèmes : la population carcérale (rapport SPACE I) et
les sanctions et mesures non privatives de liberté (rapport SPACE II)840. Le dernier rapport
SPACE II date de 2016 et prend en compte les données de l’année 2015. La publication de ces
rapports permet au Conseil de l’Europe d’évaluer la situation des États membres au regard de ses
thèmes d’action prioritaires en matière pénale : la réduction de la surpopulation carcérale et le
développement des mesures alternatives à l’emprisonnement. Le Conseil de l’Europe pourra
ainsi adapter ses recommandations en fonction de la réalité du terrain des États membres.
Chaque État membre peut aussi comparer ses statistiques à celles des autres États et en tirer les
conclusions qui s’imposent 841. Selon Marcelo F. AEBI842, le nombre de personnes concernées
par les mesures de probation, qu’il qualifie « d’incroyable », permet de penser que ces mesures
seraient plutôt utilisées comme supplément et non comme alternative à la peine 843. Elles sont
prononcées à l’encontre d’individus qui auraient soit reçus une peine d’emprisonnement soit
auraient vu leur dossier classés. Le risque selon M. AEBI est d’élargir la toile du champ de la
justice pénale en accroissant le nombre de personnes placées sous une forme de contrôle.
Cependant, l’utilisation des mesures alternatives ou de probation ne rend pas les États moins

839
Comme exemples de programmes de coopération technique: les programmes « Octopus » sur la cybercriminalité
et PACO sur la lutte contre la corruption.
840
Les rapports SPACE sont disponibles en ligne sur: www.coe.int.
841
Observatoire international des prisons, « Statistiques pénales du Conseil de l'Europe: la France dans le bas du
tableau », en ligne : <www.oip.org>.
842
Professeur à l’université de Lausanne ayant travaillé sur les derniers rapports SPACE. Propos recueillis dans une
interview vidéo disponible en ligne sur le site du Conseil de l’Europe : www.coe.int, rubrique : « Prisons and
community sanctions and measures ».
843
M. AEBI mentionne 1.600.000 personnes concernées par une forme de probation ou d’alternative à travers
l’Europe.

278
punitifs et M. AEBI relève que l’Angleterre a un taux d’emprisonnement assez élevé, le pays
étant le premier pays européen à apparaître dans les statistiques du taux d’emprisonnement après
les pays de l’ex-URSS.

396. Une évaluation au niveau international. L’ONU ne publie pas de rapports


comparatifs à l’instar du Conseil de l’Europe. On retrouve très rarement des éléments
d’évaluation au sein de quelques résolutions, comme par exemple cette appréciation des efforts
fournis par le Royaume-Uni : « l’Assemblée observe avec satisfaction que le Royaume-Uni a
réussi à introduire et à promouvoir, au cours de ces dernières années, de nouvelles formes de
peines non privatives de liberté, qui représentent autant d’alternatives à l’emprisonnement, tout
en préservant les besoins légitimes de la société en matière de sécurité »844. Ces remarques ont
sans doute une visée plus politique qu’évaluative. A défaut de pouvoir faire une évaluation
exhaustive de l’adaptation des législations nationales aux différents instruments issus de l’ONU
en matière de justice réparatrice et d’alternatives à l’emprisonnement, nous nous contenterons de
la conformité aux grands principes.

En ce qui concerne la volonté de reléguer au second rang la peine d’emprisonnement en matière


délictuelle, la France a aligné sa législation en ce sens. La France et l’Angleterre se sont
engagées, comme la Déclaration de Vienne sur la criminalité et la justice le recommande, à
réduire la surpopulation carcérale en ayant recours aux substituts à l’emprisonnement 845. Pour
toutes les déclarations et recommandations en faveur des programmes de justice réparatrice, on
ne peut nier l’intégration de la notion au sein des législations françaises et anglaises mais ces
dernières y font encore simplement référence, sans vraiment institutionnaliser de mesures
spécifiques.

844
Résolution 1938 (2013) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, art.5. En ligne:
www.assembly.coe.int.
845
Déclaration de Vienne sur la criminalité et la justice : relever les défis du XXIe siècle, avril 2000, en ligne sur :
unodc.org.

279
II. La réparation, réponse à la violation des droits reconnus internationalement

397. L’ONU et le Conseil de l’Europe ont tous les deux été bâtis autour de la défense des
droits de l’homme. L’action du Conseil de l’Europe en la matière est fondée sur la Convention
européenne des droits de l’homme et celle de l’ONU sur la Charte internationale des droits de
l’homme composée de la Déclaration universelle des droits de l’homme, du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels. Nous étudierons dans un premier volet comment s’opère la réparation des
droits reconnus internationalement (A) et dans un second volet comment est mise en œuvre cette
réparation (B).

A. La détermination de la réparation des droits reconnus internationalement

398. Dans la continuité des instruments étudiés ci-dessus, nous concentrerons nos
recherches dans la direction de l’ONU et de l’Europe afin de déterminer sur quelles bases
existent la réparation de la violation des droits de l’homme (1) et la réparation des conséquences
des crimes contre l’humanité (2).

1. La réparation de la violation des droits de l’homme

399. Une réparation intégrale en plusieurs volets. Sur le plan international, un


instrument majeur vient définit le principe de la réparation de la violation des droits de l’homme,
il s’agit des « Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à
réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de
violations graves du droit international humanitaire » adoptés par l’Assemblée Générale des
Nations Unies le 16 décembre 2005, ci-après « Principes et directives »846. Nous ne reviendrons

846
A/RES/60/147. Résolution consultable en ligne : www.ohchr.org.

280
pas sur les développements historiques qui ont abouti à l’adoption de ces principes847, ni sur la
question de la délimitation de leur champ d’application848. Les Principes et directives définissent
la responsabilité de l’État ou d’acteurs non étatiques envers des victimes de violations du droit
international des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Leur apport principal
du point de vue notre thèse est la définition apportée la réparation. En effet, les Principes et
directives consacrent un droit à réparation qui se développe en une vaste gamme de moyens
permettant d’indemniser les victimes, matériellement et symboliquement. Il est d’abord précisé
que « le but d’une réparation adéquate, efficace et rapide est de promouvoir la justice en
remédiant aux violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et aux violations
graves du droit international humanitaire. La réparation doit être à la mesure de la gravité de la
violation et du préjudice subi ». La réparation est donc la réponse apportée aux violations de
droits internationaux ; elle doit être proportionnelle et intégrale. Les Principes et directives
comprennent différents moyens permettant d’assurer la réparation 849 :

« La restitution devrait, dans la mesure du possible, rétablir la victime dans la situation


originale qui existait avant que toutes les violations [...] ne se soient produites. La
restitution comprend, selon qu’il convient, la restauration de la liberté, la jouissance des
droits de l’homme, de l’identité, de la vie de famille et de la citoyenneté, le retour sur le
lieu de résidence et la restitution de l’emploi et des biens.
Une indemnisation devrait être accordée pour tout dommage résultant de violations [...]
qui se prête à une évaluation économique, selon qu’il convient et de manière
proportionnée à la gravité de la violation et aux circonstances de chaque cas, tels que :
a) le préjudice physique ou psychologique ;
b) les occasions perdues, y compris en ce qui concerne l’emploi, l’éducation et les
prestations sociales ;
c) les dommages matériels et la perte de revenus, y compris la perte du potentiel de
gains ;

847
L’historique est largement détaillé par : Pierre D'ARGENT, « Le droit de la responsabilité internationale
complété? Examen des Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des
victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l'homme et de violations graves du droit
international humanitaire », Annuaire français de droit international, 2005, n° 51, p.27. Théo VAN BOVEN,
«Principes fondamentaux et directives des Nations-Unies concernant le droit à un recours et à réparation des
victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l'homme et de violations graves du droit
international humanitaire », United Nations Audiovisual Library of International Law, en ligne :
<www.un.org/law>.
848
Finalement, les adjectifs « flagrantes » et « graves » ne limitent pas l’application de ces Principes et directives qui
s’appliquent à toutes les violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire.
A ce propos : Pierre D’ARGENT, op.cit.
849
Principes 19 à 23 des Principes et directives.

281
d) le dommage moral ;
e) les frais encourus pour l’assistance en justice ou les expertises, pour les médicaments
et les services médicaux et pour les services psychologiques et sociaux.
La réadaptation devrait comporter une prise en charge médicale et psychologique ainsi
que l’accès à des services juridiques et sociaux.
La satisfaction devrait comporter, le cas échéant, tout ou partie des mesures suivantes :
a) mesures efficaces visant à faire cesser des violations persistantes ;
b) vérification des faits et divulgation complète et publique de la vérité [...] ;
c) recherche des personnes disparues [...] ;
d) déclaration officielle ou décision de justice rétablissant la victime et les personnes
qui ont un lien étroit avec elle dans leur dignité, leur réputation et leurs droits ;
e) excuses publiques, notamment reconnaissance des faits et acceptation de
responsabilité ;
f) sanctions judiciaires et administratives à l’encontre des personnes responsables des
violations ;
g) commémorations et hommages aux victimes,
f) inclusion dans la formation aux droits de l’homme [...] des violations qui se sont
produites.
Les garanties de non-répétition » (incluent des mesures structurelles de nature politiques
qui contribueront à la prévention, telles que des réformes institutionnelles).

Les moyens de mise en œuvre de la réparation énoncés aux principes 19 et 23 donnent une toute
autre dimension à la notion de réparation qui englobe non seulement des droits individuels mais
aussi des droits collectifs. La force des Principes et directives, leur « génie »850, réside dans ces
droits collectifs (divulgation de la vérité, excuses publiques, déclarations officielles, etc.) qui
portent en eux un certain aspect révolutionnaire, un pouvoir de transformation des sociétés, voire
un changement de régime politique 851. Cette conception de la réparation est profondément liée à
la nature de la violation. Lorsqu’il s’agit d’atteinte aux droits de l’homme ou au droit
humanitaire, c’est toute la société qui est touchée. La réponse à la violation doit donc être
collective et elle dépasse le simple rapport entre la victime et le responsable de la violation. Cette

850
Pierre D'ARGENT, « Le droit de la responsabilité internationale complété? Examen des Principes fondamentaux
et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit
international des droits de l'homme et de violations graves du droit international humanitaire », Annuaire français de
droit international, 2005, n° 51, p.27.
851
D’ARGENT, op.cit. p.27: « le génie de ces Principes et directives […] est de saisir l’occasion de rendre justice
aux victimes pour transformer profondément les sociétés traumatisées ».

282
dimension collective qui donne sa force aux Principes et directives est aussi un des obstacles à
leur pleine application. De par la formulation au conditionnel des formes de réparation, la force
obligatoire des Principes en ressort affaiblie. La réalisation et la vérification de la réparation ne
sont donc pas garanties.

400. Une réparation sous forme de satisfaction équitable. Sur un plan régional, la
Convention européenne des droits de l’homme est l’instrument qui permet la protection des
droits de l’homme et la réparation des violations à leur encontre. L’article 41 de la Convention
dispose que « si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses protocoles, et si
le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les
conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction
équitable ». Le choix du terme de « satisfaction équitable » est anodin lorsque la simplicité du
mot réparation suffit à compléter le sens de l’article. Outre ce détail terminologique, il est
important de relever que la réparation ne peut avoir lieu selon la Convention que : (i) si les
procédures internes de l’État ne l’ont pas déjà permise et (ii) « s’il y a lieu » d’accorder une
réparation. Dans une instruction pratique édictée par le président de la Cour européenne des
droits de l’homme au sujet de la satisfaction équitable, le sens du mot équitable est développé 852.
La Cour doit prendre en compte les circonstances de la cause, les caractéristiques de l’affaire, les
situations respectives du requérant et de l’État mis en cause, afin d’accorder une satisfaction
équitable. Les formes de réparation ne sont pas aussi détaillées que celles des Principes et
directives. Les instructions précisent que pour la réparation du dommage matériel le principe est
la restitutio in integrum, donc que le requérant soit placé dans la situation dans laquelle il serait
trouvé si la violation ne s’était pas produite. La réparation du dommage moral a quant à elle une
nature pécuniaire. Les instructions accordent cependant une grande liberté au juge qui pourrait
même estimer que le simple constat de la violation de la Convention constitue une satisfaction
équitable suffisante853.

852
« Demandes de satisfaction équitable - Instructions pratiques, Règlement de la cour, 19 septembre 2016 »,
en ligne : <www.echr.coe.int>.
853
Fabien MARCHADIER, « La réparation des dommages à la lumière de la Convention européenne des droits de
l'homme », RTD civ, 2009, p.245.

283
En outre, le caractère collectif de la réparation, comme prévu dans les Principes et directives, est
lui très restreint pour la CEDH: « ce n’est que très exceptionnellement que la Cour peut
envisager d’inviter la Partie contractante défenderesse à prendre telle ou telle mesure pour mettre
fin ou remédier aux violations en question. Toutefois, la Cour a la faculté de donner des
indications quant à la manière dont il convient d’exécuter ses arrêts »854. Cette exception est plus
souvent utilisée dans la jurisprudence de la Cour, point que nous développerons dans la partie
relative à la mise en œuvre de la réparation des droits reconnus internationalement.

2. La réparation des crimes contre l’humanité

401. Un projet de convention. Malgré la multiplicité des conventions et traités visant à


réprimer les crimes internationaux, les crimes contre l’humanité sont de ceux qui ne font pas
encore partie d’un traité général, ce qui empêche les cours internationales comme la Cour pénale
internationale de pouvoir imposer aux États la prévention et la répression des crimes contre
l’humanité. Afin de combler cette lacune, la Commission du droit international de l’ONU
travaille depuis 2013 sur ce sujet et a fini par adopter, en 2017, en première lecture un projet de
convention sur les crimes contre l’humanité 855. Le projet a d’abord le mérite de définir le crime
contre l’humanité comme étant « un acte commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou
systématique lancée contre toute population civile ». La nature de ce crime « généralisé » donne
aussi à la réparation une dimension collective. Le projet de convention mentionne l’obligation
des États de prendre les mesures qui s’imposent pour que leur droit interne garantisse aux
victimes d’un crime contre l’humanité le droit d’obtenir réparation des dommages matériels et
moraux subis, à titre individuel ou collectif, consistant en une ou plusieurs des formes suivantes :
« restitution, indemnisation, satisfaction, réadaptation, cessation et garanties de non
répétition »856. Le projet de convention reprend donc les formes de réparation énoncées dans les
Principes et directives de l’ONU.

854
« Demandes de satisfaction équitable - Instructions pratiques, Règlement de la cour, 19 septembre 2016 »,
en ligne : <www.echr.coe.int>.
855
A/CN.4/L.892, Commission du droit international, soixante-neuvième session, 26 mai 2017, en ligne:
www.legal.un.org.
856
Article 12 (3) du projet de Convention.

284
402. Des réserves françaises. Le projet de convention de la Commission du droit
international a été envoyé aux États membres de l’ONU pour avis. En France, la Commission
nationale consultative des droits de l’homme a rendu son avis relatif au projet le 27 mars 2018,
suite à son assemblée plénière857. En ce qui concerne l’article du projet relatif à la réparation
accordée aux victimes, la Commission nationale recommande qu’il soit mentionné que les
victimes ont doit à une réparation « pleine, effective et rapide » et propose le renvoi explicite aux
Principes et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violation
flagrantes du droit international relatif aux droits de l’homme et au droit international
humanitaire. La Commission nationale recommande aussi l’inclusion de mesures de justice
transitionnelle qui permettraient de renforcer la prévention de tels crimes et la reconnaissance
des victimes. Nous ne pouvons que soutenir cet avis.

403. Les instruments juridiques internationaux réprimant la violation de droit reconnus


internationalement, tels que la violation des droits de l’homme ou les crimes contre l’humanité,
permettent de déterminer les contours de la réparation de telles violations. La notion de
réparation acquiert une dimension collective, globale, humaniste, symbolique, à l’image des
atteintes aux droits fondamentaux. Elle deviendrait un terme « générique » qui englobe toutes
sortes de mesures visant à remédier aux conséquences dommageables des violations du droit
international des droits de l’homme858. Afin d’assurer l’effectivité de cette réparation, différents
moyens, judiciaires ou extra-judiciaires, existent.

B. La mise en œuvre de la réparation des droits reconnus internationalement

404. L’effectivité de la réparation des dommages issus de la violation de droits


fondamentaux est capitale pour préserver la crédibilité des instruments internationaux en la

857
Commission nationale consultative des droits de l’homme, « Avis relatif au projet de convention sur les crimes
contre l'humanité », Journal officiel, 1er avril 2018, n° 77.
858
Veronica BILKOVA, « Vers un droit des victimes des conflits armés à la réparation pour les violations du droit
international humanitaire? », in L'Homme dans la société internationale, Mélanges en hommage au Professeur Paul
Tavernier, sous la dir. de J.-F. AKANDJI-KOMBE, Bruylant, 2013, p.1203.

285
matière. Les organisations internationales et régionales se sont dotées de Cours de justice pour
mettre en œuvre la réalisation des objectifs de leurs conventions respectives (1)859. Le Conseil de
l’Europe a institué en 1959 la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après CEDH) afin de
garantir le respect de la Convention européenne des droits de l’homme. L’ONU s’est doté d’un
organe judiciaire, la Cour internationale de Justice (ci-après CIJ)860. De plus, afin d’éviter qu’une
obligation de réparation prononcée par une Cour ne reste lettre morte, des fonds d’indemnisation
ont été mis en place pour assurer la satisfaction des victimes (2).

1. La protection du droit à réparation par les cours rattachées aux instances


internationales

405. L’apport de la CEDH sur l’interprétation de la notion de réparation. Comme


mentionné précédemment, la Convention européenne des droits de l’homme prévoit la réparation
des dommages issus de la violation de ses dispositions sous forme de restitution intégrale en cas
de dommage matériel et sous forme d’indemnisation pour le dommage moral861. La CEDH a
cependant interprété de manière plus large son pouvoir d’accorder réparation aux victimes des
violations de droit de l’homme. Sur un premier plan, et en ce qui concerne la forme de la
réparation accordée, la CEDH se dote d’un véritable pouvoir d’injonction862. En principe,
l’exécution des arrêts de la CEDH est surveillée par le Comité des ministres et l’État garde la
liberté de choisir les moyens qui lui permettront de se conformer à l’arrêt 863. Cependant, la
jurisprudence de la Cour révèle que les magistrats ne se limitent pas à prononcer des mesures
pécuniaires mais demandent à l’État responsable des violations de prendre, dans son ordre
juridique interne, des mesures individuelles ou générales en vue de la réparation des violations

859
Nous avons choisi de rattacher l’étude de ces cours à cette section relative aux instance internationales parce
qu’elles y sont rattachées et qu’elles ne sont pas spécialisées en droit pénal international. La section relative à
l’apport des juridictions internationales en matière de réparation se concentrera sur la Cour pénale internationale,
juridiction indépendante de droit pénal international.
860
La CIJ a été instituée en 1945 par la Charte des Nations-Unies, elle a son siège au Palais de la paix à La Haye. La
CIJ a pour mission de régler, conformément au droit international, les différends d’ordre juridique soumis par les
États.
861
« Demandes de satisfaction équitable - Instructions pratiques, Règlement de la cour, 19 septembre 2016 »,
en ligne : <www.echr.coe.int>.
862
Frédéric SUDRE, Droit européen et international des droits de l'homme, 10e éd., Puf, 2011, p.84.
863
Art. 46 de la Convention européenne des droits de l’homme.

286
constatées864. Ce qui est surprenant, ce n’est pas de demander à l’État de prendre des mesures
mais d’identifier pour lui les mesures adéquates pour la réparation 865. Il ne se dégage pas encore
de forme générale pour ces mesures et la Cour préserve le principe de la liberté de l’État dans le
choix des mesures en exprimant ses propositions au conditionnel.

Les mesures proposées par la CEDH sont individualisées selon le droit de l’homme objet de la
violation ou selon le problème identifié. Dans le cadre des atteintes au droit à la vie ou de
disparition forcée, par exemple, la CEDH demande souvent à l’État concerné de mener des
enquêtes dans le but d’identifier les auteurs de ces atteintes et de les poursuivre 866. Dans les cas
de torture et de mauvais traitement, la Cour a recours à des mesures non pécuniaires telles que la
réouverture d’enquêtes, la mise en place de programmes de formation pour prévenir la répétition
des violations, l’instauration de mesures normatives qui garantissent les droits des personnes
durant la garde à vue ou la détention, etc867. De plus, lorsque la CEDH identifie un problème
structurel qui cause la violation de la Convention, elle se permet de déterminer les mesures à
prendre pour y remédier 868. Les mesures générales et individuelles sont à plus fortes raisons
demandées par la Cour lorsque les affaires soumises sont d’une extrême gravité et nécessitent
des mesures urgentes, comme en matière de privation de liberté ou de droit à la vie 869.

Sur un second plan, c’est le sens accordé à réparation pécuniaire qui est parfois réinterprété par
la CEDH. Un arrêt très controversé a révélé la tendance de la CEDH à accorder une satisfaction
équitable qui s’apparente plus à des dommages et intérêts punitifs 870. Dans l’affaire Trevalec c.
Belgique, la Cour a accordé au requérant la somme de 50.000 euros pour dommage moral alors
que ce même requérant avait déjà perçu la somme de 170.182 euros de la Commission française
d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI). La réparation intégrale ayant déjà été accordée
par la CIVI, la somme supplémentaire demandée à la Belgique par la Cour ne fera qu’enrichir le
requérant, et de surcroit parce que la Cour exclue le recours de la CIVI en remboursement des

864
Mamadou Falilou DIOP, Essai de construction de poursuites des auteurs de crimes internationaux à travers les
mécanismes nationaux et régionaux, Institut Universitaire Varenne, Collection des thèses, 2014, p.374 et s.
865
Jean-François RENUCCI, « Droit européen des droits de l'homme », Recueil Dalloz, 2011, p.193.
866
CEDH, arrêt Abuyeva et autres c. Russie, 2 décembre 2010, arrêt Tahsin Acar c. Turquie, 6 mai 2003.
867
CEDH, arrêt Alver c. Estonie, 8 novembre 2005; arrêt Velikova et 7 autres affaires c. Bulgarie, pris entre 2000 et
2006; arrêt Al Saadoun et Mufdhi c. Royaume-Uni, 2 mars 2010, arrêt Gagfen c. Allemagne, 1er juin 2010.
868
Comme par exemple lorsque la Cour juge le moyen de détermination des indemnités d’expropriation inadapté car
ne prenant pas en compte la dépréciation du bien : arrêt Yetis et autres c. Turquie, 6 juillet 2010.
869
Jean-François RENUCCI, « Droit européen des droits de l'homme », Recueil Dalloz, 2011, p.193.
870
CEDH, affaire Trevalec c. Belgique, requête n°30812/07, 25 juin 2013.

287
sommes perçues. Elle a donc la forme de dommages et intérêts punitifs, ce que les avis des
magistrats de la Cour confirment, malgré la contradiction avec les instructions pratiques en
matière de satisfaction équitable871. La CEDH a voulu sanctionner l’État belge et ne souhaitait
pas que la charge de la réparation soit supportée par un organisme indépendant étranger, la CIVI.
Cet arrêt n’en demeure pas moins critiquable sur plusieurs plans, notamment parce que la notion
de satisfaction équitable a été détruite pour des objectifs punitifs qui ne font pas partie de la
mission de la Cour872. La notion de réparation ne se trouve qu’affaiblie par ce manque de
cohérence. Heureusement que cet arrêt n’a pas encore été imité.

406. L’apport de la CIJ, précurseur du principe de la réparation de crimes


internationaux. L’obligation de réparation des violations du droit international avait déjà été
consacrée par la jurisprudence internationale de la Cour internationale de Justice, bien avant
l’adoption des Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à
réparation des victimes des violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et
de violations graves du droit international humanitaire. Par un arrêt du 13 septembre 1928, la
Cour Permanente de Justice Internationale (CPJI), ancêtre de la CIJ, déclare que « c’est un
principe de droit international que la violation d’un engagement entraine l’obligation de réparer
dans une forme adéquate. La réparation est donc le complément indispensable d’un manquement
à l’application d’une convention, sans qu’il soit nécessaire que cela soit inscrit dans la
convention même. [...] La réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conséquences de
l’acte illicite et rétablir l’état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n’avait pas été
commis »873. L’arrêt pose ainsi, en même temps, le principe de la réparation par restitution874. En
outre, suite à l’adoption des Principes et directives, la CIJ continue à interpréter le droit à
réparation en instituant un ordre parmi les moyens de réparations. Dans son arrêt Usine de pâte à
papier sur le fleuve Uruguay, la Cour rappelle que « dans les cas où la restitution est

871
CEDH, Arrêt Trevalec c. Belgique, Opinion concordante du juge Pinto de Albuquerque : « A mon avis, ces lignes
ne cadrent plus avec l’évolution de la pratique de la Cour. [...] L’octroi de dommages-intérêts punitifs ou
exemplaires est un fait dans la pratique de la Cour. » Opinion dissidente commune aux juges Jociene et Raimondi.
872
Pierre-Yves GAUTIER, « La Cour européenne des droits de l'homme poursuit la révolution normative », Recueil
Dalloz, 2013, p.2106. Olivia SABARD, « Le principe de réparation intégrale menacé par la satisfaction
équitable», Recueil Dalloz, 2013, p.2139.
873
CPJI, arrêt n°13, 13 septembre 1928, Usine de Chorzow, Série A n°17 p.4.
874
Mamadou Falilou DIOP, Essai de construction de poursuites des auteurs de crimes internationaux à travers les
mécanismes nationaux et régionaux, Institut Universitaire Varenne, Collection des thèses, 2014, p.359.

288
matériellement impossible ou emporte une charge hors de toute proportion avec l’avantage qui
en dériverait, la réparation prend alors la forme de l’indemnisation ou de la satisfaction... »875. La
restitution intégrale constitue le principe de la réparation, les autres formes lui sont subordonnées
et n’interviennent qu’en cas d’impossibilité de la première.

La CIJ a aussi eu l’audace d’étendre l’interprétation de sa compétence à travers la réparation. De


par son statut, la Cour est saisie de conflits interétatiques, même si un des États saisit la Cour en
faisant sien les griefs de l’un de ses ressortissants. La réparation est donc par principe accordée à
l’État. Or dans un avis consultatif sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans
le territoire palestinien occupé, la CIJ déclare, outre l’obligation d’Israël de cesser l’édification
du mur et la restitution du territoire, « l’obligation de réparer tous les dommages causés à toutes
les personnes physiques ou morales concernées » par la réquisition et la destruction
d’habitations, de commerces et d’exploitations agricoles 876. L’obligation de réparation est ainsi
énoncée directement au profit des individus. On pourrait penser que ce droit individuel à
réparation à été accordé par la CIJ pour éviter la question de l’indépendance de la Palestine en la
présentant comme bénéficiaire de la réparation, mais les formules générales de la Cour ainsi que
la référence dans l’avis à l’arrêt Usine de Chorzow sur le principe de la réparation laissent croire
qu’elle a voulu énoncer un principe général877. La réparation en droit international pourrait donc,
selon la CIJ, directement viser les personnes ayant subies un dommage dû à la violation d’une
norme internationale.

2. La garantie d’une réparation grâce aux fonds d’indemnisation

407. Quand la réparation devient justice. Lorsque la justice nationale est défaillante,
que les instruments internationaux et les jugements des cours internationales n’ont pas de force
exécutoire au niveau national, l’absence de réparation pourrait être perçue comme une absence

875
CIJ, affaire relative à l’usine de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), 20 avril 2010,
en ligne : www.icj-cij.org.
876
CIJ, Avis consultatif du 9 juillet 2004, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire
palestinien occupé, en ligne : www.icj-cij.org.
877
Pierre D'ARGENT, « Le droit de la responsabilité internationale complété? Examen des Principes fondamentaux
et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit
international des droits de l'homme et de violations graves du droit international humanitaire », Annuaire français de
droit international, 2005, n° 51, p.43.

289
de justice. Afin d’assurer l’effectivité de la reconnaissance de droits fondamentaux et du statut de
victime, des fonds d’indemnisation ont été mis en place par les institutions internationales. Ces
fonds, en assurant la réparation aux victimes, donnent à la justice internationale son caractère
réel. La notion de fonds d’indemnisation recouvre des formes très diverses878. Il y a d’abord les
fonds dont l’objectif est de centraliser les ressources du coupable avant de les redistribuer aux
victimes. Ces fonds permettent donc d’assurer l’exécution effective des réparations attribuées
aux victimes par une Cour internationale. C’est le cas par exemple de la Commission
d’indemnisation des Nations Unies mise en place en 1991 pour indemniser les pertes liées à
l’invasion et à l’occupation du Koweït par l’Irak.

Les fonds peuvent aussi être constitués par des organisations internationales pour indemniser les
victimes de violations de droits fondamentaux, en dehors de toute déclaration de responsabilité.
C’est le cas de la majorité des fonds de l’ONU qui sont fondés sur l’assistance aux victimes,
comme par exemple : le fonds pour les victimes de la torture, le fonds pour la lutte contre les
formes contemporaines d’esclavage et le fonds en faveur des victimes de la traite des personnes.
Ces fonds financent le plus souvent des projets menés par des ONG ou des organisations
nationales qui ont pour but d’assurer la réparation à une catégorie particulière de victimes.

Des types de fonds internationaux, ceux qui sont les plus intéressants du point de vue de la mise
en œuvre de la justice internationale sont les fonds qui ont pour objectif de garantir la réparation
due aux victimes par le biais de ressources propres. Ces fonds permettent de palier l’absence de
volonté ou de capacité du coupable de réparer le préjudice causé, l’impossibilité d’identifier le
coupable et l’insuffisance d’une réparation déjà exécutée. Ils manifestent la solidarité
internationale à l’égard des victimes et accordent surtout un sens, une suite concrète aux
jugements internationaux qui, sans cette solidarité auraient une « existence virtuelle879 ». Ce
modèle de fonds de garantie existe aussi au niveau national : la Commission d’indemnisation des
victimes d’infractions (CIVI) en France et le « Criminal injuries compensation scheme » en
Angleterre880. Ces fonds nationaux ont cependant pour spécificité de régler l’indemnisation au

878
A ce sujet, la thèse de Daisy SCHMITT est exhaustive : Daisy SCHMITT, Les fonds internationaux en faveur
des victimes de violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, [Droit : Université Panthéon
Sorbonne - Paris I : 2016].
879
André SCHNEIDER, « La dérive des notions (la CIVI: de la solidarité au droit à réparation) », Dalloz, 1998,
p.384.
880
Plus de détails sur ce fond existent en ligne sur: www.gov.uk.

290
nom et place de l’auteur de l’infraction et ont ainsi la faculté d’exercer une action récursoire
contre lui en sa qualité de débiteur de l’obligation de réparation.

408. Il apparaît ainsi que les instances internationales dressent à travers leurs instruments
juridiques et la jurisprudence de leurs cours une vision ambitieuse de la réparation des violations
de droits fondamentaux. Au niveau international, les procédures engagées devant la CIJ ou la
CEDH ne sont pas à proprement parler des procédures pénales mais elles visent à traiter de
situations qui auraient pu constituer une infraction pénale au niveau national. Il existe cependant
des voies de recours qui ont pour objectif de traiter de crimes internationaux. Ce sera l’objet de
cette deuxième section.

Section 2 : Juridictions internationales et réparation

409. Les juridictions internationales ont pour mission de juger les auteurs de crimes
internationaux. Par crimes internationaux, on entend « les crimes les plus graves touchant
l’ensemble de la communauté internationale » tels que le crime de génocide, les crimes contre
l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression 881. Or l’horreur et la souffrance causées
par ces crimes permettent de douter de la possibilité d’une réelle réparation. La justice n’est-elle
pas impuissante face à la gravité des faits et leur caractère massif882 ? Comment les coupables de
tels crimes peuvent-ils réparer le mal commis ? Nous avions, dans l’introduction de cette thèse,
délimité le champ d’application des recherches aux délits et contraventions pour éviter le
caractère irréel d’une réparation des crimes. Celle-ci est pourtant définie en droit international
comme couvrant « les mesures visant à éliminer toutes les conséquences dommageables d’une
violation des règles de droit international applicables dans un conflit armé et à rétablir la
situation dans l’état qui aurait existé si la violation n’avait pas eu lieu »883. La particularité de ces
mesures de réparation expliquent le choix que nous avons fait de sortir du cadre des délits pour
881
Article 5 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
882
Henri-D BOSLY et Damien VANDERMEERSCH, Génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre face
à la justice, 1e éd., L.G.D.J, 2010, p.227. Florence BRISSET-FOUCAULT et al., « Vérité, justice, réconciliation ou
comment concilier l'inconciliable », Mouvements, 2008/1, n° 53, p.9.
883
Définition donnée par l’Association de droit international dans sa résolution n°2/2010, 74e Conférence de droit
international.

291
envisager la réparation de crimes internationaux. Il s’agira dans un premier temps d’étudier la
réparation comme résultat des procès pénaux internationaux (I) et d’envisager, comme dans le
cadre de la première partie de cette thèse, l’alternative réparatrice de la justice pénale qui, dans le
champ du droit pénal international, est connue sous le nom de « justice transitionnelle » (II).

I. La réparation, résultat des procès pénaux internationaux

410. La réparation n’a pas toujours été un résultat évident des procès pénaux
internationaux. A l’issue d’un conflit duquel ont découlés des crimes indescriptibles par leur
atrocité, l’objectif principal a été de punir les coupables et de rétablir la justice. La réparation a
longtemps été absente des procès pénaux internationaux (A). Ce n’est qu’avec l’institution de la
Cour pénale internationale qu’un véritable droit à réparation des victimes a été mis en place par
une juridiction pénale internationale (B).

A. La réparation, grande absente des procès pénaux internationaux

411. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la poursuite des crimes commis a été
perçue comme une nécessité. Vu le caractère grave et les importantes répercussions des crimes
commis, le processus d’internationalisation de la justice fut accéléré avec la création des
tribunaux militaires de Nuremberg et de Tokyo. Depuis, les tribunaux pénaux internationaux ont
continué à voir le jour, au gré des évènements politiques tragiques. Ces tribunaux, qui visent à
punir la commission de crimes internationaux, ont pris plusieurs formes dont les principales
sont : les tribunaux ad hoc et les tribunaux dits internationalisés ou mixtes (1). Principalement
institués pour juger les auteurs des crimes commis, la réparation ne semble pas faire partie de
leurs objectifs (2).

292
1. La punition des crimes internationaux, responsabilité des tribunaux ad hoc et mixtes

412. Plusieurs formes, un même objectif. Dans le paysage du droit pénal international,
les tribunaux internationaux mis en place pour répondre aux crimes commis sont de deux sortes.
Les tribunaux pénaux internationaux (TPI) créés par le Conseil de sécurité des Nations Unies
sont des juridictions ad hoc qui ont pour mission la résolution d’un conflit ou d’une situation
unique, déterminé(e)884. Notons par exemple les TPI pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda.
Les tribunaux dits « internationalisés » ou mixtes sont mis en place en collaboration avec l’ONU
mais ils comportent des éléments internationaux et nationaux 885. Nous citons les tribunaux
institués pour résoudre les conflits du Cambodge, du Kosovo, du Sierra Leone et du Timor Leste.
La nature du Tribunal spécial pour le Liban est similaire. Quelque soit la forme de ces
juridictions pénales internationales, elles sont toutes instituées dans le but de poursuivre les
auteurs de crimes internationaux et de déterminer les responsabilités 886. Elles jouent un rôle qui
permet de rétablir la paix sociale en promettant la poursuite des coupables des crimes qui ont
marqué le conflit.

413. Une reconnaissance limitée de droits aux victimes. Le rôle de la victime est très
limité dans le procès pénal international. Le procès pénal a pour objectif de lutter contre
l’impunité, c’est le procès de la communauté internationale contre l’auteur d’un crime
international887. Officiellement, les victimes sont reléguées au rang de simples témoins durant la
procédure pénale. Le statut du Tribunal spécial pour le Liban prévoit à l’article 17 que « lorsque
les intérêts personnels des victimes sont concernés, le Tribunal permet que leurs vues et
préoccupations soient exposées et examinées, aux stades de la procédure que le juge de la mise
en état ou la Chambre estiment appropriés et d’une manière qui n’est ni préjudiciable ni contraire
aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable et impartial »888.

884
Jurisclasseur, « Les juridictions internationales ad-hoc », 3241.
885
Mathieu JACQUELIN, « Juridictions pénales mixtes », RSC, 2018, p.229.
886
Robert CARIO, « Les droits des victimes devant la Cour pénale internationale », AJ Pénal, 2007, p.261.
887
Xavier PHILIPPE, « Vers une reconnaissance accrue de la place de la victime dans le procès pénal international?:
De Nuremberg au Statut de Rome... Aperçu général des règles applicables devant la CPI », in L'actualité de la
justice pénale internationale, Centre de recherche en matière pénale, Université Paul Cézanne, Aix Marseille III,
Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2008, p.117.
888
Centre international pour la justice transitionnelle (éd.), Manuel sur le Tribunal spécial pour le Liban, 2008, p.28.

293
Il ne faut cependant pas sous-estimer leur poids politique, les victimes pouvant exercer, avec
l’aide des organisations internationales, une pression en vue de la constitution des tribunaux
internationaux et des charges contres les auteurs des crimes. Néanmoins, les tribunaux pénaux
internationaux peuvent, quand leurs statuts le prévoient, ordonner la restitution des biens retirés
illégalement ou par la contrainte à leurs propriétaires889. La restitution est certes une forme de
réparation, quoique limitée au regard des dommages subis en conséquence des crimes
internationaux. Dans le cas des TPI, l’absence de restitution ne peut pas donner lieu à une
indemnisation, qui relève de la compétence des juridictions nationales.

2. La réparation des crimes internationaux, responsabilité des juridictions nationales

414. La réparation, conséquence de la détermination de la responsabilité pénale par


le TPI. A l’issue du procès, les jugements prononcés par les TPI sont transmis aux autorités
compétentes des États concernés. La détermination de la responsabilité pénale d’un accusé
reconnu coupable d’un crime international s’impose aux juridictions internationales qui devront
en tenir compte si elles sont saisies d’actions en réparation890. Les tribunaux pénaux
internationaux ne se prononcent donc pas sur les indemnités à accorder aux victimes. Cela est
souvent précisé dans leurs statuts comme c’est le cas pour le Tribunal spécial pour le Liban 891.

Les jugements des cours internationales constituent souvent la seule chance pour les victimes
d’obtenir réparation892. Pour cela, transférer la responsabilité de la détermination des réparations
aux juridictions nationales laisse perplexe quant à la réalisation des réparations. L’effectivité des
réparations pourrait varier dépendamment de la situation de l’État concerné, de son implication

889
Didier REBUT, Droit pénal international, 2e éd., Dalloz, 2015, p.606.
890
Idem.
891
Statut du Tribunal spécial pour le Liban, article 25 : « Le tribunal peut identifier des victimes ayant subi un
préjudice en raison de crimes commis par un accusé reconnu coupable par le Tribunal. Le Greffier transmet aux
autorités compétentes de l’État concerné le jugement par lequel l’accusé a été reconnu coupable d’une infraction qui
a causé un préjudice à une victime. Une victime ou ses ayants droit peuvent, en se fondant sur la décision du
Tribunal spécial et conformément à la législation nationale applicable, intenter une action devant une juridiction
nationale ou toute autre institution compétente pour obtenir réparation du préjudice subi, que cette victime ait été ou
non identifiée comme telle par le Tribunal conformément au paragraphe 1 du présent article. Aux fins de l’action
prévue au paragraphe 3 du présent article, le jugement du Tribunal spécial est définitif et déterminant quant à la
responsabilité pénale de la personne condamnée. »
892
Mamadou Falilou DIOP, Essai de construction de poursuites des auteurs de crimes internationaux à travers les
mécanismes nationaux et régionaux, Institut Universitaire Varenne, Collection des thèses, 2014, p.415.

294
dans la commission des crimes internationaux et de sa capacité à avoir reconstruit la stabilité de
ses institutions. Elle dépend aussi de la solvabilité du coupable et de la capacité de l’État à se
substituer à lui en cas de carence, afin de garantir des réparations aux victimes. Lorsque le conflit
concerne deux États, la réparation est souvent dépendante de la volonté de l’un des États de faire
un geste politique en faveur des victimes. Dans le cadre du conflit au Timor Leste en 1999,
l’Indonésie a fini par accepter en 2008 de verser des réparations aux victimes 893. Dans ce cas, et
dans d’autres, le versement de réparation a souvent pour signification l’admission par le
coupable de sa responsabilité.

415. La possibilité d’une réparation par les tribunaux internationalisés. La


détermination de réparations par les tribunaux internationalisés est un principe plus facile à
mettre en œuvre de par le caractère mixte, national et international, de ces juridictions. En effet,
ces tribunaux s’adaptent aux circonstances du conflit en construisant « une justice de proximité
avec des garanties internationales »894. L’exemple des chambres extraordinaires des tribunaux
cambodgiens est révélateur de ces possibilités. Ces tribunaux ont été intégrés au système
judiciaire cambodgien sur la base d’un accord conclu avec l’ONU 895. Ils se sont démarqués par la
possibilité accordée aux victimes de présenter des demandes en réparation du préjudice corporel,
matériel ou moral à condition que ces demandes portent sur des réparations collectives et
morales. Elles ne peuvent donc porter sur des indemnités financières. Les réparations accordées
ont, pour partie, été symboliques, comme pour l’affichage sur internet des excuses et déclarations
de reconnaissance de responsabilité des coupables ; et ont, pour partie, été matérielles et
collectives par la mise en œuvre de projets commémoratifs et éducatifs 896.

La prise en compte de réparations collectives par ce tribunal pénal mixte est un compromis à
saluer car il a permis de rendre justice non seulement en punissant les coupables mais en

893
Jean-Marc SOREL, « Les tribunaux pénaux internationaux. Ombre et lumière d'une récente grande ambition »,
Revue Tiers Monde n°205 (2011/1), p.29-46.
894
Hervé ASCENSIO, Elisabeth LAMBERT-ABDELGAWAD et Jean-Marc SOREL, Les juridictions pénales
internationalisées, édité par Société de droit comparé, 2006, p.21.
895
Pour l’historique de la constitution de ces chambres extraordinaires, consulter: Didier REBUT, Droit pénal
international, 2e éd., Dalloz, 2015.
896
Photini PAZARTZIS, « Tribunaux pénaux internationalisés: une nouvelle approche de la justice pénale
(inter)nationale? », Annuaire français de droit international, 2003, n° 49, p.641.

295
s’adressant aussi aux victimes. L’affirmation du droit à réparation des victimes n’a cependant été
faite qu’avec l’institution de la Cour pénale internationale.

B. La réparation, particularité de la Cour pénale internationale

416. La Cour pénale internationale (CPI) est l’unique juridiction pénale à caractère
permanent. Elle a été instituée par le traité de Rome le 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1 er
juillet 2002. Selon l’article 5 de son statut, la compétence de la Cour est « limitée aux crimes les
plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale », le crime de génocide, les
crime contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression 897. La CPI a déjà vingt ans
et elle est aujourd’hui la seule juridiction pénale internationale à accorder aux victimes la
possibilité de participer à la procédure et à demander réparation. C’est ce qui fait sa particularité
et, selon les magistrats de la Cour, c’est ce qui assure son succès 898. Le droit à réparation et le
statut des victimes sont étroitement liés car c’est la garantie de la réparation par le Statut de la
CPI qui explique la participation de la victime à tous les stades de la procédure 899. Le droit à
réparation participe à la consécration d’un véritable statut de la victime au sein de la CPI (1).
L’exécution de la réparation comporte quant à elle des spécificités propres à la Cour (2).

1. Le statut de victime, corollaire de la réparation

417. La reconnaissance d’un statut des victimes au sein du procès. Le statut de la CPI
accorde à la victime des prérogatives qui lui permettent d’avoir un véritable statut au sein du
procès pénal. La victime a un rôle à jouer tout au long de la procédure, et avant le même
l’enclenchement de celle-ci. En effet, les modes de saisine de la CPI permettent au Conseil de

897
Le statut de la CPI est disponible en ligne: www.icc-cpi.int.
898
« La Chambre tient à souligner l’importance de la phase des réparations, qui représente une étape essentielle de
l’administration de la justice et convient avec la Chambre de première instance I dans le Procureur c. Thomas
Lubanga Dyilo que le succès de la Cour est, dans une certaine mesure, lié à son système de réparation », CPI,
Chambre de première instance II, affaire Le procureur c. Germain Katanga, Ordonnance de réparation en vertu de
l’article 75 du statut, en ligne : www.icc-cpi.int. Consulter aussi le rapport de Redress : The Redress Trust, Faire
avancer la réparation à la CPI: recommandations, Novembre 2016, en ligne : <www.redress.org>.
899
Robert CARIO, « Les droits des victimes devant la Cour pénale internationale », AJ Pénal, 2007, p.261.

296
sécurité de l’ONU, à un État partie et au procureur de la CPI de saisir le Cour. Le procureur agit
selon un principe de complémentarité : il ne peut intervenir que si l’État concerné n’a pas la
capacité ou la volonté de rendre justice. Dans cette situation, il est généralement incité à saisir la
Cour grâce aux informations qu’il reçoit d’ONG et de victimes liées au crime commis 900. La
victime a donc un rôle à jouer dans la constitution du dossier de l’affaire en vue de la saisine de
la CPI. Une fois la Cour saisie d’une affaire, les victimes souhaitant déposer un dossier en vue
d’une réparation sont prises en charge par le Greffe de la Cour, plus particulièrement la Section
de la participation des victimes et des réparations. Cette section assure la notification des
victimes sur le déroulement de la procédure et reçoit les demandes des victimes de participer à la
procédure901. La participation des victimes aux audiences peut aussi être demandée par la
Cour902. Cette participation est très large, les victimes peuvent interroger des témoins, demander
des compléments d’enquête et exprimer leur opinion sur la sanction et la réparation903. Le Statut
réserve donc aux victimes « une voix et un rôle indépendants dans la procédure devant la Cour »,
il leur confère « le droit de participer à la lutte contre l’impunité »904. La CPI offre ainsi aux
victimes une réelle participation à la procédure avec pour visée une réparation effective. Si le
droit à réparation des violations de droits fondamentaux n’est pas nouveau en tant que tel, le
statut des victimes accordé par la CPI est autonome et la procédure relative aux réparations est
unique en son genre sur le plan du droit international905.

418. L’influence du statut de victime sur la réparation. L’existence d’un statut de


victime garantit l’accès à la réparation. Afin de se prévaloir de ce statut, il faut avoir la qualité de
victime au sens de la CPI : il faut être une personne physique ayant subi un préjudice du fait de la

900
Joël HUBRECHT, « Forces et faiblesses de la justice pénale internationale », AJ Pénal, 2007, p.253.
901
Règles 89 et 92 du Règlement de procédure et de preuve de la CPI. Disponible en ligne : www.icc-cpi.int.
902
L’article 68-3 du Statut de la CPI prévoit que « lorsque les intérêts personnels des victimes sont concernés, la
Cour permet que leurs vues et préoccupations soient exposées et examinées, à des stades de la procédure qu’elle
estime appropriés et d’une manière qui n’est ni préjudiciable ni contraire aux droits de la défense et aux exigences
d’un procès équitable et impartial. »
903
Robert CARIO, « Les droits des victimes devant la Cour pénale internationale », AJ Pénal, 2007, p.261. Voir
aussi l’article 75 du Statut de la Cour, alinéa 3.
904
Décision ICC-01/04-112, 8 février 2006.
905
Xavier PHILIPPE, « Vers une reconnaissance accrue de la place de la victime dans le procès pénal international?:
De Nuremberg au Statut de Rome... Apercu général des règles applicables devant la CPI », in L'actualité de la
justice pénale internationale, Centre de recherche en matière pénale, Université Paul Cezanne, Aix Marseille III,
Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2008, p.117.

297
commission d’un crime relevant de la compétence de la Cour906. Le statut de victime peut
influencer la réparation positivement et négativement. Négativement d’abord, seules les victimes
d’un crime ayant donné lieu à des poursuites devant la CPI pourront espérer recevoir une
réparation pour les préjudices subis. Or dans les affaires de crimes internationaux, les victimes
sont souvent démunies, affaiblies et n’ont pas les moyens matériels et psychologiques de porter
leur cause auprès de la CPI907. De plus, la jurisprudence de la Cour distingue les victimes de
l’affaire et les victimes de situation : « La Chambre considère que le Statut, le Règlement de
procédure et de preuve et le Règlement de la Cour envisagent la distinction entre situations et
affaires comme faisant l'objet de procédures distinctes engagées par l'un quelconque des
organes de la Cour. Les situations, généralement définies par des paramètres temporels,
territoriaux et éventuellement personnels, telle que la situation sur le territoire de la République
démocratique du Congo depuis le 1er juillet 2002, font l'objet de procédures prévues par le
Statut afin de décider si une situation donnée doit faire l'objet d'une enquête pénale, et de
l'enquête en tant que telle. Les affaires, comprenant des incidents spécifiques au cours desquels
un ou plusieurs crimes de la compétence de la Cour semblent avoir été commis par un ou
plusieurs suspects identifiés, font l'objet de procédures qui ont lieu après la délivrance d'un
mandat d'arrêt ou d'une citation à comparaître »908. Ainsi, selon que les victimes soient des
victimes d’affaire ou de situation et que la Cour rend une décision concernant une affaire ou une
situation, elles pourront ou non obtenir réparation 909.

Positivement ensuite, la participation de la victime à l’enquête et aux autres stades de la


procédure permettra de constituer les faits qui seront punis, la qualification des crimes commis et
la condamnation. Toute la procédure aura des effets sur l’élaboration de l’ordonnance de
réparation910.

906
Règle 85 du Règlement de procédure et de preuve de la CPI, qui admet aussi le statut de victime à « toute
organisation ou institution dont un bien consacré à la religion, aux arts, aux sciences ou à la charité, un monument
historique, un hôpital ou quelque autre lieu ou objet utilisé à des fins humanitaires a subi un dommage direct ».
907
Jean-Baptiste JEANGENE VILMER, Réparer l'Irréparable, Les réparations aux victimes devant la Cour pénale
internationale , PUF, 2009. L’auteur suggère que la réparation fasse partie d’un programme distinct, non relié à la
procédure judiciaire, pour permettre l’accès à la réparation à toutes les victimes, même celles qui ne sont pas
rattachées à la procédure pénale.
908
CPI, Situation en République démocratique du Congo, décision ICC-01/04/101 du 17 janvier 2006, chambre
préliminaire I, paragraphe 65.
909
Gilbert BITTI, « Les victimes devant la Cour pénale internationale. Les promesses faites à Rome ont-elles été
tenues? », RSC, 2011, p.293.
910
Robert CARIO, « Les droits des victimes devant la Cour pénale internationale », AJ Pénal, 2007, p.261.

298
2. Les moyens de la réparation

419. De multiples formes de réparations. A l’issue du procès et de la déclaration de


culpabilité, la CPI peut allouer des réparations par ordonnances. L’article 75 du statut de la Cour
précise que la réparation peut prendre la forme de restitution, d’indemnisation ou de
réhabilitation et est accordée à la victime ou à ses ayants droit. La particularité des principes de
réparation de la CPI réside dans le fait que la Cour rend une ordonnance de réparation à
l’encontre de la personne condamnée qui sera elle tenue de verser la réparation par
l’intermédiaire du Fonds de la CPI911.

La réparation peut être accordée à titre individuel, et/ou à titre collectif912. La réparation à titre
individuel est accordée aux victimes reconnues comme telles par la Cour, la réparation à titre
collectif vise un groupe de victimes ou une communauté et est attribuée à une organisation
intergouvernementale internationale ou nationale agréée par lui et qui mettra en place des projets
à moyen et long terme en faveur de la réparation et la réhabilitation des victimes. En théorie, les
principes de la réparation semblent simples mais la complexité de la procédure et les moyens
limités du Fonds spécial pour les victimes ont jusque-là empêché une effectivité réelle de la
réparation à l’issue des procès de la CPI. Les premières mesures individuelles de réparation ont
été accordées dans l’affaire Katanga par la décision du 24 mars 2017913. Dans cette affaire, la
Cour a ordonné des mesures de réparation individuelle et collective en faveur des victimes des
crimes commis par Germain Katanga, chef de guerre congolais. Les demandes de 297 victimes
sur 341 demandeurs ont été considérées par la Cour qui leur a attribué la somme symbolique de
250 dollars américains dans le but de les soulager. De plus, 3.7 millions de dollars américains ont
été jugées nécessaires pour la mise en place de projets de réparation collective, dont un million
est porté à la charge du coupable. Cette décision est une première dans l’histoire de la CPI, elle
marque les fondements de l’application de l’obligation de réparation des préjudices subis suite
aux crimes internationaux.

911
Règle 98 du Règlement de procédure et de preuve de la CPI.
912
Règle 97 du Règlement de procédure et de preuve de la CPI.
913
CPI, Chambre de première instance II, décision ICC-04/04/01/07-3728 du 24 mars 2017; AJ Pénal, « Premières
mesures de réparation individuelle pour des victimes de crime internationaux », 2017, p.346.

299
420. Le Fonds au profit des victimes. Le statut de la CPI crée le Fonds au profit des
victimes qui gère la mise en œuvre des ordonnances de réparation. Par ce Fonds, doivent
transiter les montants versés par les personnes reconnues coupables et alloués aux victimes ou
aux organisations chargées de mesures de réparation collective. Le Fonds gère aussi les amendes
imposées au coupable ainsi que le résultat de la confiscation de ses biens. En ce qui concerne la
réparation, le Fonds joue le rôle de garant vis-à-vis des victimes. Il peut leur apporter des aides
urgentes avant même toute décision de condamnation914 et il se substitue au coupable si ce-
dernier est incapable de payer les montants de la réparation. Le Fonds utilise alors ses propres
fonds qui sont constitués grâce à des contributions volontaires et des dons. De plus, le Fonds peut
financer des programmes d’assistance qui dépassent le cadre des procès, afin de tenter de
répondre à la demande de justice des victimes, bien plus globale que la demande de réparation
qui réussit à se faire une place dans le cadre d’un procès915.

421. La symbolique de la réparation. Il est clair, de ce que nous pouvions imaginer et


de la décision dans l’affaire Katanga, que la réparation, même monétaire, ne sera, au final, que
symbolique. Il ne peut y avoir de réelle réparation des crimes commis. Leur atrocité dépasse
toute évaluation réelle possible d’une réparation. La réparation individuelle, lorsqu’elle est
accordée, a pour but, comme l’a dit la Cour dans l’affaire Katanga, de soulager et de soutenir les
victimes et non d’indemniser les préjudices dans leur intégralité 916. La Cour ajoute que les
réparations doivent tendre vers un objectif de réconciliation et précise dans l’ordonnance que cet
objectif peut être atteint si le coupable présente volontairement ses excuses directement aux
victimes ou lors d’une « cérémonie de réconciliation »917. La CPI prend ainsi en compte les
possibilités offertes par les mesures alternatives non judiciaires de réparation, regroupées sous
l’appellation de « justice transitionnelle ». La réparation globale ne peut se limiter dans ces

914
Pour toutes les règles concernant le Fonds, consulter en ligne le « Règlement du fonds d’affectation spécial au
profit des victimes ».
915
Joël HUBRECHT, « Forces et faiblesses de la justice pénale internationale », AJ Pénal, 2007, p.253.
916
CPI, Chambre de première instance II, décision ICC-04/04/01/07-3728 du 24 mars 2017; AJ Pénal, « Premières
mesures de réparation individuelle pour des victimes de crime internationaux », 2017, p.346. Consulter aussi : Jean-
Baptiste JEANGENE VILMER, Réparer l'Irréparable, Les réparations aux victimes devant la Cour pénale
internationale , PUF, 2009.
917
Paragraphe 318 de l’ordonnance de réparation rendue par la CPI dans l’affaire Katanga, disponible en ligne:
www.icc-cpi-int/courtrecords.

300
situations à une mesure matérielle, elle consiste aussi en l’accès à la justice, la détermination des
coupables et en des mesures de soins et d’accompagnements aux victimes 918.

II. La réparation, objectif de la justice transitionnelle

422. Le choix de traiter la justice transitionnelle dans la section relative aux juridictions
pénales s’explique par le fait que cette forme de justice, tout en étant un processus non pénal,
traite d’une matière pénale identique à celle qui fait l’objet de procès internationaux. Elle partage
avec les juridictions internationales l’objectif de rendre justice suite à la commission de crimes
internationaux. La justice transitionnelle fait partie de ces concepts de justice réparatrice qui est
souvent dénommée différemment par la doctrine. On la retrouve souvent sous l’appellation de
« justice restauratrice », « justice restaurative » ou de « justice réparatrice »919. Même si elle
partage avec ces notions les mêmes principes de réparation, chacune d’entre elles a une identité
propre. La justice transitionnelle est, selon Kofi ANNAN, « l’éventail complet des divers
processus et mécanismes mis en œuvre par une société pour faire face à des exactions massives
commises dans le passé, en vue d’établir les responsabilités, de rendre la justice et de permettre
la réconciliation »920.

La justice transitionnelle intervient dans une société post-conflit et instaure un cadre particulier
(A) pour rendre possible une réparation toute aussi particulière (B).

A. Un cadre particulier...

423. La justice transitionnelle n’a pas de format unique prédéterminé. C’est ce qui fait sa
spécificité. Elle consiste en « l’ensemble des processus judiciaires et non judiciaires visant à la
manifestation de la vérité à l’issue de périodes de crises ou troublées, à l’identification des

918
Robert CARIO, « Les droits des victimes devant la Cour pénale internationale », AJ Pénal, 2007, p.261.
919
Comme c’est le cas par exemple dans l’article de Christian NADEAU, « Responsabilité collective, justice
réparatrice et droit pénal international », Revue française de science politique, 2008/6, volume 58, p.915.
920
Rétablissement de l'Etat de droit et administration de la justice de la justice pendant la période de transition
dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d'un conflit, Rapport du Secrétaire général de l'ONU présenté au
Conseil de Sécurité, août 2004, en ligne : <www.un.org>.

301
responsabilités ainsi qu’à l’octroi de réparations aux victimes »921. La justice transitionnelle
diffère de la justice pénale traditionnelle mais n’est pas autant en contradiction avec cette
dernière. C’est une justice circonstancielle et contextuelle qui s’adapte à l’État concerné et aux
crimes commis922 (1). Elle permet de tourner un page de l’histoire sans l’oublier, mais au
contraire en la confrontant, en parlant des horreurs commises pour effectuer un travail de deuil et
de mémoire (2).

1. Une justice contextuelle

424. La justice transitionnelle n’est pas la justice pénale. Circonstancielle et


contextuelle, la justice transitionnelle se différencie directement de la justice pénale, permanente
et unifiée. La différence de fond qui les oppose tient à leur objectif final. La justice pénale
internationale recherche la punition des auteurs des crimes internationaux, et accessoirement si
possible l’indemnisation des victimes tandis que la justice transitionnelle vise la reconnaissance
publique des responsabilités et la réparation des victimes en vue d’une réconciliation et d’un
rétablissement du lien social brisé par le crime commis. Il existe surtout une différence de forme
majeure entre la justice pénale et la justice transitionnelle. La deuxième ne s’enferme pas dans le
cadre d’un tribunal et va au plus près des populations visées 923. Elle se fixe un système propre
pour l’organisation de ses séances. La flexibilité de la justice transitionnelle conduit à la
possibilité de la décliner de différentes manières. La forme la plus courante est néanmoins celle
des commissions Vérité et Réconciliation comme celle mise en place en Afrique du Sud suite à
l’apartheid et au Pérou suite aux crimes commis contre les indigènes. On peut la retrouver sous
d’autres appellations comme l’Instance Équité et Réconciliation au Maroc924. Les Commissions
Vérité et Réconciliation permettent des résultats que ne peuvent pas avoir les tribunaux pénaux

921
Xavier PHILIPPE, « Les solutions alternatives et complémentaires à la justice pénale internationale: la justice
transitionnelle exercée à travers les commissions Vérité et Réconciliation », in L'actualité de la justice pénale
internationale, Actes du colloque, Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2008, p.132.
922
S. ESSOMBA, « Quelle complémentarité entre la justice transitionnelle et la justice pénale
internationale?», Revue internationale de droit pénal, 2013/1, vol.84, p.181.
923
Parfois même en plein air, sous un arbre, les personnes assises sur l’herbe, selon l’expérience d’Hélène DUMAS,
« Histoire, justice et réconciliation: les juridictions gacaca au Rwanda », Mouvements, 2008/1, n° 53, p.110.
924
Sandrine LEFRANC, « La professionnalisation d'un militantisme réformateur du droit: l'invention de la justice
transitionnelle », Droit et société, 2009/3, n° 73, p.561.

302
internationaux. Elles participent à la restauration de la dignité des victimes et peuvent recueillir
de la part des auteurs beaucoup plus d’informations précises sur les crimes commis, informations
qu’il aurait mieux valu de dissimuler lors d’un procès925. Cet avantage, les Commissions Vérité
et Réconciliation l’ont parce qu’elles offrent l’amnistie aux auteurs de crimes en échange de leur
participation au processus. Ces immunités de poursuites ne sont pas envisageables dans le cadre
d’un procès pénal international, les crimes visés étant imprescriptibles.

La flexibilité et l’adaptation de la justice transitionnelle sont parfois poussées à l’extrême, au


point de lui faire perdre sa spécificité. Le Rwanda a institué les juridictions gacaca dans le but de
répondre aux requêtes de toutes les victimes du génocide des Tutsis et Hutus et de sanctionner
tous les auteurs de crimes dont le nombre rendait impossible leur jugement par les cours
traditionnelles. La loi gacaca en a fait de véritables juridictions d’exception pouvant prononcer
des peines d’emprisonnement à l’encontre des accusés et les condamner à des réparations en
faveur des victimes926. De la flexibilité, les juridictions gacaca n’ont que la possibilité de
remplacer une peine d’emprisonnement par une peine de travail d’intérêt général, exécutée dans
un camp de travail d’intérêt général, faculté largement utilisée, au point de lasser les victimes qui
expriment leur désintérêt pour cette justice, plus favorable aux criminels 927. Le sens de la justice
transitionnelle se trouve ici sacrifié au nom de l’effectivité de la justice et la justice
transitionnelle devient justice pénale.

425. La justice transitionnelle est complémentaire de la justice pénale. Il a souvent


été affirmé que la justice transitionnelle permettait de lutter contre « l’amnistie générale »,
qu’elle était l’alternative à l’absence de justice et le meilleur moyen de combattre l’impunité 928.
Or à observer de plus près les expériences de justice transitionnelle et de justice pénale

925
Pierre HAZAN, « Les dilemmes de la justice transitionnelle », Mouvements, 2008/1, n° 53, p.41.
926
François SOBO, « Justice transitionnelle, le point sur les juridictions Gacaca au Rwanda », RSC, 2009, p.763.
927
Idem.
928
Xavier PHILIPPE, « Les solutions alternatives et complémentaires à la justice pénale internationale: la justice
transitionnelle exercée à travers les commissions Vérité et Réconciliation », in L'actualité de la justice pénale
internationale, Actes du colloque, Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2008, p.132. Mamadou Falilou DIOP,
Essai de construction de poursuites des auteurs de crimes internationaux à travers les mécanismes nationaux et
régionaux, Institut Universitaire Varenne, Collection des thèses, 2014, p.413.

303
internationale, il apparaît que c’est par leur complémentarité que la justice est le mieux rendue 929.
En effet, l’absence de sanction dans la justice transitionnelle laisse comme un aspect d’inachevé.
La sanction participe aussi au soulagement psychologique et à la satisfaction des victimes,
notamment au regard des crimes commis 930. Cependant, la justice transitionnelle permet de cibler
de larges groupes de victimes ce que la justice pénale traditionnelle ne peut faire en raison de la
rigidité de ses procédures, de son coût qui la rend inaccessible pour beaucoup de victimes et de la
complexité des procédures permettant l’acquisition du statut de victime. Il est rapporté que la
Commission Vérité et Réconciliation présidée par Desmond Tutu en Afrique du Sud a permis à
20 000 victimes et criminels de témoigner931. Le service national des juridictions gacaca dit avoir
jugé près d’un million de personnes932. La justice transitionnelle permet donc d’agir pour la
réparation lorsque les procédures judiciaires ne suffisent pas à soulager toutes les victimes.

La justice transitionnelle et la justice pénale peuvent ainsi être complémentaires et permettre, si


elles sont toutes deux mises en place pour un même conflit, de réussir l’équilibre entre les
intérêts de justice et de paix. La justice pénale viendrait punir les principaux auteurs et
instigateurs des crimes internationaux visés et accorder un droit à réparation aux victimes. La
justice transitionnelle permettra de soulager les victimes dans leur recherche de reconnaissance,
de vérité et de réparation.

Cette complémentarité est envisageable à la lecture des statuts de la Cour pénale internationale
qui accordent au Procureur la possibilité de ne pas ouvrir une enquête ou engager des poursuites
si cela ne servirait pas les intérêts de la justice, compte tenu de toutes les circonstances 933. En
pratique, les deux processus ont souvent cohabité ou se sont suivis dans la gestion des
conséquences des crimes internationaux934.

929
Emilie MATIGNON, « Les dispositifs restauratifs mis en oeuvre à la suite de victimisations de masse », in La
justice restaurative, une utopie qui marche?, sous la dir. de R. CARIO et P. MBANZOULOU, L'Harmattan, 2010,
p.69.
930
S. ESSOMBA, « Quelle complémentarité entre la justice transitionnelle et la justice pénale
internationale?», Revue internationale de droit pénal, 2013/1, vol.84, p.181.
931
Pierre HAZAN, Juger la guerre, juger l'Histoire, puf, 2007, p.100. Sandrine LEFRANC, « La
professionnalisation d'un militantisme réformateur du droit: l'invention de la justice transitionnelle », Droit et
société, 2009/3, n° 73, p.561.
932
Op.cit. S. ESSOMBA.
933
Article 53, Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
934
Comme cela a été le cas au Rwanda entre le TPIR et les juridictions gacaca, au Timor oriental.

304
2. Une justice de confrontation

426. Un deuil individuel. La justice transitionnelle a pour force la possibilité d’accorder


au plus grand nombre de victimes possible l’opportunité d’être entendu. Raconter son histoire et
l’écrire, c’est un premier pas pour pouvoir tourner la page, faire son deuil. Les victimes pourront
être confrontées à leurs bourreaux lors d’audiences publiques. Elles pourront demander à
entendre la vérité sur la commission du crime individuel qui les touche. Cette recherche de la
vérité est au cœur de la justice transitionnelle. Elle apparaît lors de la confrontation des vérités
individuelles des victimes et des criminels.

Par la confrontation, la justice transitionnelle permet l’identification des responsabilités.


Le « naming and shaming » des criminels, fait de nommer et de tenir pour responsable, est une
forme de sanction morale. Les victimes sont reconnues dans leur statut, dans leur dignité. La
justice transitionnelle est plus un processus individuel de deuil pour les victimes qu’une
revendication politique de justice comme le sont les juridictions pénales internationales935.

427. Une histoire collective. La confrontation et l’implication des victimes et des


criminels dans le processus de justice transitionnelle permettent, par le dialogue qui se crée
autour du passé vécu, d’écrire l’histoire. Du vécu personnel se dégagera une histoire collective
qui composera la mémoire de l’État. Là réside le noyau dur de la justice transitionnelle.
L’histoire dira ce qui a été vécu, quelles en étaient les conséquences et comment ont été décidées
les sanctions et les réparations. La recherche et l’écriture de la vérité contredisent l’hypothèse
selon laquelle la justice transitionnelle permet une amnistie car l’amnistie est une forme d’oubli,
or la recherche de la vérité est un travail de mémoire. On ne peut s’empêcher ici de faire le lien
avec les décennies qui ont suivi la guerre civile au Liban et qui n’ont connu aucun processus de
justice transitionnelle, le Liban ayant jusqu’à présent fait le choix de l’amnistie et de
l’amnésie936.

935
Sandrine LEFRANC, « La professionnalisation d'un militantisme réformateur du droit: l'invention de la justice
transitionnelle », Droit et société, 2009/3, n° 73, p.561.
936
A ce propos, il est intéressant de consulter les dossiers et rapports de l’International Center for Transitional
Justice (ICTJ) concernant la situation au Liban, en ligne: www.ictj.org.

305
Les Commissions Vérité et Réconciliation, n’étant pas des instances judiciaires, n’ont pas à
qualifier juridiquement les faits commis. C’est plutôt une qualification politique des faits qui
permettra une transition politique de l’État937. C’est la société toute entière qui est confrontée aux
récits des victimes et des criminels. La plus grande réparation que l’État peut alors accorder à la
société est sa transition d’une situation qui a causé la violation des droits fondamentaux à une
autre qui garantira la non-répétition de telles violations.

B. ...pour une réparation particulière

428. La réparation qui fait l’objet de la justice transitionnelle se rapproche de la notion de


réparation adoptée par les juridictions internationales en ce qu’elle est souvent collective.
Cependant, la part de vérité et d’histoire que couvre la justice transitionnelle donne à la
réparation un aspect particulier car elle permet la reconstruction des victimes et la reconstruction
du lien social (1). Il n’empêche que la réparation n’est pas seulement abstraite et politique mais
elle conserve une application tangible (2).

1. Une réparation reconstructrice

429. Reconstruire l’humain. La justice transitionnelle est une justice qui place à pied
d’égalité les auteurs des crimes et les victimes : des premiers elle recherche l’aveu et idéalement
une formulation d’excuses et de regrets. Aux seconds, elle donne l’opportunité de raconter un
vécu, des douleurs et d’obtenir une réparation, souvent plus morale que matérielle. Les aveux et
la réparation permettent la reconnaissance sociale des victimes qui est une forme de réparation938
car elle participe à la restauration de la dignité des victimes. On pourrait critiquer le contexte
dans lequel les aveux sont donnés, au regard de l’immunité des poursuites accordée en échange.
Mais la stigmatisation sociale qui en découle est en elle-même une sanction qui ne facilite pas la
formulation des aveux.

937
Sandrine LEFRANC, « La professionnalisation d'un militantisme réformateur du droit: l'invention de la justice
transitionnelle », Droit et société, 2009/3, n° 73, p.561.
938
Pierre HAZAN, Juger la guerre, juger l'Histoire, puf, 2007, p.52.

306
La question qui se pose au regard de la violence des crimes commis, multipliée par leur effet de
masse, est celle de l’objectif de la réparation aux victimes. On pourrait parler de reconstruction,
voire de guérison des victimes939. Le processus de guérison commence par le témoignage du
crime vécu, l’accès à la vérité et la reconnaissance de culpabilité des auteurs par des aveux ou
des excuses. Mais la guérison ne peut aboutir sans une prise en charge médicale et psychologique
afin d’accompagner les victimes. La guérison des victimes ne veut pour autant pas impliquer le
pardon. Le pardon est un principe aussi difficile à envisager que la véritable réparation des
conséquences des crimes commis. La participation des victimes aux processus de justice
transitionnelle n’aboutit pas forcément au pardon. Le pardon n’est pas une issue garantie du
processus, il demeure une faculté personnelle que chaque victime peut décider d’octroyer comme
une étape de sa guérison940. L’immunité de poursuites accordée aux criminels n’est donc pas une
forme de pardon, elle n’est qu’une étape obligatoire dans la construction de la paix.

430. Refonder la société. Par la reconstruction et la guérison de l’humain, c’est la


reconstruction de la société toute entière qui est recherchée au travers de la justice
transitionnelle. Les crimes visés par la justice transitionnelle sont généralement commis par des
groupes d’individus au sein d’un même État941. On peut même considérer que chaque citoyen de
cet État est victime des répercussions du crime. La reconstruction du lien social est donc
primordiale pour l’établissement d’une paix durable. Il est ainsi question de réconciliation, à ne
pas confondre avec le pardon. La réconciliation n’implique pas l’oubli. Elle constitue
uniquement une acceptation de tourner la page, une fois l’histoire écrite et les responsabilités
identifiées. Pour reprendre les mots employés par Desmond TUTU : « pour pouvoir tourner la
page, encore faut-il qu’elle ait été lue »942.

De par son nom, la justice transitionnelle va permettre la transition d’une situation de guerre, de
crise, de tension, à un nouveau statuquo. La communication engagée par le processus de justice

939
Idem, p.54.
940
Xavier PHILIPPE, « Les solutions alternatives et complémentaires à la justice pénale internationale: la justice
transitionnelle exercée à travers les commissions Vérité et Réconciliation », in L'actualité de la justice pénale
internationale, Actes du colloque, Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2008, p.132.
941
Christian NADEAU, « Responsabilité collective, justice réparatrice et droit pénal international », Revue française
de science politique, 2008/6, volume 58, p.915.
942
Cité par Louis JOINET, « Face aux dilemmes de l'instauration des processus de justice
transitionnelle», Mouvements, n° 53/2008, p.49.

307
transitionnelle a permis dans certains cas à critiquer l’ancien régime en vigueur et à manifester la
volonté d’établir un nouveau système 943. Il est évident que cette transition ne sera pas aboutie
avec la fin du travail de la Commission ou de l’instance chargée du processus transitionnel.
Celles-ci fondent les bases de la réconciliation qui ne se renforcera qu’à travers les générations
futures. Le facteur temps est donc primordial pour la réparation des conséquences du conflit 944.

2. Une réparation tangible

431. L’insignifiance des réparations matérielles. La nature des instances de justice


transitionnelle fait que les conclusions auxquelles elles aboutissent ont une valeur de simples
recommandations à l’État auquel incombe la charge de la réparation. La qualification politique
des faits n’entraîne pas de conséquences obligatoires au niveau des réparations accordées, malgré
le fait que certaines instances aient établies des barèmes internes de sanctions et de réparations.
La Truth and Reconciliation Commission en Afrique du Sud a établi une politique de réparation
des victimes mais est restée impuissante pour sa mise en œuvre. Les réparations n’ont été
octroyées par le gouvernement qu’à hauteur d’un-sixième des montants recommandés par la
commission, et cela cinq ans après la remise du rapport de la commission au gouvernement 945.
Cet état de fait a poussé certains à critiquer les Commissions Vérité et réconciliation comme
étant des « tribunaux des larmes » qui se concentrent plus sur l’expression de la douleur des
victimes que sur leurs demandes de réparation946.

432. L’importance des réparations symboliques. Lorsque n’importe quel montant,


aussi important soit-il, ne suffit pas à réparer les préjudices subis, les réparations symboliques

943
Comme par exemple au Pérou où la Commission de vérité et de réconciliation a permis de faire ressortir les
critiques contre le racisme subi par les communautés indigènes et l’expression de la volonté d’établir une démocratie
plus participative. Plus de détails décrits par Sandrine LEFRANC, « La professionnalisation d'un militantisme
réformateur du droit: l'invention de la justice transitionnelle », Droit et société, 2009/3, n° 73, p.561.
944
Pierre HAZAN fait « l’éloge des processus lents » dans son article « Les dilemmes de la justice
transitionnelle», Mouvements, 2008/1, n° 53, p.41. Xavier PHILIPPE, « La flexibilité des sanctions: une question de
temps? L'exemple de la justice restauratrice », in La flexibilité des sanctions, XXIes Journées juridiques Jean Dabin,
sous la dir. de D. KAMINSKI, Bruylant, 2013
945
Idem.
946
Sandrine LEFRANC, « Pleurer ensemble restaure-t-il le lien social? », in La justice pénale internationale face
aux crimes de masse, sous la dir. de R. NOLLEZ-GOLDBACH et J. SAADA, A. Pedone, 2014, p.199.

308
s’avèrent nécessaires. Elles répondent au besoin d’inscrire la vérité dans l’histoire du pays. Ces
réparations symboliques peuvent prendre plusieurs formes : l’édification de monuments, la
construction de musée à la mémoire du conflit et des victimes, l’instauration d’une journée de
commémoration des crimes, etc.947. Le symbolisme peut avoir des répercussions pratiques dans
la vie des citoyens. Suivant les causes des crimes commis, l’État peut aussi choisir de consacrer
de nouveaux droits, d’effectuer des réformes institutionnelles, pour essayer de garantir la non-
répétition des crimes passés948.

433. C’est cette symbolique que nous retiendrons en conclusion de cette section pour
définir la réparation visée par les juridictions internationales et par la justice transitionnelle. La
réparation se trouve plus dans le processus que dans le résultat des procès internationaux. Elle
s’exprime par la reconnaissance de culpabilité, l’expression de remords de la part des auteurs ou
la solidarité de la communauté internationale. Dans la justice transitionnelle, la réparation réside
dans la démarche, dans le passage de situation conflictuelle à une situation apaisée par l’écriture
de la vérité, de l’histoire.

947
Mamadou Falilou DIOP, Essai de construction de poursuites des auteurs de crimes internationaux à travers les
mécanismes nationaux et régionaux, Institut Universitaire Varenne, Collection des thèses, 2014, p.415.
948
Pierre OSSELAND, « L'approche française de la justice transitionnelle », Recueil Dalloz, 2017, p.2472.

309
Conclusion du chapitre 2

434. On retiendra des développements de ce chapitre la particularité de la définition de la


réparation en droit international. La préoccupation d’accorder une réparation aux victimes de
violations du droit international des droits de l’homme et du droit humanitaire donne à la
réparation un caractère plus humaniste qu’indemnitaire. Il s’agit plus d’une forme de
reconnaissance pour la victime. Pour l’État mis en cause, il s’agira d’une obligation de remédier
à la situation, ce qui impliquera souvent des réformes législatives ou réglementaires. Au
caractère humaniste s’ajoute le caractère symbolique de la réparation accordée par les tribunaux
pénaux internationaux, où la réparation permet la reconnaissance du statut de victime. Enfin, de
la justice transitionnelle on retiendra le caractère reconstructeur du processus et la possibilité que
cette justice donne aux victimes qui souhaitent tourner la page.

La réparation en droit international et la justice transitionnelle peuvent être assimilés en droit


interne à la justice restaurative. Avec la réparation, la justice restaurative partage le caractère
humaniste et symbolique. Avec la justice transitionnelle, la justice restaurative partage le mode
de déroulement parajudiciaire. Nous développerons les moyens de la justice restaurative dans le
prochain titre.

310
Conclusion du Titre 1

435. Ce titre renferme la présentation d’une notion de réparation tellement multiple qu’il
semble difficile d’y déceler des dénominateurs communs. La réparation en droit spécial de
l’urbanisme n’est surement pas comparable à la réparation en réponse aux crimes internationaux.
Néanmoins, la réparation semble acquérir une certaine autonomie dans le droit des mineurs et
certains droits pénaux spéciaux. La réparation existe en tant que mesure indépendante de la peine
d’emprisonnement. Elle possède des objectifs et des caractéristiques spécifiques 949. Lorsqu’elle
n’est pas définie comme une peine, la réparation finit même par avoir une nature propre, plus
proche de son caractère matériel950.

436. En définitive, nous pouvons nous accorder sur le fait que la réparation est une notion
flexible qui s’adapte aux profils des délinquants, à la spécificité du dommage causé et au
caractère des crimes commis. A caractère multiple, la réparation permet d’apporter, dans toutes
les situations, une réponse à l’infraction en cause. L’exposé de la diversité des formes
d’expression de la réparation, de son autonomie et de sa particularité nous permet d’espérer une
plus grande autonomisation de la réparation en droit pénal.

Dans l’attente que la réparation soit considérée comme un objet de la justice pénale, la réparation
est certainement un complément à la justice pénale.

949
Philippe BONFILS, « L'autonomie du droit pénal des mineurs, entre consécration et affaiblissement », AJ Pénal,
2012, p.312. Mathilde HAUTEREAU-BOUTONNET, « Quelle action en responsabilité civile pour la réparation du
préjudice écologique? », Jurisclasseur, Juin 2017, dossier 14.
950
Gabriel ROUJOU DE BOUBEE, « Nature de la démolition et de la mise en conformiteé », RDI, 1990, p.131.
Gabriel ROUJOU DE BOUBEE, « Les mesures de restitution ne sont pas des peines », RDI, 2013, p.87.

311
TITRE 2
LA RÉPARATION, COMPLÉMENT DE LA JUSTICE PÉNALE

437. Si la réparation objet de la justice pénale est un sujet plutôt controversé 951, affirmer
que la réparation est un complément de la justice pénale fait plutôt consensus 952. Complément, la
réparation vient en effet s’ajouter à la justice pénale.

Cela s’illustre d’abord lorsque la réparation est accessoire au droit pénal (Chapitre 1). Dans les
droits français et libanais, la réparation est accessoire car elle complète l’action publique à
travers l’action civile. Il a fallu des années pour séparer ces deux actions et pour que l’action
civile devienne une action en réparation et non plus une « action criminelle privée »953. Le
changement de nom n’a pas forcément changé la réalité des faits, l’action civile est, comme nous
le verrons, encore rattachée à l’esprit de vengeance des victimes. L’action pénale ouvre, en
contrepartie, plusieurs voies pour la prise en charge de la réparation des dommages. En outre, le
droit anglais, par son inclusion de la réparation comme objectif de la peine, nous pousse à
envisager la définition d’une notion de réparation pénale.

438. Ensuite, la réparation peut être un supplément à la justice pénale. Elle vient s’y
greffer non pour la compléter mais pour y apporter un plus. C’est le cas de la justice restaurative,
parfois appelée justice réparatrice (Chapitre 2). Les méthodes de la justice restaurative ne sont
pas récentes. Elles ont longtemps été utilisées par les populations aborigènes comme moyen de
résolution des conflits. L’étude de ces méthodes et leur professionnalisation ont permis
d’institutionnaliser la justice restaurative dans les différents systèmes juridiques 954. L’articulation
de la justice restaurative et de la justice pénale classique révèle des créneaux d’influence
mutuelle.

951
Bertrand PAILLARD, La fonction réparatrice de la répression pénale, L.G.D.J, 2007, [Université Panthéon-
Assas].
952
Robert CARIO, « Justice pénale et justice restaurative: entre complémentarité et autonomie assumées », AJ
Pénal, 2017, p.252.
953
Jean FOYER, « L'action civile devant la juridiction répressive », in Quelques aspects de l'autonomie du droit
pénal, sous la dir. de G. STEFANI, Dalloz, 1956, p. 320.
954
John BRAITHWAITE, Restorative justice and responsive regulation, Oxford university press, 2002. Howard
ZEHR, La justice restaurative, pour sortir des impasses de la logique punitive, Labor et fides, 2012.

312
Chapitre 1 : La réparation, accessoire au droit pénal

439. La réparation a longtemps été cantonnée au rang d’accessoire au droit pénal, au vu


de son assimilation à l’action civile en réparation qui est accessoire à l’action publique.
Cependant, à regarder de plus près les évolutions des responsabilités civiles et pénales, il semble
que la distinction entre un droit pénal sanctionnateur et un droit civil réparateur devient moins
nette. La responsabilité pénale emprunte parfois une fonction réparatrice et la responsabilité
civile une fonction punitive955. Le sens du caractère accessoire de la réparation prend ainsi
d’autres dimensions. Lorsque la réparation est accessoire à l’action publique, elle la suit et vient
après elle. Par accessoire, on entend quelque chose qui vient en seconde position, qui n’est pas
principal (section 1). Mais il faudra aussi envisager la possibilité que la réparation puisse être
l’accessoire de la peine (section 2). Dans ce cas, on entend par accessoire quelque chose qui
complète ce qui est principal, qui vient avec. On envisagera ainsi la possibilité de définir une
notion de réparation pénale, distincte de la réparation civile.

Section 1 : La réparation, accessoire à l’action publique

440. Dire que la réparation est accessoire à l’action publique, c’est faire référence au lien
entre l’action publique et l’action civile. Suite à la survenance d’une infraction, l’action civile est
accessoire à l’action publique, elle la suit. La condamnation vient avant la réparation car on ne
peut, en principe, obliger une personne à réparer les conséquences d’un acte qui n’a pas été
caractérisé en justice comme étant une infraction. La réparation, accessoire, doit attendre la
condamnation. Entre l’action civile et l’action publique, la réparation constitue un critère de
distinction (I). La réparation est aussi au centre des interactions entre l’action publique et l’action
civile, elle constitue un indice d’espacement de ces deux actions (II).

955
Voir l’avis critique de Bertrand PAILLARD, La fonction réparatrice de la répression pénale, L.G.D.J, 2007,
[Université Panthéon-Assas]. Charlotte DUBOIS, Responsabilité civile et responsabilité pénale. A la recherche
d'une cohérence perdue., L.G.D.J., 2016, [Paris II]. Jean-Christophe SAINT-PAU, « La responsabilité pénale
réparatrice et la responsabilité civile punitive? », Responsabilité civile et assurances, Mai 2013, n° 5, dossier 23.

313
I. La réparation, critère de distinction de l’action civile et l’action publique

441. Distinguer l’action civile de l’action publique lorsque chacune est portée devant son
juge naturel, n’est pas difficile. Cependant, lorsque l’action civile est portée devant le juge pénal,
la distinction est moins aisée car le juge pénal endosse la casquette du juge civil. La réparation
permet alors de différencier les actions civile et pénale en caractérisant l’action civile.

La distinction légale de ces deux actions repose sur la réparation comme objet de l’action civile
(A). Mais la réparation est aussi au cœur de la remise en cause de la distinction entre l’action
civile et l’action publique (B).

A. La légalité de la distinction de l’action civile et l’action publique

442. En droit français, en droit anglais et en droit libanais, la loi distingue clairement
l’action civile et l’action publique. Cette distinction prend son importance lorsque ces deux
actions sont portées devant le même magistrat (1), ce qui entraîne plusieurs conséquences quant
à la réparation (2).

1. Le principe de la distinction de l’action civile et l’action publique

443. Du temps où l’action civile et l’action publique ne faisaient qu’une. La


séparation de l’action publique et de l’action civile est établie depuis si longtemps en France
qu’il est intéressant de revenir en arrière, au temps où le système inquisitoire n’avait pas encore
déployé toutes ses caractéristiques956. En effet, selon l’histoire du droit français, les cours laïques
au XIIe siècle ne distinguaient pas l’action civile de l’action pénale. L’action auprès des cours
répressives appartenait à la victime. Même lorsque la procédure inquisitoire du droit canonique
influençait le droit criminel en permettant au ministère public de se saisir d’office, la partie
pouvait se joindre au procès. Sa participation était pas considérée comme une « action criminelle

956
L’article de Jean FOYER est à ce sujet très intéressant: Jean FOYER, « L'action civile devant la juridiction
répressive », in Quelques aspects de l'autonomie du droit peénal, sous la dir. de G. STEFANI, Dalloz, 1956, p. 320.

314
privée », différente de l’action civile uniquement exercée à l’époque devant le juge civil.
L’action pénale avait pour objectif de « rechercher l’intérêt des particuliers et en même temps la
punition du crime »957. Cette unicité d’action a pris fin dans le Code des délits et des peines du 3
brumaire an IV qui distingue l’action publique « qui a pour objet de punir les atteintes à l’ordre
social » et l’action civile qui a pour objet « la réparation du dommage que le délit a causé ». Le
Code d’instruction criminelle de 1808 a gardé ce même principe qui perdure de nos jours. La
distinction des deux actions n’est cependant pas radicale puisque la victime conserve le droit de
déclencher l’action pénale. La survivance de ce droit conduit jusqu’à présent à maintes critiques,
incohérences et remises en question qui apparaîtront dans nos développements.

Le droit libanais n’a pas connu cette même phase de transition car le premier Code de procédure
pénale libanais, promulgué en 1948, est fortement inspiré du Code d’instruction criminelle
français de 1808958. Ce Code a introduit la possibilité d’une action civile accessoire à l’action
publique, tout en préservant le pouvoir de poursuivre dans les mains du ministère public. Avant
sa promulgation, le Liban était sous domination ottomane et les magistrats appliquaient les
principes du Code de procédure pénale ottoman, en partie similaire au système inquisitoire. Un
nouveau code de procédure pénale fut promulgué au Liban en 2001, et reste appliqué jusqu’à
présent.

444. L’affirmation de la distinction de l’action civile et l’action publique. A en croire


l’adage selon lequel « le juge pénal punit et le juge civil répare », tout opposerait les finalités de
l’action publique et l’action civile. Cette distinction des deux actions est clairement affirmée
dans les textes de loi. Le Code de procédure pénale français qualifie dans son article 1 er l’action
publique d’action « pour l’application des peines » et, dans son article 2nd, l’action civile d’action
« en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention ». La punition et
la réparation correspondent donc, au moins dans les principes, à deux actions séparées. En droit
libanais, l’article 5 du Code de procédure pénale qualifie aussi l’action publique d’action pour
l’application des peines et l’action civile d’action en réparation du dommage résultant

957
F. JOUSSE, Traité de la justice criminelle de la France, 1771, t. I, p.563, cité dans: Jean FOYER, « L'action
civile devant la juridiction répressive », in Quelques aspects de l'autonomie du droit pénal, sous la dir. de G.
STEFANI, Dalloz, 1956, p. 320.
958
Doreid BECHERAOUI, « La place de la victime dans le procès pénal en droit libanais », Revue internationale de
droit comparé, 2007, n° 4, p.891.

315
d’infractions pénales. L’action publique a un objectif d’intérêt général et vise à répondre au
trouble à l’ordre social causé par l’infraction. L’action civile répond à l’intérêt privé des victimes
de l’infraction959. La clarté de la distinction cache cependant des contradictions qui remettent en
question la distinction des actions civiles et pénales960.

445. Là où l’action civile et l’action publique font toujours une. En droit anglais, la
victime ou même toute personne étrangère au dommage, peut déclencher les poursuites
pénales961. Cependant, cette faculté ne lui accorde pas le droit de prendre la direction des
poursuites qui restent sous l’emprise du Crown Prosecution Service. La victime n’est donc pas
partie au procès pénal et n’est pas partie civile devant le juge pénal. Cette caractéristique du
système accusatoire oblige la victime à porter ses prétentions devant le juge civil. Les actions
civile et pénale sont donc séparées, la première n’est pas l’accessoire de l’autre. Le principe du
criminel qui tient le civil en l’état ne s’applique pas en la matière 962. Cette séparation n’empêche
pas le magistrat anglais d’accorder une réparation des dommages causés par l’infraction. Afin
d’apporter une réponse globale à l’infraction commise, le magistrat peut délivrer des
« compensation orders » afin de permettre la réparation du dommage 963. Il apprécie la réparation
compte tenu des ressources du prévenu et non de l’importance du dommage et des préjudices, ce
qui peut paraître surprenant pour un juriste français au regard du principe de la réparation
intégrale, mais reste cohérent si on considère que le juge pénal est le juge de l’infraction et du
délinquant et non le juge des victimes. Ceci peut être nuancé car si le magistrat souhaite imposer
une amende et un « compensation order » et que le coupable n’a pas les moyens de s’acquitter
des deux, la priorité sera donnée au second. La réparation passera ainsi avant la punition devant
le juge pénal anglais.

959
Bernard BOULOC, Précis, Procédure pénale, 24e éd., Dalloz, p.153.
960
Pourtant, à en croire la thèse de J.C. Schmidt (Faute civile et faute pénale, Paris, 1928), les actions civiles et
pénales seraient parfaitement complémentaires : « tout semblerait être donc pour le mieux dans le meilleur des
mondes ; le droit civil et le droit pénal, chacun dans son domaine, seraient tout les deux prêts à intervenir lorsque se
produit un accident : l’un répare, l’autre réprime : la faut pénale entraîne une punition, la faute civile une
réparation ».
961
C’est le système de la “private prosecution”. Voir : Encyclopédie Dalloz, Action civile.
962
Sous la direction de Géraldine GADBIN-GEORGE, Glossaire de droit anglais, Dalloz, 2014.
963
Powers of Criminal Courts Sentencing Act , 2000, section 130: “A court by or before which a person is convicted
of an offence, instead of or inaddition to dealing with him in any other way, may, on application or otherwise, make
an order (in this Act referred to as “compensation order”) requiring him to pay compensation for any personal
injury, loss or damage resulting from that offence or any other offence which is taken into consideration by the court
in determining sentence; or to make a payment for funeral expenses […]”

316
2. Les conséquences de la distinction de l’action civile et l’action publique

446. Une différence de parties à la réparation. Distinguer l’action civile et l’action


publique ne se limite pas à différencier leur finalité. En effet, la commission et les conséquences
d’une infraction impliquent plusieurs catégories de personnes qui ne sont pas concernées au
même titre par la punition et la réparation. En principe, l’action publique est exercée par le
ministère public contre la personne poursuivie, tandis que l’action civile est exercée par tous
ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction contre
l’auteur de celle-ci964. Or la finalité réparatrice de l’action civile vient élargir ce principe. Le
dommage causé par une infraction crée, à l’encontre de l’auteur de l’infraction, une dette civile
de réparation, et à l’encontre de la victime, une créance965. Ainsi, l’action civile est transmise aux
héritiers de la victime à son décès. La victime peut aussi, de son vivant, la céder à un tiers ou à
ses créanciers. La dette de réparation peut être exercée contre les héritiers de l’auteur ou les tiers
civilement responsables, en cas d’irresponsabilité pénale de celui-ci. Amputée de sa nature
civile, la réparation n’aurait pas pu, au pénal, concerner autant de victimes et de responsables.

447. Une réparation accessoire. L’action civile et l’action publique étant deux actions
séparées, le législateur français accorde un droit d’option aux victimes d’infraction. Elles
peuvent exercer l’action civile en même temps que l’action publique devant le juge pénal, ou
l’exercer devant une juridiction civile, séparément de l’action publique 966. La loi de
programmation 2018-2022 et de reforme pour la justice du 23 mars 2019 a même introduit une
nouvelle option : la possibilité pour la victime de se désister de l’action civile afin de se
constituer partie civile967.

Un droit d’option existe aussi en droit libanais, comme dispose l’article 6 du Code de procédure
pénale : « l’action en constitution de partie civile peut être intentée consécutivement à l’action
publique par devant la juridiction saisie de celle-ci ; de même qu’il est possible de l’intenter

964
Art. 2 et 3 C. pr. pén. français.
965
Bernard BOULOC, Précis, Procédure pénale, 24e éd., Dalloz, p.275 et s.
966
Art. 3 et 4 C. pr. pén. français. Art. 8 C. pr. pén. libanais.
967
Art. 85 C.pr.pén.

317
indépendamment, par devant les juridictions civiles ». Ce droit d’option, sorte de reliquat de
l’époque où l’action pénale recherchait la réparation du dommage, entraîne des conséquences
quant à la coordination des deux actions. Lorsque l’action civile est exercée devant une
juridiction pénale, il est question du caractère accessoire de cette action par rapport à l’action
publique968. Le terme accessoire signifie que la réparation vient postérieurement au jugement sur
la responsabilité pénale. La réparation au pénal dépend ainsi, en principe, de la déclaration de
responsabilité969. De même, lorsque l’action civile est portée devant une juridiction civile après
la mise en mouvement de l’action publique, le principe d’accessoire demeure : le criminel tient le
civil en l’état970. Ce principe qui obligeait le juge civil à sursoir à statuer a, depuis la loi du 5
mars 2007, une portée limitée à la seule réparation. En effet, l’article 4 du Code de procédure
pénale dispose qu’il est sursis au jugement de l’action civile en réparation du dommage
directement causé par l’infraction mais que la mise en mouvement de l’action publique n’impose
pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile 971. Dès lors,
on peut se permettre d’affirmer, quoique timidement, que c’est la réparation qui est accessoire à
l’action publique et non l’action civile dans sa globalité. Distinguer ainsi la réparation et l’action
civile peut paraître risqué, mais cette idée se confirme au regard de la remise en cause de la
distinction de l’action civile et l’action publique.

B. La remise en cause de la distinction de l’action civile et l’action publique

448. En droit français, la distinction de l’action civile et de l’action publique sur la base
de leurs finalités respectives, la réparation et la punition, n’est plus aussi tranchée depuis que
l’action publique s’est ouverte aux revendications des victimes972. L’action publique est depuis

968
Doreid BECHERAOUI, « La place de la victime dans le procès pénal en droit libanais », Revue internationale de
droit comparé, 2007, n° 4, p.891.
969
Il existe aujourd’hui une exception à ce principe, voir infra n°462.
970
Pour plus de développements sur ce principe: Bernard BOULOC, Précis, Procédure pénale, 24e éd., Dalloz,
p.321 et s.
971
On distingue désormais entre les actions civiles et les actions à fin civiles. Depuis cette réforme législative, la
jurisprudence abonde, voir par exemple : Cass. 1ère civ. 20 septembre 2017, n°16-19.643, Procédures n°11,
Novembre 2017, comm. 260.
972
Pour une approche critique : Patricia HENNION-JACQUET, « L'indemnisation du dommage causé par une
infraction : une forme atypique de réparation ? Dommages et intérêts, classement sous condition de réparation,
sanction-réparation », RSC, 2013, p.517. Eric MATHIAS, « Action pénale privée: cent ans de sollicitude. A propos

318
détournée de son objectif initial (1). L’introduction de la réparation dans le procès pénal change
la dynamique du procès. L’action civile portée devant le juge pénal finit par devenir une fausse
action en réparation (2).

1. Une action publique détournée

449. Le pouvoir d’action de la victime. La victime, partie civile au procès pénal, peut
s’y joindre par voie d’intervention, lorsque le ministère public a déjà exercé l’action publique, et
par voie d’action, en cas d’inertie du parquet. Depuis le célèbre arrêt Laurent-Atthalin du 8
décembre 1906, toute personne qui se prétend victime d’une infraction pénale peut déclencher
l’action publique, nonobstant l’inertie voire l’opposition du parquet, en déposant auprès du juge
d’instruction une plainte avec constitution de partie civile 973. Ce pouvoir accordé aux victimes
est aussi consacré en droit libanais : l’article 7 al.2 du Code de procédure pénale dispose que la
victime, en se constituant partie civile, met en mouvement l’action publique si le ministère public
ne l’a pas fait. Cette jurisprudence qui n’a pas été remise en cause pendant plus de cent ans est
toujours perçue par certains comme une victoire légitime pour les victimes 974.

Pourtant, ce partage du pouvoir de poursuites, permis par la jurisprudence, remet sérieusement en


cause la distinction établie entre une action civile réparatrice et une action publique répressive.
En effet, la victime peut obtenir réparation de ses préjudices auprès des juridictions civiles, le
déclenchement des poursuites ne peut alors être motivé que par un esprit de vengeance 975. Il est
vrai que les victimes ont un certain attrait pour le procès pénal et pour ses avantages en matière
de célérité, de frais et de recherche de preuves 976. Mais cela ne suffit pas pour empêcher de

de la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale », Procédures, 2007, étude 6. Jocelyne
LEBLOIS-HAPPE, « Continuité et discontinuité dans les nouvelles réformes de la procédure pénale », JCP, 5
septembre 2007, n° 36.
973
Cass. crim, 8 décembre 1906, Laurent-Atthalin: D. 1907, I, p.207. Jean PRADEL et André VARINARD, Les
grands arrêts du droit pénal général, 5e éd., Dalloz, 2005, n°7.
974
Jean PRADEL, « Les suites législatives de l'affaire dite d'Outreau. A propos de la loi n°2007-291 du 5 mars
2007», JCP, 14 avril 2007, doct.138.
975
Xavier PIN, « La privatisation du procès pénal », Revue de sciences criminelles, 2002, p.245. Yvonne
LAMBERT-FAIVRE, « L'éthique de la responsabilité », RTD civ., 1998, p.1.
976
Charlotte DUBOIS, Responsabilité civile et responsabilité pénale. A la recherche d'une cohérence perdue,
L.G.D.J., 2016, [Thèse, Paris II].

319
qualifier leur démarche d’« action pénale privée »977. En France, il a fallu près d’un siècle et le
drame de l’affaire d’Outreau pour mettre un terme aux effets néfastes de la constitution de partie
civile. En effet, le pouvoir d’action accordée aux victimes engendrait des constitutions abusives
ou dilatoires de partie civile 978. La loi du 5 mars 2007 a ainsi modifié l’article 85 du Code de
procédure pénale français pour limiter le pouvoir accordé aux victimes et les obliger à passer par
le parquet avant de saisir le juge d’instruction. En matière de délits, ces dernières ne pourront
déposer plainte avec constitution de partie civile qu’à condition qu’elles justifient soit que le
procureur de la République leur a fait connaître qu’il n’engagera pas lui-même des poursuites,
soit qu’un délai de trois mois s’est écoulé depuis qu’elles ont déposé plainte devant ce
magistrat979. Les conséquences de cette réforme législative sur le plan du pouvoir d’action des
victimes seront fortement réduite par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la
justice en date du 23 mars 2019 qui, par dérogation à l’article 5 du Code de procédure pénale,
permet à la victime qui a exercé son action devant une juridiction civile de se constituer partie
civile devant le juge d’instruction après s’être désistée de l’instance civile 980.

450. La répression à tout prix. Malgré les limites posées par la loi pour empêcher les
dérives, la faculté accordée aux victimes de déclencher les poursuites pénales au même titre que
le procureur de la République a des conséquences non négligeables. Cette faculté remet d’abord
en cause le pouvoir d’apprécier l’opportunité des poursuites dont jouit le procureur de la
République. Une décision de classement sans suite n’empêchera pas la victime de déposer
plainte avec constitution de partie civile, ce qui peut être préjudiciable pour la célérité de la
justice981. Ensuite, en ce qui intéresse cette recherche, il est surprenant que le recours du
procureur de la République à des mesures alternatives réparatrices n’empêche pas la victime de

977
Eric MATHIAS, « Action pénale privée: cent ans de sollicitude. A propos de la loi du 5 mars 2007 tendant à
renforcer l'équilibre de la procédure pénale », Procédures, 2007, étude 6.
978
Jean PRADEL, « Les suites législatives de l'affaire dite d'Outreau. A propos de la loi n°2007-291 du 5 mars
2007», JCP, 14 avril 2007, doct.138.
979
Ce délai ne pouvait pas être imposé en matière criminelle, au regard de l’importance du préjudice subi par la
victime. Dans ce cas, la victime peut directement déposer une plainte avec constitution de partie civile.
980
Art. 85 C. pr. pén.
981
En 2006, lors des travaux préparatoires relatifs au projet de loi tendant à renforcer l’équilibre de la procédure
pénale, il était fait allusion qu’en 2005, près de 80% des informations ouvertes sur plainte avec constitution de partie
civile s’achèvent par une ordonnance de non-lieu. Ces informations constituaient le quart du total des ouvertures
d’informations, ce qui constitue un poids non négligeable dans la charge de travail des magistrats. A ce sujet : Guy
GEOFFROY, Rapport A.N. n°3505, en ligne : <www.assemblee-nationale.fr>.

320
déposer une plainte avec constitution de partie civile. En effet, l’article 85 du Code de procédure
pénale permet à la victime de déclencher l’action publique en cas de classement sans suite par le
procureur, en cas d’inaction de ce dernier pendant un délai de six mois ou en cas d’absence de
volonté d’engager des poursuites. La loi du 23 mars 2019 vient accentuer ce droit en modifiant
l’article 85 pour permettre à la victime de se désister de l’instance civile dans les délais prévus
afin de porter son action devant le juge pénal. Or lorsque le procureur décide de ne pas engager
de poursuites mais d’avoir recours à des mesures alternatives réparatrices, il ne laisse pas
l’infraction sans suite. L’action consécutive de la victime vient ainsi mettre un frein à
l’engagement du procureur en faveur d’une alternative réparatrice. La démarche de la victime a
sans aucun doute un caractère vindicatif, nous ne nous engagerons pas dans la distinction faite
par FAUSTIN-HELIE selon qui la victime « appelle le châtiment, elle ne le requiert pas »982. La
victime exprime ainsi sa volonté de ne pas se limiter à la réparation dont elle aurait pu bénéficier
grâce à la mesure alternative. Pourtant, le rapport de la mission Magendie préconisait que la
constitution de partie civile par voie d’action ne puisse être possible qu’en cas de classement
sans suite983. Il est regrettable que cette recommandation n’ait pas été entendue par le législateur.
Cette constatation ne fait que conforter le point de vue selon lequel l’action civile est une fausse
action en réparation.

2. Une fausse action en réparation

451. Une action civile indifférente à la réparation. La question de la double nature de


l’action civile ne fait plus débat de nos jours. Il est désormais admis que l’action civile a une
nature mi- réparatrice, mi- répressive984. Déjà, en 1863, FAUSTIN-HELIE admettait que
« l’action civile a souvent pour mobile principal la punition même de l’infraction, l’application
de la peine qui, seule, venge l’injure ou rassure la victime. Elle plaide en réalité pour la peine en

982
M. FAUSTIN-HELIE, Traité de l'instruction criminelle, 1865, t. II, p.180.
983
Sur lequel se sont basés les travaux préparatoires à la loi du 5 mars 2007, Jean-Claude MAGENDIE, Célérité et
qualité de la justice, la gestion du temps dans le procès, ministère de la Justice, 2004, en ligne :
<www.presse.justice.gouv.fr>.
984
Fernand BOULAN, « Le double visage de l'action civile exercée devant la juridiction répressive », JCP, 1973,
n° I, doct.2563.

321
plaidant pour une réparation pécuniaire »985. L’arrêt Laurent-Atthalin a ouvert la voie en
permettant aux victimes de déclencher les poursuites par voie d’action devant le juge
d’instruction986. Ce dépôt de plainte, sous couvert de prétentions civiles, met en mouvement
l’action publique. Depuis, en droit français, plusieurs éléments permettent d’affirmer que l’action
civile est indifférente à la réparation. En premier lieu, la victime peut se constituer partie civile
sans user de son droit de demander réparation. C’est la jurisprudence de la chambre criminelle de
la Cour de cassation qui a dissocié le droit de se constituer partie civile du droit de demander
réparation. L’arrêt Charrat ouvre la voie en admettant que la constitution de partie civile ne
préjuge en rien de l’existence du droit à réparation qui sera soumis à la juridiction de
jugement987. L’arrêt Boyoud entérinera, par une interprétation prétorienne, la distinction de la
recevabilité de l’action civile et du droit à réparation et précisera en ce qui concerne l’article 418
du Code de procédure pénale « qu’après avoir reconnu dans son premier alinéa à toute personne
qui, conformément à l’article 2 du même Code, prétend avoir été lésé par un délit, le droit de se
constituer partie civile devant la juridiction de jugement, ledit article, dans son alinéa 3, accorde
à la partie civile ainsi constituée, la faculté, distincte de ce droit et dont elle est libre de ne pas
user, de demander réparation de son préjudice »988. Depuis, il est admis que « l’intervention
d’une partie civile peut n’être motivée que par le souci de corroborer l’action publique et
d’obtenir que soit établie la culpabilité du prévenu »989. Cette jurisprudence conduit certains à
distinguer une action civile à fins patrimoniales, tendant à la réparation du dommage causé, de
l’action civile à fins extrapatrimoniales qui a pour but de corroborer l’action publique990. La
demande de réparation vient alors changer la nature de l’action civile.

985
M. FAUSTIN-HELIE, Traité de l'instruction criminelle, 1863, t. I, p.552.
986
Ch. Criminelle, 8 décembre 1906, Placet, dit Laurent-Atthallin. Depuis, le procureur n’a plus le pouvoir
discrétionnaire de mise en œuvre des poursuites.
987
Cass. Crim. 16 mars 1964, J.C.P. 1964. II. 13744, note A.P.; RTD civ. 1964 p.748, obs. R. Rodière selon qui :
« l’action civile intentée devant les juridictions répressives n’est pas une action en réparation civile et l’on a pu
montrer que les victimes avaient gagné au mouvement récent, au terme duquel cette action civile présente d’abord
un caractère pénal ».
988
Cass. Crim. 15 octobre 1970, D. 1970, 733, note Costa; RTD civ. 1971 p.190, obs. Hébraud. Voir aussi : Claire
ROCA, De la dissociation entre la réparation et la répression dans l'action civile exercée devant les juridictions
répressives, Dalloz, 1991, p.85. Roger MERLE, « La distinction entre le droit de se constituer partie civile et le droit
d'obtenir réparation du dommage causé par l'infraction (consolidation, mise au point, ou fluctuations?) », in Droit
pénal contemporain, Mélanges en l'honneur d'André Vitu, Editions Cujas, 1997, p.399.
989
Cass. Crim. 8 juin 1971, D. 1971, note Maury. Cass. Crim. 17 janvier 1991, Dr. pénal 1991, Comm. 122, obs.
Maron.
990
Bernard BOULOC, Précis, Procédure pénale, 24e éd., Dalloz, p.221.

322
En second lieu, l’action civile de la victime est acceptée par la juridiction même si cette dernière
est incompétente pour statuer sur la réparation. C’est le cas notamment en matière de transport
aérien, de transport maritime, de transports routiers internationaux de marchandises, d’accidents
d’origine nucléaire, d’accidents du travail, de faute d’un fonctionnaire non détachable de son
service, d’entreprises en difficulté et de liquidation judiciaire991. La victime peut aussi se
constituer partie civile même si son dommage a déjà été réparé, par son assureur ou par
transaction992. N’ayant plus d’intérêt civil à la poursuite pénale, la victime aurait toujours un
intérêt moral993. L’action civile semble donc bien indifférente, au stade de sa constitution, à la
notion de réparation.

452. Des associations parties civiles. Le caractère répressif de l’action civile se retrouve
aussi dans l’action civile des associations. Les articles 2.1 et suivants du Code de procédure
pénale accordent à certaines catégories d’associations spécifiquement mentionnées la possibilité
« d’exercer les droits reconnus à la partie civile ». Une partie de ces articles fondent la réparation
sur le préjudice causé à la mission de l’association alors que d’autres ne font pas mention de ce
préjudice. Dans cette hypothèse, la jurisprudence accepte la constitution de partie civile
d’associations même si elles n’allèguent pas avoir subi de préjudice 994. Comme leur constitution
de partie civile déclenche l’action publique, leur rôle s’apparente largement à celui du ministère
public. Leur action a donc une visée répressive indéniable 995.

En ce qui concerne les fédérations sportives, la Cour de cassation admet qu’elles se constituent
partie civile lorsque l’infraction en cause est de nature à porter atteinte à la régularité des
compétitions qu’elles organisent ainsi qu’au respect des règles techniques et déontologiques de
leurs disciplines996. Cette jurisprudence a été consacrée par la loi n°2000-627 du 6 juillet 2000
qui accorde aux fédérations sportives agréées le droit de se constituer partie civile pour des
991
Pour plus de détails sur chaque situation: Encyclopédie Dalloz, Action civile.
992
Assureur : Cass. Crim. 28 mai 1998, n°97-80.970, Bull. crim. n°176. Transaction : Cass. Crim. 29 avril 1996,
n°95-85.038, Bull. crim. n°166.
993
Roger MERLE, « La distinction entre le droit de se constituer partie civile et le droit d'obtenir réparation du
dommage causé par l'infraction (consolidation, mise au point, ou fluctuations?) », in Droit pénal contemporain,
Mélanges en l'honneur d'André Vitu, Editions Cujas, 1997, p.399.
994
Cass. Crim. 1 décembre 1981, Bull. crim. n°317.
995
Claire ROCA, De la dissociation entre la réparation et la répression dans l'action civile exercée devant les
juridictions répressives, Dalloz, 1991, p.85. Xavier PIN, « La privatisation du procès pénal », Revue de sciences
criminelles, 2002, p.245.
996
Cass. Crim. 4 février 1997, Bull.crim. n°45.

323
atteintes directes ou indirectes à l’intérêt collectif de leurs licenciés et de leurs associations
respectives. Cette faculté accordée aux fédérations est cependant limitée en matière de dopage.
Le Conseil constitutionnel a en effet considéré qu’il était contraire aux droits de la défense
qu’une autorité investie d’un pouvoir de sanction puisse, à l’égard de la même personne et pour
les mêmes faits, se constituer partie civile car leur intérêt n’est pas distinct de l’intérêt général997.
Les fédérations ne peuvent donc se constituer partie civile en cas de dopage parce qu’elles ne
peuvent prétendre à un droit à réparation.

453. Euro symbolique et symbolique de la réparation. Une dernière illustration du


caractère répressif de l’action civile se trouve dans le cas où la victime demande un euro
symbolique en dommages-intérêts. Or les dommages-intérêts sont évalués en fonction du
préjudice subi par la victime. L’euro symbolique équivaut donc à l’absence de réparation
pécuniaire du préjudice. On retrouve ici le symbolisme de la réparation recherchée par la
victime, une réparation morale qui est tributaire de la sanction de l’auteur de l’infraction. J.
GARNIER définissait cette réparation morale en ces termes : « la réparation, à un certain stade,
se situe non point sur le plan pécuniaire, mais sur le terrain purement affectif. La personne
diffamée, celle dont l’honneur a été mis à mal, celle qui a souffert dans son cœur ou dans sa
sensibilité, retrouve une âme primitive et demande, à titre de réparation, la souffrance et
l’humiliation du coupable. Nous atteignons là au but véritable de l’action civile portée devant les
juridictions répressives : exercer une vengeance. La première réparation offerte à la victime,
c’est de contraindre son adversaire à affronter la juridiction pénale »998.

454. Au regard des arguments exposés ci-dessus, l’action civile n’est donc pas
nécessairement une action en réparation. M. van de KERCHOVE parle d’un « intérêt privé à la
répression » et d’un « intérêt public à la réparation »999. Définir l’action civile comme une action
en réparation du dommage c’est se rattacher inutilement aux principes qui ont permis de la
distinguer initialement de l’action publique, principes qui souffrent aujourd’hui d’un grand
997
Cons. const. n°89-260, 28 juillet 1989.
998
J. GARNIER, J.C.P. 1957, p.1386.
999
Michel VAN DE KERCHOVE, « L'intérêt à la répression et l'intérêt à la réparation dans le procès pénal », in
Droit et intérêt, sous la dir. de P. GERARD, F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, Publications des facultés
universitaires Saint-Louis, 2002, p.83.

324
nombre d’exceptions. La doctrine hostile à l’intrusion des victimes au sein de l’action pénale et
qui dénonce un dévoiement de l’action civile reste attachée dans sa réflexion à l’image d’une
action civile réparatrice1000. Se délaisser de cette nature, aujourd’hui factice, de l’action civile
permettrait de l’envisager sous un autre angle. L’action civile serait simplement l’action par
laquelle la victime de l’infraction déclenche l’action publique ou se joint à cette dernière pour
devenir partie au procès pénal. La victime peut joindre à cette action une demande en réparation.

II. La réparation, indice de rapprochement de l’action civile et de l’action publique

455. Outre le fait de distinguer l’action publique de l’action civile, la réparation joue le
rôle d’indice de rapprochement entre ces deux actions. Elle permet de déterminer le degré de
rapprochement ou inversement le degré d’éloignement entre l’action civile et l’action publique.
D’une part, la réparation établit une connexion entre l’action civile et l’action pénale (A).
D’autre part, elle marque la scission entre la responsabilité civile et la responsabilité pénale (B).

A. La connexion entre l’action civile et l’action pénale

456. En droit anglais, l’action civile est toujours portée devant le juge civil, donc la
question du rapprochement de l’action publique et l’action civile ne se pose pas. En droit
français, la réparation établit un lien entre l’action publique et l’action civile lorsque cette
dernière est portée devant les juridictions civiles. Elle relie ces deux actions et crée une certaine
dépendance entre les jugements des juridictions civiles et pénales. Ce lien s’explique d’une part,
par le fait que l’action civile en réparation vise un dommage causé par une infraction pénale (1)
et d’autre part, par le principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal (2).

1000
Eric MATHIAS, « Action pénale privée: cent ans de sollicitude. A propos de la loi du 5 mars 2007 tendant à
renforcer l'équilibre de la procédure pénale », Procédures, 2007, étude 6.

325
1. La réparation du dommage causé par une infraction pénale

457. De la prescription de l’action civile et de l’action publique. L’infraction pénale


est le fait générateur de l’action civile, elle relie ainsi de manière éternelle l’action civile et
l’action publique. L’action civile en réparation portée devant le juge civil vise un dommage
causé par une infraction pénale. La réparation est liée au dommage. Des points communs et des
liens devraient donc exister entre l’action publique et l’action civile, lorsque cette dernière est
portée devant le juge civil. La prescription de l’action constitue un exemple de ces liens qui
finissent par s’estomper du gré des réformes législatives. Antérieurement à la loi du 23 décembre
1980, les prescriptions des actions civiles et pénales étaient identiques. Il n’y avait donc pas de
différence, sur le plan de la prescription, selon que l’action civile était intentée devant une
juridiction pénale ou une juridiction civile, ce qui est cohérent car la prescription devrait être
fondée sur le fait générateur et sa gravité et non sur la juridiction qui reçoit la demande en
réparation de la victime, sauf à considérer que l’action civile portée devant le juge pénal n’est
pas la même que l’action civile portée devant le juge civil ! Or depuis la loi de 1980, l’article 10
alinéa 1 du Code de procédure pénale dispose que « lorsque l’action civile est exercée devant une
juridiction répressive, elle se prescrit selon les règles de l’action publique. Lorsqu’elle est
exercée devant une juridiction civile, elle se prescrit selon les règles du Code civil ». De manière
formelle, cette distinction des délais de prescription devrait contribuer à éloigner l’action civile
en réparation de l’action publique pour la sanction de l’infraction. Pratiquement, cette réforme
était voulue à l’époque pour favoriser la réparation car la prescription de droit commun en droit
civil était de trente ans1001. C’était sans compter sur les réformes législatives du 17 juin 2008 et
du 27 février 2017. La première réforme a réduit le délai de prescription en matière civile de
trente à cinq ans pour les actions personnelles ou mobilières et à 10 ans en cas de dommage
corporel1002. La deuxième réforme a doublé les délais de prescription de l’action publique des
crimes et des délits1003. Depuis, le délai de prescription des délits est porté à six ans, soit un an de

1001
Michel ROGER, « La réforme du délai de prescription de l'action civile », Dalloz 1981, chron. 175.
1002
Loi n°2008-561, articles 2224 et 2226 C.civ. Bénédicte FAUVARQUE-COSSON et Jérôme FRANÇOIS,
«Commentaire de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile », Dalloz, 2008 .2512.
1003
Loi n°2017-242 du 27 février 2017.

326
plus que pour l’action personnelle en réparation portée devant une juridiction civile 1004. Notons
aussi que pour certaines infractions, la prescription est allongée, comme en matière de violences
sexuelles sur mineur. La prescription a été portée à 30 ans à compter de la majorité des victimes,
afin de leur donner le temps de trouver le courage de dénoncer les actes qu’elles ont subis1005.

La prescription pénale renforce ainsi le lien entre l’action publique et l’action civile et encourage
les victimes à porter leurs revendications devant le juge pénal. Le doublement des délais de
prescription allonge les délais de constitution de partie civile et rattache un peu plus la réparation
au juge pénal. On hésite à dire si la réparation sort gagnante de ces réformes.

En droit libanais, l’article 10 alinéa 8 du Code de procédure pénale dispose que l’action civile se
prescrit selon les règles du droit civil, soit un délai de droit commun de dix ans et des délais
d’exception pour des catégories particulières d’infraction 1006. La prescription de l’action
publique a pour délai dix ans en matière criminelle, six ans en matière délictuelle et un an en
matière contraventionnelle. Porter l’action civile en réparation en matière délictuelle devant le
juge civil est donc plus favorable à la victime.

458. Du cumul des réparations. La fonction réparatrice aujourd’hui attribuée au droit


pénal rend possible l’éventualité d’un cumul des réparations lorsque l’action civile est portée
devant le juge civil et qu’une réparation est accordée par le juge pénal en l’absence de
constitution de partie civile. Malgré la dualité d’action, cette éventualité reste impossible selon la
doctrine car elle contredirait le principe de la réparation intégrale 1007. Si l’on prend par exemple
le cas de la sanction-réparation choisie par le juge en l’absence de partie civile au procès pénal,
la victime se verra attribuer une réparation qui ne l’empêche pas en principe de saisir une
juridiction civile. C’est lors du jugement de cette juridiction que la question du cumul des
réparations se pose. La réponse dépendra de l’appréciation de la réparation intégrale par le juge

1004
Pourtant, la mission d’information de la commission des lois du Sénat sur le régime des prescriptions civiles et
pénales avait recommandé d’allonger la prescription en matière délictuelle à cinq ans (recommandation n°4).
Consulter à cet effet : HYEST, PORTELLI et YOUNG, Pour un droit de la prescription moderne et cohérent,
Rapport d'information n°338, 2007, en ligne : <www.senat.fr>. Jean-Jacques HYEST, « Le régime des prescriptions
civiles et pénales », Dalloz 2007 .1944.
1005
Art. 1er de la loi du 3 août 2018 modifiant l’art. 7 C.pr.pén.
1006
Art. 344 à 361 du Code des obligations et des contrats.
1007
David DECHENAUD, « Les concours de responsabilité civile et de responsabilité pénale », Responsabilité
civile et assurances, Février 2012, n° 2, dossier 5.

327
civil. Le juge pénal peut avoir choisi, afin de personnaliser la peine, des modalités de réparation
qui ne prennent pas en compte la totalité des préjudices. La victime pourra ainsi recevoir une
réparation complémentaire devant une juridiction civile. Le cumul des réparations est aussi
difficile par l’application du principe « le criminel tient le civil en l’état ». La juridiction civile ne
pourra prononcer de réparation avant le jugement pénal qui peut désormais prendre la main en
matière de réparation et devancer le juge civil sur son propre domaine de compétence.
Cependant, certaines prérogatives du juge civil ne sont pas soumises au principe « le criminel
tient le civil en l’état ». L’article 5-1 du Code de procédure pénale dispose que si le demandeur
s’est constitué partie civile devant la juridiction répressive, la juridiction civile, saisie en référé,
demeure compétente pour ordonner toutes mesures provisoires relatives aux faits qui sont l’objet
des poursuites, lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable 1008. La
victime peut ainsi obtenir la restitution d’un objet ou le versement de provisions sur
l’indemnisation de ses préjudices avant toute condamnation pénale. Ceci devrait être pris en
compte par le juge pénal lors de son évaluation de la réparation en réponse à la constitution de
partie civile.

2. L’autorité au civil de la chose jugée au pénal

459. L’autorité de la chose jugée au pénal sur la réparation au civil. La primauté du


criminel sur le civil s’exprime d’abord par le principe « le criminel tient le civil en l’état » et
ensuite l’autorité au civil de la chose jugée au pénal. Si le juge civil sursoit à statuer dans
l’attente du jugement pénal, c’est que ce jugement aura une influence sur sa décision. Le
jugement pénal est le fondement de l’indemnisation par le juge civil, lequel est lié par ce qui a
été décidé par le juge pénal1009. Le principe jurisprudentiel selon lequel la chose jugée au
criminel a autorité sur le civil n’a été consacré par aucun texte formel. La jurisprudence en a
cependant explicité le sens : « il n’est plus permis au juge civil de méconnaître ce qui a été
nécessairement et certainement décidé par le juge criminel sur l’existence du fait incriminé qui
forme la base commune de l’action civile et de l’action pénale, sur sa qualification et la

1008
Sur l’interprétation de l’obligation sérieusement contestable: Cass. 2e civ. 28 sept. 2000, pourvoi c/ CA
Montpellier, Droit pénal n° 12, Décembre 2000, comm. 141.
1009
Bernard BOULOC, Précis, Procédure pénale, 24e éd., Dalloz, p.329.

328
culpabilité de celui à qui le fait est imputé »1010. Le juge civil ne peut donc entrer en
contradiction avec le jugement pénal. Le caractère nécessaire et le caractère certain de la
décision du juge criminel sont les critères qui permettent au juge civil de déterminer s’il doit
subir ou non l’autorité de la chose jugée au pénal. De plus, les faits constitutifs de l’infraction, la
qualification et la culpabilité du condamné, qui ont fondé le jugement pénal, ne peuvent être
remis en cause par le juge civil. En ce qui concerne la réparation, le juge civil tire les
conséquences de la condamnation pénale pour attribuer des dommages-intérêts aux victimes. La
réparation suit la condamnation. De même, une mesure de réparation ordonnée au pénal ne peut
aussi être remise en cause par le juge civil. Cependant, lorsque les caractères nécessaire et certain
de la décision font défaut, l’autorité de la chose jugée au pénal se retrouve affaiblie 1011.

460. L’autorité de la chose jugée au pénal n’affecte pas toujours la réparation au


civil. La réparation des préjudices ordonnée par le juge civil n’est pas toujours reliée à une
décision pénale. En effet, deux exceptions à l’autorité de la chose jugée existent et affectent
directement la réparation. La première concerne l’ordonnance pénale qui, selon l’article 528-1 du
Code de procédure pénale, n’a pas l’autorité de la chose jugée à l’égard de l’action civile en
réparation des dommages causés par l’infraction, même si elle a en principe les effets d’un
jugement passé en force de chose jugée. La seconde concerne la composition pénale qui, selon la
jurisprudence, est rendue « sans débat contradictoire à seule fin de réparer le dommage, l’action
publique étant seulement suspendue »1012.

L’absence du caractère nécessaire de certains éléments du jugement pénal les prive aussi de
l’autorité au civil. C’est le cas de toutes les constatations surabondantes que le juge répressif
n’est pas obligé de faire pour justifier sa décision. Le juge pénal étant le juge de la sanction, les
éléments nécessaires à son jugement sont ceux reliés à la constitution de l’infraction. Ainsi, la
détermination de la victime, l’existence et l’étendue du préjudice ne sont pas considérées comme

1010
Civ. 23 mars 1953, D. 1953. 363, JCP 1953. II. 7637, note Savatier.
1011
Certains vont même jusqu’à demander la fin du principe: Véronique TELLIER, « En finir avec la primauté du
criminel sur le civil! », RSC, 2009, p.797.
1012
« Composition pénale: pas d'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil - Cour de cassation, soc. 13 janvier
2009 », D. 2009 .709.

329
nécessaires1013. Le juge civil reste donc libre d’évaluer le préjudice. Les modalités de la
réparation ne subissent pas l’autorité de la chose jugée du criminel, seul le principe et le moment
de la réparation dépendent de la survenance d’une condamnation pénale. Cette affirmation
souffre pourtant d’exceptions sur le plan des responsabilités civile et pénale.

B. La scission entre la responsabilité civile et la responsabilité pénale

461. Par principe, l’établissement de la responsabilité pénale entraînait de facto une


responsabilité civile. La responsabilité est la conséquence juridique de l’infraction. Elle est
définie comme « l’obligation de répondre des conséquences de ses actes »1014. Pour qu’il y ait
responsabilité pénale, il faut établir la culpabilité du délinquant et l’imputabilité de l’acte. Dans
certaines situations, l’infraction ne peut être imputable à l’auteur des faits, il n’y a donc plus de
responsabilité pénale. Dans d’autres situations, c’est la faute pénale qui ne peut être établie.
L’absence de faute pénale, donc l’absence de culpabilité, implique l’absence de responsabilité
pénale. Dans ces deux cas, la corrélation entre responsabilité pénale et responsabilité civile
empêcherait la réparation de faits qui ont pourtant eu des conséquences pour les victimes. Le
législateur français a donc prévu des situations où la réparation est possible malgré l’absence
d’imputabilité pénale (1) et malgré l’absence de faute pénale (2).

1. La réparation en l’absence d’imputabilité pénale

462. La réparation en l’absence de condamnation. Le législateur français a ouvert des


possibilités de réparation des suites d’une infraction même en l’absence d’imputabilité pénale de
l’acte à l’auteur des faits. La réparation vient délier dans ces cas la responsabilité pénale de la
responsabilité civile. En effet, en matière criminelle, l’article 372 du Code de procédure pénale
permet à la partie civile de demander réparation du dommage résultant de la faute de l’accusé,
telle qu’elle résulte des faits qui sont l’objet de l’accusation, dans le cas d’acquittement ou dans

1013
Bernard BOULOC, Précis, Procédure pénale, 24e éd., Dalloz, p.1127. Raphaële PARIZOT, « Principe de
l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal: à certaines conditions », RSC, 2018, p.125.
1014
Bernard BOULOC, Droit pénal général, 25e éd., Dalloz, 2017, p.348.

330
celui d’exemption de peine. La réparation ne fait donc pas suite à la peine dans ce cas, elle lui est
indépendante, malgré le fait qu’elle soit prononcée par le juge pénal. En matière délictuelle,
l’article 470-1 du Code de procédure pénale dispose que le tribunal saisi, à l’initiative du
ministère public ou sur renvoi d’une juridiction d’instruction, de poursuites exercées pour une
infraction non intentionnelle, et qui prononce une relaxe, demeure compétent pour accorder, à la
demande de la partie civile, et en application des règles du droit civil, réparation des dommages
résultants des faits qui ont fondé la poursuite. Ce texte reste limité aux infractions non
intentionnelles et aux cas où le tribunal est saisi à l’initiative du ministère public ou sur renvoi
d’une juridiction d’instruction. Il marque cependant le renforcement d’un droit à réparation des
victimes devant le juge pénal et une scission entre l’infraction et la réparation, cette-dernière
étant reliée dans ce cas à la faute civile1015.

463. La réparation sur la base de la faute. La référence à la faute comme base de la


réparation par le juge pénal a été mise en avant dans un arrêt de la chambre criminelle de la Cour
de cassation rendu le 5 février 2014 et savamment commenté par Laurent SAENKO1016. Dans
cette affaire, la partie civile avait fait appel d’un jugement de relaxe, à la suite duquel la cour
d’appel avait décidé d’accorder des dommages et intérêts à l’appelant sur la base de faits
présentant la matérialité d’un délit d’abus de confiance. La Cour d’appel fonde ainsi sa décision
sur une constatation que les juges du fond avaient rejeté. La Cour de cassation procède donc
judicieusement par une substitution de motifs en déclarant que « le dommage dont la partie
civile, seule appelante d’un jugement de relaxe, peut obtenir réparation de la personne relaxée
résulte de la faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objets de la poursuite »1017.
Cette décision rompt en quelque sorte avec le principe énoncé à l’article 2 du Code de procédure
pénale qui fonde l’action civile en réparation sur le dommage causé par l’infraction en
substituant à celui-ci la faute de l’accusé. On peut en conclure que lorsqu’il est fait appel d’un
jugement de relaxe par la partie civile, pour les seuls intérêts civils, la réparation est obtenue sur
la base d’une faute civile, même devant le juge pénal. La volonté du juge pénal d’accorder à tout

1015
Laurent SAENKO, « L'infraction, la faute et le droit à réparation », D. 2014, p.807.
1016
Idem.
1017
Sur l’explication des faits objets de la poursuite: Hélène DANTRAS-BLOY, « L'interprétation stricte de
l'infraction et le droit à réparation des victimes », D. 2014 .1188. AJ Pénal, « Les derniers rebondissements d'une
faute civile appréciée par un juge répressif - Cour de cassation, crim. 17 février 2016 », 2016, .436.

331
prix une réparation aux victimes le pousse à emprunter les principes du droit civil, au lieu de se
créer ses propres moyens. Ceci peut créer la confusion entre l’action civile en réparation et
l’action en réparation de l’article 1240 du Code civil et la confusion entre le rôle du juge pénal et
celui du juge civil. Cette volonté manifeste d’appropriation du droit à réparation par le juge pénal
conduit ici à oublier le fondement du droit pénal : l’infraction. Or, même pour les défenseurs de
l’intégration de la réparation comme objectif du droit pénal, celle-ci devrait se construire sur la
base de fondements propres, étrangers à toute confusion avec le droit civil.

La décision de la Cour de cassation mentionnée ci-dessus est dans la lignée d’un mouvement
plus large de référence à la faute qui prit son ampleur avec la consécration de la dualité des
fautes civiles et pénales.

2. La réparation en l’absence de faute pénale

464. Une dualité des fautes au service de la réparation. Le principe d’identité des
fautes civiles et pénales avait été consacré par l’arrêt Brochet et Deschamps le 12 décembre
1912. En l’absence d’une faute pénale, une faute civile ne pouvait être caractérisée sous peine de
contradiction avec le jugement pénal et de mise en danger de la présomption d’innocence. Cet
état de fait obligeait ainsi les magistrats à rechercher « des poussières de fautes » afin de pouvoir
indemniser les victimes1018. Or depuis la loi du 10 juillet 20001019, la dualité des fautes civiles et
pénales fut consacrée à l’article 4-1 du Code de procédure pénale qui marque une rupture avec le
principe d’identité des fautes. L’exercice d’une action devant les juridictions civiles en l’absence
de faute pénale non intentionnelle est ainsi possible afin d’obtenir la réparation d’un dommage
sur le fondement de l’article 1241 du Code civil si l’existence de la faute civile prévue par cet
article est établie ou en application de l’article L.452-1 du Code de la sécurité sociale si
l’existence de la faute inexcusable prévue par cet article est établie. Cette distinction déconnecte
la condamnation de la réparation, cette dernière devenant possible sur la base d’une faute civile.

1018
Patrice JOURDAIN, « Autorité au civil de la chose jugée au pénal et principe d'unité des fautes: la rupture est
consommée entre faute civile et faute pénale, mais l'est-elle totalement? », D. 2001, .2232. Yvonne LAMBERT-
FAIVRE, « L'éthique de la responsabilité », RTD civ., 1998, p.1.
1019
Loi du 10 juillet 2000 n°2000-647, D. 2000, Lég. p.325. Christine DESNOYER, « L'article 4-1 du code de
procédure pénale, la loi du 10 juillet 2000 et les ambitions du législateur: l'esprit contrarié par la lettre », Recueil
Dalloz, 2002, p.979.

332
Cependant, l’abandon du principe d’unicité des fautes n’est que partiel puisque seule la faute
pénale non intentionnelle est distinguée de la faute civile. Cette dualité joue en faveur de la
réparation car en dehors des cas de relaxe, la condamnation pénale impliquera nécessairement
une réparation, que ce soit devant le juge pénal – à travers l’action civile – ou devant le juge
civil, par l’autorité au civil de la chose jugée au criminel. L’article 4-1 du Code de procédure
pénale évince ainsi en quelque sorte l’autorité du criminel sur le civil en permettant au juge civil
d’accorder réparation pour des faits n’ayant pas été condamnés au pénal 1020. De plus, la dualité
des fautes permet une interprétation plus large de l’article 470-1 du même code dont la mise en
œuvre n’est plus limitée aux hypothèses de responsabilité sans faute 1021.

465. Les hypothèses de réparation par le juge pénal en application des règles du droit
civil et les hypothèses de réparation par le juge civil suite à une relaxe au pénal étirent le lien
entre la responsabilité civile et la responsabilité pénale au point de le rompre. Les grands
principes du droit pénal sont affaiblis par les exceptions adoptées par le législateur français afin
d’accorder réparation aux victimes dans toute situation. Cette recherche constante de la
réparation ne doit pas passer outre une réflexion profonde sur le sens de cette réparation et sa
place dans le droit pénal. Un changement de fond éviterait des modifications particulières par à-
coup qui ne font qu’affaiblir la cohérence du droit pénal. Une réflexion sur le sens de la
réparation comme accessoire de la peine paraît donc indispensable.

Section 2 : La réparation, accessoire de la peine

466. S’il est acquis en droit pénal français que la réparation est accessoire à l’action
publique, il est moins évident d’avancer que la réparation est un accessoire de la peine. Un
accessoire de la peine et non un accessoire à la peine, car la question que l’on se pose ici, est
celle de savoir si la réparation peut être un outil de sanction. La réparation, accessoire, viendrait
compléter ce qui est principal, la peine. De ce fait, la réparation aurait aussi un caractère pénal et

1020
Philippe BONFILS, « Consécration de la dualité des fautes civile et pénale non intentionnelles », D. 2004, .721.
André GIUDICELLI, « Principe de l'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil », RSC, 2003, p.125.
1021
Philippe BONFILS, « Consécration de la dualité des fautes civile et pénale non intentionnelles », D. 2004, .721.

333
non plus uniquement un caractère civil. En droit anglais, la réparation des dommages causés par
l’infraction ne peut être demandée que devant le juge civil. Le juge pénal peut cependant
accorder une indemnisation qui semblerait être une forme de réparation pénale. Cette mesure
prend la forme d’une peine complémentaire1022.

Sur la base de nos réflexions antérieures relatives à la réparation comme alternative et comme
composante de la justice pénale, et dans les situations où le juge pénal garde sa casquette de juge
pénal et n’agit pas selon les règles du droit civil, il conviendrait de se demander s’il est possible
de confirmer l’émergence d’une notion de réparation pénale en droit pénal français et de dégager
une définition spécifique à la réparation pénale. Plusieurs éléments permettent de militer en
faveur d’une notion de réparation pénale (I). D’autres facteurs freinent cette démarche et jouent
contre la définition d’une notion de réparation pénale (II).

I. Les éléments en faveur d’une notion de réparation pénale

467. L’observation de l’évolution du droit civil et du droit pénal en France révèle que le
premier se durcit pour ressembler au second et que le second ne se limite plus à sa fonction
punitive mais déborde sur le terrain réparateur du premier. Les manifestations de cette évolution
et de la fonction réparatrice du droit pénal ont déjà fait l’objet de plusieurs études 1023. Cependant,
ces études restent fondées sur l’affirmation que la réparation a une nature purement civile. De
cette affirmation, on conclut nécessairement que le droit pénal se civilise. Or il serait intéressant
de sortir de ce cadre et d’envisager la possibilité que la réparation puisse aussi avoir une nature
pénale, sans remettre en cause l’équilibre dans la répartition des fonctions du droit civil et du
droit pénal. Il faudra à cet égard envisager l’existence d’une notion de réparation pénale qui n’a
pas encore été conceptualisée, en définissant ses contours (A) et ses conséquences (B).

1022
Powers of Criminal Courts Sentencing Act , 2000, section 130.
1023
Charlotte DUBOIS, Responsabilité civile et responsabilité pénale. A la recherche d'une cohérence perdue.,
L.G.D.J., 2016, [Paris II]. Bertrand PAILLARD, La fonction réparatrice de la répression pénale, L.G.D.J, 2007,
[Université Panthéon-Assas].

334
A. Les contours de la notion de réparation pénale

468. La définition d’une nouvelle notion ne peut se faire isolément, sans liens avec
d’autres notions préexistantes. On ne peut cependant définir la réparation pénale par rapport à la
définition générale de la réparation car cela n’ôterait pas le risque de confusion avec la réparation
civile. De même, on ne pourrait pas définir la réparation pénale sur sa seule comparaison avec la
réparation civile car cela nous limiterait à les différencier sur la base des juridictions compétentes
pour les mettre en œuvre. La réparation en tant que telle n’est pas définie par le législateur mais
on la retrouve néanmoins associée à d’autres notions : le dommage, le préjudice et la victime.
C’est à partir de ces notions que nous espérons retirer une définition spécifique à la réparation
pénale, grâce à l’apport de la distinction entre dommage et préjudice (1) et à l’apport de la
distinction entre victime directe et indirecte (2).

1. L’apport de la distinction entre dommage et préjudice

469. La spécificité du dommage et du préjudice. Le débat sur la nécessité de distinguer


dommage et préjudice anime les chercheurs en droit privé et en droit public1024 car si leur
définition théorique est différente, ces deux termes sont souvent utilisés de manière identique en
droit positif1025. En effet, le droit romain les différenciait déjà : le damnum constituait l’atteinte
matérielle à l’intégrité de la chose et le praejudicium, les conséquences de cette atteinte sur la
victime1026. Le lexique juridique distingue aussi le dommage et le préjudice. Le dommage est
défini comme étant, au sens large, synonyme de préjudice, et au sens strict, « toute atteinte
certaine à un intérêt reconnu et protégé par le droit. Le dommage désigne alors le fait brut à

1024
Fabrice LEDUC, « Faut-il distinguer le dommage et le préjudice?: point de vue privatiste », Responsabilité
civile et assurances, Mars 2010, n° 3, dossier 3. Christine PAILLARD, « Faut-il distinguer le dommage et le
préjudice?: point de vue publiciste », Responsabilité civile et assurances, Mars 2010, n° 3, dossier 4.
1025
Loïc CADIET, « Les métamorphoses du préjudice », in Les métamorphoses de la responsabilité, Sixièmes
journées René Savatier, Presses universitaires de France, 199, p. 37 et s.
1026
Romain OLLARD, « La distinction du dommage et du préjudice en droit pénal », RSC, 2010, p.561.

335
l’origine de la lésion affectant la personne »1027. Il est distinct du préjudice qui correspond à la
conséquence de cette lésion, aux répercussions du dommage. A cette définition, la doctrine
ajoute plusieurs caractéristiques spécifiques : le dommage est un fait objectif alors que le
préjudice est une notion subjective « appréciée en fonction d’une personne déterminée »1028. Le
dommage est donc une notion indépendante de la victime et/ou de la partie civile. Un autre
critère de distinction réside dans le fait que le dommage est une notion factuelle alors que le
préjudice est le produit d’une qualification juridique1029. Le préjudice existe parce que le droit
accepte de le réparer. Ainsi, il ne peut y avoir de préjudice sans dommage et tout dommage ne
cause pas nécessairement de préjudice 1030. La spécificité du dommage et du préjudice se
manifeste aussi dans les cas de dommages collectifs qui sont indépendants des préjudices
individuels causés aux victimes, comme c’est le cas du dommage écologique 1031. M. Fabrice
LEDUC a tenté de caractériser le dommage comme une donnée autonome mais il s’est heurté à
une limite qui rend la distinction impraticable. En effet, lorsque le dommage est corporel ou
matériel, la distinction entre le dommage et le préjudice est lisible 1032. Néanmoins, lorsque le
dommage est incorporel, immatériel, le caractère praticable de la distinction dépendrait de la
caractérisation de l’atteinte : si elle nécessite un jugement de valeur de la part du juge, la
distinction entre le dommage et le préjudice serait impossible 1033. Ces subtilités théoriques et les
limites d’une distinction radicale ont mené à la confusion des notions de dommage et de
préjudice.

1027
« Lexique des termes juridiques », sous la dir. de S. GUINCHARD et T. DEBARD, 25 e éd., Dalloz, 2017-2018.
Yvonne LAMBERT-FAIVRE, Rapport sur l'indemnisation du dommage corporel, Conseil national de l'aide au
victimes, 2003, en ligne : www.justice.gouv.fr, p.9.
1028
Romain OLLARD, « La distinction du dommage et du préjudice en droit pénal », RSC, 2010, p.561. Yves
CHARTIER, La réparation du préjudice, Dalloz, 1996.
1029
Christine PAILLARD, « Faut-il distinguer le dommage et le préjudice?: point de vue publiciste
», Responsabilité civile et assurances, Mars 2010, n° 3, dossier 4.
1030
Christine GUILLARD, « Préjudice réparable », 1er juin 2015, JCA Fasc. 842. Romain OLLARD, « La
distinction du dommage et du préjudice en droit pénal », RSC, 2010, p.561.
1031
C. PAILLARD, op. cit.
1032
C’est d’ailleurs ce que confirme le rapport sur « L’indemnisation du dommage corporel » publié par le Conseil
National de l’Aide aux Victimes en juin 2003 et dont le groupe de travail était présidé par Y. LAMBERT-FAIVRE :
« le groupe de travail a entériné la distinction entre les notions de dommage corporel et de préjudices, qui fonde
toute méthodologie de l’indemnisation. [...] Cette fausse synonymie est sans doute à l’origine de la confusion qui
règne dans la réparation du dommage corporel ».
1033
Fabrice LEDUC, « Faut-il distinguer le dommage et le préjudice?: point de vue privatiste », Responsabilité
civile et assurances, Mars 2010, n° 3, dossier 3.

336
470. La confusion du dommage et du préjudice. En droit français, si on passe en revue
les articles du Code pénal, du Code civil et des Codes de procédures pénale et civile qui
mentionnent le dommage et le préjudice, il est évident qu’aucune de ces deux notions n’est
exclusive du droit pénal ou du droit civil. De même, il n’est pas certain que les termes de
dommage et de préjudice soient toujours employés selon leur définition propre. A la lecture de
l’article 3 du Code de procédure pénale, nous pouvons nous demander si tous les chefs de
dommage qui font l’objet de l’action civile ne sont pas plutôt les préjudices subis par la
victime1034. La notion de dommage est ainsi employée dans son sens large, notamment dans les
articles 2, 4 et 4-1 du Code de procédure pénale relatifs à l’action civile en réparation du
dommage. La confusion dans l’utilisation des deux termes que le législateur emploie comme
synonymes prend plus d’ampleur lorsqu’on observe leur association avec les notions de
réparation et d’indemnisation. En effet, le Code pénal fait parfois référence à l’indemnisation du
préjudice (article 131-8-1), la réparation du préjudice (articles 40-4, 133-8, 706-9), la réparation
des dommages (articles 41-1, 41-2). De surcroît, l’alinéa d’un même article, en l’occurrence
l’article 41-2 du Code de procédure pénale, comprend simultanément la référence à la
« réparation du préjudice commis » et la « réparation du dommage causé ». Il ne serait pas inutile
ici d’inverser les associations de mots afin que le préjudice soit « causé » et le dommage soit
« commis ». L’article 706-3 du même code renvoie lui aussi à toute personne « ayant subi un
préjudice » et qui peut obtenir « la réparation intégrale des dommage ». Ceci n’est qu’un
échantillon de l’utilisation similaire des notions de dommage et de préjudice, malgré leur
distinction sémantique.

En droit libanais, il semble que la même confusion règne. En effet, l’article 6 du Code de
procédure pénale utilise les termes de « réparation du dommage » pour qualifier l’objet de
l’action de la partie civile. Cependant, l’article 436 du même code relatif à l’extinction de
l’action civile et de l’action publique utilise les termes « d’action en indemnités personnelles » et
de « victime du préjudice ».

1034
Romain OLLARD, « La distinction du dommage et du préjudice en droit pénal », RSC, 2010, p.561. Dans son
article, R. OLLARD envisage les conséquences de l’utilisation spécifique des termes de dommage et de préjudice
dans l’art. 3 c. pr. pén : le dommage serait relié à la question de la recevabilité de l’action civile, ce qui limiterait le
droit d’exercer l’action civile à ceux qui ont personnellement subi l’infraction ; et la réparation du préjudice serait
reliée à l’issue de l’action civile.

337
En droit anglais, il n’y a pas de notions distinctes pour qualifier les dommages et les préjudices
mais uniquement une qualification des différents types de préjudices (matériel, moral, perte
financière, etc.). En droit pénal anglais, on retrouve cependant la distinction entre « faire
réparation1035 » et « payer une compensation », l’accent étant mis sur la première notion au
regard de l’objectif de réparation et de réhabilitation de certaines peines.

471. La distinction implicite du dommage et du préjudice. En pratique, les magistrats


distinguent parfois dans leurs jugements entre le dommage et les préjudices, en utilisant de
manière choisie chacune des deux notions. C. PAILLARD souligne dans son article qu’il n’est
pas surprenant que le juge choisisse de parler de dommage corporel, plutôt que de préjudice
corporel ou choisisse de privilégier l’expression de préjudice moral par rapport à celle de
dommage moral1036. En outre, la distinction implicite se fait par l’allusion aux préjudices comme
étant des préjudices résultant, découlant ou nés d’une certaine atteinte. Selon le Conseil d’État,
on retrouve une distinction entre le dommage et les préjudices dans la loi du 21 décembre 2006
de financement de la sécurité sociale, qui distingue les dommages des « postes de préjudices » ;
un poste de préjudice regroupant des préjudices de même nature directement reliés au
dommage1037.

472. La distinction du dommage et du préjudice grâce à l’ITT. L’incapacité totale de


travail (ITT), au sens pénal du terme, est une notion juridique définie par la jurisprudence. Elle
permet au magistrat de qualifier une infraction en appréciant la gravité des violences exercées sur
une personne1038. C’est donc une unité de mesure de la gravité d’une infraction qui permettra de
la situer sur une échelle de gravité. A voir les catégories de violences prises en compte dans le
calcul de l’ITT, il semblerait que calcul englobe l’ensemble des préjudices résultant de
l’infraction (l’atteinte à la vie de relation, les traumatismes physiques, les conséquences de la

1035
« Make reparation », sections 73 et 134 du Powers of Criminal Courts Sentencing Act, 2000.
1036
Christine PAILLARD, « Faut-il distinguer le dommage et le préjudice?: point de vue publiciste
», Responsabilité civile et assurances, Mars 2010, n°3, dossier 4.
1037
Idem. Avis contentieux du 4 juin 2007, M. Lagier et consorts Guignon, AJDA 2007, p.1800; JCP A 2008, 2055 ;
RTD civ. 2007 p. 577.
1038
Patrick CHARIOT, Menouar TEDLAOUITI et Michel DEBOUT, « L'incapacité totale de travail et la victime de
violences », AJ Pénal, 2006, p.300.

338
souffrance psychologique sur les actes quotidiens, etc.). Il est important de préciser que la
définition de l’incapacité totale de travail n’est pas synonyme de préjudice, elle prend
uniquement en compte, entre autre, certains préjudices 1039.

Affirmer la distinction des notions de dommage et de préjudices induirait par conséquent


d’affirmer que c’est la notion de préjudices qui entre en jeu lors de la qualification de l’infraction
et non celle de dommage. Du point de vue de la réparation des violences sur personne, cette idée
n’est pas aussi choquante qu’il n’y paraît car il n’est pas possible de « réparer un dommage
corporel ou psychique » mais uniquement de l’indemniser. La notion d’ITT permet donc au
contraire de renforcer la distinction du dommage et du préjudice. L’utilisation du critère de l’ITT
peut, en outre, permettre de justifier le recours à des mesures réparatrices, lorsque l’infraction est
de faible gravité et que l’ITT est réduite.

473. Une proposition de combinaison des termes. Nous ne nous attarderons pas sur les
répercussions que la distinction du dommage et du préjudice a sur le fond du droit et sur la
définition de l’infraction. Dans le cadre de notre étude, c’est l’association des notions qui nous
paraît importante. Dès l’université, les juristes apprennent la rigueur dans l’utilisation des termes
juridiques. La distinction des notions de réparation, indemnisation, dommage et préjudice ne
devrait pas faire défaut à ce principe. Afin de pouvoir identifier la notion de réparation pénale,
il serait bon d’éclaircir en premier lieu la définition de la réparation par rapport à l’indemnisation
et en second lieu, l’objet de la réparation et l’objet de l’indemnisation 1040. La réparation est, selon
une définition générale, « l’opération, le travail qui consiste à réparer quelque chose »1041.
L’indemnisation consiste, quant à elle, en « l’action d’indemniser, le paiement d’une
indemnité ». La différence est importante entre un travail et un paiement. Le travail consiste en
une remise en état, un retour vers la situation antérieure à l’infraction, alors que l’indemnisation
constitue une compensation du mal subi par la victime. De ces définitions, il est possible de
rattacher la réparation et l’indemnisation au dommage et au préjudice. Il y a, d’un côté, la

1039
Cass. Crim. 13 juin 1996: Dr. pénal 1996, comm. n°267, obs. M.VERON ; JCP 1996, IV, 2357 : la Cour
d’appel ne s’est pas contredite lorsque, après avoir condamné un prévenu pour violences volontaires ayant entraîné
une ITT de plus de 10 jours, elle a ordonné une expertise médicale aux fins d’évaluation du préjudice corporel de la
victime.
1040
Voir en ce sens l’opinion de Catherine LAZERGES, « L'indemnisation n'est pas la réparation », in La victime
sur la scène pénale en Europe, édité par puf, 2008, p.228.
1041
Dictionnaire Le Robert.

339
position classique qui ne différencie pas le dommage et les préjudices quant à leurs conséquences
pratiques. La réparation ne concernerait que les préjudices, le dommage étant uniquement une
notion théorique permettant la définition de l’infraction. Cela expliquerait l’utilisation confuse
des deux termes par le législateur. D’un autre côté, certains auteurs affirment que la réparation
du dommage est une réparation en nature et la réparation du préjudice, une réparation par
équivalent qui permet de compenser sans effacer le mal1042. D’autres contredisent cette opinion
en opposant le fait que la réparation d’un préjudice peut aussi être effectuée en nature1043. De
plus, la réparation en nature peut être monétaire si le dommage subi est de nature financière.

Par une combinaison réfléchie des termes, seul le dommage peut être réparé. Le dommage, fait
objectif, peut par la réparation disparaître et faire revenir à la situation antérieure à l’infraction.
Les préjudices, subjectifs et relatifs à la victime, ne peuvent disparaître par la réparation dans le
sens où la victime ne sera plus jamais la même après la commission de l’infraction. Qu’ils soient
matériels ou moraux, les préjudices peuvent être indemnisés, ou compensés. Un fait objectif
peut, dans les limites du possible, être remis en état, réparé, substitué à l’identique, mais les
conséquences subjectives de l’infraction sur la victime ne peuvent disparaître que par
l’indemnisation. Elles sont uniquement compensées par un équivalent. Rattacher la réparation au
dommage, au sens strict du terme, est un premier pas vers l’explication de l’incursion de la
réparation dans la sphère pénale et la définition d’une notion de réparation pénale.

2. L’apport de la définition de la notion de victime

474. La victime et le dommage. La victime, comme la réparation, fait partie de ces


notions que l’on comprend sans que le droit ne les définisse 1044. Pourtant, la pluralité des
victimes fait concurrence à la pluralité des réparations et la recherche du sens strict de la notion
est nécessaire pour comprendre sa relation avec le dommage. On retrouve le terme de victime
dans près de 264 articles du Code de procédure pénale et dans près de 71 articles du Code pénal

1042
Gaëlle RABUT-BONALDI, Le préjudice en droit pénal, 2014, [Thèse, Université de Bordeaux], p.20.
1043
Fabrice LEDUC, « Faut-il distinguer le dommage et le préjudice?: point de vue privatiste », Responsabilité
civile et assurances, Mars 2010, n° 3, dossier 3.
1044
A ce sujet, voir l’introduction de la thèse de Nathalie PIGNOUX, La réparation des victimes d'infractions
pénales, 2007, [Université de Pau et des Pays de l'Adour].

340
français. Pourtant, aucun texte ne définit ce que cette notion sous-entend, que ce soit en droit
français ou en droit libanais. Or cette définition entraînera des conséquences sur le plan de
l’étendue de la règle de droit concernée 1045. On retrouve en droit anglais une définition juridique
de la notion de victime dans le « Victims’ Code »1046. La victime est y est définie comme étant
une personne physique qui a souffert d’un dommage, physique, mental, émotionnel ou
économique directement causé par une infraction ou, une personne liée par filiation ou alliance
(au premier degré) à une victime décédée. L’absence de différenciation entre le dommage et le
préjudice conduit à une définition unique de la notion de victime.

Or il est possible d’affirmer que la victime du dommage n’est pas forcément la victime du
préjudice. En droit français, La jurisprudence et la doctrine distinguent les victimes directes et les
victimes indirectes de l’infraction1047. Cette distinction ne correspond pas à celle qui différencie
la victime du dommage de la victime du préjudice car par « victime directe », la jurisprudence
signifie parfois la personne ayant subi un préjudice découlant directement de l’infraction. S.
DETRAZ qualifie de « victime textuelle » ou de « victime personnelle » celle qui « subit dans sa
chair, dans son esprit, dans son patrimoine [...] les éléments constitutifs de l’infraction
commise »1048. Or, en se basant sur les définitions du dommage et du préjudice, il nous semble
bien que cette qualification correspond à la victime du dommage. C’est à partir du dommage
causé à cette victime que d’autres victimes peuvent prétendre subir un préjudice. La définition de
la victime est d’autant plus nécessaire au regard de sa place et son rôle au sein du procès pénal.

475. La victime et le procès pénal. L’article 2 du Code de procédure pénale français


dispose que l’action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage
directement causé par l’infraction. Ces victimes peuvent donc se constituer partie civile devant le
juge pénal. La partie civile serait la victime qui a usé de son droit d’exercer l’action civile. La loi
prévoit certaines exceptions à ce principe en permettant par exemple à certaines associations et
syndicats de se constituer partie civile, sans pourtant être des victimes directes de l’infraction. La

1045
Stéphane DETRAZ, « La notion textuelle de "victime" en matière pénale », in Humanisme et justice, Mélanges
en l'honneur de Geneviève Giudicelli-Delage, Dalloz, 2016, p.67.
1046
The Code of practice for victims of crime, 2015.
1047
S. DETRAZ, op.cit. V. par exemple Crim. 20 novembre 2013, n°12-85.185.
1048
S. DETRAZ, op.cit. p.74.

341
distinction des notions de victime et de partie civile fut consacrée par la jurisprudence 1049. Elle
permet ainsi une définition plus précise des contours de la notion de victime. Les victimes
pouvant se constituer partie civile et obtenir réparation de leur préjudice ont des identités
multiples et doivent prouver le lien direct entre leurs préjudices et l’infraction. Elles ne peuvent
être considérées comme victimes par le juge pénal que grâce à leur statut de partie civile. Or, la
victime du dommage est une victime naturelle 1050. Son statut ressort des faits constitutifs de
l’infraction. La question est de savoir s’il peut être tenu compte de cette victime de fait, même si
cette dernière ne s’est pas constituée partie civile.

476. La victime et les mesures de réparation. Les mesures de réparation alternatives


aux poursuites prennent en compte, pour la plupart, l’existence de la victime, pourtant encore
non constituée partie civile. En effet, la mesure de l’article 41-1 peut être prise par le procureur
de la République s’il lui apparaît qu’elle est susceptible d’assurer la réparation du dommage
causé à la victime. En ce qui concerne la composition pénale (article 41-2 du Code de procédure
pénale), la réparation des dommages causés par l’infraction peut être proposée « lorsque la
victime est identifiée » et dont l’accord est nécessaire si la réparation consiste en la remise en
état d’un bien endommagé. Le texte de loi sur la transaction par officier de police judiciaire ne
mentionne pas la victime mais précise que cette mesure est possible tant que l’action publique
n’a pas été mise en mouvement, la victime n’ayant donc pas encore été reconnue. Mais de quelle
victime est-il question à ce stade de la procédure ? Comme l’action civile n’a pas encore été mise
en mouvement, l’identité de toutes les victimes n’a pas encore été révélée au corps judiciaire,
tant qu’elles ne se sont pas manifestées. Cependant, la victime de fait, cette victime directe et
personnelle de l’infraction, est naturellement identifiée. Il y a donc bien une différence entre la
victime du dommage et la victime des préjudices. On peut aussi déduire qu’avant le
déclenchement des poursuites, seule la réparation du dommage est possible, les préjudices
n’étant pas encore réclamés et la preuve de leur lien avec l’infraction pas encore prouvée.

1049
Depuis l’arrêt : Crim. 30 octobre 1985, n°85-92.109, Bull. crim. n°337; JCP 1987, II, 20727, note Ph. Conte.
1050
Cette formulation n’exclue pas la possibilité d’une pluralité de victimes d’un dommage.

342
477. De la définition des notions de dommage, préjudice et victime, nous pouvons retenir
certains éléments de définition de ce que nous appelons la « réparation pénale ». La réparation
pénale désigne la réparation, par l’auteur, du dommage causé par l’infraction à la victime directe
de celle-ci. Le dommage est la conséquence directe de l’infraction et la victime, la victime
« textuelle », personnelle, de l’infraction. La réparation pénale consiste à effacer les
conséquences directes de l’infraction.

B. Les conséquences de la notion de réparation pénale

478. Définir la réparation pénale c’est intégrer un concept, un principe, au droit pénal en
général et à la procédure pénale en particulier. La notion de réparation pénale aurait des
incidences sur le plan conceptuel (1) et bouleverserait certains principes établis en droit pénal. La
réparation pénale aurait, de surcroît, des conséquences sur le plan pratique en droit positif (2).

1. Sur le plan conceptuel

479. Une conception sanctionnatrice de la réparation. Intégrer la notion de réparation


au droit pénal donne à ce concept traditionnellement civil un caractère pénal certain. La
réparation devient pénale non parce qu’elle est prononcée dans le cadre d’un procès pénal ou par
un juge pénal – ce qui est aussi le cas pour la réparation civile – mais parce qu’elle est prononcée
en application des règles du droit pénal. La question de la nature de la réparation pénale subsiste.
Si la sanction-réparation est clairement qualifiée de peine dans le Code pénal, il n’est pas acquis
que les autres mesures de réparation pénale, que ce code ne qualifie pas, revêtent le caractère de
sanction. Il est étonnant de remarquer par exemple que le dictionnaire Larousse définit la
réparation comme étant, entre autres, une peine frappant l’auteur d’une infraction. L’association
des notions de réparation et de peine ne semble plus être exceptionnel. Il semble que c’est la
réparation qui se pénalise et non la responsabilité pénale qui devient réparatrice 1051. C’est cette

Comme l’affirment plusieurs auteurs qui observent l’accroissement de la fonction réparatrice de la responsabilité
1051

pénale: Jean-Christophe SAINT-PAU, « La responsabilité pénale réparatrice et la responsabilité civile

343
conception de la réparation qui transparaît clairement en droit anglais. En effet, on retrouve en
droit anglais la réparation sous forme de peine. Les « compensation orders » peuvent être
ordonnés en tant que peine principale ou en complément à toute autre peine 1052. Ils correspondent
à la définition que nous donnons à la réparation pénale car :

 Ils visent la réparation des dommages causés aux victimes directes de l’infraction1053.

 Ils ne prennent pas en compte les demandes des victimes mais uniquement l’évaluation
des dommages et les moyens financiers de l’auteur de l’infraction.

 Ils sont différents des mesures de réparation prises devant les juridictions civiles. Les
préjudices sont évalués par le juge civil comme tout montant excédant la réparation des
dommages et peuvent inclure toute portion des « compensation orders » qui n’a pas été
perçue par la victime 1054.

Cependant, les « compensation orders » ne différencient pas dommage et préjudice au sens strict.
D’un côté, ils se rapprochent un peu de la réparation civile en ce qu’ils réparent les blessures
personnelles, en plus des pertes et des détériorations. Les blessures personnelles englobent les
préjudices psychologiques et les conséquences personnelles de l’infraction sur la victime
directe1055. D’un autre côté, les « compensation orders » ne réparent que les dommages
directement identifiables et quantifiables 1056, les dommages objectifs, réels, et non les manques à
gagner1057.

punitive?», Responsabilité civile et assurances, Mai 2013, n° 5, dossier 23. Charlotte DUBOIS, Responsabilité civile
et responsabilité pénale. A la recherche d'une cohérence perdue., L.G.D.J., 2016, [Paris II]. Bertrand PAILLARD,
La fonction réparatrice de la répression pénale, L.G.D.J, 2007, [Université Panthéon-Assas].
1052
Powers of Criminal Courts Sentencing Act , 2000, section 130. Pour les infractions les plus graves, les
“compensation orders” ne peuvent être prononcés qu’en complément de peine. LexisPSL Corporate crime practical
guidance, « Compensation orders in criminal cases », en ligne : <www.lexisnexis.com>.
1053
Mais en cas de décès, les frais funéraires sont compris dans les « compensation orders » et sont attribués à toute
personne qui les a pris en charge.
1054
Powers of Criminal Courts Sentencing Act , 2000, section 134.
1055
En cas de décès, la compensation est attribuée à l’époux du défunt ou ses parents si ce dernier est mineur. Le
montant de la réparation ne pourra excéder 7500 pounds.
1056
“The court should avoid making compensation in any case other than a simple and straightforward one”, Hyde
v. Emery (1984); jurisprudence en ligne: www.cps.org.uk.
1057
“Compensation orders are for amounts readily and easily ascertained. The quantum for loss of use was open to
argument”, R v. Donovan (1981), jurisprudence en ligne: www.cps.org.uk.

344
480. Une redéfinition des rôles des juges civils et pénaux en matière de réparation.
Le magistrat anglais n’attribue pas ces mesures de réparation en vertu des règles du droit civil
mais bien en fonction des principes du droit pénal anglais. Ce pouvoir, ou plutôt ce devoir 1058,
des magistrats anglais, nous incite à reconsidérer le rôle des juges civils et pénaux en droit
français. Le juge pénal français a aujourd’hui la possibilité de prononcer des mesures de
réparation pénale, différente de la réparation civile qu’il détermine lorsqu’il est saisi de l’action
civile. Il n’est pas certain que cela fasse du juge pénal le juge de la réparation. Cet élargissement
de fonction n’est pas dû à l’intégration de la réparation dans les prérogatives du juge pénal mais
par la redéfinition des fonctions de la peine. Outre ces trois fonctions rétributive, protectrice et
éducative, la peine a acquis, avec la prise en compte toujours plus grande des victimes, une
fonction réparatrice1059. Le juge pénal est toujours le juge de la peine, mais c’est la peine qui
prend différents visages dépendamment de la fonction de la peine qui est mise en avant. De
même, la réparation ne doit pas faire du juge pénal le juge des victimes. Malgré l’accroissement
de la présence et des pouvoirs des victimes tout au long de la procédure pénale, délimiter la
notion de réparation pénale permettrait au juge pénal de se concentrer sur le dommage en tant
que fait objectif. Cela limiterait les craintes de certains qui estiment que la victime prend trop de
place et cela préserverait les spécificités du droit pénal1060.

2. Sur le plan pratique en droit positif

481. L’incidence de la réparation alternative sur l’action publique et l’action civile.


La réparation pénale n’a pas d’incidence en tant que telle sur l’action publique. Les mesures
alternatives prévues aux articles 41-1 et 41-2 du Code de procédure pénale suspendent l’action
publique le temps de leur exécution. Seule la composition pénale éteint l’action publique, une
fois réalisée. Ces mesures ne comprennent pas uniquement des obligations de réparation mais
aussi d’autres formes de sanctions telles que l’amende transactionnelle ou l’amende de
composition, les obligations de soins, etc. L’extinction de l’action pénale se justifie ainsi par la

1058
En effet, la Cour doit se justifier si elle décide de ne pas recourir aux « compensation orders ».
1059
Antoine GARAPON, et al., La prudence et l'autorité, l'office du juge au XXIe siècle, IHEJ, Mai 2013, en ligne :
www.ihej.org, p.106.
1060
Jean CARBONNIER, Droit et passion du droit sous la Ve République, Flammarion, 1997, p.147: les victimes se
seraient transformées de « sujets passifs du délit en agents martiaux de la répression ».

345
combinaison de la mise en œuvre d’une sanction et de la réalisation d’une réparation du
dommage.

Cependant, les mesures de réparation alternative n’ont pas d’incidence sur l’action civile qui
demeure possible. L’article 41-2 du Code de procédure pénale dispose expressément que
l’exécution de la composition ne fait pas échec au droit de la partie civile de délivrer citation
directe devant le tribunal correctionnel qui statuera sur les seuls intérêts civils 1061. En outre,
l’ordonnance du président du tribunal validant ces mesures n’est pas un jugement pénal et n’a
donc pas l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil1062.

Cette comparaison des effets des mesures alternatives sur l’action publique et l’action civile
conforte la possibilité d’accorder un caractère pénal à la réparation. Si la réparation, auquel font
référence les mesures alternatives, est la réparation au sens civil du terme, il aurait fallu prévoir
de quoi permettre aux victimes de présenter leurs requêtes en réparation des préjudices subis, ce
qui aurait conduit à la tenue d’une audience par le président du tribunal. Or la réparation
envisagée dans le cadre des mesures alternatives, afin d’être cohérente avec les prérogatives des
procureurs, devrait se limiter à la réparation des dommages (au sens strict) des victimes directes.

482. Complémentarité des réparations pénales et civiles. La différenciation des


réparations pénales et civiles permettrait d’éviter une superposition des réparations. Cette
superposition apparaît lorsque des mesures réparatrices ont été mises en œuvre dans le cadre
d’alternatives aux poursuites, d’alternatives à la peine ou de complément de peine et qu’une
action civile en réparation est intentée devant le juge civil. Si on considère que la définition de la
réparation est unique et qu’elle possède les mêmes contours, saisir le juge civil de demandes en
réparation ferait courir le risque d’une double réparation lorsque cette dernière est déjà mise en
œuvre au sein d’une procédure pénale. A tout le moins, cela laisserait penser qu’une partie des
dommages au sens large n’ont pas été couverts par le juge pénal et qu’il y aurait besoin de saisir
le juge civil. Délimiter les contours de la réparation pénale et de la réparation civile permettrait
alors d’instaurer une complémentarité basée sur l’objet de la réparation : le dommage et les
préjudices.

1061
Cass. Crim. 24 juin 2008, n°07-87.511, AJ Pénal 2008 p.422, obs. SAAS ; D.2008 .2146 ; D. 2009, Chron. 44,
obs. Chaumont et Degorce.
1062
Cass. Soc. 13 janvier 2009, n°07-44.718, D. 2009, p.291, obs. Lavric.

346
II. Les éléments contre une notion de réparation pénale

483. Accorder un caractère pénal à la réparation n’est pas chose acquise. Le droit pénal
est classiquement défini comme traitant le préjudice collectif subi par la société 1063. A ce
préjudice collectif, non réparable en nature, le droit pénal répond par la peine. La nature du
préjudice et la réponse du droit pénal semblent empêcher toute introduction de la réparation dans
la sphère pénale. La définition d’une réparation pénale se heurte ainsi à des limites matérielles
qui ne peuvent être ignorées (A). Des obstacles plus théoriques empêchent aussi d’affirmer avec
certitude qu’il pourrait y avoir un caractère pénal à la réparation (B).

A. Les limites de la réparation au pénal

484. Il existe certains éléments matériels et d’autres théoriques qui limitent la possibilité
d’une définition de la réparation pénale. Sans la rendre impossible, ces éléments permettent
d’envisager la réparation pénale de manière plus réaliste. Il s’agit en premier lieu du caractère
réparable du dommage (1) et en second lieu du caractère secondaire de la réparation (2).

1. Le caractère réparable du dommage

485. Des dommages irréparables. La définition de la réparation pénale comme étant la


réparation, par l’auteur, du dommage causé par l’infraction à la victime directe, devrait être
nuancée par une condition matérielle. La réparation pénale est la réparation du dommage
« lorsque celle-ci est possible ». En effet, une des premières limites de la réparation pénale est la
possibilité de la réparation matérielle du dommage. Certains dommages sont par nature
irréparables : la mort, la destruction irréversible d’une œuvre d’art unique, une agression
sexuelle, etc. Pour cette catégorie de dommages, la seule voie possible est celle de

1063
Jean-Maurice VERDIER, « La réparation du dommage matériel en droit pénal », in Quelques aspects de
l'autonomie du droit pénal, sous la dir. de G. STEFANI, Librairie Dalloz, 1956, p.352.

347
l’indemnisation des préjudices. D’autres dommages sont plus facilement réparables, comme le
vol d’une somme d’argent ou d’un objet, la destruction ou la dégradation d’un bien, etc. La
remise en état est ici envisageable et permet de revenir à la situation antérieure à la commission
de l’infraction. On serait tenté d’assimiler les dommages irréparables aux atteintes à la personne
et les dommages réparables aux atteintes aux biens. Cette distinction est trop facile et mérite
d’être nuancée. Dans le cas, par exemple, de coups et blessures ayant entraîné une fracture au
bras, la réparation peut consister dans la prise en charge des frais médicaux qui permettront à la
victime de retrouver l’entier usage de son bras. L’indemnisation des préjudices portera sur le
préjudice moral éventuellement subi, le manque à gagner dû à l’arrêt temporaire de travail, et
toute autre conséquence personnelle subie par la victime. Notons ici la possibilité d’obtenir une
indemnisation des préjudices grâce à un fonds d’indemnisation, lorsque la réparation par l’auteur
de l’infraction est impossible (si l’auteur est inconnu ou insolvable). Cette forme de réparation
solidaire a un caractère civil car elle dépend de la demande faite par la victime ; la décision est
prise par la commission qui gère le fonds sur la base de la réparation accordée par le tribunal.

La réparation pénale serait donc une mesure uniquement possible lorsque la réparation du
dommage est réalisable. Elle ne concernerait ainsi que certaines catégories d’infractions,
notamment les délits et les contraventions. Ce constat est dans la lignée du champ d’application
des mesures alternatives réparatrices, restreint aux contraventions et aux délits punis jusqu’à cinq
ans d’emprisonnement.

486. La détermination de la réparation des dommages. Dans la catégorie des


dommages réparables, la nature de la réparation peut varier. Si on peut s’attendre à ce que la
réparation pénale soit réalisée en nature afin d’effacer le dommage, la réparation en nature n’est
pas toujours possible. La réparation par équivalent et la réparation pécuniaire sont souvent plus
facilement réalisables. Dans le cas de la réparation pécuniaire, celle-ci doit être directement
affectée à la réparation du dommage. Elle ne devrait pas pouvoir être librement utilisée par la
victime, au risque d’être confondue avec la notion de dommages-intérêts. Cette limite devrait
être clairement tracée afin de préserver la particularité de la notion de réparation pénale. La
réparation pécuniaire doit aussi correspondre au strict équivalent du dommage subi. Supérieure,
elle risquerait d’être qualifiée de dommages-intérêts punitifs.

348
2. Le caractère secondaire de la réparation

487. La sanction, fondement du droit pénal. Le droit pénal était défini


traditionnellement comme étant « l’ensemble des lois qui réglementent dans un pays l’exercice
de la répression par l’État »1064. La répression était donc au cœur du droit pénal et la peine, le
moyen privilégié de la mise en œuvre de ce droit. Cette perspective classique a depuis évolué
grâce aux différents mouvements prônant la réhabilitation du délinquant et la prévention des
infractions. La définition du droit pénal est aujourd’hui plus large et englobe « l’ensemble des
règles juridiques qui organisent la réaction de l’État vis-à-vis des infractions et des
délinquants »1065. Cette réaction de l’État se décompose en mesures préventives générales ou
individuelles (les mesures de sûreté) et en mesures répressives. La peine reste la mesure
répressive principale1066. D’ailleurs l’article 111-2 du Code pénal français dispose que « la loi
détermine les crimes et délits et fixe les peines applicables à leurs auteurs ». La peine est certes
concurrencée par d’autres formes de sanctions, telles que les sanctions administratives, les
mesures alternatives aux poursuites ou les alternatives à la peine qui gagnent en ampleur en droit
français et en droit anglais, mais font encore figure d’exception. Au moment de la décision
d’engager des poursuites, la possibilité que la réparation serve d’alternative est acceptée car elle
n’est pas en concurrence avec la peine. Elle permet d’assurer une réponse pénale dans des
affaires mineures. Au stade du jugement, les alternatives à la peine permettent d’apporter une
réponse plus adaptée à une forme de délinquance mineure, lorsque la peine s’avère trop sévère.

A moins de contredire les principes du droit pénal, la réparation pénale ne peut donc exister de
manière autonome que si elle est qualifiée de peine ou de sanction. A défaut, la réparation pénale
ne peut qu’être accessoire à la peine, sans laquelle elle ne peut être mise en œuvre. Ainsi, à
moins d’être qualifiée de peine, la réparation ne peut être privilégiée à la sanction en droit pénal.

1064
H. DONNEDIEU DE VABRES, Précis de droit criminel, 3e éd., Dalloz, 1953, n°1.
1065
Roger MERLE et André VITU, Traité de droit criminel, problèmes généraux de la science criminelle, 7e éd.,
Editions Cujas, 1997, t. I. n°142.
1066
Bernard BOULOC, Droit pénal général, 25e éd., Dalloz, 2017, p.21.

349
488. La réparation, un complément à la peine. L’absence de qualification de la
réparation pénale limite certes son intégration au droit pénal. Cette limite peut néanmoins être
contournée si l’on envisage la réparation pénale comme une mesure complémentaire à la peine.
Le droit pénal français comprend déjà la notion de peine complémentaire. Les peines
complémentaires peuvent venir s’ajouter aux peines principales. Le juge a, selon la loi,
l’obligation ou la faculté de prononcer telle ou telle peine complémentaire. En matière de
réparation, il existe déjà une peine complémentaire, la - très controversée - sanction-réparation
qui peut être prononcée à la place ou en même temps que la peine d’emprisonnement ou la peine
d’amende1067. Or cette peine est différente de la définition que nous proposons pour la réparation
pénale. La sanction-réparation vise l’indemnisation du préjudice de la victime, donc la réparation
civile du dommage. La nature de peine accordée à la sanction-réparation n’est pas non plus
compatible avec sa dénomination de « sanction », terme plus large que celui de peine et auquel le
législateur aurait pu se limiter. Même si nous sommes favorables à l’existence d’une mesure
réparatrice complémentaire, la peine de sanction-réparation comporte certains défauts qui nous
empêchent de défendre la nécessité de son application1068.

489. La notion de réparation pénale telle que nous la présentons peut être une mesure
complémentaire ou alternative à la peine. La réparation pénale serait une sanction au sens large
du terme, et non une peine. Le droit pénal reste répressif mais cela ne signifie pas que la
réparation ne peut faire partie de la réponse pénale apportée par le magistrat.

B. Les obstacles à la définition de la réparation au pénal

490. Outre les limites inhérentes à la réparation en tant que telle, l’existence d’une forme
de réparation en droit pénal, manifestement distincte de la réparation civile dans son approche et
sa nature, est certaine. La définition de cette réparation pénale fait cependant face à certains
obstacles. D’une part, la confusion des termes reliés à la réparation empêche de caractériser son

1067
Art. 131-8-1 c. pén.
1068
Patricia HENNION-JACQUET, « L'indemnisation du dommage causé par une infraction : une forme atypique
de réparation ? Dommages et intérêts, classement sous condition de réparation, sanction-réparation », RSC, 2013,
p.517.

350
domaine (1). D’autre part, l’étude des lois pénales relatives aux mesures et peines réparatrices
reflète l’absence d’un régime applicable à la réparation en droit pénal (2).

1. Les obstacles au regard du domaine de la réparation

491. Absence de définition du domaine de la réparation en droit pénal. La


constatation faite plus haut de l’absence de distinction légale du dommage et du préjudice en
droit positif constitue un obstacle important en ce qui concerne la détermination d’une forme
pénale de la réparation. Cet obstacle empêche la délimitation d’un domaine de la réparation
pénale. La loi pénale n’identifie clairement ni l’objet de la réparation ni son domaine par rapport
à la réparation civile. Or il devrait y avoir une différence entre ces deux formes de réparation. A
défaut, la réparation pénale ne serait qu’une intégration de la réparation civile dans le champ
pénal, ce qui remettrait en cause le principe de distinction des responsabilités civiles et pénales
en droit français.

La confusion dans l’utilisation des termes de dommage et de préjudice et leur association avec
des termes tels que victime ou action civile soulève des questionnements quant à la nature propre
de la réparation en droit pénal. Les mesures qui présentent le moins de doute, selon nous, sont la
réparation alternative et la composition pénale1069. Ces deux mesures réparatrices sont fondées
sur des faits objectifs : le dommage et l’infraction. La réparation alternative est la réparation du
dommage causé par les faits. La composition pénale vise à réparer les dommages causés par
l’infraction mais mentionne une exception, celle de la réparation préalable du préjudice
commis. La référence dans ce contexte au préjudice est malencontreuse parce que le préjudice ne
peut être commis mais causé et parce qu’au stade des alternatives aux poursuites, il n’est pas
encore question de détermination des préjudices.

Une autre mesure permet de douter de l’existence d’une distinction entre une réparation pénale et
une réparation civile. Il s’agit du sursis probatoire1070. En effet, le sursis probatoire vise, selon la
loi, à réparer en tout ou en partie les dommages causés par l’infraction, même en l’absence de
décision sur l’action civile. La référence à l’action civile provient d’une jurisprudence antérieure

1069
Arts. 41-1 et 41-2 C. pr. pén. respectivement.
1070
Art. 132-45 C. pén.

351
au nouveau code pénal qui subordonnait l’obligation de réparer le dommage à l’existence d’une
condamnation civile1071. L’article 132-45 vient mettre un terme à cette jurisprudence en excluant
la nécessité d’une décision sur l’action civile. Cependant, cette précision permet de douter que le
dommage visé par cette mesure est le dommage au sens strict du terme. Il s’agit plutôt du
dommage comme synonyme de préjudice, le dommage tel qu’entendu en droit civil.

Une dernière mesure pénale est quant à elle plus clairement imprégnée de droit civil. La
sanction-réparation, peine controversée depuis son adoption, comporte l’obligation pour le
condamné de procéder à l’indemnisation du préjudice de la victime. Malgré la référence à la
possibilité d’une réparation en nature par la remise en état du bien endommagé, la sanction-
réparation vise le préjudice et la victime, objet et partie qui définissent traditionnellement le
domaine de la réparation civile. Les mesures et peines réparatrices en droit pénal n’ont pas pour
l’heure un domaine unique bien défini. Certains regroupements peuvent cependant être faits.

492. Identification de regroupements. Suite aux descriptions du domaine des mesures


réparatrices, des regroupements peuvent être faits selon deux critères : la nature des mesures
concernées et la référence à la victime. Partant du premier critère, celui de la nature des mesures
concernées, nous constatons que les mesures alternatives (la médiation, la réparation pénale et la
composition pénale) sont toutes fondées sur la réparation du dommage causé par l’infraction. Les
mesures alternatives aux poursuites semblent ainsi en accord avec le domaine de la réparation
pénale. Quant à la peine de sanction-réparation et le sursis probatoire, mesure alternative à
l’exécution de la peine, ils se rapprochent de la réparation civile par leur rattachement au
préjudice ou à l’action civile.

Sur la base du second critère, celui de la prise en compte de la victime, les mesures se regroupent
différemment. Les textes relatifs à la médiation, la réparation pénale, la composition pénale et la
sanction-réparation font référence à la victime de l’infraction, contrairement au sursis probatoire.
Si la prise en compte de la victime se comprend dans le processus de médiation pénale, son

1071
Muriel GIACOPELLI, « Sursis avec mise à l'épreuve », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale,
janvier 2011. Voir aussi: Crim. 10 déc. 1990, n°90-82.329, Bull. crim. n°423; RSC 1992. 67, obs. VITU ; Crim. 11
oct. 1978, n°78-90.735 : « le juge pénal, qui place un condamné sous le régime du sursis avec mise à l’épreuve, peut
imposer une obligation de réparer le dommage causé par l’infraction dès lors que le préjudice a été évalué par une
décision intervenue sur l’exercice de l’action civile ».

352
intrusion dans d’autres mesures et peines réparatrices accentue la confusion entre les champs
civil et pénal de la réparation.

2. Les obstacles au regard du régime de la réparation

493. Une absence de régime spécifique. Définir une nouvelle notion juridique telle que
la réparation pénale ne peut se faire sans définir un régime juridique qui permettra sa mise en
œuvre en droit positif. L’absence de régime juridique de la réparation pénale est aujourd’hui un
obstacle à sa distinction de la réparation civile. En effet, les mesures et peines réparatrices qui
font référence à la réparation du dommage ne précisent pas le moyen de détermination de ce
dernier, ni le mode d’évaluation à adopter. De plus, la loi ne prévoit pas un mode de conciliation
entre la réparation pénale, sous forme de mesure ou de peine, et la réparation civile 1072. Cette
absence de régime spécifique a mené les magistrats des tribunaux pénaux, à d’abord tenter de se
démarquer de leurs confrères des tribunaux civils, pour finir par recourir aux principes civils de
la réparation notamment : le principe de réparation intégrale et la prise en compte de la faute de
la victime pour la détermination du montant de la réparation.

494. La prise en compte du principe de réparation intégrale. La réparation intégrale


est un principe de responsabilité civile en vertu duquel la réparation due par le responsable doit
couvrir tout le dommage sans l’excéder, afin de ne causer ni appauvrissement ni enrichissement
de la victime1073. La réparation intégrale couvre tous types de préjudices, directs et indirects,
corporels, matériels ou moraux. Pourtant, la jurisprudence pénale n’a pas constamment tenu
compte du principe de réparation intégrale notamment dans les affaires impliquant le
remboursement par assurance des dommages causés par une infraction. Le juge pénal permettait,
dans ce cas, le cumul d’indemnisation en empêchant tout recours subrogatoire de l’assureur et en

1072
Charlotte DUBOIS, Responsabilité civile et responsabilité pénale. A la recherche d'une cohérence perdue.,
L.G.D.J., 2016, [Paris II], p.378.
1073
Serge GUINCHARD et Thierry DEBARD, « Lexique des termes juridiques », sous la dir. de S. GUINCHARD
et T. DEBARD, 26e éd., Dalloz, 2018-2019.

353
accordant la réparation à la victime1074. Cette jurisprudence qui paraît injuste permet cependant
de ne pas confondre la compétence du juge pénal avec celle du juge civil et distinguent ainsi les
parties qui peuvent exercer un recours au pénal de celles qui peuvent exercer leur recours devant
un juge civil. La Cour de cassation semble être revenue à sa jurisprudence antérieure par un arrêt
qui applique le principe de la réparation intégrale en précisant que « le préjudice résultant d’une
infraction doit être réparé dans son intégralité sans qu’il n’en résulte, pour aucune des parties, ni
perte ni profit. Par voie de conséquence, les juges répressifs qui sont informés du versement, par
un assureur, d’une somme à la victime, doivent tenir compte de cet élément pour évaluer le
préjudice, nonobstant le fait que ledit assureur soit irrecevable à intervenir devant eux »1075.

L’application du principe de réparation intégrale a rendu inintéressante pour certains l’étude de


la réparation du préjudice, le principe de réparation intégrale étant « généralement considérée
comme se passant de justification, sa mise en œuvre étant abandonnée au savoir-faire des
praticiens »1076. Pourtant cette étude s’avère indispensable au regard de la réparation en droit
pénal, l’objet de la réparation et son destinataire étant au cœur de la définition d’une réparation
pénale.

495. La prise en compte de la faute de la victime. La jurisprudence pénale, par son


application du principe de réparation intégrale, a longtemps exclu la prise en compte de la faute
de la victime dans l’évaluation de la réparation, objet de l’action civile, à l’exception de certaines
atteintes aux personnes pour lesquelles la jurisprudence admet un partage de responsabilité 1077.
Depuis le célèbre arrêt Kerviel, la faute de la victime est prise en compte en matière d’atteinte
aux biens. En l’espèce, il s’agissait de « fautes commises par la Société Générale ayant concouru
au développement de la fraude et à ses conséquences financières »1078. Les circonstances
particulières de l’espèce et le montant astronomique de la réparation initialement prononcée ont

1074
L’assureur est dans ce cas obligé d’exercer son recours devant les juridictions civiles. Par exemple : Crim. 14
nov. 2007, pourvoi n°06-88538, Bull. crim. 2007 n°278 ; RTD civ. 2008 p.309 ; Crim. 9 fev. 1994, pourvoi n°93-
83047, Bull.crim. 1994 n°59.
1075
Crim. 22 janv. 2008, pourvoi n°07-82555, note: Albert MARON, « La mort du petit cheval », Droit pénal, avril
2008, n° 4, comm.58.
1076
Loïc CADIET, « Les métamorphoses du préjudice », in Les métamorphoses de la responsabilité, Sixièmes
journées René Savatier, Presses universitaires de France, 1997, p.37.
1077
Anne-Sophie CHAVENT-LECLERE, « Retour sur la réparation intégrale du préjudice », Procédures, Mai 2014,
n° 5, comm.157.
1078
Idem. Cass. crim. 19 mars 2014, n°12-87.416. CA Versailles, 23 septembre 2016, D. 2016. 1927.

354
certainement facilité ce revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation. Ainsi
« lorsque plusieurs fautes ont concouru à la production du dommage, la responsabilité de leurs
auteurs se trouve engagée dans une mesure dont l’appréciation appartient souverainement aux
juges du fond ». Le juge pénal a désormais une plus grande liberté d’appréciation du dommage
subi1079.

La faute de la victime est ainsi prise en compte quand le juge pénal statue sur la réparation civile,
ce qui redonne indéniablement à cette dernière une fonction répressive 1080. La réparation civile
est évaluée en fonction du partage des responsabilités et non des préjudices subis par la victime,
ce qui la rattache un peu plus à la justice pénale.

496. Quid lorsque la mesure de réparation a une nature pénale ? En l’absence d’action
civile ou en dehors de cette question, sur la base de quels principes la réparation imposée au
travers des diverses mesures et peines est-elle évaluée ? En l’absence d’une réponse à ces
questions, la confusion entre la réparation en droit pénal et la réparation en droit civil persistera
et ne pourra être éclaircie qu’en présence d’une définition et d’un régime juridique spécifiques à
la réparation pénale.

1079
Julie GALLOIS, « Action civile: l'auteur d'une infraction contre les biens peut enfin demander le partage des
responsabilités en cas de faute de la victime », AJ Pénal, 2014, p.293. Patrice JOURDAIN, « Incidence de la faute
de la victime en cas d'infraction volontaire contre les biens: la Cour de cassation modifie sa jurisprudence », RTD
civ., 2014, p.389. Laurent SAENKO, « Affaire Kerviel: quand la faute de la victime réduit (beaucoup) son droit à
réparation », RTD com., 2016, p.873.
1080
Patrice JOURDAIN, « Incidence de la faute de la victime en cas d'infraction volontaire contre les biens: la Cour
de cassation modifie sa jurisprudence », RTD civ., 2014, p.389.

355
Conclusion du chapitre 1

497. La réparation est, en droit français et en droit libanais, un accessoire à l’action


publique qu’elle vient compléter ou même déclencher. Elle est un accessoire extérieur qui vient
se coller à l’action publique sans s’y confondre. En droit anglais, la réparation est un accessoire à
l’action publique mais elle fait partie de cette action, elle est un accessoire-outil. Cette
comparaison soulève une observation : la réparation, accessoire de l’action publique, finirait par
emprunter les caractères de l’environnement dans lequel elle est mise en œuvre. Elle acquiert
ainsi, même contre le gré des législateurs, un caractère pénal. C’est notamment le cas en droit
français lorsque l’action en réparation vise un objectif vindicatif et lorsque le juge pénal a
recours à la réparation en l’absence de toute action civile. Cette observation est plus évidente
lorsque la réparation est un accessoire à la peine. Dans ce cas, les lignes de démarcation sont
moins marquées, au point de pouvoir affirmer qu’il existe une forme de réparation pénale aboutie
en droit anglais et en cours de constitution en droit français.

356
Chapitre 2 : La restauration, supplément du droit pénal

498. La justice restaurative, communément et très restrictivement appelée justice


réparatrice ou restauratrice, est une traduction directe du concept anglo-saxon de « restorative
justice ». Le droit français s’est joint au droit anglo-saxon dans le choix du terme « justice
restaurative », malgré l’adoption du terme justice réparatrice par les instances internationales 1081.
Le choix de cette traduction est cependant heureux si l’on voit dans restauration l’expression
« restaurar » qui signifie guérison en vieux français1082. Le droit libanais, lui, ne reconnaît pas
encore la justice restaurative.

Le Pr. Robert CARIO, dans une allocution dans le cadre d’une conférence de la Cour de
cassation, présente la justice restaurative comme une justice « logiquement seconde est
existentiellement première [...] c’est une justice ancestrale qui a précédé notre système de justice
pénale et qui aujourd’hui la réinvite tout doucement. C’est dans la complémentarité avec le
système de justice pénale qu’un épanouissement est possible »1083.

La justice restaurative propose un nouveau modèle de justice, diffèrent du modèle classique. Elle
porte en elle de nombreuses promesses 1084. A en croire les adeptes, la justice restaurative ne vise
pas à supplanter la justice pénale mais viendrait transformer les fondements de la justice pénale
traditionnelle (section 1). D’un point de vue plus pratique, nous questionnerons l’intégration de
la justice restaurative dans la justice pénale, dans une optique de complémentarité (section 2).

Section 1 : La transformation de la justice pénale par la justice restaurative

499. Mis à part toute ambition qu’on pourrait lui attribuer, la justice restaurative
influence, par sa seule existence, une certaine transformation de la justice pénale. Étudiée de

1081
Lors du XIe Congrès des Nations Unies en avril 2005. Voir : Jacques FAGET, « Les dynamiques de transfert des
idées restauratives », Raisons politiques, 2015/3, n° 59, p.109.
1082
Robert CARIO, « Justice restaurative », in Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, mai 2018.
1083
Allocution en date du 20 septembre 2018 et disponible en ligne sur: www.courdecassation.fr.
1084
Denis SALAS, La volonté de punir, Essai sur le populisme pénal, Hachette, 2005, p.248. Moonkwi KIM, Essai
sur la justice restaurative illustré par les exemples de la France et de la Corée du Sud, [Droit : Université
Montpellier : 2015].

357
manière indépendante, la justice restaurative définit un nouveau modèle de justice pénale (I).
Comparée à la justice pénale classique, elle contribue à redéfinir les fondements de cette dernière
(II).

I. La définition d’un nouveau modèle de justice pénale

500. Si différentes approches restauratives semblent exister dans d’anciennes traditions


aborigènes et africaines, la définition théorique des fondements de la justice restaurative est plus
récente (A). S’en est suivi la caractérisation des principales mesures restauratives (B).

A. Les fondements de la justice restaurative

501. Les fondements de la justice restaurative sont uniques et multiples à la fois. Si la


majorité des chercheurs s’accordent sur la philosophie de la justice restaurative (1), les
définitions de cette forme de justice sont diverses (2).

1. La philosophie de la justice restaurative

502. Une approche globale, participative et collective. Au cœur de la justice


restaurative se trouve une approche globale, participative et collective. Une approche globale car
la justice restaurative n’accorde pas la prise en charge des conséquences de l’infraction à l’État,
comme le fait traditionnellement la justice pénale. La justice restaurative englobe toutes les
personnes qui sont concernées, de près ou de loin, par la commission de l’infraction : l’auteur, la
victime, les proches et la communauté. Elle « ouvre le conflit à tous »1085.

Une approche participative car la justice restaurative vise à accorder une place à chaque acteur
concerné par la commission d’une infraction. La justice restaurative, contrairement à ce qu’on
pourrait reprocher à la justice pénale, ne laisse pas les victimes sur le banc de touche, en simples

1085
Antoine GARAPON et Denis SALAS, Les nouvelles sorcières de Salem. Leçons d'Outreau, Le Seuil, 2006.

358
spectateurs du procès pénal. Elle les invite à participer, de manière active, au dénouement du
conflit généré par l’infraction.

Une approche collective car la justice restaurative invite les différentes personnes concernées à
rechercher ensemble les solutions aux répercussions que l’infraction a pu avoir sur chacune
d’entre elle. Par cette approche globale, la justice restaurative répond aux revendications des
victimes que l’on désapproprie aujourd’hui de l’infraction subie, qui ne se sentent pas entendues
par le système actuel de justice pénale et qui recherchent souvent plus une oreille bienveillante
qu’une réparation prononcée mais non aboutie 1086. L’approche collective favorise en outre le
sentiment de faire partie d’une communauté en impliquant cette dernière, victime secondaire de
l’infraction, dans le processus1087.

503. La responsabilisation avant la responsabilité. A l’origine, la justice restaurative


est apparue et s’est développée en dehors du droit. Traditions de communautés aborigènes ou
projets pilotes au sein d’associations de victimes, l’objectif était de responsabiliser l’auteur de
l’infraction. Responsabiliser et non rendre responsable par un jugement, terme que l’on pourrait
traduire en anglais par « accountability ». La responsabilisation passe par une prise de
conscience personnelle de l’auteur de la gravité de son acte, par l’acceptation de prendre en
charge les conséquences de l’infraction et par la réalisation d’une réparation sous quelque forme
que ce soit. La justice restaurative permet ainsi à l’auteur de l’infraction de garder la maîtrise sur
sa vie1088. Elle ne dépossède pas l’auteur et la victime de la résolution de leur conflit, ce que le
doyen CARBONNIER critique comme étant « une stratégie d’appropriation des conflits
intersubjectifs, à la limite d’une pathologie de type logorrhéique chronique »1089.

La responsabilisation permet la resocialisation de l’infracteur tandis que la responsabilité pénale


mène le plus souvent à l’exclusion temporaire, ce qui rend la resocialisation plus difficile.

1086
Sur les revendications des victimes, voir: Robert CARIO, « Justice restaurative », in Répertoire de droit pénal et
de procédure pénale, Dalloz, mai 2018. Nathalie PIGNOUX, La réparation des victimes d'infractions pénales,
2007, [Université de Pau et des Pays de l'Adour]. Robert CARIO, « De la victime oubliée... à la victime
sacralisée?», AJ Pénal, 2009, p.491.
1087
Pour approfondir le rôle de la communauté, consulter: Gordon BAZEMORE et Mara SCHIFF, Restorative
community justice: repairing harm and transforming communities, Anderson, 2001.
1088
Robert CARIO, « Justice restaurative », in Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, mai 2018.
Howard ZEHR, La justice restaurative, pour sortir des impasses de la logique punitive, Labor et fides, 2012, p.38.
John BRAITHWAITE, Restorative justice and responsive regulation, Oxford university press, 2002, p.112.
1089
Jean CARBONNIER, Droit et passion du droit sous la Ve République, Flammarion, 1997.

359
La responsabilisation ne rend pas le prononcé de la responsabilité pénale inutile. Elles se
complètent et il est aussi important, au moins symboliquement, que la responsabilité de
l’infracteur soit prononcée par la justice. La déclaration de responsabilité est importante aux
yeux de la société et participe au sentiment de justice recherché par les victimes d’infractions.

2. Les définitions de la justice restaurative

504. Les définitions doctrinales. Les premiers chercheurs et acteurs de la justice


restaurative se sont employés à la définir selon leur propre conception. Nous commencerons par
la définition donnée par Howard ZEHR, pionnier de la justice restaurative aux États-Unis et l’un
des premiers à la définir en tant que concept1090. Pour H. ZEHR, la « restorative justice is a
process to involve, to the extent possible, those who have a stake in a specific offense and to
collectively identify and address harms, needs and obligations, in order to heal and put things as
right as possible »1091. La définition de H. ZEHR reprend bien l’aspect collectif et réparateur de
la justice restaurative et ajoute une précision relative à la manière d’envisager les conséquences
de l’infraction. En effet, la justice restaurative permettrait selon H. ZEHR d’apporter une réponse
aux dommages, aux besoins et aux obligations afin de permettre la guérison. Une approche
interpersonnelle du conflit envisagé en terme de besoins et d’obligations des parties, une
approche humaniste de la justice restaurative qui permettrait la guérison et une approche réaliste
qui ne s’attend pas à ce que la justice restaurative permette de rétablir la situation exactement à
celle antérieure à la commission de l’infraction.

Tony MARSHALL1092 définit plus objectivement la justice restaurative comme étant « a process
whereby all the parties with a stake in a particular offence come together to resolve collectively
how to deal with the aftermath of the offence and its implications for the future »1093. Bien
qu’apparemment neutre et objective, T. MARSHALL n’exclut pas dans sa définition le caractère

1090
Howard ZEHR est l’auteur de plusieurs ouvrages: La justice restaurative, pour sortir des impasses de la logique
punitive, Labor et fides, 2012; The little book on restorative justice, 2002 ; Changing lenses, restorative justice for
our times, 2015.
1091
Howard ZEHR, Changing lenses, restorative justice for our times , 2015.
1092
Chercheur pour le Home Office au Royaume-Uni.
1093
Tony MARSHALL, « The evolution of restorative justice in Britain », European journal on criminal policy and
research, December 1996, n° 4, p.21.

360
collectif de la justice restaurative (« coming together »), la satisfaction matérielle et morale des
victimes (« the aftermath of the offence ») et la nécessaire réhabilitation des auteurs
(« implications for the future »).

Le Pr. Robert CARIO, rejetant la possibilité d’une définition universelle de la justice


restaurative, choisit de la définir comme les mesures « supposant la participation volontaire de
toutes celles et ceux qui s’estiment concerné(e)s par le conflit de nature criminelle, afin de
négocier, ensemble, par une participation active, en la présence et sous le contrôle d’un « tiers
justice » et avec l’accompagnement éventuel d’un « tiers psychologique et/ou social », les
solutions les meilleures pour chacun, de nature à conduire, par la responsabilisation des acteurs,
à la réparation de tous afin de restaurer, plus globalement, l’Harmonie sociale »1094. La définition
du Pr. CARIO met en relief la présence d’une tierce personne, étrangère à l’infraction, mais qui
va contrôler et accompagner la mesure de justice restaurative, point essentiel qui manquait dans
les autres définitions.

505. Les définitions officielles. Plusieurs instances internationales et régionales ont


donné leur propre définition de la justice restaurative. Nous citerons notamment celle du Conseil
économique et social, reprise par l’Office des Nations-Unies contre la drogue et le crime 1095, qui
définit la justice restaurative comme « tout processus dans lequel la victime et le délinquant et,
lorsqu’il y a lieu, toute autre personne ou tout autre membre de la communauté subissant les
conséquences d’une infraction participent ensemble activement à la résolution des problèmes
découlant de cette infraction, généralement avec l’aide d’un facilitateur »1096.

L’Union européenne opte dans une directive pour la définition suivante : la justice restaurative
est « tout processus permettant à la victime et à l’auteur de l’infraction de participer activement,
s’ils y consentent librement, à la résolution des difficultés résultant de l’infraction pénale, avec
l’aide d’un tiers indépendant »1097. Cette définition a pour particularité de relever le

1094
Robert CARIO et Paul MBANZOULOU, La justice restaurative, une utopie qui marche?, L'Harmattan, 2010,
p.10.
1095
Manuel sur les programmes de justice réparatrice, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2008,
p.7, en ligne : <www.unodc.org>.
1096
Rapport sur la 11e session, 16-25 avril 2002, Conseil économique et social, Commission pour la prévention du
crime et la justice pénale, en ligne : <www.un.org/french/ecosoc.>.
1097
Directive du 25 octobre 2012, 2012/29, art. 2, 1, d, disponible en ligne sur eur-lex.europa.eu. Précisions que le
terme choisi par la directive est celui de justice réparatrice et non justice restaurative.

361
consentement libre des parties au processus restauratif, consentement induit dans les autres
définitions par la référence à leur participation active.

Au niveau national, les législations française et anglaise ont chacune apporté leur propre
définition au concept de justice restaurative. En droit français, la loi du 15 août 2014 introduit un
nouvel article 10-1 au Code de procédure pénale qui dispose qu’ « à l’occasion de toute
procédure pénale et à tous les stades de la procédure, y compris lors de l’exécution de la peine, la
victime et l’auteur de l’infraction, sous réserve que les faits aient été reconnus, peuvent se voir
proposer une mesure de justice restaurative. Constitue une mesure de justice restaurative toute
mesure permettant à une victime ainsi qu’à l’auteur de l’infraction de participer activement la
résolution des difficultés résultant de l’infraction, et notamment à la réparation des préjudices de
toute nature résultant de sa commission. Cette mesure ne peut intervenir qu’après que la victime
et l’auteur de l’infraction ont reçu une information complète à son sujet et ont consenti
expressément à y participer. Elle est mise en œuvre par un tiers indépendant formé à cet effet,
sous le contrôle de l’autorité judiciaire, ou à la demande de celle-ci, de l’administration
pénitentiaire. Elle est confidentielle, sauf accord contraire des parties et excepté les cas où un
intérêt supérieur lié à la nécessité de prévenir ou de réprimer des infractions justifie que des
informations relatives au déroulement de la mesure soient portées à la connaissance du procureur
de la République »1098. Nous reviendrons dans la deuxième section de ce chapitre sur
l’opportunité de cette légalisation de la justice restaurative en droit français et nous nous
arrêterons ici à l’étude de la définition qui est un savant mélange de notions humanistes et
juridiques. En effet, l’article fait référence aux « difficultés résultant de l’infraction », notion que
l’on retrouve dans la définition de l’UE mais qui n’est pas juridiquement définie, et aux
« préjudices de toute nature » résultant de la commission de l’infraction, notion plus facile à
cerner par les juristes. La définition inclut aussi des éléments de procédure tels que l’information
et le consentement préalable et la confidentialité des échanges.

En droit anglais, l’absence de codification rend la détermination d’une définition unique de la


justice restaurative plus difficile. De plus, la justice restaurative est davantage perçue comme un

1098
Loi n°2014-896 du 15 août 2014, art.18.

362
moyen, des mesures, que comme un concept 1099. On retrouve cependant dans le « Offender
Rehabilitation Act » la définition des mesures de justice restaurative qui peuvent être
caractérisées comme telles si « les participants sont l’auteur de l’infraction et une ou plusieurs
victimes, si l’objectif de la mesure est de maximiser la prise de conscience de l’auteur quant à
l’impact de l’infraction sur les victimes et si la mesure donne à la (ou les) victime(s)
l’opportunité de parler de l’infraction et de son impact ou de s’exprimer par tout autre
moyen »1100.

B. Les mesures de justice restaurative

506. L’étude des mesures de justice restaurative s’avère primordiale car ce sont les
premières expérimentations de ces mesures qui ont permis d’aboutir à la définition d’un nouveau
modèle de justice. La doctrine et les organisations internationales ont identifié trois catégories de
mesures restauratives que l’on qualifiera ici de « principales » et que l’on retrouve sous
différentes dénominations et variantes dans chaque pays (1). L’adaptation des principes
restauratifs aux spécificités des législations nationales a fait naître des mesures « d’inspiration
restaurative » (2).

1. Les mesures restauratives principales

507. La médiation. La médiation victime-auteur est probablement la première forme de


mesure restaurative à voir le jour1101. Le lieu de son apparition varie selon les auteurs qui
s’accordent néanmoins sur le continent nord-américain. Apparue sous une forme plus ou moins
aboutie aux États-Unis et au Canada dans les années 70, elle se développe en Grande-Bretagne
où les premières expériences de médiation ont été menées par John HARDING, qui crée un

1099
Inventaire des dispositifs et des procédures favorisant les rencontres entre les victimes et les auteurs dans le
cadre de la mise en œuvre de la justice restaurative. Le cas de l'Angleterre et du Pays de Galles, Service des affaires
européennes et internationales, Ministère de la justice, 2008, p.5.
1100
Traduction libre. Offender Rehabilitation Act, 2014, c.11, 8.
1101
Manuel sur les programmes de justice réparatrice, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2008,
p.17, en ligne : <www.unodc.org>.

363
service de médiation à Coventry, et par Martin WRIGHT à Wolverhampton1102. En France, ce
sont les associations d’aide aux victimes qui furent les premières à mettre en place des projets
pilotes pour expérimenter la médiation pénale. La médiation pénale sert tout d’abord à permettre,
avec l’intervention d’un médiateur, la rencontre entre la victime et l’auteur de l’infraction, dans
le but de créer un échange qui permettra d’aboutir à un accord sur les modalités de réparation des
conséquences de l’infraction. Ces médiations se limitent par conséquent aux infractions mineures
auxquelles une réparation est possible. Cependant, il n’est pas exclu qu’une médiation puisse être
mise en place après la détermination de la peine ; la réparation sert dans ce cas uniquement à une
réparation personnelle de la victime qui désire assouvir son besoin d’avoir des explications et
d’exprimer ses sentiments. Elle permet à la victime et au délinquant de comprendre leur vécu
mutuel, et souvent, à la victime, de recevoir des excuses.

508. La conférence. Conférence du groupe familial, conférence restaurative ou


conférence communautaire sont plusieurs dénominations pour une même forme de justice
restaurative. Inspirée par des traditions aborigènes, on la retrouve notamment dans des pays
comme la Nouvelle-Zélande, l’Australie et l’Afrique du Sud1103. La conférence se distingue de la
médiation notamment la participation d’un large groupe composé, outre la victime et l’auteur, de
membres de leurs familles et de membres de la communauté. La conférence est animée par un
facilitateur qui va permettre de réguler les échanges entre les différentes parties. La présence de
la famille et de membres de la communauté va permettre d’apporter soutien à la victime et va
renforcer la responsabilisation du délinquant qui ne s’engage pas uniquement devant la victime
mais devant tous ses proches qui participeront au suivi de l’accord conclu et favoriseront sa
réinsertion.

509. Le cercle. Le cercle de sentence, de guérison ou de détermination de la peine


constitue la troisième mesure restaurative principale. Inspiré de pratiques autochtones1104, le

1102
Marie-Clet DESDEVISES, « L'évaluation des expériences de médiation entre délinquants et victimes: l'exemple
britannique », Revue de science criminelle, 1993, p.45. Tony F. MARSHALL, « The evolution of restorative justice
in Britain », European journal on criminal policy and research, 1996, n° 4, p.21.
1103
Manuel sur les programmes de justice réparatrice, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2008,
p.20, en ligne : <www.unodc.org>.
1104
Robert CARIO, « Justice restaurative », in Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, mai 2018.

364
cercle de détermination de la peine est basé sur une approche collective qui permet la
participation de la victime, de l’infracteur, des familles et de membres de la communauté. Il se
distingue de la conférence car il peut prendre un aspect plus juridique par la participation du
juge, des avocats et des officiers de police 1105. Ainsi, une sanction pourra être prononcée à l’issue
du processus mais ce qui reste le plus important dans le cadre du cercle c’est la procédure et les
échanges qui permettent d’aborder le conflit de manière large, ne le limitant pas à l’infraction
elle-même mais englobant le cadre social des personnes concernées. Le cercle permet ainsi
d’aborder et de traiter autant que possible les causes du problème, en plus des conséquences. Ce
type de mesure est le plus proche des systèmes de justice actuels car il peut s’effectuer avec la
participation des acteurs de la justice pénale, avec l’aide d’un comité de justice communautaire
qui aidera à la mise en place de la procédure.

2. Les mesures d’inspiration restaurative

510. Les mesures d’inspiration restaurative en droit français. On peut, sans doute
avec quelques interrogations, s’avancer à dire que les mesures et peines à caractère réparateur en
droit pénal français sont d’inspiration restaurative 1106. Il convient cependant de différencier celles
qui permettent la rencontre entre l’auteur de l’infraction et la victime, de celles qui se limitent à
faciliter la réparation et la réhabilitation de l’auteur de l’infraction. La médiation pénale semble
être la mesure la plus proche de l’esprit restauratif car elle combine la rencontre infracteur-
victime et l’objectif de réparation globale des conséquences de l’infraction. Le travail d’intérêt
général quant à lui ne prévoit pas cette rencontre mais est néanmoins d’inspiration restaurative
car il met en lien l’infracteur avec la communauté et envisage la réparation dans une approche
globale et humaine. La composition pénale a un aspect restauratif de par l’objectif manifeste de
réhabilitation du délinquant (par les interdictions et les obligations de suivre des stages ou des
formations). Cette mesure n’envisage cependant la réparation que dans son aspect matériel et
directement relié au préjudice. Enfin, la sanction-réparation est la mesure du droit pénal français

1105
Manuel sur les programmes de justice réparatrice, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2008,
p.22, en ligne : <www.unodc.org>.
1106
Jacques-Henri ROBERT, « La honte réintégrative, moteur de la justice restaurative », La semaine juridique,
Edition générale, 2 mars 2015, n° 9, 273.

365
qui est la plus éloignée de l’esprit de la justice restaurative. La rencontre des parties concernées y
est absente et la réparation se limite à l’aspect matériel des conséquences de l’infraction.

Outre les mesures restauratives légales, la France expérimente la mise en place de rencontres
détenus-victimes à travers l’implication des associations de victimes. Ces rencontres, issues du
modèle des conférences restauratives, n’ont pas encore pour objectif d’influer sur le cours de la
procédure pénale ou de l’exécution de la peine. Elles ont été mises en place en milieu ouvert et
en milieu carcéral afin d’instaurer un temps de partage entre les participants pour leur permettre
de cheminer vers un apaisement des souffrances et une reconstruction de soi1107.

511. Les mesures d’inspiration restaurative en droit anglais. En droit anglais, il n’y a
pas à proprement parler des mesures d’inspiration restaurative mais des mesures qui font
référence dans leurs moyens de mise en œuvre à la justice restaurative. C’est le cas par exemple
des avertissements sous condition1108 ou des « suspended sentence orders »1109 dont les textes
citent parmi les obligations possibles du délinquant la possibilité d’effectuer une activité de
réparation impliquant un contact entre la victime et l’auteur de l’infraction 1110. C’est aussi le cas
des « compensation orders » et des « community orders » et, pour les mineurs, des « reparation
orders »1111. La justice restaurative fait ainsi son entrée dans la justice pénale des majeurs et des
mineurs à travers des activités de réparation et de réhabilitation auxquelles le juge peut recourir
pour assortir les modalités d’exécution des mesures ou peines qu’il prononce.

II. La redéfinition des fondements de la justice pénale

512. La justice restaurative, dans sa définition originelle, semble proposer une justice à
l’opposé du modèle de justice pénale actuellement adopté. Pourtant, les principes qui la fondent

1107
Robert CARIO, « Les rencontres restauratives en matière pénale: de la théorie à l'expérimentation des RDV», AJ
Pénal, 2011, p.294.
1108
“Conditional cautions”.
1109
Équivalent du sursis avec mise à l’épreuve.
1110
Criminal Justice Act, Chapter 44, 2003, section 201, en ligne : <www.legislation.gov.uk>.
1111
Powers of Criminal Courts Sentencing Act, 2000. Inventaire des dispositifs et des procédures favorisant les
rencontres entre les victimes et les auteurs dans le cadre de la mise en œuvre de la justice restaurative. Le cas de
l'Angleterre et du Pays de Galles, Service des affaires européennes et internationales, Ministère de la justice, 2008.

366
et les arguments de ces adeptes véhiculent l’idée d’une justice « idéale » qui résoudrait tous les
problèmes qui ralentissent aujourd’hui la justice pénale et empêchent de présenter des résultats
satisfaisants. La justice restaurative est donc une justice ambitieuse mais la réalité de la pratique
pourrait l’empêcher d’être mise en œuvre à la hauteur de ses ambitions. Développer à l’extrême
la place accordée aux parties concernées par l’infraction semble être une ambition utopique (A)
mais l’approche proposée en ce qui concerne le sens de la peine est une ambition louable qui
devrait résonner dans la justice pénale (B).

A. Une ambition utopique : la place des parties

513. De par son approche collective et participative, la justice restaurative ambitionne de


remettre entre les mains de l’auteur et de la victime de l’infraction la gestion de l’infraction et
des conséquences qu’elle a eu sur chacun et sur la communauté 1112. En France, lors de la
conférence de consensus sur la prévention de la récidive, la justice restaurative a été présentée
comme une justice qui entend « redistribuer les rôles entre l’État responsable du maintien de
l’ordre public et la communauté civile »1113. Cette approche redéfinit ainsi la place accordée à
l’auteur et à la victime de l’infraction (1) et introduit un nouvel acteur dans la mise en œuvre du
processus : le tiers indépendant (2).

1. L’auteur et la victime

514. L’apport de la justice restaurative sur la place de la victime. La victime,


longtemps mise à l’écart de la procédure pénale, a, ces dernières années, gagné plus de place
notamment par l’accroissement de son droit à l’information et de son droit à réparation1114.
Mieux informée et plus présente, la victime partie civile n’est pas plus satisfaite. Car ce qui
manque dans la justice pénale traditionnelle est accorder une place entière à la victime, donc de

1112
Robert CARIO, « La justice restaurative: vers un nouveau modèle de justice pénale? », AJ Pénal, 2007, p.373.
1113
Conférence de consensus sur la prévention de la récidive, « La justice réparatrice », en ligne : <conference-
consensus.justice.gouv.fr>.
1114
Robert CARIO, « De la victime oubliée... à la victime sacralisée? », AJ Pénal, 2009, p.491.

367
lui donner le droit d’entendre et d’être entendue. La victime n’est plus uniquement le destinataire
de la réparation mais elle participe à l’élaboration du processus réparation. Elle en est l’auteur et
le sujet. Ayant participé à la solution, la victime ne peut que trouver l’issue du conflit équitable
et satisfaisante.

Une étude réalisée en Angleterre et en Australie révèle une diminution du désir de vengeance
chez les victimes ayant participé à une mesure de justice restaurative1115. La victime se voit
apaisée car la justice restaurative lui permet une meilleure compréhension des causes ayant mené
à l’infraction. Selon le Pr. CARIO, la justice restaurative permet un renforcement du sentiment
de justice, une diminution de la peur du crime par la découverte de l’humanité de l’auteur de
l’infraction et un mieux-être physique et psychologique car elle permet de prévenir et d’apaiser
les symptômes post-traumatiques1116.

515. L’apport de la justice restaurative sur la place de l’auteur. L’apport de la justice


restaurative doit être recherché dans la prise en charge du délinquant, son implication en tant que
sujet actif dans la procédure et sa responsabilisation en vue de sa réhabilitation. La justice
restaurative permet au délinquant d’être perçu dans son humanité, de parler de son histoire et
d’être entendu sur des sujets autres que la commission de l’infraction. La mesure de justice
restaurative lui permet, par la rencontre avec la victime, de se rendre compte des torts causés et
de se libérer des sentiments de honte et de culpabilité1117.

La réhabilitation de l’auteur de l’infraction que vise la justice restaurative permet d’envisager des
conséquences positives sur le risque de récidive de ce dernier. Cependant, tandis qu’une étude
semble confiante sur l’impact positif de la justice restaurative sur la récidive en mentionnant des
statistiques assez larges allant de 25% à 84% de taux plus élevés de non-récidive1118, d’autres

1115
Lawrence SHERMAN, et al., « Effects of face-to-face restorative justice on victims of crime in four
randomized, controlled trials », Journal of experimental criminology, September 2005, n° vol.1 , 3, p.367.
1116
Robert CARIO, « Justice restaurative », in Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, mai 2018.
1117
Robert CARIO, « Justice restaurative », in Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, mai 2018.
1118
Lawrence SHERMAN et Heather STRANG, Restorative justice: the evidence, édité par T. S. INSTITUTE,
2007, en ligne : <irrp.edu>. Robert CARIO, « Justice restaurative », in Répertoire de droit pénal et de procédure
pénale, Dalloz, mai 2018, §142. Jeff LATIMER, Craig DOWDEN et Danielle MUISE, L'efficacité des pratiques de
la justice réparatrice: méta-analyse, Division de la recherche et de la statistique, Ministère de la justice - Canada,
2001.

368
études soulèvent l’impossibilité de mesurer l’impact que peut avoir la justice restaurative sur la
récidive des délinquants, voire affirment son absence d’impact réel1119.

516. Les mesures de justice restaurative accordent ainsi une place prépondérante à la
victime et à l’auteur de l’infraction par l’espace de parole qu’elles créent. L’échange entre les
parties leur permet de s’approprier le processus et de répondre à leurs besoins spécifiques. Cette
mise en scène est aujourd’hui difficile à imaginer dans le cadre de la justice pénale car elle n’est
pas compatible avec le rôle du juge et avec les limites du temps accordé à chaque affaire.
L’intervention d’un tiers indépendant est donc primordiale pour le bon déroulement des mesures
restauratives.

2. Le tiers indépendant

517. L’identification du profil du tiers. La naissance des mesures restauratives en


dehors de la sphère de la justice pénale a nécessairement conduit au besoin de désigner une
personne qui serait responsable de la bonne conduite des mesures restauratives. A l’image des
sages dans les tribus et les villages qui avaient pour rôle de résoudre les conflits entre les
habitants, les mesures restauratives se construisent autour d’une tierce personne. Ce tiers est
extérieur au conflit, il est indépendant et n’a donc aucun lien personnel avec les parties
concernées par l’infraction et doit rester impartial.

Cependant, la dénomination de « tiers indépendant » peut cacher des réalités diverses. Le profil
de la personne, ses qualifications et sa fonction au sein de la procédure ne sont pas encore
déterminés uniformément et avec précision par les textes législatifs et la doctrine.

En droit français, le Code de procédure pénale précise uniquement que le tiers est « formé à cet
effet », sans d’autres précisions sur son identité ou son rattachement (ONG, bureau d’aide aux
victimes, etc)1120. Dans la doctrine on retrouve quelques précisions supplémentaires ce tiers serait

1119
James BONTA, et al., « An outcome evaluation of a restorative justice alternative to
incarceration», Contemporary justice review, 2002, n° 5, p.319.
1120
Article 10-1 c. pr. pén. Gaëlle RABUT-BONALDI, « La mesure de justice restaurative, ou les mystères d'une
voie procédurale parallèle », Recueil Dalloz, 2015, p.97.

369
formé « aux principes déontologiques et méthodologiques de la justice restaurative »1121, encore
faudrait-il que ces principes soit légalement déterminés ou au moins déclarés par une autorité
compétente. En Angleterre, il n’y a pas un organisme unique habilité à mettre en œuvre la justice
restaurative. Plusieurs organismes offrent commercialement ou bénévolement des services de
médiation et établissent leur propre programme de formation et d’accréditation de médiateurs1122.
Une institution vient cependant chapeauter les différentes initiatives sous la dénomination de
« Restorative justice council » et vise à rassembler et accréditer les organismes qui le
souhaitent1123.La situation est identique en France mais dans ces deux pays, ces organismes
reçoivent en principe une autorisation d’exercer leur mission de l’État qui accréditent ainsi
indirectement leur mode de fonctionnement. La circulaire du 15 mars 2017 vient ainsi préciser
que « la loi ne prévoit pas d’habilitation particulière de structures associatives », et qu’il serait
fait appel au réseau des associations du secteur socio-judiciaire habilité et à celui des associations
conventionnées1124.

518. L’identification du rôle du tiers. Du point de vue du rôle du tiers, il varierait selon
la mesure restaurative en question. Il serait « animateur » dans le cadre d’une rencontre détenu-
victime, « médiateur » dans le cadre d’une médiation » et « accompagnateur » dans le cadre d’un
cercle de soutien »1125. En l’absence d’une formation universitaire unique dont le contenu serait
accrédité par l’État, on ne peut que s’inquiéter d’une disparité des niveaux des programmes de
formation dispensés par les organismes et ONG qui œuvrent dans le domaine de la justice
restaurative. En France, la circulaire du 15 mars 2017 vient limiter les organismes habilités à
dispenser une formation à la justice restaurative et recommande de ne pas recourir à d’autres
intervenants.

Un développement maitrisé de la justice restaurative pourrait nous permettre d’envisager une


professionnalisation du rôle du tiers indépendant, ambition aujourd’hui utopique mais fort
nécessaire pour demain.

1121
Robert CARIO, « Justice restaurative », in Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, mai 2018.
1122
Inventaire des dispositifs et des procédures favorisant les rencontres entre les victimes et les auteurs dans le
cadre de la mise en œuvre de la justice restaurative. Le cas de l'Angleterre et du Pays de Galles, Service des affaires
européennes et internationales, Ministère de la justice, 2008.
1123
Consulter: www.restorativejustice.org.uk.
1124
Circulaire du 15 mars 2017, BOMJ 2017-03 du 31 mars 2017, 5.2 (b).
1125
Robert CARIO, « Justice restaurative », in Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, mai 2018.

370
B. Une ambition louable : le sens de la peine

519. Les fondements humanistes et participatifs de la justice restaurative ont


indirectement, par l’expansion de ce modèle de justice, influencé la justice pénale traditionnelle
qui a, petit à petit, introduit des notions qui lui étaient étrangères. Le principe qui a connu
l’évolution la plus importante est celui du sens de la peine. Longtemps limité à une fonction
punitive et restreinte à l’emprisonnement ou l’amende, le sens de la peine évolue en même temps
que le développement de la justice restaurative et passe de la punition à la réparation (1). La
justice restaurative introduit aussi une notion propre à son modèle, la honte réintégrative, qui est
pour elle ce que la peine est pour la justice pénale, l’objectif ultime (2).

1. De la punition à la réparation

520. La peine, un mal pour un mal. A l’origine de la justice pénale classique, on


retrouve l’idée que le mal causé par l’infraction est compensé par le mal causé par la peine. La
peine est donc rétributive1126. De là découlent les caractères classiques de la peine qui est
afflictive et infamante. Pour causer ce mal, la peine vise l’élimination (par la peine de mort),
l’exclusion (par l’emprisonnement) ou la neutralisation (par les mesures de sûreté) 1127. Le
mouvement d’individualisation des sanctions et la recherche de réhabilitation des délinquants ont
ouvert la voie à l’introduction des idées restauratives. La justice restaurative a permis d’avancer
la notion de réparation globale, lorsque le droit pénal ne connaissait que la réparation des
dommages au sens civil du terme, soit une réparation matérielle et pécuniaire.

En droit français, l’article 130-1 du Code pénal dispose que la peine a pour fonction de
sanctionner l’auteur de l’infraction et de favoriser son amendement son insertion ou sa
réinsertion. La réparation ne fait pas encore partie des fonctions de la peine comme en droit

1126
Michel VAN DE KERCHOVE, « Les fonctions de la sanction pénale », Informations sociales, 2005, n° 7, 127,
p.22.
1127
Robert CARIO, « Justice restaurative », in Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, mai 2018.

371
anglais 1128, mais si on considère que cet article n’est qu’une première tentative de définition de la
peine, on peut apprécier la référence aux concepts de réhabilitation, d’équilibre social et
d’intérêts de la victime. De plus, comme nous l’avons démontré tout au long des précédents
chapitres, la réparation, longtemps réservée au juge civil ou à l’action civile, est de plus en plus
présente au sein de mesures ou sanctions pénales. La justice restaurative a sans doute permis
d’atténuer les frontières entre la réparation et le droit pénal.

521. La réparation, un bien pour un mal. La justice restaurative repose sur l’inclusion
et non l’exclusion de l’auteur de l’infraction. Son inclusion dans le processus restauratif, son
inclusion dans la prise en charge des conséquences de l’infraction, et son inclusion dans la
société. Elle ne répond pas au mal par le mal mais elle y répond pas une forme positive de prise
en charge tournée vers l’avenir. Ce principe d’action est rendu possible par la réparation globale
des conséquences de l’infraction :

 la réparation du dommage,

 la réparation de la victime par le dialogue,

 la réparation du délinquant par la compréhension de son histoire et par le soutien apporté


pour la construction de son avenir,

 la réparation du lien rompu entre le délinquant et la société.

2. La honte réintégrative

522. Le sentiment de honte, fondement de la justice restaurative. John


BRAITHWAITE a théorisé le principal fondement de la justice restaurative dans la notion de
« honte réintégrative », de l’anglais « reintegrative shaming »1129. Cette honte réintégrative est le
sentiment que doit susciter la mesure restaurative chez l’auteur de l’infraction lorsqu’il se
retrouve confronté à (aux) victime(s), aux familles et aux proches, et aux membres de la

1128
Criminal Justice Act, Chapter 44, 2003, art.142, en ligne : <www.legislation.gov.uk>.
1129
John BRAITHWAITE, Crime, shame and reintegration, Cambridge university press, 1989.

372
communauté1130. Le sentiment de honte n’est pas induit par la morale qui est une façon
rationnelle d’expliquer une norme ou une valeur. La honte réintégrative doit toucher les
sentiments de l’infracteur et le mettre mal à l’aise vis-à-vis de l’image que son action renvoie aux
autres.

La honte réintégrative se déroule en deux temps. Dans un premier temps, l’infracteur doit
éprouver un sentiment de honte au regard de l’indignité de son acte. Cette honte naîtra en lui
grâce aux témoignages des victimes, des proches et des membres de la communauté qui lui
feront prendre conscience de la gravité de la situation. Dans un second temps, et parce que faire
naître le sentiment de honte n’a pas pour objectif d’exclure l’infracteur de la société, la mesure
de justice restaurative doit permettre d’apporter à l’infracteur le support nécessaire afin de lui
permettre de réintégrer la société1131. Le support peut être moral, par le soutien de sa famille, ou
plus concret par toute aide apportée afin de lui permettre de réparer le dommage, de réparer les
torts causés à la société par un service communautaire, d’intégrer une formation ou de trouver un
emploi, etc.

La honte réintégrative n’a pas seulement un effet sur l’infracteur. Selon J. BRAITHWAITE, elle
permet à la société d’exprimer, par l’intermédiaire de ses représentants, sa désapprobation du
comportement délictueux en ce qu’il contredit ses normes sociales. Cela permet ainsi d’avoir un
effet restauratif sur la société qui sera apaisée. Ainsi, cette honte offre indirectement un geste de
solidarité envers la victime et la restitue dans sa valeur et sa dignité, en tant que membre de la
communauté dont les droits doivent être défendus 1132.

Le concept de honte réintégrative et le sens de la peine ont en commun la proclamation des


valeurs sociales et la dénonciation des actes qui enfreignent ces valeurs. Cependant, la honte
réintégrative, par son processus, réveille un sentiment chez l’infracteur que ne réveille pas
forcement le prononcé d’une peine. C’est ce sentiment qui permettra la réintégration de
l’infracteur, contrairement à l’exclusion induite par la peine.

1130
Jacques-Henri ROBERT, « La honte réintégrative, moteur de la justice restaurative », La semaine juridique,
Edition générale, 2 mars 2015, n° 9, 273.
1131
Robert CARIO, « Justice restaurative », in Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, mai 2018.
1132
Lode WALGRAVE et Ivo AERTSEN, « Reintegrative shaming and restorative justice », European journal on
criminology policy and research, 1996, n° 4, p.67.

373
Dans leurs principes, la justice restaurative et la justice pénale semblent s’opposer. Pourtant, le
développement de la première en marge de la seconde a permis aux praticiens du droit et au
législateur de repenser le système pénal classique à la lumière des notions restauratives. D’une
influence de la justice restaurative sur la justice pénale à l’intégration de la justice restaurative
dans la justice pénale, il n’y a qu’un pas... que la France et l’Angleterre ont franchi.

Section 2 : L’intégration de la justice restaurative dans la justice pénale

523. Les réformes législatives sont souvent le fruit d’une évolution culturelle et sociale.
L’étude des besoins et attentes des victimes et des délinquants par la victimologie et la
criminologie a permis de repenser les réponses apportées à la délinquance. Parallèlement à cette
réflexion, des réponses se développaient déjà auprès de certains tribunaux ou dans certaines
associations de victimes grâce à la mise en place d’expériences pilotes entre délinquants et
victimes. Ces expériences, fondées sur les principes de la justice restaurative importée des pays
d’Amérique du Nord, ont fini par porter leurs fruits. D’abord limitée à des projets expérimentaux
et principalement associatifs, la justice restaurative finit par s’institutionnaliser (I). Toutefois,
cette institutionnalisation ne s’est pas produite sans en altérer certains principes (II).

I. L’institutionnalisation de la justice restaurative

524. L’institutionnalisation de la justice restaurative s’est produite par la légalisation du


concept (A). En France ou en Angleterre, des textes législatifs ou gouvernementaux sont venus
définir la notion et tenter d’établir des moyens de mise en œuvre. La justice restaurative, quoique
légalisée comme mesure ou ensemble de mesures, est un modèle de justice à elle-seule. Il ne
s’agissait donc pas de légaliser une nouvelle sanction mais d’intégrer un nouveau mode de prise
en charge de la délinquance. La question de l’articulation de la justice restaurative et de la justice
pénale s’est révélée primordiale (B).

374
A. La légalisation de la justice restaurative

525. L’Angleterre a légalisé la justice restaurative au début des années 2000, bien après le
développement de celle-ci dans des procédures parajudiciaires 1133. La France a tardé à légaliser
la notion, sans doute à cause de la présence d’autres mesures réparatrices qui semblaient pouvoir
être confondues avec des mesures restauratrices, telles que la médiation ou la composition
pénale. Le besoin de distinguer la justice restaurative d’autres mesures réparatrices et de lui
donner un cadre juridique propre est apparu nécessaire (1). La légalisation de la justice
restaurative n’a néanmoins pas évité certaines difficultés de mise en œuvre (2).

1. Le cadre juridique

526. Le cadre juridique international. Dès 1999, le Conseil économique et social de


l’Organisation des Nations-Unies a incité les États membres à promouvoir les programmes de
justice réparatrice par l’adoption d’une résolution intitulée « Élaboration et application de
mesures de médiation et de justice réparatrice en matière pénale »1134. D’autres résolutions ont
suivi en 2000 et 2002 pour développer les principes fondamentaux de la justice réparatrice 1135.
Ce n’est qu’en 2014 que l’Assemblée générale des Nations-Unies a consacré la justice
réparatrice dans le cadre de la promotion d’un système de justice spécialisée pour mineurs qui
encouragerait les mesures de substitution telles que la déjudiciarisation et la justice
réparatrice1136.

527. Le cadre juridique européen. Au niveau européen, on peut notamment citer la


directive 2012/29 du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le
soutien et la protection des victimes de la criminalité et qui consacre le recours à la justice

1133
Tony MARSHALL, « The evolution of restorative justice in Britain », European journal on criminal policy and
research, Décembre 1996, n° 4. Best practice guidance for restorative justice, Restaurative justice council, Ministry
of Justice, 2011, en ligne : <www.restorativejustice.gov.uk>.
1134
Résolution 1999/26 du 18 juillet 1999.
1135
Résolutions du 27 juillet 2000 et du 24 juillet 2002 relatives aux principes fondamentaux concernant le recours à
des programmes de justice réparatrice en matière pénale.
1136
Résolution 69/194 du 18 décembre 2014.

375
réparatrice. La directive développe aussi les garanties nécessaires pour une bonne application des
mesures restauratives telles que la protection de la victime contre une victimisation secondaire, la
formation adéquate des personnes chargées de la justice réparatrice, l’accès des victimes à
l’information et aux conseils concernant le processus1137, etc. La directive de 2012 a été
complétée par une recommandation du Conseil de l’Europe relative à la justice restaurative en
matière pénale1138. La recommandation définit la justice restaurative comme étant tout
« processus permettant aux personnes qui ont subi un préjudice résultant d’une infraction et aux
responsables de ces préjudices de participer activement, s’ils y consentent librement, au
règlement des problèmes résultant de l’infraction, avec l’aide d’un tiers qualifié et impartial ».
Nous rejoignons l’avis du Pr. Robert CARIO en déplorant l’utilisation du terme « préjudice » qui
renvoie en France au droit civil, tandis que la version anglaise de la recommandation utilise
l’expression « harmed by the crime »1139.

528. Le cadre juridique anglais. Le Criminal Justice Act de 2003 a ouvert la voie à
l’institutionnalisation de la justice restaurative en définissant la réparation comme l’un des
objectifs de toute condamnation1140. Dans une contribution présentée en 2007 devant la
commission européenne pour l’efficacité de la justice, le Royaume-Uni a développé la stratégie
du gouvernement en matière de justice restaurative 1141. L’objectif général est que le système
judiciaire pénal maximise le recours à la justice restaurative pour répondre aux besoins des
victimes et réduire la récidive. Cet objectif serait atteint par la mise en place d’une justice
restaurative de qualité à tous les stades de la justice pénale et par la compréhension de sa
meilleure utilisation afin de l’intégrer pleinement, à long terme, au sein de la justice pénale. En
2014, le Offender rehabilitation Act inclut la justice restaurative parmi les activités réparatrices
favorisant la réhabilitation des délinquants. Elle y est définie comme une activité qui rassemble
l’auteur de l’infraction et la victime, dont le but est de faire prendre conscience au délinquant de

1137
Directive disponible en ligne sur: eur-lex.europe.eu.
1138
Recommandation CM/Rec (2018)8 du 5 octobre 2018. Robert CARIO, « Les apports de la recommandation
(18)8 du Conseil de l'Europe dans la consolidation de la justice restaurative en France », AJ Pénal, 2019, p.87.
1139
Voir en ce sens le chapitre consacré à la réparation, accessoire de la peine.
1140
Criminal Justice Act, Chapter 44, 2003, en ligne : <www.legislation.gov.uk>.
1141
Restorative justice: the government's strategy. Contribution by the United Kingdom, Working group on
Mediation, European commission for the efficiency of justice, 2007, en ligne : <rm.coe.int>.

376
l’impact de son acte sur la victime et qui donne à la ou les victime(s) l’opportunité de s’exprimer
sur son vécu1142.

La volonté d’intégrer la justice restaurative au système pénal existant ayant été exprimée, le
gouvernement anglais poursuit son action en faveur de l’institutionnalisation de la justice
restaurative à travers des stratégies pluriannuelles et des plans d’actions 1143.

Des stratégies et plans d’action du gouvernement anglais, on retient :

 L’amélioration de l’accès aux mesures de justice restaurative à tous les stades de la


procédure pénale,

 La sensibilisation des professionnels de la justice et du public à l’intérêt de recourir aux


mesures restauratives,

 La consolidation de la qualité des services restauratifs par l’établissement de standards


nationaux, l’accréditation des praticiens et la diffusion de conseils opérationnels pour
garantir la bonne application des mesures restauratives,

 L’imposition d’une évaluation continue des pratiques restauratives à tous les stades de la
procédure pour analyser leur impact sur les différents acteurs (victimes, jeunes, adultes,
etc.) et pour favoriser un échange d’informations entre les professionnels du secteur1144.

529. Le cadre juridique français. La loi du 15 août 2014 pose le cadre juridique de la
justice restaurative en incluant l’article 10-1 dans le Code de procédure pénale. Ce texte définit
les mesures de justice restaurative et le cadre dans lequel elles sont mises en œuvre. Le choix
d’accorder à ce texte un sous-titre spécifique sous le titre préliminaire des dispositions générales
du code est à souligner. Même si la loi définit ici la mesure de justice restaurative, il semble bien
qu’il ne s’agit pas d’une mesure comme le sont par exemple la médiation pénale ou la
composition pénale, rangées parmi les attributions des autorités chargées de la conduite de
l’action publique. Le symbole est fort et on pourrait envisager à l’avenir que d’autres articles

1142
Offender Rehabilitation Act, section 200 A.
1143
L’ensemble de ces documents institutionnels peuvent être consultés en ligne sur: www.gov.uk sous le mot-clé
“restorative justice”.
1144
Restorative justice action plan for the criminal justice system, Ministry of Justice, November 2012, en ligne :
<www.gov.uk>.

377
relatifs à la justice restaurative viennent compléter ce sous-titre et contribuent à faire de la justice
restaurative un modèle de justice au sein de la justice pénale. La loi du 15 août 2014 introduit
aussi l’article 707 au Code de procédure pénale et accorde à la victime, lors de l’exécution de la
peine, le droit d’obtenir la réparation de son préjudice, par l’indemnisation de celui-ci ou par tout
autre moyen adapté, y compris, s’il y a lieu, en se voyant proposer une mesure de justice
restaurative.

La loi du 17 août 2015 complète la définition en créant l’article 10-2 sous un sous-titre 3
intitulé « des droits des victimes ». Ce texte dispose entre autres que « les officiers et agents de
police judiciaire informent par tout moyen les victimes de leur droit, (1) d’obtenir réparation de
leur préjudice, par l’indemnisation de celui-ci ou par tout autre moyen, y compris, s’il y a lieu,
une mesure de justice restaurative ; [...] ». Ce cadre législatif, quoique prometteur, manque de
préciser les modalités concrètes d’application des mesures de justice restaurative 1145.

Il a fallu attendre la circulaire du 15 mars 2017 pour comprendre les conditions préalables à la
mise en œuvre et les modalités de mise en œuvre et de contrôle des mesures de justice
restaurative1146. La circulaire précise notamment que la justice restaurative est un « modèle de
justice » et non une simple mesure, ce qui explique que lui soit consacré un sous-titre spécifique
au sein du Code de procédure pénale. Elle annonce aussi la création d’un comité national de la
justice restaurative comprenant des représentants de chacune des directions du ministère de la
justice qui sera chargé d’évaluer la pertinence des formations et expérimentations en cours.

2. Les difficultés de mise en œuvre

530. Des difficultés relatives à la communication. Bien avant les difficultés qui peuvent
survenir au cours d’une procédure de justice restaurative, la première difficulté à laquelle font

1145
Benjamin SAYOUS, « La justice restaurative dans la réforme pénale: de nouveaux droits pour les victimes et les
auteurs d'infractions pénales », AJ Pénal, 2014, p.461. Gaëlle RABUT-BONALDI, « La mesure de justice
restaurative, ou les mystères d'une voie procédurale parallèle », Recueil Dalloz, 2015, p.97. Jacques-Henri
ROBERT, « La honte réintégrative, moteur de la justice restaurative », La semaine juridique, Edition générale, 2
mars 2015, n° 9, 273.
1146
Circulaire du 15 mars 2017, publiée au BOMJ 2017-03 du 31 mars 2017. Nathalie MAZAUD, « Retour sur
l'expérimentation de la justice restaurative - A propos de la circulaire du 15 mars 2017 », Semaine juridique -
Edition générale, 29 mai 2017, n° 22, p.601.

378
face les professionnels est celle de rendre possible les choix de recours à la justice restaurative.
Récemment légalisée en France et en Angleterre, il s’agit de sensibiliser la société et les
professionnels de la justice aux intérêts de recourir à la justice restaurative car la réussite de
celle-ci dépend de la participation de tous : victimes, infracteurs, officiers de police, proches et
membres de la communauté. La sensibilisation permet aussi d’apporter une vision réaliste sur ce
que la justice restaurative peut permettre et ce qu’elle ne peut réaliser, pour éviter toute
désillusion1147. La formation des professionnels est un levier majeur pour la diffusion des
mécanismes et principes de la justice restaurative 1148.

La communication autour de la philosophie de la justice restaurative est aussi importante au


niveau du grand public. Il s’agit de rendre la réparation plus visible en société pour refléter le
caractère positif de la réponse apportée aux infractions. Cela permettrait de mettre en valeur
l’efficacité des mesures restauratives et de donner à la justice restaurative plus de crédibilité en
tant que réponse apportée à la délinquance.

531. Des difficultés relatives à l’uniformisation. Jusqu’à présent, la principale difficulté


qui empêche un développement organisé de la justice restaurative est l’absence d’uniformisation,
et cela à plusieurs niveaux :

 Absence de standards nationaux et de procédures unifiées pour la mise en œuvre de


mesures restauratives identiques au niveau national.

 Absence d’une procédure de contrôle de la qualité des services délivrés par les
associations et institutions de justice restaurative, associé à cela un manque d’évaluation
permanente des processus restauratifs.

 Absence d’uniformité en matière d’offre de mesures restauratives dans toutes les régions
ce qui conduit à une inégalité, une différence de traitement entre les victimes en fonction
de leur lieu de résidence1149.

1147
Restorative justice action plan for the criminal justice system, Ministry of Justice, November 2012, en ligne :
<www.gov.uk>.
1148
Circulaire du 15 mars 2017, publiée au BOMJ 2017-03 du 31 mars 2017.
1149
Restorative justice action plan for the criminal justice system, Ministry of Justice, November 2012, en ligne :
<www.gov.uk>.

379
En France, la circulaire du 15 mars 2017 préconise plusieurs actions en faveur d’une
uniformisation, sans toutefois imposer leurs applications. Nous relevons notamment la
proposition de créer un comité de pilotage au sein de la juridiction afin de suivre, évaluer et
assurer la pérennité du dispositif.

B. L’articulation de la justice restaurative et de la justice pénale

532. La nature de la justice restaurative, modèle de justice ou simple mesure, va


déterminer son articulation avec la justice pénale. Mesure pénale comme toute autre, elle sera
soumise dans son application au respect des droits fondamentaux. Modèle de justice, la justice
restaurative va se confronter aux principes fondamentaux qu’elle doit prendre en compte (1). Sur
le plan procédural, l’articulation de la procédure restaurative et de la procédure pénale est
nécessaire afin de garantir l’œuvre de justice (2).

1. L’articulation avec les principes fondamentaux

533. Droits de la défense. Les mesures restauratives, notamment lorsqu’elles sont mises
en place avant toute condamnation pénale, doivent prendre en compte les droits de la défense et
la présomption d’innocence. En droit français, l’article 10-1 du Code de procédure pénale
impose le consentement exprès des parties à participer au processus restauratif. En ce qui
concerne l’auteur de l’infraction, ce consentement ne doit pas être interprété comme un aveu
judiciaire ou extra-judiciaire mais à une « absence de dénégation »1150. La circulaire du 15 mars
2017 précise que les parties doivent s’accorder sur « les faits principaux de la cause ». La
participation à une mesure de justice restaurative a cela d’ambiguë qu’elle ne peut se faire sans
que l’auteur des faits accepte d’assumer ses torts, donc avoue indirectement être à l’origine de
l’infraction. Cependant, cet aveu indirect n’a pas de valeur judiciaire d’abord parce que la
mesure est extra-judiciaire et facilitée par un tiers indépendant qui ne peut recueillir des aveux et
ensuite parce que cela ne motiverait pas les infracteurs à accepter de participer à une mesure

1150
Robert CARIO, « Justice restaurative », in Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, mai 2018.

380
restaurative. Les droits de la défense sont aussi protégés par la confidentialité des échanges, sauf
accord des parties ou intérêt supérieur lié à la nécessité de prévenir ou réprimer des infractions.

En droit anglais, l’accord des parties est aussi une condition de mise en œuvre d’une mesure
restaurative car il représente une garantie de participation et d’implication dans le processus. Les
mesures de justice restaurative étant incluses dans des mesures judiciaires plus larges prononcées
dans le cadre de la procédure pénale (comme un avertissement sous condition ou un sursis), elles
sont soumises à la condition de la reconnaissance de culpabilité de l’infracteur. Le « Criminal
Justice Act » le précise à l’article 23 (3).

534. Droit à l’information. La légalisation récente de la justice restaurative et son


application encore quantitativement limitée empêchent la connaissance de ce modèle de justice
par le grand public. De plus, l’implication demandée à l’auteur des faits et à la victime
commande la nécessité de leur donner une information complète sur le processus qui leur est
proposé. C’est d’ailleurs l’une des conditions énoncées à l’article 10-1 du Code de procédure
pénale.

En droit anglais, il n’est pas fait mention légale de l’obligation d’informer l’auteur de l’infraction
et la victime sur le déroulement de la mesure restaurative. Nous pouvons juste relever dans le
cadre des mesures alternatives, l’obligation d’informer l’auteur de l’infraction des conséquences
de l’échec de la mesure : le déclenchement des poursuites pénales. Cette condition soulève un
point d’interrogation en cas d’échec de la mesure restaurative. La caractérisation de l’échec
d’une mesure restaurative n’est pas clairement opérée, à supposer qu’une mesure restaurative
puisse « échouer », ce que certains réfutent car le processus en lui-même serait un succès même
s’il n’aboutit pas à un accord. On peut cependant considérer qu’il y a échec si la mesure
restaurative n’aboutit pas à la réparation des conséquences de l’infraction, objectif énoncé de la
mesure.

381
2. L’articulation des procédures

535. Une procédure restaurative au cœur de la procédure pénale. A observer


l’articulation des procédures restauratives et de la procédure pénale en droit anglais, il semble
bien que les premières soient intégrées à la seconde. Le droit anglais paraît ainsi avoir adopté une
position maximaliste au regard de la justice restaurative qui est envisagée comme une théorie
normative qui redéfinit le sens et les finalités de la peine 1151. La justice restaurative n’est pas un
simple complément de la justice pénale mais une « philosophie qui devrait imprégner et modifier
le système de justice pénale lui-même »1152. L’objectif de réparation se retrouve ainsi au cœur de
l’œuvre de justice.

Cette approche est illustrée dans les stratégies du gouvernement en matière de justice
restaurative. Le premier plan d’action précise que l’objectif est d’actionner les leviers nécessaires
afin de permettre l’intégration de la justice restaurative nationalement grâce à une approche
centralisée1153.

536. Une procédure restaurative externe à la procédure pénale. Le droit français se


distingue dans son approche du droit anglais en ce qu’il n’intègre pas la procédure restaurative
dans la procédure pénale. Une vision minimaliste de l’intégration est privilégiée : la justice
restaurative vient se greffer à la justice pénale de manière parallèle. La mesure de justice
restaurative est ainsi autonome vis-à-vis de la procédure pénale1154. Elle n’a pas de conséquence
sur la procédure judiciaire qui s’exerce en parallèle, ni sur le sens de la peine. La circulaire du 15
mars 2017 relative à la mise en œuvre de la justice restaurative précise que « l’autorité judiciaire
joue un rôle majeur dans son impulsion, et dans l’évaluation qualitative du dispositif, sans pour

1151
Christophe BEAL, « Justice restaurative et justice pénale », Collège international de philosophie, 2017/3, n° 93,
p.58, en ligne : <cairn.info>.
1152
Lode WALGRAVE, « Comment combiner justice restauratrice et justice pénale: questions et discussions », in
La justice restauratrice, sous la dir. de P. GAILLY, Larcier, 2011, p.417.
1153
Restorative justice action plan for the criminal justice system, Ministry of Justice, November 2012, p.1,
en ligne : <www.gov.uk>. Ce plan d’action a été suivi d’un deuxième plan d’action en novembre 2014 pour une
période allant jusqu’à mars 2018: Restorative justice action plan for the criminal justice system for the period to
March 2018, Ministry of Justice, November 2014, en ligne : <www.gov.uk>.
1154
Circulaire du 15 mars 2017 relative à la mise en œuvre de la justice restaurative, BOMJ n°2017-07 du 31 mars
2017. Robert CARIO, « Justice pénale et justice restaurative: entre complémentarité et autonomie assumées », AJ
Pénal, 2017, p.252.

382
autant contrôler le déroulement de la mesure individuelle, qui se déroule en toute
confidentialité ». Il est aussi précisé qu’au cours des premiers stades de la procédure, la mesure
de justice restaurative ne doit pas interférer avec le déroulement de la procédure pénale.

Les principes directeurs de procédure pénale n’ont pas lieu de s’appliquer et l’échec ou le succès
de la mesure restaurative sont sans incidence sur la réponse pénale. La circulaire qualifie les
deux procédures d’imperméables: la mesure de justice restaurative n’a pas d’incidence sur la
décision d’engager des poursuites ou sur le choix de la peine, la décision de l’auteur de quitter le
dispositif ne peut lui être préjudiciable et la mesure n’a pas d’effet sur l’octroi de dommages-
intérêts à la partie civile ou sur l’indemnisation de la victime dans le cadre d’une alternative aux
poursuites. Cette vision minimaliste est critiquable car elle enferme la mesure restaurative dans
une simple approche de dialogue entre les parties et n’accorde pas d’effet à tout accord sur la
réparation qui pourrait s’ensuivre. On pourrait ainsi affirmer que la loi du 15 août 2014 s’est
limitée à légaliser la justice restaurative, sans vraiment l’intégrer à la justice pénale.

537. Des modèles d’institutionnalisation. L’institutionnalisation de la justice


restaurative par la légalisation de son principe et par son articulation avec la procédure pénale
existante se fait selon deux modèles identifiés par les chercheurs. Le premier consiste en une
auto-institutionnalisation, c’est-à-dire une stabilisation des formes de la pratique. Ce fut le cas
par exemple de la médiation qui a subi une formalisation graduelle : d’une normalisation de la
pratique à une procéduralisation, à une légitimation, pour aboutir à une professionnalisation de
l’action1155. Le deuxième consiste en une méta-institutionnalisation, c’est-à-dire une
institutionnalisation dépendante. Il s’agit dans ce cas de l’intégration de mesures avec des
pratiques déjà instituées et le support d’institutions déjà établies. Le risque dans cette hypothèse
est de rendre dépendantes les pratiques restauratives du système pénal établi. Enfin,
l’institutionnalisation de la justice restaurative et son articulation avec le système de justice
pénale se ferait au risque d’une altération des principes et valeurs qui fondent ce modèle de
justice.

1155
Pierre NOREAU et Romilda MARTIRE, « L'institutionnalisation de la justice réparatrice », in Justice
réparatrice et médiation pénale: convergences ou divergences?, sous la dir. de M. JACCOUD, L'Harmattan, 2003,
p.209.

383
II. L’altération de la justice restaurative

538. Le processus d’institutionnalisation de la justice restaurative ne peut se faire sans


risque d’altération de son essence. Il ne faut pas perdre de vue que la justice restaurative
n’apporte pas une nouvelle théorie de la peine mais une nouvelle théorie de la justice avec des
fondements spécifiques1156. L’institutionnalisation, par définition, est « le produit d’un long
processus d’ajustement et d’accoutumance »1157. Ainsi, la démarche d’institutionnalisation de la
justice restaurative risque d’altérer son sens (A) et ses objectifs (B).

A. L’altération de son sens

539. Dans sa définition originelle, la justice restaurative est un modèle de justice, « un


nouveau paradigme qui nous oblige à changer d’optique »1158. La justice restaurative change
notre perception des délits et des sanctions et redéfinit les fondements de la relation entre la
société et l’État en cas d’infraction. Or l’institutionnalisation de la justice restaurative par des
instances internationales ou nationales altère parfois sa définition. En effet, on retrouve par
exemple dans le Manuel sur les programmes de justice réparatrice de l’Office contre la drogue et
le crime deux présentations différentes de la justice restaurative : elle est tantôt « une alternative
viable au système de justice pénale officiel », donc un autre système de justice, et tantôt « une
méthode utilisable parallèlement aux procédures et aux sanctions pénales traditionnelles »1159.
Au niveau des législations et pratiques restauratives nationales, l’altération touche surtout au
champ d’application de la justice restaurative (1). La définition de la justice restaurative se voit
aussi altérée lorsqu’est opérée une labellisation restaurative de mesures qui ne le sont pas
vraiment (2).

1156
Christophe BEAL, « Justice restaurative et justice pénale », Collège international de philosophie, 2017/3, n° 93,
p.58, en ligne : <cairn.info>.
1157
Pierre NOREAU et Romilda MARTIRE, « L'institutionnalisation de la justice réparatrice », in Justice
réparatrice et médiation pénale: convergences ou divergences?, sous la dir. de M. JACCOUD, L'Harmattan, 2003,
p.209.
1158
Christophe BEAL, « Justice restaurative et justice pénale », Collège international de philosophie, 2017/3, n° 93,
p.58, en ligne : <cairn.info>.
1159
Manuel sur les programmes de justice réparatrice, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2008,
en ligne : <www.unodc.org>.

384
1. La limitation de son champ d’application

540. Une justice pour infractions mineures. La première erreur est d’affirmer que la
justice restaurative est uniquement destinée à répondre aux infractions mineures. La justice
restaurative est certes une alternative à la justice pénale traditionnelle mais ce statut ne doit pas
être comparé à celui des mesures alternatives réparatrices qui visent principalement une certaine
catégorie d’infraction. Il est sans doute plus facile d’intégrer de nouvelles mesures lorsqu’elles
visent les infractions mineures mais il ne faudrait pas limiter la justice restaurative à cette
catégorie d’infractions. Bien au contraire, le Pr. Robert CARIO démontre que la justice
restaurative n’est pas adaptée à la petite délinquance dont les faits sont mineurs et les dommages
faibles. Selon lui, ce n’est pas la gravité de l’acte qui commande la mise en place d’une mesure
restaurative mais la gravité des répercussions sur les personnes concernées1160.

541. Une justice pour infractions de mineurs. Les caractères humain, réhabilitateur et
éducateur de la justice restaurative sont très appropriés au traitement de la délinquance des
mineurs mais ce serait une erreur de limiter cette forme de justice à ce domaine d’intervention.
Pourtant, l’intégration de la justice restaurative se fait plus facilement au sein de la justice des
mineurs, réputée pour être plus douce1161. Souvent, les législations nationales commencent par
intégrer des pratiques restauratives au sein du droit des mineurs avant de les étendre à la justice
des majeurs. Ce fut le cas par exemple en France pour la médiation pénale et la réparation pénale
et en Angleterre pour les « youth offending teams ».

542. Une justice pour qui ? La justice restaurative peut d’un côté être vue comme la
justice des victimes. Une justice qui leur donne la parole, crée un espace de communication de
leurs sentiments et comble tous les manques reprochés à la justice traditionnelle en matière de

1160
Robert CARIO, « Justice restaurative », in Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, mai 2018.
1161
La Nouvelle-Zélande a, dès 1989, fait de la justice restaurative le cœur de son système de traitement de la
délinquance juvénile. Howard ZEHR, La justice restaurative, pour sortir des impasses de la logique punitive, Labor
et fides, 2012, p.26.

385
prise en charge des victimes. Les infracteurs pourraient se sentir entraînés dans une mesure
thérapeutique au profit de la victime, dans laquelle ils ne voient qu’un moyen d’éviter une
sanction plus lourde.

D’un autre côté, la justice restaurative pourrait être perçue comme une justice en faveur des
délinquants, dans laquelle les victimes ne feraient que participer à l’effort de réhabilitation1162.
La justice restaurative serait uniquement un modèle de prise en charge des délinquants afin de les
« redresser » et empêcher la récidive. Ces deux visions opposées ne reflètent pas la réalité des
fondements de la justice restaurative qui mise sur l’interaction de l’auteur et la victime de
l’infraction pour une réparation mutuelle et la possibilité d’envisager l’avenir et de se
reconstruire après l’infraction. La justice restaurative prend en compte les besoins de chacun.

2. La labellisation restaurative

543. Des semblants de mesures restauratives. Une étude basée sur une enquête de
terrain parmi les professionnels du secteur a mis en relief une absence de connaissance réelle du
terme de justice restaurative et des mesures qui y sont associées 1163. Parfois, le manque de
connaissance des fondements de la justice restaurative conduit à qualifier de restauratives des
mesures qui ne le sont pas. La présence d’éléments communs avec la justice restaurative peut
prêter à confusion, notamment celle de la réparation. Or toute mesure réparatrice n’est pas une
mesure restaurative. Il suffit de penser en droit français à la sanction-réparation ou à la
composition pénale.

De même, en droit anglais, la seule référence à la réparation comme objectif de la peine dans
le Criminal Justice Act ne suffit pas pour conclure en la possibilité d’une mesure restaurative.
Les mesures réparatrices peuvent ne pas être fondées sur les principes restauratifs.

1162
Howard ZEHR, La justice restaurative, pour sortir des impasses de la logique punitive, Labor et fides, 2012,
p.28.
1163
Sid ABDELLAOUI, Nicolas AMADIO et Patrick COLIN, Freins et leviers de la justice restaurative en France,
GIP Mission Droit et Justice, décembre 2016, en ligne : <www.gip-recherche-justice.fr>.

386
544. Des mesures identiques pour des objectifs différents. Il existe certaines mesures
qui peuvent être mises en place dans une approche et un objectif restauratif, ou peuvent
poursuivre d’autres objectifs. Le travail d’intérêt général peut par exemple faire partie d’un
programme restauratif mais il peut aussi être mis en place dans le cadre d’une action éducative,
voire même d’une action punitive 1164. La médiation peut être mise en œuvre dans un cadre civil
et commercial, et peut même dans le cadre pénal se rapprocher plus d’une négociation sur la
réparation que d’une véritable approche restaurative. L. WALGRAVE estime que le critère de
distinction de ces pratiques avec les mesures restauratives réside dans la dimension socio-éthique
qui les inspire.

B. L’altération de ses objectifs

545. L’institutionnalisation de la justice restaurative peut risquer d’altérer les objectifs de


cette dernière dont les mesures peuvent être mises en place au servir d’intérêts divergents. Dans
la mise en place de programmes de justice restaurative, il ne faut pas perdre de vue les principes
de base du modèle restauratif. Le premier risque est celui de l’instrumentalisation de la justice
restaurative au service d’objectifs qui ne sont pas les siens (1). Le second risque est celui de la
confusion des objectifs de la justice restaurative avec d’autres objectifs de la justice pénale (2).

1. L’instrumentalisation de la justice restaurative

546. Justice restaurative et impératifs administratifs. Les professionnels de la justice


pourraient être tentés de recourir aux mesures de justice restaurative afin de faire face aux défis
administratifs de la justice1165. Déléguer la gestion d’infractions mineures en masse pourrait
certainement contribuer à réduire la surcharge de travail des magistrats et ainsi avoir des
répercussions positives sur les délais d’instruction. Cette délégation permettrait aussi de lutter
1164
Lode WALGRAVE, « La justice restaurative et la perspective de victimes concrètes », in Justice réparatrice et
médiation pénale, convergences ou divergences, sous la dir. de M. JACCOUD, L'Harmattan, 2003, p.161.
1165
Pierre NOREAU et Romilda MARTIRE, « L'institutionnalisation de la justice réparatrice », in Justice
réparatrice et médiation pénale: convergences ou divergences?, sous la dir. de M. JACCOUD, L'Harmattan, 2003,
p.209.

387
contre les classements sans suite qui nuisent fortement au taux de réponse pénale. Enfin, la mise
en œuvre d’une mesure de justice restaurative, utilisée comme alternative aux courtes peines
d’emprisonnement, coûterait moins cher et allègerait le budget alloué à la justice.

Cependant, la justice restaurative ne doit pas être institutionnalisée en tant que « technique
d’établissement de sanctions » mais en tant que modèle de définition de la justice 1166. Ainsi, s’il
apparaît qu’elle a des effets positifs sur la bonne administration de la justice, ce ne serait que des
conséquences indirectes de son application. Ce ne doit pas être le moteur de son développement,
au risque d’altérer son véritable objectif.

547. Justice restaurative et récidive. La justice restaurative n’est pas destinée en


premier lieu à prévenir la récidive, même si elle permet d’y contribuer à travers la réhabilitation
des délinquants. Au risque de se répéter, le processus restauratif est aussi, sinon plus important
que le résultat. La prise en compte des besoins des personnes concernées par l’infraction et la
responsabilisation de l’infracteur priment sur l’assurance d’éviter toute récidive dans le futur.
L’argument de la lutte contre la récidive est un fort argument pour convaincre des bienfaits de la
justice restaurative. L’Organisation des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC)
affirme d’ailleurs dans son manuel que « réformer le délinquant par la réparation est un objectif
légitime au même titre que la prévention de la récidive »1167.

L’ONUDC admet cependant que le lien entre l’application de mesures restauratives et la


fluctuation du taux de récidive n’est pas clairement établi 1168. Même si certaines recherches
révèlent une légère diminution du taux de récidive auprès des personnes ayant participé à un
processus restauratif, un certain recul et plus de recherches dans le temps sont nécessaires afin de
pouvoir confirmer une corrélation directe entre justice restaurative et récidive 1169. Les recherches
utilisent une diversité d’indicateurs et d’échelles pour évaluer le taux de récidive des participants

1166
Pierre NOREAU et Romilda MARTIRE, « L'institutionnalisation de la justice réparatrice », in Justice
réparatrice et médiation pénale: convergences ou divergences?, sous la dir. de M. JACCOUD, L'Harmattan, 2003,
p.209.
1167
Manuel sur les programmes de justice réparatrice, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2008,
en ligne : <www.unodc.org>.
1168
Idem. James BONTA, et al., « An outcome evaluation of a restorative justice alternative to
incarceration», Contemporary justice review, 2002, n° 5, p.319. John BRAITHWAITE, Restorative justice and
responsive regulation, Oxford university press, 2002.
1169
Robert CARIO, « Justice restaurative », in Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, mai 2018.

388
à une mesure restaurative. La diminution du taux de récidive pourrait aussi être expliquée par
d’autres facteurs tels que le soutien familial du délinquant, la nature de l’infraction commise, le
suivi psychologique effectué, etc.

2. La confusion avec d’autres objectifs

548. La justice restaurative n’est pas une justice alternative. La justice restaurative
n’est pas une justice alternative dans le sens où elle vient remplacer la justice pénale
traditionnelle. On pourrait la qualifier d’alternative si on la définit comme une autre forme de
justice, une autre voie possible, et non une voie de remplacement. Ainsi, la justice restaurative ne
devrait pas être utilisée uniquement dans le but d’éviter des peines d’emprisonnement. Elle
pourrait ne pas être adaptée au cas en question car ce n’est pas une réponse universelle à la
criminalité. En outre, la justice restaurative n’est pas exclusive de la prison ; certaines mesures se
déroulent en parallèle à l’exécution d’une peine d’emprisonnement telles que les rencontres
détenus-victimes.

La justice restaurative ne devrait pas non plus être perçue comme une mesure alternative à la
peine. Cela donnerait de fausses motivations aux infracteurs et leur consentement à participer à
une mesure restaurative sera faussé. En Angleterre, le ministère de la Justice le précise
clairement : « restorative justice is not an alternative to sentencing ; a way of an offender getting
a lighter sentence by expressing insincere remorse »1170.

549. La justice restaurative n’est pas une justice réconciliatrice. La justice


restaurative n’est pas destinée à susciter le pardon ou la réconciliation. Si c’était le cas, cela
n’encouragerait pas les victimes à accepter de faire partie d’un processus restauratif. Ainsi, le
tiers indépendant ne devrait en aucun cas pousser les victimes vers la réconciliation qui n’est pas
un critère de réussite du processus. Cependant, le cadre dans lequel se déroule une mesure
restaurative pourrait encourager certaines victimes à exprimer une forme de pardon mais cela est
entièrement personnel.

1170
Restorative justice action plan for the criminal justice system, Ministry of Justice, November 2012, p.1,
en ligne : www.gov.uk.

389
Conclusion du chapitre 2

550. La justice restaurative définit certainement un nouveau modèle de justice pénale


auquel le système de justice pénale en place peut tendre, sans forcément le devenir. Aujourd’hui
l’opposition entre justice pénale et justice restaurative n’a plus lieu d’être. Il s’agit d’envisager le
meilleur moyen de les combiner afin de préserver les spécificités de chacune, dans une optique
de complémentarité. La dernière recommandation du Conseil de l’Europe en la matière préconise
d’ailleurs de considérer la mesure de justice restaurative comme une « partie de la sanction
infligée »1171.

551. Pour se rapprocher de la justice pénale traditionnelle, la justice restaurative devrait


intégrer la dimension publique de l’infraction, trouver le moyen d’agir face à des délinquants non
coopérants et garantir que les résultats de ses mesures soient justes1172. En contrepartie, la justice
pénale devrait prendre en considération l’importance de l’investissement personnel des
personnes concernées par l’infraction, envisager le contexte social du délinquant et privilégier
une solution orientée vers l’avenir. La justice restaurative n’est définitivement pas qu’une justice
réparatrice. La réparation est bien au cœur de la justice restaurative. Cependant, la confusion des
deux termes peut porter préjudice à la justice restaurative dont les objectifs dépassent ceux de la
réparation et dont les mesures phares sont mises en place suivant des processus spécifiques. Une
mesure de réparation peut, par exemple, ne pas être menée en présence d’un tiers indépendant
mais uniquement ordonnée par le juge. Une mesure restaurative sera organisée, quant à elle, de
façon parajudiciaire avec l’aide d’un médiateur, tiers neutre, indépendant et formé au processus.

1171
Recommandation CM/Rec (2018)8. Robert CARIO, « Les apports de la recommandation (18)8 du Conseil de
l'Europe dans la consolidation de la justice restaurative en France », AJ Pénal, 2019, p.87.
1172
Lode WALGRAVE, « Comment combiner justice restauratrice et justice pénale: questions et discussions », in
La justice restauratrice, sous la dir. de P. GAILLY, Larcier, 2011, p.417.

390
Conclusion du Titre 2

552. L’idée que la réparation soit un complément de la justice pénale est plus facile à
accepter par les juristes français car cela ne remet pas en cause la répartition des fonctions de la
justice pénale et de la justice civile. La réparation à travers l’exercice de l’action civile n’est pas
prête de laisser la place à une réparation pénale globale car cela bouleverserait la place de la
victime au sein du procès pénal, le sens de la peine et la mission de la justice pénale.

La réparation pénale fait son entrée dans la justice pénale à travers la restauration. Le
développement et l’institutionnalisation de la justice restaurative ne pourront que participer à
l’autonomie d’une notion de réparation pénale. Par rapport à son expansion, la Common Law
permet une plus grande flexibilité dans la réintégration de pratiques ancestrales de résolution des
conflits1173, à la différence des pays d’Europe continentale qui n’envisagent les mesures
réparatrices que comme des mesures additionnelles. Cela s’expliquerait par l’importante minorité
indigène des pays de Common Law dont les coutumes permettent le traitement de la criminalité
de façon participative et orientée vers le rétablissement de la paix sociale 1174. Le développement
de la justice restaurative en France devra être évalué avec du recul afin de déterminer si elle se
réduit à une simple mesure alternative ou si elle déploie un modèle de justice réparatrice au sein
de la justice pénale.

1173
Howard ZEHR, La justice restaurative, pour sortir des impasses de la logique punitive, Labor et fides, 2012,
p.27.
1174
Lode WALGRAVE, « La justice restaurative et la perspective de victimes concrètes », in Justice réparatrice et
médiation pénale, convergences ou divergences, sous la dir. de M. JACCOUD, L'Harmattan, 2003, p.162.

391
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

553. Envisager l’intégration de la réparation au sein de la justice pénale, c’est pouvoir


affirmer que la réparation en soit une composante. Cette composante peut avoir sa place au sein
de la justice pénale et en être l’un des objets comme c’est le cas en droit des mineurs, dans
certains droits pénaux spéciaux et en droit pénal international. La réparation, composante de la
justice pénale, peut aussi se limiter à graviter autour de cette sphère, en s’y rattachant sans s’y
fondre. Elle intervient alors en tant qu’accessoire à l’action pénale, par le biais de l’action civile,
et en tant que complément de peine. La justice restaurative, aussi appelée justice réparatrice,
porte en elle l’espoir d’introduire une définition pénale de la réparation au sein de la justice
pénale, à condition de ne pas rester un procédé marginal de prise en charge d’une certaine
catégorie d’infractions et d’infracteurs.

554. L’étude du droit anglais et de l’inclusion de la réparation au cœur du droit pénal


devrait atténuer les réticences des droits français et libanais vis-à-vis de la définition d’une
notion pénale de réparation. Les mesures réparatrices déjà instituées en droit français forment le
socle d’une définition légale de la réparation pénale comme composante de la justice pénale.

392
CONCLUSION GÉNÉRALE

555. Se lancer dans une étude de la réparation en droit pénal ne permettait pas
d’envisager une justice pénale favorable à l’intégration, dans sa sphère, de la réparation. En effet,
nombreuses sont les critiques contre ce qui semble être un renversement des fonctions du droit
pénal et du droit civil1175. Or, il s’agirait d’un renversement si c’était la réparation au sens civil
du terme qui était transposée en droit pénal. Cependant, ce que nous avons tenté de démontrer
c’est l’existence d’une notion pénale de réparation, distincte de la réparation civile, et qui évolue
en droit pénal, dans l’attente d’une reconnaissance. En droit civil, la réparation est l’objet de la
responsabilité civile. La définition de la notion de réparation pénale est plus difficile à poser tant
la réparation apparaît de multiples façons en droit pénal. Elle est tantôt la condition d’une mesure
qui permet d’éviter les poursuites ou l’exécution d’une peine, tantôt l’obligation d’une mesure
sanctionnatrice, une peine à part entière, voire même l’essence d’un modèle de justice. C’est sur
ce plan que la comparaison avec le droit anglais est la plus bénéfique car la réparation y est
principalement définie comme l’une des finalités de la peine.

Plusieurs éléments permettent de définir la place de la réparation en droit pénal. Il s’agit d’abord
des prérequis au développement de la réparation en droit pénal (I) et ensuite des conséquences de
la réparation sur le droit pénal (II).

I. Les prérequis au développement de la réparation en droit pénal

556. Adhérer à la philosophie réparatrice. On retrouve en droit libanais des situations


qui confirment l’importance d’adhérer à la philosophie réparatrice pour permettre une mise en
œuvre réussie en droit pénal. En droit libanais, la loi n°138 du 26 juin 2019, publiée au JO le 11
juillet 2019, instaure la peine de travail d’intérêt général pour les majeurs, alors que celle-ci
n’existait qu’en droit des mineurs1176. On pourrait croire à une réforme majeure du droit pénal

1175
Bertrand PAILLARD, La fonction réparatrice de la répression pénale, L.G.D.J, 2007, [Université Panthéon-
Assas]. Xavier PIN, « La privatisation du procès pénal », Revue de sciences criminelles, 2002, p.245. Charlotte
DUBOIS, Responsabilité civile et responsabilité pénale. A la recherche d'une cohérence perdue., L.G.D.J., 2016,
[Paris II].
1176
Loi 422/2002 du 6 juin 2002 relative à la protection des mineurs en danger ou en conflit avec la loi.

393
libanais mais cette loi, vide de toute philosophie réparatrice, ne fait qu’instaurer une peine de
travaux forcés déguisée. En effet, dans le cas où la peine de travail d’intérêt général vient
remplacer une peine d’un an d’emprisonnement, la durée du travail d’intérêt général peut
s’élever à 2920 heures, effectuées sans le consentement de l’intéressé.

En droit français, l’abolition de la contrainte pénale et de la transaction par officier de police


judiciaire révèle l’impossibilité de mettre en œuvre de telles mesures sans l’adhésion des acteurs
judiciaires à l’esprit de la réparation. Le manque de recours à ces mesures a eu raison de leur
survie en droit pénal français 1177. Ainsi, il ne suffit pas de créer des mesures ou des peines
réparatrices. Il faut surtout répandre une philosophie de la réparation.

557. Permettre une justice multi-acteurs. Il ressort des développements de cette thèse
que les droits dans lesquels les mesures réparatrices sont les plus développées sont ceux qui
accordent des prérogatives judiciaires à une multiplicité d’acteurs. En effet, en droit anglais, les
officiers de police, le Crown Prosecution Service et les magistrats ont la possibilité de choisir,
d’ordonner et de mettre en œuvre des mesures réparatrices de manière autonome. Car ce qui fait
l’efficacité et la crédibilité de la réparation c’est sa réalisation dans un délai proche de la
commission de l’infraction. Il est donc important d’accorder aux acteurs judiciaires qui
interviennent au commencement de la procédure judiciaire des prérogatives pour favoriser la
mise en œuvre de mesures réparatrices.

En droit français, l’abrogation de la transaction par officier de police judiciaire limite leur
possibilité d’intervention en amont des poursuites. Les officiers de police judiciaire peuvent
toutefois servir d’intermédiaire au procureur de la République qui lui a la faculté d’ordonner, ou
de proposer, des mesures réparatrices.

En droit libanais, ni le procureur de la République, ni les officiers de police judiciaire, n’ont la


capacité d’intervenir en amont du procès pour permettre la réparation du dommage causé par
l’infraction. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous pensons que la loi sur la médiation

1177
Jean PRADEL, « Des dispositions de la loi du 23 mars 2019 sur le renforcement de l'efficacité et du sens de la
peine: texte fondateur ou texte d'ajustement? », D. 2019, p.1002. Yves MAYAUD, « De la loi au Conseil
constitutionnel, une réforme contrastée de la procédure pénale », AJ Pénal, 2019, p.176.

394
judiciaire, récemment adoptée1178, ne permettra pas à la médiation d’évoluer de manière
optimale, la médiation ne pouvant être proposée que par le juge en charge du dossier.

Permettre une justice multi-acteurs c’est aussi intégrer au processus de prise en charge des
infracteurs et des victimes, des professionnels extra-judiciaires. Un réseau de professionnels
formés à la médiation, au suivi de l’exécution de travaux d’intérêt général et autres mesures de
réparation, à la protection et la prise en charge des victimes, est nécessaire pour le
développement de mesures réparatrices en droit pénal 1179.

558. Accepter de prendre en compte la victime. La réparation en droit pénal ne peut


être dissociée de la prise en compte de la victime. Cependant, la place de la victime en droit
pénal varie selon les systèmes juridiques et sa participation à la procédure judiciaire n’est pas
acquise. C’est pour ces raisons que nous avons considéré la réparation pénale comme une
réparation objective du dommage causé par l’infraction1180. Cependant, même une réparation
uniquement rattachée à l’évaluation du dommage prend indirectement en compte la victime qui a
subi le dommage. A minima, la victime est la bénéficiaire de la mesure de réparation prononcée
par le juge pénal. De manière plus extensive, la victime est parfois sollicitée pour donner son
accord à la réparation, notamment lorsque cette dernière est effectuée en nature. Elle peut aussi
participer au processus de réparation à travers le processus de médiation pénale ou une mesure
de justice restaurative. La mesure de réparation pénale ouvre dans ce cas la possibilité d’une
réparation de la victime.

La prise en compte de la victime n’implique pas qu’elle devienne acteur du procès pénal. A
travers la réparation pénale, elle devient bénéficiaire du processus. L’objectif de la réparation
pénale n’est donc pas directement la réparation à la victime mais la réparation du dommage
causé par l’infraction dans un but de responsabilisation de l’auteur et de rétablissement de
l’équilibre rompu par la commission de l’infraction.

1178
Loi 82/2018 relative à la médiation judiciaire au Liban, publiée au JO le 18 octobre 2018.
1179
Denis L'HOUR, « Le secteur associatif: un acteur incontournable mais méconnu des mutations judiciaires », AJ
Pénal, 2011, p.228. Stéphanie LASSALE, « La réforme pénale peut-elle se passer d'une complémentarité entre le
secteur public et le secteur associatif socio-judiciaire? », AJ Pénal, 2014, p.272.
1180
Voir supra n°468 et s.

395
II. Les conséquences de la réparation sur le droit pénal

559. La réparation pose les fondements d’une justice d’adhésion. La place du


consentement de l’auteur de l’infraction est importante lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des
mesures réparatrices. Les débats autour de la contractualisation et de la privatisation du droit
pénal critiquent ce mode de prise en charge de l’auteur1181. Pourtant, il est important de
distinguer entre les différentes notions indiquant le consentement de l’auteur de l’infraction à
réparation. En effet, la réparation n’implique pas de contractualisation du droit pénal. L’idée de
contrat ouvre la possibilité d’une négociation des deux parties, ce qui n’est pas le cas en matière
de mesures et peines réparatrices. La proposition de réparation appartient au procureur ou au
juge et elle n’est pas négociable. Il ne s’agit donc pas d’une justice négociée mais d’une justice
d’adhésion.

L’adhésion de l’auteur de l’infraction est primordiale au regard de l’obligation de faire que les
mesures de réparation impliquent. Le consentement de l’auteur protège ainsi le procureur qui n’a
pas de pouvoir de jugement et ne peut donc imposer unilatéralement d’obligations de faire.
L’expression du consentement écarte aussi tout soupçon de travail forcé qu’on pourrait adresser
aux mesures de réparation1182. L’adhésion de l’auteur de l’infraction à la mesure réparatrice est
d’autant plus nécessaire parce que cette mesure implique une participation active de l’auteur qui
ne subit plus passivement sa peine. La mesure de réparation donne à l’auteur de l’infraction la
clé pour clore les poursuites ou pour exécuter la sanction.

560. La réparation instaure une justice participative. Une justice d’adhésion suppose
la participation des parties à la résolution des conséquences de l’infraction. La participation la
plus importante est celle de l’auteur de l’infraction car sur elle repose la particularité de la notion

1181
Yannick JOSEPH-RATINEAU, « Contractualisation de la procédure pénale et liberté procédurale du
parquet », Recueil Dalloz, 2008, p.1035. Philippe SALVAGE, « Le consentement en droit pénal », Revue de
sciences criminelles, 1991, p.699. Brigitte PEREIRA, « Justice négociée: efficacité répressive et droits de la
défense? », Recueil Dalloz , 2005, p.2041.
1182
Comme c’est le cas en droit libanais pour la loi sur le travail d’intérêt général, adoptée le 26 juin 2019, et qui
n’inclut pas la nécessité de recueillir le consentement de l’auteur de l’infraction.

396
de réparation pénale. Il ne s’agit pas d’une indemnisation de la victime mais de la réparation du
dommage par le délinquant. La participation de l’auteur de l’infraction au processus de
réparation sous-entend une prise de conscience de ses torts, sa responsabilisation et sa
réhabilitation. La réparation est ainsi un outil prometteur dans la lutte contre la récidive.

En outre, la justice réparatrice est participative parce qu’elle invite aussi la victime et la
communauté à participer au processus de réparation et à en bénéficier. La victime est entendue
dans ses droits et gagne la possibilité de s’exprimer et de communiquer ses sentiments et ses
besoins, parfois même directement à l’auteur de l’infraction. Elle participe ainsi à la prise de
conscience de l’infracteur. La communauté peut aussi être investie dans le processus réparateur.
La présence de représentants de la société rappelle au délinquant que l’infraction perturbe aussi
l’ordre public. De plus, lorsque la communauté est impliquée, par la mise en place d’un travail
d’intérêt général ou par la participation à un processus de justice restaurative, elle participe à la
réalisation de la justice et aide à la resocialisation du délinquant.

561. La réparation permet une justice individualisée. La réparation en droit pénal


permet une individualisation de la réponse pénale. Le choix de recourir aux mesures de
réparation est souvent justifié par la possibilité du reclassement de l’auteur de l’infraction 1183.
Elles doivent donc être adaptées à la personnalité de ce dernier. Les mesures réparatrices doivent
aussi être adaptées au type d’infraction commise et à la dangerosité des faits. Les mesures
réparatrices prévues en réponse aux infractions de faible gravité visent particulièrement la
réparation du dommage. Les mesures de justice restaurative qui peuvent être mises en place pour
les infractions les plus graves reposent, quant à elles, sur une réparation symbolique, la
réparation matérielle étant souvent impossible. La réparation permet donc le développement
d’une justice individualisable selon l’auteur, le dommage et l’infraction.

562. En conclusion, la réparation en droit pénal redessine les contours de la justice


pénale. La réparation évolue aujourd’hui dans la sphère pénale. Elle offre une alternative à la
justice pénale en permettant de diversifier les modes de traitement des infractions et en offrant

1183
Voir par exemple art. 41-1 C.pr.pén.

397
aux procureurs et aux magistrats une pluralité d’outils pour adapter la réponse pénale aux
infractions. La réparation est une alternative de la justice pénale et elle profite de ce statut
d’alternative qui la différencie pour permettre d’apporter une réponse pénale autrement. La
réparation bouleverse la distribution des rôles des acteurs judiciaires et implique de nouveaux
acteurs dans le processus. Elle redonne aux auteurs et aux victimes la possibilité de prendre en
charge le processus de réparation et de redevenir des parties actives et impliquées, dans un
conflit qui les concerne en premier lieu.

La réparation en droit pénal est aussi une composante de la justice pénale. La réparation a en
effet gagné en autonomie par rapport à l’action civile et elle évolue désormais au cœur de peines
et de processus purement pénaux. La réparation peut être une fonction de la peine, c’est ainsi
qu’elle évolue en droit anglais. En droit libanais, les quelques mesures qui prévoient la réparation
du dommage ne suffisent pas pour affirmer que la réparation est une réelle composante du droit
pénal. Enfin, en droit français, la fonction de la réparation n’est pas encore conceptualisée. La
réparation apparaît sous de nombreuses facettes pour répondre à des besoins spécifiques :
sanction-réparation, objectif d’une mesure ou d’une peine, obligation de faire ou condition de la
mesure. Cette diversité peut jouer en défaveur d’une théorisation de la réparation en droit pénal.
Pourtant, la présence de la réparation de manière aussi plurielle témoigne d’une réalité
incontournable, celle de l’existence sous-jacente d’une notion de réparation pénale. Parfois,
certaines réalités existent avant d’être définies. C’est le cas de la réparation pénale.

398
399
400
ANNEXE
Tableau de concordance des textes de loi

Droit français Droit libanais Droit anglais


Actions civile/pénale 6 et 8
1,2, 3, 4 et 4-1
C.pr.pén ; 133
C.pr.pén.
C.pén.
Peines délictuelles 131-3 C.pén.;
131 -39-1 39 C.pén.
C.pén.
Peines contraventionnelles 131-12 C.pén. 41 C.pén.
Obligation de réparation 138 C.pén.
Mode de fixation des peines 132-24 C.pén. 142 CJA
Mesures de mises à l’épreuve 132-45 C.pén. 201 CJA
Extinction de la condamnation 133-8 C.pén. 148 C.pén. 130 PCC
Transaction, composition, 41-1, 41-1-1,
22 CJA
conditional caution 44-1 C.pr.pén.
Sanction-réparation 131-8-1 C.pén. 130 PCC
Justice restaurative Offender
10-1 C.pr.pén. rehabilitation
act

* CJA = Criminal justice act ; PCC = Power of criminal courts act.

401
402
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NADAL Jean-Louis
Refonder le ministère public, Commission de modernisation de l'action publique, ministère de
la Justice, 2013, en ligne : <www.justice.gouv.fr>.

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Costs per place and costs per prisoner by individual prison, Ministry of Justice, 2016,
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NELSON LIZZIE
Best practice guidance for restorative justice, Restaurative justice council, Ministry of
Justice, 2011, <www.restorativejustice.gov.uk>.

Observatoire international des prisons


Statistiques pénales du Conseil de l'Europe: la France dans le bas du tableau »,
<www.oip.org>.

ONU
Rétablissement de l'Etat de droit et administration de la justice de la justice pendant la
période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d'un conflit, Rapport du
Secretaire général de l'ONU presenté au Conseil de Sécurite, août 2004, <www.un.org>.

441
ONUDC
Manuel des principes fondamentaux et pratiques prometteuses sur les alternatives à
l'emprisonnement, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2008,
<www.unodc.org>.
Manuel sur les programmes de justice réparatrice, Office des Nations Unies contre la drogue
et le crime, 2008, <www.unodc.org>.
Crime prevention and criminal justice reform - Thematic program 2012-2015,
<www.unodc.org>.

PARIS Didier et LAYANI David


Les leviers qui permettent de dynamiser le travail d'intérêt général, Rapport remis au Premier
Ministre Edouard Philippe, mars 2018, <www.justice.gouv.fr>.

PIROT Philippe, POULAILLER Brigitte et SIGLER Nicolas


Le sursis avec mise à l'épreuve en 2016, Infostat Justice n°155, ministère de la Justice,
septembre 2017, <www.justice.gouv.fr>.

Sentencing council
Reduction in sentence for a guilty plea, Definitive Guideline, en ligne :
<www.sentencingcouncil.org.uk>.

The Redress Trust


Faire avancer la réparation à la CPI: recommandations, novembre 2016,
<www.redress.org>.

URVOAS Jean-Jacques
En finir avec la surpopulation carcérale - Rapport au parlement sur l'encellulement
individuel, ministère de la Justice, 2016, <www.justice.gouv.fr>.

VAN BOVEN Theo


Principes fondamentaux et directives des Nations-Unies concernant le droit à un recours et à
réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l'homme et
de violations graves du droit international humaniataire, United Nations Audiovisual Library
of International Law, <www.un.org/law>.

VARINARD André
Adapter la justice pénale des mineurs, Entre modifications raisonnables et innovations

442
fondamentales: 70 propositions, La documentation française, Rapport au ministre de la
Justice, 2008.

TABLE CHRONOLOGIQUE DE JURISPRUDENCE ET DÉCISIONS CITÉES

Cour européenne des droits de l’homme


CEDH, 24 octobre 1969, H. c. France, requête n° 10073/82.
CEDH, 24 septembre 1997, Garyfallou Aebe c. Grèce, D. 1998, .207.
CEDH, 25 mars 1999, Pélissier et Sassi c. France, requête n° 25444/94.
CEDH, 18 mai 2000, Velikova c. Bulgarie, requête n° 41488/98.
CEDH, Cour (Première section), 26 septembre 2000, Guisset c/ France, requête n° 33933/96.
CEDH, 6 mai 2003, Tahsin Acar c. Turquie, requête n° 26307/95.
CEDH, 15 juin 2004, SC c/Royaume-Uni, requête n° 60958/00, Dr. fam. 2004, Alertes n°30.

CEDH, 8 novembre 2005, Alver c. Estonie, requête n° 64812/01.


CEDH, 22 octobre 2009, Orchowski c. Pologne, requête n° 17885/06.
CEDH, 2 mars 2010, Al Saadoun et Mufdhi c. Royaume-Uni, requête n° 61498/08.
CEDH, 1er juin 2010, Gagfen c. Allemagne, requête n° 22978/05.
CEDH, 2 décembre 2010, Abuyeva et autres c. Russie, requête n° 27065/05.
CEDH, 8 janvier 2013, Torreggioani et autres c. Italie, requête n° 43517/09.
CEDH, 25 avril 2013, Canali c. France, requête n° 40119/09.
CEDH, 25 juin 2013, Trevalec c. Belgique, requête n° 30812/07.
CEDH, 10 mars 2015, Varga et autres c. Hongrie, requête n° 14097/12 et autres.
CEDH, 21 mai 2015, Yengo c. France, requête n° 50494/12.
CEDH, 21 juil. 2015, Piper c. Royaume-Uni, requête n° 44547/10.
CEDH, 8 février 2018, Goetschy c. France, requête n° 63323/12.

Cour internationale de Justice


CIJ, affaire relative à l’usine de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), 20
avril 2010, C.I.J. recueil 2010 p.14.

443
Cour permanente de Justice internationale
CPJI, arrêt n°13, 13 septembre 1928, Usine de Chorzow, Série A n°17, p.4.

Cour pénale internationale


CPI, Situation en République démocratique du Congo, décision ICC-01/04/101 du 17 janvier
2006, chambre préliminaire I, paragraphe 65.

CPI, Chambre de première instance II, affaire Katanga, décision ICC-04/04/01/07-3728 du 24


mars 2017; AJ Pénal, 2017, p.346.

Conseil Constitutionnel
Cons. const. 28 juillet 1989, n°89-260 DC, Loi relative à la sécurité et à la transparence du
marché financier, JORF du 1er août 1989, p. 9676.
Cons. const. 2 février 1995, n° 95-360 DC, Loi relative à l’organisation des juridictions et à la
procédure civile, pénale et administrative, JORF du 7 février 1995, p.2097.
Cons. const. 29 août 2002, n°2002-960, Loi d’orientation et de programmation pour la justice,
JORF du 30 août 2002, p.14411.
Cons. const. 26 septembre 2014, n°2014-416 QPC, Association France Nature Environnement,
JORF du 28 septembre 2014, p.15791 ; AJDA 2014, p.1859.
Cons. const. 23 septembre 2016, n°2016-569 QPC, Syndicat de la magistrature et autre, JORF
du 25 septembre 2016, texte n°29.
Cons. const. 2 mars 2018, n° 2017-694 QPC, M. Ousmane K. et autres, JORF du 3 mars 2018,
texte n°55.
Cons. const. 21 mars 2019, n°2019-778, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la
justice, JORF du 24 mars 2019, texte n°4.

Conseil d’État
CE, 10 mai 1952, Sté X, JCP 1952. II. 7151.
CE, 24 mai 2017, Syndicat de la magistrature et autres, Syndicat national des magistrats force
ouvrière, AJDA, 2017, p.1144 ; Recueil Lebon, 2017.

Cour de cassation, chambre criminelle


Crim. 8 décembre 1906, Laurent-Atthalin, D. 1907, I, p.207.

444
Crim. 18 février 1954, D. 1954, p.421.
Crim. 15 novembre 1961, Bull. crim. n°465.
Crim. 16 mars 1964, JCP 1964. II. 13744, note A.P.; RTD civ. 1964, p.748, obs. R. Rodière.

Crim. 22 janvier 1970, Bull. crim. n°37.


Crim. 29 avril 1970, Bull. crim. n°149.
Crim. 15 octobre 1970, D. 1970, p.733, note Costa; RTD civ. 1971, p.190, obs. Hébraud.

Crim. 8 juin 1971, D. 1971, note Maury.

Crim. 27 novembre 1978, Biancale, Bull. crim. n°332; D. 1979 IR 271 ; Gaz. Pal 1979. 2. 311;
RSC 1980, p.115, obs. Larguier.
Crim. 1 décembre 1981, Bull. crim. n°317.

Crim. 12 janvier 1982, RDI 1982, p.562.

Crim. 30 octobre 1985, pourvoi n°85-92.109, Bull. crim. n°337; JCP 1987, II, .20727, note Ph.
Conte.
Crim. 20 novembre 1985, Bull. crim. n°368.
Crim. 22 mai 1986, Bull. crim. n°166.

Crim. 17 novembre 1987, Bull. crim. n°414.

Crim. 8 juin 1989, Bull. crim. n°248, RSC 1990, p.131, obs. G. Roujou de Boubee.
Crim. 14 novembre 1989, Bull. crim. n°410; RDI 1990, p.131, obs. G. Roujou de Boubee.
Crim. 10 déc. 1990, n° 90-82.329, Bull. crim. n°423 ; RSC 1992, p.67, obs. Vitu.

Crim. 17 janvier 1991, Dr. pénal 1991, comm. 122, obs. Maron.
Crim. 9 juill. 1991: Bull. crim. n°293.
Crim. 16 octobre 1991, D. 1992, p. 321, note J. Pradel ; Bull. crim. n°352.
Crim. 9 février 1994, pourvoi n°93-83047, Bull. crim. n°59.
Crim. 12 avril 1994, Bull. crim. n°146.
Crim. 29 avril 1996, pourvoi n°95-85.038, Bull. crim. n°166.
Crim. 13 juin 1996, Dr. pénal, 1996, comm. n°267, obs. M. Veron ; JCP 1996, IV, .2357.
Crim. 7 janvier 1997, La Semaine Juridique, 9 juillet 1997, II, 22878.

445
Crim. 4 février 1997, Bull. crim. n°45.
Crim. 28 mai 1998, n°97-80.970, Bull. crim. n°176.
Crim. 21 juin 2011, n° 11-80.003, Bull. crim. n°141 ; D. 2011. 2379, note F. Desprez, .2349,
point de vue J.-B. Perrier, et 2012 .2118, obs. J. Pradel; AJ pénal 2011. 584, note L. Belfanti;
RSC 2011. 660, obs. J. Danet; Gaz. Pal. 19 juill. 2011, p.18, note S. Detraz ; Procédures 2011,
comm. 312, obs. J. Buisson ; JCP 2011. 1453, note F. Ludwiczak.
Crim. 2 septembre 2004, AJ Pénal 2005, p. 163.

Crim. 19 octobre 2004, RDI 2005, p.125 ; Droit pénal 2005, n°8.
Crim. 14 novembre 2007, pourvoi n°06-88538, Bull. crim. n°278 ; RTD civ. 2008, p.309.
Crim. 20 novembre 2007, pourvoi n° 07-82.808, D. 2008, p.109.
Crim. 22 janvier 2008, pourvoi n°07-82555, Droit pénal, avril 2008, n° 4, comm. 58.

Crim. 24 juin 2008, pourvoi n°07-87.511, Bull. crim. n°162 ; AJ Pénal, 2008 p.422, obs. Saas ;
D. 2008, .2146; D. 2009, chron. 44, obs. Chaumont et Degorce.
Crim. 28 avril 2011, AJ Pénal 2012, p.107, note M. Herzog-Evans.
Crim. 28 sept. 2011, pourvoi n° 11-82.469.
Crim. 25 septembre 2012, Bull. crim. n°198 ; AJDA 2013. 667 ; D. 2012, p.2711 ; AJ Pénal
2012, p.574.
Crim. 6 novembre 2012, pourvoi n°12-89.449, Bull. crim. n°239 ; JCP 2013, p.144; RTDI
1/2013; Semaine juridique, Edition Générale n°43, 21 octobre 2013, p.1946.
Crim. 15 janvier 2013, pourvoi n°12-80.552, RDI 2013, p.270.
Crim. 24 avril 2013, pourvoi n° 12-82.863, Bull. crim. n°100.
Crim. 19 mars 2014, pourvoi n°12-87.416.
Crim. 24 juin 2014, pourvoi n° 13-84.955, Bull. crim. n°160.
Crim. 16 septembre 2014, pourvoi n° 13-85.526 : JurisData n° 2014-020961.
Crim. 14 octobre 2014, D. 2014, p.2113.
Crim. 24 mars 2015, D. 2015, p.735.
Crim. 22 mars 2016, D. 2016, p.1236.
Crim. 31 janvier 2017, n°16-82.945, AJDA 2017, p. 258 ; D. 2017, p. 352 ; RDI 2017, p.195.
Crim. 28 juin 2017, pourvoi n°16-86.261, RDI 2017, p. 409.

446
Cour de cassation, chambre civile
Civ. 2e, 23 mars 1953, D. 1953 .363, JCP 1953. II. 7637, note Savatier.

Civ. 2e, 28 octobre 1954, Bull. civ. II, n° 328.

Civ. 2e, 9 juillet 1981, Bull. civ. II, n° 156.

Civ. 1e, 10 avril 2013, pourvoi n°12-13.672, AJ Pénal 2013, p.422.

Civ. 1e, 20 septembre 2017, pourvoi n°16-19.643, Procédures n°11, Nov. 2017, comm. 260.

Cour de cassation, chambre sociale


Soc. 13 janvier 2009, pourvoi n°07-44.718, D. 2009, p. 291, obs. Lavric.

Juridictions d’appel
CA Pau, 15 novembre 1962, D. 1963, p.276.
CA Metz, 21 avril 1983, D. 1983, p. 567, note A. Mayer-Jack et D. Mayer.
CA Basse-Terre, 17 novembre 1997, Gazette du Palais 1998 (1er sem.), p.25, note H. Vray.

CA Toulouse, 3e chambre correctionnelle, 11 février 1999, Borrego-Nunez c/Ministère public,


D. 2015.

CA Montpellier, 17 mars 2010, arrêt n° 09/01748.


CA Versailles, 23 septembre 2016, D. 2016, p.1927.

Juridictions de première instance


TGI Paris, 14 novembre 2017, AJ Pénal, 2018, p.30 ; RTD com. 2018, p.230.

Tribunal pour enfants – Liban


(Décisions non publiées, procurées par le Département des mineurs du ministère de la Justice
libanais).

Tribunal pour enfant du Liban-Sud, 1er février 2010, n°18.


Tribunal pour enfant du Liban-Sud, 21 juin 2010.

447
448
INDEX
Les numéros indiqués renvoient aux numéros de pages.

A
community order · 42, 45, 51, 59, 287
absolute discharge · 4
comparution sur reconnaissance préalable de
culpabilité · 70
action civile · 17, 13, 24, 234, 242, 266
compensation orders · 173, 237, 265
action publique · 17, 234, 266
composition pécuniaire · 9
ajournement
avec mise à l’épreuve · 14
composition pénale · 45, 75, 68, 123, 263,
du prononcé de la peine · 14, 25
286
simple · 18
conférence restaurative · 285
alternative
à l’exécution de la peine · 26, 135
consensualisme · 63
au prononcé de la peine · 4
à l’emprisonnement · 48
consentement · 19, 45, 56, 60, 62, 75
aux poursuites · 30, 56, 69, 134
contrainte pénale · 40, 48
aménagement de peine · 36
Convention européenne des droits de
amende transactionnelle · 41, 50
l’homme · 207
associations · 244
convention judiciaire d’intérêt public · 67
autorité de la chose jugée · 249
Cour pénale internationale · 217
avertissements sous condition · 35, 40, 49,
64, 287
Crown Prosecution service · 74

casier judiciaire · 71, 155 D

Défense sociale nouvelle · 14, 86, 159


cercle de sentence · 285
Défenseur des droits · 180
classement sans suite · 58, 98
deferred sentence · 16

449
J
délai raisonnable · 109
justice réparatrice · 192
délinquance · 120
justice restaurative · 278
délinquant · 289
justice transitionnelle · 222
dépénalisation · 13
L
désistance · 126, 160, 165
libération conditionnelle · 59, See
dispense de peine · 4, 10, 21 aménagement de peine

dommage · 256, 272 loi du talion · 4, 9

F M

faute management · 111


de la victime · 275
pénale · 253 médiateur · 78

fonds au profit des victimes · 221 médiation pénale · 72

fonds d’indemnisation · 211 médiation victime-auteur · 284

H mesure de réparation · 153

homologation · 75 mesures de restitution · 185

honte réintégrative · 293 mineurs · 147, 164, 306

I O

incapacité totale de travail · 259 opportunité des poursuites · 96

indemnisation · 220, 260 out of court disposals · 56

individualisation · 12, 162 P

injonction thérapeutique · 66, 106 pardon · 5, 8, 5, 229

peines complémentaires · 271

450
police judiciaire · 33 réparation intégrale · 201, 274

politique pénale · 114, 133 reparation order · 156

poursuites pénales · 81, 241 responsabilisation · 105, 159, 280

préjudice · 256, 272 responsabilité pénale · 251


environnemental · 182
restitution · 220
prescription · 247
restitution intégrale · 207
preuve · 20
S
procédure accusatoire · 168
sanction administrative · 177
procédure inquisitoire · 169
sanction-réparation · 40, 44, 89, 174, 273
procureur de la République · 58, 73
satisfaction équitable · 208
proportionnalité de la peine · 12
sursis · 27, 29
R probatoire · 28, 89
mise à l’épreuve · 48
récidive · 128, 309
suspended sentence order · 30, 51, 59, 287
reconnaissance de culpabilité · 5, 48, 59
suspension conditionnelle de peine · 37
réduction supplémentaire de peine · See
aménagement de peine T

referral order · 156 taux de réponse pénale · 103

réhabilitation · 60, 65, 86, 173, 220, 289 transaction · 60, 80


par officier de police judiciaire · 46
release on licence · 38 pénale · 35, 181
administrative · 179
réparation
morale · 7, 11 travail d’intérêt général · 43, 44, 58, 89
en nature · 269
matérielle · 268
pécuniaire · 11, 208, 269
symbolique · 230, 245

451
V Y

vengeance · 9 youth rehabilitation order · 156


victime · 63, 79, 103, 214, 219, 240, 261,
288

452
TABLES DES MATIÈRES

INTRODUCTION 1

I. Les origines de la notion de réparation .......................................................................2

A. Les racines historiques de la réparation en droit pénal .............................................3


1. L’ancrage religieux de la réparation .........................................................................3
a) Les origines de la réparation dans les écrits religieux ................................................4
b) Les origines de la réparation dans l’application pratique des textes religieux .............6
2. L’ancrage philosophique de la réparation ..................................................................9
B. Les inspirations contemporaines de la réparation en droit pénal .............................. 12
1. Des différents mouvements ouvrant la voie à la réparation ...................................... 13
2. La naissance du concept autonome de réparation ..................................................... 16

II. L’interaction de la réparation avec la matière pénale ................................................ 17


A. La présence de la réparation en matière pénale ....................................................... 18
1. La définition de la réparation en droit pénal ............................................................. 18
2. La liaison de la réparation et du droit pénal ............................................................. 19
B. La contribution de la réparation à la justice pénale .................................................. 21
1. Un sens à la peine.................................................................................................... 21
2. Un modèle de justice ............................................................................................... 23

PREMIÈRE PARTIE
LA RÉPARATION, ALTERNATIVE À LA JUSTICE PÉNALE ....................................... 28

TITRE 1
LES MANIFESTATIONS DE LA RÉPARATION COMME ALTERNATIVE À LA
JUSTICE PÉNALE ............................................................................................................. 29

Chapitre 1 : La réparation, alternative aux poursuites ......................................................... 30

Section 1 : La réparation au stade de l’enquête de police................................................. 31

I. L’intégration de la réparation dans les prérogatives de la police ........................... 31


A. Le cadre de l’intégration de la réparation dans les prérogatives de la police .......... 33
1. Conditions préalables à l’action policière en matière de réparation .......................... 35
2. Contenu de l’action policière en matière de réparation............................................. 39
B. Les conséquences de l’intégration ........................................................................... 44
1. Les conséquences sur le déroulement de la procédure.............................................. 44
2. Les conséquences sur la célérité de la procédure...................................................... 47

453
II. Les questions soulevées par la réparation comme prérogative de la police
judiciaire ..................................................................................................................... 48
A. Un déséquilibre des pouvoirs ............................................................................... 49
1. Un pouvoir de sanction............................................................................................ 49
2. Un pouvoir d’appréciation ....................................................................................... 50
B. Des droits fragilisés.............................................................................................. 51
1. Les droits de l’auteur de l’infraction ..................................................................... 52
2. Les droits de la victime de l’infraction ................................................................. 53

Section 2 : La réparation au stade de la décision de poursuite ......................................... 55

I. L’expression de la réparation au stade de la décision de poursuite ........................ 56


A. Une réparation subordonnée ................................................................................. 57
1. La réparation subordonnée aux poursuites pénales ............................................... 58
2. La réparation subordonnée au choix de la victime ................................................ 59
B. Une réparation à deux niveaux ................................................................................ 60
1. La réparation tournée sur les conséquences de l’acte ............................................ 62
2. La réhabilitation tournée vers les causes de l’acte................................................. 65

II. L’altération de la réparation au stade de la décision de poursuite .......................... 68


A. Une sévérité incompatible avec l’esprit des alternatives aux poursuites ................ 69
1. Sévérité quant au contenu des mesures ................................................................. 69
2. Sévérité quant à l’impact de ces mesures sur l’auteur de l’infraction .................... 70
B. Des conséquences incompatibles avec la logique des alternatives aux poursuites .... 73
1. Des conséquences sur le rôle du procureur ........................................................... 73
2. Des conséquences sur les poursuites pénales ........................................................ 77

Conclusion du chapitre 1 ................................................................................................ 81

Chapitre 2 : La réparation, alternative à la peine ................................................................. 82

Section 1 : Une alternative au prononcé de la peine ........................................................ 83

I. La réparation, condition de la dispense de peine ................................................... 84


A. La place de la réparation dans la dispense de peine .............................................. 85
1. La réparation, conséquence de la culpabilité ......................................................... 85
2. La réparation, préalable de la dispense de peine ................................................... 88
B. Les effets de la réparation en matière de dispense de peine ................................... 90
1. Des effets limités de la réparation sur la décision du juge ..................................... 90
2. Un effet direct de la réparation sur l’action civile ................................................. 93

II. La réparation, obligation de l’ajournement en vue d’une dispense de peine .......... 94

454
A. Spécificités de la réparation du dommage dans la mesure d’ajournement ............. 96
1. Le degré de réalisation de la réparation ................................................................ 97
2. L’implication du délinquant pour l’obtention d’une dispense de peine.................. 99
B. Conséquences de la réparation sur l’avenir des poursuites pénales ..................... 101
1. Conséquences de la réparation sur le jugement pénal ......................................... 101
2. Conséquences de la réparation sur l’action civile................................................ 104

Section 2 : Une alternative à l’exécution de la peine ..................................................... 106

I. La réparation dans les mesures alternatives à l’exécution de la peine


d’emprisonnement..................................................................................................... 107
A. La réparation dans les mesures pré-emprisonnement .......................................... 107
1. La place de la réparation dans les différents types de sursis ................................ 108
2. La portée de la réparation dans les différents types de sursis .............................. 111
B. La réparation dans les mesures post-emprisonnement ......................................... 113
1. La superposition de mesures alternatives à la peine d’emprisonnement .............. 113
2. L’arrêt anticipé de la peine d’emprisonnement ................................................... 116

II. La réparation dans les peines alternatives à l’exécution de la peine


d’emprisonnement..................................................................................................... 119
A. La réparation, constante des peines alternatives à l’exécution de la peine
d’emprisonnement..................................................................................................... 119
1. Des peines réparatrices ....................................................................................... 120
2. Des peines alternatives ....................................................................................... 124
B. La réparation, solution à la confusion des peines alternatives à l’exécution de la
peine d’emprisonnement ........................................................................................... 127
1. La confusion entre les peines alternatives et l’emprisonnement .......................... 127
2. La confusion entre les différentes peines alternatives ......................................... 129

Conclusion du chapitre 2 .............................................................................................. 133

Conclusion du Titre 1 ................................................................................................... 134

TITRE 2
LES MOTEURS DE LA RÉPARATION COMME ALTERNATIVE À LA JUSTICE
PÉNALE ............................................................................................................................ 135

Chapitre 1 : L’implication du délinquant, facteur de réparation ........................................ 136

Section 1 : Le consentement du délinquant à la réparation ........................................... 137

I. La nécessité du consentement à la réparation...................................................... 137


A. Le consentement, une condition obligatoire........................................................ 138

455
1. Les raisons du caractère obligatoire du consentement ......................................... 138
2. Les garanties du consentement ........................................................................... 140
B. Le consentement, une condition bafouée ............................................................ 142
1. Un consentement forcé ....................................................................................... 143
2. Un consensualisme critiqué ................................................................................ 144

II. Les effets du consentement à la réparation ......................................................... 146


A. Les effets du consentement à la réparation sur la procédure pénale ..................... 146
1. Quant au rôle du juge ......................................................................................... 147
2. Quant à la poursuite de l’infraction .................................................................... 148
B. Les effets du consentement à la réparation sur le droit pénal .............................. 150
1. Effets sur la nature des sanctions alternatives ..................................................... 150
2. Effets sur la conception même du droit pénal ..................................................... 151

Section 2 : La participation du délinquant à la réparation .............................................. 153

I. La participation du délinquant à l’accord de réparation : la médiation pénale ..... 153


A. Le processus de médiation pénale ...................................................................... 154
1. Un processus parajudiciaire ................................................................................ 155
2. Un processus à l’autonomie relative ................................................................... 158
B. L’issue de la médiation pénale ........................................................................... 160
1. L’accord de médiation pénale ............................................................................ 160
2. Les conséquences de la médiation sur les poursuites pénales .............................. 161

II. La participation du délinquant à l’exécution de la réparation .............................. 164


A. La teneur de la participation du délinquant à l’exécution de la réparation ........... 165
1. L’acte réparateur ................................................................................................ 165
2. Le sens du passage à l’acte réparateur ................................................................ 166
B. Les conséquences de la non-exécution de la réparation ...................................... 168
1. La mise à exécution de la peine initiale .............................................................. 169
2. Le cas de la peine programmée .......................................................................... 170

Conclusion du chapitre 1 .............................................................................................. 173

Chapitre 2 : Le réalisme du droit, moteur de réparation .................................................... 174

Section 1 : La réparation, outil de la politique d’action publique ................................... 175

I. Pour une effectivité de la réponse pénale ............................................................ 176


A. La réparation alternative, outil de systématisation de la réponse pénale .............. 176
1. L’opportunité de la réponse pénale ..................................................................... 177
2. L’objectivité de la réponse pénale ...................................................................... 181
B. La réparation alternative, outil de qualité de la réponse pénale ........................... 183

456
1. La satisfaction de la victime, indice d’une justice de qualité ............................... 183
2. La prise en charge de l’auteur de l’infraction, facteur d’une justice de qualité .... 186

II. Pour une efficacité de la réponse pénale ............................................................. 188


A. La réparation, alternative face à l’engorgement des tribunaux ............................ 189
1. Le défi du délai raisonnable ............................................................................... 189
2. Le défi de la charge de travail des magistrats...................................................... 192
B. La réparation, alternative face aux facteurs économiques ................................... 193
1. Les contraintes budgétaires de la justice ............................................................. 194
2. Le coût de la sanction......................................................................................... 196

Section 2 : La réparation, mesure des politiques pénales ............................................... 199

I. Les atouts de la réparation dans les politiques pénales de lutte contre la délinquance
201
A. Les manifestations de la réparation dans les politiques pénales de lutte contre la
délinquance ............................................................................................................... 201
1. La réparation, réponse à la petite délinquance .................................................... 201
2. La petite délinquance, cible de la réparation ....................................................... 203
B. Les justifications de la réparation au sein des politiques pénales de lutte contre la
délinquance ............................................................................................................... 204
1. Les justifications liées à la personne du délinquant ............................................. 204
2. Les justifications liées à la réparation en tant que méthode ................................. 206

II. Les promesses de la réparation dans les politiques pénales de lutte contre la
récidive ..................................................................................................................... 208
A. La corrélation entre la réparation et la récidive ................................................... 209
1. Une corrélation contestée ................................................................................... 210
2. Une corrélation argumentée ............................................................................... 211
B. La réalité de la prise en compte de la réparation dans la lutte contre la récidive .. 213
1. L’ouverture des alternatives réparatrices aux récidivistes ................................... 214
2. L’alternative réparatrice dans le calcul de la récidive ......................................... 216

Conclusion du chapitre 2 .............................................................................................. 218

Conclusion du Titre 2 ................................................................................................... 221

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE ................................................................ 223

DEUXIÈME PARTIE

457
LA RÉPARATION, COMPOSANTE DE LA JUSTICE PÉNALE ................................... 225

TITRE 1
LA RÉPARATION, OBJET DE LA JUSTICE PÉNALE ............................................... 226

Chapitre 1 : L’autonomie de la réparation......................................................................... 227

Section 1 : L’autonomie de la réparation dans le droit pénal des mineurs ...................... 227

I. Une forme spécifique pour fonder l’autonomie de la réparation .......................... 228


A. La définition de la réparation dans la justice des mineurs ................................... 228
1. La définition juridique de la réparation dans la justice des mineurs .................... 229
2. La dimension globale de la réparation dans la justice des mineurs ...................... 231
B. Les formes de la réparation dans la justice des mineurs ...................................... 233
1. Une mesure réparatrice spécifique dans les droits français et libanais ................. 233
2. Des mesures réparatrices multiples dans le droit anglais ..................................... 235

II. Des caractéristiques spécifiques pour affermir l’autonomie de la réparation ....... 237
A. La réparation, une mesure pédagogique.............................................................. 238
1. La pédagogie de la responsabilité ....................................................................... 238
2. L’éducation pour la désistance ........................................................................... 240
B. La réparation, une mesure individualisable ......................................................... 241
1. Une individualisation selon la personnalité du mineur ........................................ 242
2. Une individualisation selon l’infraction .............................................................. 244

Section 2 : L’autonomie de la réparation dans le droit pénal des majeurs ...................... 246

I. L’autonomie de la réparation en droit pénal général ........................................... 247


A. Les fondements de l’autonomie de la réparation ................................................. 247
1. Le choix du système juridique, base de l’autonomie de la réparation .................. 247
2. La conception de la peine, garante de l’autonomie de la réparation..................... 250
B. Les manifestations de l’autonomie de la réparation ............................................ 252
1. Une autonomie acquise en droit anglais.............................................................. 252
2. Une autonomie discutée en droit français ........................................................... 254

II. L’autonomie de la réparation en droit pénal spécial ............................................ 256


A. L’autonomie de la réparation fondée sur la spécialisation des acteurs ................. 257
1. Les mesures administratives ............................................................................... 257
2. Les mesures du Défenseur des droits .................................................................. 260
B. L’autonomie de la réparation fondée sur la spécialité du domaine ...................... 261
1. La réparation et le droit de l’environnement ....................................................... 261
2. La réparation et le droit de l’urbanisme .............................................................. 265

458
Conclusion du chapitre 1 .............................................................................................. 268

Chapitre 2 : L’internationalisation de la réparation ........................................................... 269

Section 1 : Instances internationales et réparation ......................................................... 269

I. La réparation, objet de la justice pénale voulue internationalement..................... 270


A. La réparation dans les instruments internationaux .............................................. 270
1. Les instruments issus de l’ONU ......................................................................... 270
2. Les instruments issus du Conseil de l’Europe ..................................................... 273
B. L’adaptation des législations nationales aux instruments internationaux ............. 275
1. Les moyens de l’adaptation des législations nationales ....................................... 275
2. L’évaluation de l’adaptation des législations nationales ...................................... 278

II. La réparation, réponse à la violation des droits reconnus internationalement ...... 280
A. La détermination de la réparation des droits reconnus internationalement ........... 280
1. La réparation de la violation des droits de l’homme............................................ 280
2. La réparation des crimes contre l’humanité ........................................................ 284
B. La mise en œuvre de la réparation des droits reconnus internationalement.......... 285
1. La protection du droit à réparation par les cours rattachées aux instances
internationales ........................................................................................................... 286
2. La garantie d’une réparation grâce aux fonds d’indemnisation ........................... 289

Section 2 : Juridictions internationales et réparation ...................................................... 291

I. La réparation, résultat des procès pénaux internationaux .................................... 292


A. La réparation, grande absente des procès pénaux internationaux ........................ 292
1. La punition des crimes internationaux, responsabilité des tribunaux ad hoc et
mixtes ....................................................................................................................... 293
2. La réparation des crimes internationaux, responsabilité des juridictions nationales
294
B. La réparation, particularité de la Cour pénale internationale ............................... 296
1. Le statut de victime, corollaire de la réparation .................................................. 296
2. Les moyens de la réparation ............................................................................... 299

II. La réparation, objectif de la justice transitionnelle .............................................. 301


A. Un cadre particulier... ......................................................................................... 301
1. Une justice contextuelle ..................................................................................... 302
2. Une justice de confrontation ............................................................................... 305
B. ...pour une réparation particulière ....................................................................... 306
1. Une réparation reconstructrice............................................................................ 306
2. Une réparation tangible ...................................................................................... 308

459
Conclusion du chapitre 2 .............................................................................................. 310

Conclusion du Titre 1 ................................................................................................... 311

TITRE 2
LA RÉPARATION, COMPLÉMENT DE LA JUSTICE PÉNALE ............................... 312

Chapitre 1 : La réparation, accessoire au droit pénal ......................................................... 313

Section 1 : La réparation, accessoire à l’action publique ............................................... 313

I. La réparation, critère de distinction de l’action civile et l’action publique........... 314


A. La légalité de la distinction de l’action civile et l’action publique ....................... 314
1. Le principe de la distinction de l’action civile et l’action publique...................... 314
2. Les conséquences de la distinction de l’action civile et l’action publique ........... 317
B. La remise en cause de la distinction de l’action civile et l’action publique .......... 318
1. Une action publique détournée ........................................................................... 319
2. Une fausse action en réparation .......................................................................... 321

II. La réparation, indice de rapprochement de l’action civile et de l’action publique 325


A. La connexion entre l’action civile et l’action pénale ........................................... 325
1. La réparation du dommage causé par une infraction pénale ................................ 326
2. L’autorité au civil de la chose jugée au pénal ..................................................... 328
B. La scission entre la responsabilité civile et la responsabilité pénale .................... 330
1. La réparation en l’absence d’imputabilité pénale ................................................ 330
2. La réparation en l’absence de faute pénale ......................................................... 332

Section 2 : La réparation, accessoire de la peine ........................................................... 333

I. Les éléments en faveur d’une notion de réparation pénale .................................. 334


A. Les contours de la notion de réparation pénale ................................................... 335
1. L’apport de la distinction entre dommage et préjudice........................................ 335
2. L’apport de la définition de la notion de victime ................................................ 340
B. Les conséquences de la notion de réparation pénale ........................................... 343
1. Sur le plan conceptuel ........................................................................................ 343
2. Sur le plan pratique en droit positif .................................................................... 345

II. Les éléments contre une notion de réparation pénale .......................................... 347
A. Les limites de la réparation au pénal................................................................... 347
1. Le caractère réparable du dommage ................................................................... 347
2. Le caractère secondaire de la réparation ............................................................. 349
B. Les obstacles à la définition de la réparation au pénal ......................................... 350
1. Les obstacles au regard du domaine de la réparation .......................................... 351

460
2. Les obstacles au regard du régime de la réparation ............................................. 353

Conclusion du chapitre 1 .............................................................................................. 356

Chapitre 2 : La restauration, supplément du droit pénal .................................................... 357

Section 1 : La transformation de la justice pénale par la justice restaurative .................. 357

I. La définition d’un nouveau modèle de justice pénale ......................................... 358


A. Les fondements de la justice restaurative ............................................................ 358
1. La philosophie de la justice restaurative ............................................................. 358
2. Les définitions de la justice restaurative ............................................................. 360
B. Les mesures de justice restaurative ..................................................................... 363
1. Les mesures restauratives principales ................................................................. 363
2. Les mesures d’inspiration restaurative ................................................................ 365

II. La redéfinition des fondements de la justice pénale ............................................ 366


A. Une ambition utopique : la place des parties ....................................................... 367
1. L’auteur et la victime ......................................................................................... 367
2. Le tiers indépendant ........................................................................................... 369
B. Une ambition louable : le sens de la peine .......................................................... 371
1. De la punition à la réparation ............................................................................. 371
2. La honte réintégrative ........................................................................................ 372

Section 2 : L’intégration de la justice restaurative dans la justice pénale ....................... 374

I. L’institutionnalisation de la justice restaurative .................................................. 374


A. La légalisation de la justice restaurative ............................................................. 375
1. Le cadre juridique .............................................................................................. 375
2. Les difficultés de mise en œuvre ........................................................................ 378
B. L’articulation de la justice restaurative et de la justice pénale ............................. 380
1. L’articulation avec les principes fondamentaux .................................................. 380
2. L’articulation des procédures ............................................................................. 382

II. L’altération de la justice restaurative .................................................................. 384


A. L’altération de son sens ...................................................................................... 384
1. La limitation de son champ d’application ........................................................... 385
2. La labellisation restaurative ................................................................................ 386
B. L’altération de ses objectifs ................................................................................ 387
1. L’instrumentalisation de la justice restaurative ................................................... 387
2. La confusion avec d’autres objectifs................................................................... 389

Conclusion du chapitre 2 .............................................................................................. 390

461
Conclusion du Titre 2 ................................................................................................... 391

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE .................................................................. 392

CONCLUSION GÉNÉRALE ........................................................................................... 393

ANNEXE: Tableau de concordance des textes de loi ....................................................... 401

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................ 403


OUVRAGES GÉNÉRAUX, TRAITÉS , MANUELS ...................................................... 403
OUVRAGES SPÉCIAUX ................................................................................................ 405
CONTRIBUTIONS À UN OUVRAGE ........................................................................... 409
ENCYCLOPÉDIES ET RÉPERTOIRES ......................................................................... 412
MÉLANGES ................................................................................................................... 412
COLLOQUES.................................................................................................................. 414
THÈSES .......................................................................................................................... 414
ARTICLES ...................................................................................................................... 416
CONCLUSIONS, NOTES ET OBSERVATIONS SOUS DÉCISIONS DE JUSTICE ..... 436
RAPPORTS ..................................................................................................................... 436

INDEX................................................................................................................................ 449

TABLES DES MATIÈRES ............................................................................................... 453

462
463
TITRE : LA RÉPARATION EN DROIT PÉNAL. ÉTUDE COMPARATIVE.

Résumé

La notion de réparation est de plus en plus présente en droit pénal. Indépendamment de la


réparation au sens civil du terme, la réparation évolue au cœur de mesures alternatives,
communément appelées « troisième voie », et constitue parfois l’essence de certaines peines. La
question de la place de la réparation en droit pénal est ainsi soulevée : la réparation est-elle une
alternative à la justice pénale ou une composante de la justice pénale ? L’étude comparative des
droits français, anglais et libanais apporte un éclairage intéressant à la question. Elle permettra
d’analyser les différentes approches en matière de réparation et d’enrichir la réflexion sur la
place de la réparation en droit pénal. Ainsi, dans une première partie, l’étude des manifestations
de la réparation comme alternative à la justice pénale fait apparaître la réparation comme
nouveau mode de réponse pénale. Dans une seconde partie, envisager la réparation comme une
composante de la justice pénale permet de révéler des caractères propres à la réparation qui en
font une notion autonome qui mérite d’être définie. La réparation pénale redéfinit ainsi
aujourd’hui les contours de la justice pénale.

Mots-clés : action civile, action pénale, délinquance, dommage, justice pénale, justice
restaurative, justice transitionnelle, médiation, mesures alternatives, peine, poursuites pénales,
récidive, réparation, sursis, transaction, travail d’intérêt général, victime.

464
TITLE : REPARATION IN CRIMINAL LAW. COMPARATIVE STUDY.

Abstract

The concept of reparation is becoming more common in criminal law. In fact, reparation is
evolving, independently of the civil aspect of the notion, at the heart of alternative measures,
commonly known as a “third way”, and in the essence of some sentences. This brings us to
questioning the place of the notion of reparation in criminal law: is reparation an alternative to
criminal justice or a component of criminal justice? The comparative study of French law,
English law and Lebanese law will shed the light on some interesting aspects of the question. It
will open the possibility to analyze the different approaches in terms of reparation and to enrich
the study of the reparation’s position in criminal law. In a first part, the study of the reparation’s
expressions in criminal law will reveal the concept of reparation as a new response to offences.
In a second part, the idea of considering reparation as a component of criminal justice will reveal
the notion’s special characteristics that make reparation an autonomous concept that needs to be
defined. Nowadays, reparation in criminal law redefines the outlines of criminal justice.

Key words: alternative measures, civil action, community service, criminal action, criminal
justice, criminal pursuit, delinquency, harm, mediation, recidivism, reparation, restorative
justice, sentence, suspended sentence order, transaction, transitional justice, victim.

465

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