Férocité Des Blancs

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SAMIR AMIN

Férocité des Blancs, férocité du capitalisme

Le livre de Rosa Amélia Plumelle Uribe devait être écrit ; il doit être lu. Les crimes contre
l’humanité, perpétrés à grande échelle depuis 1492 – le génocide des Indiens, l’esclavage et la
traite négrière – des siècles avant les crimes du nazisme, ne sont – ou ne devraient être –
inconnus de personne. Mais la référence à ces crimes est immédiatement enfouie dans
l’autosatisfaction des contemporains, du moins des ressortissants des Etats Unis et de
l’Europe. Tout cela, c’est du passé – triste, ignoble – mais dont la page est heureusement
définitivement (je souligne) tournée.

Nous vivons désormais dans le meilleur de mondes, engagés sur la route lumineuse du respect
intégral des droits humains, de tous les humains, sur la route de la démocratie (pour tous).
C’est « la fin de l’histoire » nous dit Fukuyama : la démocratie libérale a écrit le dernier
chapitre de l’histoire, il n’y en aura pas d’autres après ; car ce système est capable de résoudre
pacifiquement, sans violence, tous les problèmes de l’humanité ; il assure déjà et assurera
toujours davantage l’accès à tous les bienfaits de la civilisation, matériels et moraux. Ces
billevesées constituent hélas le pain quotidien de quelques centaines de millions d’êtres
humains : probablement la majorité des 15% de l’humanité qui vivent aux Etats Unis et en
Europe (auquel j’ajouterai le Japon – les Japonais étaient des « Blancs honoraires » aux yeux
du régime de l’apartheid !), et un petit nombre de ceux qui vivent ailleurs sur la Planète – les
fac-similés des « Occidentaux ».

L’ampleur des crimes décrits minutieusement par R. A. Plumelle Uribe ne fait l’objet
d’aucune contestation, comme elle l’indique dans sa Préface. Peut-être quelques érudits
spécialistes de ceci ou cela (dont je ne suis pas) pourraient-ils ajouter des précisions, voire
corriger des erreurs (qui m’auraient échappé). Soit, mais rien au-delà ne pourrait être dit par
un chercheur de bonne foi.

Pour ma part je ne sais pas exactement ce que pourrait être la définition d’un « Blanc ».
L’idéologie – et même hélas la loi – classe les êtres humains aux Etats Unis en « white »
(qualifiés je ne sais pourquoi de « Caucasiens » ! – probablement pas pour faire plaisir à
Staline !) et « colored » (tous les autres). Tous les autres ! Soit, pour les Noirs et les métisses
de Noirs : aux Etats Unis – une « goutte de sang noir » vous déclasse – j’allais écrire vous
avilit. Mais que sont les émigrés venus de l’Inde d’Asie, ceux qui ont la peau « blanche » et
parlent de surcroît une langue indo-européenne – comme les « Caucasiens » ? Que sont les
hispaniques sans ancêtres Indiens – Ibériques et Italiens – « Blancs caucasiens », ou
« colored » ? Il y a en Europe des Blancs de neige au Nord, et des Blancs basanés au Sud.
Autant basanés que des Arabes (Blancs ou pas Blancs ?). Steve Biko, confronté à son
bourreau habillé en juge, qui lui posait la question concernant sa couleur, a répondu avec
humour : tous les êtres humains sont colorés, moi en noir, vous en rose plutôt qu’en blanc. Et
le Juifs – dont je ne sais pas définir les critères de l’appartenance à cette prétendue
« communauté »- sont-ils aussi Blancs que les Européens, ou basanés comme leurs cousins
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sémites arabes ? Un individu quelconque peut être beau ou laid, intelligent ou stupide, gentil
ou criminel quelle que soit la couleur qu’on voit sur sa peau. Et fort heureusement je ne suis
pas le seul à le penser. Qu’on ait donc définitivement abandonné une para-théorie quelconque
des « races humaines » (trois ou quinze races, peu importe) – dans les principes proclamés
tout au moins, sinon dans la réalité des perceptions de tous les individus qui habitent notre
Planète, me paraît certainement un pas en avant. Mais il ne doit pas devenir prétexte à oublier
l’histoire, et sans doute même les questions encore posées par la réalité de ce monde.

L’ouvrage de R. A. Plumelle Uribe porte en sous-titre « de 1492 à nos jours ». Or 1492 n’est
pas une date anodine. Elle n’est pas celle de « la découverte de l’Amérique » (eurocentrisme
oblige), puisque j’imagine que les êtres humains qui l’habitaient à cette date l’avaient sans
doute découverte plus tôt. Elle est la date de l’acte de naissance du capitalisme, s’il faut lui en
délivrer un. Avec quelques autres, je parle des six siècles d’histoire de la modernité capitaliste
(1492 à ce jour). Je n’entre pas ici dans davantage de détails concernant ma lecture – ou celle
d’autres – de ces six siècles. Ce n’est pas le sujet.

Je me contente de rappeler ce que j’ai déjà dit (et bien avant moi Karl Marx entre autre) : que
1492 est la date du démarrage de la conquête des Amériques par des Européens venus des
bords de l’Atlantique – Espagnols, Portugais, Anglais, Français et Hollandais. Qui est pour
moi « conquête et destruction », destruction des sociétés de l’Amérique indienne (et donc
massacres organisés systématiquement à cet effet) et reconstruction de nouvelles sociétés
façonnées pour servir le développement du capitalisme de l’époque dans l’Europe atlantique.
La soumission des survivants indiens, réduits à des statuts d’inférieurs – quasi esclaves – puis
l’établissement d’exploitations esclavagistes alimentées par la traite négrière (le second
génocide étudié par R. A. Plumelle Uribe) ne prennent leur sens qu’à la lumière de l’analyse
de ce que le « capitalisme historique » est réellement.

Il se trouve que ce capitalisme historique s’est constitué dans l’Europe atlantique. J’ai pour
ma part avancé la thèse que la transition des formes d’organisations sociales antérieures à la
modernité capitaliste était engagée plus tôt et ailleurs et que l’avancée tardive mais décisive
de l’Europe dans ce domaine pouvait être expliquée autrement que par les mythes construits
par l’historiographie idéologique eurocentrique (le « miracle européen » après le « miracle
grec » etc.). Mais encore une fois cela n’est pas notre sujet ici. Le capitalisme historique qui
s’est imposé émergent du monde « européen atlantique », un signe d’égalité pouvait être
imaginé : capitaliste égale européen (donc « Blanc »). Cette réduction/confusion perdure.

La férocité du capitalisme de l’époque qualifiée de mercantiliste – 1500 à 1800 en gros – est


le produit des exigences de l’accumulation du capital, celle que Marx qualifiait de
« primitive ». Férocité extrême exercée non seulement dans les colonies d’Amérique et par
ricochet en Afrique, réservoir d’esclaves ; mais tout également en Europe même, par la
destruction de l’économie paysanne ancienne, la condamnation de millions de paysans
appauvris. Le plaidoyer de Marx jeune avocat en défense des « voleurs de bois » de Rhénanie
témoigne avec éloquence de ce rapport entre accumulation du capital et férocité. En
Angleterre on prend un affamé pour un larcin ; et il a de la chance si on l’envoie seulement
galérer en Australie.
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Cette férocité s’atténue-t-elle avec le passage du mercantilisme et de l’accumulation primitive


qui l’accompagne à la forme achevée du capitalisme, avec la révolution industrielle en
Angleterre et la révolution politique en France, à la fin du XVIIIe siècle ? Certainement pas,
même si elle prend des formes nouvelles, en Europe et aux Etats Unis qui voient le jour à la
même époque, comme dans les Amériques ibériques, dans l’Inde devenant britannique et plus
tard dans les colonies d’Afrique et d’Asie.

Pour ce qui concerne l’Europe la férocité caractérise l’exploitation de la nouvelle classe


ouvrière, qu’Engels décrit pour faire comprendre ce qu’implique le déploiement de la logique
du capitalisme. Vous direz que cette page est tournée. En bonne partie, oui, grâce aux luttes
victorieuses des travailleurs européens ; dont il faut se féliciter, et non certes déplorer !

La plus grande férocité a caractérisé le déploiement du capitalisme aux Etats Unis pendant
tout le XIXe siècle. L’expansion vers l’Ouest a été accompagnée par certainement l’un des
plus grands génocides de l’histoire, le massacre systématique organisé de tous les Indiens de
la région. Et les films à la gloire des cow-boys massacrant les Indiens ont fait l’éducation des
enfants de ce pays sauvage jusqu’à presque ce jour. Les Anglais allaient faire subir à peu près
le même sort aux autochtones d’Australie.

En comparaison ni les Français du vieux Canada et plus tard en Nouvelle Calédonie, ni les
Espagnols en Amérique latine, ni les Tsars russes n’ont envisagé le génocide des peuples
conquis. En Amérique latine les communautés indiennes, décimées par la conquête sauvage,
la dépossession de leurs meilleures terres, les formes de soumission brutales et barbares, ont
survécu. Les Kanaks, les Samoyèdes également. L’Union Soviétique, héritière de l’Empire
des Tsars a donné à ces deniers d’immenses territoires en Sibérie et a protégé leur culture. Les
Etats Unis et le Canada n’envisagent pas même de reconnaître qu’ils ont été les auteurs de
crimes contre l’humanité sans pareils. Ils n’ont pas de leçons à donner aux autres.

Alors comment expliquer cette barbarie particulière des Anglo-Américains ? Par leurs gênes,
porteurs du crime plus que ceux d’autres peuples « Blancs » ? Certainement pas. La raison est
que le capitalisme – plus avancé dans ses formes modernes en Angleterre et aux Etats Unis
qu’en Espagne, en France ou en Russie – s’est révélé pour cette raison plus systématiquement
efficace dans sa volonté de détruire les obstacles à son déploiement.

Aux Etats Unis le nouveau capitalisme triomphant, parti de la Nouvelle Angleterre,


s’accommode sans problème de la férocité esclavagiste dans les Etats du Sud ; puis, tire
bénéfice de l’abolition de l’esclavage pour soumettre le nouveau prolétariat – dont la
composante noire s’amplifiera – à une exploitation qui, « féroce ou pas », demeure
fondamentalement associée au racisme persistant.

Evolution parallèle en Amérique latine où les classes dirigeantes créoles (Blancs ou pseudo-
Blancs) soumettent les peons indiens à des statuts ignobles.

Les seules révolutions que le continent aura connu sont : celle de Saint Domingue (les Noirs
se libèrent par eux-mêmes ; ils n’attendent pas « l’abolition de l’esclavage ») – concomitante
à la révolution française (et saluée par les Montagnards : les esclaves de Saint Domingue ont
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conquis leur liberté, ce sont des citoyens) ; celle plus tard du Mexique (1910-1920) ; puis celle
de Cuba, où le souvenir de l’esclavage demeurait encore vivant.

Encore une fois, tout cela, c’est du passé. Du moins c’est ce qu’on disait dans l’Europe de la
première « belle époque » – 1890-1914 –. Finie la sauvagerie. Un discours en tout point
analogue à celui de la seconde « belle époque » un siècle plus tard – 1990 à nos jours et au-
delà - (le discours de la « fin de l’histoire »). Bien entendu à l’époque (1890) on n’entend pas
les voix des Africains soumis à la conquête coloniale. D’ailleurs on est allé là-bas pour les
« civiliser », les sortir de la misère et de la férocité de leurs guerres intestines. Comme
aujourd’hui l’OTAN n’intervient que pour établir la démocratie … comme on le voit en
Lybie.

Entre temps – entre la première et la seconde belle époque – il y a eu le nazisme. Et R. A.


Plumelle Uribe a raison de dire que la férocité des Nazis n’est pas un produit aberrant,
« inexplicable », mais s’inscrit dans la logique du déploiement de la férocité dont je dirai
encore qu’elle est celle du capitalisme. Je constate, avec elle, que la pensée dans les pays
« occidentaux » ne se déploie pas en direction du toujours meilleur, toujours plus humain,
comme un long fleuve tranquille. Au contraire, son mouvement a préparé et conduit au
nazisme.

Les Lumières du XVIIIe siècle ne sont pas uniformément racistes. Loin de là. Le courant anti-
esclavagiste, le souci de définir des valeurs authentiquement universelles, préoccupent les
meilleurs esprits. Sans doute cette pensée demeure-t-elle eurocentrique. Mais le « miracle
européen » n’est pas attribué à la race, aux gènes (dont on ignore l’existence), mais à
« l’ancêtre grec », au « miracle grec ». Qu’il s’agisse d’une construction mythologique, soit ?
J’ai rappelé, comme l’auteur de Black Athena que la Grèce antique n’est pas l’ancêtre de
l’Europe ; elle appartenait à l’Orient ancien. J’ai pour ma part situé la construction de
l’eurocentrisme dans ces formulations des Lumières.

C’est au XIXe siècle que le racisme va systématiquement prendre la place de l’ancêtre grec,
pour fonder le nouveau mythe de la supériorité européenne (celle des Blancs). Une invention
qui est française : Gobineau est le premier à formuler cette « théorie des races » – nouvelle.
Mais son succès est fracassant. Des hommes politiques influents adhèrent d’emblée à cette
nouvelle philosophie misérable de l’histoire ; comme Chamberlain par exemple, et beaucoup
d’autres.

La lecture des classements racistes popularisés par ces maîtres penseurs des deux derniers
siècles est fort amusante. Les Allemands se placent en tête, suivis par les autres anglo-saxons ;
les Anglais adoptent la même liste, mais se placent au-dessus des Allemands ; les Français
justifient leur position privilégiée par un argument dont j’avoue qu’il m’est sympathique – ils
sont les héritiers de la Révolution … qu’ils ont néanmoins trahi. Au milieu de la liste toujours
à peu près les mêmes – les basanés de l’Europe du Sud et d’Amérique latine. Et les
« jaunes » ? Les Chinois en bas, mais les Japonais en haut. Comprenne qui pourra. Les
Indiens de l’Inde, en bas, en dépit de leur langue « indo-européenne ». Plus bas encore le plus
souvent les Juifs et les Arabes. L’antisémitisme est une invention européenne. Les
Musulmans se sentent plus proches du Judaïsme que même du Christianisme ; et pour cette
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raison n’ont jamais été « antisémites ». Il est interdit aujourd’hui de rappeler cela : les
Israéliens (et donc les Juifs) doivent être placés dans les têtes de la liste bien sûr, les Arabes
restent misérablement traités. Tout en bas, bien entendu, presque toujours, les Nègres (terme
en usage alors) ; certainement parce que leur condition avait été synonyme de celle de
l’esclave, l’animal qui parle.

La hiérarchie dans ces classements accompagne le déploiement des conquêtes coloniales : les
Noirs (les Africains) en sont les victimes premières. Là où ce fut possible comme en Afrique
du Sud ils ont été alors soumis à un statut discriminatoire particulièrement féroce et humiliant.
Car l’apartheid n’a pas été inventé par les Boers, qui se contentaient de chasser les Noirs des
terres conquises, mais par le gouverneur britannique de l’Union Sud-Africaine, cultivé et
admirateur de l’éloge de l’esclavage par Platon. Le nouvel Etat « boer » a bien sûr hérité du
système, qu’il a systématisé. Il ne s’agissait pas d’une aberration, d’un vestige du passé,
comme on dit, mais bel et bien d’un système parfaitement efficace pour le fonctionnement du
capitalisme. Les médias dominants ont voulu nous faire croire que l’idéologie des « libéraux »
était anti-apartheid. Non. L’apartheid a bénéficié du soutien des Etats Unis et des pays
européens jusqu’à son dernier souffle. L’apartheid politique a été mis en déroute par les luttes
du peuple noir du pays, et par personne d’autre.

Hitler n’a pas inventé grand-chose sur ce terrain. Son crime a été de traiter d’autres « Blancs »
comme on ne pouvait traiter que des « races » classées « de couleur ».

Césaire avait parfaitement raison de faire remarquer que ce qu’on reprochait aux Nazis c’est
d’avoir étendu à d’autres « Blancs » le traitement réservé aux autres. Une anecdote : en
revoyant le film (anglais) « le Pont sur la Rivière Kwai » je sursaute en entendant l’officier
britannique s’en prendre à son geôlier japonais : « ils nous traitent comme des Indiens » !

Pour comprendre l’origine de toute cette férocité, ancienne et contemporaine, cherchez la


logique du Capital : accumulez, accumulez, quel qu’en soit le prix (humain). Le capitalisme
est un système – le premier – fondé sur le principe selon lequel « la richesse est source de
pouvoir ». L’amour de l’argent – dont le respect doit être absolu tant il est vital pour la
reproduction du système – « pousse au crime ». Crime à peine visible des pantouflards qui,
sans se joindre aux brigades d’assaut féroces, se taisent sur les crimes accomplis, parce qu’il
tient un petit bénéfice matériel de la situation ; et ils le savent. Crimes individuels des patrons,
de toutes sortes : filouterie, abus de pouvoir (sexuel) à l’égard d’employées etc. Mais
véritables crimes contre l’humanité ordonnés et mis en œuvre par les politiques aux postes de
commande, aujourd’hui autant qu’hier. Ces hommes (et quelques femmes) savent ce qu’ils
font et connaissent les conséquences de leurs décisions : ils protègent la finance ; rien d’autre.

C’est pourquoi, en dépit du discours « libéral » qui se livre à l’éloge des temps modernes, sans
grande nuance, la férocité reste à l’ordre du jour du quotidien et menace toujours davantage.
Le regain de popularité du fascisme en Europe n’inaugure rien qui justifie l’optimisme à cet
égard.
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Mais en même temps il faut prendre conscience que les peuples dominés ne répondent pas
toujours par une résistance lucide et noble au défi que constitue la férocité des moyens de leur
oppression.

Les exemples tristes de ces types de réaction sont légion, en particulier en Amérique latine,
précisément parce que cette grande région du Sud a été façonnée par la colonisation
capitaliste plus tôt que les autres. Tout le continent des Amériques, de l’Alaska à la Terre de
feu, est, de ce fait, marqué jusqu’à ce jour par une violence barbare particulière, dont
témoigne l’exemple de l’assassinat programmé des enfants des rues au Brésil.

On connaît les glissements sur la pente criminelle et stupide de l’organisation de massacres


entre peuples des périphéries comme on l’a vu en Yougoslavie et dans de nombreux pays au
Moyen Orient, en Afrique et en Asie du Sud Est. Ces massacres – féroces bien entendu – sont
parfois visiblement commandités par les dirigeants du monde (« occidentaux », ou plus
exactement maîtres de la décision politique dans les pays impérialistes majeurs), à défaut ils
sont au moins ouvertement ou sournoisement soutenus. La raison ? Ces « conflits » absurdes
servent la cause : perpétuer la domination non de « l’Occident », mais du capital financier.
L’analyse des raisons et des mécanismes à l’origine de cette férocité est nécessaire, mais elle
ne doit pas servir d’alibi pour l’excuser, elle doit devenir le moyen de mobiliser les peuples
pour y mettre un terme.

Bien que l’ouvrage de R. A. Plumelle Uribe ne traite que de la férocité à partir de 1492, je
crois utile de dire quelque chose en rapport avec la férocité à travers l’histoire antérieure à la
modernité capitaliste. Car la férocité, hélas, est vieille comme le monde. Mais il importe de
savoir quelles sont les raisons qui la motivent et donc les mécanismes par le moyen desquels
elle opère, pour la combattre plus efficacement.

La violence ancienne trouvait sa source dans la course au pouvoir, pas à l’argent. Avec le
capitalisme l’argent devient source de pouvoir, avant lui c’est le pouvoir qui est la source de
la richesse. Les exemples de férocité barbare mis en œuvre par les conquérants du passé sont
innombrables : les centaines de milliers de têtes humains coupées sur les ordres de Tamerlan
par exemple. Ces actes n’ont pas été moins le fait de Noirs, de Jaunes ou d’autres couleurs
que de Blancs. Et généralement leurs victimes appartenaient à leur propre « groupe racial » (si
ce terme a un sens), tout simplement parce que les moyens de l’époque ne permettaient pas de
conduire les expéditions guerrières aux confins de la Planète.

La différence entre la férocité motivée par la course des Anciens au pouvoir, et celle motivée
par l’accumulation moderne du capital, tient aux moyens à la disposition des sociétés en
question. Aucune commune mesure, hélas, entre les moyens des Anciens et les armes de
destruction massive des temps modernes. Et c’est pourquoi les responsables de décisions de
mise en œuvre de ces moyens, aujourd’hui, sont les plus grands auteurs de crimes contre
l’humanité qu’on ait connus ; et les Présidents des Etats Unis en occupent le premier rang.

Alors, à quoi attribuer ce penchant pour le crime ? Aux gênes particuliers aux peuples
associés à leur mise en œuvre ? A ceux des individus qui les ordonnent ? Certainement pas.
Alors ? à la carnalitas propre à la race humaine dans son ensemble, comme le suggèrent
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quelques anthropologues ? Je ne m’estime pas compétent pour trancher cette question. Mais je
conclurai simplement en disant qu’il faut la combattre – si elle existe – et que pour le faire il
faut remettre en question le mode de fonctionnement des logiques doubles du capital et du
pouvoir. Combat utopique pour la reconstruction de l’être humain et de la société ? Peut-être ;
mais utopie créatrice ; la seule qui vaille la peine qu’on y consacre toute ses forces,
idéologiques et politiques.

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