Osez ! Vous Réussirez - Magali Berdah
Osez ! Vous Réussirez - Magali Berdah
Osez ! Vous Réussirez - Magali Berdah
Osez !
Vous réussirez
Flammarion
© Flammarion, Paris, 2022
Tous droits réservés
En mars 2021, sur le plateau de Touche pas à mon poste, Cyril Hanouna
m’invite pour parler chirurgie esthétique. Je sais qu’il apprécie ma franchise
à ce sujet. Durant l’émission, il va d’ailleurs diffuser une ancienne photo de
moi, qui date d’avant ma première opération. Une image pas si ancienne
puisqu’elle remonte à seulement cinq ans. Mais, confrontée à mon visage,
je suis tout à coup très émue, et cela se voit : cette photo me rappelle une
époque assez sombre. Je l’associe à une période de ma vie où je n’étais pas
heureuse et très mal dans ma peau. Aujourd’hui, j’ose le dire sans me
vanter, les choses ont changé : j’apprécie mon apparence, et j’aime me
regarder dans un miroir. Certains jours plus que d’autres, bien sûr ! Et je
préfère encore, malgré tout, intercaler un filtre entre la réalité et moi lorsque
je poste une vidéo sur Snapchat ou une story sur Instagram ! Mais je ne
rechigne jamais quand l’un ou l’une de mes candidat(e)s me filme sans
filtre et diffuse la vidéo sur ses réseaux sociaux (elles, qui sont si jeunes et
fraîches, n’ont besoin d’aucun filtre pour être magnifiques !).
Globalement, je suis plutôt satisfaite de mon visage et de mon corps, qui
sont ceux d’une femme de quarante ans et d’une maman de trois enfants. Je
déclare cela en toute modestie car, si je me plais, cela ne dépend pas que de
moi : je dois d’abord beaucoup à ce qu’on appelle « les artifices ».
On a dit de moi que j’avais été métamorphosée par la chirurgie
esthétique. Que j’avais dépensé des sommes folles pour me faire refaire le
visage et le corps. C’est vrai, et c’est faux.
Vrai que j’ai choisi de faire plusieurs opérations et soins esthétiques.
Pour ma part, j’estime qu’ils ne m’ont pas « métamorphosée » mais qu’ils
m’ont, tout simplement, beaucoup « embellie » et surtout aidée à me sentir
mieux dans ma peau et à avoir confiance en moi. Je n’ai pas dépensé des
« sommes folles » pour parvenir à ce résultat, j’ai dépensé l’argent que je
pouvais me permettre de dépenser. À savoir, pour cinq ou six opérations en
deux ans environ, 40 000 euros. C’est beaucoup, certes, mais je suis une
femme qui travaille énormément et je fais ce que je veux de mon argent. Et
non seulement je n’ai rien à cacher, mais je suis heureuse de pouvoir, grâce
à ce livre, m’exprimer longuement sur mon recours personnel à la chirurgie
esthétique, et plus généralement sur ce qu’il signifie pour moi. Car je me
suis souvent interrogée à ce sujet.
En France (et cela vient tout droit des États-Unis), nous vivons depuis
plusieurs années un véritable engouement pour toutes les techniques qui
peuvent nous apporter du bien-être : méditation en pleine conscience,
relaxation, phytothérapie, médecines traditionnelles, yoga ayurvédique ou
sylvothérapie, etc. Tous les magazines féminins militent pour une
alimentation saine et si possible bio. Cette quête est liée au fait que, au
XXIe siècle, nous accordons autant d’importance à notre état psychique qu’à
notre état physique. Dans un monde de plus en plus fou, nous œuvrons sans
relâche pour gagner en sérénité.
Parallèlement, nous saluons les prouesses technologiques qui permettent
de sauver une vie grâce aux techniques chirurgicales de pointe, à
l’Intelligence artificielle, au développement de thérapies ciblées dans les
cancers, à l’immunologie, bref, nous nous réjouissons de ce que la
recherche peut produire d’extraordinairement salvateur pour le genre
humain.
Ces deux aspects, la recherche du bien-être et la recherche médicale de
pointe, ont un même but : permettre à l’être humain de vivre dans de
meilleures conditions. Physiquement et psychologiquement.
Pour moi, faire appel à la chirurgie esthétique procède exactement du
même calcul : c’est trouver, ou retrouver, un bien-être psychique grâce à
une technologie chirurgicale prouvée, autrement dit : grâce à la science.
Dans notre société de progrès et de profit, celle – ou celui – qui ne
s’apprécie pas physiquement n’a que peu de chances de se sentir bien dans
sa peau. Car, il serait vain de le nier, notre apparence compte. Elle compte
d’abord pour nous-mêmes : qui n’a jamais été surpris en découvrant que
son « moi intérieur » ne correspondait pas à l’image que lui renvoyait le
miroir ? Que, non, notre visage, notre regard, notre corps, ne reflètent pas
forcément notre jeunesse morale, notre dynamisme, ou notre beauté
intérieure ? Que passé un certain âge ils ne sont pas, ou plus, nos fidèles
alliés ? Chacun a le droit de vivre comme il le souhaite le rapport qu’il
entretient avec son corps. On a le droit d’aimer ses rides et de les considérer
comme la marque de l’âge et de la sagesse. Le plus important est de
s’accepter et de se plaire à soi-même. On me dit souvent : « C’est normal,
c’est l’âge. Le vieillissement naturel. » C’est bien vrai. Et je n’ai rien, bien
au contraire, contre le « naturel ». À condition qu’il ne devienne pas une
dictature ! Or me contraindre, ou contraindre qui que ce soit, à assumer ce
que l’on considère comme un défaut et qui nous handicape, alors que depuis
cinquante ans il existe des moyens d’y remédier, est pour moi une ineptie.
Et le contraire même du sens de l’histoire.
Jeune adolescente, vers l’âge de douze ans, je ne me préoccupais pas
vraiment de mon apparence. Je ne me trouvais ni jolie ni moche. Ce qui
m’importait, à l’époque, c’était de pouvoir rigoler avec mes amies et de
profiter du foyer chaleureux que m’offrait ma grand-mère. En grandissant,
j’ai commencé à être un peu gênée par une certaine asymétrie de mon
visage. Une irrégularité de sa forme, due à ma dentition : le côté droit de ma
mâchoire supérieure était plus haut que le côté gauche. Je trouvais que
j’avais « une tête bizarre ». Ce n’était pas encore une obsession, n’empêche
que lorsque l’on critiquait mes dents, je le prenais très mal.
Les grossesses n’arrangent pas les dents, on le sait. Le vieil adage « Un
enfant, une dent » a encore de beaux jours devant lui. Et c’est après avoir
accouché de mes trois filles, et parce que mes dents en avaient pris encore
un sacré coup, que j’ai pris la décision de faire ce qu’il fallait pour que mon
visage me devienne plus agréable.
La chirurgie esthétique, ou plutôt les soins esthétiques, je les ai donc
débutés par des soins dentaires. J’avais pourtant, comme beaucoup de gens,
une véritable phobie du dentiste, et tellement peur d’avoir mal ! Mais un
orthodontiste parisien très sérieux, qui avait refait la bouche de nombreuses
personnalités, a travaillé sur ma mâchoire supérieure, d’abord sur
l’implantation de mes dents puis, lorsque les ajustements ont été faits et
mon visage un peu rééquilibré, il a réalisé des facettes pour les dents du
haut. Peu de douleurs, des prix corrects, et le résultat était déjà
impressionnant pour moi : je me regardais dans un miroir, je souriais
largement et mes dents étaient parfaites ! Quand on fait, comme moi, un
métier d’image, que les gens vous regardent ou plutôt vous scrutent, à la
télévision, sur les réseaux sociaux, les attaques sur le physique sont
monnaie courante et souvent très violentes. Lorsque j’étais peu connue,
j’étais bien entendu peu confrontée à cela. Mais dès que Shauna Events a
commencé à devenir une agence réputée, les attaques se sont multipliées.
Mon visage, semble-t-il, prêtait pour certains à la moquerie. Ils s’amusaient
alors à balancer sur la Toile d’anciennes photos de moi avec mes dents
d’avant. Lorsque je les regarde aujourd’hui, je me dis que, décidément, j’ai
bien fait de les changer ! Finalement, c’est donc la réussite professionnelle
qui m’a poussée à être beaucoup plus attentive à mon apparence et à
m’accorder le droit d’être, ou non, satisfaite de ce que je vois. Et de choisir
d’y remédier. Rien n’est inéluctable. J’ai, nous avons tous, hommes comme
femmes, le droit de décider de ce qui est bon, ou non, pour notre corps et
notre mental.
Grâce à la chirurgie esthétique, j’ai découvert que je pouvais me trouver
à mon goût. Quel plaisir ! Mais j’étais encore gênée car je trouvais qu’il me
restait de disgracieuses poches sous les yeux et des paupières supérieures
trop tombantes qui me donnaient un air fatigué qui ne correspondait pas à
ma forme réelle. J’ai donc décidé de faire arranger tout cela, et une fois les
bleus et ecchymoses disparus, la différence, à mes yeux, a été flagrante :
j’avais rajeuni de plusieurs années, et surtout, j’avais l’air en grande forme,
reposée comme si je rentrais de vacances. Restait mon corps, dont les
défauts m’étaient devenus difficiles à supporter : j’étais une maman de trois
fillettes, trois grossesses que j’avais portées en l’espace de quatre ans. Mon
corps a été mis à rude épreuve… Particulièrement mes seins.
Les grossesses, toutes les femmes le savent, ruinent la poitrine. Elle
gonfle durant la grossesse, dégonfle après, regonfle pendant l’allaitement,
dégonfle à nouveau, bref : c’est un traumatisme, naturel lui aussi. Après
avoir eu trois filles, mes seins étaient devenus petits et flasques, comme
vidés de leur substance. À trente-cinq ans, je peinais à l’admettre. Je voulais
avoir de beaux et gros seins, qui tiennent tout seuls, qui puissent vivre leur
vie sans entrave, sans soutien-gorge, en liberté.
Je réfléchis durant quelques mois, puis je sautai le pas. La directrice de la
clinique de chirurgie esthétique des Champs-Élysées est une copine.
Lorsque je lui en parle, elle me rassure et me promet que tout se passera
bien. Nulle crainte à avoir.
Mon premier rendez-vous avec le chirurgien dure presque une heure. Il
souhaite connaître mes motivations, vérifier que je suis physiquement et
psychologiquement en forme, et que nous nous mettions d’accord : il me
propose de me poser des prothèses assez petites, juste de quoi redonner du
galbe à mes seins et rester naturelle. Je lui réponds : moi, je veux juste que
mes seins soient gros et beaux ! Je me fiche totalement qu’on sache que j’ai
des faux seins !
Au lendemain de l’opération, la douleur est vive mais supportable. Cela
va durer quatre jours… Et les antalgiques prescrits par le chirurgien
suffiront à la calmer. Durant le mois qui suit l’opération, je respecte les
consignes strictes données par le chirurgien : pansements à faire chaque
jour dans un premier temps, je porte un soutien-gorge adapté et je limite
mes activités. Lors de la première consultation postopératoire, je découvre
ma nouvelle poitrine : même si elle est encore un peu enflée à cause de
l’œdème, je pressens que le résultat final sera à la hauteur de mes
espérances. Effectivement, au bout d’un mois, je ne ressens plus aucune
gêne et ma poitrine est parfaitement à mon goût. Je vais pouvoir me passer
de soutien-gorge : mes seins tiennent tout seuls ! Alors certes, l’opération
entraîne quelques contraintes et quelques douleurs, mais comme ces
inconvénients me semblent peu de chose comparé à la satisfaction de me
sentir bien dans mon corps !
Mes grossesses ont aussi abîmé mon corps : je décide de faire une
liposuccion.
Quant à mon visage, j’assume sur le plateau de Touche pas à mon poste
qu’il soit « entièrement refait » : en plus de mes paupières et des poches
sous les yeux, un conturing a permis de redessiner mon menton, des
injections de botox dans le front et de graisse dans les pommettes évitent
l’affaissement, mon visage est plus fin, mes joues plus creuses. Et ainsi, je
me plais. Depuis ces opérations il y a cinq ans, je me suis contentée de faire
régulièrement des injections de botox et d’acide hyaluronique pour
entretenir le tout. Et ce n’est pas parce que j’ai réalisé plusieurs opérations
de chirurgie esthétique que je vais obligatoirement en faire d’autres : non,
tout le monde ne devient pas « accro » au bistouri ! Mais si en vieillissant
j’en ressens le besoin, et si mon chirurgien, en qui j’ai toute confiance, me
dit qu’il n’y voit pas d’inconvénient, je renouvellerai l’expérience. Et
pourquoi pas ? Ce ne sont pas les critiques acerbes sur les réseaux sociaux
ou les remarques désobligeantes sur un plateau de télé qui vont
m’influencer. Pour moi, ces propos sont juste étonnants. Si ceux qui les
prononcent, en général avec véhémence, étaient, comme moi, bien dans leur
peau, ils ne seraient pas aussi agressifs et amers sur un sujet qui ne les
concerne ni ne les regarde… Je les plains vaguement et je passe très vite à
autre chose.
Il est vrai que lorsqu’on exerce un métier public, on subit une réelle
pression sociale à propos de notre image : cela concerne en premier lieu les
femmes, mais aussi de plus en plus souvent les hommes. Ils sont d’ailleurs
beaucoup plus nombreux qu’avant à avoir également recours à la médecine
esthétique ou à la chirurgie esthétique. Parmi les égéries du show-biz,
certains l’assument parfaitement, comme Benjamin Castaldi, qui déclare sur
le plateau de Touche pas à mon poste avoir eu recours à quelques injections
de botox entre les sourcils. Et en plateau dans le 6 à 7 sur C8, il prend le
parti de rire de lui-même à la suite d’une blépharoplastie (une opération de
la paupière supérieure qui tombe passé un certain âge.)
Question opération des paupières, les hommes politiques ont donné le la
il y a déjà bien longtemps : ainsi Dominique Strauss-Kahn, alors en tête des
intentions de vote des Français à l’élection présidentielle de 2007, y a eu
recours (bien avant l’affaire du Sofitel), de même que François Hollande un
peu plus tard. Et ce qui est intéressant, c’est que, les concernant, cela
engendre fort peu de réactions des commentateurs et quasiment aucun buzz
sur Internet. Comme si l’on reconnaissait à ces figures politiques
masculines le droit absolu de chercher à avoir l’air « plus jeune », « plus
fringant »… « Plus dynamique » en un mot.
Il faut dire que, bien avant eux, un autre socialiste avait montré qu’un
homme politique pouvait choisir de retoucher son visage : François
Mitterrand, avant sa première élection en mai 1981, n’avait pas hésité à se
faire limer les canines, jugées trop carnassières par ses conseillers… Mais
cette fois encore, les femmes ne sont pas les égales des hommes : la
chirurgie esthétique semble beaucoup moins tolérée chez les femmes
politiques que chez leurs alter ego masculins.
Prenons comme exemple Ségolène Royal : la candidate à l’élection
présidentielle de 2007 semble avoir fait retoucher son nez, son menton et
ses dents. Quelque temps plus tard, un commentateur politique assène :
« La communication politique, c’est comme la chirurgie esthétique. Si ça se
voit, c’est que c’est raté. » Vraiment ?
Parmi les femmes politiques, c’est tout de même sans doute Rachida Dati
qui aura déclenché le plus de commentaires misogynes et sexistes. En
juin 2017, elle est présente sur les plateaux de TF1 puis de BFMTV pour la
soirée électorale consacrée au second tour des élections législatives. La
maire du VIIe arrondissement de Paris ne briguait pas de mandat, mais elle
vient commenter les scores de son parti, Les Républicains. À peine est-elle
cadrée par la caméra de plateau que s’ensuit aussitôt une salve de
commentaires d’internautes sur Twitter. En voici deux exemples :
« Je ne veux pas être médisante hein Twitter c’est pas ça ! Mais Rachida
Dati si elle bâille à mon avis ses oreilles se décrochent…#Botox »
« Le temps n’a aucune emprise sur le botox de Rachida Dati.
#legislatives2017 »
Idem en janvier 2019 : sa participation à l’Émission politique de France 2
entraîne une déferlante de commentaires insultants et sexistes :
« On avait dit détox pas botox. »
« Rachida Dati, elle ressemble de plus en plus aux frères Bogdanoff. »
Visiblement, le discours de cette femme politique intéresse beaucoup
moins que son enveloppe… Interviewée peu après par Télé Loisirs, Rachida
Dati rétorque calmement : « Honnêtement, ça ne me touche pas. Au bout
d’un moment vous dites “J’ai envie de vivre comme je veux”. […] Ce sont
des attaques que connaissent toutes les femmes, en tout cas la plupart des
femmes publiques. Je n’ai pas de comptes à rendre. »
Je suis absolument d’accord avec elle : elle n’a pas de comptes à rendre.
Moi non plus. N’aurions-nous pas le droit, nous, femmes, de décider pour
nous-mêmes ? À qui cela porte-t-il tort si nous choisissons de nous faire
refaire les lèvres, les seins, les fesses ou les pommettes ? Lorsque nous
sommes en âge de le décider et de l’assumer, bien sûr.
En 2019, c’est au tour de Valérie Pécresse de subir des commentaires
désobligeants sur la Toile… « Il se pourrait bien qu’elle gagne en effet le
Ballon d’or du botox raté devant Carla Bruni », écrit l’un d’eux…
Car oui, en France, on imagine que la chirurgie esthétique est réservée
aux bimbos, forcément décervelées, ou aux femmes superficielles et
soumises au mâle, obsédées par le regard des hommes sur elles. Mais
reprocher aux femmes de se soumettre aux normes sexistes de la société,
n’est-ce pas déjà du sexisme ? Et si c’était l’inverse ? Si avoir recours à la
chirurgie esthétique et l’assumer était aussi une façon pour les femmes de
s’affirmer ? De dire que leurs corps leur appartient ? Pour ma part, si une
femme de trente ou quarante ans ne supporte pas, ou plus, un de ses défauts
physiques au point même d’en faire une obsession, je l’encourage à sauter
le pas si elle est tentée par une opération esthétique. Et si elle n’en a pas les
moyens, je conçois tout à fait qu’elle choisisse de contracter un crédit pour
se payer une rhinoplastie (opération du nez) ou de nouveaux seins. C’est
peut-être cette opération qui lui permettra de trouver un nouveau travail –
ou un travail tout court – ou d’entreprendre les études qu’elle n’a pas pu
faire plus jeune… Uniquement parce qu’elle aura repris confiance en elle !
Je parle ici des femmes adultes, voire de celles qui ont dépassé la
trentaine. Car, sauf défaut qu’elle considère comme réellement handicapant,
je ne suis pas pour la chirurgie esthétique chez les très jeunes femmes.
J’estime qu’avant trente ans, le visage, et surtout le corps, évoluent. Il me
semble donc qu’il faut d’abord savoir à quoi l’on va ressembler, vraiment,
avant de décider de gommer ce qui nous apparaît, lorsqu’on a vingt ou
vingt-cinq ans, comme un insupportable défaut.
À mes très jeunes candidates de téléréalité, je ne conseillerai donc jamais
d’en passer par le bistouri pour se rassurer sur leur physique. Je leur
propose d’attendre, peut-être même d’avoir mené une première grossesse.
Et si malgré tout elles insistent, si elles en ont vraiment envie, je leur
explique pourquoi, selon moi, elles n’en ont pas besoin pour le moment :
leur peau est très souple, leur corps n’est pas abîmé, leur jeunesse n’a pas
besoin d’intervention chirurgicale. Car elles vont transformer leur image de
façon irréversible.
Mais, bien entendu, ce sont elles qui décident quoi faire de leur corps et
de leur visage, et si elles ne suivent pas mes conseils, c’est leur liberté. Et il
ne me viendrait jamais à l’esprit de les blâmer d’avoir pris cette décision.
Mais là encore, je leur recommande la transparence vis-à-vis de leurs
abonnés.
Plusieurs influenceuses ont assumé avoir fait de la chirurgie esthétique et
se sont affichées sur les réseaux sociaux avec un pansement sur le nez voire
avec la poitrine bandée. Et au final elles sont heureuses d’avoir osé franchir
le pas.
Lorsque j’ai rencontré le père de mes enfants, j’étais une très jeune
femme très croyante, mais il n’y avait pas de synagogue à Saint-Tropez, où
j’avais grandi avec mes grands-parents. Nous fêtions bien sûr Roch
Hachana et Yom Kippour. Dieu était important dans nos vies, mais nous ne
pratiquions pas notre religion de la même façon que Samuel.
Samuel, lui, a grandi dans un milieu très pratiquant, et respectait
strictement les règles religieuses, par exemple, les lois du shabbat : dès le
vendredi juste avant le coucher du soleil jusqu’au samedi midi, plus
question de toucher à l’électricité, de cuisiner, de téléphoner, de manipuler
de l’argent ou de conduire. Cette rigueur m’impressionnait et m’attirait :
moi, qui n’avais pas eu la chance d’avoir une grande stabilité familiale,
j’étais en manque de cadre. Et la religion m’offrait un cadre très sérieux.
Durant quelques années, je me suis donc très volontiers soumise à une
organisation familiale religieuse, nouvelle pour moi. Nos filles ont grandi
dans cette atmosphère spirituelle, au sein d’une famille très pratiquante.
Elles étaient scolarisées dans une école juive, et j’y tenais également, afin
qu’elles bénéficient de l’enseignement culturel que moi je n’avais pas reçu.
La pratique d’une religion apporte le sens du respect, une discipline, une
stabilité, qui peuvent être salvatrices. Quand elles seraient plus âgées, elles
auraient ainsi les fondements nécessaires et ce serait à elles de décider si
elles souhaitaient pratiquer leur religion de façon assidue ou non. Nous
passions toutes les fêtes juives chez leurs grands-parents, les parents de
Samuel. Pour eux, je n’étais pas vraiment la bru idéale : juive mais peut-être
pas suffisamment pratiquante à leurs yeux, en tout cas beaucoup moins que
leur fils.
C’est après la naissance de Shelly, notre benjamine, que les choses ont
commencé à se gâter.
Dans un couple, même si les deux personnes ont la même religion, la
place que chacun lui accorde n’est pas obligatoirement la même. Et si pour
l’un des deux la religion revêt une importance prépondérante, le quotidien
se complique sérieusement. Mon mari et moi n’avions pas du tout le même
niveau de pratique, mais pas non plus la même exigence. Je respectais
fondamentalement ses croyances et sa façon de pratiquer, mais je ne les
partageais pas. J’étais très heureuse de célébrer les fêtes juives, mais leur
cortège d’obligations ne me ravissait pas, et aller à la synagogue toutes les
semaines, voire plus, me semblait un peu excessif. Faire shabbat toutes les
semaines n’était pas un problème en soi, sauf que, concrètement, cela nous
bloquait tous les vendredis à la maison pendant vingt-quatre heures :
difficile de profiter du week-end avec nos filles en respectant toutes les
interdictions. C’était si complexe ! Manger strictement kasher, chaque jour,
était un réel parcours du combattant. Nous devions utiliser deux batteries de
cuisine, deux vaisselles distinctes et les laver dans deux éviers différents…
Et si l’on consommait de la viande, il fallait attendre six heures pour
consommer du lait, donc par exemple du fromage… Parce que je voulais
être « une bonne juive », je m’imposais ces règles qui me pesaient de plus
en plus. Et je souffrais, sans m’en rendre vraiment compte. Je me sentais en
fait toujours en décalage de pratique par rapport aux attentes de mon mari et
de sa famille. Durant quatorze années, je m’y suis pliée et j’ai tenté de me
convaincre de l’intérêt de la chose. Mais Samuel attendait de moi ce que je
ne pouvais pas lui donner, et réciproquement. Finalement, vers trente ans,
j’ai commencé à remettre en question ce style de vie. Des tensions sont
alors vraiment apparues. Quand j’évoquais la possibilité de partir en week-
end en famille, mon mari refusait, à cause de shabbat. Et bien sûr, plus cela
semblait compliqué, plus j’en avais envie ! Cela ne me paraissait pas être un
vœu totalement démesuré, mais pour mon mari si : impossible, à cause de
shabbat. Ou alors, si j’insistais vraiment, il finissait par céder, mais il fallait
tout organiser, les horaires de transport, les sorties… Pas question d’aller au
restaurant entre le vendredi soir et le samedi soir ni de devoir toucher à
l’électricité, etc. Autant rester chez soi !
Une année, je l’ai tout de même convaincu de partir carrément quelques
jours en vacances aux États-Unis, à Las Vegas. Nous logions au dix-
huitième étage d’un hôtel. À partir du vendredi soir, Samuel devait monter
et descendre à pied… Autant dire que ni les filles, qui étaient petites, ni moi
ne l’avons suivi ! Même s’il le comprenait, cela lui posa problème. Au fil
des ans, notre manière de vivre et, plus généralement, notre façon
d’envisager la vie, est devenue trop dissemblable. J’avais essayé de me
conforter à l’image qu’il avait de l’épouse idéale, image à laquelle je
m’étais également identifiée, à laquelle très honnêtement j’avais rêvé de
ressembler. Mais je me mentais à moi-même. Cette manière de vivre n’était
pas la mienne et elle nous a séparés.
Je ne m’estime absolument pas supérieure à ceux qui, comme mon ex-
mari, pratiquent leur religion avec une très grande rigueur. Au contraire, je
suis très admirative de la force que leur donne leur pratique. J’aurais aimé
parvenir à ce niveau-là et, lorsque j’étais mariée, j’ai vraiment, de toutes
mes forces, tenté d’y parvenir. Mais je n’en ai pas été capable et ai dû finir
par renoncer. J’aime ma religion, je la respecte, et j’ai une foi absolue. Mais
je crois sincèrement qu’entre Dieu et moi, la communication est simple.
Pour moi, ce n’est pas parce que je vais faire shabbat que je serai une
meilleure juive, parce que je vais manger kasher que Dieu me préférera, car
je crois qu’Il nous accepte comme nous sommes. Ces rites, ce sont les
humains qui les ont créés. Dieu sait ce qu’il y a au fond de nous, il se fiche
de savoir si la viande que nous mangeons est kasher, si nous utilisons deux
vaisselles, si nous avons attendu six heures avant de manger de la viande. Et
ne pas respecter ces contraintes ne m’empêche pas d’être juive et croyante,
peut-être même plus croyante que ceux qui pratiquent avec une grande
ferveur, puisque je me dis que je n’ai pas besoin d’en rajouter pour que
Dieu m’aime ! Cela signifie que j’ai plus foi en son amour et en sa
clairvoyance que les autres ! Pour moi, Dieu voit ce qu’on a dans le cœur, Il
n’a pas besoin qu’on lui prouve quoi que ce soit. Je n’ai rien contre la
pratique rigoriste de la religion si elle convient à ceux qui la choisissent.
Mais qu’ils me laissent être juive comme je l’entends.
J’ai énormément souffert, lorsque je vivais à Juan-les-Pins, que certaines
personnes me taxent de « mauvaise juive » parce que je ne pratiquais pas
suffisamment à leurs yeux. Ces critiques très violentes m’ont réellement
traumatisée : comment quelqu’un peut-il s’arroger le droit de juger la
pratique religieuse de son semblable ? Seul Dieu peut nous juger.
Et aujourd’hui encore je trouve très blessant lorsque, sur les réseaux
sociaux, on m’accuse non plus d’être une mauvaise juive, mais de ne pas
être une « vraie juive ». Sans doute parce que ces internautes ont lu que
mon père n’est pas juif. Or, dans notre religion, on est juif par la mère et ils
le savent, bien sûr. Ces réflexions sont encore une fois destinées à me
blesser, et à travers moi, ils sont blessants pour mes grands-parents qui
m’ont toujours appris à aimer Dieu et à respecter notre religion.
La religion, c’est quelque chose de très personnel, et il faut oser assumer
la façon dont nous nous sentons le mieux, le plus à l’aise, le plus libre, le
plus en accord avec nous-mêmes, dans notre pratique. Avec le recul, je me
rends compte que, même si je n’avais pas rencontré Stéphane, mon couple
était condamné. Car je n’étais pas épanouie, pas heureuse, je n’étais pas
moi-même : la pratique de la religion tenait dans notre vie une place
tellement importante que notre quotidien était devenu étouffant. Je pense
aujourd’hui que justement il est très destructeur de se forcer à une pratique,
car cette pratique, si elle est imposée, peut ensuite nous lasser profondément
de la religion, voire nous en détourner. Ce n’est heureusement pas ce qui
m’est arrivé, mais je dois dire que j’ai aujourd’hui un amour encore décuplé
pour ma religion, justement parce que je suis libre de la pratiquer comme je
l’entends, comme je le juge bon pour moi.
Aujourd’hui, je vis avec un homme que j’aime, nous partageons ces
convictions et nous avons la même approche de la religion. Stéphane et moi
en sommes au même niveau de pratique. Nous respectons ce qui nous
semble important, mais la religion fait partie de notre sphère intime et
privée. Notre pratique ne regarde que nous et Dieu.
Aujourd’hui, quelques années plus tard, je n’ai qu’un unique conseil à
donner : quels que soient vos choix, soyez vous-mêmes. Osez vous regarder
en face, osez assumer d’être qui vous êtes, et non pas ce que d’autres
souhaiteraient que vous soyez. Et si vous vous projetez en un être fantasmé,
si vous tentez de ressembler à une créature idéale, demandez-vous s’il s’agit
vraiment là de votre décision personnelle, de votre aspiration propre, ou
bien de la volonté de quelqu’un d’autre qui décide pour vous. Qu’il soit
votre mari, votre amant, votre père… Ou les mêmes en version féminine.
Chacun devrait toujours faire en fonction de son moi profond, et sans
juger les autres. C’est ma seule règle : fais ce que tu veux et laisse l’autre
libre. Par exemple, je travaille sept jours sur sept, c’est mon choix. Mais je
ne vais pas porter de jugement sur celui qui a des horaires plus cadrés. Cette
personne a d’autres priorités que les miennes, et son choix est aussi
respectable que le mien.
En revanche, il y a des règles auxquelles nul ne devrait déroger : quoi
qu’il arrive dans ma vie, je lutterai toujours de toutes mes forces contre le
racisme et l’antisémitisme, et je pousserai toujours les autres à oser assumer
leur religion, quelle qu’elle soit. Pour ma part, j’ai choisi d’assumer
publiquement mon identité juive et ma religion, et cela me vaut
régulièrement des commentaires extrêmement désobligeants, haineux. Voilà
comment, après quasiment chacun de mes posts ou stories édités sur les
réseaux sociaux, je reçois, heureusement noyés dans la masse des
commentaires chaleureux, une kyrielle de messages d’insultes. La plupart
ont trait à la religion. Cela va de « Tu n’as pas un nom juif donc tu n’es pas
une vraie juive » à « Sale juive ». Si je me filme mangeant de la viande au
restaurant j’ai parfois droit à « Tu ne manges pas kasher tu n’es pas une
vraie juive » ou à « Fausse juive » ou « Tu ne mérites pas d’être juive ». Pis,
certains vont jusqu’à me menacer de mort : « Sale juive t’inquiète on va te
retrouver », « Tu vas crever », « On va te brûler ».
Mais je ne me laisse pas atteindre par ces messages haineux. Je suis forte
et jamais je ne reculerai devant ceux qui exècrent ma religion, j’oserai
toujours, quoi qu’il arrive, revendiquer mon identité juive.
Je supprime d’office tous ces messages, absolument tous, qu’ils soient
publics (sous les photos) ou privés (sous mes stories). J’estime qu’il s’agit
de mes comptes Instagram, Snapchat, WhatsApp, et que je suis libre de
choisir ce qui peut y paraître. Il n’est pas question que des commentaires
vils, insultants ou menaçants salissent mes pages. Pour moi, toutes ces
insultes procèdent de la même haine véhiculée par l’antisémitisme. Et c’est
presque encore plus inquiétant lorsqu’elle émane de ceux ou celles qui ont
la même religion que moi. Je ne conçois pas qu’un juif en insulte un autre
au prétexte de sa mauvaise judéité supposée. Au départ, cette haine en ligne
m’a stupéfiée, car je n’ai jamais auparavant souffert d’antisémitisme. J’ai
grandi à Saint-Tropez, et il y a quarante ans Saint-Tropez était encore un
village. Tout le monde se connaissait, et il n’y avait pas vraiment de
communautés, encore moins de communautarisme. Je crois bien avoir été la
seule fillette juive de l’école, et ça ne posait de problème à personne.
C’est en devenant une personnalité publique que j’ai été à mon tour
victime de ce racisme. Je n’affiche pas particulièrement ma religion, mais je
ne la cache pas non plus. Mon seul signe extérieur religieux est le bracelet
que je porte en permanence : des lettres en hébreu y sont gravées : Ima, qui
signifient « maman » en hébreu. Et sur chaque lettre est inscrit le prénom de
chacune de mes filles. Ma religion est le fondement de mon identité, mais je
respecte absolument toutes les autres croyances, quelles qu’elles soient.
Aussi, quand un blogueur va multiplier les stories durant un mois en
m’accusant d’être islamophobe, je vais en être à la fois très choquée et
révoltée. Voici comment tout a commencé.
En juillet 2019, je publie un deuxième livre, un guide pratique Comment
devenir influenceur ?, qui contient des conseils, des astuces, des
témoignages, des photos… Mais au même moment, un blogueur, ancien
candidat de téléréalité, lance une cabale contre moi sur les réseaux sociaux.
Il m’accuse littéralement de haïr les musulmans, et il va multiplier les
stories sur le même sujet durant plus d’un mois ! Résultat : une grande
partie de ceux, musulmans ou non, qui le suivent et lui font confiance,
apportent du crédit à ses accusations. Je vais recevoir des milliers
d’insultes. Tous ceux que je fréquente sont également insultés. Un
exemple : lorsque je me rends au concert de Gims, qui est un ami, comme
d’habitude je filme un live avec mon téléphone portable. Dans cette vidéo je
remercie cet artiste et ami de m’avoir invitée, et je la poste sur mes réseaux
sociaux. Résultat : quasi instantanément, de nombreux fans reprochent à
Gims de s’afficher avec « Magali Berdah l’islamophobe ». Sa femme
DemDem, dont je suis également proche, se fait pareillement insulter, parce
qu’elle a réalisé une story avec moi. Les commentaires sont d’une telle
violence qu’elle finit même par m’appeler pour me prévenir. Or, à l’origine
de cette cabale, il y a tout simplement une erreur de deux de mes candidats,
avec laquelle je n’avais strictement rien à voir. En septembre 2019, pour
rendre service à un ami d’ami, ces deux-là postent un fly sur Snapchat : il
s’agit d’une publicité pour une soirée de soutien à un candidat des
Républicains pour les municipales de 2020 à Marseille. Problème : autour
de cet homme politique gravitent des sympathisants et d’anciens militants
du Front national, connus pour leurs discours antimusulmans. Le blogueur
accuse donc d’abord ces candidats d’être islamophobes, et il multiplie les
vidéos. Puis, finalement, il leur accorde le bénéfice du doute : ils ont fait
« une bourde », admet-il, car ils ignoraient les convictions racistes de ces
gens. Mais, selon le blogueur, la vraie coupable, ce serait moi, leur agente :
je les aurais manipulés et poussés à diffuser cet appel sur leurs réseaux
sociaux car je suis islamophobe ! Et il va même plus loin : il sous-entend
que je suis payée par le Front national, ou bien, encore pire, que c’est au
contraire moi qui finance ce parti. Cela expliquerait selon lui que j’aie
poussé mes deux candidats de téléréalité à faire sa promotion sur les
réseaux sociaux. Car, insiste le blogueur, il est évident qu’aucun de mes
candidats ne publie rien sans avoir eu d’abord mon aval !
C’est évidemment faux : je ne suis pas derrière mes candidats à chacun
de leurs posts ou de leurs stories, et ils ne sont pas des marionnettes. J’ai
bien assez de responsabilités au sein de l’agence pour ne pas avoir à gérer
ça en plus, et ils ont de toute façon leur libre arbitre. En tant que
professionnels des réseaux sociaux, ils ne doivent en aucun cas publier quoi
que ce soit « pour faire plaisir » ou « pour rendre service ».
Dans cette affaire, ma voix hélas porte peu : le blogueur a réussi à me
désigner comme cible. Je le comprendrai plus tard, j’aurais dû
immédiatement réagir et pousser le blogueur dans ses retranchements. Mais
je ne l’ai pas fait, car je voulais protéger mes candidats. Sans doute
espérais-je qu’ils rétabliraient eux-mêmes la vérité. J’ai eu tort. Du coup,
mon mutisme conforte le blogueur dans ses certitudes, et il continue à
répandre sur Internet l’idée que si je ne réagis pas, c’est parce que je suis
effectivement active dans le financement du Front national ! L’affaire va
donc durer un mois durant lequel, dès qu’une personnalité publique est
filmée à mes côtés, elle est à son tour victime de la même machination : on
l’accuse d’être sensible aux idées d’extrême droite. Serait-ce une technique
pour m’isoler ? En tout cas, cela tombe pile au moment où commence la
campagne de presse de mon éditeur. Il m’a calé des séances de dédicaces
dans plusieurs librairies françaises, dans des centres commerciaux, dans les
Fnac, y compris en Suisse. Mais la vindicte lancée contre moi est si
perturbante, j’en suis si bouleversée que j’annule la plupart de mes
signatures. Je suis profondément sidérée par ces attaques car elles me sont
insupportables : je suis juive, c’est vrai, et j’aime ma religion. Mais jamais,
au grand jamais, je n’ai eu le moindre mot, la moindre pensée contre les
musulmans. D’abord parce que j’ai grandi dans un milieu où le racisme
n’existait pas. Jamais je n’ai entendu mes grands-parents proférer ne serait-
ce qu’une critique contre l’islam ni d’ailleurs envers aucune autre religion.
Du coup, le respect des religions, quelles qu’elles soient, et des cultures
différentes de la mienne, m’est naturel. Je suis donc profondément blessée
par ces accusations particulièrement injustes. Quant à financer le Front
national… C’est tout bonnement ridicule. N’empêche que durant ce mois-
là, mon moral est au plus bas. Je suis à fleur de peau, je peine à me
concentrer, je pleure pour un rien, les accusations du blogueur, relayées par
des centaines voire des milliers d’internautes, deviennent une obsession et
m’enlèvent toute énergie pour lancer mon livre. Pire, quand ce n’est pas
moi qui décline les signatures, ce sont les exposants eux-mêmes : ils se
disent désolés mais contraints de céder devant les menaces téléphoniques
qu’ils reçoivent. Quand ces menaces dépassent les frontières de la France,
quand la Fnac de Genève fait savoir qu’elle supprime ma séance de
dédicaces, mon sang ne fait qu’un tour : là, ça va trop loin. Même hors de
France ce blogueur parvient à me faire une réputation abominable ? Je
contacte les responsables du magasin et les supplie : « Si vous annulez mes
signatures, vous me condamnez ! Je n’ai rien fait ! Regardez toutes mes
publications sur les réseaux sociaux, jamais vous ne trouverez de propos
islamophobes, car je ne le suis pas ! »
Courageux, les responsables du magasin acceptent de maintenir la
séance. J’y resterai deux heures, encadrée de quatre gardes du corps
impressionnants… Sans doute trop impressionnants pour le public ! Autant
dire que je n’ai pas vendu beaucoup de bouquins ce jour-là…
Toutes les enseignes n’auront pas le même courage : un magasin annule
notre rendez-vous au dernier moment. Un coup de téléphone anonyme les a
avertis que si je venais, la boutique brûlerait…
Plus grave encore, et il s’agit du souvenir le plus violent que je conserve
de cette période, que je n’oublierai ni ne pardonnerai : mes filles sont
également insultées sur les réseaux sociaux, et même menacées de mort. Je
reçois des messages privés m’assurant qu’on va leur faire la peau. Mes
filles ! Des enfants ! Juste pour m’atteindre ! C’est insupportable, et je suis
contrainte, là encore, de porter plainte.
Mais a posteriori, j’admets avoir fait une erreur : je n’aurais pas dû
garder le silence. J’ai été mal conseillée, influencée par certaines personnes
selon qui, quand quelqu’un est publiquement accusé de racisme et qu’il
réagit, il empire les choses : le fait de chercher à se justifier prouverait
qu’on est mal à l’aise avec l’accusation et donc « qu’il n’y a pas de fumée
sans feu »…
J’ai eu tort d’accorder du crédit à cette analyse. J’aurais dû prendre la
parole publiquement et expliquer que, bien évidemment, ces fly n’étaient en
aucune façon passés par l’agence. J’aurais dû dire la vérité, raconter que
mes candidats avaient posté ce message sans m’en parler. Et j’aurais dû
cesser de les protéger, eux qui se gardaient bien de me dédouaner ! En me
taisant, j’ai donné du grain à moudre à ce blogueur qui a trouvé la faille et
envenimé un peu plus les choses chaque jour.
Morale de l’histoire, qui me servira par la suite : j’ai trop souvent
endossé des responsabilités en lieu et place de mes candidats sans toujours
peser l’impact que cela pouvait avoir sur moi personnellement ou sur
l’agence.
Là encore, une fois de plus, j’aurais dû suivre mon intuition et
désamorcer immédiatement la bombe.
J’ai une immense chance : j’ai été élevée par un grand-père qui m’a
appris à ne jamais avoir honte. Je l’entends encore me répéter : « Fais ce
que tu crois devoir faire, ma princesse ! Tu ne dois jamais avoir honte de
rien. Jamais. »
En me lançant dans l’aventure Shauna Events, j’ai fait le pari de la
liberté, celle d’être ma propre patronne. Et ce quels que soient les
embûches, les coups du sort et les coups de Jarnac de mes adversaires… Et
dans mon milieu professionnel, des adversaires, il y en a un paquet : ça fait
partie du jeu. Une seule chose me déplaît : l’ennui. C’est pourquoi je suis
toujours en mouvement. Je suis un être empli de curiosité, et la plupart du
temps ce que je ne connais pas m’intrigue. Je vis les choses avec passion,
j’ai de l’appétit pour la vie, un appétit d’enfant, de gamine, de femme. Et il
se trouve que je me contrefiche des genres.
Shauna Events, mon agence, est née au printemps 2016. En quelques
mois, j’ai fait du chemin avec mes premiers candidats. Peu à peu, le bouche
à oreille aidant, Shauna Events accueille presque chaque jour de nouveaux
profils : certains ont déjà de nombreux followers, d’autres moins, mais je ne
les éloigne pas pour autant. Je commence à avoir une bonne connaissance
des émissions de téléréalité, à comprendre lesquelles marchent et pourquoi.
Les Marseillais, par exemple, diffusée sur W9, est produite par Banijay et
elle cartonne. Idem pour Les Anges de la téléréalité sur NRJ12, produite par
La Grosse Équipe : son concept fait qu’elle traverse les années sans mollir.
Rebaptisée Les Anges, elle est à l’antenne depuis 2011.
Avec ces deux émissions, de nouvelles candidates emblématiques me
font confiance : Jessica Thivenin des Marseillais a déjà à l’époque plus
d’un million de followers (elle multipliera ce chiffre par six) et Amélie
Neten, qui a fait Secret Story et Les Anges de la téléréalité est également
très suivie. Carla Moreau, Milla Jasmine, Raphaël Pépin, et tant d’autres…
En quelques mois, des candidats emblématiques de la téléréalité viennent
signer dans mon agence. Je suis la plus heureuse des cheffes d’entreprise.
Mais j’ose avoir encore plus d’envies : je souhaite convaincre un autre type
de célébrités de rejoindre Shauna Events afin d’élargir ma clientèle de
marques : elles trouveront un grand intérêt à placer leurs produits auprès de
stars du petit écran, animateurs ou présentateurs. Sauf que les vedettes que
je contacte font la fine bouche. Je comprends vite qu’elles n’ont pas envie
de « s’abaisser » au même niveau que des candidats de téléréalité – ce qui
est très insultant pour ces derniers. Comme je l’ai raconté dans mon premier
livre, des chroniqueurs de TPMP acceptent de travailler avec moi. Je les ai
contactés justement parce que je les sais très critiques envers la téléréalité !
J’ai le pressentiment que si nous nous rencontrons, je serai capable de les
convaincre… Et c’est bien ce qui va se passer, et va me permettre de faire
basculer le destin de Shauna Events. La voilà, c’est elle, la fameuse
intuition qu’il ne faut pas sous-estimer ! En effet, très rapidement, mon
fonctionnement, ma sincérité et mon business model vont les intéresser.
Voilà que les piliers de TPMP acceptent de travailler avec Shauna Events.
Ils ont beaucoup moins de followers que les candidats de téléréalité, mais
c’est un autre domaine.
Tous les quinze jours, je vais les voir dans les couloirs de TPMP pour
leur apporter les articles dont ils vont faire la publicité : vêtements, thés,
bonbons, produits de beauté… Je fais donc ce que je sais très bien faire :
vendre des produits pour mes clients. Mais l’aventure avec TPMP ne fait
que commencer.
Je ne connais quasiment pas Cyril Hanouna que je ne fais que croiser
dans les couloirs, mais il se montre toujours agréable et souriant. Au fil des
semaines, il semble de plus en plus intrigué par mon métier. Il faut dire
qu’en grand professionnel de l’animation et de la communication, Cyril est
toujours à l’affût de la nouveauté. Il s’intéresse à ce nouvel essor du
placement de produits, au point de décider d’en faire un thème de la
chronique Médias de son émission. Quand son équipe me demande si je
serais d’accord pour y participer, je n’ai pas une seconde d’hésitation.
Certes, je n’ai jamais fait de télé. Mais je connais extrêmement bien mon
métier et je suis douée pour en parler : l’expliquer ne devrait pas me poser
de problème. Alors pourquoi ne pas oser ? Impossible de reculer devant
cette incroyable opportunité qui m’est faite. TPMP, c’est un peu le
mastodonte des talk-shows de la télévision française, et c’est une émission
que je connais très bien, toutes proportions gardées, c’est ma Madeleine de
Proust : plus jeune, je la regardais dans mon canapé à Juan-les-Pins ! Elle
incarnait pour moi, adolescente, le monde inaccessible de la télévision, des
paillettes et des stars. Aujourd’hui encore, j’adore les émissions de débat, et
aucune ne mêle avec autant d’audace les anonymes et les personnages
publics. C’est donc un immense challenge pour moi d’y participer. Bien
entendu, j’ai le trac. Un immense trac même ! Mais je dois dépasser mes
peurs.
Mon premier passage en direct en 2017 me marquera à jamais. Quelques
minutes avant l’antenne, je réalise l’incongruité de la scène : pourquoi suis-
je assise sur le plateau de ce talk-show qui draine entre un et deux millions
de téléspectateurs, moi, la petite courtière en assurances du sud de la
France ? Comment suis-je arrivée ici ? Mes oreilles bourdonnent, j’ai
l’impression d’avoir atterri sur une autre planète. Et puis le direct est lancé,
Cyril Hanouna me regarde droit dans les yeux et me parle, avec sa
simplicité habituelle : c’est parti. Le résultat est à la hauteur de mon
ambition puisqu’il convient à Cyril ! C’est tout ce qui m’importe. Et il est
très bienveillant avec moi. Ainsi, je vais faire mon apprentissage sur ce
plateau. Cinq années d’une richesse folle… Cinq années qui, lorsque je me
retourne sur elles, me font encore plus réaliser à quel point « oser » stimule
la force, l’énergie qui est en nous, et ouvre la porte à la chance.
Rendez-vous compte ! Depuis cette première chronique médias, moi qui
ne connaissais rien à la télé, qui étais d’un coup assise, tremblante, aux
côtés de chroniqueurs et journalistes très expérimentés, je me suis très vite
retrouvée en plateau quasiment tous les vendredis. Moi, la petite nouvelle,
qui n’avais jamais fait de télé auparavant, j’ai enchaîné les prime time. J’ai
participé à TPMP People, aux émissions Before de TPMP, bref : moi qui
suis sans doute, sur le plateau de Cyril Hanouna, celle qui était la moins
destinée à percer dans ce monde de la télé et des médias, j’en fais
dorénavant partie. Moi qui mettais toute mon énergie à construire un
nouveau métier lié aux réseaux sociaux, me voilà dans cette situation
incroyable, quatre ans après mes débuts. C’est aussi la preuve qu’il ne faut
jamais sous-estimer ses propres compétences.
Ce que j’aime dans cette émission, c’est que cela m’a permis d’échanger
avec des pointures, avec des personnages publics auxquels je voue parfois
une véritable admiration. Cela va être le cas avec la ministre chargée de
l’Égalité entre les femmes et les hommes, Élisabeth Moreno, en
novembre 2021 : nous débattons de la place des influenceuses et des dérives
possibles de la téléréalité. Lors de cette émission, la ministre annonce
qu’elle va convoquer tous les producteurs d’émissions de téléréalité pour
leur expliquer l’impact qu’ils ont sur la jeunesse et les exhorter à poser
certaines limites. Le débat se poursuit sur la chirurgie esthétique, et la
ministre m’écoute calmement défendre mon point de vue : j’estime que les
jeunes femmes stars de téléréalité n’ont pas toutes le même profil, et que,
refaites ou pas, elles sont vraiment représentatives de la jeunesse de France.
Un point de vue que je vais pouvoir lui expliquer beaucoup plus
longuement un peu plus tard quand elle me recevra dans son bureau au
ministère.
Je lui explique alors que les candidats de téléréalité sont d’une grande
diversité, et que pour moi c’est cela, la tolérance : parmi les candidates, il y
a des filles qui sont refaites, d’autres pas du tout, des filles qui prônent le
naturel et d’autres que le superficiel ne dérange pas, des filles qui aiment
briller, des filles qui préfèrent la discrétion, des filles qui prônent le célibat,
d’autres qui aiment afficher leur couple… Quand on regarde les candidats
de façon générale, garçons ou filles, ils sont vraiment très différents, à tous
points de vue, physique et mental. Et il serait temps que les médias se
rendent compte que c’est ça la jeunesse française : des êtres très divers,
tolérants, qui demandent simplement qu’on les laisse être qui ils souhaitent
au lieu de leur renvoyer une image douteuse, de les cataloguer avec un
certain mépris, de leur reprocher d’être surfaits. Ils ont une identité
marquée, ce sont de véritables « personnages » avec des caractères souvent
forts, et leur diversité fait que, forcément, on en aime certains et pas
d’autres. Quand ils sont critiqués sur les réseaux sociaux, je leur explique
qu’ils ne peuvent pas plaire à tout le monde, que ceux qui les aiment
s’identifient à eux, et que ceux qui ne les aiment pas s’identifient à d’autres.
J’explique donc tout cela à la ministre en lui montrant les comptes
Instagram de plusieurs de mes candidates, des filles refaites, d’autres très
naturelles, certaines qui mettent des filtres sur leurs profils, d’autres sans
filtre, et Élisabeth Moreno comprend ainsi qu’il existe beaucoup d’idées
reçues sur ces jeunes, et qu’en les regardant avec un peu plus de
bienveillance on se rend bien vite compte que ce sont tout simplement des
êtres humains, dans toute leur diversité et richesse. La ministre se montre
tout au long de cet échange très à l’écoute, elle n’est jamais agressive ni
méprisante. J’ai l’habitude que l’on me traite avec excès : soit l’on se
gausse de mon métier, et à travers lui, de moi. Ou bien, au contraire, on me
félicite d’être devenue une businesswoman alors que rien dans mon
parcours ne m’y destinait. Élisabeth Moreno, elle, s’adresse à moi comme si
j’étais, tout simplement, son égale. Et ça me fait un bien fou. Elle parle avec
fermeté de son combat pour protéger la jeunesse, mais elle le fait avec
gentillesse et bienveillance. Pour moi, débattre avec une ministre est très
valorisant, mais parler avec Élisabeth Moreno a été plus que cela : un
échange humain très enrichissant, et je lui voue un respect et une tendresse
particuliers.
Il faut dire que je l’ai rencontrée à une période où j’étais assez fatiguée
après avoir traversé une année très difficile. Mon moral était en baisse. Je
n’avais pas encore vraiment surmonté le décès de ma grand-mère, j’avais
subi un harcèlement très cruel en ligne, et environ un mois et demi avant
cette rencontre ma belle-sœur avait été sauvagement assassinée… Or, quand
Mme Moreno m’a reçue, la première chose qu’elle a faite a été de me
présenter ses condoléances, pour Stéphane, pour moi, pour nos nièces. Cela
m’a beaucoup touchée. Et après une bonne heure de discussion, au moment
de la quitter, je l’ai sentie très consciente du mépris contre lequel je dois
quotidiennement lutter, et elle a eu pour moi des paroles d’une grande
gentillesse, extrêmement réconfortantes et motivantes, me disant en
substance : « Ne vous laissez pas démoraliser par les critiques, vous êtes
une femme bien, une travailleuse, si vous en êtes là aujourd’hui, c’est parce
que vous avez tout donné pour y arriver, vous l’avez mérité, grâce à votre
énergie et parce que vous ne lâchez rien. »
Des paroles qui m’ont revigorée, relancée, redonné l’envie de montrer de
quoi je suis capable. C’est d’ailleurs après cette rencontre que j’ai décidé de
lancer ma chaîne YouTube et d’aller interviewer des politiques…
Pour moi, Touche pas à mon poste est une passionnante aventure.
Aujourd’hui, bientôt cinq ans après y avoir fait mes débuts comme
chroniqueuse, j’ai acquis une confiance en moi qui fait que je peux
facilement prendre la parole sur des thèmes importants et extrêmement
divers. Je me sens impliquée dans de nombreux sujets de société. Sur le
plateau, je parle de téléréalité, bien sûr, des influenceurs, mais aussi de
sujets profonds et délicats, comme le harcèlement, l’homophobie, le
handicap… Les thèmes abordés sont très variés, et me retrouver à discuter
avec tous les chroniqueurs m’apporte aussi énormément. Cette émission
phare du petit écran me plaît particulièrement parce que l’on peut y
débattre. C’est la seule qui donne réellement la parole à tout le monde :
aucun boycott d’un invité à cause de son statut social, de sa place dans la
société ou de son physique. Une émission dans laquelle on m’a acceptée
alors que je venais de nulle part, dans laquelle on m’a laissée grandir et
faire mes preuves. Aucune autre émission du PAF ne m’aurait donné une
chance pareille, à moi qui n’étais ni une célébrité, ni une animatrice, ni une
journaliste, ni une historienne, sociologue, romancière, intellectuelle, bref :
moi qui ne faisais pas partie du sérail. Le sérail, TPMP s’en fiche, et c’est
extrêmement rare à la télé. En 2015, lorsque j’ai publié un livre qui relatait
les premiers épisodes de ma vie, je me suis sentie ignorée par les médias
mainstream, ignorée parce que liée à l’univers de la téléréalité. Je l’ai mal
vécu, finalement ma revanche, je l’ai eue, puisque ce livre s’est très bien
vendu…
Mon histoire avec TPMP m’est d’abord précieuse humainement. Elle me
vaut aussi son lot d’attaques, voire d’insultes. À ceux qui critiquent mes
interventions sur les réseaux sociaux, qui me traitent élégamment de
« potiche de service » de l’émission, je réponds que, souvent, lorsque je
quitte le plateau, je me sens plus intelligente et plus cultivée, et que cette
sensation m’emplit d’une joie qui est beaucoup, beaucoup trop précieuse
pour que je laisse leurs insultes m’atteindre !
En 2018, j’ai été également contactée par Studio 89, la société de
production des Princes et Princesses de l’amour, pour y apparaître en tant
que directrice d’agence d’influenceurs : ce rôle-là, je l’endosse sans
difficultés puisque c’est le mien. Il faut dire que la production m’a
immédiatement mise à l’aise : « Nous voulons que tu sois naturelle. »
Je me suis donc tout de suite sentie à ma place, maîtresse de mes
reparties et de mes actions. Au passage, je n’ai personnellement eu qu’à me
féliciter, lors de chaque tournage et de chaque intervention en plateau, du
travail des différentes productions auxquelles j’ai eu affaire. C’est pourquoi
les accusations qui parfois fusent, relayées par certains blogueurs ou
internautes, me semblent absolument farfelues. Les producteurs sont dans
une logique professionnelle et ils savent bien que traiter les gens avec
gentillesse et respect les fait se sentir plus à l’aise et donc meilleurs.
Pour ma part, j’ose mélanger les genres et ce n’est pas un comportement
fréquent.
Souvent les chaînes refusent d’être associées à la téléréalité, souvent les
acteurs de cinéma ne se mélangent pas avec les acteurs du petit écran et les
chroniqueurs ne frayent pas avec les animateurs. Contrairement aux pays
anglo-saxons, la France a besoin d’enfermer ses personnages publics dans
un cadre. Or, moi, je ne supporte pas d’être encadrée ! J’aime varier les
rôles. J’aime être une cheffe d’entreprise à la tête d’une société qui marche
bien. J’aime être une femme dans le monde du e-business, très
majoritairement masculin. Mais j’aime aussi les paillettes et les lumières
des plateaux de télé !
Cela me plaît de montrer des facettes différentes de ma personnalité. Je
veux bien apparaître naïve, voire victime de l’ironie d’autres chroniqueurs
dans TPMP, parce que je sais que, sur le même plateau, je vais aussi
pouvoir revêtir un costume beaucoup plus sérieux et offensif lorsque
l’occasion se présentera, par exemple pour défendre les influenceuses qui se
sont rendues chez Marlène Schiappa. J’aime être vue comme une
chroniqueuse plus légère l’après-midi et le soir donner une conférence sur
le monde de l’influence dans un amphithéâtre de l’ISEG, l’Institut supérieur
d’entrepreneurial et de gestion, ou dans la salle du cinéma Le Grand Rex à
Paris, devant deux cents étudiants d’écoles de commerce. J’aime surprendre
les autres, mais j’aime avant tout me surprendre moi-même.
Cela me réjouit, lorsque je marche sur un trottoir, d’entendre et de voir
comment les gens parlent de moi. Nombreux sont ceux qui me
reconnaissent. J’entends « Regarde, c’est Magali Berdah ! »
Bien entendu, cela flatte l’ego d’être reconnue dans la rue. Mais c’est
aussi sociologiquement très amusant : si les gens identifient la Magali
Berdah des Princes de l’amour, émission de téléréalité dans laquelle
j’incarne une directrice, ils n’osent pas venir me parler, ils restent sur la
réserve. Alors que s’ils reconnaissent la Magali Berdah chroniqueuse
« légère » de TPMP, ou la Magali de mes vidéos sur Snapchat ou
Instagram, ils viennent vers moi pour me parler, rigoler avec moi comme si
nous étions de vraies connaissances, et je trouve cela très marrant.
Plus sérieusement, je note en tout cas qu’une fois de plus ce mélange des
genres choque beaucoup moins lorsqu’il est tenté par un homme public que
par une femme. Cyril Hanouna, à qui je voue une fidélité et une estime
profondes, et bien d’autres stars du petit écran, sont à la fois chefs
d’entreprise, producteurs et animateurs : cela ne dérange personne. Moi, en
revanche, je reçois un certain nombre de messages désobligeants après
chacun de mes passages à TPMP, au motif qu’une entrepreneuse ne serait
pas à sa place sur un plateau de télé…
Or, j’aime revêtir toutes ces casquettes, j’aime qu’on ne puisse pas me
coller d’étiquette précise. Et je constate que cette singularité assumée trouve
de l’écho auprès de ceux qui savent analyser l’évolution de la société. Cela
a été le cas d’Hugues Dangy que j’ai rencontré en 2017 lorsque Shauna
Events s’est associée avec Banijay, la société de Stéphane Courbit. Je me
connais bien, je sais ce que je vaux : en techniques commerciales, je crois
pouvoir dire que je suis une vraie professionnelle. Mais je n’étais pas assez
formée à la gestion d’une si grosse entreprise. Ma société a grandi trop vite,
je me suis vite sentie dépassée par les événements, et en danger. Mes
déboires passés avec ma société dans les assurances ont laissé des traces.
Stéphane Courbit, pour qui j’ai une profonde admiration, m’a mise en
relation avec Hugues Dangy, l’un des papes de la gestion d’entreprises.
Hugues est tout l’opposé de moi : d’un look discret et très classique, il
s’astreint à une discipline sportive quotidienne. Il est pour moi une sorte de
professeur extrêmement exigeant mais bienveillant. Il sait m’indiquer les
bonnes directions, me stopper net lorsque je fais fausse route, m’imposer
des limites, m’engueuler s’il estime que je le mérite… C’est lui qui m’a
appris à savoir dire non. Et dans mon métier, savoir dire non est presque
aussi important que savoir où et quand foncer.
Mon agence, c’est un peu mon dernier bébé. La formulation n’est pas très
originale, j’en ai conscience, mais elle est assez emblématique de la réalité.
Voir grandir son enfant est un vrai bonheur, et c’est un peu le sentiment que
j’ai eu en ouvrant à Dubai une succursale de Shauna Events au début de
l’année 2021. Si j’ai choisi Dubai, ce n’est pas, comme j’ai pu le lire
parfois, dans le but d’échapper au fisc : à Dubai, il ne s’agit que d’une
filiale de la maison mère. Ma société est française, je n’ai jamais changé ma
domiciliation fiscale, je déclare mes revenus en France et j’y paye tous mes
impôts. La raison pour laquelle j’ai ouvert cette structure, c’est que Dubai
est un peu devenue la capitale des influenceurs venus du monde entier. Je
dois reconnaître que pour eux, vivre à Dubai est plus confortable : certains
y partent parce qu’il n’y a, dans les Émirats, aucun problème de sécurité,
d’autres parce que l’environnement se prête d’une façon extraordinaire à
leur travail sur Instagram. L’émirat, avec son architecture ultramoderne, ses
panoramas du haut de la Burj Khalifa, l’une des plus hautes tours du
monde, son désert et son infinie possibilité d’activités de plein air, ses
restaurants de haute gastronomie et ses nuits très animées, est un paradis
pour eux qui doivent se renouveler en permanence et « faire du contenu »
différent chaque jour. Dubai est un carrefour entre l’Orient et l’Occident et
les conditions de travail y sont optimales. Mais le centre de ma vie
professionnelle, et de ma vie tout court, est en France.
Je gagne très confortablement ma vie et je paye donc beaucoup
d’impôts : cela me paraît juste, et je suis satisfaite de cette situation pour la
simple et bonne raison que j’aime mon pays, celui où j’ai grandi, où j’ai été
éduquée, celui où j’ai cru toucher le fond mais où j’ai pu me relever, celui
qui me permet d’avoir aujourd’hui acquis une position et un statut social
appréciables. Et j’aime Paris, que j’ai découvert assez tard, et sous le
charme de laquelle je suis tombée. J’adore le sud de la France, Juan-les-
Pins et Antibes où j’ai forgé de somptueux souvenirs d’enfance. Je me sens
française, quoi !
Or, ces derniers mois, j’ai compris que « me sentir française » ne me
suffisait plus. Que je voulais aussi assumer un rôle citoyen. Quoi, moi,
citoyenne ? Cela fera sourire sans doute tous ceux à qui j’ai maintes fois
expliqué que je ne votais pas aux élections, quelles qu’elles soient. Il est
vrai que lorsque j’étais jeune, je ne m’intéressais pas à la politique et que la
seule fois où j’ai mis les pieds dans un bureau de vote, c’est parce que ma
grand-mère m’avait persuadée de la suivre pour voter pour Chirac ! Mais
les choses évoluent, le monde bouge, et j’ose croire que nous avons tous le
droit de changer d’avis, surtout si c’est dans le bon sens. Depuis de longs
mois, je m’interroge : pourquoi n’ai-je jusqu’ici jamais voté ? Évidemment,
pas par fainéantise, ce n’est pas mon principal trait de caractère. Par
manque de temps ? Un peu, probablement… Mais surtout, d’abord, par
méconnaissance de la politique, de ses règles, de ses tenants et aboutissants.
Pour moi, le monde de la politique s’apparentait jusqu’ici à une sorte de
maelström, plutôt glauque si j’en crois les rares instants de débats à
l’Assemblée nationale que j’ai pu capter par hasard sur une télévision
allumée un mercredi après-midi, ou en tombant sur un débat politique. Au
bout de quelques minutes, je me disais immanquablement : je ne comprends
rien à ce qu’ils racontent. Le discours des politiques, lorsqu’ils parlent de
leur programme en public ou dans les médias, est pour moi beaucoup trop
abstrait. Leur vocabulaire, souvent technocratique, ne me donne qu’une
envie : zapper. Et c’est bien ce que j’ai expliqué à tous les hommes et
femmes politiques que j’ai pu rencontrer en privé. Je représente le monde
des influenceurs, une catégorie de Français qui ne votent pas, ou si peu, et
qui drainent des millions d’abonnés, souvent jeunes, dont la majorité ne
songe même pas à s’inscrire sur une liste électorale. Non pas qu’ils soient
« antisystème », mais simplement parce qu’ils ne comprennent pas le
langage des politiques. Pour qui voter si le message du candidat est
totalement cadenassé ? Ces Français-là ont le sentiment que les candidats
aux élections sont très éloignés de leur vie quotidienne. Ils sont exactement
sur la même ligne que moi avant que j’ai eu l’occasion de rencontrer des
politiques et de discuter avec eux. Lors de ces entretiens, je n’éprouve
aucune gêne lorsque je ne comprends pas leurs propos et leur demande de
reformuler leur point de vue ou leurs questions. La pédagogie, cela
s’apprend et se travaille, et nous finissons toujours par nous comprendre.
Avec certains politiques, le dialogue est particulièrement aisé, sans doute
parce qu’ils sont jeunes et plus modernes que d’autres. Ils ont le sens de la
réalité et comprennent très rapidement dans quel monde j’évolue.
Avant Marlène Schiappa, j’ai ainsi rencontré Gabriel Attal, porte-parole
du gouvernement, en mars 2021. J’étais à Monaco à l’hôtel, et pendant un
mois j’allais tous les jours voir ma grand-mère qui était hospitalisée en
soins intensifs avec la Covid. L’hôpital de Monaco était à l’époque l’un des
seuls en France à accepter des visites d’un quart d’heure par jour en
réanimation.
Le cabinet de Gabriel Attal m’a contactée par mail : le ministre voulait
savoir qui j’étais, comment je travaillais, quels étaient vraiment mon métier,
mon rôle et mon regard sur le monde des influenceurs, et il m’a invitée à
déjeuner au ministère. Je savais que cette nouvelle allait booster un peu le
moral de ma grand-mère, Gabriel Attal était son idole ! Pour elle, il
représentait la jeunesse, l’ouverture d’esprit, la réussite. Enthousiasmée par
cette perspective – un déjeuner avec le porte-parole du gouvernement –, elle
s’est aussitôt mis en tête que j’allais finir ministre ! Elle a appelé les
infirmières et leur a dit :
« Ma fille – pour elle, je suis sa fille, pas sa petite-fille – va déjeuner avec
Gabriel Attal, ils sont très copains ! »
J’avais beau lui dire « Mamie, je ne le connais même pas ! », elle n’y
prêtait pas attention.
J’ai évidemment raconté cet échange à Gabriel Attal, qui a très gentiment
accepté lors de notre rencontre de faire une photo avec moi pour que je
l’envoie aussitôt à ma grand-mère sur son lit d’hôpital.
La simplicité du porte-parole du gouvernement m’a marquée. J’ai tout de
suite vu qu’il captait parfaitement les mécanismes du monde des
influenceurs, leur notoriété, leur impact sur leurs millions d’abonnés – pour
la plupart des jeunes, mais pas uniquement. Il m’a également très vite
montré qu’il comprenait aussi ma façon de les gérer. Je n’avais aucun
a priori avant cette rencontre, dont l’objectif était d’échanger sur les bonnes
pratiques des réseaux sociaux, mais la fluidité de notre échange a tout de
même été une bonne surprise. En effet, il arrive parfois que, dans le monde
de l’audiovisuel, certains me prennent de haut : avec Gabriel Attal, je dois
dire que je n’ai jamais eu cette sensation désagréable. Il a été le premier
personnage politique que j’ai rencontré, et cela a été une énorme surprise
pour moi. C’est lui qui m’a fait comprendre que l’on pouvait être un jeune
politique tout en étant accueillant, généreux, très à l’écoute, tolérant et
gentil. Grâce à lui, je me suis aperçue que la politique n’est pas faite que de
personnages barbants ! Il était à la fois très moderne et sérieux et avait
beaucoup d’humour.
Il était aussi très habile et percutant dans sa façon d’aborder les
problèmes de société dont nous nous sommes entretenus lors de ce
déjeuner.
À propos de politique, j’ai aussi lu ici et là que j’aurais été proche de
Brigitte Macron : ce n’est pas vrai, même si j’ai une grande admiration pour
elle. Cette femme incarne parfaitement la femme du XXIe siècle qui
s’assume. Je la trouve très classe, et pour moi son histoire d’amour avec le
président de la République, avec la grande différence d’âge qu’ils assument
tous les deux, est à la fois éminemment romanesque et follement
transgressive : or, la transgression, ça me parle. Tous deux cassent les codes
et font évoluer la société, car cela fait tellement plus couler d’encre quand
une femme est plus âgée que son compagnon, alors que l’inverse est
totalement banalisé ! Je l’apprécie beaucoup, donc, même si je ne suis pas
proche d’elle. La méprise vient de ce qu’au début de la vague Covid au
printemps 2020, le cabinet du Premier ministre m’a contactée en me
demandant s’il serait possible de diffuser l’impact des gestes barrières
auprès de mes influenceurs. J’ai accepté, et quasiment tous les membres de
l’agence ont diffusé des visuels sur leurs stories, bénévolement bien sûr, car
cela me paraissait simplement un devoir citoyen. Pour moi, il était bien
normal de mettre à disposition notre visibilité pour une cause juste, c’était
même notre devoir.
Au même moment, j’ai contacté la Fondation des hôpitaux de France
pour organiser des live avec des célébrités et pour faire des appels aux dons.
J’ai donc un peu aidé cette Fondation présidée par Brigitte Macron, d’où
sans doute la rumeur de mon entregent auprès de la Première Dame… En
réalité, je ne l’avais encore jamais rencontrée. En revanche, en contactant le
patron français d’Instagram – car à l’époque, il était encore possible de
contacter quelqu’un sur certaines plateformes – j’ai ainsi permis à la
Fondation de certifier son compte sur les réseaux sociaux, c’est-à-dire
d’obtenir la pastille bleue qui identifie un compte d’organisme public
(malheureusement, depuis la fin de l’année 2020 environ, les réseaux
sociaux ont totalement changé leur approche et adopté un mutisme total :
impossible d’y contacter qui que ce soit. En cas de problème de
harcèlement par exemple, aucun échange n’est possible). Je n’ai jamais
rencontré la Première Dame, mais elle m’a remerciée par l’intermédiaire de
la Fondation.
Pour en revenir à la politique de façon plus générale, à force de croiser et
d’échanger avec ses représentants sur divers sujets de société, ma vision de
leur monde a évolué : j’ai été particulièrement intéressée et touchée par
certains d’entre eux (dont Élisabeth Moreno, Sarah El Haïri et Marlène
Schiappa), et je suis toujours étonnée de l’inadéquation entre ce que ces
femmes et hommes politiques sont, c’est-à-dire des êtres humains sensibles,
curieux des autres et souvent courageux, et l’image que le public a souvent
d’eux : celle d’êtres plus ou moins austères et éloignés des préoccupations
quotidiennes des Français. C’est cette dichotomie, et mon besoin tout neuf
de me sentir utile à mon pays, qui ont fait germer une idée : pourquoi ne pas
utiliser mon expérience de communicante et mon goût du business pour
rapprocher les politiques et les influenceurs, et, faisant d’une pierre deux
coups, leurs abonnés ? Pourquoi ne pas m’investir pour nouer le dialogue
entre eux ?
J’ai longuement réfléchi aux possibilités qui m’étaient offertes. Il se
trouve que je pensais depuis quelque temps déjà à créer une chaîne
YouTube dans laquelle je pourrais traiter d’e-économie et de business, mais
aussi évoquer les thèmes de société qui me tiennent à cœur : les violences
faites aux femmes, l’homophobie, le racisme, l’antisémitisme, le handicap,
etc. Autant de sujets sur lesquels mes influenceurs et moi avons des choses
à dire, en y incluant bien sûr l’épineux problème du harcèlement en ligne.
Et si j’allais plus loin ? Moi, Magali Berdah, si j’osais m’attaquer à la
politique ? J’entends déjà mes détracteurs : qu’ils se rassurent, je n’ai pas,
bien sûr, l’intention de faire de la politique… Du moins pas encore. Mais je
souhaite m’impliquer et apporter ma modeste contribution à la bonne
marche de la société. Les influenceurs sont des citoyens à part entière.
Leurs abonnés aussi. Je veux les aider à comprendre, comme moi je l’ai
compris, que voter est non seulement un droit mais aussi un devoir. Nous
devons tous être acteurs de notre avenir, au même titre que ceux qui
s’arrogent le droit de donner leur avis sur les plateaux de télévision.
Magali Berdah en politique : moi qui adore aller là où l’on ne m’attend
pas, je pense avoir choisi la bonne direction ! En tant que citoyenne, femme
d’affaires, mère de famille, agente de candidats de téléréalité, je me sens
capable de me transformer en minichef d’orchestre, en architecte, pour faire
se rencontrer virtuellement deux types de candidats : ceux de la téléréalité
et les candidats à l’élection présidentielle… Le pari est certes audacieux,
mais je n’ai aucun doute sur l’intérêt des hommes et femmes politiques qui
veulent élargir leur audience auprès de la jeunesse. Ils ont bien conscience
du rôle civique que les influenceurs peuvent jouer puisque leur public est en
grande partie formé de la jeunesse qui n’écoute pas la radio et pour qui le
journal de 20 heures n’est pas un centre d’intérêt… Alors si les influenceurs
appelaient leurs abonnés à aller voter, et si ne serait-ce qu’un dixième de
leurs fans se laissait convaincre, cela représenterait déjà plusieurs centaines
de milliers de votants supplémentaires !
J’ai alors passé plusieurs journées en immersion avec des candidats à la
présidence de la République. Je n’ai pas choisi l’ordre des rencontres : il
s’est imposé en fonction de leurs retours, suite à mes sollicitations. Les trois
premiers, Éric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, ont
répondu rapidement. Puis Anne Hidalgo. Certains, dont Nicolas Dupont-
Aignan, m’ont contactée d’eux-mêmes.
Je ne leur posais pas des questions de journaliste dont je n’ai pas les
codes, et c’est aussi pourquoi cette aventure a été vraiment novatrice. Mon
but était de montrer vingt-quatre heures d’un candidat en campagne en
passant « une journée avec lui », en lui demandant de m’expliquer ce que je
ne comprends pas, et en dévoilant ensuite cette immersion sur mes réseaux
sociaux. Ainsi mes abonnés, et ceux de mes influenceurs qui souhaitaient
partager cette aventure, auraient-ils, je l’espère, les cartes en main pour
décrypter enfin le jargon politique et pour décider de s’intéresser, ou non,
aux élections.
Éric Zemmour est donc le premier candidat dont je me suis attachée à
suivre les pas durant vingt-quatre heures. Lorsque je l’ai contactée, Sarah
Knafo, sa conseillère, a accepté d’entrée de jeu le principe de l’immersion.
Son staff me propose de les suivre le 14 janvier 2022 : Éric Zemmour doit
aller chercher le parrainage et la signature du maire de Honnecourt-sur-
Escaut dans le Nord, puis mener une réunion publique à une demi-heure de
là, à Saint-Quentin dans l’Aisne. Jean-Pierre Golebiewski est l’un des
premiers maires à lui accorder son soutien.
Première découverte pour moi : cette obligation qu’ont les potentiels
candidats à l’élection présidentielle à obtenir, parfois à l’arraché, cinq cents
signatures de maires qui ainsi les parrainent. Je n’en avais aucune idée et je
suis quasiment sûre que de nombreux millions de Français, en tout cas tous
ceux qui disent se désintéresser de la politique, l’ignorent également.
À 8 heures du matin, nous voilà donc sur le départ avec mon équipe :
deux cameramen, un ingénieur du son, mon assistante et mon agent de
sécurité. Mon immersion commence dès le départ de Paris, car le
responsable de la communication digitale du futur candidat fait le voyage
en notre compagnie. Il est très sympathique, et jeune comme la plupart des
membres de l’entourage d’Éric Zemmour que je vais rencontrer ce jour-là.
À peine arrivée à Honnecourt-sur-Escaut, j’assiste à l’étape protocolaire et
essentielle : la signature du maire. Pour lui comme pour moi, c’est une
première fois : il n’a jamais accordé de parrainage auparavant ! Ma mission
commence bien, mais l’exercice est compliqué pour mon équipe et pour
moi : je suis entourée de dizaines de journalistes, cameramen et preneurs de
son très aguerris à ce type de tournage alors que je suis totalement novice
en la matière… Mais Sarah Knafo a bien compris l’intérêt d’avoir un regard
neuf sur son champion : les journalistes sont priés de sortir, et je suis la
seule à être autorisée à rester avec Éric Zemmour et à l’interviewer. Pour
moi, c’est un privilège. Je vais pouvoir lui poser des questions très cash,
dont celle qui, je pense, plane sur toute la campagne : « Êtes-vous
raciste ? »
Il me répond très sereinement. Mais après ma troisième question, d’un
coup, tout s’accélère : un autre maire d’un village voisin vient de faire
savoir qu’il était d’accord pour lui accorder sa signature, mais il est très
pressé. Branle-bas de combat pour l’équipe du candidat, qui file en coup de
vent jusqu’à ce nouveau parrain tombé du ciel. Mon équipe et moi ne les
quittons pas d’une semelle. Arrivée devant cette nouvelle mairie, j’en
profite pour interviewer des jeunes qui attendent « leur » candidat. Je veux
comprendre pourquoi ils ont décidé de voter pour Éric Zemmour.
L’interview est un exercice à la fois très nouveau pour moi et pourtant
familier, car c’est aussi ce qui sous-tend mon métier, moi qui travaille avec
une certaine jeunesse : je cherche toujours à comprendre quels sont les
problèmes et les envies de mes « candidats »…
Un peu plus tard, la réunion publique qui s’ensuit à Saint-Quentin
m’impressionne : j’ai le sentiment d’être au spectacle, dans une salle de
concert et l’ambiance qui s’échauffe ! Avec cinq cents personnes des
dizaines de drapeaux bleu-blanc-rouge, le palais de Fervaques, la salle
municipale où se tient le meeting, est plein à craquer. Je comprends que ces
candidats à l’élection doivent connaître à certains moments les mêmes
émotions, la même excitation, que celles que ressent une rock star qui
s’apprête à monter sur scène… À l’extérieur de la salle, je poursuis mes
interviews : le meeting en lui-même ne m’intéresse pas vraiment – je ne
comprends pas leur dialogue – les motivations des militants si. Je me tourne
surtout vers les jeunes et leurs réflexions m’interpellent, mais je suis tout de
même perplexe : mes trois questions à Éric Zemmour ne suffiront pas à
alimenter le contenu de ma chaîne YouTube ! Heureusement, son staff a
bien identifié mon problème et m’appelle dans les loges à la fin du meeting
pour reprendre l’interview. Il est détendu et me répond sans tergiverser, et il
rit quand je lui demande s’il me nommera ministre des Réseaux sociaux…
Une boutade, bien sûr !
Je repars très satisfaite de cette première immersion : toute latitude m’a
été donnée par l’équipe de campagne, j’ai eu un accès privilégié au candidat
– que bien des journalistes m’ont envié – nul n’est intervenu pour diriger
mes questions… Mais je suis fatiguée. Le rythme de ce candidat à l’élection
présidentielle est épuisant ! Et il en va vraisemblablement de même pour
tous les autres… Pour la première fois, je me rends compte que ces gens
donnent vraiment beaucoup d’eux-mêmes. En ce qui concerne les idées du
candidat Éric Zemmour, moi qui ne le connaissais que par le bouche à
oreille, je dois dire que certains points se sont éclaircis. Par exemple, il est
contre le port du voile mais aussi contre celui de la kippa : donc contre tout
signe extérieur de religion.
En me lançant dans ces immersions, il n’était pas question pour moi de
privilégier un candidat plutôt qu’un autre ni même de dire lequel
m’intéresse particulièrement. Mais je me suis vite rendu compte que dans
chaque programme, certains points me plaisent et d’autres beaucoup moins.
J’espère que mes vidéos ont donné quelques clés à ceux qui, comme moi,
ne votent pas, ou bien votent « comme leur entourage » parce qu’ils se
disent qu’ils n’y connaissent et n’y comprennent rien…
Cet exercice, nouveau pour moi, démarre très fort : je lance des « réels »
sur Instagram, et ils atteignent rapidement 500 000 à 800 000 vues. Ma
chaîne YouTube vient juste de démarrer. Quand je lance ma première vidéo,
celle d’Éric Zemmour, j’ai peu d’abonnés, 10 000 environ. Très vite, ma
chaîne va engranger des centaines de milliers de vues.
Le deuxième candidat à avoir accepté très simplement ma présence
durant vingt-quatre heures est Jean-Luc Mélenchon. Le 24 janvier 2022, je
le rejoins donc, avec toute son équipe, à Bordeaux. Je comprends alors que
pour tous les candidats, c’est la même équipe de journalistes qui est
présente sur place. Il n’y a alors plus aucun effet de surprise dans leurs
questions.
Le jour où Jean-Luc Mélenchon donne un meeting au théâtre Fémina, je
l’accompagne lors d’une balade le nez au vent dans cette si belle ville. Je
suis, là encore, très bien reçue par toute son équipe et le candidat se prête
bien volontiers au jeu. Nous croisons des jeunes de dix-sept ans qui, donc,
ne votent pas. Pour autant, ils connaissent Jean-Luc Mélenchon, et lui-
même semble sincèrement s’intéresser à eux. Ils parlent même philosophie !
J’avoue être positivement impressionnée, moi qui regrettais que les
hommes politiques soient tous très éloignés des citoyens… Pour ce que j’en
découvre sur le terrain, ce n’est pas le cas de Jean-Luc Mélenchon – qui soit
dit en passant se promène tranquillement, sans le moindre service d’ordre à
ses côtés. Cette fois encore, je rencontre des militants, des bénévoles. Et,
comme avec Éric Zemmour, je pose à Jean-Luc Mélenchon les questions
que beaucoup se posent à son sujet : déteste-t-il les riches ? Est-il
antisémite ? Je lui pose frontalement les questions que tout le monde se
pose. Il rejette ces accusations sans se départir de son calme. Je lui demande
également ce qu’il compte faire pour les jeunes, particulièrement ceux issus
de quartiers défavorisés, son point de vue sur le voile… Certains sujets
abordés avec lui sont pour moi complexes, et je saute sur l’occasion pour
les lui faire reformuler jusqu’à être absolument certaine de les avoir bien
saisis ! Exemple : je ne le lâche pas, jusqu’à avoir compris exactement où il
veut en venir concernant le montant de l’imposition (à savoir, payer 90 %
d’impôts sur les salaires perçus au-dessus de 30 000 euros).
Je découvre aussi un Jean-Luc Mélenchon « influenceur » lui-même,
avec plus d’un million d’abonnés sur TikTok… Et je termine l’immersion
en discutant de la place très importante que nos grands-mères, à tous les
deux, ont tenu dans nos vies… Un moment d’émotion sincère.
Je repars de cette immersion avec le même sentiment que pour Éric
Zemmour : dans son programme, Jean-Luc Mélenchon propose des axes qui
me semblent très intéressants. Et d’autres qui ne me conviennent pas. À
chacun de se faire une idée.
Avant d’entamer cette série d’immersions, je l’avoue, j’avais un a priori :
pour moi, les candidats à la présidentielle étaient forcément enfermés dans
leur tour d’ivoire, inaccessibles. Or j’ai suivi des politiques qui sont des
êtres humains, souvent sympathiques, parfois chaleureux et drôles, et j’ai
tenu à restituer leurs personnalités telles qu’elles me sont apparues : l’image
et le son sont là pour le prouver. Aucun des candidats n’a tenté de censurer
ni même de contrôler mes vidéos. En quelques semaines, la vidéo de mon
immersion avec Éric Zemmour a fait plus de 600 000 vues, celle avec Jean-
Luc Mélenchon, diffusée plus tard, près de 300 000.
J’ai forcé comme une lionne pour obtenir une interview avec Emmanuel
Macron. J’ai tapé à toutes les portes. Et j’ai finalement eu le privilège de le
rencontrer ! Lorsqu’on m’a appelée pour me confirmer que le président de
la République était d’accord, j’étais très enthousiaste. J’en pleurais, j’en
tremblais. Pourtant, je ne suis habituellement pas impressionnée par les
personnalités. L’après-midi, j’ai assisté à son meeting. Il y avait un monde
incroyable. À la fin, je suis allée attendre dans une salle. J’étais très
angoissée. Plusieurs fois, des agents de la sécurité ont ouvert la porte. Je
croyais qu’il arrivait, alors je me levais, tremblante. J’ai d’abord croisé
Brigitte Macron qui s’est présentée à moi et m’a dit savoir qui j’étais. Elle
était tellement gentille, j’étais gênée, mal à l’aise. Elle force le respect. Son
statut de Première Dame est vraiment impressionnant ! Puis le président est
enfin arrivé et m’a serré la main. Il m’a dit : « Alors, on s’assoit, on reste
debout ? Vous voulez faire quoi ? » Il avait une telle prestance ! Il me
demande : « Alors, à qui je m’adresse ? » Bêtement, je commence à me
présenter : « Je suis Magali Berdah… » et là, il rit et me rétorque : « Mais
non, je sais qui vous êtes ! Je voulais dire, à quel public est-ce que je
m’adresse ? Ce sont de jeunes gens ? » Il est resté au moins vingt minutes
avec moi, et a répondu à toutes mes questions. Emmanuel et Brigitte
Macron ont été tellement adorables. Ce sont des gens très simples et à la
fois ils ont une posture très intimidante. En sortant de l’interview, j’ai fondu
en larmes. Tout le stress accumulé pendant ces trois mois durant lesquels
j’avais couru après les candidats à la présidentielle retombait.
Ce qui m’a touchée, dans le fait que le président m’ait reçue, c’est que
nous étions trois acteurs principaux dans cette campagne : HugoDécrypte,
Guillaume Pley et moi. J’avais une chaîne YouTube très récente, avec
seulement 20 000 abonnés. Je me suis dit qu’il n’allait jamais me choisir
moi ! Pourtant, il m’a reçue. Je pense qu’il n’avait pas le temps de recevoir
tout le monde, et qu’il m’a donné cette chance à moi, qui n’étais pas du tout
du milieu, pas du tout spécialisée. Car les gens me collent souvent une
image légère et peu crédible. Le fait qu’il m’ouvre cette porte m’a donné
beaucoup d’espoir. Je me suis dit qu’il ne fallait pas croire aux apparences.
Ce n’est pas parce que tu as un million d’abonnés que tu es plus puissant
qu’un d’autre ! S’il avait voulu faire un plan de communication, il aurait
reçu les autres plutôt que moi. Je le remercie donc de m’avoir donné cette
chance.
Suite à mes vidéos d’immersion, de nombreux médias m’ont contactée et
interviewée, radios, télé, presse écrite… La grande majorité des journalistes
ou animateurs étaient intrigués, mais bienveillants : Apolline de Malherbe
sur RMC, Natacha Polony, Philippe Vandel sur Europe 1, France Info,
L’Obs, Le Point, L’Express, Libération, Le Figaro, Closer… Seuls
Télérama et l’émission Les Grosses Têtes de Laurent Ruquier m’ont traitée
avec mépris. Karine Lemarchand chez Laurent Ruquier a même osé à mon
égard un commentaire sexuel insultant et dégradant : elle a insinué que j’ai
réussi parce que j’ai « pompé » qui il faut… Le genre de commentaires que
l’on retrouve en général dans la bouche des hommes les plus machos qui ne
supportent pas les femmes qui s’élèvent dans la hiérarchie sociale : elles ont
forcément couché pour y arriver… Moi qui suis une maman de trois
enfants, en couple depuis près de quatre ans, qui ai été mariée pendant
quinze ans, je me suis sentie particulièrement blessée par ces mots si
vulgaires sortant de la bouche d’une autre femme… D’autant qu’elle a elle-
même lancé une émission politique et a, selon ce qu’on m’en a rapporté,
beaucoup souffert d’être taclée dans les médias qui lui reprochaient d’être
une animatrice people incapable d’interviewer des politiques… A-t-elle été
agacée par le lancement de ma chaîne YouTube ? Nos deux émissions n’ont
pourtant rien à voir, puisqu’elle tentait de montrer l’aspect privé des
hommes politiques alors que je lançais une immersion politique avec eux
pendant la campagne présidentielle… Comme quoi une femme peut aussi
incarner la misogynie et pratiquer ce qui s’apparente pour moi à du racisme
social. Pourquoi suis-je plus bête qu’elle ? Dans la vie, personne n’est au-
dessus de personne. Une influenceuse qui ose se penser capable de parler
politique, pire, de la vulgariser ! Ce mélange des genres les dérange
d’autant plus profondément que je suis une femme, je crois. En effet, ils
n’ont pas la même attitude méprisante vis-à-vis de youtubeurs comme
HugoDécrypte ou Guillaume Pley. Quand ils ont lancé leurs émissions
politiques, eux n’ont bizarrement pas enduré les mêmes critiques que moi…
Pourtant, ils n’ont pas plus de raisons de s’attaquer à ce sujet que moi. Ils en
ont envie, et cela suffit, et c’est très bien ainsi. Mais ils ne déclenchent pas
les commentaires acerbes, on ne dit pas d’eux qu’ils n’y connaissent rien !
Il est tellement plus facile de se moquer des femmes qui osent… Pour moi,
être aussi méprisant envers une femme est le signe d’une vraie misogynie,
émanant d’êtres totalement imbus d’eux-mêmes, et claquemurés dans leur
suffisance.
Mes immersions déchaînent aussi, heureusement, une foultitude de
commentaires élogieux sur les réseaux sociaux, mais aussi dans la presse.
J’en suis la première surprise. Le quotidien Libération fait sa quatrième de
couverture sur moi, Le Figaro, Le Point, L’Obs, Marianne et Technikart me
tirent le portrait, BFM, Europe 1, France Info parlent de ma chaîne ou
m’invitent… Pour la première fois je me vois propulsée brutalement dans
les médias généralistes. Cela me touche, bien sûr… Et cela
m’impressionne ! À tel point qu’à un moment, j’en suis presque effrayée :
en effet, je ne connais pas bien le fonctionnement de ces médias. Je suis
beaucoup plus familière de la presse people, des réseaux sociaux, des
blogueurs… Mais au bout du compte, la presse écrite ou audiovisuelle se
montre respectueuse, curieuse, et souvent chaleureuse avec moi. Alors, peu
importe les attaques acerbes, je n’en ai cure. En revanche, je prête une
oreille attentive à ceux qui m’offrent leurs critiques constructives et me
donnent ainsi un avis éclairé. Une chaîne YouTube, c’est encore de
l’influence. J’exerce donc mon métier, je vis sans me laisser perturber par le
qu’en-dira-t-on, mais je sais prendre en compte les appréciations et même
les critiques si elles me font avancer. D’aucuns me reprochent par exemple
de ne pas apporter la contradiction aux hommes et femmes politiques que je
suis. Mais ce n’est ni mon métier ni mon envie. Je suis là pour les faire
parler, tenter de les comprendre, pas pour les juger. À chacun, ensuite, de se
faire sa propre opinion. En toute connaissance de cause. Mon but est d’agir
comme un levier citoyen, de donner une impulsion, afin que chacun puisse
se faire sa propre opinion et décider, si cela l’intéresse, d’aller voir un peu
plus loin. Je souhaite donner le goût du vote à ceux qui regardent mes
vidéos. Et faire comprendre que, à l’heure où les Français s’insurgent très
facilement contre les décisions politiques, à l’heure où les antivax ou bien
les Gilets jaunes et autres convois pour la liberté cherchent à se faire
entendre, celui qui vote a beaucoup plus de légitimité à descendre ensuite
dans la rue.
Pour que l’acte de voter devienne tout à fait familier à tous ceux qui me
suivent, je compte réaliser un tuto de vote : ainsi, chacun saura comment
vérifier s’il est bien inscrit sur les listes électorales, et comment faire, sinon,
pour s’y inscrire.
C’est un nouveau challenge et il me passionne. À quarante ans, je me
plonge dans un univers inconnu. J’apprends. Or j’adore apprendre. Depuis
l’enfance, j’entends parler d’extrême droite et d’extrême gauche sans savoir
ce que cela signifie réellement. Aujourd’hui, après quelques immersions
avec des candidats à l’élection présidentielle, j’ai le sentiment de mieux
comprendre de quoi il s’agit. La barrière entre les hommes ou femmes
politiques et le peuple ne me semble plus infranchissable. À quarante ans, je
suis allée voter pour la seconde fois de ma vie. La première fois,
j’accompagnais ma grand-mère, j’avais vingt et un ans, et j’ai voté comme
elle sans me poser de questions. Cette fois, c’était mon choix, parce que
j’ai, je crois, compris qui est qui et qui propose quoi. J’ai grandi et mûri. À
quarante ans, il était temps, diront certains ! Oui, il était temps.
Nous avons tous le droit de choisir le destin de notre pays. Notre destin.
Épilogue
Certains disent de moi que je suis une énigme, d’autres une écervelée.
D’autres, que je suis une femme d’influence. Je dirais que je suis avant tout
une femme qui ose. Oui, je suis audacieuse, et je pense être courageuse.
Non seulement le travail ne me fait pas peur, mais c’est tout simplement le
seul moyen que j’ai trouvé pour ne pas m’ennuyer ! J’aime relever les défis,
emprunter des chemins inconnus. Prendre des risques m’excite. Je sais que
si je dégringole, je finirai bien par remonter la pente.
Ma vie professionnelle a toujours été faite d’opportunités et de
découvertes. Lorsque je me suis lancée dans les réseaux sociaux il y a
seulement six ans, je n’y connaissais absolument rien. Le monde de la
téléréalité m’était également quasiment étranger. Et il ne m’avait jamais
traversé l’esprit que je pourrais faire de la télévision lors de ma première
chronique sur le plateau de Touche pas à mon poste.
Six ans plus tard, on m’appelle la « papesse de la téléréalité », « la reine
des communicantes 2.0 », et les journalistes du Monde ou de Vanity Fair
écrivent que je suis « une des cheffes d’entreprise les plus influentes de
France ».
Le magazine Forbes me cite dans son classement annuel des « quarante
femmes remarquables, talentueuses et inspirantes » qui ont marqué
l’année 2021, et la même année j’arrive à la cinquième place (mais
première des femmes) dans le classement des hommes et femmes d’affaires
les plus recherchés sur Internet par les internautes de France (avec un total
de 99 270 recherches mensuelles, le premier étant Bernard Arnault, patron
de LVMH et troisième fortune mondiale avec 100 000 recherches).
Amusant, non ?
Je suis un être humain, qui comme tous les êtres humains aime, souffre,
est alternativement heureux et malheureux, et qui ne cesse jamais de croire
qu’il peut améliorer son sort. Qui n’a pas peur de tenter sa chance. Qui sait
profiter de toutes les opportunités que la vie lui offre.
Je n’oublie jamais d’où je viens, ce que mes grands-parents m’ont appris,
l’éducation qu’ils m’ont donnée, et je sais maintenant pourquoi je me
retrouve souvent dans des situations extrêmes, qu’elles soient positives ou
négatives. Je le sais depuis une rencontre spirituelle qui m’a totalement
bouleversée, à un moment où j’allais mal, où j’étais perdue, où je cherchais
désespérément à me sortir de situations inextricables.
J’habitais encore à Juan-les-Pins, j’avais déjà ma petite Shauna, et j’étais
enceinte de ma deuxième fille. J’avais de gros soucis professionnels, j’étais
désorientée, dévorée par des questions sans réponse : pourquoi ma vie était-
elle tellement faite de hauts et de bas ? Pourquoi ne pouvais-je pas mener
une vie tranquille et sereine, simple, comme plein d’autres gens ? C’est à ce
moment que je suis allée à la rencontre d’un rav, c’est-à-dire, dans la
religion juive, un guide spirituel. Ce rav m’a fait comprendre que les aléas
de ma vie, les montagnes russes auxquelles j’étais régulièrement soumise,
n’étaient pas le fruit du hasard. Après m’avoir longuement écoutée et
beaucoup questionnée sur ma famille, il m’a expliqué que l’un des ancêtres
de mon grand-père Guy était lui-même un rav, un rabbin très réputé du nom
d’Israël Livchitz. Et qu’il était un tsadik, c’est-à-dire un maître spirituel
selon le vocabulaire hassidique (une des branches du judaïsme). Le tsadik,
quoique considéré comme un saint, n’est pas récompensé par Dieu de son
vivant. Mais il protège un descendant, à qui il offre une vie
« extraordinaire ». Ce descendant, m’a expliqué le rav qui me donnait
toutes ces clés, c’est moi. Voilà pourquoi, m’a-t-il dit, je suis appelée à
vivre des événements hors du commun, voilà pourquoi mon existence ne
peut connaître de juste milieu, voilà pourquoi je passerai sans doute toute
ma vie d’un extrême à l’autre, de la joie à la tristesse, de la pauvreté à la
richesse… Selon le rav, tous ces revers ne sont que des obstacles disposés
sur ma route afin de m’éprouver, et donc de me renforcer. Et ce rav, que je
n’oublierai jamais, m’a aussi expliqué que, quoiqu’il arrive, je serai
toujours sous la protection du tsadik, mon ancêtre. Il veille sur moi. Et,
régulièrement, lorsque j’ai des doutes, lorsque je traverse des épreuves, je
pense à lui.
Côté vie privée, je suis comblée, je vis et je travaille avec l’homme de ma
vie, et oui, ces mots désuets ont pour moi un sens. Il est ma chance, mon
roc. Mes trois magnifiques filles semblent heureuses, et ma principale
préoccupation est de les mettre à l’abri financièrement.
Quant à mon avenir professionnel, j’ignore de quoi exactement il sera
fait, et l’amplitude des possibles m’anime. Je sais que je ne vais pas
m’arrêter là. Ma société Shauna Events est, depuis cinq ans, la première
agence de candidats de téléréalité de France, et elle est en pleine ascension.
Un nouveau challenge s’offre à moi, car le monde de l’influence évolue. La
notoriété des personnalités sur les réseaux sociaux est essentielle, mais ne
suffit plus. Elle doit s’accompagner d’une grande exigence dans la qualité
des contenus mis en ligne. Shauna Events mise dorénavant sur des
influenceurs issus de tous milieux, pas seulement de celui de la téléréalité.
Des jeunes, ou moins jeunes qui, avant tout, ont des choses à dire. Car
aujourd’hui, la qualité de l’influence n’est pas forcément liée à la quantité
de followers, et les marques l’ont bien compris. Celui qui affiche 2 000 000
de followers mais ne donne rien de lui-même dans ses vidéos suscitera
beaucoup moins leur intérêt que celui qui est suivi par 200 000 personnes à
qui il propose de vrais contenus et avec lesquelles il a de vrais moments de
partage. Qui a une forte personnalité et entretient une relation sincère avec
sa communauté.
Je suis toujours une femme d’affaires, passionnée par le business. Mais
avec la mission citoyenne que je me suis octroyée, avec mon immersion en
politique, je retrouve la même excitation que lorsque j’ai créé mon agence.
Un nouveau souffle. Un nouveau chapitre.
Après celui-là, il y en aura d’autres. La moralisation des réseaux sociaux
est un immense chantier et l’une de mes priorités. Un jour, peut-être,
verrons-nous vraiment naître un ministère des Réseaux sociaux.
Quoi qu’il arrive, avancer, évoluer, grandir : j’ose croire que, toute ma
vie, ces pulsions me guideront.
1. Oser se lancer
2. Oser l’intuition
3. Oser faire front (ne pas céder devant la menace)
4. Oser assumer ses erreurs
5. Oser être sincère
6. Oser aller là où l’on ne vous attend pas
7. Oser se plaire à soi-même
8. Oser s’émanciper
9. Oser mélanger les genres
10. Oser conquérir le monde