Le baron perché

CORRIGÉS
d’Italo Calvino
Séquence

SÉANCE 1
Je circule autour de l’œuvre
I. Découvrir l’objet livre 2. Le courage, la persévérance et l’ingéniosité sont trois
1. Le quadrillage qualités que le dossier prend en exemple. Nous pourrions
également aborder la sagesse dont Cosimo fera preuve, ainsi
F I O B C U P I F que sa grande générosité lorsqu’il administrera sa province.
B F N P A I C B X 3. Parmi les apologues les plus célèbres, nous pouvons
W Z C E N T I R E citer les Fables de Jean de La Fontaine (1668) pour le xviie
siècle. Au xviiie, Voltaire a publié Zadig (1747) et Candide
B Q M T V X N V M
(1759). De nombreux autres récits embrassent ce genre,
C O S I M O J G V qui prodigue au lecteur une leçon sur la vie.
X S I T A L I E T Jean de La Fontaine nous parle par exemple de la cruauté
du monde dans « Le loup et l’agneau » ou de la flatterie
H X W E I M V R B
dans « Le corbeau et le renard ».
V W T S I P M E V 4. Le dossier insiste sur une importante différence entre
C U E S V P S P B autobiographie et autoportrait : en confiant la narration
S N A E Z U O D V au frère cadet de Cosimo, Biagio, Italo Calvino assure
à son lecteur une mise à distance raisonnable, permettant
de connaître les qualités, mais aussi les travers du héros.
2. Le mot « élevé » se voit ici illustré au sens propre tout L’auteur peut ainsi dépeindre certains traits de son
d’abord : Cosimo quitte le monde terrestre pour propre caractère, puisqu’Italo Calvino aimait aussi s’isoler
s’approcher des cieux en choisissant un mode de vie inédit, du monde et l’observer d’un autre point de vue, à l’instar
au milieu des arbres. Nous remarquons également que de Cosimo.
notre héros tient entre ses mains un livre : le sens figuré
du mot « élevé » est ici mis en valeur car le protagoniste va III. Recherches personnelles
façonner son esprit, notamment grâce à la littérature. Le baron perché s’inscrit dans une trilogie initiée en 1952
avec Le vicomte pourfendu. Notre œuvre en est le deuxième
II. Découvrir le carnet de lecture épisode, paru en 1957. Le chevalier inexistant viendra clore
1. Le mot « arborescent » est une image/métaphore : cet ensemble en 1959. Nous remarquons la régularité dans
il compare la disposition de quelque chose (un schéma, une le rythme d’écriture adopté par Italo Calvino.
organisation d’idées sur une feuille, la richesse de thèmes On ne saurait être plus précis pour le début de l’intrigue
dans une œuvre) à l’étalement des branches sur un arbre. du Baron perché : le 15 juin 1767, dans la République de
L’arborescence est liée à la richesse, à la dispersion. Gênes, en Italie, Cosimo décide de monter en haut d’un
Le dossier désigne Le baron perché comme étant une arbre et de ne plus jamais en redescendre. Ce qui aurait pu
œuvre arborescente car elle s’oriente vers différents genres n’être qu’une broutille (le refus d’un plat d’escargots)
(la philosophie, le domaine politique, l’apologue...). deviendra le cheminement de toute une vie.

SÉANCE 2
La petite et la grande histoire
I. La mise en contexte du récit 3. La formulation montre deux aspects : le caractère bien
A. Une question de point de vue trempé du héros, ainsi que son jeune âge. En effet, la
1. Le point de vue adopté est interne : il s’agit du frère répétition du refus souligne le langage enfantin de Cosimo
de Cosimo, Biagio, qui raconte l’histoire, comme cela avait et la disproportion entre ce qui lui est demandé (manger
déjà été évoqué dans la séance 1. un plat d’escargots) et les répercussions de sa colère (vivre
2. Il s’agit d’une famille aisée et cela se comprend grâce dans les arbres pour le reste de son existence). Le lecteur
à plusieurs éléments : le titre de baron du père de Cosimo, apprendra plus tard que derrière ce petit caprice se cache
la présence d’un précepteur pour assurer l’éducation des un cheminement empreint de conviction.
deux enfants, le terme de « villa d’Ombrosa » soulignant B. Un refus décisif
le luxe régnant dans ce lieu. 1. Il y a de l’ironie dans cette façon de présenter les

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d’Italo Calvino
Séquence

choses. Le narrateur exagère volontairement la gravité de ce Cosimo et de Biagio est désignée sous le terme fantaisiste
petit caprice, consistant avant tout à refuser de finir son de « générale » ; le père est un baron (titre de noblesse
assiette. « Ombrosa abrita sans doute quelque crime plus des seigneurs féodaux). En dépit du nombre réduit
important » : le frère de Cosimo, assurant la narration, joue de protagonistes, le narrateur les désigne comme autant
ici sur la mise à distance entre sa voix d’adulte quand il d’éléments constitutifs d’une arborescence sociétale :
raconte cette histoire et ses émotions d’antan, puisqu’il religion, enseignement, sciences, armée, noblesse.
avait huit ans lors des faits évoqués. 2. On peut notamment mentionner l’abbé, accusé
2. « Pour Cosimo aussi bien que pour moi, c’en était fini de jansénisme et ayant « fui le Dauphiné » (mention
de vie de cocagne, et nous regrettions les dîners dans notre des connexions entre l’Italie et la France) « pour échapper
petite pièce, tout seuls avec l’abbé Fauchelafleur. » C’est à un procès de l’Inquisition ». L’apparence du père de
la fin d’un temps fait d’insouciance et d’amusements pour Cosimo « coiffé d’une perruque longue à la Louis XIV »,
les deux enfants : il est désormais question de jansénisme cependant « démodée », lie également la France à l’Italie.
et d’Inquisition au sein des conversations d’adultes, que
les enfants peinent à comprendre. Une forme de nostalgie II. Production écrite
teintée d’un évident regret se profile dès lors. Proposition de texte d’une dizaine de lignes
3. Pour faire suite à la réponse précédente, peut-être Mon frère était sans doute trop jeune mais, pour ma part,
pourrions-nous nous risquer à interpréter ce refus je ne pus concevoir une telle humiliation ! Je ne voulais pas
d’escargots comme une tentative de se soustraire à l’âge de ces limaces encapsulées sur leur lit mousseux, un met
adulte. Cosimo prouvera la profondeur de son geste en si dégoûtant que ni l’abbé ni mon père ne semblaient par
refusant par la suite le monde terrestre dans son intégralité : ailleurs s’y précipiter avec avidité. Biagio, pourquoi diable
en préférant les arbres aux contingences de la vie terrestre. ne protestais-tu pas contre cela? Et cette austérité atone
C. La petite histoire rejoint la grande de l’abbé, pour qui tout n’est que destinée scellée
1. Nous avons vu que le mot « arborescence » pouvait dans l’ombre du pêché ! C’était au bord de leurs lèvres,
désigner, de façon métaphorique, la variété, la profusion. je le sentis et le vis : « Cosimo, finis donc cette assiette que
Autour de cette table se trouve un religieux en la personne beaucoup d’enfants t’envieraient ! » J’attendais, tapi dans
de l’abbé Fauchelafleur (faisant également office de ce dernier repli de mon enfance malmenée, que quelqu’un
précepteur). La religion est également incarnée par la sœur ne m’apostrophât avec la moindre remarque. Et si jamais
désignée avec espièglerie comme « nonne ». Parmi les ils s’avisaient de m’empoisonner l’atmosphère, je me savais
autres invités, un chevalier, faisant office d’avocat, et prêt à la cueillir là-haut, dans les arbres où les cris des
ingénieur en la personne d’Énea Silvio Carrega. La mère de oiseaux valaient mieux que le murmure des hommes !

SÉANCE 3
Le vivant témoignage des bois
I. Animer le récit en agençant le lexique
A. La personnification
1. Le tableau complété.

ARTICLE ET NOM COMMUN VERBE ADJECTIF

La vallée s’enfonçait
De nuages et de fumées qui montaient
Les feuilles paresseuses
Des pruniers et des pêchers écartaient
La vallée s'ouvrait
Leurs branchages trapus

2. Les actions évoquées impliquent une volonté, une 3. L’union de ces verbes d’action et de ces noms
intention : seul un être animé (le cas échant, on expliquera désignant des choses sans âme, inanimées, insuffle de la vie
aux élèves la portée de ce terme) pourrait les effectuer. à la forêt. Elle nous est familière. Aussi, le lecteur s’y attache
Or, ici, ce sont les vallées, les pruniers et les nuages qui autant que Cosimo.
accomplissent ces actions.

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Séquence

B. La métaphore surgirent et tapissèrent l’horizon ? Si la nuit demeurait

Le tableau complété. masquée par l’abondante végétation, le sol arborait
NOM COMPLÉMENT DU NOM
l’allure d’une accessible constellation émaillée de lumière :
la lune irradiait les feuillages, peignant au sol leur spectre
Couronnes de nuages
résiduel. Les branches, érigées en lacis de doigts noueux,
Frisotti des laitues abriteraient désormais la vie de Cosimo. Sans crier gare,
Feuilles paresseuses de la courge
le bois s’anima d’un insoupçonnable frisson : la caresse
du vent fit danser la ramure des ormes et leur inédite
chorégraphie sublima l’instant. Cosimo comprit dès lors
II. Atelier d'écriture que ces remparts arboricoles n’aspiraient qu’à se soustraire
Proposition de production écrite à la vie terrestre : son existence prendrait corps entre
S’enracinaient-elles dans le ciel, ces branches qui l’espoir terrestre et la promesse du ciel.

SÉANCE 4
Le goût de la liberté
I. Une nouvelle vie toutes les réponses au moment où l’action se déroule.
A. Premiers pas dans un monde redéfini C. Une narration complice
1. Cosimo ne semble pas être guidé par une idée précise 1. Le terme « baronnet » est hypocoristique, affectueux.
pour l’instant : il avance à tâtons dans ce monde nouveau. C’est le narrateur adulte et non plus le petit Biagio, alors
Le narrateur décrit ses journées comme étant sans « buts âgé de huit ans, qui s’adresse à nous. Le suffixe « -net »
précis ni programmes ». Une idée cependant anime ajouté à « baron » évoque la petitesse de Cosimo et le
Cosimo : « prendre […] possession de son royaume ». caractère anecdotique de son rôle de régent arboricole,
2. Avec une certaine fougue juvénile, Cosimo est en pour l’instant du moins.
quête d’exhaustivité : il veut tout, tout de suite ! « Il aurait 2. « Surgir », « filer », « bond, » « voltiger », « force qui le
voulu […] étudier toutes les possibilités » offertes par poussait », « passer », « attirait », « disparaître », « se laissait
cet univers nouveau. Le narrateur prévient le lecteur que aller tête en bas », « se faufilait en grimpant » pour Cosimo ;
cela n’était guère possible dans l’immédiat : « Je dis bien : et « apparaissait », « déplaçait », « libre comme l’air »,
il aurait voulu. » C’est toutefois ce sens de la démesure « monter » pour Viola. Il résulte de ces champs lexicaux,
qui va permettre à Cosimo de se tailler une destinée majoritairement alloués à Cosimo, un aspect insaisissable
à la hauteur de ses souhaits. et voltigeant. Même si les pérégrinations de Cosimo sont
B. Deux êtres épris de liberté balbutiantes, elles entérinent son passage dans un monde
1. « Dans le jardin des D’Ondariva, les branches se où l’on ne le voit plus que fugacement.
tendaient comme des trompes d’animaux extraordinaires,
et du sol s’ouvraient des étoiles de feuilles dentelées II. Initiation à l’argumentation
comme la peau verte d’un reptile, et ondoyaient de frêles Annonce de la thèse/idée principale : Il convient
bambous jaunes avec des froissements de papier. » d’observer combien le choix de placer le frère de Cosimo
Dans ce passage, tout n’est qu’image, altérité et comme narrateur de l’histoire est judicieux. Début de
exotisme : les figures de la comparaison (« comme des l’argument => En effet (connecteur 1), cela permet à
trompes d’animaux ») et de la métaphore (« des étoiles de l’auteur de jouer sur le point de vue interne de Biagio et de
feuilles ») favorisent l’expression de cet exotisme foisonnant. nuancer ce qu’il sait lorsqu’il a huit ans et ce qu’il découvre
2. Viola aussi a besoin de sa part de liberté. Tout comme en étant adulte (argument partie 1). Ainsi (connecteur 2),
Cosimo, elle s’érige au-dessus du sol mais dans de plus c’est aussi le cheminement implicite du narrateur qui nous
modestes proportions : la selle de son cheval nain, ainsi est donné à voir et cela rend le récit d’autant plus personnel
que sa balançoire la préservent de la présence intrusive et attachant (argument partie 2).
de sa famille. Exemple illustrant l’argument : Nous pouvons nous
3. La phrase de type interrogatif « Pourquoi revenait-il référer au passage que nous venons d’étudier, dans lequel
dans notre parc ? », ainsi que ces éléments entre la mise en doute du narrateur (phrases interrogatives,
parenthèses : « (je n’avais pas encore réussi à bien modalisation du discours, emploi du conditionnel) teinte les
comprendre…) », la modalisation du discours du verbe premiers pas de Cosimo d’un mystère inhérent à sa nouvelle
« semblait » et l’usage du mode conditionnel sont autant vie. Nous partageons les émois de sa nouvelle vie.
d’éléments démontrant que le narrateur ne possède pas

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Séquence

SÉANCE 5
Qui fait quoi ?
I. Relier la cause à son effet 6. « Se précipita », « se mit à chasser ».
2. 7. Pronom réfléchi.
Ursula = Ses, ses, je, je, elle, elle
Cosimo = J’, j’, Tu, toi II. Entraînement à l’exercice de réécriture
El Conde = vous du brevet des collèges
3. Ces pronoms sont liés au GN étendu « Le basset Les bassets Ottimo et Lazio qui, pendant toute la
Ottimo Massimo ». période où leur maître était resté à Olivabassa, avaient
4. Ce sont des pronoms impersonnels, ils ne désignent manifesté un mécontentement grognon […]. Ils se mirent
personne en particulier. à chasser, mais comme pour jouer, les quelques chats
5. Un pronom est un mot invariable servant à remplacer restés là, oubliés sur les arbres, qui dressaient le poil
un groupe nominal, ou le nom d’un personnage, par et soufflaient contre eux.
exemple. Mais ses fonctions ne se limitent pas à cela.

SÉANCE 6
L’arbre, au carrefour de l’art et du réel
I. L’arbre : objet symbolique dans la littérature de James Barrie exploitent aussi la fantasmagorie de l’arbre.
et les arts Comme abri ou source du malheur, l’arbre nourrit
1. De la réalité à l’art abondamment l’inconscient collectif et ces exemples ne
• Mentionner cet article du Parisien intitulé « Les arbres, font qu’effleurer la richesse du thème.
racines de la création » (https://www.leparisien.fr/week- • L’Arbre de vie de Gustav Klimt, objet métonymique de
end/le-parisien-magazine-les-arbres-racines-de-la- l’existence tel que peut l’être également la lyre vis-à-vis des
creation-24-02-2017-6702774.php) peut être judicieux arts dans La Musique, du même artiste ; Le Sacrifice
pour approfondir la réflexion des élèves : Les d’Abraham du peintre italien Annibale Carracci (xviie siècle) ;
Métamorphoses d’Ovide, l’Odyssée d’Homère et la Bible L’exposition « Nous, les arbres » à la fondation Cartier.
figurent parmi les textes fondateurs envisageables pour Ces quelques exemples, parmi des dizaines d’autres,
éclairer les élèves sur ces problématiques. peuvent structurer un ambitieux développement auprès des
« L’arbre de la Connaissance » dans la Bible, sanctuarisé élèves à travers une analyse comparative et diachronique.
par le Créateur, symbole du caractère influençable 2. De l’art à la réalité
de l’humain et cause indirecte de sa chute, peut être • Forme d’art contemporain, les ressources qui abordent
exploité en lien avec la figure de l’abbé janséniste – le le « land art » ne manquent pas. Une première définition
développement de cette doctrine aux xviie et xviiie siècles en décomposant le mot, (« land » = territoire en anglais)
étant opportun à l’intertextualité. Les classes témoignant et « art » peut être soumise aux élèves : une branche de l’art
d’une aisance face aux problématiques conceptuelles contemporain, souvent en extérieur et au caractère
peuvent étudier le thème de la grâce, évoqué dans éminemment éphémère. Façonner la nature pour en faire
l’Augustinus (1640), texte fondateur d’une certaine branche de l’art ravive les enjeux dichotomiques de la nature et de
du jansénisme qui confère au geste de Cosimo une portée la culture. Une simple saisie de l’expression « land art » sur
accrue face au rigorisme sous-jacent propre à son époque. Google Image proposera aux élèves un large éventail
Un virage à 180° exploiterait d’autres symboliques : d’exemples relatifs à cette proposition artistique. Des écrits
l’arbre structure l’effroi également, comme en témoigne de réflexion sur l’art imitant la nature ou la nature infléchie
l’affiche du film Sleepy Hollow, adaptation de Tim Burton par l’art peuvent abreuver l’esprit critique des élèves.
du texte de Washington Irving. • L’écologie forestière (étude des forêts à l’échelle
La pomme empoisonnée de Blanche-Neige, sur le volet planétaire), la reproduction d’un écosystème dans des lieux
des contes du xviiie siècle (les frères Grimm), et la pomme protégés avec toute la complexité que cela implique, les
de la discorde jetée par la déesse Éris en ce qui concerne matériaux de récupération, le recyclage, la photosynthèse,
la mythologie grecque sont deux « prix de beauté » la métaphore du « poumon de la Terre » pour désigner
conduisant à une guerre (celle de Troie dans la mythologie, l’Amazonie, sont quelques pistes ici ébauchées pour impulser
l’autre contre une belle-mère démoniaque). Les aventures d’éventuelles réflexions. Les éditions Gallimard proposent,
d’Alice au Pays des Merveilles de Lewis Carroll et Peter Pan elles aussi, des livres fabriqués à partir de papier recyclé.

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Séquence

SÉANCE 7
La Nature et la Raison
I. Excursions dans le Paris des Lumières à l’étranger (Usbek et Rica dans les Lettres persanes) pour
A. Biagio : frère et narrateur voir notre propre monde de loin. La distanciation favorise
1. Biagio est traité avec beaucoup de respect par Voltaire la mise en exergue de nos travers : « Mon frère, répondis-je,
(« mon cher Chevalier ») mais le « vieux philosophe » ne soutient que si l’on veut bien regarder la Terre, il faut
peut réprimer son étonnement face à la normalité de ce se tenir à la bonne distance, et le fameux Voltaire apprécia
dernier, mise en perspective avec la légende qui enveloppe beaucoup la réponse. » La vie de Cosimo est une mise
Cosimo, le « sauvage » des bois. en pratique des théories voltairiennes à l’échelle d’une
2. Biagio est toujours empli d’humilité, de simplicité. seule existence.
Ce passage l’atteste : « Mais ce ne sont pas ici les Mémoires 2. La fin de l’extrait est sans équivoque : « Et le vieux
de ma vie, qui ne mériteraient certes pas d’être écrits. » sage replongea dans le babil de ses grenouilles de bénitier
On peut s’interroger sur l’authenticité de cette réserve : théistes. » On ne peut s’empêcher de trouver le point
simple coquetterie, sorte de captatio benevolentiae de vue de Biagio réducteur, si ce n’est fallacieux, lorsque
(« recherche de bienveillance ») du lecteur ? Sûrement pas, l’on connaît la mise en équilibre qu’opère Voltaire entre
tant le narrateur s’efface, malgré son omniprésence, la nature et la culture, le rationnel et le religieux.
depuis le début de l’œuvre. Méconnaissance du narrateur imputable à son manque
3. Biagio met en suspens son habituelle réserve et de recul ? On peut expliquer aux élèves la moquerie
manifeste de l’enthousiasme à l’idée d’évoquer l’histoire caricaturale incluse dans l’expression « grenouille de
de Cosimo : « Et moi, flatté, je ne pus m’empêcher de lui bénitier », puis introduire le point de vue théiste, qui se
répondre ». On peut y voir plusieurs raisons : s’adresser départit des concrétisations humaines (incluant les édifices
à l’un des plus grands philosophes libertaires de son temps et les rites). Aussi, la contradiction entre « les grenouilles
a de quoi galvaniser Biagio. Une certaine fusion entre le de bénitier » et l’intention de la doctrine déiste se fait
narrateur et cette vie qu’il narre et traverse par procuration évidente : on peut, le cas échéant, inviter les élèves
peut également être envisagée. L’occasion est trop grande à se questionner sur le point de vue interne du narrateur,
pour jouer petit. véritable porte ouverte à ses failles et aux analyses
B. La réalité et la légende. enthousiasmantes qui peuvent en résulter pour les
1. Il s’agit de l’adjectif « sauvage », épithète du nom lecteurs avisés.
commun « homme », qui désigne Cosimo. La société
parisienne, dans sa fascination pour les légendes promptes II. Apologues, contes philosophiques et esprit
à la bousculer dans son confort bourgeois (l’entourage de des Lumières
Voltaire est aisé, tout comme lui. On peut donner à lire Zadig ou la Destinée, publié en 1747 et Candide ou
le texte Le Mondain pour se convaincre de la non- l’Optimisme, publié en 1759, sont deux contes
appartenance de Voltaire au peuple qu’il a pourtant philosophiques que l’on peut qualifier d’apologues.
défendu ardemment) fait ici acte de condescendance. L’apologue est un récit plaisant dont la légèreté apparente
On peut donc y voir quelque chose de péjoratif. conduit toutefois le lecteur vers des constats profonds
2. On peut expliquer aux élèves ce qu’est l’étymologie : en lien avec l’existence. Les notions de destinée, de
l’origine des mots, l’évolution de ces derniers en puisant déterminisme donc et l’optimisme (Candide est une satire
notamment dans leurs racines gréco-latines. « Sauvage » visant le philosophe Leibniz et sa théorie affirmant que nous
vient du latin « silva » : la forêt. Il s’agit donc littéralement vivons dans la meilleure version possible du monde) sont
de « celui qui vit dans la forêt ». L’élève aura peut-être travaillées par Voltaire. L’humour et l’aventure façonnant
nuancé son approche : l’étymologie est adaptée au cadre ces récits conduisent le lecteur à édifier une pensée en lien
de vie, mais la connotation du mot « sauvage » (au xviiie avec l’esprit des Lumières : le relativisme et la mise en écho
siècle comme aujourd’hui) n’est pas du tout adaptée des certitudes, le positivisme consistant à analyser à la
à la vie de Cosimo, homme érudit administrant sa province. lumière des faits, l’héritage de la Renaissance embrassant
C. Le siècle des Lumières. le monde dans sa pluralité avec sa part d’inconnu et tant
1. Cosimo prend de la hauteur au sens propre comme d’autres aspects résument l’intention de Voltaire : divertir
au figuré. Montesquieu avec ses Lettres persanes et Voltaire sans oublier la profondeur de ses intentions initiales,
avec ses divers contes philosophiques sont deux écrivains empreintes de liberté et de sens aigu de la justice (on peut
des Lumières qui ont eu recours au même procédé : la mise aborder l’affaire Calas avec les élèves notamment).
à distance d’un personnage, notamment lorsqu’il part

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d’Italo Calvino
Séquence

SÉANCE 8
Ralentir le temps
I. La palette émotionnelle de l’imparfait 3. On peut considérer que l’état général des êtres
de l’indicatif et leurs descriptions sont souvent liés (« il levait un regard
1. Voir le tableau complété (ci-dessous). fatigué » est une description illustrant l’état de l’animal,
2. La partie relative à l’action est la moins représentée. par exemple).
Elle intervient à la fin de l’extrait, elle concerne les deux
derniers verbes à l’imparfait de l’indicatif.

LE TEMPS QUI PASSE L'ÉTAT GÉNÉRAL D'UN ÊTRE LA DESCRIPTION L'ACTION

« commençait à se rendre « signe en était que » « la petite distance qui « il se hissait »
compte du temps qui « qui se faisait vieux n'avait séparait son ventre » « comme s'il cherchait »
passait » plus envie de » « quand il se tenait debout »
« ne se lançait plus » « Il était toujours couché » « il levait un regard fatigué et
« face au temps qui filait » « il ne valait pas la peine de se remuait à peine la queue »
redresser »
« Cosimo était en proie à un
mécontentement »
« il n'était pas satisfait »
« Et plus rien ne pouvait le
contenter ».
« Il ne savait même pas
lui-même ce qu'il voulait »

II. Réécrire au passé simple : pour quel résultat ? III. Production écrite
1. « Cosimo fut en proie à un mécontentement On peut orienter la réflexion de l’élève par rapport aux
croissant : face au temps qui filait il n’était pas satisfait émotions qu’il veut suggérer. Le champ lexical de la
de son existence, de ces allées et venues en bas et de perceptions (« j’entendais », « je voyais », « je touchais »,
bas en haut entre ces quatre bouts de bois. Et plus rien etc.), peut faire l’objet d’un classement de verbes sensoriels
ne put le contenter pleinement, ni la chasse, ni les au sein d’un tableau divisé selon les cinq sens.
amours passagères, ni les livres. Il ne savait pas lui-même Les classes les plus motivées peuvent peut-être effleurer
ce qu’il voulait. » le domaine de la synesthésie, chère à Baudelaire : les
2. Nous constatons que pour ne pas dénaturer le récit, sensations se mélangent, conduisant le texte vers un certain
seuls deux verbes peuvent faire l’objet d’un changement. vertige empreint de sensations mêlées.
Un verbe d’état (« être ») et un verbe d’action (« pouvoir »).

SÉANCE 9
Atelier d’édition
Pas de corrigé pour cette séance.

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Séquence

SÉANCE 10
Évaluation de fin de chapitre
I. Questions de compréhension (15 points) à répéter la conjonction de coordination « et », emballe
A. La fin d’un itinéraire de vie cette machinerie jusqu’à son point d’orgue : « dernière
1. Le présent de l’indicatif est majoritairement employé. grappe insensée mots idées rêves et c’est fini ».
Le temps du récit rejoint le temps de l’action : Biagio a vieilli
et il est l’heure pour lui de dresser un bilan de sa vie. II. Travail de réécriture (4 points)
2. « Nous, les vieux d’Ombrosa », « Ombrosa n’existe Proposition de barème :
plus », « après le départ de mon frère » sont trois expressions - entre 0,25 point et 0,5 point par modification
soulignant l’écoulement du temps. Un pessimisme âcre (selon la difficulté) ;
transparaît, la zone semble avoir subi les outrages du temps - erreur de copie : 0,5 point.
et avoir perdu ce qui en faisait un lieu de vie.
3. Cosimo semblait maintenir ces lieux en vie. À présent, III. Dictée (6 points)
seul le vide paraît régner aux yeux de Biagio. « Le ciel est Proposition de barème :
vide » peut revêtir un double sens : un sens propre, Cosimo - grammaire, conjugaison : -1 point ;
ne le peuplant plus de ses facéties, et un sens figuré, tout - lexique : - 0,5 point ;
espoir et croyance semblant désormais vains. « Ombrosa - accent : - 0,25 point.
n’existe plus » vient achever ce constat de façon lapidaire
dans la dernière partie de l’extrait. IV. Production écrite (15 points)
4. Biagio file la métaphore de la couture, de l’ouvrage : 1. Écriture d’invention
les « dentelures des branchages », ainsi que les Proposition de barème sur 15 points :
« découpures » du ciel, sans omettre « la broderie exécutée - respect du sujet : 2 points ;
sur du néant ». Cela confère au paysage une matérialité - structure globale et progressivité de l’action : 3 points ;
plus accessible, plus réduite peut-être. Comme si la main - respect du point de vue (avec champ lexical des
d’un créateur manquait à présent d’inspiration. perceptions, expression des émotions de Biagio) :
B. Laisser germer l’écriture 3 points ;
1. Le point de vue interne est adopté à l’instar du reste - respect du niveau de langue adopté dans le récit initial :
de l’ouvrage. La différence réside dans cette mise en abyme 2 points ;
de l’écriture : l’élève pourra notamment voir ceci comme - orthographe, conjugaison, syntaxe : 3 points ;
les coulisses de la narration, les impressions mitigées du - qualité du style d’écriture (recours à des figures de
narrateur, toujours modeste, sur son propre travail. rhétorique notamment) : 2 points.
2. La mise en scène des ratures et caviardages témoigne 2. Écrit de réflexion
du caractère inabouti de sa narration : « filet d’encre que j’ai Proposition de barème sur 15 points :
laissé courir », pages « barbouillées d’effaçures », « taches », - respect du sujet : 1 point ;
« lacunes ». On pourra valoriser les élèves soulignant le - structure globale avec introduction (approche générale,
caractère péjoratif des expressions employées. (1 point pour resserrement, éventuelle problématisation, annonce
le commentaire, 1 point pour une citation l’illustrant) du plan), développement, conclusion avec ouverture :
3. La métaphore « filet d’encre que j’ai laissé courir » met 3 points ;
en scène le caractère prétendument hasardeux de l’écriture, - présence et variété des arguments : 3 points ;
organique et viscérale. « S’égrène en gros pépins clairs », - variété des exemples, richesse des références : 3 points ;
« graines punctiformes », « grumeaux de phrases » - mise en forme (alinéa pour chaque paragraphe
soulignent la rugosité de la démarche créative. Une éclaircie argumenté, structure thèse/argument/exemple, saut
achève ce sombre tableau : « phrases avec des contours de de ligne entre chaque grande partie) : 2 points ;
feuilles et de nuages ». La métaphore fusionne l’écriture et - progressivité du travail : 1 point ;
l’existence lumineuse de Cosimo. La polysyndète, consistant - orthographe, conjugaison, syntaxe, style : 2 points.