Enseigner: Les Apports Des Sciences Cognitives Livre PDF
Enseigner: Les Apports Des Sciences Cognitives Livre PDF
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M E N T D E S S C I E N C E S C O G N I T I V E S D E P
Q U E L Q U E S D É C E N N I E S . N O U S F A I S O N S
P O T H È S E ENM ES IELI G
Q U ’ U N E NUERRE : C O N N A I S
L E
D E S M É C A N I S M E S D E L ’ A P P R E N T I S S A G
P O U R R A I T É C L A IA P RP,O RV TO SI R E N O U R R I R
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P R A T I Q U E S P É D A G O G I Q U E S . D A N S C E T
P O T H È S E
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H E U R I S T I Q U E ,
C I E N C
N O U S
E S N O U S D
D O N S C E Q U E C ECS O RGENC IHTEI V
R CE HSE S A P P O R
A U X P É D A G O G U E S . C E T O U V R A G E V I S E
T E R R O G E R L E S L I E N S E N T R E D E S T R A
Nico le B o u in
C O N C E R N A N T L A P E R C E P T I O N , L ’ A T T E
L A C O M P R É H E N S I O N , L A M É M O R I S A T I O
A P P R E N T I S S A G E S , L E S É M O T I O N S … E T
S E I G N E M E N T . L E T R A N S F E R T D U L A B O
T O I R E À L A C L A S S E N ’ E S T N I É V I D E
A U T O M A T I Q U E M A I S I L E S T P E U P R O B
Q U E D E S P R O F E S S I O N N E L S Q U I T R A V A
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P R E S S I O N D E M I E U X A P P R E N D R E E T P
F A C I L E M E N T P A R D E S E X EÉ CRL ACI I
R ECR E S S É R
P R O G R E S S I F S ; O R , T O U T E S L E S E X P
ENSEIGNER :
APPORTS
DES SCIENCES
COGNITIVES
DIRECTEUR NICOLE BOUIN
DE PUBLICATION Professeure de lettres-histoire en lycées professionnels
Jean-Marie Panazol de 1975 à 2014, diplômée en sciences de l’éducation et
en psychologie cognitive, formatrice d’enseignants et
DIRECTRICE D E
de cadres de l’enseignement depuis 1996, militante au
L’ É D I T I O N T R A N S M É D I A
Crap – Cahiers pédagogiques et au Cape (Collectif des
Stéphanie Laforge
associations partenaires de l’école), Nicole Bouin est
impliquée dans plusieurs associations : les Déclics pour
DIRECTEUR
la prévention du décrochage, 123Dys pour l’accompa-
ARTISTIQUE
gnement des enfants porteurs de troubles des appren-
Samuel Baluret
tissages et de leur famille, Ordys pour la remédiation
COORDINATION cognitive, l’Adaj puis Diapré pour l’accompagnement
ÉDITORIALE des adolescents en projet et l’analyse des pratiques
Céline Fresquet professionnelles. Elle a participé à une recherche de la
MRIE (Mission régionale d’information sur l’exclusion)
SUIVI ÉDITORIAL
avec ATD Quart Monde sur la scolarisation des enfants
Aurélien Brault
des milieux populaires de 2006 à 2010. Elle a aussi co-
animé un dispositif de raccrochage financé par la
MISE EN PAGES
région Rhône-Alpes, Potentiel jeunes. Dès 2004, elle
David Tessier
avait élaboré et coordonné un module de formation au
CONCEPTION GRAPHIQUE CNFETP pour développer la culture des enseignants,
Des Signes, « La psychologie cognitive pour mieux comprendre et
Studio Muchir Desclouds mieux apprendre ».
ISSN : 2426-0207
ISBN : 978-2-240-04691-8
© Réseau Canopé, 2018
(établissement public à caractère administratif)
Téléport 1 – Bât. @ 4
1, avenue du Futuroscope
CS 80158
86961 Futuroscope Cedex
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant,
aux termes des articles L.122-4 et L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du
copiste et non destinées à une utilisation collective », et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple
et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants
droit ou ayants cause, est illicite ». Cette représentation ou reproduction par quelque procédé que ce soit, sans autorisation de
l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie (20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris) constitueraient donc
une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.
ENSEIGNER :
APPORTS
DES SCIENCES
COGNITIVES
Ni co le B o u in
SOMMAIRE
9 P R É F A C E
1 1 I N T R O D U C T I O N
1 3 U N E T E R M I N O L O G I E S U J E T T E À T E N S I O N
14 À la recherche d’une définition
15 Neurophiles et neurosceptiques
23 Les notions de base
2 3 C O N N A Î T R E L E C E R V E A U P O U R M I E U X A P P R E N D R E
30 En quoi ces notions sont-elles utiles ?
3 7 A T T E N T I O N À L ’ A T T E N T I O N !
38 Des aspects organiques aux pistes pédagogiques
40 La double tâche, mission impossible
43 Une expérimentation : attentif à l’école
48 De l’importance de l’introspection cognitive
51 Introspection cognitive et métacognition
53 Le réseau cérébral du mode par défaut
5 7 C O M P R É H E N S I O N E T M É M O R I S A T I O N
58 Distinguer, comprendre et mémoriser
61 La compréhension
64 La mémorisation
69 Des pratiques pédagogiques inspirées des recherches
77 Le changement de posture de l’enseignant
7 9 L E S F O N C T I O N S E X É C U T I V E S
80 Les fonctions cognitives en interaction
82
Mode mental automatique versus mode mental adaptatif
84 L’inhibition
85 Flexibilité et fluidité
8 7 N E U R O É D U C A T I O N E T C O M P O R T E M E N T S
88 Le hiatus adolescent
90 Les trois systèmes de motivation, l’échec et la violence
93 Le chien de garde
96 L’empêchement de penser
101 La génération C
103 La méditation de pleine conscience
105 Les neurones miroirs
1 0 9 É M O T I O N S E T C O G N I T I O N
110 Le stress
112 Émotions et apprentissages
114 Émotions et évaluation
117 La motivation
121 Interactions sociales et apprentissages
124 Les addictions
1 2 7 D E S N E U R O M Y T H E S P É D A G O G I Q U E S
128 D’où viennent les neuromythes ?
130 Deux cerveaux pour huit intelligences
132 Styles d’apprentissage et profils cognitifs
135 Le cas de la gestion mentale
1 4 5 C O N C L U S I O N
147 BIBLIOGRAPHIE
149 SITOGRAPHIE
PRÉFACE
SOMMAIRE
d’autres acteurs de l’éducation plus sceptiques, voire franchement
hostiles, envers des chercheurs dont l’assurance semble parfois
inversement proportionnelle à leur expérience des salles de classe.
Pourtant, d’autres formes d’enseignement moins académiques,
dans le domaine du sport par exemple, n’hésitent pas à se nourrir
des dernières découvertes sur le corps humain pour parfaire les
techniques d’apprentissage et d’entraînement, par pragmatisme
et souci de performance : nombre d’athlètes sont ainsi guidés non
seulement par un entraîneur, pour les aspects techniques et straté-
giques, mais aussi par un préparateur physique, fin connaisseur de
la physiologie humaine et soucieux que la nature et le volume des
entraînements et des compétitions respectent la manière dont le
corps de l’athlète est construit. Pourquoi ne pas reprendre la même
logique quand il s’agit du cerveau et de formes d’apprentissage
plus « intellectuelles » ? Au fur et à mesure que progressent nos
connaissances sur le cerveau humain, l’émergence de la neuro
éducation est inévitable, et cet ouvrage remarquable vient à point
nommé pour démythifier cette nouvelle discipline et prôner une
attitude médiane et raisonnable : comprendre vraiment ce que les
neurosciences ont à dire et examiner sans méfiance ni fascination
ce qu’elles peuvent apporter, comme améliorations des pratiques
et des environnements d’apprentissage. Ce livre est une petite
perle, qui fourmille de conseils pratiques et de réflexions utiles
et souvent profondes, par exemple sur le statut que l’on donne à
l’erreur dans notre système éducatif. Il est d’autant plus intéressant
qu’il n’est pas écrit par une scientifique mais par une pédagogue,
du point de vue du professeur dans sa classe.
Jean-Philippe Lachaux,
directeur de recherche en neurosciences cognitives au sein
de l’unité Inserm, « Dynamique cérébrale et cognition ».
On ne peut ignorer
le développement
des sciences cogni-
tives depuis quelques
décennies. Nous faisons
l’hypothèse qu’une
m e i l l e u re c o n n a i s -
sance des mécanismes
de l’apprentissage pourrait éclairer, voire nourrir, les pratiques
pédagogiques. Dans cette hypothèse heuristique 1, nous nous
demandons ce que ces recherches apportent aux pédagogues. Cet
ouvrage vise à interroger les liens entre des travaux concernant
la perception, l’attention, la compréhension, la mémorisation, les
apprentissages, les émotions… et l’enseignement. Le transfert du
laboratoire à la classe n’est ni évident ni automatique mais il est
peu probable que des professionnels qui travaillent sur le même
organe et les mêmes fonctions n’aient rien à s’apporter.
Certaines expérimentations confortent des prescriptions anciennes,
comme l’enseignement distribué. La validation de pratiques
1
Dans le sens philosophique : hypothèse provisoirement adoptée comme idée directrice, indépen-
damment de sa vérité absolue, pour favoriser les découvertes.
SOMMAIRE
empiriques par la science permet de convaincre les plus récalcitrants.
D’autres études invalident au contraire des pratiques intuitives et
permettent à des professionnels d’agir en fonction de savoirs
stabilisés. On a généralement l’impression de mieux apprendre et
plus facilement par des exercices sériés progressifs ; or, toutes les
expérimentations ont montré que les tâches complexes permettent
des apprentissages plus solides et transférables. Les neurosciences
ont aussi mis en évidence l’intérêt d’un apprentissage précoce des
langues alors qu’on supposait qu’il perturbait l’apprentissage de
la langue maternelle.
D’autres découvertes, enfin, ouvrent des perspectives jusqu’alors
insoupçonnées. C’est le cas de la plasticité cérébrale qui autorise
tous les espoirs pour les élèves en difficulté à l’encontre d’une
conception fixiste de l’intelligence qui les condamnait à l’échec.
La notion paraît aujourd’hui si évidente qu’on ne se rappelle pas
avoir jamais pensé autrement mais si on peut en situer l’origine à
la fin du xixe siècle 2, nous sommes loin d’en avoir mesuré toutes
les conséquences sur le terrain scolaire.
Les recherches ne sont jamais terminées. Peut-on sans risque
s’inspirer de travaux en cours ? Il convient de se montrer prudent,
de sélectionner des théories validées par plusieurs chercheurs
reconnus, d’éviter les dérives applicationnistes, de s’imposer des
contraintes éthiques. Mais peut-on vraiment continuer à enseigner
comme si ces connaissances n’avaient pas été mises à jour par ce
que les experts de l’OCDE appellent « la science de l’apprentissage » ?
2
On considère que le premier à avoir émis l’hypothèse de la plasticité cérébrale est William James,
en 1899. Il est d’ailleurs aujourd’hui souvent présenté comme le père fondateur des neurosciences
cognitives.
3
Du latin cognoscere, connaître, prendre connaissance, savoir, apprendre à connaître, chercher à
savoir.
SOMMAIRE
Les sciences cognitives désignent depuis
À LA RECHERCHE
les années 1970 4 le domaine de recherche
D’UNE
dans lequel sont étudiés le cerveau et le
DÉFINITION
système nerveux, les mécanismes neuro-
logiques qui sous-tendent la cognition :
perceptions, attentions, motricité, langage,
mémoires, raisonnement, compréhension,
imagination, émotions, apprentissages,
conceptualisation, planification, inhibi-
tion, actions… Le pluriel est justifié par le
nombre de branches concernées : neuro-
biologie cellulaire ou moléculaire, génétique, neuroanatomie,
neuroendocrinologie, neurochimie, neuropharmacologie, neurophy-
siologie, neuropathologie, neurolinguistique, neurosciences
comportementales, neurosciences sociocognitives, neuropsychiatrie,
psychologie cognitive, psychologie du développement, neurosciences
cliniques, neuropsychologie, imagerie cérébrale, neurosciences
computationnelles (modélisation informatique)…
Neurosciences cognitives et psychologie cognitive sont étroitement
liées. Si les neurosciences concernent, au sens strict, la dimension
neurale, fondée en grande partie sur des recherches utilisant la
neuroimagerie, donc le substrat biologique de la cognition, elles
seraient peu « parlantes » si elles n’étaient pas interrogées et
interprétées à la lumière de la psychologie cognitive. Dans la plupart
des livres sur le sujet, il est difficile de distinguer l’une de l’autre au
cours des chapitres. C’est ainsi qu’on peut lire dans un ouvrage de
référence : « Pour la commodité de la lecture, le terme “neuroscience”
(parfois sous la forme plurielle “neurosciences”) recouvre tout au
long de la présente publication les champs sécants du domaine,
qu’il s’agisse de neurobiologie, de neuroscience cognitive, de
4
La société américaine des neurosciences (Society for Neuroscience) a été fondée à Washington
en 1971.
LA FIABILITÉ
DE LA NEUROIMAGERIE EN CAUSE
Il est couramment admis que l’imagerie cérébrale qui permet
d’observer le cerveau en action ouvre la voie à une meilleure com-
préhension des fonctions cognitives et émotionnelles, en particulier
l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf 12). Or,
plusieurs chercheurs, comme André Giordan, nous alertent sur le
10
Giordan André, « Les neurosciences, la grande illusion en éducation », Éducavox, août 2015 :
https://lc.cx/pKug
11
« La neuroéducation peut-elle sauver l’école ? », Le Monde. Sciences & médecine, n° 22195, 25 mai 2016,
p. 1, 4 et 5.
12
Mais aussi d’autres techniques moins médiatisées comme l’électroencéphalographie (EEG), la ma-
gnétoencéphalographie (MEG), la topographie optique (OT) développée à partir de la spectroscopie
en proche infrarouge (NIRS) ou la tomographie par émission de positrons (TEP).
13
Giordan André, « Les neurosciences en éducation, les limites méthodologiques », Éducavox,
31 août 2015 : https://lc.cx/pKED
14
Adolphs Ralph, « Conceptual challenges and directions for social neuroscience », Neuron, vol. 65,
n° 6, mars 2010, p. 752-767.
L’A D M I N I S T R AT I O N D E L A P R E U V E
Michel Develay écrit : « L’éducation comme toute pratique sociale
vise à fonder la vérité de ce qu’elle avance par une administration
de la preuve 18. » Or, il constate qu’il est bien vain de vouloir fonder
des propositions pédagogiques ou didactiques sur des preuves. En
effet, une situation éducative est trop riche d’interactions pour qu’on
puisse isoler une variable. Le « toutes choses égales par ailleurs »
des expériences scientifiques en laboratoire n’existe pas en classe,
il n’a aucun sens avec des objets aussi complexes que le cerveau
humain, le groupe classe ou l’acte d’enseigner. Les paramètres sont
infinis : les individus, le groupe classe qui est plus que la somme
des individus, l’effet maître, contexte, établissement, équipe… une
multitude de facteurs peuvent interférer et modifier les résultats.
Impossible également « la méthode du double aveugle telle qu’elle
se pratique en médecine, comme gage de non intervention de
l’expérimentateur sur son expérience ».
L’interdisciplinarité, le croisement de sciences dures et de sciences
humaines, relève de la gageure car leurs codes, visées, références et
lexiques divergent. Les neuroscientifiques cherchent une vérité qui
fasse consensus, au moins provisoirement, dans la communauté
scientifique. Des enseignants recherchent des connaissances sur
la façon dont le cerveau fonctionne pour réfléchir et affiner leur
pratique, dans un souci d’efficacité et non de véracité. Il n’est
pas question de prétendre disposer de preuves scientifiques en
pédagogie ou en didactique. Ce qui n’empêche pas de s’inspirer
de recherches en neurosciences dès lors qu’elles sont conformes
18
Develay Michel, « Du statut de la valeur et de la vérité à propos de la neuropédagogie »,
Cahiers pédagogiques, 23 janv. 2017.
LES NOTIONS
DE BASE
19
Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. Utilisation d’un scanner pour observer directe-
ment l’activité neurale grâce à des variations dans la chimie du sang (telles que le taux d’oxygène)
et pour étudier les augmentations de l’activité dans les zones du cerveau associées à diverses
formes de stimuli et de tâches mentales.
SOMMAIRE
CERVEAU ET LOCALISATION
FONCTIONNELLE
Différentes parties du cerveau accomplissent différentes tâches,
c’est le principe de localisation fonctionnelle. Les structures infé-
rieures sont affectées à la coordination de fonctions corporelles
basiques (respiration, digestion, mouvements volontaires…), à
l’expression des pulsions basiques (faim, soif, excitation sexuelle…)
et au traitement des émotions primaires comme la peur. Les struc-
tures supérieures qui se sont formées par-dessus les structures
inférieures sont plus développées chez l’être humain. Le néocortex,
mince couche de neurones recouvrant la surface des circonvolutions
cérébrales, comprend les trois quarts des neurones du cerveau
humain essentiellement dévolus aux fonctions supérieures. D’une
épaisseur de deux à quatre millimètres, ces deux mètres carrés
de surface sont plissés en circonvolutions et présentent donc des
collines, les gyrus, et des vallées, les sulcus.
Le néocortex se divise en deux hémisphères reliés par un ruban
de 250 millions de fibres neurales, le corps calleux, passerelle
permettant l’échange d’informations entre les deux hémisphères.
L’hémisphère droit contrôle la plupart des activités de la moitié
gauche du corps et inversement. On lit souvent que certaines acti-
vités dépendent essentiellement de l’un des deux hémisphères, par
exemple les capacités spatiales et la reconnaissance des visages
à droite, le langage à gauche. En fait, malgré des dominantes, les
compétences complexes dépendent de la coordination de plusieurs
réseaux neuronaux localisés dans les deux hémisphères.
Les hémisphères sont divisés en lobes accomplissant des tâches
différentes. Du lobe occipital à l’arrière de la boîte crânienne au
lobe frontal à l’avant, on trouve des fonctions de plus en plus
sophistiquées. Par exemple, le lobe occipital est essentiel pour la
vision, le lobe temporal joue un rôle dans l’audition, la mémoire et
la reconnaissance des objets, le lobe pariétal est important pour le
Lobe occipital
Lobe temporal
© Réseau Canopé
UN NEURONE
Dendrite
Corps cellulaire
Noyau
Axone
Terminaison neuronale
© Réseau Canopé
LA SYNAPSE
Axone
Neurotransmetteurs
Synapse
Récepteurs
Dendrite
© Réseau Canopé
PLASTICITÉ CÉRÉBRALE
Ce remodelage permanent du cerveau, synaptogénèse, élagage,
développement et réorganisation des réseaux neuronaux est à
l’origine du concept de plasticité cérébrale. Le cerveau est plastique
tout au long de sa vie, pour ce qui est du nombre de neurones et
de synapses. L’acquisition de nouvelles compétences résulte de la
formation de nouvelles connexions mais aussi de l’élagage d’autres.
Les réseaux qui ne sont pas utilisés s’affaiblissent et peuvent
20
Lanoë Céline, Lubin Amélie, Rossi Sandrine, « Découvrir son cerveau pour mieux apprendre »,
Les Cahiers pédagogiques, n° 527, fév. 2016, p. 39-40. Les mêmes auteurs ont publié récemment Décou-
vrir le cerveau à l’école. Les sciences cognitives au service des apprentissages, Canopé, 2017.
21
Brown Peter C., Roediger Henry L., Mc Daniel Mark A., Mets-toi ça dans la tête ! Les stratégies d’appren-
tissage à la lumière des sciences cognitives, Genève, éditions Markus Haller, 2016, p. 119, 214 et 264.
22
Dehaene Stanislas, Les Neurones de la lecture, Paris, Odile Jacob, 2007.
25
Griffin S. A., Case R. et Siegler R. B., Comment apprend-on ? La recherche au service de la pratique, OCDE,
2010, p. 108.
26
Voir par exemple le site de l’Inserm sur la question : https://www.inserm.fr/information-en-sante/
dossiers-information/troubles-apprentissages. Mais aussi « Le cerveau de l’apprenant » du docteur
Pouhet, téléchargeable en ligne : http://www.apedys.org/dyslexie/article.php?sid=1125
27
Pour en savoir davantage, on peut obtenir le fascicule « Dystinguons les dys » sur le site
http://dystinguonsnous.com/
« Sois attentif ! »,
« Concentre-toi ! », « Fais
un peu attention à ce
que je te dis ! », « Tu te
laisses distraire trop
facilement »…
Qui d’entre nous se sou-
vient du moment où on
lui a enseigné, à l’école ou ailleurs, les moyens d’être attentif et
de se concentrer ? Nous avons pratiquement tous dû trouver par
nous-mêmes, certains n’ont jamais vraiment réussi, et les jeunes
d’aujourd’hui rencontrent bien plus de difficultés, encore « dans
un monde de distractions » comme le dit Jean-Philippe Lachaux 28.
Or, l’attention est primordiale puisque sans elle on ne peut ni
comprendre, ni apprendre, ni même voir parfois, s’il est vrai qu’on
ne voit vraiment que ce que l’on a l’intention de regarder et qu’on
est préparé à reconnaître.
28
Lachaux Jean-Philippe, Les Petites Bulles de l’attention. Se concentrer dans un monde de distraction, Paris,
Odile Jacob, 2016.
SOMMAIRE
D E L’AT T E N T I O N
DES ASPECTS
DANS LA CLASSE
ORGANIQUES
Nous avons vu précédemment que l’exé-
AUX PISTES
cution d’une tâche, même élémentaire,
PÉDAGOGIQUES
requiert l’activation coordonnée d’aires
cérébrales distinctes, chacune traitant une
partie de la tâche globale. Des psycholo-
gues et philosophes ont utilisé au début
du xxe siècle le terme « engramme » pour
nommer ce réseau spécifique qui laisse
des traces mnésiques dans notre cerveau 29.
29
« … Les cellules ou les groupes de cellules nerveuses ont la capacité de se remettre sous des
influences diverses dans l’état où un excitant extérieur les avait mises, qu’on appelle cette possi-
bilité trace cérébrale ou engramme. » Sartre, L’Imagination, Paris, Gallimard, 1936, p. 115.
30
Posner Michael, Comprendre le cerveau : naissance d’une science de l’apprentissage, op. cit.
31
Voir l’ouvrage d’Yves Citton, L’Économie de l’attention, Paris, éditions La découverte, 2014 :
http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-L_economie_de_l_attention-9782707178701.html
32
Huron Caroline, « Le cerveau peut-il faire deux choses à la fois ? », conférence du 5 octobre 2015
à l’Unesco : http://lc.cx/prxp
Lachaux Jean-Philippe, Le Cerveau funambule. Comprendre et apprivoiser son attention grâce aux neuros-
36
37
Voir la petite vidéo de Jean-Philippe Lachaux, « Le cerveau funambule 2 » : https://lc.cx/prgo
38
« Proposition d’Action Immédiate » pour Jean-Philippe Lachaux, l’envie soudaine de faire autre
chose.
39
État dynamique de concentration qui oriente vers le stimulus et prépare à une réaction rapide à
tout ce qui pourrait survenir.
40
Voir la petite vidéo de Jean-Philippe Lachaux, « Le cerveau funambule 3 » : https://lc.cx/prgb
41
Voir la petite vidéo de Jean-Philippe Lachaux, « Le cerveau funambule 1 » : https://lc.cx/prMM
42
Aberkane Idriss, Libérez votre cerveau. Traité de neurosagesse pour changer l’école et la société, Paris,
Robert Lafont, 2016, p. 75.
43
Cours de Stanislas Dehaene, « Introspection et métacognition : les mécanismes de la connaissance
de soi » : www.college-de-france.fr/site/stanislas-dehaene
Si l’apprentissage ne
peut se concevoir sans
attention au départ, les
mécanismes qui per-
mettent l’acquisition
de connaissances et
de compétences, leur
stockage dans notre
mémoire de manière à pouvoir être convoquées pour donner sens
aux situations futures et résoudre de nouveaux problèmes, faire
face à des situations inédites, sont très complexes.
Faut-il comprendre pour apprendre ou apprendre pour com-
prendre ? La réponse à cette question est moins évidente qu’on
ne l’imagine tant compréhension et mémorisation sont intriquées.
Quelle différence entre comprendre et apprendre, entre comprendre
et réfléchir ? À quelles conditions une expérience permet-elle
l’apprentissage ? Questions essentielles pour l’enseignant qui met
en place des situations d’apprentissage, individuelles ou en groupes,
dans le but de permettre à chaque élève d’acquérir des savoirs, des
savoir-faire, des savoir-être et des savoir-devenir.
SOMMAIRE
Les enseignants ont tendance à penser
DISTINGUER,
qu’il faut comprendre pour apprendre et
COMPRENDRE
même que, si on a compris, on sait.
ET MÉMORISER
Combien de fois avons-nous dit aux
élèves : « Comment, vous ne savez pas
ça ? Mais pourtant nous l’avons vu ! » Nous
l’avons même généralement « vu » plu-
sieurs fois et nous nous désespérons qu’il
n’en reste rien, ou pas grand-chose. Mais
nous-mêmes, quand nous assistons à
une conférence que nous comprenons,
pouvons-nous en conclure qu’en repartant nous avons retenu tout
ce que nous avons compris ? On peut facilement en avoir l’illusion.
Un contrôle des connaissances dans les jours qui suivent sur les
points abordés ou l’obligation d’expliquer, sans regarder nos notes,
tout ce que nous avons entendu nous ramènerait à la réalité. Joseph
Stordeur 45 permet à l’enseignant de réaliser vraiment la différence
entre comprendre, apprendre et mémoriser.
Sur le plan chimique, il semblerait que les mécanismes de la com-
préhension provoquent l’ouverture des canaux à sodium, la sortie
du potassium et l’inversion du potentiel électrique sur une petite
portion de l’axone grâce à la pompe à sodium. La transmission
de l’influx nerveux entraînerait le plaisir de l’ « insight », mais ne
laisserait aucune trace en mémoire. L’apprentissage au contraire se
produit lors d’une sollicitation intense et répétée : reformulation de
ce qu’on a compris pour soi-même ou pour autrui, prise de notes
en différé, mise au net sous forme de schéma ou de tableau… Il
entraînerait la production en grande quantité de neuromédiateurs
comme les glutamates ; les canaux permettraient l’entrée du cal-
cium qui assurerait la transcription du message. De nombreuses
45
Stordeur Joseph, Comprendre, apprendre, mémoriser. Les neurosciences au service de la pédagogie,
Bruxelles, De Boeck, 2014.
46
Bear Mark F., Connors Barry W. et Paradiso Michael A., Neurosciences, à la découverte du cerveau,
chap. 25 : « Mécanismes moléculaires de l’apprentissage et de la mémorisation », Paris, éditions
Pradel, 2016 (4e édition), p. 894 à 923.
47
Théorie psychologique, philosophique et biologique selon laquelle les phénomènes psychiques ou
biologiques doivent être considérés comme des ensembles structurés indissociables (les formes) et
non comme une simple juxtaposition ou addition d’éléments.
48
Les mécanismes qui modulent l’expression du patrimoine génétique en fonction du contexte.
49
Eustache Francis, Guillery-Girard Bérengère, La Neuroéducation. La mémoire au cœur des apprentis-
sages, Paris, Odile Jacob, 2016.
100 %
75 %
50 %
25 %
temps
1 jour
er
2 jour
e
7 jour
e
30 jour
e
© Anxa
50
La courbe d’oubli d’Hermann Ebbinghaus établit qu’après une séance de lecture d’une heure, on
a déjà oublié de 50 à 80 % des informations qu’on a lues le lendemain, entre 85 et 90 % sept jours
plus tard, et environ 97 % après un mois…
© Le Pommier
© MNESIS (Modèle NÉoStuctural InterSystémique), extrait d’Eustache Francis, Les Chemins de la
51
mémoire, Le Pommier, 2010, 544 p. ; adapté d’Eustache Francis et Desgranges Béatrice, Neuropsycho-
logy Review, 2008, vol. 18, p. 53-69.
L A N É C E S S I T É D E L’ E F F O R T
Pendant toute une période, on a estimé que les enfants apprenaient
mieux par le jeu et s’ils n’avaient pas à fournir d’efforts. Les auteurs
de Mets-toi ça dans la tête ! 54 s’inscrivent en faux contre cette théorie,
séduisante certes, mais trompeuse de leur point de vue. Soyons
clairs, il ne s’agit pas de proscrire les apprentissages ludiques qui
peuvent susciter la motivation, stimuler l’imagination ou encoura-
ger le passage à l’action ; d’ailleurs, certains jeux demandent des
efforts. Il ne s’agit pas de supprimer les travaux de groupes indis-
pensables et précieux pour une foule de raisons. Il ne s’agit pas non
plus de rechercher l’effort pour l’effort dans un cadre moralisant,
voire dans une démarche sadique. Il semble seulement que le jeu,
le travail de groupe doivent toujours démarrer ou déboucher sur un
temps d’appropriation individuelle qui réclame un retour sur soi,
un effort de réflexion ou de remémoration. Effort et plaisir ne sont
pas contradictoires à certaines conditions : que la nécessité de cet
effort soit bien expliquée à partir de la compréhension du fonction-
nement du cerveau, que les moyens les plus efficaces de mémoriser
54
Brown Peter C., Roediger Henry L. Mc Daniel Mark A., op. cit.
EXERCICES DE MÉMORISATION
ET MOYENS MNÉMOTECHNIQUES
L’enseignant peut entraîner ses élèves sur des exercices de mémo-
risation très simples pour leur faire repérer les stratégies efficaces.
On présente vingt mots répartis en quatre colonnes et cinq lignes
et on laisse deux minutes pour les retenir. Ensuite, on confronte
les moyens utilisés par les uns et les autres. Les regroupements
de mots et de chiffres sont efficaces par souci d’économie, c’est
57
Brown Peter C., Roediger Henry L. Mc Daniel Mark A., op. cit., p. 215.
PISTES PÉDAGOGIQUES
60
OCDE, Comment apprend-on ? La recherche au service de la pratique, Paris, OCDE, 2010, p. 15.
L’attention, la mémo-
risation, la compré-
hension, la réflexion
sont des fonctions
supérieures mais ces
activités mentales
doivent être coordon-
nées et régulées, en
particulier pour mener à bien une tâche qui n’est pas automati-
sée. Ces fonctions exécutives sont essentielles, elles ne doivent
pas être négligées.
Les fonctions qui permettent d’interagir avec l’environnement par
les organes sensoriels et de programmer les réponses motrices
sont les fonctions sensorignosiques 61 et practomotrices 62 dites de
bas niveau. Les fonctions qui permettent d’organiser, de réguler et
d’optimiser les traitements intellectuels sont dites de haut niveau.
Les zones mises en jeu dans ces fonctions exécutives sont essen-
tiellement localisées dans le cortex préfrontal, en interaction avec
les autres aires cérébrales.
61
Fonctions liées à la perception et au décodage des perceptions.
62
Fonctions concernant les gestes et les mouvements.
SOMMAIRE
Les fonctions supérieures, transversales,
LES FONCTIONS
intégratrices, coordonnent et gèrent
COGNITIVES
l’ensemble des fonctions cognitives mises
EN INTERACTION
en jeu lors de l’exécution d’une tâche.
Elles nous permettent de nous adapter
à une nouvelle activité et à l’environne-
ment. Olivier Pouhet compare leur rôle à
celui du chef d’orchestre.
Le contrôle et la régulation de l’action
nécessitent la mise à jour du contenu de
l’information entrante afin de rafraîchir
la mémoire de travail en fonction de l’objectif poursuivi. La capa-
cité d’inhibition bloque les actions inappropriées et résiste aux
interférences causées par des informations non pertinentes. Ce
qui suppose une évaluation constante de la progression de l’action,
un jugement porté sur son degré de réussite et donc sur ce qu’il
convient de poursuivre ou de modifier.
La flexibilité mentale définit la capacité de changer de tâche ou
de stratégie, à passer d’une opération cognitive à l’autre. C’est ce
qui va permettre à l’adulte de mener plusieurs tâches en parallèle,
de partager son attention en passant très rapidement de l’une à
l’autre, en accordant à chacune exactement le temps nécessaire
au bon moment et en calibrant l’échantillonnage requis, c’est-à-
dire le rythme auquel il faut y revenir en fonction de la complexité
et de la vitesse d’évolution de la situation. Une grande flexibilité
mentale donne l’illusion de la double tâche à celui qui le vit comme
à celui qui l’observe.
© Nicole Bouin
63
Extrait de la brochure en ligne du Centre de réadaptation fonctionnelle neurologique ambulatoire
(CRFNA), « Comprendre les fonctions exécutives » : https://lc.cx/prE8
64
Favre Daniel, Cessons de démotiver les élèves. 19 clés pour favoriser l’apprentissage, Paris, Dunod,
2e édition, 2015.
65
Boimare Serge, Ces enfants empêchés de penser, Paris, Dunod, 2008.
66
Houdé Olivier, Apprendre à résister, Paris, Le Pommier, coll. « Manifestes », 2014.
67
Kahneman Daniel, Système 1, système 2. Les deux vitesses de la pensée, Paris, Flammarion, 2011 :
https://lc.cx/p89o
68
Fradin Jacques, L’Intelligence du stress, Paris, Eyrolles, 2008.
69
Houdé Olivier, Apprendre à résister, op.cit.
70
Allaire-Duquette Geneviève, Bélanger Marc, Masson Steve, « Le rôle de l’imagerie cérébrale pour
comprendre les difficultés associées à l’apprentissage de concepts contre-intuitifs en sciences »,
ANAE, n° 134, mars 2015, p. 47 à 53.
71
Deshaies Isabelle, Miron Jean-Marie, Masson Steve, « Comprendre le cerveau des élèves pour mieux
les préparer aux apprentissages en arithmétique dès le préscolaire », ANAE, n° 134, mars 2015,
p. 41 à 43.
72
On pourra se reporter à Armelle Géninet, Faites-les réussir en maths. De l’école à l’entrée au lycée,
2e édition, Lyon, Chronique sociale, 2017.
PISTES PÉDAGOGIQUES
– S’appuyer sur des exercices ludiques pour amener les élèves à prendre conscience de
ce qu’est l’inhibition, la flexibilité, la planification, l’attention partagée.
– Entraîner les élèves à repérer les situations qui autorisent un pilotage automatique et
celles qui nécessitent la mobilisation de toutes les fonctions exécutives conscientes.
– Apprendre aux élèves à faire confiance à leurs intuitions tout en restant conscients des
biais et des risques d’erreurs.
– Aider les élèves à repérer les indices qui doivent les amener à passer d’un mode intuitif
à un mode réfléchi.
– Développer dès le plus jeune âge les capacités d’inhibition par des jeux et exercices
adaptés.
– Vérifier que les exercices proposés n’excèdent pas les capacités des élèves auxquels
ils sont destinés.
73
Eustache Francis, Guillery-Girard Bérengère, op. cit., p. 41 à 43.
SOMMAIRE
L’immaturité du cortex préfrontal des
LE HIATUS
adolescents joue sans doute un rôle
ADOLESCENT
crucial dans l’instabilité de leur com-
portement et leur cerveau est parfois
comparé à un chantier. « L’adolescence
cérébrale dure plus longtemps qu’on ne
le croyait jusqu’à récemment 74 ». En effet,
si le poids du cerveau d’un enfant de 12
ans est à peu près celui du cerveau
adulte, il continue à grandir et à se myé-
liniser de l’arrière vers l’avant jusqu’à
l’âge adulte (entre 20 et 30 ans). Les substances grises et blanches
subissent d’importantes modifications structurelles bien après
la puberté et une deuxième vague de synaptogénèse et d’élagage
déferle à la fin de l’adolescence, affectant en particulier les fonc-
tions mentales exécutives évoquées dans le chapitre précédent.
À ce stade, ce n’est pas le nombre de cellules neurales qui est en
cause, mais le nombre de synapses qui relient les neurones qui
évolue notablement. Le stade d’évolution du striatum ventral
droit qui régule le système de récompense peut par exemple
expliquer les comportements risqués adoptés par les adolescents
lorsqu’ils sont immédiatement gratifiants. La glande pinéale
produisant la mélatonine, l’hormone du sommeil, semble déclen-
cher la sécrétion plus tard dans la journée que chez les enfants
ou les adultes, d’où probablement le rythme décalé des adolescents
qui s’endorment tard et n’arrivent pas à se lever le matin. Si on
adaptait les rythmes scolaires à leurs besoins, les cours auraient
lieu de 10 à 13 h 30 et de 17 à 19 h 30 dans les lycées. Les hormones
sexuelles agissent sur le centre émotionnel du cerveau, influencent
l’émission de sérotonine et d’autres neurotransmetteurs, régulant
74
OCDE, Comprendre le cerveau : naissance d’une science de l’apprentissage, op. cit., p. 50.
Wallis Claudia et al., « Les adolescents : les secrets de leur cerveau (et de leur comportement) »,
75
77
Favre Daniel, Transformer la violence des élèves, Paris, Dunod, 2007.
© Nicole Bouin, d’après le schéma de Daniel Favre dans son ouvrage Cessons de démotiver les élèves.
19 clés pour favoriser l’apprentissage, Dunod, 2e édition, sept. 2015, p. 40.
79
OCDE, Comprendre le cerveau : vers une nouvelle science de l’apprentissage, OCDE, 2002, p. 101.
80
Boimare Serge, L’Enfant et la Peur d’apprendre, Dunod, Paris, 2005 ; Boimare Serge, Ces enfants empê-
chés de penser, op. cit.
82
Serres Michel, Petite Poucette, Le Pommier, coll. « Manifestes », 2012. L’auteur y décrit les enfants
habitués dès leur plus jeune âge à utiliser leurs pouces pour envoyer des textos.
83
On trouve facilement sur Internet des dessins de Martin Handford, auteur des albums de la série
« Où est Charlie ? » ou des dessins de l’artiste hongrois Gergely Dudás, alias Dudolf, ou des devi-
nettes d’Épinal.
84
Siaud-Facchin Jeanne, « Méditation, enfance et apprentissages font-ils bon ménage ? », Cahiers
pédagogiques, n° 527, fév. 2016, p. 53-55 ; Siaud-Facchin Jeanne, Tout est là, juste là. Méditation de pleine
conscience pour les enfants et les ados aussi, Paris, Odile Jacob, 2014.
85
Le fait de pouvoir mettre des mots sur les sensations, les émotions qui deviennent alors des senti-
ments dont on peut parler et sur lesquels on peut agir.
86
Rizzolatti Giacomo, Sinigaglia Corrado, Les Neurones miroirs, Paris, Odile Jacob, 2007.
87
Pasquinelli Elena, « Améliorer le dialogue entre les sciences cognitives et l’éducation en s’inspirant
des relations entre la recherche fondamentale et la médecine clinique », ANAE. La neuroéducation,
n° 134, mars 2015, p. 24.
– Prendre en compte les contraintes cérébrales des adolescents pour interpréter leur
comportement.
– Éviter les orientations scolaires et professionnelles précoces.
– Créer des rituels à la fois sécurisants par la répétition et innovants par les variations.
– Éviter tout jugement stigmatisant enfermant l’élève dans ses limites et ses incapacités
provisoires.
– Travailler l’alphabétisation émotionnelle et initier à l’analyse de situations
interpersonnelles.
– Expliquer les réactions instinctives de défense et d’attaque et entraîner les jeunes à les
contrôler.
– Protéger les élèves de tout ce qui peut provoquer des réactions de peur, des frustrations
inutiles, l’humiliation et l’insécurité.
– Éduquer les jeunes à la frustration lorsque celle-ci est souhaitable ou inévitable.
– Développer les liens interpersonnels ressentis comme du respect, de la
reconnaissance, de la bienveillance pour instaurer un climat de sécurité.
– Proposer des séances de nourrissage culturel ritualisé dans des contextes où les élèves
en ont besoin.
– Entraîner les jeunes à repérer les indices d’une pensée dogmatique et à reformuler en
langage non dogmatique.
– Multiplier les variantes d’exercices développant l’écoute et la capacité d’argumentation.
– S’appuyer sur les compétences développées par l’usage des écrans et aider les jeunes
à combler les lacunes dues à cette pratique, par exemple l’analyse fine des textes et
des images.
– Utiliser tous les moyens de favoriser, de mettre en évidence et en valeur le dialogue
interne.
– Conseiller la méditation de pleine conscience ou le yoga à des élèves qui gèrent mal
leur stress, souffrent de difficultés de concentration ou de troubles des apprentissages.
– Ne pas s’interdire la pédagogie de l’imitation dans des domaines où on constate
son efficacité.
SOMMAIRE
et cognition ne sont pas intimement mêlées. Mais dans quelles
mesures peut-on prendre en compte ces liens sur le terrain péda-
gogique sans sortir de notre mission première ?
92
Médecin et chercheur en physiologie et en psychiatrie (1913-2007) connu pour avoir proposé
un modèle qui distingue le cerveau reptilien, le cerveau limbique et le néocortex.
96
Masson Julien, « La bienveillance à l’école… pourquoi ? Et pour quoi ? », janv. 2017 : https://lc.cx/pH4s
98
Bandura Albert, Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle, Bruxelles, De Boeck, 2007.
99
Le programme pédagogique neuroéducatif « À la découverte de mon cerveau : quels bénéfices
pour les élèves d’école élémentaire ? », ANAE, La neuroéducation, n° 134, mars 2015, p. 55 à 62.
100
Dweck Carol, Changer d’état d’esprit, une nouvelle psychologie de la réussite, Bruxelles, Mardaga, 2010.
101
Trouilloud David, Sarrazin Philippe, « Les connaissances actuelles sur l’effet Pygmalion : proces-
sus, poids et modulateurs », Revue française de pédagogie, n° 145, 2003, p. 91 à 119.
102
OCDE, Comment apprend-on ? La recherche au service de la pratique, op. cit., p. 135.
103
Della-Chiesa Bruno, op. cit., p. 129.
104
« Du contexte au cortex : à la découverte des neurones sociaux », Paris, CNRS, 22 mai 2017 :
https://lc.cx/pHJa
PISTES PÉDAGOGIQUES
Un neuromythe est
une croyance infon-
dée scientifiquement
ou une extrapolation
erronée de travaux
scientifiques qui donne
lieu à des dérives. La
plupart des neuroscien-
tifiques dénoncent comme neuromythes la brain gym, « tout se joue
avant 6 ans », les styles d’apprentissage, cerveau droit/cerveau
gauche, les périodes critiques, l’utilisation de 10 % du cerveau, les
différences liées au sexe, la perte des neurones avec l’âge... On se
reportera à l’ouvrage d’Elena Pasquinelli 106 qui se présente comme
un voyage plaisant et instructif au royaume des neuromythes.
Le terme neuromythe a d’abord été utilisé dans les années 1980
dans le domaine chirurgical pour désigner des idées non scien-
tifiques sur le cerveau. Le terme « neuromythologie » apparaît
dans le champ de l’éducation en 2002 dans une publication de
106
Pasquinelli Elena, Mon cerveau ce héros. Mythes et réalité, Paris, Le Pommier, coll. « Manifestes », 2015.
SOMMAIRE
l’OCDE 107 : il y est défini comme une croyance erronée à propos du
fonctionnement du cerveau. Bruno della Chiesa 108, Steve Masson 109,
Elena Pasquinelli, pour ne citer qu’eux, ont longuement abordé la
question dans plusieurs articles et ouvrages.
107
OCDE, Comprendre le cerveau : vers une nouvelle science de l’apprentissage, Paris, OCDE, 2002,
chap. 4.6, p. 80 à 91.
108
Della Chiesa Bruno, « Neuroéducation : attention danger ! », op. cit., p. 26-28.
109
Masson Steve, « Les Apports de la neuroéducation à l’enseignement : des neuromythes aux décou-
vertes actuelles », ANAE. La neuroéducation, n° 134, mars 2015, p. 13-22.
110
Bruer John T., « Education and the brain: A bridge too far », Educational Researcher, vol. 26, 1997,
p. 4-16.
113
Houdé Olivier, « Plusieurs intelligences détectées dans le cerveau », Cerveau et psycho, n° 68, mars-
avr. 2015, p. 46-55.
114
Legendre Renald, Dictionnaire actuel de l’éducation, Paris, Guérin, 1993.
115
Gaussel Marie, « Ce que la recherche nous dit sur les styles d’apprentissage (ou retour sur un
neuromythe) », Edupass, 7 nov. 2016 : https://edupass.hypotheses.org/1049
Pashler H., MCDaniel M., Roher D., et Bjork R., « Learning styles: Concepts and evidence », Psycholo-
117
121
Lachaux Jean-Philippe, Les Petites Bulles de l’attention. Se concentrer dans un monde de distractions,
op. cit., p. 23.
122
Eustache Francis, Guillery-Girard Bérengère, op. cit., p. 98-100.
123
OCDE, Comment apprend-on ? La recherche au service de la pratique, op. cit., p. 16, 133, 134.
124
Rose D. H. et Meyer A., Teaching Every Student in the Digital Age. Universal Design for Learning, Alexan-
dria, VA: Association for Supervision and Curriculum Development, 2002.
125
OCDE, Comprendre le cerveau : naissance d’une science de l’apprentissage, op. cit., p. 66.
126
Pasquinelli Elena, « Améliorer le dialogue entre les sciences cognitives et l’éducation en s’inspi-
rant des relations entre la recherche fondamentale et la médecine clinique », op. cit., p. 28.
127
Pasquinelli Elena, Mon cerveau, ce héros. Mythes et réalité, Paris, Le Pommier, 2015, p. 155.
128
Stage organisé par Initiative et Formation Provence du 6 au 9 juillet 2015 à Aix-en-Provence.
On peut trouver en ligne de nombreux cours de Steve Masson sur ce sujet.
SOMMAIRE
l’attention, entraîner à l’inhibition… Autant de pratiques inspirées
des sciences cognitives qui vont dans le sens d’un changement de
posture de l’enseignant qui ne transmet plus seulement des savoirs
mais développe une expertise de l’appropriation des connaissances
par les élèves : il conçoit des stratégies et dispositifs, recourt à des
méthodes, crée un environnement favorable à la construction de
la pensée et à la métacognition qui conduisent à l’autonomie.
Il accompagne les apprentissages grâce à une bonne maîtrise
des mécanismes cognitifs, il met à disposition des ressources
en prenant en compte les besoins spécifiques tout en favorisant
les interactions entre élèves et la cohésion du groupe classe. Une
posture qui requiert de multiples compétences et qui suppose une
solide formation initiale et continue.
Peut-être faudrait-il imaginer un maillon entre les scientifiques et
les enseignants pour assurer la communication et le transfert du
laboratoire à la classe, des formateurs qui disposeraient à la fois
d’une formation scientifique et de compétences pédagogiques, à
même de former les professeurs et de les accompagner en ana-
lyse des pratiques ? Il ne s’agit pas de fournir des modules clé en
main ou d’imposer les bonnes pratiques mais de permettre aux
pédagogues de s’approprier cette culture pour enrichir et optimiser
leur enseignement en fonction de l’âge et du niveau des élèves,
de la discipline, du contexte dans lequel ils exercent, de leur style
d’enseignement… La plupart des chercheurs incitent d’ailleurs
à la prudence prescriptive comme Elena Pasquinelli 129 qui nous
rappelle que les neurosciences ne sont pas pour le pédagogue un
GPS qui lui imposerait une pratique mais une boussole qui oriente
sa réflexion.
Pasquinelli Elena, « Améliorer le dialogue entre les sciences cognitives et l’éducation en s’inspi-
129
rant des relations entre la recherche fondamentale et la médecine clinique », ANAE. La Neuroédu-
cation, op. cit., p. 23-29.
Houdé Olivier, Apprendre à résister, Paris, Le OCDE, Comprendre le cerveau : naissance d’une
Pommier, coll. « Manifestes », 2014. science de l’apprentissage, Paris, OCDE, 2007.
SOMMAIRE
OCDE, Comment apprend-on ? La recherche au Stordeur Joseph, Comprendre, apprendre,
service de la pratique, Paris, OCDE, 2010. mémoriser. Les neurosciences au service de la
pédagogie, Bruxelles, De Boeck, 2014.
Pasquinelli Elena, Du labo à l’école : science et
apprentissage, Paris, Le Pommier, 2014. Toscani Pascale (dir.), Les Neurosciences de
l’éducation. De la théorie à la pratique en classe,
Pasquinelli Elena, Mon cerveau ce héros. Lyon, Chronique sociale, 2017.
Mythes et réalité, Paris, Le Pommier, 2015.
SOMMAIRE
SUR L A MÊME THÉMATIQUE
À DECOUVRIR ÉGALEMENT :
L E S P U B L I C AT I O N S D E S C A H I E R S P É D A G O G I Q U E S