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ISSN: 2658-8455

Volume 4, Issue 6-1 (2023), pp. 166-189.


© Authors: CC BY-NC-ND

La boite à outils de l’analyse des politiques publiques : une variété


de modèles
Public policy analysis toolbox: a variety of models

Abdelghani KOURA, (Doctorant)


Laboratoire des Etudes et des Recherches en Sciences Economiques et Gestion (LERSEG),
Faculté Polydisciplinaire,
Université Sultan Moulay Slimane, Beni Mellal,

Abdeslam BOUDHAR, (Enseignant-chercheur)


Laboratoire de Recherche en Economie et Management des Organisation (LAREMO),
Ecole Nationale de Commerce et de Gestion,
Université Sultan Moulay Slimane, Beni Mellal,

Mohamed OUDGOU, (Enseignant-chercheur)


Laboratoire de Recherche en Economie et Management des Organisation (LAREMO),
Ecole Nationale de Commerce et de Gestion,
Université Sultan Moulay Slimane, Beni Mellal,

Faculté Polydisciplinaire, Université Sultan Moulay Slimane,


Adresse de correspondance : Maroc, Beni Mellal
23000

Les auteurs n'ont pas connaissance de quelconque financement


Déclaration de divulgation :
qui pourrait affecter l'objectivité de cette étude.
Conflit d’intérêts : Les auteurs ne signalent aucun conflit d'intérêts.
KOURA, A., BOUDHAR, A., & OUDGOU, M. (2023). La
boite à outils de l’analyse des politiques publiques : une variété
Citer cet article de modèles. International Journal of Accounting, Finance,
Auditing, Management and Economics, 4(6-1), 166-189.
https://doi.org/10.5281/zenodo.10253062

Cet article est publié en open Access sous licence


Licence
CC BY-NC-ND

Received: October 12, 2023 Accepted: December 02, 2023

International Journal of Accounting, Finance, Auditing, Management and Economics - IJAFAME


ISSN: 2658-8455
Volume 4, Issue 6-1 (2023)

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Abdelghani KOURA., Abdeslam BOUDHAR & Mohamed OUDGOU. La boite à outils de l’analyse des politiques publiques :
une variété de modèles.

La boite à outils de l’analyse des politiques publiques : une variété de


modèles

Résumé
La logique veut que l’élaboration d’une politique publique s’appuie sur des études, des analyses, des
consultations, une évaluation des diverses options et, enfin, une synthèse des informations disponibles. Plus
ce processus d’élaboration des politiques est fait sur des bases solides, plus les chances d’adopter la bonne
décision sont fortes. Dans ce cadre, l’une des préoccupations majeures qui gênent les décideurs, est le choix
d’un mode d’analyse qui leur permet d’étudier efficacement une politique publique ; avant, durant et après
sa mise en œuvre effective. Le présent article a comme principal objectif, de présenter une boite à outil de
l’analyse des politiques publiques, contenant les modèles conçus par les chercheurs au fil des années. Les
modèles d’analyse traités dans notre travail sont les modèles les plus utilisés dans le domaine politique à
savoir : le modèle des étapes (process or stages model, et le modèle rationnel (rational model) ainsi que ses
dérivés, à savoir la rationalité complète, la rationalité limitée et l’incrémentalisme.

Mots-clés : Modèles des politiques publiques, l’analyse des politiques publiques, modèle des étapes, modèle
rationnel, l’incrémentalisme
Classification JEL: J18, J58, F68, H40
Type de l’article: Recherche théorique

Abstract
Logic dictates that the development of public policy should be based on studies, analyses, consultations, an
assessment of the various options and, finally, a synthesis of the available information. The more soundly
based this policy development process is, the greater the chances of adopting the right decision. Within this
framework, one of the major concerns that hampers decision-makers is the choice of a mode of analysis that
enables them to study public policy effectively; before, during and after its actual implementation. The main
aim of this article is to present a toolbox for public policy analysis, containing models designed by researchers
over the years. The analytical models discussed in this paper are those most widely used in the policy field,
namely the process or stages model, and the rational model and its derivatives, namely complete rationality,
bounded rationality and incrementalism.

Keywords: policy models, policy analysis, stages model, rational model, incrementalism
JEL Classification : J18, J58, F68, H40
Paper type: Theoretical Research

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1. Introduction :
L’analyse des politiques publiques est considérée comme une science sociale comprise entre
une multitude de pratiques et disciplines, notamment celles faisant appel à la production et le
tri des données et des informations pour analyser et mettre à jour des phénomènes empiriques.
Ces phénomènes sont par la suite conceptualisés afin d’en proposer une explication concrète,
et même, la rédaction des comptes rendus de ces pratiques, le plus souvent sous forme de textes
et rapports, pour qu’ils puissent être remontés, analysés et interprétés par les décideurs. L’un
des apports de l’analyse des politiques publiques en tant que discipline, est la façon par laquelle
les politiques publiques sont conçues et élaborées par les décideurs publics (Bongrand et al.,
2021).
La logique veut que l’élaboration d’une politique publique s’appuie sur des études, des
analyses, des consultations, une évaluation des diverses options et, enfin, une synthèse des
informations disponibles. Plus ce processus d’élaboration des politiques est fait sur des bases
solides, plus les chances d’adopter la bonne décision sont fortes. Dans ce cadre, l’une des
préoccupations majeures qui gênent les décideurs, est le choix d’un mode d’analyse qui leur
permet d’étudier efficacement une politique publique ; avant, durant et après sa mise en œuvre
effective.
Il est vain et illusoire de proposer une procédure formelle pour la conception et la conduite des
actions publiques, car aucun acteur n’est totalement maître des processus de mise en œuvre,
compte tenu de la complexité des processus d’analyse des politiques publiques et des problèmes
malicieux qu’elles essayent de résoudre. Il existe certes, des situations dans lesquelles les
pouvoirs publics peuvent, en apparence tout au moins, minimiser la recherche de compromis
politiques, mais cela reste l’exception, et comme on le dit, l’exception ne fait pas la norme.
Au fil des années, la science politique, comme toute autre discipline scientifique, a développé
un certain nombre de modèles et d’approches pour nous aider à comprendre l’action publique
et ses logiques de raisonnement. Les modèles d’analyse que nous essayerons d’étudier dans
notre travail sont des modèles conceptuels proposés par les chercheurs des politiques publiques,
il s’agit principalement des modèles qui tentent de:
- Simplifier et clarifier notre réflexion sur les politiques publiques et leur analyse ;
- Identifier les aspects importants des problèmes politiques ;
- Orienter nos efforts pour mieux comprendre les politiques publiques en suggérant ce
qui est important et ce qui ne l'est pas ;
- Proposer des explications sur les politiques publiques et prédire objectivement leurs
conséquences ;
L’analyse des politiques publiques nécessite une recherche approfondie et un cadre spécifique
afin d’en comprendre les détails. Ainsi, une variété de modèles sont utilisés afin d’examiner le
processus d’élaboration et de la mise en œuvre desdites politiques (Onur Kulaç & Özgür, 2017).
Les modèles peuvent être utiles en tant qu'outils d'analyse qui nous aident à comprendre ce qui
se passe, notamment la manière dont le pouvoir est réparti et le rôle des différents acteurs durant
l’ensemble des étapes formant le processus décisionnel.
Grâce à l'application d’une variété de modèles, nous pouvons, par exemple, comprendre le rôle
des différents groupes et acteurs, leur pouvoir les uns par rapport aux autres, les motivations
qui sous-tendent l'élaboration des politiques… etc. Les modèles et les perspectives théoriques
tels que ceux présentés dans la suite de cet article constituent donc des outils que nous pouvons
utiliser pour analyser la manière dont les décisions sont prises (Bochel & Bochel, 2017)
Le présent article a comme principal objectif, de présenter une boite à outil de l’analyse des
politiques publiques, contenant les modèles conçus par les chercheurs au fil des années. Les
modèles d’analyse traités dans notre travail sont les modèles les plus utilisés dans le domaine
politique à savoir : le modèle des étapes ( process or stages model) demeure et le modèle

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rationnel ( rationnal model) ainsi que ses dérivés, à savoir la rationalité complète, la rationalité
limitée et l’incrémentalisme. Un dernier compartiment de l’analyse des politiques publiques est
traité au niveau du dernier paragraphe de notre travail, il s’agit de l’évaluation qui constitue une
composante indissociable de toute démarche d’analyse de politiques publiques.

2. Le modèle des étapes


L’un des modèles les plus populaires entre les théoriciens et praticiens des politiques publiques
est le modèle des étapes. Ce modèle illustre bien l’utilité des cadres d’analyse en politique
publique. Il permet de présenter, de manière relativement simple, le cheminement complexe
des politiques publiques.
Le processus politique est normalement conceptualisé en parties ou étapes séquentielles. Ces
étapes varient entre cinq et sept étapes ( selon les auteurs), nous adoptons le modèle proposé
par (Howlett & Ramesh, 2003), qui alloue cinq étapes, à savoir : la mise à l’agenda, la
formulation, l’adoption, l’implémentation et finalement l’évaluation.
La loi britannique de 1956 sur la pureté de l'air (Clean Air Act)1 est un exemple concret de
politique élaborée en optant pour l’approche séquentielle. Cette loi est née de la sensibilisation
croissante du public à la pollution de l'air urbain dans les années 1950. L'apparition d'un
brouillard important à Londres a suscité de vives inquiétudes au sein de la population. Une
campagne de lobbying efficace et la disponibilité d'une solution ont rapidement conduit à une
réglementation publique sous la forme d'une législation. Le contrôle de la fumée est rapidement
devenu une politique mise en œuvre avec succès.
Dans cet exemple, le processus politique mis en œuvre a connu un début, un milieu et une fin
clairs, passant par les étapes des demandes démocratiques, de l'évaluation rationnelle des
alternatives proposées, de la négociation entre les groupes d'intérêt, puis de la mise en œuvre
effective de la mesure . Malgré les critiques formulées à ce modèle de prise de décision
organisationnelle, il ne fait aucun doute qu'il s'applique à certaines politiques, mais
probablement à une petite minorité d'entre elles (John, 1998).
Hoefer (2021) stipule que le modèle des étapes est une représentation du processus d'élaboration
de la politique en question, commençant par sa conception jusqu’à la phase de son évaluation.
Il s'agit avant tout d'une description de ce qui se passe, plutôt que d'une explication, mais il
permet également d'orienter facilement les analystes vers des aspects importants des processus
d'élaboration des politiques. Autrement dit, le modèle des étapes met en évidence la logique
procédurale de la prise de décision publique, de la définition des objectifs à l'évaluation.
Jusqu’à ce jour, il n’existe pas un processus typique d’élaboration d’une politique publique,
même dans le cadre de l’analyse séquentielle ( qui est normalement basée sur des étapes),
comme il est visualisé sur la figure 1, l’ordre chronologique des étapes proposées peut faire
l’objet d’une modification selon la politique ou le problème en question.

1
Une loi de ce nom a été adoptée par le parlement de Londres le 5 juillet 1956 à la suite du grand smog de
Londres de 1952. Cette loi entra en application deux ans plus tard. Elle devait contribuer à améliorer la qualité
de l'air dans les villes britanniques. Les fumées noires ou « sales » furent interdites et les municipalités invitées à
prendre les mesures nécessaires

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Figure 1: Les étapes de développement des politiques publiques : un flux tourbillonnaire

Source : (Hoefer, 2021)


2.1.La mise à l’agenda
Il n’y a pas de cheminement typique, linéaire ou mécanique, qui fait des problèmes sociaux des
problèmes qu’on peut qualifier de « politiques », ou qui doivent tout simplement faire l’objet
d’une intervention des pouvoirs publics . La mise à l’agenda des enjeux dépend de plusieurs
facteurs, à l’instar des rapports de forces politiques, de logiques médiatiques, d’anticipations
administratives, de pressions des groupements d’intérêts organisés et des attentes des
gouverneurs.
Le processus d’accès à l’agenda est loin d’être automatique et une large partie des travaux s’est
attachée à montrer les contraintes et restrictions qui pèsent sur la prise en charge de certaines
questions par les autorités publiques (Kubler & de Maillard, 2009). L’exemple proposé par
Kubler et Maillard pour illustrer l’ évolution historique du concept de la mise à l’agenda, est
celui de la maltraitance d'enfants, qui a commencé en tant que petite préoccupation réservée à
des organisations de charité, pour devenir par la suite, un problème d'intervention sociale
mobilisant des millions de dollars et impliquant profondément les pouvoirs publics sur plusieurs
niveaux.
La maltraitance peut être vue comme un problème privé, interne aux familles, ou un délit,
nécessitant l'intervention des autorités publiques. Après avoir été la source de débat au cours
des années 1870, cette question est redécouverte au milieu des années 1950, à une époque
marquée par des tracas pour l'équité et la justice sociale dans la société américaine. Dans ce
contexte général, la reconnaissance du problème de la maltraitance résulte de dynamiques
entrelacées. Les dynamiques bureaucratiques, expertes, médiatiques et politiques se combinent
et s'alimentent.
L’étape de la mise à l’agenda décrit la procédure par laquelle une politique et le problème
auquel elle cherche à apporter des solutions sont reconnus comme étant d’ordre public et
nécessitant par conséquent une intervention des pouvoirs publics. On distingue plusieurs types
d'agendas, dont l'agenda de discussion et l'agenda de décision sont les plus fréquemment
utilisés ; (1) L'agenda de discussion, également connu sous le nom d'agenda public, énumère
les sujets qui ont atteint un niveau élevé de visibilité et qui sont donc sujets à discussion ;
(2) L'ordre de décision, également connu sous le nom d'ordre du jour décisionnel, énumère les
questions que les gouvernements ont décidé d'aborder ;
La mise à l’agenda peut prendre cinq modèles (Levêque, 2005), le modèle le plus classique est
celui de la mobilisation qui conjugue un travail symbolique et un travail militant. Dans ce cadre,

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les représentations changent et les groupes se mobilisent pour interpeller les responsables
politiques.
Le second modèle est celui de l’offre politique qui introduit les partis politiques sur la scène
politique, principalement durant les périodes électorales où les décideurs tentent à redéfinir les
programmes d’action.
Le troisième modèle est le modèle de médiatisation qui cristallise l’impact des médias, quelles
que soient leurs formes ( radio, télévision, presse…etc.) sur la genèse des politiques publiques.
En effet ces médias participent significativement dans la construction sociale, et pourront avoir
une influence significative sur la provocation ou l’accélération de la mise à l’agenda relative à
un problème.
Le quatrième modèle est celui de l’anticipation, il tire ses principes du volontarisme politique
et concerne la mobilisation du centre, la capacité de prise d’initiative des autorités publiques
elles-mêmes. Elles perçoivent ainsi des problèmes et appellent à leur résolution.
Finalement, le modèle du corporatisme silencieux, qui fait allusion au lobbying. Il se
matérialise par une forte voix relayée par un lobby puissant et reconnu exerçant une pression
silencieuse, mais efficace, sur les décideurs politiques.
2.2.La formulation:
La création d’alternatives et de solutions politiques pour traiter les problèmes inclus dans
l’agenda public est connue sous le nom de « formulation de politiques ». Cette phase a toujours
suscité l’intérêt des chercheurs en sciences politiques, vu que c’est là où les rapports de force
se cristallisent pour préciser les orientations d’une politique donnée.
La formulation d’une politique publique est une phase au cours de laquelle une panoplie
d’actions sont mobilisées en interaction ; l’étude et analyse techniques, l’imagination, la
conception, ainsi que les modes d’ajustement, la création de coalitions2, la propagande, les
discours et la persuasion. Cependant, deux principaux aspects doivent être highlightés, vu qu’ils
sont étroitement et significativement impliqués durant cette phase. Ces deux aspects sont ; la
définition de la substance de (s) solution(s) et la définition du contexte politique, administratif
ou intellectuel qui va accompagner et concrétiser cette substance (Othmani, 2018)
Cette étape consiste, principalement, à développer un certain nombre de solutions, politiques
alternatives ou scénarios possibles, aptes à résoudre le(s) problème(s) en question. Juan Lorenzo
(2010) stipule que la formulation de la politique fait référence au processus de génération des
options sur ce qu'il convient de faire à propos d'un problème reconnu par le public. Au cours de
cette phase de l'élaboration des politiques, les options susceptibles d'aider à résoudre les
questions et les problèmes issus du processus de définition de l'agenda sont identifiés, affinés
et formalisés. Cela se produit souvent après qu'un problème a été reconnu et inscrit à l’agenda,
mais cela peut aussi se produire avant, lors de discussions sur des points "informels".
Bochel & Bochel (2017) affirment que la formulation d'une politique publique nécessite la prise
de décisions claires concernant ses objectifs, puis la sélection des instruments politiques pour
atteindre ces objectifs, en tenant compte de leur faisabilité technique et politique. La sélection
des instruments dépendra donc du contexte du problème, des personnes qui effectuent l'analyse
et des moyens et outils dont ils ont accès, de la manière dont elle est menée et de leur adéquation
avec les valeurs et les objectifs généraux d'un État dans son ensemble, de sorte que les questions
liées à l'efficience, à l'efficacité, à l'équité, à la légitimité et au soutien politique peuvent
influencer sur les choix dans toute situation donnée.

2
D'une manière générale, une coalition désigne une union momentanée pour faire face à une problématique
d'ordre politique particulière – lisez pour plus de détails : Le « monde réel » des coalitions : L'étude des alliances
partisanes de gouvernement à la croisée des méthodes Nicolas Bué, Fabien Desage

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La formulation est faite par une variété d’acteurs publics et privés, qui peuvent travailler
individuellement ou en concertation. Parmi ces acteurs, on peut citer, les bureaucraties
gouvernementales, les bureaux des groupes d'intérêt, les salles des comités législatifs, les
réunions des commissions spéciales et les think tanks3 (Dye, 2013). On parle ici de la manière
dont laquelle les décideurs choisissent de remédier à un problème faisant partie de leur agenda.
Pour ce faire, ils examinent les différents scénarios possibles et disponibles pour être appliqués,
par un ou plusieurs acteurs publics. On notera que les stratégies de plaidoyer4 des coalitions
d’acteurs visent à prioriser une interprétation particulière à la fois du problème et de ses
solutions.
De manière générale, la phase de formulation suit celle de la mise à l’agenda et précède celle
de la décision. Cependant, ces limites sont loin d'être strictes. Premièrement, la formulation
contribue également à la définition du problème et par conséquent elle impacte la mise à
l’agenda. Ensuite la formulation peut être conçue comme une prédétermination qui permet de
filtrer les options ( solutions potentielles) envisagées et les options envisageables . La mise en
acte doit donc être vue comme un processus, qui articule les activités d'analyse d'un problème
à partir de la collecte d'informations sur celui-ci, la construction d'une solution impliquant des
orientations, des procédures et des outils, la communication sur ceux-ci, et les opérations de tri,
filtrage , sélection, et de priorisation.
Les communautés politiques5 jouent un rôle critique dans le processus de formulation des
politiques publiques. Une typologie en trois volets a été proposée par (Wright, 1988). Cette
classification repose sur la distinction entre trois familles de composantes ; "l'univers politique",
"la communauté politique" et "le réseau politique". L'univers politique est la vaste population
d'acteurs et d'acteurs potentiels qui partagent un intérêt commun pour la politique en question
et qui peuvent contribuer régulièrement au processus politique.
La communauté politique, quant à elle, se réfère à un système plus désagrégé impliquant les
acteurs ( effectifs et potentiels) qui partagent un intérêt pour une problématique particulière et
qui interagissent les uns avec les autres pour un bénéfice mutuel. Finalement, le réseau
politique, dans leur esprit, devient un mécanisme de liaison entre et parmi les communautés
politiques (Hai, 2013).
À noter que la phase de formulation est affectée significativement par les tentatives antérieures
dédiées à la résolution des problèmes similaires. Les problèmes liés à la phase de formulation
peuvent pousser les décideurs à tout refaire et même procéder à la reformulation de la politique
en question.
L’enjeu est de savoir dans quelle mesure la politique peut être expliquée par le retour
d'information. Si le retour d'information n'est qu'un aspect mineur de l'élaboration des
politiques, le modèle linéaire reste plausible ; s'il est omniprésent, la linéarité disparaît et la

3
L'expression "think tank" (ou réservoir d'idées ou laboratoire d'idées) désigne une institution de droit privé, en
principe indépendante, à but non lucratif, qui regroupe des experts ou des professionnels chargés de réfléchir sur
des questions des domaines politique, économique, technologique, social, etc.
4
Le plaidoyer est une action politique. C’est un moyen pour la société́ civile d’influencer les décisions et instances
publiques, afin de défendre une cause et d’obtenir un changement de société́ souhaité. Il s’agit d’un processus
continu d’efforts stratégiques conjugués visant à améliorer les politiques, pratiques, idèles et valeurs de la société.
Il renforce la capacité de décision de la société́ civile et favorise le développement d’institutions, de politiques
et/ou de lois plus responsables et plus justes.
5 Le terme "communauté politique" fait partie d'un idiome utilisé par les chercheurs en politique, les politologues
et les spécialistes de l'administration publique pour désigner les interactions extra-formelles qui ont lieu au-delà
ou en dehors des processus formels du gouvernement et qui se produisent dans les interstices entre et parmi les
agences gouvernementales, les groupes d'intérêt, les entreprises, les associations industrielles, les représentants
élus et d'autres institutions et individus.

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politique devient une boucle continue où chaque aspect de la prise de décision intervient
simultanément (John, 1998).
2.3. L’adoption d’une politique publique
Kübler & Maillard (2010) avancent : « On pense habituellement la décision comme un
processus rationnel où un décideur public évalue les meilleures options possibles et effectue un
choix optimal. C'est l'image du décideur public rationnel qui domine. Une telle figure est bien
évidemment valorisée socialement : le décideur est un acteur clé, il fait des choix politiques et
engage l'avenir des sociétés. Les récits journalistiques et les fresques historiques sont remplis
de ces histoires où des hommes providentiels parviennent à dénouer une situation bloquée. Les
lois portent fréquemment le nom du député ou du ministre qui en ont été à l'initiative. Ces effets
sont renforcés par le fait que la décision est un moment dramatique, tendu. Elle concentre les
éléments de crise. »
Partant de ces constats, on peut conclure que l’adoption correspond à la phase où les décideurs
optent pour une ou plusieurs décisions qui privilégient des orientations spécifiques devant un
problème donné. Appelée aussi la phase de légitimation, elle est essentielle pour les différentes
parties prenantes dans le processus d’élaboration des politiques publiques; durant cette étape,
différentes alternatives sont prises en compte et les politiques sont sélectionnées pour être mises
en œuvre. Les décisions prises par les décideurs politiques sont dotées d’une force juridique, et
par conséquent les activités sont qualifiées de légitimes d’où vient l’appellation
« légitimation ».
La légitimité est incontestablement l'un des concepts fondamentaux dans l’élaboration et plus
précisément dans l’adoption des politiques publiques. Le plus souvent, elle est intimement liée
au pouvoir politique et aux autorités, et fréquemment traitée comme un facteur explicatif
indépendant de phénomènes tels que la performance des régimes et comme une caractéristique
nécessaire pour les acteurs, par exemple les États, les régimes internationaux et les institutions
politiques, qui aspirent à éviter d'être évincés par des élections ou des révolutions .
Ailleurs, la légitimité est considérée comme une condition préalable à l'autorité politique, créant
le droit pour le gouvernement d’imposer une certaine obéissance de ses citoyens lorsqu'il exerce
son pouvoir, déterminant ainsi les coûts associés au contrôle et à l'application de la conformité
publique. Dans cette catégorie, nous trouvons également un large éventail de recherches sur la
performance des nouveaux régimes de gouvernance, principalement infranationaux, confirmant
le lien suggéré entre des niveaux élevés de légitimité politique et des niveaux corrélativement
plus élevés de soutien et de respect volontaire des décisions politiques (Jagers et al., 2016).
Il est difficile pour les décideurs politiques qui pilotent la phase de décision indépendamment
des idées largement répandues dans la société. De même, plusieurs chercheurs ont souligné que
cette phase est influencée par le public, de sorte que les décideurs politiques doivent tenir
compte des souhaits, des demandes et des aspects socio-culturels des citoyens. En outre, Si les
politiques publiques sont formulées sans tenir compte des besoins des citoyens, l'avenir
politique des décideurs peut être de courte durée. Les politiques élaborées par les décideurs ( et
elles ne seraient utiles que si elles le font) doivent répondre aux besoins et résoudre les
problèmes de la société. Cependant ces actions peuvent perdre de leur efficacité au fil du temps.
La phase de décision occupe une place cruciale dans le processus d’élaboration et de mise en
place des politiques publiques. Elle est cruciale pour que le public participe au processus de
prise de décision, envisage différentes alternatives et formule des politiques en conséquence.
2.4.La phase d’implémentation :
Sabatier & Mazmanian (1983), définissent et décortiquent minutieusement la phase
d’implémentation dans le processus d’élaboration des politiques publiques, ils
avancent : “Implementation is the carrying out of a basic policy decision, usually incorporated
in a statute but which can also take the form of important executive orders or court decisions.
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Ideally, that decision identifies the problem(s) to be addressed, stipulates the objective(s) to be
pursued, and in a variety of ways, ‘structures’ the implementation process. The process
normally runs through a number of stages beginning with passage of the basic statute, followed
by the policy outputs (decisions) of the implementing agencies, the compliance of target groups
with those decisions, the actual impacts – both intended and unintended – of those outputs, the
perceived impacts of agency decisions, and finally, important revisions (or attempted revisions)
in the basic statute”
Les travaux de (Sabatier & Mazmanian, 1983) forment un pionner de l’analyse
d’implémentation des politiques publiques. Leur logique repose sur l'idée que la mise en œuvre
de la politique doit être explicitement reconnue, comme faisant partie d'un processus continu
de formulation-implémentation-reformulation. La mise en œuvre est décrite dans un cadre
conceptuel contenant des variables dépendantes qui permettent (potentiellement) d'expliquer
pourquoi certaines politiques réussissent beaucoup mieux que d'autres. Le succès de la mise en
œuvre ou de l’implémentation fluctue souvent de manière longitudinale, et les faiblesses des
efforts initiaux de mise en œuvre peuvent être progressivement éliminées (Kasali, 2014).
Une fois que le gouvernement a légitimé une forme de politique publique telle qu’un
programme, une loi, un décret, une règle, un règlement, les stipulations de cette politique
doivent être mises en œuvre, administrées et appliquées afin d'apporter le changement souhaité
par les décideurs. Cette tâche incombe par défaut le gouvernement ou l’un de ses représentants,
et nécessite, des fois, la désignation d'une agence gouvernementale responsable de la nouvelle
politique. En théorie, l'agence responsable dispose des ressources et de l'autorité nécessaires
pour veiller à ce que cette politique soit mise en œuvre comme prévu, mais dans la réalité, ce
n'est pas toujours le cas.
Un défi majeur pour faire progresser les connaissances sur le processus d'élaboration des
politiques est de comprendre l'écart flagrant entre la manière dont les politiques sont formulées
et mises en œuvre. On parle trop souvent de l’une des deux explications courantes : la première
est que l'ambiguïté de la formulation permet de conclure des accords politiques pour ouvrir la
voie à un changement de politique ; la seconde est que la compréhension des informations
techniques et scientifiques dans le processus politique crée une incertitude à laquelle les acteurs
doivent faire face lorsqu'ils évaluent les options politiques disponibles lors de la phase de
formulation. La mesure dans laquelle les acteurs politiques peuvent gérer l'ambiguïté et
l'incertitude contribue à l'apprentissage des outils politiques à mettre en œuvre et par conséquent
améliore du processus décisionnel (Taylor et al., 2021).
Schofield (2001) procède à la conceptualisation des liens entre les différents aspects en relation
avec la phase d’implémentation. Il affirme que la mise en œuvre intervient lorsque le macro (la
politique centrale) interagit avec le micro (les institutions, le public, le problème lui-même). Le
contexte est donc aussi important que la politique elle-même. En essayant de décrire ces
facteurs contextuels éloignés du centre, on procède à un exercice de "cartographie à rebours".
Dans cet exercice, les processus de mise en œuvre sont analysés à partir des résultats et de
l'impact de la politique plutôt que de son objectif. Par définition, une telle approche signifie
également que l'on s'éloigne des approches à un seul acteur et à un seul cas pour s'intéresser à
l'analyse d'acteurs multiples.
2.5.La phase d’évaluation :
Comme (Becker, 1985) l’avait dit : «Si l'intention des politiques publiques était pleinement
connue, je suis convaincu que le secteur public se révélerait être un producteur et un
redistributeur bien plus efficace que ce que l'on croit généralement ». De nombreuses politiques
échouent parce qu’elles nécessitent l’exécution des tâches qui sont difficiles à accomplir. Si l'on
ajoute à cela la propension à la corruption, à l'incompétence et aux motivations politiques,
auxquelles sont sujettes ces politiques, il semble tout à fait normal que les choses ne se déroulent

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souvent pas comme il le faut. Mais bien que ces faiblesses évidentes du processus d'élaboration
des politiques constituent de difficultés colossales, ce sont des problèmes qui peuvent en
principe être résolus. Plus d'efforts, plus d'informations, une meilleure gouvernance, des experts
plus intelligents, plus de transparence et de bonne volonté, tout cela peut faire beaucoup pour
atténuer ces problèmes et améliorer la mise en œuvre des politiques publiques (Mueller, 2020).
C’est dans ce cadre, que l’évaluation des politiques publiques apparait en tant qu’outil
primordial pour garantir la bonne mise en œuvre, l’efficacité et l’efficience des politiques et des
programmes lancés par les gouvernements.
L’évaluation des politiques publiques recouvre un champ extrêmement vaste, allant bien au-
delà de l’économie (Erkel-Rousse, 2014). Ces évaluations font appel à une panoplie d’outils,
dont chacun dispose d’un certain nombre d’avantages et d’inconvénients qui les distinguent des
autres. Dès le début, le développement des sciences politiques s'est intéressé à la relation entre
la connaissance, l'élaboration des politiques et le pouvoir. Cette question était au cœur des
travaux d'Harold Lasswell, l'un des pères fondateurs de la politique publique en tant que
domaine d'étude (Parsons, 2002). Ce développement a engendré des modalités nouvelles de «
rendu de comptes » qui s’éloignent radicalement du modèle original. L’objet sur lequel des «
comptes » sont rendus n’est pas une organisation, mais une politique publique, c’est‐à‐dire un
programme d’action, qui coïncide rarement avec une structure administrative unique (Nioche,
2014). Une autre définition plus synthétique est donnée par la Société Française de l’Évaluation,
qui définit l’évaluation comme une activité qui vise à produire des connaissances sur les actions
publiques, notamment quant à leurs effets, dans le double but : de permettre aux citoyens d’en
apprécier la valeur, et d’aider les décideurs à en améliorer la pertinence, l’efficacité,
l’efficience, la cohérence et les impacts. au sens restreint de recherche évaluative, l’évaluation
des politiques publiques pourra être définie comme une activité de sciences sociales orientée
vers la collecte, l’analyse, l’interprétation et la communication d’informations sur le
fonctionnement et l’efficacité des programmes (Revillard, 2021).

3. Le modèle rationnel et l’incrémentalisme :


Les travaux dans la tradition des chercheurs traitant le choix rationnel et ses dérivés dépassent
très largement la question des politiques publiques. Leurs travaux recouvrent une variété de
domaines comme la sociologie de l’action collective, le fonctionnement des systèmes
démocratiques, l’économie , le marketing et la théorie des organisations …etc. Cependant, ce
courant a contribué significativement dans l’analyse des politiques publiques dans des
dimensions multiples, et a permis dans plusieurs contextes d’améliorer, le processus de prise
de décisions par les pouvoirs publics, malgré les défaillances et les limites qu’il affiche.
Comme (Campbell, 1997) l’avait avancé: “For instance, those following rational choice theory
argue that self-intrested actors will make decisions and create institutions, often in response to
exogenous changes in prices or preferences, that they believe are most likely to reduce their
economic costs relative to the benefits gained”. Partant d’une analyse objective, Campbell
(1997) explique que l’élaboration des politiques publiques est faite dans la poursuite de la
maximisation des fonctions d’utilité des décideurs.
La perception de la rationalité peut prendre plusieurs dimensions. On met l’accent sur trois
principales approches, qui forment des visions et des niveaux différents de la rationalité de
l’action publique.
3.1.La rationalité complète :
L’un des modèles les plus utilisés dans le cadre des théories de l’action publique est le public

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choice6. Ce modèle repose principalement sur la modélisation microéconomique, et vise, avant


tout, à qualifier les relations entre l’État, le marché et les citoyens. Il représente le versant de
public de l’économie néoclassique, sa thèse récurrente est celle d’un État optimal-minimal
maximisant son efficience en réduisant son périmètre d’actions aux corrections des
insuffisances du marché (Balme & Brouard, 2005).
Le noyau dur de la rationalité complète est l’accès à l’information parfaite, la capacité à
anticiper avec certitude absolue et la maximisation de la fonction d’utilité des décideurs. Ce
paradigme privilégie le critère de l’efficience économique, qui consiste à optimiser la
rentabilité. Dans ce cadre, les décisions prises ne permettant pas au moins une péréquation entre
les coûts marginaux et les bénéfices marginaux attendus sont en conséquence écartées du
processus décisionnel (Lamari & Landry, 2003)
Cairney (2012) stipule qu’il est préférable de considérer l’élaboration des politiques publiques,
comme un idéal dans lequel il faudrait viser « un processus » dans lequel les décideurs
politiques identifient les problèmes, clarifient leurs objectifs et évaluent soigneusement les
solutions avant de faire un choix (sur la base d'informations parfaites et loin de toute influence
externe à l’instar des résistances de la part des fonctionnaires non élus chargés de la mise en
œuvre).
Stewart (1993) révèle qu’à cause de la dominance de l'analyse économique dans le processus
formel de délibération politique et de prise de décision politique, les modèles de choix
rationnels du comportement humain sont placés au centre de nombreuses considérations
pratiques en matière d’élaboration des politiques publiques. Pour Stewart, les individus
rationnels étant considérés comme des abstractions maximisant l'utilité. En outre, le choix des
outils politiques s'articule naturellement autour des deux composantes principales de l’approche
rationnelle : l’incitation et la pénalité.
3.2.La rationalité limitée :
L’un des chercheurs ayant contribué significativement à faire progresser les connaissances dans
la topographie conceptuelle du comportement rationnel dans l’analyse des politiques publiques
est Herbert Simon. Tout au long de la vaste carrière d'Herbert Simon dans l'administration
publique, la gestion d'entreprise, l'économie, la psychologie cognitive et la philosophie. Il a
essayé d’ouvrir un Nouveau Monde de recherche scientifique dont l'objectif principal est de
développer le modèle le plus efficace et le plus réaliste pour permettre aux décideurs de prédire
les résultats futurs et améliorer leurs processus décisionnels.
Simon (1997) a pu démontrer que les problèmes d’ordre public sont des problèmes tellement
complexes, que la résolution dépasse de loin les capacités cognitives humaines. Du coup, l’idée
que ces problèmes peuvent faire l’objet d’une résolution analytique théorique, et parfaitement
rationnelle devait être délaissée. Ainsi les individus chargés du processus décisionnel doivent
s’adapter à ce constat d’imperfection des connaissances et de la faculté humaine limitée et loin
d’être parfaite.
Simon met l’accent sur la variété des scénarios possibles qui s’ouvrent au raisonnement, en
comparant ce processus à un jeu d’échecs devant lequel le joueur, aussi fort soit-il, ne peut
calculer en avance tous les coups pour déterminer son choix, et doit donc, en plus des capacités

6
s'appuie sur une série de postulats empruntés à l'économie néoclassique (notamment celui de l'individualisme
méthodologique et du choix rationnel) pour l'appliquer à la science politique : les décisions politiques ne
résulteraient que de la somme de décisions individuelles, prises dans leur propre intérêt personnel par leurs
auteurs. Alternativement qualifié de « théorie », d'« école » ou de « courant » de la pensée, le terme Public
Choice apparu dans les années 1960, fait originellement référence à ce programme de recherche dont le texte
fondateur est The Calculus of Consent publié en 1962 par James M. Buchanan (« Prix Nobel » d'économie 1986)
et Gordon Tullock. Pour une présentation quasi-exhaustive de ce courant de recherche, Cf (Busch, 2019)

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de calcul dont il dispose, mobiliser son intuition, utiliser des opérations de simplification et
d’approximation, et des modes de raisonnement qui lui sont propres et qui lui conduisent à une
situation « satisfaisante » et non pas parfaite (Zittoun, 2017).
Simon (1997) a postulé que des facteurs environnementaux tels que l’incertitude vis-à-vis du
futur, les coûts associés à l’acquisition des informations impactent significativement les
comportements des décideurs. Il a également déclaré que l'asymétrie et la qualité de
l'information peuvent contribuer à une vision irréaliste de la prise de décisions rationnelles. Ces
limitations empêchent le décideur de prendre des décisions pleinement rationnelles basées sur
la théorie classique de la "maximisation de l'utilité".
En partant des constats avancés par Simon, on a pu déduire que dans le monde réel, les décideurs
ne prennent que des décisions satisfaisantes en utilisant une approche heuristique dans la
recherche des alternatives d'actions. En fin de compte, dans une situation donnée, quel que soit
le désir du décideur d'être rationnel, et peu importe le niveau d’effort qu’il mobilise, il prend
des décisions de satisfaction personnelle plutôt que des décisions d'optimisation absolue
(Kalantari, 2010).
Le modèle de la rationalité limitée tel que Simon l’a forgé est le fruit d’une réflexion de
plusieurs travaux de recherche portant sur la rationalité décisionnelle et ses limites. Au départ,
Simon était plutôt dans une optique tayloriste émanant de la théorie des organisations, en misant
principalement sur l'idée de rentabilité et d'efficacité au travail. Taylor développe un certain
nombre de théories qui vont amener à développer le travail à la chaine. Simon se dit qu'il
faudrait faire une sorte de taylorisation de l’administration en général, et du processus de prise
de décision publique en particulier.
Cette nouvelle approche , consiste à changer la perception de la rationalité, en priorisant la
compréhension du processus de décision et de saisir le raisonnement à l’œuvre au lieu de
s’attarder à évaluer la décision en tant que résultat à l’aune d’un critère objectif d’optimalité
( c’est-à-dire mesuré par des outils de la logique et des mathématiques). il s'agit de remplacer
la rationalité globale de l'Homoeconomicus, dont la rationalité est absolue, par un type de
comportement rationnel compatible avec l'accès à l'information et les capacités de calcul dont
disposent effectivement les organismes publics et les Hommes qui les gèrent (Gouin &
Harguindéguy, 2010).
On peut qualifier cette approche décisionnelle de « réaliste », vu qu’elle est relativement plus
attentive aux différentes exigences demandées pour monter une politique publique « parfaite ».
Elle laisse plus de place à l’apprentissage et à la flexibilité. Cette rationalité s’apparente à une
autre forme de rationalité appelée l’incrémentalisme.
3.3.L’incrémentalisme :
L’incrémentalisme est une approche qui consiste à apporter de grands changements aux
différentes politiques ou lois en y apportant de petites modifications au fils de temps. Ce modèle
est également connu sous le terme gradualisme, car il consiste principalement à adopter des
changements graduels plutôt que des changements radicaux, pour monter, modifier et améliorer
les politiques publiques.
Cette approche, suggère que tout problème pouvant survenir lors de l'exécution d'une action
publique peut être résolu un par un, au moment où il se présente. L'incrémentalisme peut être
décrit au mieux par l'axiome suivant : « Comment mange-t-on un éléphant ? Une bouchée à la
fois ! »
Le principe central de l’incrémentalisme stipule que les politiques publiques évoluent le plus
souvent de façon graduelle et par un mécanisme de petits pas. Au fondement de cette thèse,
l’argument avancé par cette approche consiste à dire que les décideurs politiques réalisent
généralement des changements de l’action publique qui ne modifient que marginalement la
situation en cours ou le statu quo.

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Lindblom (1958) est considéré comme le père fondateur de l’incrémentalisme comme approche
d’analyse des politiques publiques. Dans son fameux travail, « the science of muddling
through », Lindblom a illustré que les décisions prises par les individus représentants les
organes publics ayant la légitimité et l’obligation, d’agir face à un problème faisant partie de
leur agenda, doivent être intégrées aux décisions des autres pour former la mosaïque de la
politique publique.
En analysant la théorie rationnelle de la prise de décision qui stipule que le décideur prend ses
décisions sur la base des objectifs définis avec précision et classés par ordre de priorité dès
qu’un problème est survenu. Lindblom (1958), considère cette approche comme «un idéal»,
dont on peut certes tenter de se rapprocher, mais qui reste le plus descriptif du processus de
décision réel.
Cette intégration des décisions individuelles est devenue la préoccupation majeure de la théorie
de l'organisation, et la façon dont les individus prennent des décisions affecte nécessairement
la façon dont ces décisions sont le mieux intégrées à celles des autres. En outre, la méthode de
prise de décision est liée à l'attribution de la responsabilité de la prise de décision, en répondant
à la simple question : qui doit prendre quelle décision ?
Selon cette approche, un enjeu ou un problème public n’est que rarement évalué et pris en
considération par les acteurs politiques comme une question fondamentalement nouvelle, qui
nécessite une analyse complète et reprise à la base. En temps ordinaire, et face aux problèmes
complexes, un décideur public n’a pas les capacités de reconsidérer de façon systématique les
objectifs globaux des politiques en question, les raisonnements et les valeurs qui les ont justifiés
ou l’ensemble des alternatives et des conséquences qui pourraient être envisagées. Les décisions
prises tendent en conséquence à être fortement orientées par les politiques, les valeurs et les
comportements qui sont déjà en vigueur.
Tout changement radical, toute révolution ou, même, toute réforme substantielle des politiques
préalablement menées paraissent dès lors improbables. Les décisions prises provoquent plutôt
de petits ajustements marginaux, ou incrémentaux, qui visent à améliorer une action publique
existante, sans réellement la remettre en question. L’incrémentalisme a été développé pour
permettre une meilleure compréhension du processus décisionnel en réaction aux modèles
proposés par les théories sur la rationalité.
L'incrémentalisme est survenu pour remédier aux insuffisances et aux défaillances adossées
aux autres approches d’analyse des politiques publiques, il offre une critique puissante du
modèle des étapes et remet ainsi en question les commentaires classiques sur les politiques
publiques. Plutôt que des décideurs de haut niveau qui prennent des décisions rationnelles et
ordonnent à des bureaucrates de niveau inférieur et à d'autres organismes publics de les mettre
en œuvre, les décideurs politiques interagissent et aucun d'entre eux ne domine.
L'incrémentalisme répond parfaitement à la critique selon laquelle la politique est un processus
séquentiel, car il ne suppose pas que la prise de décision est linéaire. Le modèle de Lindblom
corrige le biais descendant des théories de mise en œuvre, car il suppose qu'une grande variété
de décideurs interagissent pour produire la politique (John, 1998).
Suivant l’apparition de l’approche incrémentale, les théoriciens ont développé un certain
nombre de modèles. Bien que ces modèles se distinguent sur certains aspects, ils intègrent
systématiquement une analyse qui consiste à considérer un nombre limité d’alternatives,
lesquelles visent à modifier le statu quo d’une manière uniquement graduelle. Rajagopalan &
Rasheed (1995) ont met l’accent sur les deux modèles les plus utilisés dans le cadre de l’analyse
incrémentale des politiques publiques, à savoir : l’incrémentalisme disjoint et
l’incrémentalisme logique.

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3.3.1. L’incrémentalisme disjoint


Le modèle d’incrémentalisme disjoint considère l’élaboration des politiques comme un
processus conscient et proactif, soutenue par l’existence d’une vision forte et centrale, il vise
avant tout à obtenir un accord social en minimisant les conflits. Cependant, l’incrémentalisme
logique intègre des éléments de planification logique.
Le modèle d’incrémentalisme disjoint , aussi appelé modèle du « gradualisme segmenté », est
celui proposé par le père fondateur Lindblom, pour expliquer les prises de décisions au sein des
gouvernements. Ce modèle réfère à une succession d’approximations visant à résoudre un
problème, plutôt qu’à une programmation exacte, et suppose que les décideurs suivent un
processus graduel et par palier, fondé sur une rationalité a posteriori (Bérard, 2012). Ce modèle
s’applique principalement aux systèmes ouverts, dans lesquels il est impossible a priori de
définir ni pleinement comprendre l’ensemble des variables impactant une décision. Du coup, la
prise de décision est faite dans selon une logique adoptive et réactive.
3.3.2. L’incrémentalisme logique
L’incrémentalisme logique a été développé sur la base de l’étude de la formulation des
stratégies dans des structures avec une taille et complexité relativement grande. Ce modèle vise
à atteindre la meilleure décision à travers une rationalité décisionnelle durant la phase de
formulation des politiques, et une rationalité d’action matérialisée par l’implication des acteurs
publics et sur leur coopération.
Le fondateur de l’approche incrémentale logique Quinn (1980), affirme, en s’inspirant du
management des grandes structures privées, que les dirigeants de ces structures ont tendance à
développer les stratégies les plus importantes par des processus que ni les paradigmes de
planification formels ni les théories du pouvoir et des comportements n’expliquent d’une
manière adéquate. Ces dirigeants combinent habilement des techniques analytiques formelles,
comportementales et politiques de pouvoir afin de créer une cohésion et un mouvement
progressif vers des objectifs largement définis, qui sont également affinés en permanence à fur
et à mesure que de nouvelles informations et données apparaissent.
3.3.3. Benchmark entre l’incrémentalisme disjoint et l’incrémentalisme logique
Partant du même principe de gradualité dans le montage et l’élaboration des politiques
publiques, les deux approches incrémentales ont certainement une multitude de similarités et
de points de convergence, mais aussi des divergences qui distinguent chacune des deux
approches de l’autre.
(Rajagopalan & Rasheed, 1995) proposent un benchmark entre les deux approches, en mettant
l’accent sur une variété d’aspects et stades de prise de décision :
Tableau 1 : Benchmark entre l’incrémentalisme disjoint et l’incrémentalisme logique
Caractéristiques Incrémentalisme disjoint Incrementalisme logique
Facteurs contextuels Pouvoir dispersé, valeurs Sous-systèmes interdépendants, prise de
et organisationnels conflictuelles, décision définie, autorité perspective
interdépendances, manque formelle et informelle, insuffisance
d’autorité perspective informationnelle
Nature de Stable et relativement prévisible Dynamique et relativement imprévisible
l’environnement
Structure des Diffus, partisans, valeurs Objectifs communs définis
objectifs et des conflictuelles et dissimulées grossièrement, valeurs dissimulées
valeurs
Processus de Adaptatif, ajustement mutuel Planifié
coordination partisan

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Objectifs Accord social, limitation des Apprentissage interactif, limitation de


opérationnels conflits l’incertitude
Mécanismes de Décideurs multiples Réseaux informationnels formels et
support informels
Domaines Politiques incrémentales, Décisions stratégiques , changements
d’application changements mineurs avec importants avec faibles compréhensions
faible compréhension
Source :(Rajagopalan & Rasheed, 1995)

4. L’évaluation des politiques publiques : une nécessité accrue dans


l’analyse des politiques publiques :
L’évaluation des politiques publiques entre dans un vaste champ des pratiques visant à «
mesurer » et à améliorer la performance des institutions publiques (Barbut et al., 2020).
Cependant, cette évaluation est toujours conçue comme un exercice difficile. De nombreuses
embûches attendent les évaluateurs, pouvant fausser et décrédibiliser une évaluation ne
respectant pas un protocole rigoureux (Langot & Petit, 2020). L’évaluation des politiques
publiques comme démarche scientifique a été investie par une pluralité de disciplines à l’instar
des sciences de l’éducation, la santé publique, la sociologie, les sciences politiques, l’économie
et pleine d’autres domaines (Revillard, 2021)
4.1.Les objectifs de l’évaluation
Une définition synthétique mettant l’accent sur l’usage de l’évaluation a été proposée par
(Alkin & King, 2017) comme il est visé ci-dessous :
Figure 2 : Définition de l’utilisation de l’évaluation

Source : (Alkin & King, 2017)


L’usage de l’évaluation des politiques publiques, peut avoir plusieurs finalités, comme l’aide à
la prise de décision afin de booster les résultats des organisations, des politiques et des
programmes. Pour (Weiss, 1999), l'objectif commun de l'évaluation est d'aider les personnes
et les organisations à améliorer leurs plans, leurs politiques et leurs pratiques. Si la motivation

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est en partie d'enrichir le réservoir mondial de connaissances, les évaluateurs espèrent


également influer sur la manière dont les organismes publics, les organisations à but non
lucratif, les entreprises et les industries abordent les problèmes de la société. L’évaluation, peut
aussi jouer le rôle de collecteur d’informations pertinentes, pour les praticiens et décideurs afin
qu’ils puissent reconsidérer leurs décisions, concernant les situations faisant appel à l’initiation
d’une politique publique. Cette évaluation peut impliquer la poursuite ou l'arrêt d'un
programme. Elle peut aussi impliquer son expansion et son institutionnalisation dans d'autres
organisations ou lieux, ou elle peut recommander une ou plusieurs modifications des éléments
du programme. En outre, les politiques publiques sont de plus en plus complexes : elles font
intervenir un nombre assez important, et toujours croissant d’acteurs. Les interventions
économiques et sociales génèrent, pour la plupart, des effets de hasard dont la mesure est
essentielle pour apprécier l’efficacité et l’efficience d’une politique (Migaud, 2013). Pour Bozio
(2015), il s’agit d’approfondir les connaissances des décideurs sur la façon dont les dispositifs
institutionnels existants (les instruments des politiques publiques) atteignent, ou n’atteignent
pas leurs objectifs initiaux. En sus de vouloir mesurer l’impact des politiques, ce qui permet
d’en comprendre les mécanismes afin d’élaborer d’autres dispositifs qui permettent plus
directement de répondre à l’objectif initial. (Peter et al., 2007), font une distinction entre trois
types de critères pour apprécier les effets d'une politique publique . Le premier, est l'étendue
des effets qui analyse si les impacts sont déclenchés comme prévu par le programme politico-
administratif, les plans d’action et les résultats produits. Deuxièment, l’efficacité qui met en
relation les résultats observables avec les objectifs visés . Finalement, l'efficience qui compare
les résultats obtenus avec les ressources utilisées. La figure 1, synthétise les critères
d’appréciation d’une politique publique ainsi que son enchainement chronologique.
Figure 3 : L’enchainement chronologique d’appréciation d’une politique publique

Source : Auteur reprise de (Peter et al., 2007)

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4.2.Les méthodes d’évaluation des politiques publiques


4.2.1. Une variété de méthodes qui se développent en continu :
L’un des principaux défis majeurs auquel est confrontée l’évaluation est d’identifier le
contrefactuel, c’est-à-dire la situation qui aurait prévalu sans cette politique ou avec une
politique alternative. Le problème fondamental de l’évaluation est que ce contrefactuel n’est,
en pratique, jamais observé.
En tant que pratique de recherche appliquée, la démarche d’évaluation a constitué un creuset
d’innovation méthodologique pour les sciences sociales. Une panoplie de méthode est à la
portée des évaluateurs, toutes ces méthodes visent ( et ne seront utilisables que si elles le font)
à délivrer une estimation proche de la réalité de l’impact causal de la politique en question. À
noter qu’une bonne évaluation reposera avant tout sur le bon usage des différentes techniques
disponibles, au vu des contraintes spécifiques à chaque situation, et à chaque composante de la
politique étudiée. Les évaluations peuvent tester plusieurs modalités d’intervention pour
sélectionner celles qui sont les plus efficaces en termes d’impact ou de moyens pour toucher
une population donnée (Parienté, 2008). Parmi les apports de la pratique d’évaluation, on peut
citer le recours aux méthodes d’analyse coûts-bénéfices, les analyses qualitatives, les
régressions économétriques, les évaluations d’impact expérimentales et quasi-expérimentales
et les méthodes mixtes. Ces méthodes s’accordent en fonction du moment appréhendé et varient
en fonction des spécificités de la politique considérée, ainsi que du contexte général dans lequel
elles ont été confectionnées. Elles s’appliquent à des niveaux géographiques variables, du local
au national, et à tous les champs de l’action publique. Elles dépendent également des objectifs
poursuivis ; pertinence, impact, efficience ou cohérence de l’action publique (Lévy & Bozio,
2019).
Cependant, et malgré le nombre important d’avantages dont disposent ces méthodes, elles ne
sont pas toujours aptes à évaluer correctement les politiques publiques soit à cause de la nature
de la politique ou du programme, soit à cause d’un manque de données concernant son
implantation et ses effets. La mise en place d’enquêtes statistiques pour évaluer l’action de
l’État n’est pas neutre, mais implique une série de problématisations et de choix qui véhiculent
des représentations de ce que doit être l’action de l’État (Penissat, 2011). Tel qu’il est le cas
pour toutes les disciplines, l’innovation est survenue pour combler les manques relatifs aux
différents outils d’évaluation, et pour apporter des éléments de réponses aux besoins des
décideurs, ainsi pour accompagner les mutations et les préférences qui caractérisent les
politiques publiques à chaque période.
Tableau 2 : Paradigme de l’aide et « gold standards » de l’évaluation
Période Paradigme dominant de l’aide Méthode Discipline dominante
d’évaluation promue
Années Priorité donnée aux infrastructures et Analyse coûts- Finance
1960 à l’agriculture bénéfices (ex ante)
Années Réorientation vers les secteurs Analyse qualitative Sciences sociales
1970 sociaux( éducation, santé)
Années Restauration du cadre Modèle Macroéconomie
1980 macroéconomique et ajustement macroéconomique
structurel
Années « Fatigue de l’aide » :accent mis sur Analyse qualitative et Macro-économétrie
1990 l’efficacité de l’aide et des critères régressions et sciences sociales
d’allocation fondés sur la bonne économétriques
gouvernance
Années Priorité au bas de l’échelle (« bottom Évaluations d’impact
2000 of the pyramid »), mais des ambitions expérimentales/

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contradictoires : une aide modeste quasi-expérimentales Microéconomie ;


(« réduire la pauvreté à petits pas ») ; gestion axée sur les statistique
ou une aide ambitieuse) résultats
Post 2015 L’aide comme catalyseur /outil de Analyse qualitative et Pluridisciplinarité
politique publique globale ? quantitative
Source :(Morra-Imas & Rist, 2009) & (Penissat, 2011)
Les termes "qualitatif" et "quantitatif" font référence au type de données générées par le
processus de recherche. Les méthodes dites quantitatives produisent des données chiffrées,
tandis que les approches qualitatives tendent à produire des données exprimées en prose ou sous
forme de texte. Afin de produire différents types de données, la recherche qualitative et la
recherche quantitative ont tendance à utiliser différentes méthodes (Garbarino & Holland,
2009).
En procédant à la distinction qualitative/quantitative relative aux types de données (Hentschel,
1999) analyse les méthodes en fonction de leur contextualité, c'est-à-dire dans quelle mesure
elles tentent de comprendre le comportement humain dans l'environnement social, culturel,
économique et politique d'une communauté. Toute combinaison de méthode (contextuelle/non
contextuelle) et de données (quantitative/qualitative) est une source primaire et unique pour
répondre aux différents besoins d'information.
Figure 4: Les méthodes d’évaluation des politiques publiques en fonction de leur contextualité

Source : Auteur reprise de (Garbarino & Holland, 2009) inspiré des travaux de (Hentschel, 1999)
4.2.2. Les méthodes quantitatives
Il existe une panoplie de méthodes d’évaluation des effets des politiques publiques qui sont
qualifiées de quantitatives. Cependant les approches qui sont actuellement très mobilisées pour
mesurer objectivement l’effet des politiques sont l’approche expérimentale et l’approche
pseudo-expérimentale (Blanchet et al., 2016).
4.2.2.1. L’approche expérimentale
Le développement remarquable de la statistique et de l’économétrie, ainsi que les avancées
récentes dans le data science, Big Data et les solutions informatiques utilisées par les sciences
sociales pour mieux analyser les données relatives aux phénomènes sociaux, ont conduit au
développement de méthodes expérimentales appliquées à l’évaluation des politiques publiques.
L’objectif ultime desdites méthodes et d’identifier objectivement et numériquement les effets
causaux des politiques et programmes objets de l’évaluation. L’évaluation expérimentale d’une

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politique publique utilise le même principe que les essais cliniques en médecine : au sein de la
population deux groupes sont sélectionnés par tirage aléatoire, l’un bénéficie de la mesure et
l’autre non. L’impact de la mesure s’obtient en comparant ex-post le groupe d’agents
bénéficiaires au groupe de non-bénéficiaires (Chabé-Ferret et al., 2017). Il s’agit ainsi de
comparer la situation d’un groupe de bénéficiaires (parfois appelé groupe de traitement en
référence au vocabulaire des sciences médicales dont ces méthodes sont issues) d’une
intervention à celle d’un groupe dit de contrôle, le plus comparable possible ex ante au groupe
de bénéficiaires (Pamies-Sumner, 2014). Cette méthode classique en sciences sociales suppose
le tirage au sort aléatoire préalable de deux échantillons rigoureusement conçus comme
comparables selon les caractéristiques observables des individus qui les composent (Barbier,
2017). Cette approche se distingue de toute autre démarche évaluative par l’affectation aléatoire
des individus éligibles aux deux groupes ( groupe de traitement et groupe de contrôle ). Le
recueil d’informations sur ces deux groupes peut se faire sur une base longitudinale et permet
la comparaison en tout point du temps de la situation des participants avec celle de leurs
homologues (Perez, 2009).
4.2.2.2. L’approche pseudo-expérimentale :
Cette approche s’appuie sur les vulnérabilités des politiques antérieures ou présentes pour
approcher les conditions de l’expérimentation aléatoire contrôlée (Blanchet et al., 2016).
Contrairement aux approches expérimentales, la limite associée aux approches pseudo-
expérimentales est qu’elles ne produisent que des évaluations ex post effectuées à la fin, ou
après la fin, d’une action, d’une intervention publique, elles ne délivrent que des messages
locaux sur l’effet des dispositifs qu’elles examinent en négligeant les effets de bouclage. Ces
messages peuvent enrichir l’évaluation ex ante qui est faite avant le lancement du programme
ou de la politique (Mykhalovskiy et al., 2018). Pour (Baslé et al., 2018), cette approche évalue
une politique en situation de vie réelle, directement lors de sa mise en œuvre sur la population
cible. Elle compare les bénéficiaires de l’intervention publique avec les non-bénéficiaires et, si
des biais sont présents, utilise des méthodes spécifiques permettant de réduire les différences
entre les groupes et d’isoler l’effet de l’intervention. Les méthodes quasi-expérimentales
prennent quatre formes :la méthode de la différence de différences (ou double différence), la
régression en discontinuité, l’appariement par score de propension et la méthode des variables
instrumentales.
4.2.3. Les méthodes qualitatives d’évaluation des politiques publiques :
Si l’influence d’une politique publique sur une population donnée donne lieu à des observations
quantitatives, l’utilisation de méthodes qualitatives, issues notamment de la sociologie et de
l’anthropologie, s’est également développée dans le domaine de l’évaluation (Lévy & Bozio,
2019). La recherche qualitative n'a décidément rien à voir avec la transformation des
expériences humaines sous forme numérique dans le but de générer des statistiques de
représentation, de raisonnement et d'analyse. Les chercheurs utilisant ces méthodes travaillent
avec des données basées sur le langage et des représentations visuelles afin de comprendre la
qualité ou la nature des phénomènes sociaux, et non pas leur quantité. En effet, les progrès dans
l'utilisation des mesures de qualité et d'impact ont suivi une trajectoire qui s'éloigne de
l'utilisation irréfléchie de métriques quantitatives standardisées, sans tenir compte de
l'interprétation par des pairs experts, pour s'orienter vers la triangulation des données
quantitatives, l'analyse contextuelle et l'attribution d'une valeur renouvelée et accrue au
jugement des pairs, combinée aux perspectives des parties prenantes (Donovan, 2007).
L’évaluation qualitative est moins formaliste, plus axée sur l'introspection, plus holistique et
plus naturaliste. Pour évaluer les résultats, elle ne part plus d'une définition formelle des
objectifs du programme, mais considère plutôt ce dernier comme un tout, et c'est à partir de ce

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tout que le processus s'enclenche (Beaudoin et al., 2021). Il reste à noter que, l’analyse
qualitative par rapport à l'approche quantitative, cherche à évaluer les impacts potentiels que le
programme peut générer, les mécanismes d’application et les avantages constatés. Tandis que
les résultats quantitatifs peuvent être généralisés, les résultats qualitatifs ne peuvent pas l'être
(Hadefi & Elagag, 2020) . Les méthodes qualitatives adoptent des investigations approfondies
sur des échantillons représentatifs pour mieux connaitre les perceptions et les pratiques des
acteurs du terrain. Elles permettent des analyses détaillées sur le contexte local et
l’environnement institutionnel (Desplatz & Ferracci,
2016). L’approche qualitative prend plusieurs formes, les plus utilisées sont :
 Les entretiens des acteurs :
Cette méthode permet de récolter et d’analyser plusieurs éléments : l’avis, l’attitude, les
sentiments, les représentations de la personne interrogée. Cette méthode permet de récolter et
d’analyser plusieurs éléments : l’avis, l’attitude, les sentiments, les représentations de la
personne interrogée. Il existe trois types d’entretiens, le premier est l’entretien directif, aussi
appelé « entrevue normalisée » a une structure préétablie, et plutôt stricte relativement aux
autres types. Le second est l’entretien semi-directif ou entretien qualitatif, qui se base sur des
interrogations assez généralement formulées et ouvertes. Le dernier est l’entretien non directif
ou libre, Cet entretien se caractérise par le fait d’être une approche libre et large du sujet.
Comme son nom l’indique, l’interviewer ne dirige pas l’entretien. C’est l’interviewé, qui
compte tenu de la liberté de ses réponses « mène » les débats et va où il veut.
 L’observation directe de l’enquêteur :
Cette méthode est trop souvent utilisée comme complément, des autres approches d’évaluation.
L’utilisation de l’observation comme méthode d’enquête essaye de réduire le fossé souvent
décrit entre pratiques « réelles » et pratiques déclarées par les personnes interrogées. Elle permet
à l’évaluateur de s’immerger dans l’organisation, en qualité d’observateur et sans intervention
directe. L’enquêteur peut ainsi observer les acteurs en situation, leurs pratiques et comment ils
interagissent. Cette méthode peut parfois aboutir à des constats qui contredisent ce que les
acteurs affirment lorsqu’ils sont interrogés.
 Les études de cas ou monographies :
Appelée aussi ’étude monographique est une étude approfondie, exhaustive, portant sur un sujet
précis et limité. Il s’agit principalement, de restituer ou créer une mosaïque d’information avec
(ou à partir de) tout type de supports, principalement l’observation, mais aussi des entretiens,
des rapports, des bases de données, des cartes, des plans…etc. Pour (Latzko-toth, 2009), une
étude de cas est une recherche empirique orientée par un cadre théorique existant, qui traite un
phénomène contemporain dans son contexte, tout en séparant l’un de l’autre ( le phénomène et
le contexte), cette étude comporte une abondance de variables pertinentes , en s’appuyant sur
de multiples éléments de preuve qui doivent converger.

5. Conclusion
En guise de conclusion, après avoir analysé la littérature portant sur les deux principaux
modèles des politiques publiques ainsi que leurs dérivés, on peut déduire que les sciences
sociales en ce qui concerne les politiques publiques sont marquées jusqu’à ce jour, par des
désaccords flagrants, notamment sur les principales raisons justifiant les comportements des
décideurs politiques. Les chercheurs inscrivent généralement leurs recherches dans une logique
de compréhension ou de perspective théorique, c’est ce que l’on a appelé « modèle ou
approche».

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Le premier modèle est celui des étapes, qui est une représentation du processus d'élaboration
de la politique en question, commençant par sa conception jusqu’à la phase de son évaluation.
Il s'agit avant tout d'une description de ce qui se passe, plutôt que d'une explication, mais il
permet également d'orienter facilement les analystes vers des aspects importants des processus
d'élaboration des politiques. Autrement dit, le modèle des étapes met en évidence la logique
procédurale de la prise de décision publique, de la définition des objectifs à l'évaluation.
Cependant, le second modèle assimilée la méthode classique pour étudier une politique
publique consiste à, sélectionner un modèle idéal ( de la politique) et le comparer au monde
réel. Cette approche se base trop souvent sur le concept de rationalité. Dans ce cadre le modèle
rationnel tente d’analyser exhaustivement et minutieusement toutes les alternatives, de prendre
en compte toutes leurs conséquences et de choisir, in fine, la meilleure alternative. Il se
préoccupe d’une façon « optimale » et « parfaite » d'organiser les décideurs afin d’assurer un
flux d'informations crédible et pertinent, avec une haute précision des feedbacks.
Quant à l’évaluation des politiques publiques, la littérature nous a démontré l’importance de
l’évaluation dans le processus de mise en place des politiques publiques. Les parties prenantes
de l’évaluation doivent être conscientes des défis qui sont encore posés pour que cette démarche
nécessaire à la bonne mise en place d’une politique ou d’un programme public. Ensuite, la
multitude des objectifs associés à l’évaluation des politiques publiques, du fait que les usages
de l’évaluation diffèrent d’une politique à une autre, d’un évaluateur à un autre et d’un contexte
à un autre .
Finalement, l’accent a été mis sur la panoplie d’outils dont dispose l’évaluateur pour mesurer
l’effet d’une politique. Il démontre aussi que les approches quantitatives de mesure de l’impact
et approches qualitatives peuvent être mobilisées de manière complémentaire pour évaluer les
expérimentations. Ces approches donnent parfois des résultats contrastés, particulièrement
intéressants parce qu’ils montrent pourquoi il est possible qu’un dispositif donne satisfaction à
ses acteurs et bénéficiaires, sans qu’un impact chiffré significatif soit détectable.
Bien que ces approches se complètent, elles sont parfois contradictoires. Chaque approche
prétend expliquer pourquoi les politiques diffèrent entre les secteurs et les pays, et pourquoi
certaines politiques sont stables et d'autres, changeantes, bien, que la plupart des chercheurs
n'abordent généralement qu'un seul de ces problèmes à la fois.

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