Les Protéines Végétales: Un Nouvel Eldorado Nutritionnel

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Les protéines végétales :

un nouvel eldorado nutritionnel


Christophe Lavelle et Karen Uriot
Inédit

À l’heure où l’expansion démographique et le


réchauffement climatique poursuivent conjointe-
ment leur progression, « nourrir la planète » appa-
raît comme un défi majeur du xxie siècle. Dans
cette quête d’un système alimentaire sain, durable
et équitable, quelques résolutions s’imposent d’elles-
mêmes, comme la diversification des sources nutri-
tionnelles et la réduction du gaspillage à toutes les
échelles de la chaîne alimentaire, de la fourche à la
fourchette. La production de protéines occupe une
place centrale dans la stratégie agroalimentaire à
adopter, près d’un milliard de personnes souffrant
d’un apport protéique insuffisant. Généralement
d’origine carnée dans les modes de consommation
des pays développés, les protéines voient leurs sources
varier progressivement, à la faveur notamment d’un
rejet grandissant de l’élevage industriel et de ses
dérives, pour des raisons éthiques et écologiques.
Les alternatives ne manquent pas, insectes, algues et

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légumineuses revenant le plus souvent dans le haut


du panier. Après les révolutions céréalières vertes du
milieu du xxe siècle, une nouvelle ère s’ouvre ainsi
pour les végétaux, sources désignées de protéines
durables et équitables qui, à défaut de « nourrir la
planète » à eux seuls, devraient au moins y contri-
buer de plus en plus.

Les protéines végétales


en grand nombre
Notre alimentation se compose d’eau, de micro-
nutriments comme les minéraux et vitamines, qui par-
ticipent au bon fonctionnement de notre organisme et
de macronutriments comme les lipides, glucides, pro-
téines, qui nous apportent l’énergie et les constituants
élémentaires dont notre organisme a besoin pour se
construire et entretenir son métabolisme. Côté pro-
téines, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire
de l’alimentation, de l’environnement et du travail ;
anciennement Afssa) recommande qu’elles couvrent
une part de 15 % de l’apport calorique total, dont
la moitié devrait provenir de sources végétales pour
diversifier l’apport en acides aminés1.

1. <https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT-Ra-Proteines.pdf>.

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Les protéines végétales : un nouvel eldorado nutritionnel

Parmi les sources végétales privilégiées, on trouve


principalement le blé, dont le grain renferme jusqu’à
20 % de protéines et le soja qui en contient plus de
30 %. Le soja est emblématique de la nouvelle transi-
tion alimentaire en train de se produire puisqu’à l’ori-
gine principalement cultivé sur le continent américain
pour l’alimentation du bétail, il devient progressive-
ment un aliment de consommation directe de l’ali-
mentation humaine à travers ses nombreux produits
dérivés comme le lait, la farine, le tofu ou le tempeh.
Outre les « stars » que sont le blé et le soja, de nom-
breuses espèces cultivées présentent une source impor-
tante de protéines, que ce soit dans les céréales comme
l’avoine, le maïs, le riz, les pseudo-céréales2 telles que
le quinoa, l’amarante, le sarrasin, mais aussi les légu-
mineuses (lentilles, haricots, pois, fèves), et enfin les
graines et fruits oléagineux (tournesol, colza, courges,
amandes, noix et noisettes).
Enfin, on note qu’en plus de leurs qualités
nutritives, les protéines végétales sont couramment
exploitées par l’industrie agroalimentaire pour leurs
propriétés fonctionnelles, texturantes, émulsifiantes,
liantes ou moussantes.

2. Plantes dont on consomme les graines (parfois réduites en


farine), à la manière des céréales, mais qui n’appartiennent pas à la
famille des graminées.

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L’alimentation comme médiation avec le monde

Une grande richesse nutritionnelle


Qu’il s’agisse de micro-organismes, d’animaux
ou de végétaux, les êtres vivants renouvellent leurs cel-
lules au quotidien à partir d’éléments prélevés dans
leur environnement par le biais de l’alimentation.
Parmi ces matériaux essentiels se trouvent les acides
aminés, au nombre de vingt, qui constituent les sous-
unités des protéines de structure et des protéines fonc-
tionnelles (enzymes). Chez l’être humain, la plupart
des acides aminés peuvent être synthétisés par les
cellules, mais neuf d’entre eux, qualifiés d’essentiels,
doivent nécessairement être apportés par l’alimenta-
tion pour la digestion de protéines animales ou végé-
tales. En outre, l’organisme est capable de synthétiser
glucides et lipides à partir de protéines, mais il ne
peut synthétiser des protéines qu’à partir de protéines,
unique source azotée de notre alimentation.
Côté quantité, l’Anses recommande un apport
protéique journalier de 0,8 g/kg/jour, valeur nette-
ment inférieure aux quantités actuellement consom-
mées en France où l’on dépasse les 1,4 g/kg/jour. Le
fait est que, dans les sociétés occidentales, on constate
beaucoup plus d’excès que de carences en protéines,
sauf chez les végétariens* qui équilibrent mal leur ali-
mentation ou chez les personnes âgées et les femmes
enceintes.

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Côté qualité, la valeur nutritionnelle des pro-


téines dépend de plusieurs facteurs, et notamment de
la teneur en acides aminés indispensables et leur bio-
disponibilité – qui correspond à la proportion effecti-
vement absorbée par la muqueuse intestinale et servant
de nutriment pour le métabolisme cellulaire. Sur cet
aspect, on avance souvent que les protéines animales
seraient de meilleure qualité que les protéines végé-
tales parce qu’elles contiennent tous les acides ami-
nés essentiels. En effet, certains acides aminés comme
la lysine et la méthionine, sont peu présents dans les
plantes qui composent habituellement les repas euro-
péens pour satisfaire les besoins nutritionnels. Afin
de pallier le risque de carence, il est généralement
conseillé de composer les plats méthodiquement, en
combinant les céréales qui apportent la méthionine,
et les légumineuses qui apportent la lysine. Ces asso-
ciations sont présentes dans de nombreux plats tradi-
tionnels : haricots et maïs au Mexique, pois chiches et
blé au Maroc, riz et lentilles en Inde.
La transition d’une alimentation carnée vers une
alimentation majoritairement, voire exclusivement
végétarienne, fait planer l’ombre d’une santé fragilisée
par les carences. Il est important de s’interroger sur
l’autre extrémité du spectre : la surconsommation de
protéines animales dans les pays développés, facteur
de troubles rénaux et de nombre de cancers, même si
ce dernier point reste controversé. Il faut cependant

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noter que les protéines ne sont pas nécessairement res-


ponsables de ces effets, les plats à base de viande étant
souvent plus gras que les plats végétariens. L’effet
protecteur des végétaux contre les maladies cardio-
vasculaires et les maladies dégénératives, souvent
invoqué, pourrait en outre être imputé à leur richesse
en fibres, en vitamines et en antioxydants. À l’inverse
des pièces de viande qui ne sont constituées que de
quelques types de cellules comme des cellules muscu-
laires et adipeuses, les graines sont des structures plus
complexes comportant les ingrédients nécessaires à
la croissance de la future plante, soit des agents dits
« protecteurs » et de nombreux nutriments essentiels.
Enfin, les choses n’étant jamais simples en
termes de pathologies, une nouvelle crainte liée à l’ab-
sorption de protéines végétales en grande quantité fait
surface : la présence de phytohormones, molécules de
petite taille présentes dans certaines plantes et dont la
structure chimique est proche de celle des hormones
humaines, les conduisant à mimer la fonction de
l’hormone elle-même : on parle alors de perturbateur
endocrinien*. Les plus médiatisées sont les phyto-
œstrogènes du soja qui joueraient le rôle d’hormones
« féminisantes ». Leur effet sur l’organisme reste diffi-
cile à déterminer tant les doses ingérées sont variables,
mais des répercussions sur la durée du cycle menstruel
et sur le taux de testostérone des hommes ont déjà été
rapportées.

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Côté habitudes alimentaires, une des causes


limitant la consommation des végétaux est la présence
d’un certain nombre de facteurs antinutritionnels :
d’une part, les inhibiteurs de protéases et les phytates
qui réduisent tous deux le coefficient d’utilité diges-
tive des protéines, mais qui sont facilement éliminés
par traitement thermique et, d’autre part, les glucides
de flatulence. L’inconfort digestif créé par ces derniers
est dû à l’absence dans l’intestin d’une enzyme qui
permet de les dégrader. Ce sont donc les bactéries de
notre microbiote intestinal qui se chargent de cette
dégradation par un processus de fermentation entrai-
nant le dégagement de gaz. Un simple trempage des
graines permet cependant, en initiant le processus de
germination, de réduire le taux des oligosaccharides
de flatulence. Consciente de ces inconvénients, l’in-
dustrie travaille sur les procédés innovants comme la
sélection de variétés, les techniques de transformation,
et lance régulièrement des campagnes de communica-
tion afin d’améliorer la popularité de ces ingrédients.

Le coût écologique
Dans la plupart des pays développés, l’apport
protéique total est constitué à près de 70 % de pro-
téines animales fournies par la viande, le poisson, les

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œufs et les produits laitiers, ce rapport étant inversé au


niveau mondial, avec une prépondérance au Sud de
la consommation de protéines végétales, pour des rai-
sons de ressources. En raison du coût économique de
la viande, très supérieur à celui des produits végétaux,
la répartition des aires de consommation de protéines
animales est liée au niveau de vie. L’alimentation
carnée tend cependant à augmenter avec le dévelop-
pement des États3. À titre d’exemple, la consomma-
tion de calories d’origine animale en Chine est passée
d’environ 30 kcal/pers/jour en 1960 à près de 450
kcal/pers/jour aujourd’hui, autrement dit l’équiva-
lent de la consommation des Français en 1990 (550
kcal/pers/jour aujourd’hui) alors qu’elle plafonne à
environ 75 kcal/pers/jour en Afrique. Cette évolu-
tion moyenne n’est pas sans poser problème, l’élevage
demeurant le principal utilisateur de terres agricoles.
Outre le pâturage, de larges surfaces cultivables sont
dédiées à la production fourragère. Or, même si en
transformant le fourrage en viande, l’élevage permet
la valorisation de protéines de mauvaise qualité pour
offrir des protéines de bonne qualité, la conversion
produite réduit globalement le potentiel nutritif des
surfaces cultivables puisqu’il faut en moyenne 16 kcal
d’origine céréalière pour produire 1 kcal d’origine

3. Sur ce sujet, voir l’article de Michaël Bruckert dans cet


ouvrage.

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Les protéines végétales : un nouvel eldorado nutritionnel

bovine. L’argument en faveur de l’élevage ne peut


donc tenir que dans les zones agricoles à faibles rende-
ments comme les pâturages de montagne et non pour
les élevages intensifs, pourtant de très loin les premiers
fournisseurs de viande dans les pays industrialisés.
D’un point de vue équitable, l’augmentation de
la population mondiale combinée à une préférence
pour les protéines animales, risque d’encourager la
hausse du prix des céréales et favoriser les inégalités
d’accès à une alimentation saine.
D’un point de vue écologique, la transition vers,
ou plutôt le retour à, une alimentation plus végétale
est mentionnée comme une condition nécessaire au
ralentissement des changements climatiques dus aux
gaz à effet de serre ainsi qu’à la préservation des res-
sources en eau potable, réparties de manière très
variable à la surface du globe, créant des inégalités
d’accès à l’eau accentuées par des besoins variables
selon les régions. Environ 5 000 litres d’eau sont
nécessaires pour produire 1 000 kcal d’aliments d’ori-
gine animale contre 1 000 litres pour 1 000 kcal
d’aliments d’origine végétale. Sur le plan qualitatif,
l’agriculture est responsable d’une grave pollution des
eaux, les engrais utilisés en grandes quantités pour
améliorer les rendements des surfaces cultivées sur le
court terme appauvrissant durablement les sols, pous-
sant les agriculteurs à en répandre toujours plus. Les
fertilisants stimulent également la croissance d’algues

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dans les cours d’eau qui, en surnombre, provoquent


l’asphyxie des milieux aquatiques. Les déjections des
animaux d’élevages, concentrés sur des surfaces res-
treintes et mal distribuées, excèdent la capacité d’ab-
sorption des sols. Par l’intermédiaire du ruissellement
des précipitations, des dérivés azotés auxquels s’addi-
tionnent des résidus d’antibiotiques se déversent dans
les nappes phréatiques, jusqu’à les rendre impropres à
la consommation.

Comportements sociaux et nouveaux


modes de consommation
Dans ce contexte, comment faire évoluer les
modes de consommation ? En 2014, le GEPV
(Groupe d’étude et de promotion des protéines végé-
tales) élabore un baromètre de la perception des pro-
téines végétales4 auprès d’un millier de personnes.
Cette perception par les Français est très positive : ils
les déclarent, aux trois-quarts, bonnes pour la santé,
éco-respectueuses, de bonne qualité gustative. Le
GEPV précise que la notoriété des protéines végétales
progresse. Un quart des Français affirment vouloir en

4. <http://www.gepv.asso.fr/Default.aspx?lid=7&rid=615&
rvid=627>.

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consommer plus régulièrement et 35 % souhaitaient


réduire leur consommation de viande pour des raisons
de santé (70 %), de prix (39 %) et d’environnement
(38 %). Le marché mondial des protéines végétales se
prépare à une forte croissance : sa progression serait
estimée à plus de 41 % entre 2013 et 2018, passant de
7,1 milliards à 10 milliards d’euros.
Les consommateurs occidentaux, culturelle-
ment très attachés aux produits d’origine animale
constituant leur alimentation traditionnelle, doivent
être rassurés vis-à-vis des apports nutritionnels d’un
régime réduit en protéines animales et convaincus
quant aux qualités organoleptiques des protéines
végétales. Peut-on espérer que le tofu s’impose un
jour en France, patrie du brie et du pâté en croûte ?
L’industrie agroalimentaire y travaille, et tente de plus
en plus de séduire les omnivores en leur proposant des
produits végétaux répondant aux codes de la cuisine à
base de viande : à commencer par le steak lui-même.
Des jeunes pousses de la « Food Tech* » motivées par
l’ambition de transformer l’industrie alimentaire ont
germé dans la Silicon Valley depuis quelques années
et distribuent désormais leurs produits dans des
chaînes de supermarchés bio. Par exemple, la société
Impossible Foods à San Francisco, dont l’équipe est
constituée de scientifiques, d’ingénieurs, de chefs et de
fermiers, élabore un burger végétal dont la texture et le
juteux rappellent à s’y méprendre ceux de la viande de

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L’alimentation comme médiation avec le monde

bœuf. La marque Beyond Meat, basée à Los Angeles,


développe des substituts de viande et axe sa commu-
nication sur la qualité nutritionnelle en faisant appel
à des athlètes de haut niveau pour promouvoir ses
produits. En février 2016, Unilever lance un substitut
de mayonnaise sans œuf sous sa marque Hellmann’s,
et en 2015, la première « boucherie végétarienne »
ouvrait ses portes en France.
Ces produits semblent s’engager dans la voie
d’une consommation plus durable, ils nécessitent de
lourds investissements pour fabriquer des copies de ce
qui existe déjà en utilisant des matériaux différents.
À l’écart de la restauration gastronomique, l’indus-
trie agroalimentaire semble limitée dans sa capacité à
vendre des recettes nouvelles, créées ex-nihilo à partir
d’ingrédients peu répandus mais intéressants sur le
plan nutritionnel. Ainsi, le quinoa, dont la teneur en
protéines des graines atteint 18 % et est riche en lysine
et méthionine, est cultivé depuis plus de 5 000 ans en
Amérique du Sud. Sa farine n’est pas panifiable, mais
le quinoa pourrait éventuellement se commercialiser
sous forme de lait ou de crème fermentée. On peut
également citer l’amarante, qui fournit une graine
dont la composition en acides aminés essentiels est
intéressante. De nombreux végétaux peuvent ainsi
être interrogés pour leur teneur en protéine et leur
capacité à s’accommoder dans la cuisine du futur :
le sorgho, le coton, sans oublier les algues marines.

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Concernant ces dernières, notons que la spiruline,


souvent considérée à tort comme une algue, est en fait
une bactérie capable de réaliser la photosynthèse. Elle
est connue des végétariens pour être une excellente
source d’acides aminés, de vitamines et de minéraux.
Ceux qui s’intéressent aux graines germées sont
de plus en plus nombreux et peuvent s’intégrer à une
communauté dynamique constituée d’internautes
avertis et prompts à partager leurs savoirs sur des ali-
ments vertueux mais encore très marginaux comme
la graine de cumin, de fenouil ou de raifort à grand
renfort des nouvelles technologies de communication.
En effet, la transition alimentaire s’est amorcée avec
la disponibilité d’informations diététiques et créatives
due à l’essor des sites de recettes puis au partage de
photographies qui ont esthétisé les plats végétariens,
réputés tristes et pauvres gustativement. Ainsi, un
« star-system » du végétarisme se développe sur les
réseaux sociaux avec ses représentants influents n’hési-
tant pas à promouvoir les bienfaits des protéines végé-
tales, tels les sportifs de haut niveau comme Novak
Djokovik ou Carl Lewis. Preuve nouvelle de l’engoue-
ment rapide pour le sujet, le hashtag #vegan* se rap-
porte à plus de 26 millions de photos sur Instagram
en 2016.

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L’alimentation comme médiation avec le monde

Nourritures politiques
Depuis plusieurs années, avec un retentissement
limité, les politiques français s’emparent de la ques-
tion des protéines végétales. En 2013, le rapport « Un
principe et sept ambitions pour l’innovation5 » d’Anne
Lauvergeon – à la tête de la commission « Innovation
2030 » – place les protéines et la chimie végétales
parmi les axes d’innovation majeurs, considérant
que de nouveaux produits alimentaires devraient être
conçus pour répondre à la croissance de la demande,
en stimulant en synergie l’agriculture et l’industrie
agroalimentaire avec sa tradition d’innovation culi-
naire. Le « Plan protéines végétales pour la France
2014-20206 » porté par Stéphane Le Foll, ministre de
l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, se
déclare inscrit dans le « projet agro-écologique pour
la France », se focalisant cependant sur la nécessité de
réinstaller la culture des végétaux sources de protéines
à destination de l’alimentation animale sur les surfaces
agricoles françaises, pour réduire les importations.
En 2016, le CESE (Conseil économique, social et
environnemental) réinitie le débat sur l’alimentation

5. <http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-
publics/134000682/>.
6. <http://agriculture.gouv.fr/le-plan-proteines-vegetales-pour-
la-france-2014-2020>.

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végétale à l’occasion de la saisine « Vers une bioéco-


nomie durable7 ». En parallèle, les initiatives privées
se multiplient, comme la création récente de l’Epicu-
rium8 structure associative qui se présente comme un
« site unique en France, dédié au végétal de la graine
à l’assiette ».
Le salut des protéines végétales s’inscrira-t-il
dans une dynamique de création de sensations nou-
velles, reposant sur des textures et goûts nouveaux ?
Ou proviendra-t-il plutôt de leur capacité à permettre
de survivre au sein de la dictature du « bien manger »
en atténuant la culpabilité face à une assiette alarmiste,
amenant à réfléchir à notre alimentation à la minute et
à la molécule près ? Tout porte à penser que les leviers
pour stimuler l’intérêt des mangeurs pour les protéines
végétales se trouveront probablement à l’intersection
du triptyque santé/plaisir/environnement.
L’industrie de l’élevage doit travailler sur ses
méthodes pour limiter son empreinte environnemen-
tale comme la dégradation des terres, la pollution de
l’atmosphère et des milieux aquatiques, la consomma-
tion importante de ressources en eau et en énergie. En
même temps, le consommateur doit limiter sa part de

7. <http://www.lecese.fr/content/vers- une- bioeconomie-


durable>.
8. <http://www.epicurium.fr>, cf l’encadré de Dominique
Pagès dans cet ouvrage.

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L’alimentation comme médiation avec le monde

viande au profit des végétaux, et l’industrie agricole


encourager cette tendance en jouant sur les caractéris-
tiques nutritionnelles, organoleptiques, fonctionnelles
et économiques des productions pour en favoriser
la consommation directe. Et pour ne pas attendre
demain, les Nations unies ont fait de 2016 l’Année
internationale des légumineuses ; c’est le moment de
cuisiner pois, lentilles et haricots !

Références bibliographiques

Food and Agriculture Organization of the United


Nations (FAO), « Dietary Protein Quality Evaluation in Human
Nutrition : Report of an FAO Expert Consultation », 31 mars –
2 avril 2011, FAO Food and Nutrition Paper 92, Rome, 2013.
Disponible sur : <http://www.fao.org/ag/humannutrition/35978
-02317b979a686a57aa4593304ffc17f06.pdf>.
– , « Food and nutrition in numbers », rapport 2014.
Disponible sur : « http://www.fao.org/3/a-i4175e.pdf>.
– , Légumineuses. Des graines nutritives pour un avenir
durable, FAO, Rome, 2016 « Année internationales des
légumineuses ». Disponible sur <http://www.fao.org/3/
a-i5528f.pdf>.

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