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BIODIV’2050

Biodiversité marine :
usages et dépendances

Numéro 10 - Juin 2016


EDITO

L e milieu marin présente ses


propres spécificités. Il ne
constitue pas un milieu d’évolution
L’approche économique constitue
un levier potentiel efficace
pour préserver et restaurer les
naturelle pour l’Homme, et malgré fonctions écologiques. Des
son étendue, la composition des modes de financement combiné
masses d’eau est homogène. La peuvent contribuer aux mêmes
France représente la deuxième plus objectifs. Faire converger par
grande surface d’océan des pays exemple des financements liés
du monde qui, du point de vue à la compensation avec ceux
économique, permet de produire provenant d’initiatives plus
une plus-value supérieure à celle innovantes, comme les Paiements
de l’industrie pharmaceutique pour la Préservation des Services
ou automobile. Qu’elles soient Ecologiques (PPSE) ou encore Ainsi, la pluralité des filières
liées aux aménagements (ports ceux produits par des outils économiques et leur fort degré
marchands, ports de plaisance…), spécifiques comme les Aires de dépendance vis-à-vis de la
aux activités ou rejets polluants Marines Gérées (AMG), permet qualité des fonctions écologiques
(industries, urbanisations, fermes d’envisager le financement à long marines constituent un vecteur
marines…), aux prélèvements terme de la restauration et de la favorable au maintien à long terme
(pêche, matériaux…), ces activités gestion des petits fonds côtiers. de cette qualité. Il s’agit d’ancrer
sont à l’origine de pressions une véritable forme de mutualisme
considérables sur l’Océan. Dans cet esprit, il s’agit de entre la Nature et l’Homme.
Par leurs effets néfastes, elles privilégier la robustesse et
la résilience des habitats Il est donc fondamental d’établir
menacent la richesse et le bon un lien économique entre les
fonctionnement des écosystèmes. marins. Toutefois, les modes
opératoires sont actuellement activités et aménagements
Pourtant, la qualité des édifices littoraux terrestres ou marins,
naturels constitue la base de la peu nombreux. Les techniques
du génie écologique offrent des et leurs incidences sur l’océan
plupart des activités économiques et les petits fonds côtiers. Et,
vitales pour l’Homme. La plus solutions actuellement en cours
d’évolution. Ce sont par exemple ainsi, impliquer activités et
grande diversité d’activités liées ouvrages dans le processus de
à la mer se situe sur la frange les « habitats artificiels » ou les
techniques d’amélioration de restauration marine. Ne serait-
littorale et concerne les « petits ce pas l’opportunité d’une
fonds côtiers » qui restent les la survie des post-larves de
poissons. Les récifs artificiels démarche « méritoire » traduite par
plus facilement accessibles et un véritable scénario « méritorial » ?
donc vulnérables. ont fait l’objet d’une période
d’expérimentation depuis une
Le temps de l’exploitation et de quarantaine d’années ; il convient PHILIPPE THIEVENT
l’usage raisonné de la nature, aujourd’hui d’innover encore, de Directeur de CDC Biodiversité
ainsi que celui de sa restauration, complexifier ces objets et de les
apparaît aujourd’hui comme une déployer, non plus ponctuellement
évidente priorité qui doit être placée de façon expérimentale, mais à
au cœur de toute décision, puisque l’échelle d’un territoire, comme
chacune engage pas à pas l’avenir véritables outils de restauration des
de l’humanité. Mais quels sont les fonctions écologiques.
moyens disponibles pour agir ?
SOMMAIRE
TRIBUNE 4
Gilles Boeuf
Conseiller scientifique de la ministre de l’Environnement,
de l’Energie et de la Mer

Pierre Boissery
Expert eaux côtières et littoral méditerranéen à la Direction Planification
et Programme de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse

COMPRENDRE 9
Enjeux, outils et financements de la préservation de la biodiversité
marine et côtière en France
„„ Principaux enjeux autour des zones côtières et marines en France
„„ Politiques de protection/gestion de la mer et du littoral et modes
de financement associés

INVENTER 21
Les outils innovants pour la conservation et la restauration de la
biodiversité marine

„„ Restaurer la biodiversité et les services écosystémiques associés


avec les récifs artificiels multi-usages

„„ Conserver et valoriser la biodiversité avec les aires marines gérées

INTERNATIONAL 25
Revue des expériences de récifs artificiels en Méditerranée

INITIATIVES 27
„„ L’Initiative Française pour les Récifs Coralliens (IFRECOR)
„„ Des Nurseries Artificielles pour Ports Exemplaires (NAPPEX)
„„ Créer une alliance du secteur privé pour une gestion durable de
l’océan : le « World Ocean Council »
„„ REXCOR, un projet expérimental pour la restauration écologique
des petits fonds de la cuvette de Cortiou (Marseille)

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : LAURENT PIERMONT


RÉDACTEUR EN CHEF : PHILIPPE THIÉVENT
COORDINATION-CONCEPTION : LÔRA ROUVIÈRE
RÉDACTION : AURÉLIEN GUINGAND ET LÔRA ROUVIÈRE
AVEC L’APPUI DE : EGIS EAU ET NICOLAS PASCAL (CRIOBE)
COMMUNICATION : EMMANUELLE GONZALEZ
EDITION : MISSION ECONOMIE DE LA BIODIVERSITÉ
GRAPHISME : JOSEPH ISIRDI – www.lisajoseph.fr
MAQUETTE : PLANET 7 PRODUCTION
CONTACT : meb@cdc-biodiversite.fr

BIODIV’2050 PRÉSENTE LES TRAVAUX EN COURS ET LES AVANCÉES DE LA MISSION


ECONOMIE DE LA BIODIVERSITÉ. LA RUBRIQUE TRIBUNE ET LES ENCARTS « POINTS
DE VUE » PERMETTENT AUX ACTEURS CONCERNÉS DE DONNER LEUR POINT DE
VUE SUR LES SUJETS TRAITÉS. LES PROPOS QUI Y FIGURENT N’ENGAGENT QUE LA
RESPONSABILITÉ DES PERSONNES INTERROGÉES.
© Remy Dubas / Ecocean

PHOTO DE COUVERTURE : © ISTOCK - IFISH


TRIBUNE
Je dis souvent qu’il n’y a qu’un seul océan d’années. Ces éléments replacent la biodi-
sur la terre et je n’emploie jamais ce mot versité marine dans son contexte : elle est
au pluriel. En effet, l’eau de n’importe quel différente, car plus variée (en groupes) et
océan de la planète possède la même ancestrale.
salinité. C’est donc un milieu extrêmement
Pour finir, il y a moins de biodiversité marine
stable et continu, qui permet aux espèces
que terrestre. Les groupes d’espèces
marines d’être mobiles sur l’ensemble du
marines ayant quitté l’océan sont à l’origine
globe. La troisième caractéristique est la
de la faune terrestre et parmi eux, deux
stabilité dans le temps. L’océan est stable
grandes réussites : les arthropodes (c’est-
depuis au moins 100 millions d’années, à-dire les crustacés devenus des insectes)
soit identique depuis le milieu de l’ère et les vertébrés. Un troisième grand groupe
secondaire, bien avant la cinquième grande sortira de l’océan beaucoup plus tard, les
crise d’extinction. Il est donc universel. mollusques, qui sont tout autant abon-
GILLES BOEUF Par ailleurs, il est important de rappeler que dants en mer que sur terre. La vie terrestre
Conseiller scientifique de la la vie naît dans l’océan, il y a à peu près explose dans les forêts carbonifères il y a
ministre de l’Environnement, 3,9 milliards d’années. La nature, elle, est environ 345 millions d’années. Si l’on com-
de l’Energie et de la Mer depuis que la terre existe, tout d’abord pare aujourd’hui les faunes terrestres et ma-
dans l’univers, puis sur terre. L’eau, que rines, elles sont différentes alors même que
nous pensons fortement d’origine extrater- tous les groupes d’espèces sont apparus
Quels sont, selon vous, les grands restre, arrive sur terre grâce à des milliards dans l’océan. Certains n’ont jamais quitté
enjeux liés à la préservation et à d’impacts de météorites qui vont créer l’océan, comme les échinodermes (oursins,
la restauration de la biodiversité cet océan, salé par la dissolution de la étoiles de mer, concombres de mer…) qui
marine et comment caractériser croûte terrestre alors composée à 90 % de n’ont aucun représentant, ni terrestre, ni
ce milieu si particulier ? chlorure de sodium. C’est dans cette eau d’eau saumâtre ou d’eau douce. Au-
salée, océan ancestral, que naît la biodi- jourd’hui, seul 13 % des espèces connues
Le milieu marin est caractérisé par
versité qui constitue la partie vivante de la sont marines. Cela s’explique justement par
trois éléments plutôt uniques dans
nature. Elle apparaît le jour où une première la stabilité et la continuité de l’océan qui ré-
les écosystèmes de la planète et qui
cellule se forme, une membrane créant duisent le potentiel de niches écologiques.
sont déterminants pour comprendre la
biodiversité que l’on y trouve. une enveloppe séparant un intérieur d’un
Face à l’érosion de la biodiversité,
extérieur, puis se clone entre deux cellules
quelles sont aujourd’hui les
Tout d’abord, la salinité. L’océan est un filles exactement identiques et continue,
milieu aquatique salé, très différent des principales pressions auxquelles
via ce phénomène de scissiparité, à se
eaux douces en ce qu’il déclenche une est confronté l’océan ?
multiplier. La vie naît donc dans l’océan et
pression osmotique (1), soit des forces reste océanique pendant environ 3 milliards La principale pression qui s’exerce sur
particulières, qui font que la vie dans les d’années. Ce n’est finalement que récem- l’océan est la surexploitation des ressources
océans n’est pas la même que dans ment qu’elle a pu s’en extraire. La vie a dû marines. Les humains ont toujours pêché et
une rivière. Il faut savoir que, si l’eau sur tenter plusieurs fois d’approcher des côtes chassé, tant qu’ils étaient en nombre limité
terre semble d’apparence gigantesque et de sortir de l’océan, confrontée à des cela ne posait pas de problème. Jusqu’en
en surface, elle est en réalité relativement 1800, nous sommes environ 800 millions
estuaires, des rivières, des eaux douces ou
rare comparativement au volume global d’humains, il n’y a aucun déséquilibre ou
saumâtres, qui, à cause du phénomène
de la planète (la profondeur maximum des problématique de surpêche, l’harmonie
d’osmose (2), l’empêchaient d’en sortir. Puis,
océans est de 11 km) et 97 % de celle-ci règne. Puis, l’Homme invente la machine à
la vie invente des systèmes de régulation
est salée, donc non utilisable directement vapeur : locomotives et bateaux à vapeur.
et l’eau, contenue dans les organismes vi-
par les organismes. Par conséquent, ce Ces inventions vont considérablement
vants, modifie sa salinité lui permettant ainsi
sont les 3 % d’eau restante, non salée, qui bouleverser les équilibres en permettant la
de sortir de l’océan. Cela se produit pour
font la physiologie des organismes vivants pêche de plus gros spécimens et en plus
les métazoaires (3) élaborés il y a 450 millions
évolués et constituent la base de la vie. La grande quantité. La pêche va s’attaquer de
deuxième caractéristique est la continuité. manière systématique aux grands animaux
(2) L’osmose désigne le transfert d’eau d’une solution diluée
(hypotonique) vers une solution concentrée (hypertonique) au marins, ce qui va provoquer l’effondrement
travers d’une membrane semi-perméable. (Larousse)
(1) La pression osmotique désigne la pression dans des populations de baleines. On estime
une cellule vivante, empêchant un solvant de passer (3) Animal dont le corps est constitué de plusieurs
au travers d’une membrane semi-perméable. cellules organisées en tissus et organes. (Larousse) aujourd’hui qu’il reste 4 % des baleines

4 BIODIV’2050 - Numéro 10 - Juin 2016


franches présentes dans les années 1800. Par conséquent, l’avenir d’une aquaculture de la ressource et gérer durablement les
Ce n’est qu’en 1982 qu’un moratoire sur la durable n’est pas dans la production de milieux, nous sommes obligés de regarder
chasse à la baleine est adopté interdisant poissons carnivores, mais de poissons ce qu’il se passe en amont, tant au niveau
la chasse commerciale. Le second cas omnivores, d’algues et de mollusques. des déchets plastiques que des pratiques
de surpêche, cette fois jusqu’à l’effondre- agricoles. Aujourd’hui, l’organisation entre
La principale menace pour les ressources
ment total de la population, est localisé et les acteurs du terrestre et du marin n’est
vivantes du milieu marin est donc la
concerne le hareng de la mer du Nord. Mis pas encore en place. Il y a donc un effort,
surpêche. Il faut absolument stopper la
à part ces deux cas, il y a une « certaine
surpêche, y compris celle des grands une action collective à mettre en place, qui
harmonie » entre ressources et captures
fonds, qui ne supporteront pas de telles soit plus globale et qui permette de coor-
jusqu’au XXe siècle, avant l’arrivée des cha-
pressions. Un autre enjeu de taille concerne donner les différentes parties prenantes.
lutiers. Celle-ci marque le début d’une nou-
la protection du corail qui, s’il représente Par ailleurs, en termes économiques,
velle époque dans laquelle nous observons
moins de 1 % de la surface de l’océan, nous ne tenons pas encore suffisamment
les premiers indices de surpêche généra-
abrite le tiers des espèces océaniques. Il compte des externalités. Il faudrait pouvoir
lisée. Le plus emblématique concerne la
correspond à l’équivalent fonctionnel des considérer les ressources marines non
disparition des stocks de morues de Terre-
grandes forêts tropicales sur la terre. comme des biens privés, mais comme des
Neuve entre 1988 et 1992. Par la suite,
tout s’accélère, entre 1950 et 1990 les Les solutions résident dans la gestion des biens communs. Un poisson ne peut pas
pêches mondiales ne cessent d’augmenter stocks de pêche, le développement d’une uniquement appartenir au pêcheur qui le
d’année en année. Nous avons atteint les aquaculture respectueuse des milieux capture. Nous ne pourrons pas avancer en
limites de la pêche mondiale. Les volumes et le maintien d’une biodiversité marine maintenant cette logique surannée.
de pêche ne peuvent plus augmenter. Il la plus grande possible pour permettre
Le problème réside aussi dans la non-prise
faut désormais gérer l’accès aux stocks. La la découverte de nouvelles molécules
en compte de la dimension marine lors
pêche n’est pas un problème en soi si les d’intérêt. En effet, nous oublions souvent
du Sommet de la Terre de Rio (1992). Ce
stocks se renouvellent, mais la surpêche l’intérêt des modèles marins pour la
manque d’intérêt de la part des décideurs
est une aberration qu’il faut impérativement recherche fondamentale (13 prix Nobel de
stopper. Selon la FAO, actuellement les trois s’explique à mon sens par le fait que, à la
médecine) ainsi que leur utilisation pour la
quarts des stocks mondiaux sont soit su- différence des espaces terrestres, il n’y a
cosmétique et la pharmacie. En cosmétique
rexploités, soit pleinement exploités. C’est pas d’enjeux électoraux liés aux océans.
et en pharmacologie, 25 000 molécules
un grand paradoxe, car sans gestion des sont utilisées et proviennent de l’océan. Pour conclure, je soulignerai quatre
stocks de pêche, nous nous privons d’une Les invertébrés marins sont de très bons points fondamentaux :
ressource renouvelable vitale. pourvoyeurs de molécules d’intérêt pour
L’océan est un avenir de l’humanité.
Parallèlement, la consommation de pois- ces secteurs d’activité.
Nous ne pouvons plus imaginer continuer
sons augmente, du fait de la croissance
Quels sont, selon vous, les principaux à développer l’économie humaine sans
continue de la population, mais aussi de
enjeux et particularités liés à la gestion tenir compte de l’océan. Je salue d’ailleurs
l’émergence d’un phénomène de mode,
de la biodiversité marine et côtière ? le fait que la COP21 ait été la première à
en Europe et en Amérique du Nord, de
consommation de poissons haut de parler d’océan.
Le milieu marin est un milieu continu et
gamme. Pour répondre à cette demande, ouvert qui ne connaît pas de frontière. L’océan est le principal régulateur du
tout comme nous l’avons fait avec l’agricul- Par conséquent, il nécessite d’être géré climat, mais il est en retour très touché par
ture, nous développons l’aquaculture. Le collectivement via une gouvernance régio- les changements en cours (acidification,
volume des pêches et celui de la produc- nale, nationale ou internationale. La bonne augmentation des températures, perte
tion aquacole sont aujourd’hui quasiment échelle de gouvernance dépend du stock (4) d’oxygène, remontée du niveau des
identiques, même si en termes de coût, considéré, s’il est localisé ou mondialisé. eaux…).
l’aquaculture est plus facilement valorisable. Par exemple, le thon rouge, qui est très
L’aquaculture mondiale se concentre sur mobile, doit être géré à l’échelle mondiale. Le bien-être humain passe par une
quatre types de ressources : les algues Nous avons précédemment démontré le approche des ressources marines
(99 % proviennent de l’aquaculture), les besoin d’arrêter la surexploitation et de renouvelables pour la pêche comme
mollusques, les crustacés avec notamment limiter l’accès à la ressource. Cependant, pour l’aquaculture.
les crevettes et les gambas qui représentent la destruction du littoral via les pollutions, L’importance de la dimension
une très grosse industrie à l’origine de la qui entraîne également une diminution des
destruction systématique des mangro- économique, principalement liée au
ressources marines, est aussi un fort enjeu
ves, et les poissons, dont des carnivores tourisme littoral : la mer Méditerranée
qui doit être géré au niveau international
(saumon, thon, turbot…). Alors même que constitue la principale destination au monde
pour éviter et réduire l’impact des activités
les poissons sont omnivores, nous ciblons en termes de tourisme, ce qui joue un rôle
humaines. Pour comprendre l’évolution
dans la production les carnivores, ce qui déterminant pour l’emploi et justifie aussi
nécessite l’apport de ressources de la la nécessité de maintenir notre océan en
(4) Un stock est la partie exploitable d’une population de
pêche pour produire de la chair d’élevage. poissons, telle que la déterminent les biologistes marins. bonne santé. 

MISSION ÉCONOMIE DE LA BIODIVERSITÉ 5


TRIBUNE

politiques historiques de lutte contre la des caractéristiques de notre travail.


pollution. Enfin, le troisième volet concerne Notre cadre d’intervention est construit
la restauration écologique. Il est d’actualité. ainsi. C’est plutôt rare dans le système
Dans quelques zones du littoral, des projets administratif français qui distingue encore
de restauration écologique des petits fonds souvent les services en charge de la
marins sont engagés afin de reconquérir la terre de ceux en charge de la mer. Les
biodiversité. Ces trois politiques, lutte contre problématiques et les compétences
la pollution, non-dégradation et restauration souvent sont segmentées. Les agences
écologique sont complémentaires. Elles
de l’eau ont la particularité d’être le seul
doivent être menées conjointement pour
établissement public dont les compétences
être efficaces.
s’étendent de la montagne aux eaux
La restauration écologique des milieux territoriales. Elles sont organisées et
PIERRE BOISSERY marins reste un sujet nouveau en coordonnées pour agir en ce sens. Par
Expert eaux côtières et littoral émergence. Nous disposons cependant exemple, cela s’inscrit dans une logique
méditerranéen à la Direction de solutions techniques qui permettent de selon laquelle les objectifs de qualité
rendre concrète cette nouvelle politique. que nous nous fixons sur le milieu marin
Planification et Programme
Il faut noter toutefois que, contrairement
de l’Agence de l’eau Rhône s’imposent aux acteurs « terrestres » qui
à la lutte contre la pollution ou la non-
Méditerranée Corse souvent sont à l’origine des pollutions.
dégradation, il n’y a pas d’obligation
Ainsi, sur les bassins versants côtiers, nous
réglementaire qui impose de restaurer
arrivons à travailler avec des objectifs plus
Quels sont les principales les petits fonds côtiers. Les opérations
élevés, car nous avons des ambitions fortes
problématiques et les actuelles sont menées de façon volontaire.
pour le milieu marin. Quand nous travaillons
grands enjeux auxquels sont C’est plutôt rare. Il faut le souligner. Le
sur la fonction nurserie d’un port, nous
confrontés les gestionnaires principal moteur de la protection de
l’environnement reste en effet souvent la sommes dans le local. Quand il s’agit de
concernant le milieu marin ? prendre en compte les apports polluants
réglementation et sa bonne application.
Avant d’évoquer la situation d’aujourd’hui, Du fait de sa jeunesse, cette nouvelle se déversant dans le port, nous intégrons
je vous propose de revenir un peu dans politique de restauration des milieux reste le bassin versant. Et comme il est rare de
le passé. Depuis le début des années 60, fragile. Soit nous réussissons à l’ancrer ne trouver qu’un seul port dans une baie,
nous travaillons de manière active pour solidement dans la politique publique du l’approche première très locale s’étend
lutter contre les pollutions des milieux littoral et de la mer via des outils adéquats, pour intégrer les problématiques voisines à
aquatiques. Nous avons principalement soit les contraintes techniques, financières une échelle géographique qui de fait devient
investi dans l’assainissement des eaux ou bien réglementaires l’emporteront. plus importante.
usées urbaines et la réduction des rejets Nous sommes face à ce dilemme. Je reste
Structurellement parlant, la gestion intégrée
industriels. Aujourd’hui, si la lutte contre les toutefois optimiste. La vingtaine de projets
des zones côtières, la gestion intégrée de
pollutions chimiques ou bactériologiques engagés ces dernières années ont donné
des résultats encourageants, voire très la mer et du littoral ou encore l’approche
reste une priorité, l‘impact des pollutions
positifs, notamment sur la restauration de la écosystémique restent des démarches très
directes à la mer s’est considérablement
fonction nurserie des zones portuaires. conceptuelles sur lesquelles il est difficile
amenuisé. Notre priorité concerne
d’amener l’ensemble des acteurs. Si ces
désormais la gestion des pollutions diffuses
En tant qu’agence de l’eau, quelle notions sont aujourd’hui ancrées au niveau
et notamment celles qui se produisent en
est l’échelle pertinente pour la des techniciens et des scientifiques, elles
temps de pluie. Ces dernières sont en effet
préservation et la restauration de ne le sont que rarement pour les acteurs
difficiles à appréhender techniquement et
la biodiversité marine et comment locaux. Les outils de gestion dont nous
leur prévention est souvent coûteuse. Le
mettre en place une gestion plus disposons ne sont pas toujours adaptés.
deuxième point que je souhaite souligner
intégrée du milieu marin pour Les Contrats de baie, outil que nous
est la prise en compte de la biodiversité
une meilleure cohérence terre- promouvons, sont, à travers la manière
dans les politiques publiques dès le début
mer des politiques publiques ?
des années 2000 avec le constat que dont ils sont conçus, les acteurs qu’ils
si nous n’abîmons pas les milieux, nous La bonne échelle est celle qui permet impliquent et le cadre géographique dans
n’aurons pas besoin de les réparer. Cette de faire avancer un projet. Au sein des lequel ils s’inscrivent, bien centrés sur
logique de non-dégradation est ainsi agences de l’eau, nous sommes très cette continuité terre-mer. Les Schémas
devenue un axe complémentaire des attentifs à la relation terre-mer. C’est l’une d’Aménagement et de Gestion des Eaux

6 BIODIV’2050 - Numéro 10 - Juin 2016


Port-Cros 2015 © Remy Dubas / Ecocean

(SAGE), quant à eux, se focalisent encore autant. Le contexte dans lequel on fédère Cette gestion de la mer et la protection
souvent sur la partie terrestre des bassins les acteurs concernés est aussi primordial, de la biodiversité ne sont pas l’exclusivité
versants côtiers. tout comme la motivation de l’acteur à d’une catégorie d’acteurs. Elles doivent
l’initiative du tour de table et la manière se construire avec les personnes qui
Pour conclure sur ce point, nous avons
d’aborder le sujet. vivent la mer : les pêcheurs, les plongeurs
de bonnes marges de progrès. Il faut
comme les élus et les services de l’Etat,
adopter une approche plus transversale et Durant de nombreuses années, nous
etc. Elles doivent encourager les synergies,
pluridisciplinaire, favoriser le partage des avons adopté une entrée très technique,
coordonner les compétences, s’adapter
compétences et des objectifs et rester via des listes de contaminants chimiques,
aux situations et aux contextes locaux.
pragmatique. Il faut également accepter la description de la biologie marine et de
Enfin, elles doivent se décliner par des
de partager la prise de décision, accepter ses noms en latin, etc. Cela s’est traduit
actions du quotidien. C’est un processus
d’évaluer l’efficacité des politiques mises par la réalisation d’un grand nombre long, qui demande beaucoup d’énergie
en œuvre et d’une façon générale coopérer d’études scientifiques, laissant penser ainsi qu’un effort constant de concertation
dans un cadre où les prérogatives et les que l’on pouvait ainsi résoudre tous les et de collaboration. Les projets qui ne
compétences se chevauchent souvent. problèmes posés. Aujourd’hui, nous fonctionnent pas sont souvent ceux
Cela dépend de l’ensemble des acteurs disposons de beaucoup d’information et décrétés par des tiers extérieurs au
concernés. La solution est dans chacun de suffisamment de connaissances pour territoire, sans connaissance préalable
d’entre nous. pouvoir agir. Cela peut paraître paradoxal du contexte local et de sa sociologie.
car parfois il n’y a pas d’action et cela L’expérience montre que le temps passé
En ce qui concerne les leviers pour
peut nous interroger. Prenons-nous à concerter est toujours trop long, parfois
agir en faveur de la préservation et
suffisamment en compte la dimension frustrant. On peut le regretter. Mais si l’on
de la restauration de la biodiversité
sociale ou la dimension économique dans prend du recul, c’est aussi un temps pour
marine et côtière à l’échelle du
nos projets ? Avons-nous le bon langage et mieux se connaître, établir une relation
territoire, quels outils peuvent ou
le bon comportement pour permettre une de confiance et ne pas se précipiter. La
doivent être mobilisés et comment
appropriation des enjeux de protection de protection de la mer est un objectif de
associer les différents acteurs ?
la biodiversité marine ? Ne sommes-nous long terme. Agir prend toujours du temps.
Nous l’avons vu, le cadre géographique pas dans une démarche d’interdiction ou Réussir aussi. Il est préférable de privilégier
est important. La maîtrise des pressions de régulation plutôt que d’acceptation, une politique progressive des « petits pas »
responsables de la dégradation l’est tout d’adhésion et de participation ? plutôt que de vouloir réaliser de grands

MISSION ÉCONOMIE DE LA BIODIVERSITÉ 7


TRIBUNE

projets, sur la base de grandes intentions, Face aux problématiques récurrentes généralement une question de gestion
complexes à décliner et qui peuvent de mobilisation des ressources pour de notre patrimoine, tant économique
d’ailleurs amener un essoufflement dans le financement de la préservation de qu’écologique.
le temps. Enfin, le contexte institutionnel, la biodiversité, quels sont, selon vous,
Selon moi, l’incapacité d’un acteur à agir
c’est-à-dire les dimensions réglementaire les enjeux actuels pour le financement
n’est pas tant une question budgétaire
et financière, doit permettre les initiatives de la préservation et de la restauration
que de volonté. Si nous reprenons le
et accompagner la mise en œuvre de ces des milieux marins et côtiers ?
schéma initial des politiques menées par
actions.
Les difficultés de financement sont souvent l’agence de l’eau, la restauration écologique
Les outils pour gérer le littoral et protéger mises en avant pour justifier une non- et la non-dégradation représentent en
la biodiversité sont nombreux. Par action. Je ne partage pas ce point de moyenne 5 % du budget annuel alloué à
exemple, un contrat de baie répond à vue en ce qui concerne le milieu marin. A la lutte contre la pollution. 1 % du budget
une problématique de lutte contre la titre d’exemple, le coût d’une opération assainissement pour une grande ville du
pollution qui nécessite une programmation de restauration écologique de la fonction littoral offre déjà un potentiel de projets de
importante d’actions pour reconquérir la nurserie d’un port représente moins de restauration écologique très important.
qualité de l’eau. Un parc national va, quant 1 % de son coût annuel de fonctionnement. Ces projets de restauration ne nécessitent
à lui, répondre à une problématique de Des aides publiques existent comme celles pas en effet la mobilisation de plusieurs
régulation des activités et des dégradations proposées par le programme d’intervention millions d’euros. La dimension financière
dans un milieu relativement préservé. Un de l’agence de l’eau. Des fonds privés ou n’est pas, selon moi, un frein. L’écueil
plan de gestion intercommunal comprenant de fondations sont également accessibles. principal, c’est l’absence de volonté de
une série d’actions concrètes, cohérentes, Je n’ai pas connaissance à ce jour d’un faire, dans un contexte où la restauration
coordonnées et planifiées dans le temps, projet de restauration écologique, dans écologique n’est pas obligatoire. Même
peut aussi être un outil très efficace, car notre périmètre d’action, qui serait bloqué si cela conduit parfois à constater des
directement opérationnel. Je ne suis pas par l’absence de financement. Il convient erreurs, agir aujourd’hui coûtera toujours
partisan de la promotion d’outils types, également de prendre en compte les moins cher que réagir demain. En matière
car il n’y a pas de solution toute prête. éventuelles retombées économiques de de biodiversité marine, la restauration
L’important est d’identifier, avec les acteurs, ces projets, comme l’attractivité touristique écologique a encore besoin d’innover.
la meilleure réponse aux problèmes ou le soutien à la pêche par exemple. De
nombreuses études ont été réalisées dans Dans les années 80, les experts ont
qui doivent être traités. Chaque cas
le but de chiffrer le coût des politiques de déclaré la mort de la mer Méditerranée
est spécifique.
gestion de l’espace littoral et marin et les à l’horizon des années 2010. Certes,
Si nous prenons une nouvelle fois un peu bénéfices qu’elles génèrent au niveau de certains endroits présentent aujourd’hui
de recul dans le temps, il y a 25 ans, il n’y l’activité économique. La conclusion est des signes majeurs de dégradation et de
avait presque aucune politique de gestion sans appel. Ces dépenses représentent pollution et des secteurs nécessitent d’être
sur le littoral méditerranéen français, mis en moyenne 3 % de l’économie annuelle restaurés. Mais la mer Méditerranée n’est
à part le Parc national de Port-Cros et générée par le milieu (eaux de baignade, pas morte. Ce constat confirme bien le fait
une ou deux structures de protection de pêche, tourisme, etc.). Une bonne qualité que, même si elles n’étaient pas parfaites,
la faune et de la flore marine. Aujourd’hui, des milieux est, au-delà des fonctions les actions déployées ces 30 dernières
l’ensemble de notre littoral méditerranéen écologiques, la garantie d’une bonne années ont porté leurs fruits. Agir, même
est couvert par des procédures en activité économique. La protection des si ce n’est pas toujours facile, reste la
faveur de l’environnement : sites Natura milieux marins n’est donc pas uniquement façon la plus efficace de protéger la
2000, parcs nationaux, contrats de baie, une question écologique mais plus biodiversité marine. 
SCOT littoral, terrains du Conservatoire
du littoral, plans de gestion locale, etc.
C’est très positif, mais dans certains
secteurs, ces procédures se recouvrent
ou s’articulent mal. Cette superposition
rend complexes, voire peu lisible, les
Coralligène en méditerranée © Laurent Ballesta

politiques engagées. Il serait alors pertinent


de rechercher une rationalisation de ces
opérations pour les rendre plus lisibles et
pour mutualiser les efforts, tant du point de
vue économique que de la gouvernance.

8 BIODIV’2050 - Numéro 10 - Juin 2016


COMPRENDRE ENJEUX, OUTILS ET
FINANCEMENTS DE LA PRÉSERVATION DE LA
BIODIVERSITÉ MARINE ET CÔTIÈRE EN FRANCE

L a France est une nation maritime.


La mer et le littoral ont marqué son
histoire, son économie et son identité. Ces
espaces font partie intégrante du patrimoine
national, tant culturel que naturel. Seul
pays présent sur l’ensemble des océans
de la planète (1), la France détient le second
espace maritime mondial avec 11 millions
de km², soit l’équivalent de la surface de
l’Europe. Cette situation privilégiée, qui
tient aux trois façades maritimes présentes
en métropole mais surtout à la place de
l’outre-mer (97 % des eaux sous juridiction
nationale), pourrait encore s’améliorer si les
différentes demandes d’extension des droits
souverains en cours sur le domaine maritime
Villefranche-sur-Mer (Côte d’Azur) © istock - Ray Hems
aboutissent au niveau international (2). Elle
confère à la France un statut de puissance
services nautiques, le parapétrolier offshore des écosystèmes associés nécessitent
maritime de premier rang ainsi que de
ou encore la production d’énergies marines davantage qu’une meilleure caractérisation
grandes responsabilités dans la préservation
renouvelables. L’essor des activités des impacts. Elles requièrent la mise en
de la biodiversité marine mondiale.
économiques littorales et maritimes ces œuvre d’actions de gestion durable des
Aujourd’hui, le bord de mer est devenu dernières années et les promesses qu’elles ressources et de restauration écologique
le lieu de vie privilégié d’une majorité de portent pour l’avenir constituent, dans le prenant en compte tant les spécificités
Français, devant la campagne, la ville et sillage de la croissance « verte », le moteur (contexte foncier, interface terre-mer,
la montagne (ONML, 2016). A l’instar des de ce que certains dénomment aujourd’hui
incertitude scientifique, caractère diffus
relations des activités humaines avec la la croissance « bleue ». Le développement
biodiversité en général, le rapport des des impacts) que les trajectoires des
de ces activités et des territoires littoraux
Français face à la mer est complexe, mêlant écosystèmes côtiers et marins. Malgré
qui les hébergent est néanmoins source de
volonté de protection des milieux naturels, leur relative nouveauté, les outils et les
pressions croissantes sur des écosystèmes
attachement culturel et besoins d’usages techniques pour la conservation, la gestion
marins qui, de par leurs caractéristiques
diversifiés, tels que la promenade, la ou la restauration écologique existent. En
intrinsèques et les moyens à mettre en
baignade et l’exploitation/consommation des plus d’un retour d’expérience scientifique
œuvre pour l’étude de leur fonctionnement,
produits de la mer (ibid.). Mais, au-delà de encore limité sur leur mobilisation, l’un des
restent encore mal connus. Or, les activités
ces activités historiques associées à la mer, freins à leur généralisation tient aussi à la
économiques ne peuvent être déconnectées
l’économie maritime, dont la valeur ajoutée question du coût de leur mise en œuvre, et
du milieu naturel dans lequel elles évoluent,
dépasse les 30 milliards d’euros (DEFM, donc du financement de l’action. Dès lors,
au risque de mettre en péril leur pérennité.
2014), regroupe un panel de secteurs
La durabilité des activités économiques l’enjeu est d’évaluer dans quelle mesure les
particulièrement diversifiés, viviers d’emplois,
traditionnelles d’exploitation de la mer, secteurs de l’économie maritime et, plus
comme le tourisme littoral, la construction
tout comme le développement d’activités largement, les territoires littoraux doivent
et la réparation navale, l’industrie et les
nouvelles, passe donc par une meilleure non plus seulement rendre compte de
appréhension des pressions et des leurs impacts mais également intégrer leurs
(1) A l’exception de l’océan arctique.
impacts qu’elles engendrent. Leurs coûts relations d’interdépendance avec le bon état
(2) La Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer permet
aux pays côtiers d’étendre leur juridiction au-delà de 200 milles écologiques et économiques commencent à écologique des milieux marins et côtiers. Il
marins à condition de démontrer que les limites de leur plateau
continental peuvent être prolongées (jusqu’à 350 milles maximum)
être perçus par la société. s’agit d’intégrer à leur modèle économique
(voir Figure 3 p.16). En octobre 2015, la Commission des limites
du plateau continental a accordé à la France une extension Néanmoins, la conciliation des multiples les bénéfices mais aussi les coûts de la
de 579 000 km² de son domaine public maritime. A terme, un
total d’environ 2 millions de km² pourrait être concerné. usages liés à la mer et la conservation préservation des milieux dont ils dépendent.

MISSION ÉCONOMIE DE LA BIODIVERSITÉ 9


COMPRENDRE ENJEUX, OUTILS ET FINANCEMENTS DE LA PRÉSERVATION
DE LA BIODIVERSITÉ MARINE ET CÔTIÈRE EN FRANCE

Principaux enjeux Supralittoral Medio-


littoral
Infralittoral Circalittoral Bathyal Abyssal

autour des zones


côtières et marines Niveau le plus élevé
des émersions
0m
en France Niveau le plus bas
des émersions normales
Dom Domaine pélagique
aine
ben
thiq
ue
Aperçu de l’état écologique
30 - 35 m
des milieux marins et côtiers
Plateau
continental
Les habitats marins recouvrent à la fois des
caractéristiques physico-chimiques (nature 100 - 200 m
des substrats, courantologie, bathymétrie (3),
Talus
température, etc.), qui définissent des continental
biotopes, et des caractéristiques liées aux Figure 1 :
Etagement marin (fonds et colonne d’eau). 5000 m
communautés d’espèces, qui constituent
Source : MEB
des biocénoses. Les habitats du milieu
marin sont traditionnellement divisés entre
les habitats pélagiques (habitats de la des connaissances disponibles en France La sous-région marine Méditerranée
colonne d’eau) et des habitats benthiques métropolitaine. Chaque sous-région occidentale se caractérise, quant à elle,
(habitats des fonds marins) (4). Les habitats marine présente des caractéristiques par des fonds de grande profondeur et
benthiques sont, quant à eux, classés selon morphologiques et biologiques distinctes. de faibles apports nutritifs, à l’exception
une distribution verticale qui distingue, en du golfe du Lion, qui bénéficie des
La sous-région marine Manche-Mer du
fonction de la profondeur, différents étages, nutriments apportés par le Rhône, ce qui
Nord est une mer peu profonde (inférieure
chacun abritant une grande diversité de en fait l’une des zones les plus riches de
à 100 m) qui présente des eaux très
biotopes et de biocénoses associées (voir la Méditerranée. La sous-région présente
mélangées en raison de l’action des vents
Figure 1 ci-contre). notamment un certain nombre d’habitats à
et des courants marins. Les fonds durs de
valeur patrimoniale, riches en biodiversité,
La France abrite des habitats marins et l’infralittoral abritent plus particulièrement
comme le coralligène (7), formant des blocs
côtiers d’une diversité exceptionnelle. A des biocénoses à laminaires, algues brunes
appelés bio-constructions analogues aux
titre d’exemple, 75 % des habitats naturels formant de longs rubans, et autres algues
récifs coralliens, ainsi que l’herbier de
littoraux d’intérêt communautaire (5) sont rouges. Plusieurs autres habitats particuliers
Posidonie, formant de véritables « prairies »
présents en France (34 sur 45) (ONML, (construits par des espèces « ingénieures »)
sous-marines de plantes à fleurs (8). Par
2012). L’ensemble des habitats marins sur sont présents, comme les herbiers de
ailleurs, les étages bathyal et abyssal sont
le territoire font l’objet d’une connaissance Zostère, les bancs de Maërl ou les bancs
caractérisés par la présence de canyons
encore très lacunaire. Les travaux menés intertidaux de moules. Interface entre
sous-marins riches en biodiversité et
dans le cadre de la Directive Cadre l’Atlantique et la mer du Nord, la Manche
espèces emblématiques.
Stratégie Milieu Marin (DCSMM) (6) ont est une voie de migration importante pour
néanmoins permis de faire la synthèse les poissons, mammifères et oiseaux. Enfin, en outre-mer, les récifs coralliens
et écosystèmes associés, comme les
La sous-région marine golfe de Gascogne
(3) La bathymétrie est la science de la mesure des profondeurs et herbiers et les mangroves, sont des
du relief de l’océan pour déterminer la topographie du sol de la mer. se caractérise par un vaste plateau
écosystèmes en étroite relation qui abritent
(4) Les espèces inféodées à ces habitats sont continental, par la présence d’étages
dites pélagiques ou benthiques. la flore et la faune la plus diversifiée que
bathyal et abyssal, et par une exposition
(5) Cités à l’annexe 1 de la Directive Habitats, les habitats d’intérêt l’on puisse trouver sur la planète, avec les
communautaire sont des habitats en danger ou ayant une aire aux fortes houles de l’océan Atlantique. forêts tropicales (cf. TRIBUNE Gilles Bœuf
de répartition réduite d’espèces en danger, vulnérables, rares
ou endémiques sur le territoire communautaire, pour lesquels La diversité des espèces rencontrées, en p.4). Les récifs et leurs lagons dans les
doivent être désignées des zones spéciales de conservation.
particulier de poissons, est relativement eaux françaises couvrent quelque 57 000
(6) La DCSMM conduit les États membres de l’Union européenne
à prendre les mesures nécessaires pour réduire les impacts des élevée. La sous-région est également
activités sur le milieu marin afin de réaliser ou de maintenir son
bon état écologique au plus tard en 2020. En France, la directive
marquée par la présence de coraux d’eau
(7) Fond dur produit par l’accumulation d’algues
s’applique aux eaux métropolitaines divisées en quatre sous- froide entre 160 et 500 m de profondeur, calcaires encroûtantes vivant dans des conditions
régions marines : la Manche-mer du Nord, les mers celtiques, de luminosité réduite (étage circalittoral).
le golfe de Gascogne, la Méditerranée occidentale. L’évaluation de tortues marines et d’une douzaine
initiale de l’état des eaux, coordonnée par l’Ifremer et l’Agence (8) L’herbier de Posidonie concourt à l’oxygénation du milieu
des aires marines protégées, s’est terminée en 2012. d’espèces de mammifères marins. et sert de nurserie pour de nombreuses espèces aquatiques.

10 BIODIV’2050 - Numéro 10 - Juin 2016


km² (Andréfouet et al, 2008), soit environ littorales (9) est, quant à lui, supérieur à la en mer, protection de l’environnement…).
10 % des récifs et 20 % des atolls existants moyenne métropolitaine sur toutes les Certains secteurs rayonnent bien au-delà
dans le monde, avec des types de récifs façades, avec de fortes disparités en de la frange littorale. D’autres ont une
variés (récifs frangeants, récifs barrière, fonction des départements considérés part importante de leur chiffre d’affaires à
récifs double barrière). La France abrite la (près de 60 % dans les Alpes Maritimes l’international et placent la France parmi les
seconde plus grande barrière récifale au contre environ 4 % en Corse). La tendance
leaders sur les marchés mondiaux.
monde en Nouvelle-Calédonie (1 600 km s’accentue à mesure que la distance à la
de long). mer diminue : à moins de 500 mètres des Au total, on estime que la valeur ajoutée de
côtes, les territoires artificialisés occupent l’économie maritime en France s’élève à
La diversité, la richesse et l’étendue des
28 % des terres en moyenne. C’est 5,5 30,2 milliards d’euros pour environ 460 000
habitats dans les eaux sous juridiction
fois plus que la moyenne métropolitaine. emplois en 2011 (DEFM, 2014). A titre de
nationale confèrent à la France une
Malgré cette forte artificialisation, les milieux comparaison, la même année, ce secteur
responsabilité toute particulière, et ce,
naturels restent relativement plus présents a donc une valeur ajoutée supérieure à
d’autant plus face au développement
sur le littoral qu’en moyenne au niveau
des activités économiques maritimes et à celles de l’industrie chimique (16,3 milliards
national, notamment en matière de milieux
l’attractivité croissante du littoral. d’euros), de l’industrie pharmaceutique
à végétation arbustive ou herbacée, ainsi
(10 milliards d’euros), de l’automobile
que de zones humides (intérieures ou
Les enjeux socio- (14,5 milliards d’euros) ou encore de
maritimes) (10), faisant de ce territoire un
économiques liés aux l’énergie (25,3 milliards d’euros) (INSEE,
espace à forts enjeux pour la préservation
espaces marins et côtiers 2013). Il s’agit donc d’un pan de l’économie
de la biodiversité.
française particulièrement stratégique.
Un fort dynamisme et d’une économie en plein essor. Au sein de l’économie maritime, le tourisme
démographique sur le littoral… littoral fait figure de secteur clé, comptant
L’économie présentielle (11) constitue
Le littoral, considéré ici comme regroupant aujourd’hui le cœur du développement pour environ 50 % de la valeur ajoutée et
les communes littorales sur le territoire économique des territoires littoraux. Mais des emplois (voir figure 2 ci-dessous). La
français, est un espace qui jouit d’un l’attractivité du littoral est également à France est en effet la première destination
fort dynamisme démographique sur un mettre en relation avec le poids socio- touristique mondiale et se situe en troisième
espace restreint. Il affiche une densité de économique et la diversité des usages position en matière de recettes touristiques
population de 285 habitants/km² en 2010, marchands et non marchands liés à la mer, internationales (DGE, 2015). Ces très
soit près de 2,5 fois plus que la densité qui couvrent un large spectre de secteurs bons résultats tiennent en grande partie
moyenne en métropole (ONML, 2013), d’activité regroupés sous l’égide de ce à l’attractivité du littoral qui concentre
avec de fortes variations en fonction des que l’on appelle l’économie maritime. 40 % des lits touristiques français et qui voit
régions. Entre 1962 et 2010, la population Les secteurs de l’économie maritime sa population permanente généralement
littorale a augmenté de plus de 1,8 million comprennent les activités traditionnelles
d’habitants, soit une hausse de 41 %, doubler en période estivale, compte tenu
d’exploitation de la mer, comme la pêche
contre 36 % au niveau national. Si les de la forte saisonnalité des activités. Le
professionnelle et de loisir, l’aquaculture
tendances démographiques récentes littoral compte pour environ 29 % de la
et les filières aval de transformation et
se maintiennent, la croissance de la commercialisation des produits de la mer, la
population des départements littoraux construction et la réparation navale, l’activité 3% 4%
devrait même continuer à s’accélérer à portuaire, le transport maritime ainsi que 5%
14%
l’avenir relativement au reste du territoire les services financiers associés. Ils incluent 11%
(+19 % pour les départements littoraux également les travaux publics maritimes,
10%
48% 51%
11%
contre +13 % pour les autres sur la période les activités parapétrolières et paragazières 8%
2007 et 2040) (ibid.). offshore, l’activité câblière sous-marine, 8%
9%
9% 9%
l’extraction de granulats marins, le
qui s’accompagne d’une tourisme littoral, l’industrie et les services
artificialisation croissante… nautiques, ainsi que les services publics
Tourisme Secteur public
non marchands (défense et action de l’Etat
Le littoral est caractérisé par une forte Construction navale Parapétrolier offshore
proportion de zones artificialisées Produits de la mer Autres
(9) Le taux d’artificialisation du littoral correspond au ratio de la
relativement au reste du territoire, tout en Transport maritime
superficie des zones urbanisées, des zones industrielles, commerciales
et portuaires, des voies de communication, des mines, des décharges,
abritant toujours de nombreux espaces des chantiers ainsi que des espaces verts artificialisés (golf, terrains
de sport….) sur la superficie totale des communes littorales.
naturels. La part des terres urbanisées Figure 2 :
(10) Cela s’explique également par la faible superficie relative
dans les communes littorales s’élève en des terres agricoles sur le littoral par rapport au reste du pays.
répartition sectorielle de la valeur
2012 à 15 %, soit 2,6 fois plus que la (11) Selon l’INSEE, les activités présentielles sont « les activités
ajoutée (gauche) et de l’emploi (droite)
moyenne métropolitaine (ONML, 2015). mises en œuvre localement pour la production de biens et de de l’économie maritime en 2011.
services visant la satisfaction des besoins de personnes présentes
Le taux d’artificialisation des communes dans la zone, qu’elles soient résidentes ou touristes ». Source : DEFM, 2014

MISSION ÉCONOMIE DE LA BIODIVERSITÉ 11


COMPRENDRE ENJEUX, OUTILS ET FINANCEMENTS DE LA PRÉSERVATION
DE LA BIODIVERSITÉ MARINE ET CÔTIÈRE EN FRANCE

consommation touristique intérieure (12), Avec un chiffre d’affaires qui s’élève à 4,3 Certains secteurs présentent par
soit un peu plus de 45 milliards d’euros en milliards d’euros en 2014 pour 40 000 ailleurs un potentiel de développement
2014 (Ibid.). emplois (FIN, 2016), la filière nautique particulièrement prometteur. En plein
française, composée d’un éventail varié essor ces dernières années, les énergies
Deuxième secteur derrière le tourisme
de secteurs (construction et importation renouvelables en mer (EMR) désignent
en termes d’emplois, le transport
de bateaux de plaisance, négoce et l’ensemble des technologies qui permettent
maritime est aujourd’hui le principal
maintenance, ports de plaisance et services de produire de l’énergie à partir des
mode de transport utilisé pour le transit
associés, équipements, location…) reste différentes ressources du milieu marin. A
intercontinental des marchandises, avec
dynamique, en dépit d’un marché mondial ce jour, les seules énergies ayant atteint
90 % des marchandises transportées dans
en stagnation depuis la crise de 2009. le stade de la production industrielle dans
le monde. Au carrefour des grandes routes
Avec des activités largement tournées le monde sont les énergies marémotrices
maritimes mondiales, le trafic annuel de
vers l’export (60 % des ventes de bateaux et les éoliennes offshores. Malgré la
marchandises, chargées ou déchargées,
en 2014 selon le Trésor), la France est concurrence internationale sur ces marchés
dans les ports français, représente
reconnue comme un acteur important sur et son retard par rapport à d’autres pays
environ 4 % des tonnages des échanges
le marché international, avec des groupes européens en matière de production
maritimes mondiaux (CGDD, 2015). La
positionnés parmi les leaders mondiaux sur d’électricité via l’éolien offshore, la filière
France compte plus de cinquante ports de
des segments tels que la construction de française des EMR peut s’appuyer sur un
commerce sur son territoire, dont 7 Grands
voiliers de plaisance (Bénéteau – première réseau de PME, TPE ou start-up en pointe
Ports Maritimes (GPM) en métropole depuis
entreprise française - ou Dufour). On sur le sujet, sur des gisements naturels
la réforme portuaire de 2008 et 4 dans
recense par ailleurs un total de 4 millions conséquents (deuxième gisement européen
les départements et régions d’outre-mer
de plaisanciers réguliers et 9 millions de en matière d’énergie hydrolienne) ainsi que
depuis 2013. On estime que l’activité des
pratiquants occasionnels sur le territoire sur un soutien des pouvoirs publics et des
GPM est à la base de la création de plus
ainsi que 388 ports de plaisance dont le acteurs économiques comme la Caisse
110 000 emplois industriels et logistiques
poids socio-économique est important des Dépôts.
indirects (MEDDE, 2014).
(environ 900 millions de chiffre d’affaires
D’autres ressources présentent enfin un
en 2011 selon la Fédération Française des
intérêt particulièrement stratégique pour
Ports de Plaisance).
(12) La consommation touristique intérieure, concept central
le XXIe siècle : les ressources minérales
des comptes satellite du tourisme, est un agrégat qui mesure profondes (CESE, 2015). Les explorations
la consommation des visiteurs (touristes et excursionnistes)
français et étrangers, au cours ou en vue des voyages qu’ils scientifiques menées depuis une trentaine
ont effectués en France, et réalisée auprès des fournisseurs de
services et de biens de consommation résidant en France. d’années ont permis d’identifier plusieurs
processus géologiques et géochimiques
conduisant à la concentration de
métaux (13) dans les grands fonds marins.
Parmi ces métaux figurent également
des « terres rares » (14) dont la demande
explose avec les besoins des nouvelles
technologies (écrans plats, téléphones
portables, batteries rechargeables…).
Or, dans ce domaine, la France dispose,
eu égard à son potentiel de recherche
et à son savoir-faire technologique dans
l’offshore, d’une capacité importante
d’exploration et d’accès à ces nouvelles
ressources minérales encore méconnues
(MEDDE, 2014).

(13) Sulfures hydrothermaux, nodules polymétalliques


et encroûtements cobaltifères par exemple.

Grande nacre (Pinna nobilis), espèce protégée © Laurent Ballesta (14) Les terres rares constituent un ensemble de 17
éléments chimiques dotés de propriétés exceptionnelles.

12 BIODIV’2050 - Numéro 10 - Juin 2016


Les pressions qui s’exercent avec les mammifères marins. L’activité de types distincts. Ainsi, au niveau national,
sur les milieux et les coûts pêche entraîne des captures accidentelles il a été recensé, en moyenne annuelle, un
liés à leur dégradation d’espèces (mammifères marins, tortues…) coût de 228 millions d’euros pour le suivi
et l’exploitation sélective d’espèces cibles et l’information, de 1 701 millions d’euros
Compte tenu de leur poids, de leur essor peut avoir des impacts sur l’ensemble pour les actions positives en faveur de
et des nouveaux marchés à venir, les d’un écosystème. La pollution du milieu l’environnement, et de 72 millions d’euros
secteurs de l’économie maritime, et plus marin par les micro-organismes (bactéries, pour l’atténuation des impacts. Ce dernier
généralement les activités humaines, virus) a notamment pour origine les rejets chiffre ne tient néanmoins pas compte des
exercent et risquent d’exercer encore domestiques des eaux usées, traitées et coûts du ramassage des déchets, qui sont
de fortes pressions et impacts sur non traitées à terre ou depuis les navires, probablement, à eux seuls, plus élevés que
l’état écologique des milieux marins. La et les rejets urbains des eaux pluviales. cette estimation. Enfin, les coûts liés aux
typologie des pressions réalisées dans le Enfin, les activités agricoles introduisent impacts dits résiduels (qui subsistent en
cadre de la DCSMM en donne une vision une quantité de nutriments et de matière dépit des actions positives et des actions
exhaustive. Elles peuvent être classées organique en mer pouvant accélérer la d’atténuation) ne pouvant être quantifiés
en trois groupes : les perturbations croissance des algues (exemple des monétairement, seul le coût associé aux
physiques (destruction et dommages algues vertes en Bretagne), entraînant des marées noires a été estimé à hauteur de 19
causés aux habitats, apports de déchets, effets néfastes sur la qualité de l’eau, la
millions d’euros par an.
modifications hydrologiques…), les biodiversité marine et la santé humaine.
perturbations chimiques (contamination
A l’ensemble de ces pressions se rajoute Les dépendances des secteurs
par des substances dangereuses, excès
celle du changement climatique qui, d’activité au fonctionnement
d’enrichissement en nutriments…) et les
perturbations biologiques (introduction
comme pour les écosystèmes terrestres, des écosystèmes marins
joue un rôle d’accélérateur d’impact des
d’organismes pathogènes microbiens, Comme pour leurs pressions et impacts sur
autres pressions. Observé aujourd’hui
d’espèces non indigènes, extraction le milieu marin, les activités économiques
à l’échelle mondiale et causé par des
sélective d’espèces…). Chaque activité
dérèglements occasionnels du climat ont un degré de dépendance au
humaine est source de pressions
entraînant une inversion des grands fonctionnement des écosystèmes qui peut
d’intensité, de durée, de type différents
courants océaniques (phénomène El varier fortement. La pêche, par exemple,
qui vont avoir des impacts plus ou
Niño), le blanchiment des coraux, qui peut est l’un des secteurs dont la dépendance
moins réversibles sur la faune, la flore
entraîner leur mort, pourrait s’accélérer aux écosystèmes est la plus forte. Les
et les habitats marins, en fonction de
en raison du processus de réchauffement stocks halieutiques ne constituent pas
la vulnérabilité et de la résilience des
global des océans. Par ailleurs, l’absorption une simple ressource dont il s’agirait
écosystèmes considérés. Les exemples
par les océans de grandes quantités de d’optimiser au mieux l’exploitation. Ils
sont nombreux. Les aménagements
dioxyde de carbone anthropique sur un sont constitués d’une myriade d’espèces
côtiers, comme la construction
temps très court entraîne un processus en constante relation entre elles et avec
d’infrastructures portuaires et de digues,
dit d’acidification des eaux, qui aura leur milieu. La surexploitation de certaines
ou le mouillage des bateaux de plaisance,
des impacts sur la biodiversité et le espèces peut par conséquent avoir des
entraînent des destructions et dommages
fonctionnement des écosystèmes côtiers, répercussions sur l’ensemble de la chaîne
physiques des habitats du médiolittoral (15)
certaines espèces étant particulièrement trophique et donc sur le fonctionnement
et des communautés d’espèces associées.
vulnérables à de telles modifications d’un écosystème, et ainsi accélérer, voire
Les travaux publics en mer ou l’exploration
chimiques du milieu. provoquer l’effondrement des pêcheries
parapétrolière offshore engendrent des
perturbations sonores sous-marines, Or, la dégradation des milieux marins (cf. TRIBUNE Gilles Boeuf p.4). De même,
source de dérangements pour les engendrée par ces multiples pressions certaines formes de tourisme bleu, comme
mammifères marins et les poissons qui et impacts n’est pas sans conséquence la plongée ou la randonnée sous-marine,
peuvent ainsi modifier leur comportement. pour la société. Les coûts liés à la sont particulièrement dépendantes de la
L’immersion de sédiments de dragage dégradation peuvent être estimés selon richesse de la vie sous-marine et ont donc
ou de clapage (16), activités nécessaires au deux méthodes : la méthode des coûts un intérêt direct à sa préservation. D’autres
maintien de l’accès aux voies maritimes, de maintien des potentialités écologiques activités présentent une dépendance
constitue une source de contamination et la méthode des coûts d’opportunité plus faible à la biodiversité marine. C’est
chimique des milieux (éléments traces (équivalente à l’estimation de perte de notamment le cas du transport maritime,
métalliques dont métaux lourds). Le bénéfices potentiels) (Levrel et al., 2012). du parapétrolier offshore ou des énergies
transport maritime est un vecteur Les estimations disponibles ne sont pas marines renouvelables. Ici, l’enjeu pour
d’introduction d’espèces invasives, via le exhaustives mais donnent des ordres de les entreprises est essentiellement de
rejet des eaux de ballast, et de collisions grandeur. Utilisant la première méthode à limiter leurs impacts, pour des raisons
l’échelle métropolitaine, l’évaluation initiale d’acceptabilité sociétale, et d’aller dans le
(15) Voir Figure 1 p.10. réalisée dans le cadre de la DCSMM divise sens d’une coexistence entre biodiversité et
(16) Immersion en mer des fonds extraits lors du dragage des ports. les coûts liés à la dégradation en quatre activité économique.

MISSION ÉCONOMIE DE LA BIODIVERSITÉ 13


COMPRENDRE ENJEUX, OUTILS ET FINANCEMENTS DE LA PRÉSERVATION
DE LA BIODIVERSITÉ MARINE ET CÔTIÈRE EN FRANCE

Politiques de La France est également impliquée dans autorités compétentes. Elle doit faire l’objet
six conventions de mer régionale (cf. encart d’un document de gestion décrivant les
protection/gestion ci-contre). A l’échelle européenne, les objectifs et mesures de gestion pertinentes
de la mer et du directives « Habitats-Faune-Flore » (1992) ainsi qu’un programme d’action. L’objectif
littoral et modes de et « Oiseaux » (2009), à la base du réseau de protection n’est pas exclusif d’autres
Natura 2000 en mer, ainsi que les directives objectifs, notamment le développement
financement associés « Responsabilité Environnementale » économique maîtrisé. Il s’ensuit qu’il existe
Les zones côtières sont des espaces (2004), « Stratégie Milieu Marin » (2008) tout un panel d’AMP (22 statuts différents
restreints à usages socio-économiques et « Planification de l’Espace Maritime » en France actuellement) avec des objectifs
multiples, parfois antagonistes, (2014) forment la base réglementaire
de gestion variables, allant du parc national
caractérisées par une grande diversité structurant la protection de l’environnement
ou des réserves naturelles, où les activités
d’habitats. Pour protéger les milieux marin. En France, l’espace maritime de
humaines sont strictement réglementées,
naturels, gérer les conflits d’usage la mer territoriale, où se concentre une
aux parcs naturels marins qui donnent
et renforcer la durabilité des activités part importante des usages et des enjeux
une place importante à la gestion durable
économiques, un certain nombre écologiques, correspond au domaine public
des ressources, en passant par les zones
de politiques et outils de gestion, de maritime (DPM), qui porte sur le sol et le
Natura 2000 avec une partie marine. Le
protection, d’aménagement et d’urbanisme sous-sol de la mer, mais qui peut contenir
retard de la France par rapport aux autres
permettent de conjuguer les différentes des espaces terrestres. Les ressources
qui s’y trouvent sont considérées comme nations maritimes en matière d’AMP a
attentes et utilisations d’un même territoire,
des biens communs. Le DPM est donc été comblé en 2006 avec la création de
dans l’espace et dans le temps. Les défis
particulièrement réglementé. Si le principe l’Agence des Aires Marines Protégées,
restant à appréhender sont néanmoins
de liberté de circulation s’y applique, les suivie en 2007 du premier parc naturel
conséquents et nécessitent à la fois le
renforcement et la mise en cohérence activités, économiques ou non, qui y ont marin, celui de la mer d’Iroise au large des
des politiques publiques maritimes et lieu, doivent faire l’objet d’une autorisation côtes du Finistère. Depuis, le réseau s’est
terrestres affectant le marin ainsi que la d’occupation temporaire et d’études fortement développé avec l’objectif, d’ici
recherche de leviers innovants d’action et d’impact, en fonction de la nature et de à 2020, de couvrir 20 % des eaux sous
de financement. l’ampleur des travaux et aménagements à juridiction nationale. Au 1er janvier 2015, la
effectuer. Enfin, en matière de protection de surface totale en AMP, toutes catégories
Panorama des politiques l’environnement marin et d’usages durables confondues, représentait 16,5 % des
et outils de protection/ des ressources, le Grenelle de la mer eaux françaises (1 684 000 km²) pour 392
gestion des milieux marins (2009), complémentaire aux engagements sites, dont 6 parcs naturels marins (4 en
des lois Grenelle I et II, a posé les jalons de métropole - Iroise, golfe du Lion, estuaires
la stratégie nationale pour la mer et le littoral picards et mer d’Opale, Arcachon - et 2
Une réglementation abondante… et de la stratégie nationale pour les aires en outre-mer - Mayotte et Glorieuses),
A l’échelle internationale, la Convention marines protégées. et 134 sites Natura 2000 (uniquement
des Nations Unies sur le droit de la mer de en métropole) (ONML, 2015). Par
Montego Bay (1982) définit le périmètre des et un outil central : les aires comparaison, seuls 3,4 % de la surface
différents espaces maritimes qui constituent
marines protégées. des océans de la planète font l’objet d’une
les eaux sous juridiction nationale des
protection via une AMP, loin des objectifs
Etats, et les droits et devoirs associés à A l’image des espaces protégés sur terre,
d’Aichi de couverture des AMP de 10 % à
chaque zone. Ainsi, si les Etats côtiers la création et la gestion d’un réseau d’Aires
Marines Protégées (AMP) constituent l’échelle mondiale à atteindre d’ici à 2020.
exercent pleinement leur souveraineté en
la pierre angulaire des politiques de C’est en grande partie la création du Parc
mer territoriale (voir Figure 3 p.16), dans
la zone économique exclusive, seuls les préservation de la biodiversité marine Naturel de la mer de Corail en 2014, qui
droits souverains en matière économique remarquable et de la gestion durable des couvre l’ensemble de la ZEE de Nouvelle-
(exploration et exploitation des ressources ressources en mer, tant au niveau national Calédonie pour un total de 1 291 000 km²,
naturelles) peuvent être revendiqués. qu’international. Une AMP correspond à qui a permis d’augmenter fortement la
La plupart des pays du monde ont signé un espace géographique délimité en mer couverture des eaux françaises protégées.
et ratifié cette convention, à l’exception au sein duquel un objectif de protection de A lui seul, ce parc constitue 76 % en
notamment des Etats-Unis. la nature à long terme a été défini par les surface du réseau français d’AMP (Ibid.).

14 BIODIV’2050 - Numéro 10 - Juin 2016


POINT DE VUE
Les spécificités juridiques liées à la
gestion des milieux marins et côtiers
Julien Rochette - Coordinateur du programme Océans et zones côtières à l’Institut
du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI)
La première spécificité de gestion du mi- par exemple, est une zone de confron- A l’échelle locale, il existe à la fois des ou-
lieu marin réside dans la fragmentation tation des compétences, car le domaine tils de planification territoriale (PLU, SCoT)
des institutions compétentes et des public maritime relève de l’Etat alors que et des outils plus spécifiques aux milieux
instruments juridiques existants. A les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU), et marins et côtiers tels que les Schémas de
l’échelle internationale, il existe de nom- autres documents de planification ayant mise en valeur de la mer (SMVM) ou les
breuses institutions compétentes telles des effets sur la gestion du littoral, sont du Contrats de baie. En France, si un certain
que le Programme des Nations Unies pour ressort des communes et de leurs regrou- nombre de règles sont posées à l’échelle
l’Environnement (PNUE), l’Organisation pements. A l’échelle locale, nous nous re- nationale, notamment via la Loi littoral (2), le
Maritime Internationale (OMI), la FAO (1) ou trouvons donc dans la même situation de droit offre une marge de manœuvre et d’in-
encore l’Autorité internationale des fonds fragmentation, avec la spécificité de cette terprétation aux décideurs locaux à travers
marins. Au niveau national, en France, la rencontre terre-mer qui nécessite, pour les documents de planification territoriale.
compétence sur le milieu marin est aussi une gestion intégrée, la coordination entre
En matière de coopération internatio-
divisée entre différents organismes (Minis- les politiques terrestres, qui relèvent princi-
nale, il existe de très nombreux textes
tère de l’Ecologie, Ministère des Affaires palement des autorités décentralisées, et
dédiés à la protection du milieu marin,
étrangères, Secrétariat général de la mer, les politiques maritimes, qui sont du res-
comme la Convention des Nations Unies
Régions, etc.). La fragmentation concerne sort de l’Etat. Il y a donc un fort enjeu de
sur le Droit de la Mer, ainsi que des ac-
également les différents instruments juri- coordination des politiques sectorielles et
cords régionaux, c’est-à-dire des textes
diques, adoptés dans plusieurs domaines, des institutions, à l’échelle internationale
juridiques spécifiquement consacrés à la
de la protection de l’environnement marin comme à l’échelle nationale.
protection d’une région déterminée (en
à la régulation des activités économiques
Par ailleurs, face aux enjeux de régula- Méditerranée, Baltique, Afrique de l’Ouest,
maritimes (pêche, transport maritime,
tion des usages, le droit offre un cer- etc.). Durant les dernières décennies,
exploitation minérale, etc.) car, contrai-
tain nombre d’outils qui permettent aux nous avons tissé un réseau d’instruments
rement à d’autres milieux, il n’existe pas
décideurs de concilier les usages, ou du juridiques internationaux dédiés au milieu
de convention unique applicable pour le
moins de tenter de les réguler, et d’arbi- marin particulièrement important. Au-
milieu marin. La zone côtière et littorale,
trer un certain nombre de conflits entre la jourd’hui, deux problématiques se posent.
protection de l’environnement et le déve- Tout d’abord, la question de la mise en
loppement des activités économiques. œuvre des nombreux accords interna-
(1) Organisation des Nations Unies pour
l’Alimentation et l’Agriculture Ces outils de régulation sont nombreux. tionaux adoptés. Deuxièmement, il reste,
même s’ils sont en nombre limité, des
espaces ou des enjeux ne faisant l’objet
d’aucune régulation ou d’une régulation
insuffisante. C’est le cas notamment des
espaces marins situés au-delà des ju-
ridictions nationales, souvent nommés
« haute mer ». Ces espaces ne disposent
d’aucune règle suffisamment robuste pour
permettre le développement des activités
maritimes et la protection de l’environne-
ment. Afin de combler ce vide juridique et
après de nombreuses années de discus-
sion au sein de l’Organisation des Nations
Unies, les négociations pour un nouvel ac-
cord international dédié à la haute mer ont
été ouvertes cette année.

(2) La Loi relative à l’aménagement, la protection et la


mise en valeur du littoral, adoptée en 1986, détermine
les conditions d’utilisation et de mise en valeur des
Corail jaune (Dendrophyllia cornigera) © Laurent Ballesta espaces terrestres, maritimes et lacustres.

MISSION ÉCONOMIE DE LA BIODIVERSITÉ 15


COMPRENDRE ENJEUX, OUTILS ET FINANCEMENTS DE LA PRÉSERVATION
DE LA BIODIVERSITÉ MARINE ET CÔTIÈRE EN FRANCE

Trait de côte 12 miles 24 miles 200 miles


ou ligne de base marins marins marins

Territoire
terrestre
Mer Zone
territoriale contiguë
Contrôle des Haute mer
Souveraineté de activités de douane,
l’État riverain. fiscales, sanitaires Liberté de navigation,
et d’immigration. de survol, d’exploitation
Zone et d’exploration des
économique exclusive ressources naturelles
(à l’exception des ressources
De 12 à 200 milles marins. minérales),
Droits souverains en matière d’exploration et d’exploitation, et d’autres libertés.
de conservation et de gestion des ressources naturelles.
Juridiction environnementale.
Liberté de navigation et de survol.

Plateau
continental Plateau
continental
Droits souverains aux fins d’exploration et
d’exploitation, de conservation et de gestion des étendu Zone de gestion
internationale
ressources naturelles. Droits des ressources
Juridiction environnementale. souverains minérales

E AUX TERRITORIALES EAUX IN TERN ATIONAL E S

Figure 3 : Les zones maritimes selon la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Source : MEB

Cette dynamique récente de création des ressources, ce n’est pas forcément une parties prenantes (secteurs, collectivités,
aires protégées et ce bilan positif ne doivent condition suffisante, car de nombreux défis société civile…). Au-delà des très
cependant pas masquer l’importante et enjeux restent encore à appréhender. grandes aires marines protégées créées
hétérogénéité du réseau entre les régions. Pour éviter le syndrome des « parcs de dernièrement, un effort qualitatif doit être
Ainsi, les eaux métropolitaines, qui couvrent papier » (17), les AMP doivent construire et également mené pour des protections
3 % des eaux nationales, comptabilisent en mettre en place des objectifs, stratégies fortes sur des enjeux précis et des surfaces
2015 plus de 80 % des AMP en nombre. et dispositifs opérationnels en matière restreintes (“cœurs de nature” des grandes
Par ailleurs, en outre-mer, si certaines zones d’acquisition de connaissances (en lien AMP) que ce soit pour préserver les
sont bien couvertes, comme la Nouvelle- avec la recherche), de gestion, de suivi et ressources halieutiques de l’ensemble
Calédonie ou les Antilles, d’autres le sont d’évaluation de leurs actions, tant sur le des pressions ou les habitats et espèces
beaucoup moins, comme la Polynésie plan de la conservation des milieux que sensibles ou menacés (AAMP-UICN, 2016).
française, dont les eaux regroupent près de la gestion des usages. Début 2015,
Par ailleurs, le bon état écologique des eaux
la moitié des aires marines protégées
de la moitié de la surface sous juridiction marines va dépendre des caractéristiques
françaises de plus de 3 ans sont dotées
française, ou les Terres australes et et des activités menées sur les bassins
d’un document de gestion, document
antarctiques françaises (TAAF). versants, même les plus éloignés, qui
stratégique permettant de formaliser et
ne sont pas inclus par définition dans le
rendre compte de ces différents éléments
Les défis pour la préservation périmètre des AMP. En effet, on estime que
(ONML, 2015). L’un des défis aujourd’hui
de la biodiversité et la est donc de renforcer l’efficacité de
80 % des pollutions en mer proviennent
gestion durable des la gestion et la cohérence spatiale et
des espaces terrestres (UICN, 2013).
ressources du milieu marin écologique du réseau des AMP, le tout, en L’interface terre-mer et la cohérence des
intégrant l’ensemble des usages et des politiques publiques en la matière, en
Si la création, en tant que telle, d’un réseau particulier avec les politiques de l’eau, sont
d’AMP est une condition nécessaire pour donc des enjeux stratégiques cruciaux
(17) Expression qui désigne le problème, récurrent dans
l’atteinte des objectifs de préservation de les pays du Sud, selon lequel, une fois la phase de création pour la gestion, la gouvernance et l’atteinte
terminée, les aires protégées peinent à mettre en place
la biodiversité et de gestion durable des des actions effectives de conservation ou de gestion. des objectifs des AMP, et la préservation

16 BIODIV’2050 - Numéro 10 - Juin 2016


POINT DE VUE
Quelle contribution des acteurs de l’économie maritime
à la préservation de la biodiversité marine et côtière ?
Frédéric Moncany de Saint-Aignan – Président du Cluster Maritime Français
Créé en 2006, le Cluster Maritime Français (CMF) est une association regroupant plus de 400 adhérents acteurs de
l’économie maritime. Il vise à créer une synergie entre les acteurs pour construire une offre globale française de projets
maritimes, à sensibiliser les institutions sur le poids de l’économie maritime et joue un rôle d’influenceur auprès des
décideurs. Il organise chaque année les Assises de l’Economie Maritime et du Littoral.

« L’économie maritime ne pourra se déve- des navires. Si, depuis les années 1980, le ment, compte tenu à la fois de l’état de la
lopper qu’en intégrant la protection, la pré- volume total des charges transportées a connaissance et de l’acceptabilité socié-
servation et la restauration de la biodiversi- été multiplié par 5, les émissions de CO2 tale des projets.
té, c’est pourquoi le volet environnemental n’ont, quant à elles, quasiment pas aug-
est au cœur de notre action. En effet, les menté. Le secteur de la pêche, véritable Aujourd’hui, la contribution des acteurs de
métiers tributaires de la mer sont les pre- l’économie maritime au financement de la
sentinelle des mers, est le premier à mesu-
mières victimes de la dégradation de ce préservation de la biodiversité est de deux
rer la dégradation de la biodiversité et de
milieu, ils ont donc directement intérêt à le types : direct et indirect. Les financements
l’environnement sur les zones de pêche.
protéger ou à l’exploiter durablement. Le indirects concernent les exemples précé-
Il travaille d’ailleurs en étroite collaboration
CMF envisage la croissance bleue comme demment cités, c’est-à-dire les secteurs
avec des équipes scientifiques, comme
le développement de l’économie bleue al- qui contribuent à la recherche, à l’inno-
l’Ifremer par exemple, afin de comprendre
liée à la préservation de l’environnement. vation et au développement de solutions
les phénomènes et de trouver des solu- pour réduire leurs impacts sur l’environne-
Cela comprend également un volet scien-
tions. De même, le secteur émergent des ment. Ce sont des financements alloués,
tifique, notamment océanographique,
énergies marines renouvelables intègre par le secteur, à la protection de la res-
absolument nécessaire car aucun grand
l’impact environnemental des projets afin source et à la biodiversité dans le cadre
projet maritime ne peut se faire sans une
de mettre en place des mesures de ré- de ses activités. Les financements directs
connaissance fine de l’écosystème et de
son fonctionnement. duction ou de compensation de ceux-ci. sont aujourd’hui en cours de construction.
Tout projet de développement de l’écono- Les mécanismes restent à développer et le
Prenons l’exemple de quelques secteurs. mie bleue ne peut être conçu, fructueux modèle économique à bâtir, pour cela, des
Des efforts considérables ont été menés et pérenne que si le volet environnemental, lieux d’expérimentation sont nécessaires
dans le secteur du transport maritime dans et donc la préservation des écosystèmes, afin d’étudier les systèmes de financement
le but de réduire l’impact environnemental est pris en compte. Il ne peut en être autre- possibles des aires de protection. »

de la biodiversité marine plus largement aussi essentiels du point de vue écologique le coût est susceptible de dépasser ces
(cf. TRIBUNE Pierre Boissery p.6). Or, la et/ou des usages. La question de l’action montants. Une diversification des sources
prise de conscience et la sensibilisation appelle donc celle de son financement. En de financement, mêlant fonds publics et
des acteurs en amont, notamment les considérant uniquement les AMP actuelles privés, via notamment la mobilisation de
collectivités mais également les entreprises en France, on observe déjà un écart nouveaux mécanismes économiques, ainsi
et les filières, sont encore à renforcer, pour significatif entre les besoins estimés pour que la construction d’outils innovants pour
construire les bases d’une réelle gestion leur gestion et les ressources publiques l’action en dehors ou en complément des
intégrée des zones côtières. disponibles. La stratégie nationale pour AMP, doivent être engagées.

Si la création et la gestion d’un réseau la mer et le littoral estime à 110 millions


d’euros annuels le coût de la gestion du
Vers de nouvelles approches
d’AMP constituent donc le socle d’une
réseau d’AMP en 2020, contre 56 millions
pour la gestion durable
politique de protection et gestion durable
d’euros affectés par l’Etat actuellement et
des milieux marins et
des milieux marins, au même titre que
qui ne devraient pas augmenter à l’avenir
son financement
les aires protégées en milieu terrestre,
l’ensemble des biocénoses et biotopes (AAMP-UICN, 2016). Or, ce déficit de Dans le sillage des travaux sur l’évaluation
marins ne pourront être placés sous un ressources, déjà significatif, ne tient pas économique des services écosystémiques
statut d’aires protégées. Dès lors se pose compte des enjeux et actions à mener et sur les mécanismes de financement
la question des modalités d’action de la hors des aires marines protégées, comme innovant pour la biodiversité, de nouvelles
conservation, voire de la restauration des par exemple l’extension de la trame approches commencent à émerger dans
milieux dits « ordinaires », dépourvus de verte et bleue en mer ou la restauration un objectif de protection de la biodiversité
protection particulière, mais soumis aux des petits fonds côtiers, pour lesquels il marine et de gestion durable des activités
mêmes pressions, tout en étant parfois n’existe que peu de chiffrages, mais dont humaines, sur terre comme en mer.

MISSION ÉCONOMIE DE LA BIODIVERSITÉ 17


COMPRENDRE ENJEUX, OUTILS ET FINANCEMENTS DE LA PRÉSERVATION
DE LA BIODIVERSITÉ MARINE ET CÔTIÈRE EN FRANCE

De l’émergence des services aux mécanismes de peu appliqué au milieu marin. Cependant,
écosystémiques marins… financement innovant… l’émergence des services écosystémiques
en mer, la recherche de diversification des
Le concept de services écosystémiques, Compte tenu des contraintes budgétaires
sources de financement à long terme ainsi
qui a émergé dans les années 1970 et publiques, la recherche de mécanismes de
que la nécessité d’agir sur les pressions
a été formalisé dans le cadre du MEA financement innovant de la conservation
pesant sur les milieux marins, à terre
(2005), des travaux du TEEB (2010) et de la de la biodiversité est un champ en pleine
comme en mer, font de la valorisation des
CICES (2013), est utilisé pour rendre compte expansion. Leur application aux milieux
usages socio-économiques directs (pêche,
de la valeur sociale des fonctionnalités marins est encore balbutiante, mais offre
des perspectives prometteuses. Ces tourisme, activités nautiques…) et indirects
écologiques, et plus généralement des
mécanismes regroupent des formes (protection côtière, séquestration de
bienfaits des écosystèmes pour l’Homme.
diverses suivant les objectifs poursuivis, carbone…) de la mer une base potentielle
Son application aux écosystèmes marins
que ce soit en matière de mobilisation de pour la mise en place de PPSE dédiés
permet un renouveau des relations
financements additionnels ou de création à la restauration écologique de services
avec la mer, en mettant en évidence les
d’incitations économiques visant à modifier écosystémiques (cf. INVENTER p.21).
interdépendances qui existent entre le
les comportements.
bien-être humain et le fonctionnement
des écosystèmes marins. Au-delà de la La compensation écologique, qui s’inscrit et aux outils innovants de gestion.
sensibilisation des acteurs sur les valeurs dans le cadre de la séquence Eviter-Réduire- Les défis en matière de conciliation
d’usage, directes ou indirectes, et de Compenser (ERC), est un mécanisme basé d’activités humaines et de conservation
non-usage des écosystèmes marins, sur le principe pollueur-payeur consistant, des milieux appellent la création d’outils
l’évaluation des services écosystémiques, pour un maître d’ouvrage dans le cadre de de gestion innovants. Deux de nature très
si tant est qu’elle vise à répondre à des ses obligations réglementaires, à mettre différente ont vu le jour ces dernières années
objectifs opérationnels, peut être un outil en œuvre des actions de restauration, et peuvent être identifiés : les récifs artificiels
pertinent d’aide à la décision, à la gestion et réhabilitation et/ou gestion de milieux
multi-usages et les Aires Marines Gérées
naturels dans un objectif de non-perte nette
à la gouvernance des socio-écosystèmes (AMG) (cf. INVENTER p.21).
de biodiversité. En France, la séquence
marins. Le projet Valmer (18) a permis, par
ERC s’applique en principe tout autant sur Les récifs artificiels représentent des
exemple, de rendre compte des utilisations
les milieux terrestres que sur les milieux structures immergées volontairement
possibles de l’évaluation de bouquets
marins. Pour ces derniers, les exemples dans le but de créer, protéger ou restaurer
de services écosystémiques dans la
et bonnes pratiques sont encore rares, en un écosystème riche et diversifié. Ces
prise de décision des gestionnaires des
France comme à l’international (UNEP- structures peuvent induire chez les animaux
zones côtières et marines, tant en matière
WCMC, 2016). Si la mise en œuvre de l’ERC des réponses d’attraction, de concentration,
d’impacts de différentes mesures de gestion
concernant ces milieux nécessite encore de protection et, dans certains cas, une
sur les services rendus par des milieux
des évolutions méthodologiques et de augmentation de la biomasse (Lacroix et
comme les champs de laminaires ou les nombreuses améliorations (cf. encart «Point al., 2000). Ce sont des ouvrages de taille
herbiers de Zostère qu’en matière d’aide à la de vue» ci-contre), cette séquence porte en variable, construits le plus souvent à partir de
planification et à la gouvernance participative elle-même la possibilité d’agir et, pour sa matériaux tels que le béton, l’acier, la roche
(Valmer, 2015). De même, des travaux ont dernière étape, la compensation, de financer ou encore le bois et qui, une fois immergés,
été menés dans le cadre de l’IFRECOR (cf. l’action via des ressources additionnelles, offrent un substrat dur colonisable par
INITIATIVES p.27) sur la valeur économique tant publiques que privées. différentes catégories d’espèces. L’objectif
des récifs coralliens et des écosystèmes principal des récifs artificiels jusqu’à
Un autre mécanisme repose sur les
associés des collectivités d’outre-mer, présent était la production halieutique à
Paiements pour Préservation des Services
permettant de spatialiser et de montrer destination de la pêche. L’enjeu désormais
Ecosystémiques (PPSE). Les PPSE
l’importance de ces milieux en matière de consiste à créer des récifs artificiels
correspondent à des rémunérations
production de biomasse, de protection multi-usages combinant des objectifs de
contractuelles d’acteurs, dont l’action est à
côtière, de tourisme ou de séquestration de production halieutique, mais également
même d’améliorer la quantité ou la qualité
carbone (Ifrecor, 2015). de services écosystémiques, par d’autres de reconstitution et/ou de protection des
acteurs dont l’activité économique dépend biocénoses marines, de promotion des
(18) Le projet Valmer a été mis en œuvre entre 2012 de ces services écosystémiques (MEB, activités récréatives et pédagogiques ou
et 2015 par un réseau de partenaires scientifiques et de
gestionnaires français et britanniques sur 6 sites expérimentaux 2014). Basé sur le principe bénéficiaire- encore d’optimisation des infrastructures
de chaque côté de la Manche (dont le parc naturel marin
de la Mer d’Iroise et le Golfe Normand-Breton). payeur, ce mécanisme n’est encore que marines. Ces récifs peuvent faire l’objet de

18 BIODIV’2050 - Numéro 10 - Juin 2016


POINT DE VUE
L’efficacité de la mise en place de la
séquence ERC en milieu marin
Céline JACOB, CREOCEAN – Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive
Adeline BAS – UMR Amure

Actuellement, les études disponibles sur Cette analyse a permis d’identifier 556 écueils. Elle ne constitue pas toujours la
les pratiques de compensation écolo- couples pression/espèce-habitat-activi- dernière phase de la séquence ERC (cer-
gique en milieu marin sont assez rares et té socio-économique, dont 86 % sont taines mesures de compensation sont
limitées à des écosystèmes à forte valeur constitués d’impacts sur des éléments proposées sans aucune mesure ER pré-
patrimoniale, comme les mangroves ou écologiques. alable). Ces éléments ne correspondent
les coraux, ou à des secteurs spécifiques absolument pas à l’esprit de la loi. Par ail-
comme celui de l’éolien off-shore. La re- Les mesures décrites dans les études ont leurs, elle ne concerne, en pratique, que
vue d’une cinquantaine d’études d’impact été ensuite classées selon qu’elles consti- les espèces protégées et le concept de
environnementales françaises récentes tuent des mesures d’évitement, de réduc- significativité (le seuil déclenchant la mise
(2003-2015) a permis d’examiner les tion, de compensation, de suivi ou d’ac- en place de la compensation) demeure
pressions et impacts liés à de nombreux compagnement. La plupart des mesures un concept flou, sa définition variant selon
projets de développement et d’exploita- indiquées sont des mesures de suivi et de l’élément impacté. Ceci semble bénéficier
tion maritimes et d’évaluer l’efficacité de réduction des impacts. aux impacts socio-économiques qui pro-
la séquence Eviter-Réduire-Compenser fitent ainsi d’un seuil de significativité plus
Cette analyse a permis de mettre en évi-
pour les limiter. faible que celui des impacts écologiques. Il
dence une cohérence globale entre le
est aussi à noter que le dimensionnement
La méthodologie utilisée s’appuie sur nombre d’impacts et le nombre de me-
des mesures compensatoires n’est que
l’approche française développée pour la sures proposées avec, cependant, un
très rarement explicité dans les études.
DCSMM. La typologie obtenue permet, déficit de mesures ciblant certaines biocé-
Enfin, la pratique actuelle de la compen-
pour chaque étude d’impact, d’analyser noses (infralittorales de substrats meubles
sation est essentiellement côtière puisque
les pressions générées par le projet et par exemple) et une surreprésentation des
les cibles de la compensation sont des
les éléments impactés (espèces, habi- mesures à destination des activités so-
habitats et des espèces vivants dans les
tats et/ou activités socio-économiques). cio-économiques. Concernant la déclinai-
petits fonds côtiers. Dans les milieux plus
Les projets qui ont été examinés sont son de la séquence ERC telle qu’elle est
profonds, la compensation se heurte à
principalement liés au dragage de sédi- mise en œuvre à ce jour, on observe une
un problème d’opérationnalité lié à notre
ments (24 %), à leur clapage (19 %), aux quasi-absence de la phase d’évitement,
connaissance partielle du fonctionnement
infrastructures portuaires (19 %) et aux soit traitée en amont de la procédure
des écosystèmes et à nos compétences
prises et rejets d’eaux (17 %) et sont lo- (dans les études de faisabilité ou durant
techniques limitées pour les compenser.
calisés en Méditerranée (française) (47 %), les phases de consultation), soit tout sim-
en Manche (25 %), en Atlantique (15 %) plement absente. Les garanties relatives à Au vu de ces résultats, qui dénotent pour
et dans les Caraïbes (13 %). Environ l’étape de réduction sont insuffisantes. La certains un manque de mise en œuvre ef-
60 % des études ont été menées dans les mise en place de la compensation en mi- fective ou cohérente de la réglementation,
cinq dernières années. lieu marin se heurte encore à de nombreux plusieurs pistes d’amélioration sont propo-
sées, parmi lesquelles une application plus
stricte des mesures ERC, ne devant plus
Pressions Impacts être considérées comme des propositions
non contraignantes ; la généralisation des
Autre Autre suivis via des outils appropriés ; le déve-
Contamination Mammifères loppement de solutions de compensation
par des substances marins
7% ambitieuses s’appuyant sur la restauration
dangereuses 16% Phytobenthos 11% et l’ingénierie écologique ; ou encore une
Risque de
dérangement, 16% Biocénoses
infralittorales meilleure évaluation des impacts cumula-
collisions de substrats 10%
67% meubles 56% tifs à travers l’utilisation de la planification
Turbidité et 17%
modification Eau 16% maritime afin de mieux appréhender l’im-
sédiment
Poissons pact des pressions diffuses.
Dommage 15% et céphalopodes 8%
physique 14% 7%
Pêche
Perte physique professionnelle
Référence :
Jacob C., Pioch S., Thorin S., 2016. The effectiveness
of the mitigation hierarchy in environmental impact
Figure 4 : Les principales pressions et impacts identifiés studies on marine ecosystems: A case study in France.
(éléments écologiques et socio-économiques) Environmental Impact Assessment Review. 60, 83–98

MISSION ÉCONOMIE DE LA BIODIVERSITÉ 19


COMPRENDRE ENJEUX, OUTILS ET FINANCEMENTS DE LA PRÉSERVATION
DE LA BIODIVERSITÉ MARINE ET CÔTIÈRE EN FRANCE

sources de financement publiques-privées concertations avec les différents acteurs


combinées, notamment via des bénéficiaires impliqués (conseils de rivages, comité
de services écosystémiques. des pêches, secteur privé du tourisme
et industriel, société civile, ONG, etc.) et
Un autre outil de gestion innovant
repose sur le concept d’aires marines doit, par essence, se doter d’un système
gérées. Ce sont des espaces délimités de gestion permettant de s’adapter
en mer, ou une combinaison de terre aux demandes des différents acteurs.
et de mer, partiellement ou totalement Les fonds privés peuvent être issus
gérés à un niveau local, conçus pour de la valorisation de plusieurs services
protéger, conserver ou gérer une variété écosystémiques et/ou d’investisseurs à
de ressources et d’usages. Elles se la recherche d’opportunités combinant
différencient principalement des aires Herbier de Posidonie - mer Méditerranée © Vilainecrevette
rentabilité financière et impact positif sur la
marines protégées par la recherche d’un conservation de la biodiversité (19).
autofinancement, via la mobilisation des objectifs de préservation de la nature
de fonds privés, et par une gestion et de développement économique (19) Ce type d’investissement, appelé investissement avec
impact ou « impact investing », est en pleine expansion au
décentralisée. C’est une aire qui inclut durable à long terme. L’AMG provient de niveau international (voir BIODIV’2050 n°7 – Juillet 2015).

Comme pour l’ensemble des activités humaines sur terre, la croissance bleue, ou l’essor de l’économie
maritime et littorale, appelle à une meilleure appréhension des impacts mais également de la dépendance
des secteurs économiques aux milieux naturels dans lesquels ils évoluent. La gestion des interrelations des
activités économiques avec les écosystèmes nécessite la mise en œuvre de solutions adaptées à la nature de
ces interrelations : l’évitement, la réduction et, si nécessaire, la compensation des impacts d’un côté, ainsi que
l’identification des liens de dépendance des activités au bon fonctionnement des milieux et l’intégration de
ces liens dans les modèles de développement, de l’autre. Dans les deux cas, non mutuellement exclusifs par
ailleurs, et malgré les limites des connaissances scientifiques et l’incertitude de l’action, ce sont bien la création
d’aménagements à biodiversité positive pour les projets en milieu marin, leur financement par des mécanismes
mixtes (publics ou privés), ainsi que la construction et la gestion durable de véritables socio-écosystèmes marins et
côtiers, qui constituent le principal défi pour l’avenir.

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20 BIODIV’2050 - Numéro 10 - Juin 2016


INVENTER
LES OUTILS INNOVANTS POUR LA CONSERVATION
ET LA RESTAURATION DE LA BIODIVERSITÉ MARINE

Restaurer ffAméliorationde la production et de l’exploitation de pêcheries artisanales


Récifs de
la biodiversité production
ffCréation de sites aquacoles
ffMaintien des stocks halieutiques
et les services
ffProtection des petits métiers contre la pêche illégale industrielle
écosystémiques ffProtection des habitats d’intérêt communautaire contre certaines pratiques de
associés avec les Récifs de
protection
pêche destructrices
ffProtection du linéaire côtier contre l’érosion
récifs artificiels ffProtection des structures maritimes et portuaires contre les

multi-usages forces hydrodynamiques

ffAmélioration de la production et création de sites de pêche de loisir.


La plupart des récifs artificiels immergés ffCréation ou délestage des sites de plongée sous-marine sensibles
se focalise sur l’objectif principal et surfréquentés
d’augmentation de la production de Récifs de loisir ffDéveloppement du tourisme et de l’économie locale
ffCréation de conditions hydrodynamiques favorables aux sports de
biomasse pour la pêche côtière, soit
glisse aquatiques
directement, soit par l’intermédiaire de
ffProposition de sentiers sous-marins aménagés
récifs de protection contre certains engins
ffCréation de corridors écologiques entre zones naturelles, zones protégées et
de pêche. Aucun projet de récifs réellement
zones d’exploitation
multi-usages, c’est-à-dire combinant
ffRestauration d’habitats pour la réduction ou la compensation des impacts de
au sein d’un même espace différents projets d’aménagement
usages tels que la pêche professionnelle, Autres ffAmélioration de la connaissance scientifique par la réalisation de programme

la pêche de loisir, la plongée, et/ou des de recherche


ffSensibilisation du grand public à la question de la biodiversité marine
objectifs de restauration écologique, et
ffLutte contre l’érosion côtière
faisant l’objet de sources de financement
ffValorisation des déchets (cendres inertes, déchets coquilliers…)
publiques et privées, n’a pu être identifié à
ce jour, y compris en Méditerranée où les Figure 6 : Principaux objectifs des récifs artificiels en environnement marin.
expériences sont pourtant nombreuses Source : MEB

(cf. INTERNATIONAL p.25). Les objectifs


possibles et leur combinaison peuvent être On observe enfin une diminution des faire l’objet d’analyses visant à identifier
pourtant multiples (voir Figure 6 ci-contre). financements alloués, dans le cadre du les coûts et les bénéfices associés à leur
Plusieurs facteurs militent pour la Fonds européen pour les affaires maritimes mise en œuvre pour justifier leur intérêt et
construction de projets de récifs multi- et à la pêche (FEAMP), aux projets de récifs leur financement.
objectifs et multi-usages aujourd’hui. artificiels, principale source de financement
Compte tenu de la difficulté inhérente des projets jusqu’à présent, ce qui suscite De l’évaluation des coûts
au milieu marin de restreindre l’accès à des besoins de cofinancements par des récifs artificiels…
certains espaces et usages, le multi-usage d’autres acteurs pour des objectifs allant
sur les récifs artificiels se développe de fait Les coûts liés à la mise en œuvre d’un
au-delà de l’unique reconstitution des
sur les sites de manière informelle, même projet d’immersion de récifs artificiels sont
stocks halieutiques.
si l’objectif initial du projet n’est pas celui-là. très variables en fonction des objectifs et
En incitant au dialogue entre les acteurs, à La future génération de récifs artificiels ne de la taille des projets, de la complexité
la recherche de compromis dans le cadre répondra plus aux seuls besoins exprimés des ouvrages et modules choisis et
de la coconstruction des projets ainsi par les professionnels de la pêche. Les des contraintes d’immersion des sites
qu’en permettant une meilleure répartition nouveaux projets devront présenter une d’implantation. De manière générale,
spatiale des usages, les récifs multi- véritable approche écosystémique et on estime que les coûts des travaux se
usages pourraient répondre aux attentes et faire l’objet d’une concertation entre les situent dans une moyenne ramenée au
objectifs des différentes activités exercées différents usagers afin de tendre vers une m3 allant de 750 à 2 000 euros, avec des
sur le littoral caractérisées la plupart du gestion efficiente de ces aménagements effets d’échelle en fonction des volumes
temps par des conflits d’usage importants. (Cepralmar, 2015). Ils devront également immergés (Ibid). A ces coûts de travaux

MISSION ÉCONOMIE DE LA BIODIVERSITÉ 21


INVENTER LES OUTILS INNOVANTS POUR LA CONSERVATION ET LA RESTAURATION DE LA BIODIVERSITÉ MARINE

se rajoutent ceux des études préalables temporalité et de la répartition spatiale des artificiels permettent aujourd’hui de légitimer
et ceux liés à la gestion et aux suivis, bénéfices socio-économiques tirés des l’idée selon laquelle les récifs artificiels
qui constituent des postes importants. services écosystémiques issus des récifs pourraient être proposés dans certains
Dans le cadre de la doctrine de l’Etat en artificiels, est un préalable indispensable. cas comme mesure compensatoire pour
matière d’immersion de récifs artificiels, Une représentation graphique synthétique répondre aux obligations réglementaires
la gestion et le suivi constituent environ des relations (impacts et dépendances) de projets d’aménagement en mer ou sur
60 % du coût total d’un projet sur une entre les différents usagers et les milieux terre, dans le cas où ces projets seraient
durée de concession de 15 ans, pour un est présentée ci-après (voir figure 7 ci- susceptibles de générer des impacts
coût annuel moyen estimé compris entre dessous). en mer. L’action de compensation peut
53 000 et 164 000 euros (Régions PACA et Pour construire et mettre en œuvre un être envisagée de manière directe via la
LR – Préfecture Maritime de Méditerranée, projet de récifs multi-usages et mobiliser reconstitution de certaines fonctionnalités
2012). Ces différentes estimations ne des sources de financement diversifiées, écologiques dégradées ou détruites
tiennent néanmoins pas compte des une combinaison d’instruments peut (nurserie à poissons en cas d’impact sur
surcoûts associés à la multiplicité des être adoptée, comme la compensation les herbiers par exemple) ou le retour
usages sur un même site et à leur gestion. écologique et/ou la mobilisation de d’espèces cibles à travers la mobilisation
paiements pour préservation des services d’une série de modules appropriés. Elle
à l’évaluation des bénéfices et écosystémiques (PPSE) avec des peut être aussi indirecte via le report,
des moyens de financement. bénéficiaires distincts (pêcheurs, activités sur le site d’implantation des récifs, de
de loisirs, filières de l’économie touristique, pressions affectant des sites surfréquentés
Pour faire des récifs artificiels de véritables
infrastructures bénéficiant d’un service de qui font l’objet d’une dégradation avérée
outils de gestion intégrée du littoral, de
protection côtière, etc.). (désengorgement de certains sites de
la mer et des usages associés, une
compréhension fine des motivations, Concernant la compensation écologique, plongée, de zones de pêche où se côtoient
sensibilités et besoins des différents acteurs les avancées conceptuelles en matière plusieurs techniques ou de zones sujettes à
et usagers du territoire, ainsi que de la de génie écologique appliqué aux récifs de forts conflits d’usage…)

Etat, collectivités locales, investisseurs privés

Aménagement côtier Entretien des milieux

Attractivité du territoire
Dégradation des fonds, pollutions Milieu naturel côtier Développement économique durable
Qualité et pérennité des milieux naturels
Cadre réglementaire environnemental
Récifs artificiels

Diversité d’espèces
Diversité de spots Baignade
Paysages
Paysages sous-marins Masse et
diversité halieutique

Dégradation des fonds Dégradation des fonds


Surexploitation Pollutions
Dégradation des fonds

Plongeurs Plaisanciers
Conflits Conflits
d’usage Pêcheurs d’usage

Impacts
Dépendances
Acteurs Figure 7 : Schéma des relations écosystèmes marins / acteurs du littoral. Source : MEB

22 BIODIV’2050 - Numéro 10 - Juin 2016


Concernant les PPSE, l’enjeu est Services produits de concertations approfondies avec les
localement
d’évaluer la répartition spatiale des acteurs, de manière à assurer et justifier
Par exemple, la
services écosystémiques associés aux concentration de vie pour l’additionnalité des actions les unes par
le tourisme sous-marin.
récifs artificiels de manière à identifier les rapport aux autres, tout en privilégiant
bénéficiaires potentiels de ces services Services avec leur synergie, et à garantir l’acceptabilité
et à estimer leur volonté de participer une production du projet aux yeux des différentes parties
omnidirectionnelle
au projet ainsi que leur consentement Par exemple, l’exportation de prenantes. C’est bien là tout l’enjeu de la
à payer. Concernant l’identification des biomasse depuis les AMP. construction de récifs multi-usages.
bénéficiaires principaux de ces services,
la définition du périmètre spatial doit Services avec une
production directionnelle
Conserver et valoriser
prendre en compte la nature des flux des
services écosystémiques considérés (voir
Par exemple, la protection
côtière des récifs contre les
la biodiversité avec les
Figure 8 ci-dessus).
tempêtes.
aires marines gérées
Dans le cas des récifs artificiels, plusieurs Services avec une Le secteur public constitue la forme usuelle
production de longue
zones doivent être prises en compte, distance de gestion des espaces marins et du
comme par exemple la zone de récifs où Par exemple, production financement des actions de conservation
larvaire de poissons depuis
les usages prennent directement place, un site de concentration de marine dans le monde. Cependant, les
reproduction.
les zones qui bénéficient des effets de fonds provenant de budgets publics
débordement de la dispersion larvaire peuvent présenter une forte sensibilité
et des déplacements de biomasse, Services avec une à la variation et une faible prévisibilité
les lieux de débarquement des prises production globale dans le temps. Par ailleurs, le cadre
de pêche, les lieux d’implantation des Par exemple, l’atténuation du réglementaire ne favorise pas la flexibilité
changement climatique par la
clubs de plongée ou encore le périmètre séquestration du carbone. propice à la création de nouvelles formes
des retombées économiques pour les de gestion de zones naturelles, que cela
entreprises du secteur touristique. Les Figure 8 : Classification des concerne les stratégies adaptatives, la
services écosystémiques dont la production configurations spatiales des flux gestion décentralisée ou la recherche
de services écosystémiques.
et/ou la restauration sont envisagées pour d’un autofinancement via la mobilisation
Source : MEB, adapté de Balmford et al., 2008.
contribuer au financement de l’implantation de revenus par les usagers. Ainsi, le
de récifs artificiels sont essentiellement les D’autres bénéficiaires des services concept d’Aire Marine Gérée (AMG) peut
services d’approvisionnement permettant écosystémiques peuvent être mis en avant, répondre à ces enjeux. La spécificité des
la pêche professionnelle et de loisir, ainsi comme la plaisance et les sports nautiques. AMG réside notamment dans l’implication
que les filières amont, et le service culturel Ces secteurs, ainsi que ceux plus du secteur privé, tant au niveau des
de beauté paysagère à la base des activités généralement de l’hôtellerie-restauration et financements qu’en matière de gestion
touristiques, comme la plongée sous- de l’industrie touristique (voyagistes tours effective. Leur financement peut être
marine ou la randonnée subaquatique. opérateurs, équipementiers…), même s’ils basé sur la valorisation économique de
Ces secteurs d’activité, dépendants du ne semblent concernés qu’indirectement services écosystémiques.
fonctionnement des écosystèmes, peuvent au premier abord, sont susceptibles de tirer Quelques exemples d’AMG existent
être qualifiés de bénéficiaires potentiels profit de l’attractivité accrue du territoire au niveau international. La plupart des
de services écosystémiques tirés des engendrée par l’implantation de récifs expériences en la matière ont porté sur
récifs artificiels et voir ainsi un intérêt à artificiels (notamment si une partie des le rôle des infrastructures hôtelières dans
contribuer au financement des projets. Leur récifs du projet a une vocation paysagère et la création de zones de cantonnement
poids socio-économique est important : esthétique dédiée aux activités récréatives), (Vietnam, Svensson et al., 2009), sur celui
si l’on prend l’exemple de la façade avec des retombées socio-économiques
des clubs de plongée dans la gestion de
méditerranéenne, le chiffre d’affaires du importantes. Le potentiel de financement
récifs coralliens (Curacao, de Groot and
secteur de la pêche s’élève à 56 millions est non négligeable : toujours en
Bush, 2010), sur des partenariats publics-
d’euros en 2013 et ceux des filières amont, Méditerranée, on estime par exemple que
privés (Malaisie, Teh et al., 2008) ou encore
comprenant notamment les entreprises les dépenses touristiques dans le secteur
sur des systèmes de paiement par les
de mareyage et de transformation des de l’hôtellerie-restauration des communes
usagers (région Caraïbe, Dixon et al., 1993).
produits de la mer, sont estimés à hauteur littorales atteignent près de 9 milliards
Créé en 1991 en Tanzanie, le Chumbe
d’euros (Thébault et al., 2011).
de respectivement 154 millions d’euros Island Coral Park (CHICOP) est la première
(2011) et 210 millions d’euros (2013) Les modalités de juxtaposition de différents AMG à avoir été créée dans le monde et
(France Agrimer, 2016). Quant à la plongée, types de mécanismes de financement continue aujourd’hui ses actions en matière
l’activité génère, rien que pour le littoral (compensation écologique, PPSE...) au sein de conservation et valorisation de différents
méditerranéen, un chiffre d’affaires estimé d’un même site de récifs artificiels, ainsi que usages (Nordland et al, 2013). Le parc
d’environ 38 millions d’euros par an les règles de gestion et de gouvernance CHICOP couvre des espaces tant terrestres
(Thébault et al., 2011). associées, doivent faire l’objet d’études et que marins et est géré via une concession

MISSION ÉCONOMIE DE LA BIODIVERSITÉ 23


INVENTER LES OUTILS INNOVANTS POUR LA CONSERVATION ET LA RESTAURATION DE LA BIODIVERSITÉ MARINE

sur l’espace maritime public, détenue les herbiers agissent en tant que barrières
par un complexe hôtelier positionné dans naturelles pour la protection des côtes. De
l’écotourisme. L’investissement initial s’est manière générale, ces écosystèmes
élevé à 1,2 million de dollars, avec des peuvent limiter le phénomène d’érosion
taux d’occupation de l’hôtel au-dessus côtière en absorbant de 70 à 90 % de
de 60 % les trois premières années, et l’énergie des vagues (Kench and Brander,
d’environ 85 % les 9 années suivantes, 2009) et diminuent les dommages
pour un total de 4 000 à 6 000 visiteurs par engendrés lors d’événements climatiques
an, permettant ainsi de générer des revenus extrêmes. Il existe une forte variabilité du
Récif artificiel © Laurent Ballesta
au-delà de 600 000 euros, couvrant le coût degré de protection en fonction du type de
de gestion de l’AMG. En Malaisie, dans récifs, de la profondeur et des vagues (Ibid)
la région de Sabah, l’AMG adjacente au écosystémiques, en fonction du type de
et le rôle des récifs ainsi que celui des
Lankayan Island Dive Resort est financée services considérés (voir Figure 8 p.23), et
herbiers dans la protection côtière sont
aussi bien par l’activité de plongée sous- d’identifier les principaux bénéficiaires
difficiles à isoler d’autres variables. De
marine que par l’écotourisme et a réduit associés. Si la plongée sous-marine et
même, les dommages dépendent en
de manière significative la pêche illégale et l’écotourisme constituent les principales
grande partie du type et de la valeur des
sources de financement des AMG à ce jour,
le ramassage des œufs de tortues dans actifs exposés au risque (habitations,
d’autres sources de revenus pourraient être
la zone (Teh et al., 2008). En Indonésie, le routes, bâtiments publics, équipements
tirés de la production halieutique (pêche
Misool Eco-dive Resort a été créé en 2005 touristiques, commerces, zones
professionnelle, pêche de loisir, pêche
par des investisseurs privés à Raja Ampat agricoles…) et de la probabilité
d’autoconsommation), du tourisme bleu
en concertation avec les communautés d’occurrence d’événements extrêmes.
(randonnée sous-marine, plaisance, filières
locales et en partenariat avec des ONG Cependant, malgré ces incertitudes,
amont, etc.), du service de séquestration
internationales de conservation de la nature d’après une étude portée par la MEB il a
de carbone par les mangroves et les
(Gjertsen & Niesten, 2010). Le complexe été estimé, en Martinique par exemple, que
herbiers et du service de protection côtière
gère une AMG entourant la zone via la valeur totale des coûts évités sur
contre les événements extrêmes
un accord avec le gouvernement et les l’ensemble du littoral par la présence de
(inondations, cyclones, etc.). Pour ce
populations locales.
dernier, les méthodes d’évaluation récifs coralliens et d’écosystèmes associés
A l’instar des récifs artificiels multi-usages, économique basées sur l’estimation du s’élève à un total compris entre 187 et
la recherche de financement pour une AMG coût des dommages évités sur le littoral 331 millions d’euros. Ces montants
est basée sur le principe de valorisation des grâce à certains écosystèmes marins peuvent permettre de susciter un fort intérêt
services écosystémiques issus de la zone permettent de donner des ordres de de la part des bénéficiaires directs pour
d’intérêt, nécessitant ainsi de spatialiser et grandeur économique de la valeur de ce financer leur préservation dans le cadre
quantifier des bouquets de services service. Par exemple, les récifs coralliens et d’aires marines gérées. 

Malgré leur intérêt, les mécanismes innovants ne doivent pas être considérés comme des solutions miracles
applicables, quel que soit le contexte. Leur efficacité écologique, leur impact socio-économique et leur
acceptabilité sociale nécessitent des études et des expérimentations complémentaires, un contrôle et un suivi
par les autorités, ainsi qu’une réelle adaptation des projets en fonction des enjeux des territoires en question. Leur
mobilisation doit par ailleurs se faire en synergie avec les politiques publiques en présence.

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24 BIODIV’2050 - Numéro 10 - Juin 2016


INTERNATIONAL REVUE DES EXPÉRIENCES
DE RÉCIFS ARTIFICIELS EN MÉDITERRANÉE

L es récifs artificiels, qui visent à imiter


les caractéristiques des zones
rocheuses naturelles pour favoriser la
Chypre, Malte, la Grèce, Israël, Monaco,
la Turquie et la Tunisie. La majorité de ces
la littérature (2). Par ailleurs, les récifs étant à
ce jour interdits à l’exploitation, l’utilisation
des récifs et leur impact sur la pêche
projets ont été financés via des fonds
fixation de la faune et de la flore, sont publics européens ou via les autorités artisanale locale n’ont pas été étudiés.
originaires du Japon, où il était d’usage, locales gouvernementales. Depuis maintenant plus de quarante ans,
dès le XVIIe siècle, d’en construire sous dix-neuf implantations de récifs artificiels
Peu d’études ou de publications traitent
forme d’amas de gravats et de pierres ont été réalisées sur l’ensemble de la
spécifiquement de l’efficacité des récifs
dans un objectif de production halieutique. façade méditerranéenne. Entre 1968 et
artificiels face aux objectifs d’immersion
Aujourd’hui, une multitude de modules 2009, ce sont plus de 87 000 m3 de récifs
qui étaient les leurs, rendant ainsi délicate
artificiels de dimensions, de formes et de qui ont été immergés, ce qui correspond
l’évaluation des retours sur investissement à un investissement global de 15 millions
matériaux variés ont été immergés selon
des différents projets. Souvent, les d’euros. Cependant, malgré un objectif
des agencements multiples dans une
majorité des océans et mers du globe. suivis, lorsqu’ils sont réalisés, portent clairement affiché de développement de
Les Etats-Unis et surtout le Japon, avec principalement sur les mécanismes de la ressource halieutique, peu de suivis ont
près de 20 millions de m3 immergés, et au colonisation et l’évolution des populations été réalisés sur les sites aménagés. Sur le
rythme actuel de 2 millions de m3 par an observées sur les sites aménagés, et non littoral du Languedoc-Roussillon, quelques
supplémentaires, constituent les principales sur les retombées socio-économiques conclusions issues d’un diagnostic de
nations qui immergent des récifs artificiels des projets. l’impact socio-économique qu’ont pu avoir
aujourd’hui dans le monde. Les objectifs La France a été le premier pays à immerger ces 40 années d’aménagement peuvent
des aménagements dépendent tant du des récifs artificiels en Méditerranée. Les être mises en évidence : près de 80 % des
contexte écologique, socio-économique premières expériences d’immersions se pêcheurs professionnels enquêtés estiment
que politique de la zone à aménager. Aux que les récifs artificiels sont efficaces
sont déroulées dans les années 1970,
Etats-Unis, par exemple, l’immersion de pour la production de biomasse et la
souvent avec des matériaux mal adaptés,
récifs artificiels semble essentiellement à protection contre le chalutage illégal et
comme des carcasses de voitures ou des
vocation récréative pour des usages liés environ 77 % d’entre eux ont observé
pneumatiques. Dans les années 1980,
à la pêche de loisir et à la plongée sous- un changement positif d’ordre qualitatif
une importante opération pilote a conduit
marine (17 millions de pêcheurs récréatifs et ou quantitatif suite à leur mise en place
à l’immersion de près de 30 000 m3 sur
un chiffre d’affaires généré 7 fois supérieur (Cepralmar, 2015).
10 sites de la façade méditerranéenne
à celui de la pêche professionnelle), Au Portugal, des complexes de récifs
sous l’impulsion du secrétariat d’Etat à
alors que le Japon dédie l’immersion artificiels ont été déployés depuis les
la mer. Entre les années 1990 et début
de récifs artificiels au maintien et au années 1990 au large de la Ria Formosa,
2000, des implantations régulières de
développement de la pêche professionnelle un ensemble de lagunes côtières au sud
plus faibles volumes ont été réalisées.
(Cepralmar, 2015). du pays formant un écosystème très
La dernière opération d’envergure en
D’après une étude portée par la Mission date, les « Récifs du Prado » au large de productif caractérisé par de nombreuses
Economie de la Biodiversité (MEB), Marseille, constitue la plus importante fonctionnalités écologiques (nurserie,
les expériences d’immersion de récifs opération en Méditerranée française avec alimentation, reproduction, etc.). Des récifs
artificiels sont particulièrement riches ses 27 300 m3 immergés de récifs de en béton ont été mis en place sur des
en Méditerranée. L’immersion de récifs production halieutique pour un coût total fonds sableux à 3 km de la côte. Avec plus
peut avoir pour principaux objectifs la de 6 millions d’euros. Six types de récifs de 20 000 récifs artificiels (environ 95 000
protection de certaines zones naturelles de production (401 récifs) ont été installés m3) répartis sur une surface de 45 km2
sensibles, la réduction des conflits entre 2007 et 2008 dans six zones ou pour un investissement total de 8,5 millions
d’usage en luttant contre le chalutage « villages » différents (1). Néanmoins, les d’euros, il s’agit du plus grand site
illégal au profit des petites pêches côtières d’immersion de récifs artificiels d’Europe.
estimations de biomasse sont inférieures
artisanales, le développement des stocks Ce vaste programme pilote a été réalisé afin
à ce qui était pressenti dans les études
d’espèces cibles en déclin ou encore le de répondre à un double objectif de soutien
réglementaires préalables et restent
développement touristique. Sur l’ensemble des pêcheries locales et d’optimisation
inférieures aux estimations disponibles dans
du bassin méditerranéen, une vingtaine des fonctionnalités écologiques entre les
de pays ont d’ores et déjà immergé des (1) L’organisation en villages, la recherche de complexité via la
récifs artificiels. Les onze principaux sont proposition de différents modules et la recherche de connectivité (2) La dégradation de la qualité des peuplements à l’échelle de la
avec les habitats naturels avoisinants (herbiers de posidonie), rade de Marseille associée à de potentielles pratiques illégales au
le Portugal, l’Espagne, l’Italie, la France, font de ce projet une réussite sur le plan de la conception. sein de la concession pourrait expliquer en partie ces résultats.

MISSION ÉCONOMIE DE LA BIODIVERSITÉ 25


INTERNATIONAL REVUE DES EXPÉRIENCES DE RÉCIFS ARTIFICIELS EN MÉDITERRANÉE

zones lagunaires et la pleine mer. Après espèces de substrats durs au niveau des préservation des habitats. Si l’intérêt des
quatorze ans de suivis scientifiques et plus récifs, espèces d’intérêt patrimonial ou pêcheurs pour les récifs artificiels est
de 256 pêches expérimentales réalisées, halieutique. Ainsi, la mise en place de récifs fortement ressenti au travers des différentes
l’effet halieutique des récifs a été clairement artificiels au sein d’une AMP s’est avérée études de perception réalisées sur le
démontré, quels que soient le groupe de un outil des plus efficaces tant dans la pourtour méditerranéen, l’efficacité socio-
poissons ou le type de récifs considérés. lutte contre le chalutage illégal que dans le économique et écologique effective des
Les suivis scientifiques réalisés sur la zone développement de la capacité de charge projets reste mal évaluée, notamment en
d’étude présentent des rendements de du milieu (4) dans un périmètre restreint. raison de sa dépendance à de nombreux
pêche systématiquement supérieurs sur facteurs (5). Par ailleurs, les synergies entre
A Malte et à Chypre, les récifs artificiels ont
les sites aménagés en comparaison avec l’atteinte de différents objectifs ne sont que
pour but principalement de développer
des sites témoins aux caractéristiques peu étudiées. Elles peuvent pourtant être
l’économie locale via notamment le
environnementales similaires. L’analyse particulièrement bénéfiques. Par exemple,
tourisme subaquatique. Des épaves
des perceptions des parties prenantes sur des récifs artificiels à visée d’optimisation
de bateaux ont donc été immergées.
l’efficacité environnementale et économique des fonctionnalités écologiques sont
A Chypre, bien qu’il n’existe pas à ce
du projet montre une satisfaction globale susceptibles d’améliorer l’état général d’un
jour de réels suivis tant écologiques que
(coopératives de pêcheurs professionnels, écosystème et donc sa capacité à produire
socio-économiques, les premiers retours
associations de pêcheurs de loisir, clubs de de la biomasse pour l’activité de pêche.
sont jugés comme très satisfaisants par le
plongée, administrations, scientifiques, etc.) Inversement, des récifs à visée purement
Ministère de l’agriculture, des ressources
concernant la capacité des récifs à soutenir
naturelles et de l’environnement. Une halieutique peuvent tout à fait concourir à la
les pêcheries locales (du point de vue de
colonisation riche est observée sur les restauration de continuités écologiques.
la production de biomasse). Cependant,
épaves et l’activité des structures de
du point de vue des bénéfices socio- Concernant les récifs de loisir, la plupart
plongée semble avoir été dopée. Quatre
économiques (emplois, impacts sur la des récifs immergés dans un objectif de
nouveaux projets d’immersions sont d’ores
rentabilité, gestion des conflits, etc.), moins développement du tourisme subaquatique
et déjà projetés sur la période 2014-2020.
de 50 % des réponses traduisent une sont des épaves de bateaux. D’après
A Malte, un déclin des activités récréatives
évolution positive. Les rapports de suivi font les premiers retours d’expérience,
liées à la plongée sous-marine a été
par ailleurs état de certains effets négatifs l’attraction touristique associée à de
observé dans les années 1990. Face à
liés à l’immersion de ces récifs, comme telles immersions est significative. Ce
ce constat, le ministre du tourisme, de
une pression de pêche accrue et une type de récifs artificiels a un impact
la culture et de l’environnement a décidé
concurrence pour l’accès à la ressource à non négligeable sur l’environnement en
de mettre en œuvre un programme de
l’origine de conflits d’usage au niveau des l’absence de préparation et de traitement
diversification des activités subaquatiques.
zones aménagées, expliquant en partie adapté avant la mise à l’eau. La mise en
Ainsi, entre 1996 et 2013, une quinzaine
ces résultats. place de récifs artificiels architecturaux à
d’épaves de bateaux ont été coulées.
vocation récréative ayant pour objectif de
En Espagne, dans le Parc Naturel de Cabo Tout comme à Chypre, il n’existe pas à ce
de Gata-Níjar, des récifs de protection se substituer à l’immersion d’une épave
jour de réels suivis écologiques ou socio-
contre le chalutage illégal et de production pourrait donc représenter une solution
économiques des récifs artificiels immergés.
halieutique ont été installés au début des alternative intéressante. Et ce, d’autant
Les premiers retours d’expérience font
années 1990 autour de la zone intégrale plus qu’elle permet une conception
néanmoins état d’une demande accrue
de cette AMP située en Andalousie. Il pour de nouvelles immersions et de architecturale des récifs définie par
s’agissait ainsi de protéger les écosystèmes nouveaux projets sont d’ores et déjà en les préférendums écologiques (6) des
les plus sensibles, plus particulièrement cours d’élaboration. Malte se positionne espèces souhaitées. 
l’herbier de posidonie et ses champs de aujourd’hui en tant que leader du tourisme
Grandes Nacres (3). Depuis près de vingt subaquatique des épaves en Méditerranée. Références
ans maintenant, la structure des récifs
Les objectifs d’immersion de récifs artificiels Cépralmar, Région Languedoc-Roussillon (2015). Guide
artificiels est décrite comme remplissant pratique d’aide à l’élaboration, l’exploitation et la gestion
en Méditerranée sont principalement
les fonctions qui lui ont été attribuées. Un des récifs artificiels en Languedoc-Roussillon. 236 pages.
tournés vers le maintien des pêcheries
suivi réalisé entre 1994 et 2005 fait état de
côtières via l’immersion de récifs de
l’apparition progressive de nombreuses (5) Tels que la disponibilité d’un état de référence des habitats et
production et de protection, et vers la des taux de capture par espèce par engin de pêche sur plusieurs
années, le lieu d’immersion, l’état physico-chimique des eaux, la
complexité et le volume des récifs, le suivi, le contrôle et la surveillance,
(3) La Grande Nacre est un mollusque bivalve endémique ou encore les modalités de concertation autour du projet.
à la Méditerranée vivant enfiché verticalement dans les (4) La capacité de charge d’un écosystème peut être
fonds sableux souvent couverts d’herbiers de posidonie. définie comme étant le seuil au-delà duquel des pressions (6) Un préférendum désigne la valeur d’une variable ou d’un
Espèce protégée depuis 1992, c’est l’un des plus grands issues d’usages divers vont engendrer une dégradation gradient pour laquelle un organisme vivant, ou plus généralement
coquillages au monde (elle peut dépasser 1 m de long). avérée du milieu et des ressources associées. une espèce, peut atteindre son développement optimum.

26 BIODIV’2050 - Numéro 10 - Juin 2016


INITIATIVES

L’INITIATIVE FRANÇAISE POUR LES


RÉCIFS CORALLIENS (IFRECOR)

Barrière de corail - Lagon Nouvelle Calédonie © istock - cachou44


L ’IFRECOR a pour vocation de
promouvoir la protection et la
gestion durable des récifs coralliens et
coralliens, qui réunissent des représentants
des ministères, des chercheurs, des
acteurs socioprofessionnels et des ONG.
des écosystèmes associés (mangroves, L’IFRECOR contribue à améliorer la prise
herbiers) dans les collectivités d’outre- de conscience de l’importance des enjeux
mer. Créée en 1999, elle est constituée écologique, économique, social et culturel
d’un comité national et d’un réseau de 8 que représentent les récifs coralliens auprès
comités locaux, représentant chacun les des décideurs et de l’opinion publique. 
collectivités françaises abritant des récifs

Plus d’infos : www.ifrecor.com

DES NURSERIES ARTIFICIELLES POUR PORTS EXEMPLAIRES (NAPPEX)

L e projet de recherche NAPPEX (2012-


2015), lancé dans le cadre de l’appel
à projet de la Stratégie Nationale pour la
le département de l’Hérault et porté par
la société Ecocean, a permis de tester la
faisabilité technique et de mesurer le gain
permet aux poissons, aux stades larvaire
et juvénile, de trouver refuge et nourriture
pour grandir et ainsi pouvoir quitter la
Biodiversité du ministère de l’Ecologie en écologique de la restauration du service zone de manière plus active en évitant
2011, vise à permettre aux zones portuaires écosystémique de nurserie des petits les prédateurs et donc repeupler le milieu
de devenir des refuges pour larves de fonds côtiers, altérés par la construction naturel alentour. Aujourd’hui, l’appellation
poissons afin d’augmenter la biodiversité des ports. L’installation de ces habitats NAPPEX identifie les ports exemplaires
sur la côte méditerranéenne. Ce projet, artificiels, procédé baptisé Biohut®, dans ayant comme engagement de favoriser la
cofinancé par l’Agence de l’Eau RMC, les zones portuaires (sur quais ou pontons) biodiversité par la mise en place d’habitats
adaptés aux larves de poissons.

En d’autres termes, passer de « Port


Propre » à « Port Propre et Restauré »
qui favorise la biodiversité. Un guide sur
la restauration écologique des nurseries
des petits fonds côtiers de Méditerranée
à destination des décideurs est disponible
en ligne (1). 
Palaemon - Biohut® © Remy Dubas / Ecocean

(1) Disponible sur :


www.nappex.fr/wp-content/uploads/Digest-net-fr.pdf

Plus d’infos : www.nappex.fr

MISSION ÉCONOMIE DE LA BIODIVERSITÉ 27


CRÉER UNE ALLIANCE DU SECTEUR PRIVÉ
POUR UNE GESTION DURABLE DE L’OCÉAN :
LE « WORLD OCEAN COUNCIL »

L e « World Ocean Council » (Conseil et des pratiques sur des problèmes


Ferme éolienne offshore © istock - BenGrasser

Mondial des Océans) est une alliance environnementaux partagés en lien avec les
internationale et interprofessionnelle qui zones, les ressources et les écosystèmes
regroupe les principaux utilisateurs de maritimes et océaniques. Il permet une
l’océan issus du secteur privé en matière collaboration et un leadership du secteur
d’utilisation responsable de l’environnement privé en faveur d’une gestion durable
marin. Il vise à concevoir, avec les des océans. 
acteurs économiques, des politiques

Plus d’infos : www.oceancouncil.org

REXCOR, UN PROJET EXPÉRIMENTAL POUR LA RESTAURATION


ÉCOLOGIQUE DES PETITS FONDS DE LA CUVETTE DE CORTIOU (MARSEILLE)

L e rejet des eaux usées de la ville de


Marseille débouche depuis 1896
à l’est de la ville, dans la calanque de
Ces facteurs constituent un obstacle majeur
à la recolonisation du site par des cortèges
d’espèces caractéristiques des petits fonds
Cortiou. La création en 1987 d’une rocheux. Ce projet expérimental consiste
station d’épuration puis son extension à concevoir, immerger et suivre des
en 2008 ont conduit à une amélioration habitats artificiels sur cette zone historique
significative de la qualité des eaux au niveau d’influence. L’objectif est d’évaluer la
de l’exutoire. Néanmoins, ces rejets ont capacité de ces objets à en améliorer l’état
Emissaire de Golfe Juan © Laurent Ballesta

impacté durablement les petits fonds de écologique. Ce projet, issu d’un appel à
ce secteur des calanques. Les processus idées émis par l’agence de l’eau Rhône
de remédiation naturelle sont lents et Méditerranée et Corse, le Parc National des
notamment contraints par la qualité du Calanques et le Pôle Mer Méditerranée,
substrat (structurelle et physico-chimique) est porté par CDC Biodiversité, Egis eau et
et l’étendue de sa dégradation. Architeuthis. 

CDC Biodiversité - Mission Economie de la Biodiversité


102 rue Réaumur - 75002 PARIS - Tél. : + 33 (0) 1 76 21 75 00 - www.mission-economie-biodiversite.com

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