Du Morphème À L'expression - Z Harris
Du Morphème À L'expression - Z Harris
Du Morphème À L'expression - Z Harris
Du morphème à l'expression
Zellig Sabbettai Harris
Harris Zellig Sabbettai. Du morphème à l'expression. In: Langages, 3ᵉ année, n°9, 1968. Les modèles en linguistique. pp. 23-
50;
doi : https://doi.org/10.3406/lgge.1968.2360
https://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1968_num_3_9_2360
DU MORPHÈME A L'EXPRESSION*
* Cet article est une traduction de From Morpheme to Utterance paru dans
Language, 22, 1946, pp. 161-183, puis dans Readings in Linguistics, M. Joos éd.,
American Council of Learned Societies, New York, 1963. Nous tenons à remercier la
Société de Linguistique d'Amérique qui nous a permis de le reproduire.
1. Je suis redevable à Rulon S. Wells de plusieurs discussions fructueuses, et à
C. F. Vœgelin et Bernard Bloch de critiques qui m'ont aidées. Le fait que des méthodes
aussi mathématiques que celle qui est proposée ici ne soient pas encore acceptées en
linguistique, exige des excuses quant à l'introduction de cette procédure. Cependant
les avantages qu'on peut obtenir (caractère explicite et comparabilité des
morphologies), peuvent compenser les difficultés de manipulation des symboles de cette
procédure. De plus, la méthode proposée n'utilise pas d'opérations d'analyse nouvelles.
Elle se réduit uniquement à l'écriture des techniques de substitution que tout linguiste
utilise quand il travaille sur ses matériaux. On travaille plus efficacement quand on
réfléchit avec un crayon et du papier.
24
ha (et le féminin -a) dans haiša haktana « la petite femme ». Par ailleurs
nous pourrions dire que dans chacun de ces cas, ce n'est pas un suffixe de
mot ou un préfixe de mot qui est répété, mais un infixe de syntagme,
unique, qui comporte, dans le cas de l'article en hébreu, les phonèmes /ha/
placés devant chaque morphème-nom (y compris les adjectifs) à l'intérieur
d'un syntagme nominal. Ceci signifierait qu'au lieu d'avoir un morphème
ha et des règles de sélection syntaxique, nous avons un morphème que
nous pouvons écrire ha... ha... et qui n'a pas d'autre contrainte de sélection
que celle d'apparaître ou non dans un syntagme, comme le font les autres
morphèmes. Si le syntagme contient les morphèmes « homme » et « petit »,
alors on a : iš katan « petit homme »; s'il contient également le morphème
« le », alors on a haiš hakatan; s'il contient aussi le morphème « féminin »,
alors on a : iša Mana; s'il contient les deux, alors on a : haiša haktana 4.
2 . 4. Dans les variantes présentées au § 2 . 2-3 ci-dessus, nous trouvons
que, dans chaque paragraphe, la première méthode fournit des
morphèmes phonémiquement simples pour lesquels les règles de sélection
restent à donner. Ainsi, nous aurions à dire quelque part que le morphème
pluriel /s/ n'apparaît qu'après des morphèmes se terminant par une
consonne sans voix, que am n'apparaît qu'après /, que lorsque parv-
apparaît dans un syntagme en compagnie de mensa, -a doit toujours le
suivre, et que chaque fois que ha apparaît avec un nom, ha doit apparaître
également avec tous les autres noms du même syntagme. La seconde
méthode procure dans chaque cas des morphèmes phonémiquement
plus compliqués qui possèdent un nombre moins élevé de limitations
spéciales de sélection, ce qui les distingue d'autres morphèmes.
Il est clair que chaque méthode a ses avantages et ses utilisations
propres. La procédure syntaxique donnée ci-dessous peut être appliquée
indépendamment de la méthode adoptée pour définir les morphèmes.
Cependant, comme on le verra, moins il existe de limitations de sélection,
plus la procédure syntaxique est simple. Par conséquent, dans les exemples
utilisés dans cet article, nous supposerons que la liste des morphèmes du
langage traité a été obtenue par la seconde méthode, c'est-à-dire, que
nous avons incorporé à la forme phonémique et à la définition du
morphème, le maximum possible de limitations.
L'opération.
5. Si, négligeant leur différence de distribution, nous mettions poem et house dans
une classe N, alors write et wire (I'm wiring a whole house this time) seraient placés
27
afin de garder les exemples des §§4-6 aussi simples que possible, nous
supposerons que les morphèmes qui ont des distributions légèrement
différentes sont rassemblés en une même classe, si les différences distri-
butionnelles entre leurs environnements correspondent aux différences
distributionnelles entre les morphèmes. Si poem et house ne diffèrent
distributionnellement que par le fait que poem apparaît avec write et
house avec wire, et par des différences du même ordre, et si write et wire à
leur tour ne diffèrent que parce que write apparaît avec poem et wire avec
house et par des différences du même ordre, alors nous mettrons poem
dans une classe en compagnie de house, et, simultanément, write dans
une classe en compagnie de wire.
3.3. Il existe d'autres différences d'environnement qui sont moins
faciles à traiter. En anglais cover apparaît après un- et dis-, tandis que
dress n'apparaît qu'après un-, connect seulement après dis-, et take après
aucun des deux (mais connected apparaît aussi après un-). Par ailleurs,
cover, dress, connect, take apparaissent tous devant -ing et dans des
environnements tels que let's not it just now. Les grouperons-nous dans
une même classe de morphèmes ou dans quatre classes différentes?
Ainsi, les classes que nous utilisons dans notre méthode ci-dessous, seront-
elles établies sur la base de leur relation avec -ing, ou sur la base de leur
relation avec un-? Nous trouvons que les sélections que les quatre
éléments ont en commun (leur apparition devant -ing et dans leť s not
it just now) les différencient d'autres grandes classes de substitution,
telles que India, child, ou to, from, qui n'apparaissent pas dans ces
positions. De plus, les sélections par lesquelles ils contrastent ne différencient
pas ou ne rendent pas équivalents les morphèmes, d'une manière
fructueuse pour l'analyse de nombreuses expressions. Quoique un- apparaisse
devant certains des morphèmes qui apparaissent devant -ing, nous
trouvons aussi un- devant quelques-uns des morphèmes qui
n'apparaissent pas devant -ing mais qui apparaissent dans the man : par
exemple just, true 6.
De la même manière que dans le cas du §3.2, la méthode qui sera
décrite ci-dessous est applicable indépendamment de la classe de
morphèmes que nous choisissons. Si nous plaçons cover, dress, connect et take
dans quatre classes différentes sur la base de leurs relations avec un- et
ensemble dans une classe V, puisque leur différence distributionnelle correspond à celle
de poem et de house. Nous obtiendrions alors une assertion reliant N et V. Si nous
conservions poem et house dans des classes différentes, en faisant de même pour write et wire,
nous obtiendrions deux assertions, l'une reliant write et poem, l'autre reliant wire et
house. L'ensemble de ces deux assertions serait équivalent à l'assertion unique reliant
IV et У.
6. Le critère qui décide contre un- et en faveur de -ing comme environnement
pertinent pour la construction des classes de substitution, est donc un critère d'utilité
pour l'ensemble de la grammaire, c'est une remarque de configuration. Nous verrons
par ailleurs que les classes définies sur la base de -ing peuvent être remplacées par
certaines séquences de classes, ce qui n'est le cas pour aucune des classes basées sur
l'environnement un- Des assertions spéciales devront être faites par la suite à propos de la
sélection de un-, elles recouperont en partie les limites des classes basées sur -ing, etc.
28
dis-, nous pourrons par la suite regrouper ces classes sur la base de leurs
relations avec -ing. Et si nous les traitons comme membres d'une même
classe sur la base de -ing, nous devrons remarquer qu'ils diffèrent dis-
tributionnellement (en tant que sous-classes) par rapport à ил-. Afin
d'abréger, nous les considérons ici comme membre d'une seule et même
classe de morphèmes.
3.4. Pour certains cas de morphèmes qui ont en commun un certain
environnement mais pas un autre, la similarité et la différence sont toutes
deux pertinentes pour la structure de l'expression. Ainsi cover, note, find
apparaissent aussi bien dans -ing, We'll his path que dans -s («
pluriel »), You can have my . Mais think n'apparaît que dans les deux
premiers types d'environnements, et child seulement dans les deux
derniers 7. En général, les morphèmes qui apparaissent dans -ing, apparaissent
aussi dans de nombreux contextes du genre de We'll his path. De la
même manière, presque tous les morphèmes qui apparaissent dans -s
(« pluriel »), apparaissent aussi dans de nombreux environnements comme :
You can have my . Nous considérons donc que ces deux ensembles
de positions servent de diagnostic, et nous dirons que tout morphème qui
apparaît dans certains environnements de l'un des deux ensembles, est
un membre de la classe de substitution identifiée comme apparaissant
dans cet ensemble de positions. Il y aura deux telles classes : cover, note,
find, think et cover, note, find, child. Le fait que de nombreux morphèmes
apparaissent dans les deux classes n'est pas pertinent ici, puisque certains
n'ont pas cette particularité 8.
3 . 5. Séquences de morphèmes. La principale nouveauté de la
procédure qui est donnée ici, réside dans l'extension des classes de
substitution à des séquences de morphèmes, et pas simplement à des
morphèmes uniques. Nous ne nous demandons plus seulement si A et В
apparaissent dans l'environnement С D, mais si AE, ou FGH
apparaissent également dans cet environnement. Si cela se produit,
A, B, AE, FGH, sont mutuellement substituables. Nous dirons qu'ils
sont tous membres d'une même classe de substitution, qui n'est plus
seulement une classe de morphèmes, mais une classe de séquences de
si nous les prononçons avec deux intonations : l'une sur les deux
premiers mots, et l'autre sur les trois derniers, au lieu d'une seule intonation
sur les cinq. C'est-à-dire qu'elle dissimule le fait que l'expression / know
John was in peut être décrite comme étant constitué de deux phrases,
liées sous une intonation de phrase unique. Elle dissimule de plus le fait
que certainly peut également apparaître à un emplacement différent
dans la phrase : / was certainly in, alors que know John ne pourrait y
figurer que dans une seule position. Et elle dissimule l'accord de was
avec John : car si nous substituons we à /, nous avons toujours was dans
We know John was here. Tout ceci suggère que la substitution de séquences
doit être opérée de manière à satisfaire à toutes les manipulations qui
constitue le cadre de la substitution 9.
3.8. Dans le cours des paragraphes suivants (§§ 4-5), cette
procédure sera esquissée, pour l'anglais et le hidatsa, un langage sioux du
Dakota du Nord. Il n'y aura, bien sûr, aucune tentative de s'approcher,
même de manière lointaine, d'une analyse complète de ces deux langues.
Le but de ces descriptions est simplement de donner les grandes lignes
de la procédure; de nombreux détails, ainsi que certains types
d'expressions de chacune des deux langues, seront omis.
3 . 9. Nous utiliserons des équations pour indiquer les substitutions.
ВС = A signifiera que la séquence qui consiste en un morphème de la
classe B, suivi d'un morphème de la classe С peut être substituée à un
morphème unique de la classe A. Dans les cas où il pourra y avoir doute,
nous écrirons В + С pour la séquence ВС. Quand nous voudrons exprimer
que A est substituable à В seulement si С suit, nous écrirons : АС — ВС.
Anglais.
9. Il est possible de prévenir des substitutions telles que certainly pour know John,
si on analyse l'expression, en constituants immédiats. Cependant, ce type d'analyse
exige une technique différente de celle qui est présentée dans cet article, technique
basée sur la comparaison des structures apparentes des expressions et des parties
d'expressions. Par ailleurs, dans cet article, nous tentons d'aboutir à une description
de la structure d'une expression, sans utiliser aucun moyen préliminaire mettant en
jeu l'examen de ces structures, ou des décisions sur l'équivalence structurale de deux
expressions. Ainsi, l'analyse en constituants immédiats n'est pas utilisé ici; et nous
devons définir d'autres méthodes qui excluent des substitutions telles que celle de
certainly à know John.
10. Ceci ne signifie pas que chaque membre de la classe apparaît dans toutes les
positions dans lesquelles tout autre membre apparaît (note 5). Un morphème
particulier peut figurer dans plusieurs classes (note 8). Certains morphèmes figurent dans
31
deux classes ou plus de la liste ci-dessous (cf. classe cleavage, in Leonard Bloomfield,
Language, 204, New York, 1933). La liste des environnements de chaque classe de
morphèmes, donnée ci-dessous est loin d'être complète, elle suffit tout juste à identifier
la classe.
11. Dans des expressions telles que The one I saw, a good one.
12. Si certaines subdivisions ne sont pas indiquées ici, elles devront être traitées
comme types spéciaux de sélection (§ 7,6).
13. Nous pouvons inclure have et be dans R pour certains contextes, par exemple
en relation avec not : have not taken parallèle à will not take, à opposer à don't get going.
Notons que lorsque do, have, ou be sont suivis de -ing, ils sont dans la position V, et
non pas R.
32
Bon nombre d'entre eux, par exemple now, apparaissent dans diverses
positions de l'expression (après V : Don't look now; devant У : He now
wishes it weren't; au commencement d'une expression avec un niveau /,/
d'intonation : Now, whaťs up?). Certains adverbes (very) n'apparaissent
pas dans la plupart de ces positions. Quand nous désirons indiquer
uniquement ceux qui ont la plus large distribution, à l'exclusion de very et
de ses semblables, nous écrivons Da. Dans des analyses plus détaillées,
bien d'autres sous-classes de D seraient nécessaires.
T : devant N, ou. A, ou DA, mais pas devant У (sauf si У est suivi
de -ing, -ed, ou -ел) : a, my, some. Ceux-ci peuvent tous être considérés
comme substituables à the, et ainsi, comme constituant une classe
d'articles. Nous devons y inclure ail, qui, en plus des positions ci-dessus,
apparaît aussi devant T (all the very good people, aussi bien que all very
good people); de même les numéraux cardinaux, qui apparaissent non
seulement dans des positions T, mais aussi après T (my two very uncertain
suggestions et the two very new suggestions, two very new suggestions,
parallèlement à the very new suggestions).
I : devant ou après У, après from, before, mais pas après A ou T ou
le pluriel -s : it, all, some, now, here u. Certains morphèmes de cette classe
n'apparaissent pas après from, before, etc., ou après У début
d'expression : he, I. D'autres n'apparaissent pas devant У sans que NV les
précède : me.
P : devant N, T, A, D, I, et devant У seulement si -ing suit : of,
from. Plusieurs morphèmes de cette classe de prépositions apparaissent
aussi après certains У; quand ils sont dans cette position, nous les notons
Pb : of, off, over (walk off, beat up). Certaines prépositions (notées Pc)
alternent parfois avec zéro quand un N qui précède PcN est placé après
le (Pc)N : to, for dans they're giving a present to the boss, they're buying
a present for the boss, sont remplacées par zéro dans : they're giving the
boss a present, they're buying the boss a present. Nous ne trouvons pas cela
avec from dans He's receiving a raise from the boss.
-Nn : après N et devant tout ce qui suit N : -let, -eer, -er, -ess (playlet,
engineer, Londoner, lioness).
-Vv : après У et devant tout ce qui suit У : passé -ed, 3e personne du
singulier -s (rowed, rows).
-Aa : après A et devant tout ce qui suit A : -er, -est, -ish (older,
oldest, oldish).
-Nv : après et devant tout ce qui suit У : -ize, -(i)fy (colonize, beau-
14. Il existe des expressions spéciales comme the here and now, mais en general ces
délimitations sont valables.
33
-Va : -able, -ing, -ed, -en (likable, a shining light, the cooked meal,
his shaven head) .
-An : -ness, -ty (darkness, cruelty).
-Av : -eb -ize (darken, solemnize).
-Ad : -ly (really).
Nv- : devant JV, et après tout ce qui précède V 15 : be-, en- (bedevil,
enshrine) .
Xď- : devant les morphèmes de plusieurs classes, principalement N
ou A. La combinaison, qui se compose de ces morphèmes et de Xd-, peut
être notée D'. Elle apparaît principalement après У (souvent JV, etc.,
interviennent, comme dans Are you asleep?) : a- (astray, afresh, asleep,
ashore). D' sert ici à indiquer les adverbes qui apparaissent dans cette
position post - У, puisque c'est une position dans laquelle à la fois Da et
A apparaissent. D' apparaît parfois après JV : a day ashore.
Av- : en- (enlarge).
Na- : pře-, anti-, pro- (pre-war, anti-war, pro-war).
Ap- : be- (below, behind).
Xx- : devant toute classe ou séquence de morphèmes, et après tout
ce qui peut précéder cette même classe de morphèmes. L'environnement
du morphème qui suit n'est pas affecté par l'addition du morphème Xx-,
mis à part le fait qu'il contient maintenant ce morphème : dis-, re-, pre-
( discorder, recall, preview).
S : racines qui n'apparaissent qu'avec des affixes, c'est-à-dire avec les
16 classes -Nn à Xx- qui précèdent. Ces racines ne peuvent être attribuées
à une quelconque des classes JV, V, A, D, etc. qui précèdent, sauf si l'on
s'aperçoit qu'elles apparaissent avec les mêmes affixes que JV, etc. Ainsi,
dans society, social, il aurait été possible, au lieu de considérer soci- comme
un S (ce que nous faisons ici), de le considérer comme un A quand il
apparaît devant -ety, et comme un JV quand il apparaît devant -al (à comparer
à superiority, A -An et communal, N -Na). Mais que serait nat- dans
native? Nat- pourrait être ou bien JV ou bien У devant -ive, puisque -ive
est à la fois -Na et Va : massive, adoptive. C'est pour cela que nous
placerons de tels morphèmes dans la classe 5. Bon nombre des affixes des classes
ci-dessus apparaissent non seulement après A, N, ou У, mais aussi après S.
Se : conjonctions entre deux séquences quelconques : and, but (I
wanted to go, but couldn't make it). Dans certains contextes (comme dans cet
exemple) l'élément de & est précédé d'une intonation /,/; dans d'autres
contextes, l'intonation /,/ n'apparaît pas {war and peace sans /,/).
В : dans -JVV /,/ JVV ou dans NV 1,1 NV : if, since, as, while (If you
go, I won't). Le dernier subordonnant, et parfois les autres, se passe de
l'intonation /,/ quand il apparaît à l'intérieur d'une expression : We fix it
15. Pour les autres classes de morphèmes de ce type, nous ne donnerons pas les
contextes correspondants, les marques de classe (-Na, Na-, etc.) sont des indications
suffisantes.
34
18. Nous constatons que nous avons A2 plutôt que A1 dans cette équation, en
vérifiant que peculiar (A1) peut y figurer pour older, oldish (A2). Lors de la construction
de toutes ces équations nous pouvons choisir parmi deux procédures de travail. L'une
consiste à obtenir une grande masse de données, correspondant à de nombreuses
séquences qui ont le même environnement en tant que N1; nous pouvons alors en
extraire les séquences formées de A suivi de N, et vérifier si le A est toujours A1 ou
parfois A2 : par exemple nous vérifierons si parmi les séquences qui ont le même
environnement que senator, nous avons non seulement peculiar fellow, mais aussi older
fellow. L'autre procédure utilise les équations comme hypothèses de travail; sur la
base des données déjà rencontrées, nous pouvons alors essayer diverses substitutions
pour chaque symbole, dans nos équations, jusqu'à ce que nous découvrions quels sont
les symboles substituables l'un à l'autre. Ainsi, sur la base de He's a peculiar fellow nous
pouvons écrire provisoirement A N1 = N1. Ensuite nous vérifirions si A est Ax ou A2 en
regardant si nous pouvons substituer older à peculiar, tout en conservant une expression de
l'anglais. Les deux procédures sont, naturellement, épistémologiquement équivalentes.
19. Voir George L. Trager et Bernard Bloch, The Syllabic Phonemes of English,
Language, 17, 1941, p. 228.
20. Quand nous avons la configuration d'intonation ч л, le morphème à accent
37
médian est dans la classe D : pretty young est DA dans She's a pretty young girl to be out
this time of the night, de la même manière que very young dans He's a very young fellow.
L'addition d'accent emphatique, ainsi que d'autres modifications du contexte,
complique la description de l'accentuation. Des descriptions exactes seront cependant
nécessaires, étant donné que divers morphèmes (first par exemple) apparaissent à la
fois dans A et D.
38
hard; It's too hard, at night; At night it's too hard; It's too hard at
night. Le morphème /,/ devant ou après PN* ou l'un quelconque
de ses substituts souligne le sens conditionnel.
<$c + toute expression = cette expression : But John!; And I know that
too pour / know that too. Il n'y a qu'un petit nombre de
conjonctions qui apparaissent dans cette position.
JV4V4 /,/ <fciV4V4 = N4V4 : A toute expression N4V4, nous pouvons
substituer deux séquences ]V4V4 avec une conjonction entre elles et
avec, sur la seconde, un accent fort qui est réduit : / know, but I
can't tell pour / know.
4.4. Une vérification des équations précédentes montrerait que toutes
les classes de morphèmes et toutes les séquences de morphèmes, sauf les
séquences indépendantes du dernier paragraphe de § 4.1, apparaissent
dans des positions où elles peuvent être remplacées par iV4 ou V4. Ainsi
nous pouvons définir en termes de ces classes, quelles sont les séquences
de morphèmes qui apparaissent dans les expressions de l'anglais. La
grande majorité des expressions de l'anglais sont une succession des formes
suivantes :
iV4V4 avec /./, /?/, ou d'autres intonations, avec N4 (= PiV4 = Da), des
morphèmes indépendants, et des répétitions successives
introduites par &, séparées par /, /.
Les morphèmes indépendants et presque tous les autres morphèmes,
exceptés les affixes (classes -Nn à Xx- du § 4.1) apparaissant
seuls ou avec des affixes, accompagnés de /. /, /?/, /!/, et d'autres
intonations : Yes; Why?; No!; Come! 21; John!; English; Here.
Hidatsa.
5.1. Nous donnerons une exquisse très brève du hidatsa, elle présente
ici de l'intérêt car sa structure est très différente de celle de l'anglais. Le
hidatsa, en grande partie, consiste en des morphèmes qui ne sont pas eux-
mêmes des noms, verbes, etc., mais qui se combinent avec des affixes
nominaux, verbaux ou à sens différent.
La plupart des morphèmes du hidatsa peuvent être groupés selon les
classes suivantes sur la base de leurs propriétés de substitution :
S : racines qui apparaissent avec n'importe quels affixes ou sans affixes
(ou zéro), et immédiatement après d'autres racines : ika' «
regarder » dans : ika • с « il regarde », ika ' s « veilleur », ika • ?i • s
« celui qui veille toujours », ikako'wiha'k « finissant de
regarder »; ko'wi « fin », ko'wic « c'est la fin », ko'wihcc « il a fini ».
21. V! peut être substitué à NV dans de nombreuses expressions : Come into the
house! pour He came into the house. Ainsi V! peut être considéré comme égal à NV, avec
l'intonation morphèmique / syntaxiquement substituable à N. Ceci n'est pas vrai
pour NI, puisque le fragment de discours qui suit immédiatement NI possède
l'intonation complète d'une expression indépendante minimale : John, why don't you come!.
NI doit donc également être considéré comme une expression indépendante minimale.
41
P : préfixes qui apparaissent avec presque toutes les racines, et aussi les
uns avec les autres. Ils présentent des sélections et un ordre
relatif spéciaux, de même que les suffixes : ki- « suus » dans
ki'ka'k « se regardant »; aru- « endroit ou objet, futur » dans
aru? ika « quelque chose à regarder ».
Pr : un groupe de préfixes personnels s'excluant mutuellement : w- « je »,
r- « tu », i- (ou zéro, etc.) « il », dans wirwhic « je suis debout »,
riru • hi ?i « es-tu debout », iru • hic « il est debout ».
Inst : il existe environ 70 racines qu'on ne trouve qu'avec des préfixes
instrumentaux : -saki- « fendre » dans pasakic « il a fendu avec
un bâton », rusakic « il a fendu avec la main », kasakic « il a
fendu en frappant ».
Pinst : environ 6 préfixes qui n'apparaissent qu'avec Inst : voir ci-dessus.
U : suffixes de fin d'expression qui apparaissent à la fin (et aussi à
l'intérieur) de fragments de discours : -c « c'est ici », répétition de
voyelle «?» : wahkuc « il est ici »; wahku?u « est-il ici ».
F : suffixes de fin de groupe qui peuvent se substituer à U quand
l'expression se continue : -k « -ant », -wa « quand » dans wu?usiak « nous
arrivant, ... », wu?usi?awa « quand nous sommes arrivés » (à
comparer à : wu?usi?'ac « nous sommes arrivés »). Dans les
équations ci-dessous, F inclura U, puisque il n'y a pas de description
de F qui ne s'applique à U également.
N : suffixes qui ne sont pas de fin de groupe. Certains d'entre eux sont
finals dans les segments accentués (mots), d'autres ne le sont pas,
mais aucun d'eux n'apparaissent normalement à la fin de
séquences de mots qui ont U ou F à leur fin : -5 « suffixe
d'appellation » dans wa'?ahtw?as « les crânes »; -se « par », -a?a «
plusieurs » dans a'ta?ase « par leur plusieurs maisons ».
Post : quelques morphèmes postposés qui apparaissent après des affixes
de fin de mots (parfois à la fin d'expressions) : isa « de nouveau »
dans wa'hacisa « nous allons de nouveau ».
Ind : un très petit nombre de racines apparaissant sans affixes, en tant
qu'appels ou expressions complètes : ho ' « oui », riskare « ami ».
5.2. Nous définissons maintenant les séquences de morphèmes qui
peuvent être substituées aux morphèmes uniques des classes données
ci-dessus.
SPS1 — S2 : ris'i « danse » et hiri « faire » dans wa?o 'ris • ihirak « faisant
une danse » (o • est un préfixe nominalisateur membre de P).
Pinst Inst — S2 : nous pouvons substituer rusaki « fendre de la main » à
aciwi « suivre » dans wa с (« j'ai ».
Pr S2 = S3 : wa «je » + aciwi « suivre »; wi « je » ou i « il » + rwhi « se
mettre debout ».
PS3 = S3 : him « os », aruhiru « squelette ». Il y a d'importantes
limitations de sélection pour les membres individuels de P ainsi que
pour des sous-classes.
42
Discussion.
22. La position de ce groupe dans la phrase peut être trouvée dans II, 5 p. 205, de
R. H. Lowie, Z. Harris and G. F. Vœgelin, Hidatsa Texts (Indian Historical Society,
Prehistory Research, Series 1.6, mai 1939), la plupart des exemples hidatsa donnés
ici sont tirés de ce volume. L'analyse des §§ 5.1-3 est provisoire.
23. Ibid., II, 31, p. 207.
24. Ibid., I, 49, p. 195.
43
25. Ceci est également réalisé, en essence, par le clivage de classes de Bloomfleld
(Language, 204) et par ses fonctions de classes de formes (id., 196), qui fournissent
l'équivalence des mots et des séquences de mots. Il va de soi que toute la procédure
décrite ici doit beaucoup à la méthode de Bloomfleld.
26. Il peut être nécessaire de souligner que cette analyse positionnelle est
strictement formelle; elle s'opposerait aux analyses par forme et signification telles que la
syntaxe analytique d'Otto Jespersen (Analytic Syntax, Copenhague, 1937).
44
29. Bloomfield, Language, ch. 13. Voir également Kenneth L. Pike, Taxemes and
Immediate Constituents, Language, 19, 1943, pp. 65-82, ainsi que la méthode d'analyse
utilisée pour le japonais par Bloch, Studies in Colloquial Japanese II, Language, 22,
1946, pp. 200-248.
46
exemple les préfixes Xx- et les suffixes -Aa en anglais (§ 4.3.1); nous
pouvons même apprendre par nos formules qu'en anglais, la plupart des
préfixes, mais peu de suffixes, sont syntaxiquement nuls.
Les formules montrent quelles sont les classes de morphèmes qui
apparaissent seules, et quelles sont les classes qui sont liées non à d'autres
classes (comme le sont la plupart des affixes), mais à des constructions,
c'est-à-dire à des séquences de classes : par exemple le Se anglais est limité
à une classe quelconque ou à une extension en séquence de classes; le T
anglais est lié au groupe nominal qui le suit, comme une sorte de préfixe
(§ 4.3.3); les suffixes hidatsa opèrent sur le mot entier qui précède, tandis
que les préfixes opèrent habituellement sur la racine qui suit
immédiatement (§ 5.2). Le fait que les suffixes anglais -Vd (~ed) sont plutôt ajoutés
à V3 (groupes verbaux avec objet, etc.) qu'à V1 (morphèmes verbaux),
montre que -ed doit plutôt être considéré comme un suffixe du groupe
verbal complet. En général une classe peut être considérée comme liée au
niveau indiqué par le nombre auquel elle est associée; c'est-à-dire, liée à
tout ce qui est substituable à la combinaison symbole-exposant qui
l'accompagne dans les équations.
Nous pouvons également apprendre au moyen des formules, quelles
sont les classes de morphèmes qui sont les têtes et quelles sont les
fermetures des séquences où elles apparaissent : la fermeture est la classe qui
apparaît toujours en dernière position, et la tête est la classe qui peut
toujours être substituée à la séquence, par exemple un morphème N à un
groupe nominal entier. Les formules peuvent ainsi nous montrer quelles
sont les séquences endocentriques (par exemple AN =N) et quelles sont
celles qui sont exocentriques (par exemple TA = N).
Il va sans dire que de bonnes informations sur les classes de morphèmes
peuvent être dérivées non d'exemples fragmentaires comme nous l'avons
fait pour notre procédure par équations, mais à partir d'analyses
détaillées de toutes les séquences d'une langue qui sont mutuellement substi-
tuables.
7.4. Ordre. Les formules sont construites en partie sur la base de
l'ordre des classes dans les séquences, elles peuvent donc être utilisées pour
décrire celui-ci, explicitement, ou par le moyen des exposants.
7.5. Toujours ou parfois. Les formules nous permettent encore
d'indiquer si certaines classes apparaissent toujours, ou seulement parfois,
dans une séquence donnée. Si nous écrivons DA = A et AN = N, et si
nous sommes libres d'appliquer les résultats d'une équation à l'autre,
alors nous pouvons dériver de ces équations le fait que N, AN et DAN
apparaissent tous.
7.6. Sélection. Certains des caractères de la sélection (les
restrictions sur les morphèmes particuliers qui n'apparaissent qu'avec d'autres
morphèmes particuliers) sont indiqués dans ces formules, ou bien en sont
dérivables. Une sélection comme celle qui opère entre / et am par
opposition à celle de he et is, est inclue dans la liste des variantes de forme des
47
30. Cf. également une courte analyse de même type effectuée pour le kota in
Language, 21, 1945, pp. 289-299, et basée sur les données fournies par M. B. Emeneau,
Kota Texts, Part I, Berkeley et Los Angeles, 1944.
48
au §6.1 que les valeurs des symboles des équations ne sont pas des
morphèmes, mais des positions qui indiquent quels sont les morphèmes qui
occupent ces positions (indépendamment des autres positions que ces
morphèmes peuvent occuper dans d'autres équations). Donc, quand nous
souhaitons connaître l'analyse d'une expression particulière, il n'est pas
possible de remplacer simplement chaque morphème par son symbole de
classe (par exemple I know it = WV^-N* = WV1) puisque de
nombreux morphèmes peuvent être membres de plusieurs classes à la fois.
W. F. Twaddell a suggéré31 que de telles analyses d'expressions soient
effectuées au moyen de tests de substitution répétés, sur la base des
équations, ce qu'il appelle « substitution expérimentale à tout niveau ». Pour
réaliser cela, nous devons demander quelles sont les substitutions permises
par les équations pour chaque morphème (ou séquence de morphèmes) de
notre expression, dans l'environnement de classes qu'il (ou elle) a dans
cette expression. On répète cette opération jusqu'à ce qu'on apprenne de
manière non ambiguë à quelle classe appartient chaque occurrence de
chaque morphème de notre expression.
Prenons, par exemple, l'expression : She made him a good husband,
because she made him a good wife. Nous savons qu'il existe une différence
de sens entre les deux occurrences de made; et comme nous le savons sans
information extérieure à celle de la phrase, il s'ensuit que cette différence
de sens et de construction, peut être dérivée de la structure de
l'expression. Nous analysons l'expression en remontant les équations aussi loin
que cela sera nécessaire pour découvrir cette différence. D'abord nous
savons que cette expression est un exemple de N4V4<fc./V4V4 = N4V4. A
ce point, les deux moitiés de la phrase ont encore des structures identiques.
Chaque V4 a la structure V2 (make) iV4 (him) iV4 (a good husband/wife)
+ -V v (-ed). Les équations donnent les deux cas de séquences (§4.3.4) :
VfWW = Ve2 (make Harding President) et Vd2N*N* = Vê (make my
husband a party). Nous ne pouvons dire ni à quel cas correspond chacun
de nos V4, ni si tous les deux correspondent au même cas, puisque make
est à la fois membre de Vd et de V/"32. Nous constatons cependant
(§ 4.3.4), que VdWiV = VéPNfPcN* (l'indice identifie simplement le
N qui a des positions différentes dans les deux séquences). Nous essayons
maintenant de découvrir si l'un des V4 de notre expression possède la
structure Vd2iV4JV4, en appliquant à chaque V4 les substitutions qui sont
possibles pour Vd2iV4JV4. Nous échangeons les deux N4 et nous insérons
entre eux Pc. Le premier V4 nous donne une expression dénuée de sens qui
pratiquement ne peut jamais se rencontrer : she made a good husband
for (Pc) him (N), au lieu de : she made him (iV) a good husband
33. Nous pouvons vérifier cela en remarquant que si, dans le premier V*, nous
substituons un verbe qui n'est pas un membre deVf, nous obtenons une séquence qui
ne peut pratiquement jamais se rencontrer et dont le sens n'est pas modifié par la
substitution de N*PcN* : She bought him a good husband ne différerait pas en sens (si
cela se rencontrait) de She bought a good husband for him. Si nous essayons un autre
membre de Vf, think par exemple, nous constatons de nouveau que la substitution
produit une expression dénuée de sens (jamais rencontrée), ou alors un sens fortement
modifié : She thought him a good husband à opposer à She thought a good husband for
him. Les verbes de Vf sont donc des verbes qui mettent en jeu des changements de
sens évidents quand ils sont soumis à la substitution Nt Pc N; les verbes qui ne sont
pas dans Vf ne mettent pas en jeu, lors de cette substitution, de changement de sens
perceptible. Par conséquent, le made de made him a good husband fonctionne comme
un membre de Vf.
34. Mon attention a été attirée sur ces familles de morphèmes par le travail sur
l'anglais de Stanley Newman et de Morris Swadesh.
50
35. Voir, par exemple, Edward Sapir, Language, 86, New York, 1921.