Du Morphème À L'expression - Z Harris

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 29

Langages

Du morphème à l'expression
Zellig Sabbettai Harris

Citer ce document / Cite this document :

Harris Zellig Sabbettai. Du morphème à l'expression. In: Langages, 3ᵉ année, n°9, 1968. Les modèles en linguistique. pp. 23-
50;

doi : https://doi.org/10.3406/lgge.1968.2360

https://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1968_num_3_9_2360

Fichier pdf généré le 02/05/2018


ZELLIG S. HARRIS

DU MORPHÈME A L'EXPRESSION*

1.0. Cet article présente une procédure formalisée de descriptions


d'expressions, directement en termes de séquences de morphèmes plutôt
qu'en termes de morphèmes isolés \ II recouvre ainsi une importante
partie de ce que l'on appelle habituellement syntaxe.
Quand elle est appliquée à une langue particulière, la procédure
fournit une description compacte des séquences de morphèmes qui
apparaissent dans cette langue, c'est-à-dire une formule pour chaque structure
d'expression (de phrase) de la langue en question.
1.1. Actuellement, les classes de morphèmes sont formées en
rassemblant dans une seule classe tous les morphèmes qui sont substituables les
uns aux autres dans des expressions, par exemple, man remplace child
dans : The child disappeared.
La procédure esquissée ci-dessous consiste, essentiellement, à étendre
la technique de substitution des morphèmes uniques (par exemple : man)
à des séquences de morphèmes (par exemple : intense young man). Dans la
mesure où elle utilise des séquences, cette procédure est parallèle au type
d'analyse couramment pratiquée en syntaxe, aussi sa principale utilité
est probablement son caractère explicite plutôt qu'une nouveauté dans la
méthode ou dans le résultat.
1.2. Il n'est pas nécessaire de chercher bien loin la raison de
présenter une procédure de ce type. Un des principaux objectifs de l'analyse

* Cet article est une traduction de From Morpheme to Utterance paru dans
Language, 22, 1946, pp. 161-183, puis dans Readings in Linguistics, M. Joos éd.,
American Council of Learned Societies, New York, 1963. Nous tenons à remercier la
Société de Linguistique d'Amérique qui nous a permis de le reproduire.
1. Je suis redevable à Rulon S. Wells de plusieurs discussions fructueuses, et à
C. F. Vœgelin et Bernard Bloch de critiques qui m'ont aidées. Le fait que des méthodes
aussi mathématiques que celle qui est proposée ici ne soient pas encore acceptées en
linguistique, exige des excuses quant à l'introduction de cette procédure. Cependant
les avantages qu'on peut obtenir (caractère explicite et comparabilité des
morphologies), peuvent compenser les difficultés de manipulation des symboles de cette
procédure. De plus, la méthode proposée n'utilise pas d'opérations d'analyse nouvelles.
Elle se réduit uniquement à l'écriture des techniques de substitution que tout linguiste
utilise quand il travaille sur ses matériaux. On travaille plus efficacement quand on
réfléchit avec un crayon et du papier.
24

syntaxique est la description compacte de la structure des expressions de


la langue donnée. Le petit nombre des méthodes explicites utilisées dans
de tels travaux, a fait de l'analyse syntaxique, une tâche pénible et
surtout intuitive, un travail de rassemblement d'observations dont la
pertinence n'est pas certaine et dont les relations mutuelles ne sont pas claires.
En partie du fait de cet état, de nombreuses grammaires ne comportent
que peu ou pas du tout de descriptions syntaxiques. Dans la plupart des
descriptions qui ont été publiées, le manque de méthodes explicites a
permis l'utilisation d'une terminologie abondante et jamais définie, et un
appui sur la sémantique plutôt que sur les différenciations formelles.
Si maintenant nous recherchons une méthode plus claire d'obtention
de généralisations, à propos de la structure des expressions d'un
langage, elle doit mettre en jeu les observables les plus simples. Ceux-ci
seront les morphèmes, ils sont identifiables de manière unique et facile
à suivre. Des abstractions telles que « les niveaux morphologiques »
pourront être utiles dans des cas particuliers, mais il y aura avantage à
éviter leur emploi, si l'on peut aboutir aux mêmes résultats par des
manipulations directes de morphèmes observables. La méthode décrite dans
cet article ne nécessitera pas d'autres éléments que des morphèmes et des
séquences de morphèmes 2, et pas d'autre opération que la substitution
réappliquée maintes et maintes fois.
2.0. Ainsi, nous supposons que nous avons isolé les morphèmes du
langage. Naturellement, il est nécessaire de disposer d'une liste exacte
des morphèmes, pour toute description du langage, et ceci quelle que
soit la méthode suivie. Il est possible d'obtenir des listes de morphèmes
quelque peu différentes et qui dépendent de certains choix faits au départ :
2.1. Nous pourrions dire qu'une séquence particulière de phonèmes
qui possède des significations nettement différentes représente plus d'un
morphème : homonymes tels que pair et pear, ou make dans What make
is it? She is on the make. Par ailleurs nous pourrions dire que la séquence
(/peyr/ ou /meyk/) ne constitue qu'un seul morphème dans tous les cas.
2.2. Nous pouvons dire que chaque morphème ne peut avoir qu'une
forme phonémique, de telle manière que par exemple les terminaisons du
pluriel en anglais /s/, /z/, /az/ (comme dans books, chairs, glasses)
constituent trois morphèmes, et am, are constituent deux morphèmes. Par
ailleurs nous pouvons considérer chacun de ces deux ensembles comme
un morphème unique, si nous convenons que des séquences de morphèmes
qui sont différentes, constituent des variantes positionnelles d'un seul
morphème, quand elles sont complémentaires entre elles 3.
2.3. Nous pourrions dire, comme cela est habituellement fait, que
l'accord est exprimé par des morphèmes répétés, comme en latin le
féminin -a dans mënsa parva « la petite table » ou en hébreu moderne l'article

2. Et, naturellement, des constituants phonémiques de « morphèmes » supraseg-


mentaux (si nous désirons les appeler ainsi) par exemple accent, intonations et pauses.
3. Les conditions peuvent être phonémiques ou morphologiques.
25

ha (et le féminin -a) dans haiša haktana « la petite femme ». Par ailleurs
nous pourrions dire que dans chacun de ces cas, ce n'est pas un suffixe de
mot ou un préfixe de mot qui est répété, mais un infixe de syntagme,
unique, qui comporte, dans le cas de l'article en hébreu, les phonèmes /ha/
placés devant chaque morphème-nom (y compris les adjectifs) à l'intérieur
d'un syntagme nominal. Ceci signifierait qu'au lieu d'avoir un morphème
ha et des règles de sélection syntaxique, nous avons un morphème que
nous pouvons écrire ha... ha... et qui n'a pas d'autre contrainte de sélection
que celle d'apparaître ou non dans un syntagme, comme le font les autres
morphèmes. Si le syntagme contient les morphèmes « homme » et « petit »,
alors on a : iš katan « petit homme »; s'il contient également le morphème
« le », alors on a haiš hakatan; s'il contient aussi le morphème « féminin »,
alors on a : iša Mana; s'il contient les deux, alors on a : haiša haktana 4.
2 . 4. Dans les variantes présentées au § 2 . 2-3 ci-dessus, nous trouvons
que, dans chaque paragraphe, la première méthode fournit des
morphèmes phonémiquement simples pour lesquels les règles de sélection
restent à donner. Ainsi, nous aurions à dire quelque part que le morphème
pluriel /s/ n'apparaît qu'après des morphèmes se terminant par une
consonne sans voix, que am n'apparaît qu'après /, que lorsque parv-
apparaît dans un syntagme en compagnie de mensa, -a doit toujours le
suivre, et que chaque fois que ha apparaît avec un nom, ha doit apparaître
également avec tous les autres noms du même syntagme. La seconde
méthode procure dans chaque cas des morphèmes phonémiquement
plus compliqués qui possèdent un nombre moins élevé de limitations
spéciales de sélection, ce qui les distingue d'autres morphèmes.
Il est clair que chaque méthode a ses avantages et ses utilisations
propres. La procédure syntaxique donnée ci-dessous peut être appliquée
indépendamment de la méthode adoptée pour définir les morphèmes.
Cependant, comme on le verra, moins il existe de limitations de sélection,

4. Un tel traitement de l'accord possède en effet certaines des propriétés de


sélection (par exemple, tous les noms du syntagme hébreu s'accordent quant à l'article) et
met ces faits sous la forme phonémique d'un morphème répété. Le résultat est que
non seulement la réapparition physique d'un morphème répété, mais également sa
position spéciale (par exemple devant chaque nom du syntagme), est maintenant
donnée quand nous décrivons ce morphème. Un tel traitement permet une assertion
syntaxique plus simple, puisque l'information sur la réapparition du morphème répété
devrait, autrement, être donnée quelque part, dans le cours de la description syntaxique.
Les équations syntaxiques qui seront données ci-dessous suffiront à décrire quels sont
les morphèmes qui apparaissent ensemble et dans quel ordre, mais elles ne pourront
pas décrire de manière commode les accords entre les morphèmes d'une séquence.
Faire ceci exigerait différents mécanismes; par exemple, au lieu d'écrire NN (N pour
nom), nous devrions écrire quelque chose du genre : haNbaN, qui signifierait que nous
pouvons avoir ou bien NN, ou bien haNhaN, mais pas haNN. Aussi est-il préférable
d'éliminer autant que possible cette information, avant de s'attaquer aux séquences.
Non seulement les cas évidents de morphèmes répétés, mais également certains types
d'accords plus compliqués, peuvent être décrits comme étant simplement des formes
spéciales de morphèmes particuliers. Pour une discussion plus complète de ce
traitement des morphèmes répétés par morphème unique, voir Language, 21, 1945,
pp. 121-127.
26

plus la procédure syntaxique est simple. Par conséquent, dans les exemples
utilisés dans cet article, nous supposerons que la liste des morphèmes du
langage traité a été obtenue par la seconde méthode, c'est-à-dire, que
nous avons incorporé à la forme phonémique et à la définition du
morphème, le maximum possible de limitations.

L'opération.

3.0. La procédure qui est indiquée ci-dessous consiste essentiellement


en des répétitions de substitutions; par exemple child pour young boy
dans : where did the go? Pour généraliser cela, nous prenons une
forme A dans un environnement С D et nous substituons alors к А
une autre forme B. Si, après une telle substitution, nous obtenons une
expression qui apparaît dans la langue étudiée, c'est-à-dire si non
seulement CAD mais CBD y apparaît également, nous dirons que A et Б sont
membres d'une même classe de substitution, ou que A et Б remplissent
tous deux la position С D, ou quelque chose d'analogue.
L'opération de substitution est fondamentale en linguistique
descriptive. Non seulement elle est essentielle en phonémique, mais elle est
également nécessaire pour la définition initiale des morphèmes, et pour
la reconnaissance des bornes des morphèmes.
3.1. Classes de morphèmes. La première étape de notre procédure
consiste à former des classes de substitution de morphèmes uniques. Nous
donnons la liste, pour le langage étudié, de tous les morphèmes uniques
qui se remplacent mutuellement par substitution, c'est-à-dire qui
apparaissent dans le même environnement (qui ont la même sélection). Si
certains d'entre eux n'apparaissent pas dans le même ordre, ils sont placés
dans une sous-classe spéciale. Ainsi, en arabe marocain, л- « futur lre
personne du singulier » et -t « passé lre personne du singulier » sont substi-
tuables l'un à l'autre, bien qu'ils apparaissent en des points différents de
la séquence des morphèmes : ana nmši Iďaru « j'irai dans cette maison »,
ana mšit Iďaru « je suis allé dans cette maison ».
3 . 2. En constituant ces classes de substitution de morphèmes, nous
pouvons avoir à faire face à divers problèmes. Dans certaines langues,
un nombre relativement petit de morphèmes apparaissent dans le même
environnement que d'autres : poem apparaît dans Vm writing a whole
this time, mais house ne peut y apparaître. Cependant ces deux
morphèmes peuvent apparaître dans : That's a beautiful . Dirons-nous
que poem et house appartiennent en général à la même classe de
substitution, ou qu'ils ont certains environnements en commun, mais pas certains
autres?
Nous verrons que la méthode proposée ci-dessous §§ 3.5-9 peut être
utilisée quelle que soit la manière dont est résolu ce problème 5. Cependant,

5. Si, négligeant leur différence de distribution, nous mettions poem et house dans
une classe N, alors write et wire (I'm wiring a whole house this time) seraient placés
27

afin de garder les exemples des §§4-6 aussi simples que possible, nous
supposerons que les morphèmes qui ont des distributions légèrement
différentes sont rassemblés en une même classe, si les différences distri-
butionnelles entre leurs environnements correspondent aux différences
distributionnelles entre les morphèmes. Si poem et house ne diffèrent
distributionnellement que par le fait que poem apparaît avec write et
house avec wire, et par des différences du même ordre, et si write et wire à
leur tour ne diffèrent que parce que write apparaît avec poem et wire avec
house et par des différences du même ordre, alors nous mettrons poem
dans une classe en compagnie de house, et, simultanément, write dans
une classe en compagnie de wire.
3.3. Il existe d'autres différences d'environnement qui sont moins
faciles à traiter. En anglais cover apparaît après un- et dis-, tandis que
dress n'apparaît qu'après un-, connect seulement après dis-, et take après
aucun des deux (mais connected apparaît aussi après un-). Par ailleurs,
cover, dress, connect, take apparaissent tous devant -ing et dans des
environnements tels que let's not it just now. Les grouperons-nous dans
une même classe de morphèmes ou dans quatre classes différentes?
Ainsi, les classes que nous utilisons dans notre méthode ci-dessous, seront-
elles établies sur la base de leur relation avec -ing, ou sur la base de leur
relation avec un-? Nous trouvons que les sélections que les quatre
éléments ont en commun (leur apparition devant -ing et dans leť s not
it just now) les différencient d'autres grandes classes de substitution,
telles que India, child, ou to, from, qui n'apparaissent pas dans ces
positions. De plus, les sélections par lesquelles ils contrastent ne différencient
pas ou ne rendent pas équivalents les morphèmes, d'une manière
fructueuse pour l'analyse de nombreuses expressions. Quoique un- apparaisse
devant certains des morphèmes qui apparaissent devant -ing, nous
trouvons aussi un- devant quelques-uns des morphèmes qui
n'apparaissent pas devant -ing mais qui apparaissent dans the man : par
exemple just, true 6.
De la même manière que dans le cas du §3.2, la méthode qui sera
décrite ci-dessous est applicable indépendamment de la classe de
morphèmes que nous choisissons. Si nous plaçons cover, dress, connect et take
dans quatre classes différentes sur la base de leurs relations avec un- et
ensemble dans une classe V, puisque leur différence distributionnelle correspond à celle
de poem et de house. Nous obtiendrions alors une assertion reliant N et V. Si nous
conservions poem et house dans des classes différentes, en faisant de même pour write et wire,
nous obtiendrions deux assertions, l'une reliant write et poem, l'autre reliant wire et
house. L'ensemble de ces deux assertions serait équivalent à l'assertion unique reliant
IV et У.
6. Le critère qui décide contre un- et en faveur de -ing comme environnement
pertinent pour la construction des classes de substitution, est donc un critère d'utilité
pour l'ensemble de la grammaire, c'est une remarque de configuration. Nous verrons
par ailleurs que les classes définies sur la base de -ing peuvent être remplacées par
certaines séquences de classes, ce qui n'est le cas pour aucune des classes basées sur
l'environnement un- Des assertions spéciales devront être faites par la suite à propos de la
sélection de un-, elles recouperont en partie les limites des classes basées sur -ing, etc.
28

dis-, nous pourrons par la suite regrouper ces classes sur la base de leurs
relations avec -ing. Et si nous les traitons comme membres d'une même
classe sur la base de -ing, nous devrons remarquer qu'ils diffèrent dis-
tributionnellement (en tant que sous-classes) par rapport à ил-. Afin
d'abréger, nous les considérons ici comme membre d'une seule et même
classe de morphèmes.
3.4. Pour certains cas de morphèmes qui ont en commun un certain
environnement mais pas un autre, la similarité et la différence sont toutes
deux pertinentes pour la structure de l'expression. Ainsi cover, note, find
apparaissent aussi bien dans -ing, We'll his path que dans -s («
pluriel »), You can have my . Mais think n'apparaît que dans les deux
premiers types d'environnements, et child seulement dans les deux
derniers 7. En général, les morphèmes qui apparaissent dans -ing, apparaissent
aussi dans de nombreux contextes du genre de We'll his path. De la
même manière, presque tous les morphèmes qui apparaissent dans -s
(« pluriel »), apparaissent aussi dans de nombreux environnements comme :
You can have my . Nous considérons donc que ces deux ensembles
de positions servent de diagnostic, et nous dirons que tout morphème qui
apparaît dans certains environnements de l'un des deux ensembles, est
un membre de la classe de substitution identifiée comme apparaissant
dans cet ensemble de positions. Il y aura deux telles classes : cover, note,
find, think et cover, note, find, child. Le fait que de nombreux morphèmes
apparaissent dans les deux classes n'est pas pertinent ici, puisque certains
n'ont pas cette particularité 8.
3 . 5. Séquences de morphèmes. La principale nouveauté de la
procédure qui est donnée ici, réside dans l'extension des classes de
substitution à des séquences de morphèmes, et pas simplement à des
morphèmes uniques. Nous ne nous demandons plus seulement si A et В
apparaissent dans l'environnement С D, mais si AE, ou FGH
apparaissent également dans cet environnement. Si cela se produit,
A, B, AE, FGH, sont mutuellement substituables. Nous dirons qu'ils
sont tous membres d'une même classe de substitution, qui n'est plus
seulement une classe de morphèmes, mais une classe de séquences de

7. Avec variante -ren et changement de voyelle, pour le pluriel -s.


8. Ceci nous donnerait une classe V comprenant cover, note, find, think et une classe
N comprenant cover, note, find, child et permettrait à des morphèmes d'être membres
de plus d'une classe. D'une manière différente, nous pourrions mettre cover, note, find
dans une classe G, think dans V, child dans N. Ainsi chaque morphème ne pourrait
appartenir qu'à une classe, les morphèmes ayant des distributions plus étendues ou
ayant les distributions de deux classes, seraient placés dans une nouvelle classe.
Bernard Bloch utilise une solution encore différente dans son analyse du Japonais. Il
considérerait le nom cover, qui apparaît dans les positions de N et le verbe cover qui
apparaît dans les positions de V, comme deux morphèmes indépendants dont la
synonymie n'a pas de pertinence syntaxique. C'est dire qu'il utilise l'appartenance à une
classe comme une condition nécessaire à l'identité de deux morphèmes. Chacune de ces
méthodes peut être suivie rigoureusement, et peut être avantageuse pour certains
besoins particuliers. Chacune d'elle peut être utilisée dans la méthode que nous
discutons sans que cela affecte le résultat final.
29

morphèmes. Les morphèmes uniques de la classe sont simplement les cas


spéciaux où la séquence ne comporte qu'un morphème.
Ainsi nous remarquons que dans : Please put the book away, à book
nous pouvons substituer des morphèmes uniques tels que bottle ou brandy
mais aussi des séquences de deux morphèmes ou plus, telles que : books,
bank-book, bottle of brandy, silly green get-up. Ces séquences sont
différentes à plusieurs égards : dans brandy bottle chacun des morphèmes
composants bottle est substituable à book, dans books seul le premier l'est;
dans silly green get-up aucun des morphèmes n'est (dans la majorité des
expressions) substituable à book. Cependant, ces différences ne sont pas
pertinentes, le critère fondamental de notre procédure consistant
simplement à vérifier si oui ou non, les séquences sont substituables l'une à
l'autre.
3.6. Dans le cas ci-dessus, et dans la plupart des cas
d'application de la procédure, nous avons des morphèmes uniques, auxquels des
séquences peuvent être substituées. Cela signifie que les séquences de
morphèmes ne conduisent pas à de nouvelles classes; nous les regroupons
simplement dans diverses classes de morphèmes que nous avons déjà
obtenues à la manière connue du § 3.1. Nous dirons que par une telle
application de notre procédure nous réduisons les séquences à un statut
de morphème unique (ou de classes d'environnements de morphèmes
uniques).
Cependant, il peut y avoir des séquences de morphèmes qui
apparaissent dans des environnements où des morphèmes isolés ne peuvent
apparaître, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent pas être remplacées par un
morphème isolé. De telles séquences peuvent ou non être utiles en tant
qu'éléments des structures d'expressions. Par exemple, l'ensemble d'une
racine sémitique et d'une configuration verbale associée apparaît dans des
environnements où n'apparaissent pas de morphèmes isolés. Ils
apparaissent devant des suffixes verbaux, après des préfixes verbaux, et dans
diverses positions de phrases telles que (en sémitique ancien) devant un
nom à l'accusatif (vraisemblablement avec une intonation imperative) :
ainsi, en arabe classique, la racine fth « ouvre » et la configuration (i)—a-
« ordre » dans : iftah ilbâba « ouvre la porte! ». Dans tous ces
environnements nous trouvons toujours l'ensemble racine, configuration; nous ne
trouvons jamais de morphème isolé ici. Nous pouvons considérer cet
ensemble comme constituant un élément de la structure d'expression;
nous pouvons l'appeler, par exemple, tronc verbal.
3.7. Comme notre procédure nous permet maintenant d'opérer des
substitutions quelconques de séquences quelconques, elle peut devenir
trop générale et donc ne fournir aucun résultat utile. Par exemple, nous
pouvons prendre l'expression : / know John was in et y substituer
certainly pour know John, d'où le résultat / certainly was in. Cette
substitution dissimule le fait que les morphèmes de / know John was in peuvent
être prononcés comme deux expressions plutôt que comme une seule,
30

si nous les prononçons avec deux intonations : l'une sur les deux
premiers mots, et l'autre sur les trois derniers, au lieu d'une seule intonation
sur les cinq. C'est-à-dire qu'elle dissimule le fait que l'expression / know
John was in peut être décrite comme étant constitué de deux phrases,
liées sous une intonation de phrase unique. Elle dissimule de plus le fait
que certainly peut également apparaître à un emplacement différent
dans la phrase : / was certainly in, alors que know John ne pourrait y
figurer que dans une seule position. Et elle dissimule l'accord de was
avec John : car si nous substituons we à /, nous avons toujours was dans
We know John was here. Tout ceci suggère que la substitution de séquences
doit être opérée de manière à satisfaire à toutes les manipulations qui
constitue le cadre de la substitution 9.
3.8. Dans le cours des paragraphes suivants (§§ 4-5), cette
procédure sera esquissée, pour l'anglais et le hidatsa, un langage sioux du
Dakota du Nord. Il n'y aura, bien sûr, aucune tentative de s'approcher,
même de manière lointaine, d'une analyse complète de ces deux langues.
Le but de ces descriptions est simplement de donner les grandes lignes
de la procédure; de nombreux détails, ainsi que certains types
d'expressions de chacune des deux langues, seront omis.
3 . 9. Nous utiliserons des équations pour indiquer les substitutions.
ВС = A signifiera que la séquence qui consiste en un morphème de la
classe B, suivi d'un morphème de la classe С peut être substituée à un
morphème unique de la classe A. Dans les cas où il pourra y avoir doute,
nous écrirons В + С pour la séquence ВС. Quand nous voudrons exprimer
que A est substituable à В seulement si С suit, nous écrirons : АС — ВС.

Anglais.

4.1. Les classes de morphèmes. Pour les exemples de l'anglais,


nous définirons des classes de morphèmes, en nous basant sur le critère
qui suit : pour chaque classe il existe dans certaines phrases des positions
qui peuvent être occupées par chacun des membres de cette classe, et
par ceux-ci seulement 10.

9. Il est possible de prévenir des substitutions telles que certainly pour know John,
si on analyse l'expression, en constituants immédiats. Cependant, ce type d'analyse
exige une technique différente de celle qui est présentée dans cet article, technique
basée sur la comparaison des structures apparentes des expressions et des parties
d'expressions. Par ailleurs, dans cet article, nous tentons d'aboutir à une description
de la structure d'une expression, sans utiliser aucun moyen préliminaire mettant en
jeu l'examen de ces structures, ou des décisions sur l'équivalence structurale de deux
expressions. Ainsi, l'analyse en constituants immédiats n'est pas utilisé ici; et nous
devons définir d'autres méthodes qui excluent des substitutions telles que celle de
certainly à know John.
10. Ceci ne signifie pas que chaque membre de la classe apparaît dans toutes les
positions dans lesquelles tout autre membre apparaît (note 5). Un morphème
particulier peut figurer dans plusieurs classes (note 8). Certains morphèmes figurent dans
31

N : morphèmes apparaissant devant le pluriel -s ou ses variantes,


ou après the ou les adjectifs : hotel, butter, gain, one u, two.
V : devant -ed passé ou ses variantes; devant -in g; après N plus
should, will, might, etc. : «70, gain, take, think, will (« désir »), have, do.
Nous pouvons distinguer plusieurs sous-classes telles que celles qui sont
données ci-dessous, pendant que V sans marqueur indiquera l'ensemble
des membres des classes.
Vb : be, appear, become, get, keep, stay, etc. (mais pas have). Ceux-ci
apparaissent entre N et des adjectifs autres que V-ing : The stuff will
stay fresh 12.
Vc : verbes apparaissant entre N et V-ing : stop, try, be dans Mac
will walking.
Vd : les verbes transitifs qui apparaissent devant N : make, buy,
want (mais pas go, sleep) dans : I'll butter.
Ve : verbes intransitifs qui n'apparaissent pas devant N : go, sleep.
Vf : verbes qui apparaissent devant deux N indépendants : make,
consider, want (mais pas buy, go), dans : I'll this book a best seller.
Vg : verbes (souvent à sens causatif) qui apparaissent devant NV
(un syntagme nominal suivi d'un syntagme verbal) : make, let, see (mais
pas consider, buy, go) dans I'd like to newcomers try it.
Vh : verbes qui apparaissent devant N to V : cause, teach, dare, want
(mais pas make, go) dans The other kids Junior to do it.
R : entre AT et У (le V ne comporte pas -ing, -ed); NRV apparaît en
position initiale, ou après une liste de V qui inclut think, guess (I think
the boy can win it) : will, do, shall, can, may, must, ought (mais pas to).
Ni le -s de l'accord à la 3e personne du singulier, ni -ing n'apparaissent
ici. Should peut être analysé en shall + -ed, et ainsi de suite.
Have, be : apparaissant en position R et dans quelques autres
positions. Tous deux ont -s, -ed, et -ing qui les suivent. Après have, le У est
suivi de -en (pour les membres particuliers de У qui ont le -en), et après
be, on a -en ou -ing : we are going, we are taken 13, à comparer avec we
did go. Quand, ci-dessous, nous discuterons d'une position où R, have, be
peuvent tous trois apparaître, l'abréviation Ra sera utilisée pour la
désigner.
A : entre the et JV, jamais devant le pluriel -s : young, pretty, first.
D : entre the et A, mais pas entre the et N : rather, very, now, not.

deux classes ou plus de la liste ci-dessous (cf. classe cleavage, in Leonard Bloomfield,
Language, 204, New York, 1933). La liste des environnements de chaque classe de
morphèmes, donnée ci-dessous est loin d'être complète, elle suffit tout juste à identifier
la classe.
11. Dans des expressions telles que The one I saw, a good one.
12. Si certaines subdivisions ne sont pas indiquées ici, elles devront être traitées
comme types spéciaux de sélection (§ 7,6).
13. Nous pouvons inclure have et be dans R pour certains contextes, par exemple
en relation avec not : have not taken parallèle à will not take, à opposer à don't get going.
Notons que lorsque do, have, ou be sont suivis de -ing, ils sont dans la position V, et
non pas R.
32

Bon nombre d'entre eux, par exemple now, apparaissent dans diverses
positions de l'expression (après V : Don't look now; devant У : He now
wishes it weren't; au commencement d'une expression avec un niveau /,/
d'intonation : Now, whaťs up?). Certains adverbes (very) n'apparaissent
pas dans la plupart de ces positions. Quand nous désirons indiquer
uniquement ceux qui ont la plus large distribution, à l'exclusion de very et
de ses semblables, nous écrivons Da. Dans des analyses plus détaillées,
bien d'autres sous-classes de D seraient nécessaires.
T : devant N, ou. A, ou DA, mais pas devant У (sauf si У est suivi
de -ing, -ed, ou -ел) : a, my, some. Ceux-ci peuvent tous être considérés
comme substituables à the, et ainsi, comme constituant une classe
d'articles. Nous devons y inclure ail, qui, en plus des positions ci-dessus,
apparaît aussi devant T (all the very good people, aussi bien que all very
good people); de même les numéraux cardinaux, qui apparaissent non
seulement dans des positions T, mais aussi après T (my two very uncertain
suggestions et the two very new suggestions, two very new suggestions,
parallèlement à the very new suggestions).
I : devant ou après У, après from, before, mais pas après A ou T ou
le pluriel -s : it, all, some, now, here u. Certains morphèmes de cette classe
n'apparaissent pas après from, before, etc., ou après У début
d'expression : he, I. D'autres n'apparaissent pas devant У sans que NV les
précède : me.
P : devant N, T, A, D, I, et devant У seulement si -ing suit : of,
from. Plusieurs morphèmes de cette classe de prépositions apparaissent
aussi après certains У; quand ils sont dans cette position, nous les notons
Pb : of, off, over (walk off, beat up). Certaines prépositions (notées Pc)
alternent parfois avec zéro quand un N qui précède PcN est placé après
le (Pc)N : to, for dans they're giving a present to the boss, they're buying
a present for the boss, sont remplacées par zéro dans : they're giving the
boss a present, they're buying the boss a present. Nous ne trouvons pas cela
avec from dans He's receiving a raise from the boss.
-Nn : après N et devant tout ce qui suit N : -let, -eer, -er, -ess (playlet,
engineer, Londoner, lioness).
-Vv : après У et devant tout ce qui suit У : passé -ed, 3e personne du
singulier -s (rowed, rows).
-Aa : après A et devant tout ce qui suit A : -er, -est, -ish (older,
oldest, oldish).
-Nv : après et devant tout ce qui suit У : -ize, -(i)fy (colonize, beau-

-Na : -fui, -ish, -th, -s (beautiful, boyish, sixth, parent's).


-Vn : -ment, -ion, -er, -ing (atonement, abolition, writer, writing dans
Writing is just what he hates).

14. Il existe des expressions spéciales comme the here and now, mais en general ces
délimitations sont valables.
33

-Va : -able, -ing, -ed, -en (likable, a shining light, the cooked meal,
his shaven head) .
-An : -ness, -ty (darkness, cruelty).
-Av : -eb -ize (darken, solemnize).
-Ad : -ly (really).
Nv- : devant JV, et après tout ce qui précède V 15 : be-, en- (bedevil,
enshrine) .
Xď- : devant les morphèmes de plusieurs classes, principalement N
ou A. La combinaison, qui se compose de ces morphèmes et de Xd-, peut
être notée D'. Elle apparaît principalement après У (souvent JV, etc.,
interviennent, comme dans Are you asleep?) : a- (astray, afresh, asleep,
ashore). D' sert ici à indiquer les adverbes qui apparaissent dans cette
position post - У, puisque c'est une position dans laquelle à la fois Da et
A apparaissent. D' apparaît parfois après JV : a day ashore.
Av- : en- (enlarge).
Na- : pře-, anti-, pro- (pre-war, anti-war, pro-war).
Ap- : be- (below, behind).
Xx- : devant toute classe ou séquence de morphèmes, et après tout
ce qui peut précéder cette même classe de morphèmes. L'environnement
du morphème qui suit n'est pas affecté par l'addition du morphème Xx-,
mis à part le fait qu'il contient maintenant ce morphème : dis-, re-, pre-
( discorder, recall, preview).
S : racines qui n'apparaissent qu'avec des affixes, c'est-à-dire avec les
16 classes -Nn à Xx- qui précèdent. Ces racines ne peuvent être attribuées
à une quelconque des classes JV, V, A, D, etc. qui précèdent, sauf si l'on
s'aperçoit qu'elles apparaissent avec les mêmes affixes que JV, etc. Ainsi,
dans society, social, il aurait été possible, au lieu de considérer soci- comme
un S (ce que nous faisons ici), de le considérer comme un A quand il
apparaît devant -ety, et comme un JV quand il apparaît devant -al (à comparer
à superiority, A -An et communal, N -Na). Mais que serait nat- dans
native? Nat- pourrait être ou bien JV ou bien У devant -ive, puisque -ive
est à la fois -Na et Va : massive, adoptive. C'est pour cela que nous
placerons de tels morphèmes dans la classe 5. Bon nombre des affixes des classes
ci-dessus apparaissent non seulement après A, N, ou У, mais aussi après S.
Se : conjonctions entre deux séquences quelconques : and, but (I
wanted to go, but couldn't make it). Dans certains contextes (comme dans cet
exemple) l'élément de & est précédé d'une intonation /,/; dans d'autres
contextes, l'intonation /,/ n'apparaît pas {war and peace sans /,/).
В : dans -JVV /,/ JVV ou dans NV 1,1 NV : if, since, as, while (If you
go, I won't). Le dernier subordonnant, et parfois les autres, se passe de
l'intonation /,/ quand il apparaît à l'intérieur d'une expression : We fix it

15. Pour les autres classes de morphèmes de ce type, nous ne donnerons pas les
contextes correspondants, les marques de classe (-Na, Na-, etc.) sont des indications
suffisantes.
34

while you wait. Certains éléments de cette classe apparaissent après A ou


N, etc., devant NV, VN (Little as there is of it, . Man though he
is, .) Ces derniers seront notés Ba.
Enfin, il reste divers morphèmes indépendants, certains apparaissent
pratiquement dans n'importe quelle position d'une expression, souvent
séparés par /,/ : then, now, thus. D'autres sont séparés par /,/, ou bien
par une intonation de citation, ou bien encore possèdent /./ par eux-
mêmes : yes, no. D'autres possèdent l'intonation /!/ par eux-mêmes :
hello, oh.
4.2. Nous considérerons à présent, des séquences de cette trentaine
de classes de morphèmes, afin d'étudier quelles sont les séquences de
morphèmes qui sont substituables à des morphèmes uniques.
Les séquences de classes de morphèmes, dont nous observerons
qu'elles sont substituables à quelque classe de morphème unique dans
pratiquement tous les contextes, seront identifiées à cette classe de
morphèmes : AN = N signifie que good boy par exemple, peut être substitué
à man partout 16. Si nous écrivons DA = A (quite old pour old), alors DA
peut être substitué à A partout où A apparaît, par exemple dans AN = N
(old fellow pour man, où nous pouvons substituer quite old à old et obtenir
quite old fellow DAN — AN = JV) 17. Rien ne nous empêche de substituer
DA à A, même dans l'équation DA = A. Nous obtiendrions alors :
DDA = A : really quite old pour old.
Si, cependant, il advient qu'il soit impossible de substituer les
équivalents d'un symbole à ce symbole, pour certaines de ses occurrences,
nous distinguerons ces occurrences en plaçant un exposant numérique sur
le symbole. Par exemple N-s — N : paper + -s = paper; et papers peut être
substitué à paper dans la plupart des contextes. Cependant nous ne
pouvons substituer N-s au premier N de cette équation : nous ne pouvons
substituer papers au premier paper et ajouter un autre -s (papers -j- s),
comme cette équation semblerait l'indiquer. Aussi écrirons-nous iWs = N2
et nous dirons que chaque fois que N2 apparaît, nous pouvons y substituer
tout N1 ou bien un autre N2, tandis qu'à N1, nous ne pouvons substituer
qu'un élément de N1 (jamais N2). Ainsi il devient impossible de construire
une séquence papers + 5, puisque papers est N2, et -s n'est ajouté qu'à N1
seulement.
La procédure qui assigne les exposants indiquant le sens de la
substitution est essentiellement la suivante : nous assignons l'exposant *■

16. Ceci n'estvraiqu'àrintérieurdelargeslimitesquicorrespondentaux expressions


qui apparaissent fréquemment dans la culture. Il y a aussi des limitations quand man
est précédé d'un adjectif A (par exemple young man). Il y aurait alors deux adjectifs, le
A de good boy et le A de young man, qui, ensemble, conduiraient à young good boy
(AAN = AN — N). Les conditions sous lesquelles les deux adjectifs peuvent
apparaître l'un après l'autre de cette manière sont mentionnées au § 4.3.2.
17. La procédure standard est la suivante : comme DA = A nous permet de
substituer DA à A partout où A apparaît, nous écrivons DA à la place du premier A
dans cette même équation : si DA = A, alors DDA = A, c'est-à-dire : DDA = DA = A.
35

à chaque symbole de classe, soit X, quand il apparaît pour la première


fois. La fois suivante où X apparaît dans une équation, nous lui assignons
le même nombre x si les équivalents de cet X peuvent être substitués à X1
dans toutes les équations qui ont été précédemment écrites. Si le nouvel X
ne peut pas être substitué à tous les X1 précédents, nous le numérotons X2.
Si, plus tard, nous obtenons un X qui ne peut pas être substitué à tous les
X1 ou X2 qui précèdent, nous le numérotons X3, et ainsi de suite. Si
certains symboles ne dépassent pas \ nous pouvons supprimer l'exposant et
écrire simplement ce symbole sans exposant.
Dans les membres gauches des équations, chaque exposant doit
être interprété comme recouvrant tous les exposants inférieurs (sauf
contre-indication). Ainsi dans TN2 = N3 nous avons non seulement
the men (N2) égal à N3 mais aussi the man (N1). Tout N1 peut être substitué
à N2 dans le membre gauche. Dans le membre droit, par contre, chaque
exposant ne correspond qu'à lui-même : N3 à droite ne peut être substitué
qu'à un autre N3, et N1'2 à un N1 ou un N2.
4 . 3. Nous donnons maintenant des équations, de séquences de
morphèmes pour l'anglais.
4.3.1. Les équations qui mettent en jeu N1, V1, A1 correspondent
à la presque totalité des cas de formation de mots, c'est-à-dire
d'adjonctions de morphèmes à l'intérieur d'une unité à un accent fort.
jV1 -Nn — N1 : nous pouvons, par exemple, substituer engine à
engineer dans : I saw the .
A1 -An = N1 : darkness, pour smell dans : / don't like the here.
V1 -Vn = N1 : abolition, pour bread dans : We demand Notons
qu'abolition (V1 -Vn) est N1, et peut être suivi de -Nn
(abolitionist).
N1 -Nv = V1 : par exemple colonize pour conquer dans : The French
Gouvernement ed North Africa.
Nv- N1 = V1 : enchant pour scare dans : He s them.
A1 -Av = V1 : sharpen pour break dans : Don't the knife.
A v- A1 = V1 : enlarge pour print dans : Do you want to it?
A1 -Ad — D : beautifully ou really pour well dans : It's finished.
Ap- A1 = P : below pour at dans : It fell the dividing line.
Da У1 = V1 : cordially despise pour like dans : I him (ceci s'applique
s'il n'y a pas /,/ ou /1/ après Da); PN pour Da est rare dans
cette position.
Xď- -f une classe quelconque (principalement N1 ou A1) = D', où D'
représente une classe de mots qui apparaît presque toujours
après V, bien que pas toujours immédiatement après V : asleep
dans : He is , He fell , He is fast ; ashore dans
A day ashore.
Xx- + une classe quelconque = cette classe : par exemple dislike pour
like dans : He really s it.
S -+- un affixe quelconque = la classe indiquée par la seconde lettre de
36

la marque d'affixe : par exemple S -Vn = N1 : nature pour


life dans : He loves .
ail -f T = T : all my pour some dans We lost books. Quand all n'est
pas suivi de T, ail peut être membre de T : ail pour the dans :
assertions are arbitrary.
T + numéral cardinal, = T : Which two pour which dans : are really
modem composers? Quand les numéraux cardinaux ne sont pas
précédés de T, ils peuvent être eux-mêmes membres de T :
two pour the dans la phrase ci-dessus.
Un des résultats que fournissent ces équations est que nous pouvons
considérer les affixes non comme des éléments distincts de la structure
de la phrase, mais simplement comme des éléments qui modifient les
classes de substitutions des morphèmes avoisinants. Les classes d'affixes
n'apparaîtront plus dans notre description de la structure des phrases
(sauf, pour quelques cas spéciaux de sélection), puisque toute
structure dans laquelle ils peuvent entrer peut également être composée de
morphèmes N, V, A, D et P.
4.3.2. Nous obtenons maintenant des équations dans lesquel les A2
est nécessaire, alors que N1 est toujours suffisant.
A1 -Aa = A2 : par exemple oldish pour old dans : Arerít they a bit ?
V1 -Va = A2 : likeable pour oldish dans : My uncle. Remarquons
que le V1 peut être obtenu à partir de N1 -Nv : A heartening
(N1 -Nv -Va) thought.
DA2 = A2 : completely false pour false dans : Thaťs a statement.
(D provient de A -Ad.)
A2N* = N1 : peculiar fellow pour Senator dans : Isn't he a 18?
A2A2№ = А2№ : Deux A adjoints dans un ordre déterminé que nous
appellerons l'ordre « habituel » (comme par exemple entre
ambitious et young, ambitious est premier dans l'ordre habituel),
seront accentués ÂÀ (fort réduit, médian 19) : ambitious young,
pretty dark, mis pour funny dans : She's a girl 20.

18. Nous constatons que nous avons A2 plutôt que A1 dans cette équation, en
vérifiant que peculiar (A1) peut y figurer pour older, oldish (A2). Lors de la construction
de toutes ces équations nous pouvons choisir parmi deux procédures de travail. L'une
consiste à obtenir une grande masse de données, correspondant à de nombreuses
séquences qui ont le même environnement en tant que N1; nous pouvons alors en
extraire les séquences formées de A suivi de N, et vérifier si le A est toujours A1 ou
parfois A2 : par exemple nous vérifierons si parmi les séquences qui ont le même
environnement que senator, nous avons non seulement peculiar fellow, mais aussi older
fellow. L'autre procédure utilise les équations comme hypothèses de travail; sur la
base des données déjà rencontrées, nous pouvons alors essayer diverses substitutions
pour chaque symbole, dans nos équations, jusqu'à ce que nous découvrions quels sont
les symboles substituables l'un à l'autre. Ainsi, sur la base de He's a peculiar fellow nous
pouvons écrire provisoirement A N1 = N1. Ensuite nous vérifirions si A est Ax ou A2 en
regardant si nous pouvons substituer older à peculiar, tout en conservant une expression de
l'anglais. Les deux procédures sont, naturellement, épistémologiquement équivalentes.
19. Voir George L. Trager et Bernard Bloch, The Syllabic Phonemes of English,
Language, 17, 1941, p. 228.
20. Quand nous avons la configuration d'intonation ч л, le morphème à accent
37

4.3.3. Équations mettant en jeu N2 et N3 et développant le syntagme


nominal.
N1 -s = N2 : papers pour paper dans : /7Z get my out.
N2 -Na = A2 : par exemple parent's pour ďíj/ dans : day at school.
Na- N2 = Аг : pro-war pour ui</ dans : a industrialist.
N2N2 = iV1-2 : family heirloom mis pour boy dans : /ťs a . Albert
Einstein pour Jim dans : was here.
Toute séquence qui comporte un accent fort et un ou plusieurs
accents forts réduits (ou médians) = N1'2, V1 ou A1'2 selon celle d'entre
ces classes qui peut être substituée à la séquence. La plupart d'entre
elles = N1 : black-bird (AN), by-pass (PN), get-up (VPb), our third
motor-boat crash (NNN). Certaines terminaisons dans : A2 = A1'2 : air-
minded (ЖЛ2, le A2 est une séquence de У1 -Va). D'autres = V1 : They
by-passed it; They'll railroad (JVW = V1) the strike leader (NW = N1;
N1 dans V1 -Vri).
TN2 = N3 : the orchestra ou these pointless, completely transparent jokes
pour butter dans : I don't like .
TA2 (sans N qui suit) = N3 : the longer ou the incertain dans : is
what interests us more. Le -s du pluriel n'apparaît pas après ce
substitut de N3, sauf dans des cas spéciaux.
N3PN* = N3 : This piece of junk pour the book dans : Who brought
here? L'apparition de №PN3 en position de iV3 ou iV4 dans les
équations ci-dessous, est contrainte par des sélections spéciales
liées à P. Les répétitions sont peu fréquentes sauf quand P est
of : This piece of junk of my mother's = N3PAT3PiV3 = N3PN*
= iV3 (my mother's est TN -Na = TA2 = N3).
4.3.4. Équations nécessitant V2 à V4, et développant le syntagme
verbal.
Ra not = Ra : will not ou have not ou was not pour will ou have ou was
dans / will go; Has he gone?; I was going.
Ra N not = Ra N : did he not pour did he dans But attempt it?
have V1 -en = V2 : have eaten pour know dans : / it; I will it.
Vc1 V2 -ing = have Vc1 -en V2 -ing = V2 : be eating ou stop eating ou have
stopped eating pour know dans : / it now.
VbxA2 = have Vb1 -en A2 = V2 : is gone ou has been gone ou seems neat
ou is grayish pour comes dans : He now. Remarquons
que A2 dans le second membre représente à la fois neat (A1) et
grayish (A2).
RV1 = R = V2 : will go ou will pour go dans : We today.

médian est dans la classe D : pretty young est DA dans She's a pretty young girl to be out
this time of the night, de la même manière que very young dans He's a very young fellow.
L'addition d'accent emphatique, ainsi que d'autres modifications du contexte,
complique la description de l'accentuation. Des descriptions exactes seront cependant
nécessaires, étant donné que divers morphèmes (first par exemple) apparaissent à la
fois dans A et D.
38

RN'V2? = have WV1 -en? = be WV1 -en? = be WV1 -ing? =


= IV4 V2? : Did you talk ou Haven't you gone ou Are you taken ou
Are you going ou Were you dans : with him?
V2Pb = V2 : walk off (V1) ou have walked off (V2) pour escape dans :
We'/Z before them. La présence de V2 dans les deux membres
de l'équation signifie que nous pouvons aussi obtenir : V2PbPb
= V2, etc. Nous avons ceci avec walk on over ou fly on up pour
go dans : Leť s . Cependant la sélection et le nombre de ces
séquences de Pb sont fortement contraints, il faudrait donner
des équations détaillées pour indiquer les combinaisons qui
apparaissent réellement.
Vd2JV4 = Ve2 : take it pour go dans Г11 now. Quand V2 inclut Pb, il
existe certains V, Pb et N pour lesquels l'ordre est VNPb
(I'll knock your opponent down), pour d'autres l'ordre est
VPbN (I'll take over my father's estate). Les JV4 seront identifiés
ci-dessous.
= Ve2 : make Harding President pour vote dans : We're going
to, .
= V3 : make him vote pour vote dans : We'll your way.
V62JV4 to V3 = V3 : force him to vote pour vote dans : We'll your way.
VcPNfPcN* = Vd?N*Nf = Ve3 : avec Pc et certains JV nous trouvons
à la fois la première séquence (comme dans I'll make a party
for my husband), et la seconde (comme dans 77/ make my
husband a party). Le N± avec indice est simplement utilisé pour
distinguer le JV dans ses deux positions. La première séquence
est conforme à l'ordre habituel, comme dans I'll get a nickel
from my dad.
Vd2JV4V4 (sous une intonation de phrase unique) = Vd2iV4 = Ve2 : know
he is pour know it dans / now. Ainsi le IV4 V4 est l'objet du
Vd2. Le У4 indique un syntagme verbal complet, comme par
exemple : was aussi bien que is dans l'exemple ci-dessus.
V3 to V3 = V3 : try to escape ou kill the guard to avoid getting caught dans :
Let's here. Notons que avoid getting caught est Ve1 V61 -ing V1
-en = Vct-Vb1 -ing A2 = VWe2 -ing = V2.
V3 -Vu = V4 : walked ou walked off ou had eaten ou tried to escape pour
walk ou have eaten dans : / alone. Le -Vv est ajouté au
premier V ou Л du groupe verbal complet V3.
VáDa = V3'4 : travel smoothly pour go dans : We'll in this place.
yipN* — уз,4 . travel in this place pour go dans : Let's today. Pour
certaines PN et Da l'ordre est V3DaPN; pour d'autres il est
V3PNDa; comparez les deux exemples ci-dessus.
4 . 3 . 5. Le groupe nominal est complété par l'introduction de N4 . AT3iV4
= Vd4 = N3N*Ve*P = JV4 : The clock he fixed ou The house he slept in
pour The clock dans : is all right now. Le second N de la séquence
comporte habituellement un accent réduit, tandis que le premier IV3 et
39

la fin du syntagme V4 (s'il n'est pas finde phrase) ont habituellement un


niveau tonique. La séquence №№№ est distinguée ici de manière
formelle, ainsi que dans son contexte, de la séquence JV3N2V4 = JV3V4 (avec
jV^JV2 = N3; puisque nous avons vu que iV2iV2 = N2 et qu'on peut en faire
un N3 en complétant le syntagme nominal devant le premier N2) : The family
heirloom broke.
Comme Vd2iV4 (fixed it) = Ve2, et comme Ve2 n'apparaît dans cette
équation que si P suit, nous voyons que Vd2N4 (sans P) est exclu de cette
séquence. Nous pouvons avoir iV3Vd2iV4 (he fixed it), et nous pouvons
avoir JV3iV4Vd2 (the clock he fixed), mais nous ne pouvons jamais avoir le
premier N3 et le dernier IV4 ensemble dans une séquence (on n'a pas : the
с lock he fixed iť). Ainsi nous pouvons dire que le premier N3 remplace le
dernier N4. Ceci représente la relation sémantique entre les deux syntagmes
nominaux puisque chacun d'eux correspond à l'objet de Vd2.
I = N* : it pour the room dans : Was very hot? Ici, pour chacun des
morphèmes nous pouvons mettre un syntagme nominal entier,
y compris /, c'est-à-dire tout ce qui est égal à JV3.
N*A2PN* = ГА2ЛГ2У1 -Va = V3 -ing = N4 : strawberries fresh from the
field ou the best drink available ou having you peuvent être
substitués à hope dans : It was only that kept me going.
PN* = Da = D' : Ces trois classes représentées par in a moment ou
eventually ou ashore, apparaissent toutes dans : We'll do these
things , et moins librement dans , well do these things.
Cependant, étant donné que le style et les critères de sélection
diffèrent nettement pour PN et Da, des descriptions détaillées
seraient nécessaires pour spécifier dans chaque équation les
diverses fréquences.
jV3 /,/ = PN4 /,/ : Some day, pour in a moment, dans les formes ci-dessus.
Ceci ne s'applique qu'à des N3 particuliers; des descriptions
détaillées des sélections ou des équations mettant en jeu des
sous-classes particulières de N seraient nécessaires.
Citations = N4 (avec intonation spéciale de citation); « Not today, thanks ».
ou « wanted » pour this dans : He said m a loud voice.
4.3.6. Subordinations et coordinations.
A2Ba = N*Ba = В : Little as ou child though ou since dans he is, I
like him.
BN4V4 = PN3N*V* = iV4V3 -ing = V3 -ing = PN* : If he goes home ou
In the event that he goes home ou Everyone having left ou Being at
home sont tous substituables à At night dans : , he'll lock up
the house.
Toute classe + & + la même classe = la même classe : records and new
needles (N2ácN2) pour records (N2) dans / have for you today.
V4 /,/ <fcV4 = У4 : found it but lost it again pour found it après We.
4.3.7. Équations mettant en jeu des expressions complètes.
PN4, N4V4 = JV4V4, PN* = PN*N*V* = N*V4PN* : At night, it's too
40

hard; It's too hard, at night; At night it's too hard; It's too hard at
night. Le morphème /,/ devant ou après PN* ou l'un quelconque
de ses substituts souligne le sens conditionnel.
<$c + toute expression = cette expression : But John!; And I know that
too pour / know that too. Il n'y a qu'un petit nombre de
conjonctions qui apparaissent dans cette position.
JV4V4 /,/ <fciV4V4 = N4V4 : A toute expression N4V4, nous pouvons
substituer deux séquences ]V4V4 avec une conjonction entre elles et
avec, sur la seconde, un accent fort qui est réduit : / know, but I
can't tell pour / know.
4.4. Une vérification des équations précédentes montrerait que toutes
les classes de morphèmes et toutes les séquences de morphèmes, sauf les
séquences indépendantes du dernier paragraphe de § 4.1, apparaissent
dans des positions où elles peuvent être remplacées par iV4 ou V4. Ainsi
nous pouvons définir en termes de ces classes, quelles sont les séquences
de morphèmes qui apparaissent dans les expressions de l'anglais. La
grande majorité des expressions de l'anglais sont une succession des formes
suivantes :
iV4V4 avec /./, /?/, ou d'autres intonations, avec N4 (= PiV4 = Da), des
morphèmes indépendants, et des répétitions successives
introduites par &, séparées par /, /.
Les morphèmes indépendants et presque tous les autres morphèmes,
exceptés les affixes (classes -Nn à Xx- du § 4.1) apparaissant
seuls ou avec des affixes, accompagnés de /. /, /?/, /!/, et d'autres
intonations : Yes; Why?; No!; Come! 21; John!; English; Here.

Hidatsa.

5.1. Nous donnerons une exquisse très brève du hidatsa, elle présente
ici de l'intérêt car sa structure est très différente de celle de l'anglais. Le
hidatsa, en grande partie, consiste en des morphèmes qui ne sont pas eux-
mêmes des noms, verbes, etc., mais qui se combinent avec des affixes
nominaux, verbaux ou à sens différent.
La plupart des morphèmes du hidatsa peuvent être groupés selon les
classes suivantes sur la base de leurs propriétés de substitution :
S : racines qui apparaissent avec n'importe quels affixes ou sans affixes
(ou zéro), et immédiatement après d'autres racines : ika' «
regarder » dans : ika • с « il regarde », ika ' s « veilleur », ika • ?i • s
« celui qui veille toujours », ikako'wiha'k « finissant de
regarder »; ko'wi « fin », ko'wic « c'est la fin », ko'wihcc « il a fini ».
21. V! peut être substitué à NV dans de nombreuses expressions : Come into the
house! pour He came into the house. Ainsi V! peut être considéré comme égal à NV, avec
l'intonation morphèmique / syntaxiquement substituable à N. Ceci n'est pas vrai
pour NI, puisque le fragment de discours qui suit immédiatement NI possède
l'intonation complète d'une expression indépendante minimale : John, why don't you come!.
NI doit donc également être considéré comme une expression indépendante minimale.
41

P : préfixes qui apparaissent avec presque toutes les racines, et aussi les
uns avec les autres. Ils présentent des sélections et un ordre
relatif spéciaux, de même que les suffixes : ki- « suus » dans
ki'ka'k « se regardant »; aru- « endroit ou objet, futur » dans
aru? ika « quelque chose à regarder ».
Pr : un groupe de préfixes personnels s'excluant mutuellement : w- « je »,
r- « tu », i- (ou zéro, etc.) « il », dans wirwhic « je suis debout »,
riru • hi ?i « es-tu debout », iru • hic « il est debout ».
Inst : il existe environ 70 racines qu'on ne trouve qu'avec des préfixes
instrumentaux : -saki- « fendre » dans pasakic « il a fendu avec
un bâton », rusakic « il a fendu avec la main », kasakic « il a
fendu en frappant ».
Pinst : environ 6 préfixes qui n'apparaissent qu'avec Inst : voir ci-dessus.
U : suffixes de fin d'expression qui apparaissent à la fin (et aussi à
l'intérieur) de fragments de discours : -c « c'est ici », répétition de
voyelle «?» : wahkuc « il est ici »; wahku?u « est-il ici ».
F : suffixes de fin de groupe qui peuvent se substituer à U quand
l'expression se continue : -k « -ant », -wa « quand » dans wu?usiak « nous
arrivant, ... », wu?usi?awa « quand nous sommes arrivés » (à
comparer à : wu?usi?'ac « nous sommes arrivés »). Dans les
équations ci-dessous, F inclura U, puisque il n'y a pas de description
de F qui ne s'applique à U également.
N : suffixes qui ne sont pas de fin de groupe. Certains d'entre eux sont
finals dans les segments accentués (mots), d'autres ne le sont pas,
mais aucun d'eux n'apparaissent normalement à la fin de
séquences de mots qui ont U ou F à leur fin : -5 « suffixe
d'appellation » dans wa'?ahtw?as « les crânes »; -se « par », -a?a «
plusieurs » dans a'ta?ase « par leur plusieurs maisons ».
Post : quelques morphèmes postposés qui apparaissent après des affixes
de fin de mots (parfois à la fin d'expressions) : isa « de nouveau »
dans wa'hacisa « nous allons de nouveau ».
Ind : un très petit nombre de racines apparaissant sans affixes, en tant
qu'appels ou expressions complètes : ho ' « oui », riskare « ami ».
5.2. Nous définissons maintenant les séquences de morphèmes qui
peuvent être substituées aux morphèmes uniques des classes données
ci-dessus.
SPS1 — S2 : ris'i « danse » et hiri « faire » dans wa?o 'ris • ihirak « faisant
une danse » (o • est un préfixe nominalisateur membre de P).
Pinst Inst — S2 : nous pouvons substituer rusaki « fendre de la main » à
aciwi « suivre » dans wa с (« j'ai ».
Pr S2 = S3 : wa «je » + aciwi « suivre »; wi « je » ou i « il » + rwhi « se
mettre debout ».
PS3 = S3 : him « os », aruhiru « squelette ». Il y a d'importantes
limitations de sélection pour les membres individuels de P ainsi que
pour des sous-classes.
42

= S3 : ika pour i/ca/co • wi dans с (voir sous S § 5 . 1). La


substitution de PrS2 et PS3 de l'opération précédente, à S3 permet
des séquences telles PSÍPSÍ = S3, PrS1PPrS1 comme dans
wahkwciwa'wa'ha'?ac «nous voulons obtenir» : wah-
«première personne », kwci « obtenir », wa'- « quelque chose »
(préfixe de la seconde racine), wa ' - « première personne », he ' «
vouloir », -a? a « plusieurs, c'est-à-dire pluriel », -c « verbalisateur ».
SPN = -S4 : ikahkc « il a fait regarder », substituable à ika' dans wi?ika'c
« il m'a regardé », wi? ikahkc с « il me fait regarder ». La
substitution au moyen des équations précédentes nous donne des
résultats tels que : S3S3N = S4, P&P&N = S4; voir les exemples
relatifs à l'équation ci-dessus, où le -a?a pluriel s'applique aux
deux racines avec leurs préfixes. Ici également, il existe des
membres individuels et des sous-classes de N qui ont des
distributions contraintes.
SiSiF = S*F : nous pouvons substituer araxe'xak «tenant» ou ika' к
« regardant » ou ika' с « il a regardé » à ixpase araxe'xak « tenant
par l'aile » (ixpa « aile », -se « par ») 22.
5*5* U = S*FS*U = 54ř7: haruk kara'k re'ware'c « ainsi courant, il est
allé, ont-ils dit 23 », peut-être remplacé en contexte, par те ' ware • с
«il est allé, ont-ils dit», ou par те' с «il est allé» seul, mais
pas par un morphème quelconque unique. De la même manière,
tahe'ruk aru?isiak hap'e'hisahic « s'il le tue, cela sera mauvais.
Il fera sombre u » peut être remplacé dans son contexte par
aru?isiac « cela sera mauvais ».
5 . 3. En termes de classes de séquences de morphèmes, nous pouvons
dire maintenant que la plupart des expressions hidatsa, dans la manière
de parler résumée ici, consiste en des S4i/ (représentant des fragments
de discours de longueur quelconque), ou des 53iV(= S4 représentant
habituellement une seule unité accentuée, par exemple le nom d'une
personne prononcé par elle-même), ou des Ind (de nouveau un mot seul
apparaissant comme une expression avec son intonation séparée). Post
apparaît dans plusieurs positions d'expressions SU, et nous pouvons
dire que sa valeur syntaxique dans les formules SU est zéro : Post SU
= SU Post = SU.

Discussion.

6 . 0. Après avoir esquissé la manière dont notre procédure pourrait


s'appliquer à deux langues, nous pouvons maintenant nous demander

22. La position de ce groupe dans la phrase peut être trouvée dans II, 5 p. 205, de
R. H. Lowie, Z. Harris and G. F. Vœgelin, Hidatsa Texts (Indian Historical Society,
Prehistory Research, Series 1.6, mai 1939), la plupart des exemples hidatsa donnés
ici sont tirés de ce volume. L'analyse des §§ 5.1-3 est provisoire.
23. Ibid., II, 31, p. 207.
24. Ibid., I, 49, p. 195.
43

quel type de description nous avons obtenu. Les sections suivantes


visent à interpréter le statut linguistique de cette analyse et à donner
un résumé des types de résultats fournis.
6.1. Analyse de la position. La procédure commence par noter
les environnements de chaque morphème et par placer dans une classe
tous les morphèmes qui ont des distributions semblables. Cependant,
dans de nombreux cas, l'adhésion totale à ce principe des classes de
distribution de morphèmes, conduirait à un nombre relativement élevé
de classes différentes : hotel serait N, think serait V, et take serait dans
une nouvelle classe G puisque take présente à peu de choses près, la
distribution de hotel et think à la fois. Afin d'éviter d'avoir un grand nombre
de classes inutiles, nous dirons que take est à la fois membre de N et V.
Ceci signifie que nous n'étudions plus le morphème take ou think. Nous
étudions les positions, les « privileges of occurrence » de Bloomfield,
communs à la fois à take et think, ou ceux communs à la fois à take et
hotel 25.
Ceci signifie que nous sommes passés de la corrélation de chaque
morphème avec ses environnements, à la corrélation d'environnements
choisis (cadres) avec tous les morphèmes qui y entrent. Les variables
sont maintenant les positions, comme le montre le fait que le critère
d'appartenance à une classe est la substitution. L'élément qui apparaît
dans une position donnée de classe peut être un morphème qui apparaît
également dans diverses autres positions de classes. Nous choisirons
simplement les positions dans lesquelles plusieurs morphèmes
apparaissent, et au terme desquelles nous obtiendrons la description globale
la plus avantageuse 26.
6.2. Point d'arrêt. Nous pourrions nous demander maintenant
s'il existe un moyen de dire à quel point s'arrête l'analyse. La nature du
travail répond à cela. Tout ce que nous faisons est substituer une séquence
à une autre dans un contexte donné. Quand nous avons la formule des
expressions de l'anglais avec intonation d'assertion, nous constatons que
tout ce que nous pouvons lui substituer est une autre expression, avec
une intonation identique ou différente. Quand une quantité
supplémentaire de travail est effectuée sur les séquences de phrases et sur ce qu'on
appelle stylistique, nous pouvons découvrir que dans certaines positions
à l'intérieur d'une séquence de phrases, seul NV /./, disons, apparaît, à
l'exclusion de V /!/. Lorsque nous disposons de telles informations, nous
sommes capables d'étendre la procédure de substitution à des phrases

25. Ceci est également réalisé, en essence, par le clivage de classes de Bloomfleld
(Language, 204) et par ses fonctions de classes de formes (id., 196), qui fournissent
l'équivalence des mots et des séquences de mots. Il va de soi que toute la procédure
décrite ici doit beaucoup à la méthode de Bloomfleld.
26. Il peut être nécessaire de souligner que cette analyse positionnelle est
strictement formelle; elle s'opposerait aux analyses par forme et signification telles que la
syntaxe analytique d'Otto Jespersen (Analytic Syntax, Copenhague, 1937).
44

et à des séquences d'expressions (qu'elles soient des monologues ou des


conversations).
6.3. Les formules de construction résultantes. Le résultat
final, pour chaque langue qui peut s'analyser de cette manière, prend la
forme d'une ou plusieurs suites de classes de substitution (« constructions,
d'expressions », « types de phrases »). Les formules nous disent que ce
sont ces séquences qui apparaissent. Les formules finales nous donnent
donc les contraintes sur la Uberte d'apparition des morphèmes dans la
langue, car elles impliquent que les seules séquences de morphèmes qui
peuvent apparaître sont celles qui peuvent être dérivées des formules 27.
Ainsi les formules d'expression sont plutôt semblables aux formules
qui donnent la structure phonétique d'une langue, et également
semblables à l'écriture phonémique : elles sont toutes des formules qui
explicitent ce qui apparaît dans la langue. Les symboles utilisés dans les
formules d'expression ont des valeurs : N a les valeurs AN, TAN, TA, etc.;
et chacune de celles-ci a pour valeurs des morphèmes spécifiques. En
attribuant des valeurs morphémiques aux symboles, nous obtenons des
expressions de la langue.
Ceci ne correspond pas à tous les faits, car il y a d'autres limitations
de sélection parmi les morphèmes, ainsi ce ne sont pas toutes les séquences
fournies par les formules qui apparaissent 28. Les limitations individuelles
de sélection ne peuvent pas être décrites par de telles formules; au mieux,
les plus importantes d'entre elles peuvent être données par des listes
spéciales ou dans le dictionnaire. Les limitations s'appliquant à divers
groupes de morphèmes de chaque classe peuvent, cependant, être
incorporées si nous donnons à nos formules la forme de tableaux. La seconde
dimension que le tableau procure nous permet d'exprimer des sélections
parmi des sous-groupes, dans les différentes colonnes (chaque colonne
représente une position, c'est-à-dire une classe), en plaçant sur une ligne
horizontale les séquences des sous-groupes qui apparaissent réellement.
6.4. La procédure décrite ici est parallèle à une série de substitutions
qui commencerait par l'expression complète et serait descendante, au
lieu de commencer par les morphèmes isolés et de remonter. Dans ce
cas, il nous faudrait trouver des critères formels pour découper l'expression
par étapes successives. Ceci est essentiellement le problème difficile de

27. Bien entendu, de la formule NV nous pouvons dériver plusieurs séquences :


par exemple TANV (The old order changeth) puisque TAN = N, etc.
28. Certaines de ces limitations peuvent être incorporées en donnant aux symboles
plus d'une valeur possible en correspondance avec les valeurs des autres symboles, un
peu de la manière dont on donne aux lettres phonémiques diverses valeurs allopho-
niques. Nous pourrions convenir qu'après N*, le V4 anglais a deux valeurs : V4 simple,
et V4iV4. La séquence d'expression NV pourrait représenter à la fois ЛГУ et NVN
(voir § 4.4). Plus nous désirons indiquer de limitations de sélection, plus nous devons
utiliser d'exposants. Ceci n'est pas général; mais si nous désirons par exemple indiquer
quelles racines de noms vont avec quels suffixes -Nn, nous aurions besoin d'une longue
liste d'équations, mettant en jeu plusieurs N résultants, et différenciés par des
exposants avant la première équation N*-Nn = N1 du §4.3.
45

la délimitation des constituants immédiats d'une expression 29. Il n'est


pas évident qu'il existe une méthode générale pour déterminer
successivement les constituants immédiats, quand nous commençons par une
expression entière et que nous descendons vers les morphèmes. De toute
façon, il apparaîtrait que la formation des classes de substitution
présente moins de difficultés théoriques si nous commençons par les
morphèmes et remontons vers les expressions.

L'implicite dans les formules.

7.0. Nous avons vu l'application et l'interprétation de la procédure


décrite ici. Ceci est peut-être tout ce qui est demandé à une procédure.
Cependant, afin de la rendre compatible avec le reste de la description
d'une langue, nous devrions savoir quelle est la part de l'information
devant figurer dans une description syntaxique, et qui est derivable de
cette procédure.
7.1. Caractères suprasegmentaux. Les intonations et les autres
caractères suprasegmentaux tels que les pauses sont, en général,
incorporés aux équations. Quand une séquence est substituable à une autre
dans une expression, il est entendu que les intonations, pauses, etc., de
l'expression sont invariables dans la substitution. Si la substitution est
associée à une modification d'intonation, comme dans Who pour John
dans : got lost, nous exprimons ce fait. Certains ensembles de
substitutions peuvent exiger non seulement des séquences particulières, mais
également des caractères suprasegmentaux particuliers; par exemple
toute séquence de l'anglais qui comporte un accent fort suivi d'un accent
fort, réduit, peut être égale à N (§ 4.3.3). Les domaines des caractères
suprasegmentaux coïncident souvent avec les séquences que nous utilisons
dans nos équations de substitutions; par exemple, /,/ et légère pause
séparant des groupes adverbiaux, dans certaines positions pour l'anglais.
En général, donc, les formules sont basées non seulement sur les
séquences en jeu, mais aussi sur les caractères suprasegmentaux des
séquences substituées et des expressions dans lesquelles elles sont
substituées. Les formules peuvent ainsi être corrélées avec les junctures pho-
némiques qui marquent les limites des caractères suprasegmentaux.
7.3. Relations morphologiques. Bon nombre des relations qui
existent entre une classe de morphèmes et d'autres classes de
morphèmes, ou l'intervalle ou l'expression dans laquelle elle apparaît, peuvent
être dérivées des formules, bien qu'elles n'aient pas été explicitement
données dans ce but. Les formules montrent quelles sont les classes de
morphèmes (ou séquences) qui sont syntaxiquement nulles, comme par

29. Bloomfield, Language, ch. 13. Voir également Kenneth L. Pike, Taxemes and
Immediate Constituents, Language, 19, 1943, pp. 65-82, ainsi que la méthode d'analyse
utilisée pour le japonais par Bloch, Studies in Colloquial Japanese II, Language, 22,
1946, pp. 200-248.
46

exemple les préfixes Xx- et les suffixes -Aa en anglais (§ 4.3.1); nous
pouvons même apprendre par nos formules qu'en anglais, la plupart des
préfixes, mais peu de suffixes, sont syntaxiquement nuls.
Les formules montrent quelles sont les classes de morphèmes qui
apparaissent seules, et quelles sont les classes qui sont liées non à d'autres
classes (comme le sont la plupart des affixes), mais à des constructions,
c'est-à-dire à des séquences de classes : par exemple le Se anglais est limité
à une classe quelconque ou à une extension en séquence de classes; le T
anglais est lié au groupe nominal qui le suit, comme une sorte de préfixe
(§ 4.3.3); les suffixes hidatsa opèrent sur le mot entier qui précède, tandis
que les préfixes opèrent habituellement sur la racine qui suit
immédiatement (§ 5.2). Le fait que les suffixes anglais -Vd (~ed) sont plutôt ajoutés
à V3 (groupes verbaux avec objet, etc.) qu'à V1 (morphèmes verbaux),
montre que -ed doit plutôt être considéré comme un suffixe du groupe
verbal complet. En général une classe peut être considérée comme liée au
niveau indiqué par le nombre auquel elle est associée; c'est-à-dire, liée à
tout ce qui est substituable à la combinaison symbole-exposant qui
l'accompagne dans les équations.
Nous pouvons également apprendre au moyen des formules, quelles
sont les classes de morphèmes qui sont les têtes et quelles sont les
fermetures des séquences où elles apparaissent : la fermeture est la classe qui
apparaît toujours en dernière position, et la tête est la classe qui peut
toujours être substituée à la séquence, par exemple un morphème N à un
groupe nominal entier. Les formules peuvent ainsi nous montrer quelles
sont les séquences endocentriques (par exemple AN =N) et quelles sont
celles qui sont exocentriques (par exemple TA = N).
Il va sans dire que de bonnes informations sur les classes de morphèmes
peuvent être dérivées non d'exemples fragmentaires comme nous l'avons
fait pour notre procédure par équations, mais à partir d'analyses
détaillées de toutes les séquences d'une langue qui sont mutuellement substi-
tuables.
7.4. Ordre. Les formules sont construites en partie sur la base de
l'ordre des classes dans les séquences, elles peuvent donc être utilisées pour
décrire celui-ci, explicitement, ou par le moyen des exposants.
7.5. Toujours ou parfois. Les formules nous permettent encore
d'indiquer si certaines classes apparaissent toujours, ou seulement parfois,
dans une séquence donnée. Si nous écrivons DA = A et AN = N, et si
nous sommes libres d'appliquer les résultats d'une équation à l'autre,
alors nous pouvons dériver de ces équations le fait que N, AN et DAN
apparaissent tous.
7.6. Sélection. Certains des caractères de la sélection (les
restrictions sur les morphèmes particuliers qui n'apparaissent qu'avec d'autres
morphèmes particuliers) sont indiqués dans ces formules, ou bien en sont
dérivables. Une sélection comme celle qui opère entre / et am par
opposition à celle de he et is, est inclue dans la liste des variantes de forme des
47

morphèmes. Les sélections d'accord sont énumérées comme domaines


spéciaux du morphème en question (§2.3).
Nous pouvons encore considérer les sélections et l'ordre parmi les
sous-classes, par exemple le fait que certaines racines du hidatsa sont
toujours les dernières racines du mot, ou que ought seul parmi les pré-verbes
anglais est en général suivi de to. Ceci peut être exprimé par les formules
si l'on s'autorise à compliquer leur forme, et plus spécialement si elles sont
représentées par des diagrammes à deux dimensions. Enfin, les formules
sont par elles-mêmes des descriptions de sélections, qui montrent par
exemple que les séquences JVV apparaissent, mais pas les séquences NT.
7.7. Sens. Les formules peuvent être utilisées comme une source
d'information sur la signification grammaticale des classes de morphèmes
qui y figurent. Pour ceci, il est nécessaire de dire que les classes de
morphèmes ou les séquences de classes qui se remplacent mutuellement dans
diverses équations, ont des fonctions ou des sens grammaticaux similaires.
Ainsi le N3 de N3N4 Vd4 (§4.3.5) remplace le N4 que l'on trouve autrement
après Vd; tous deux représentent l'objet de Vd.
7.8. Comparaisons des structures des langues. La nature et le
nombre des classes de morphèmes qui doivent être construites pour une
langue donnée, les formes et le nombre des équations, et le nombre des
niveaux qui doivent être distingués par des exposants pour certains
symboles de classe, permettent tous des comparaisons entre les descriptions
de différentes langues. De telles comparaisons ne doivent pas être faites à
la légère, car une grande latitude de choix est toujours possible lors de la
construction des équations d'une langue. En particulier, il peut y avoir
une marge de manœuvre à l'intérieur de laquelle on pourrait s'efforcer
de garder les exposants de certains symboles — N, V, S par exemple —
à une valeur aussi faible que possible pour chacune des langues, de telle
manière que pour deux ensembles d'équations correspondant à une même
langue, l'un pourrait atteindre JV8, tandis que l'autre ne dépasserait pas
iV4. Il ne fait aucun doute que les procédures de construction des équations
et d'assignation d'exposants peuvent être rendues plus explicites et, si
besoin est, normalisées, ce qui rendrait plus commode les recherches sur
la comparaison des structures.
Une analyse de ce type pour l'arabe marocain est très voisine de
celle de l'anglais, avec N5V3 et N*Ná pour l'arabe et iV4V4 pour l'anglais;
par contre, les équations du hidatsa sont très différentes, elles conduisent
à S4l/. Ceci correspond d'ailleurs à la similarité généralement observée
entre les structures indo-européennes et sémitiques, ce qui n'est pas
perceptible dans le cas du sioux 30.
7.9. RÉSOLUTION DE DIFFICULTÉS MORPHOLOGIQUES. NOUS avons VU

30. Cf. également une courte analyse de même type effectuée pour le kota in
Language, 21, 1945, pp. 289-299, et basée sur les données fournies par M. B. Emeneau,
Kota Texts, Part I, Berkeley et Los Angeles, 1944.
48

au §6.1 que les valeurs des symboles des équations ne sont pas des
morphèmes, mais des positions qui indiquent quels sont les morphèmes qui
occupent ces positions (indépendamment des autres positions que ces
morphèmes peuvent occuper dans d'autres équations). Donc, quand nous
souhaitons connaître l'analyse d'une expression particulière, il n'est pas
possible de remplacer simplement chaque morphème par son symbole de
classe (par exemple I know it = WV^-N* = WV1) puisque de
nombreux morphèmes peuvent être membres de plusieurs classes à la fois.
W. F. Twaddell a suggéré31 que de telles analyses d'expressions soient
effectuées au moyen de tests de substitution répétés, sur la base des
équations, ce qu'il appelle « substitution expérimentale à tout niveau ». Pour
réaliser cela, nous devons demander quelles sont les substitutions permises
par les équations pour chaque morphème (ou séquence de morphèmes) de
notre expression, dans l'environnement de classes qu'il (ou elle) a dans
cette expression. On répète cette opération jusqu'à ce qu'on apprenne de
manière non ambiguë à quelle classe appartient chaque occurrence de
chaque morphème de notre expression.
Prenons, par exemple, l'expression : She made him a good husband,
because she made him a good wife. Nous savons qu'il existe une différence
de sens entre les deux occurrences de made; et comme nous le savons sans
information extérieure à celle de la phrase, il s'ensuit que cette différence
de sens et de construction, peut être dérivée de la structure de
l'expression. Nous analysons l'expression en remontant les équations aussi loin
que cela sera nécessaire pour découvrir cette différence. D'abord nous
savons que cette expression est un exemple de N4V4<fc./V4V4 = N4V4. A
ce point, les deux moitiés de la phrase ont encore des structures identiques.
Chaque V4 a la structure V2 (make) iV4 (him) iV4 (a good husband/wife)
+ -V v (-ed). Les équations donnent les deux cas de séquences (§4.3.4) :
VfWW = Ve2 (make Harding President) et Vd2N*N* = Vê (make my
husband a party). Nous ne pouvons dire ni à quel cas correspond chacun
de nos V4, ni si tous les deux correspondent au même cas, puisque make
est à la fois membre de Vd et de V/"32. Nous constatons cependant
(§ 4.3.4), que VdWiV = VéPNfPcN* (l'indice identifie simplement le
N qui a des positions différentes dans les deux séquences). Nous essayons
maintenant de découvrir si l'un des V4 de notre expression possède la
structure Vd2iV4JV4, en appliquant à chaque V4 les substitutions qui sont
possibles pour Vd2iV4JV4. Nous échangeons les deux N4 et nous insérons
entre eux Pc. Le premier V4 nous donne une expression dénuée de sens qui
pratiquement ne peut jamais se rencontrer : she made a good husband
for (Pc) him (N), au lieu de : she made him (iV) a good husband

31. Dans une communication privée.


32. Tous les membres de Vf sont aussi membres de Vd : les Vd sont des verbes qui
apparaissent devant N, les Vf sont des verbes qui apparaissent devant NN (et aussi
devant N). Cf. §4.1.
49

Cependant, dans le second V4 la substitution nous donne une expression


équivalente et assez naturelle : she made a good wife (N±) for (Pc) him (N),
au lieu de : she made him (N) a good wife (Nj). Il est alors clair que le
second V4 de notre expression est analysable en Vd2iV4iV4 + -Vv = Ve3
+ -Vv. Comme le premier Ve ne peut être analysé de cette manière, il ne
peut être égal qu'à la seule autre construction VNN : V/2iV4iV4 + -Vv

Nous avons ainsi constaté que les deux moitiés de l'expression de


départ diffèrent formellement par les substitutions auxquelles elles
peuvent être soumises. L'analyse aurait pu, bien entendu, commencer par
les morphèmes. Nous aurions pu attribuer des symboles de classe à chaque
morphème, quant aux deux occurrences de made nous n'aurions pas su
s'il fallait leur attribuer les classes Vd, Vf, ou d'autres encore. Nous aurions
alors eu, afin de choisir, à appliquer à NN qui suit, exactement les
substitutions essayées ci-dessus.

Faits échappant aux formules.

8.0. Après avoir vu que certains faits syntaxiques peuvent être


dérivés des formules, nous demandons quels sont ceux qui ne peuvent y
être incorporés et qui doivent être révélés par des recherches séparées, et
énoncés dans des descriptions séparées.
8. 1. La grande masse des propriétés de sélection et plus spécialement
celles qui distinguent les morphèmes individuels, ne peuvent être
énoncées sauf au moyen de formules très encombrantes. Bien qu'il y ait un
intérêt théorique à savoir que des diagrammes bidimentionnels peuvent
rendre compte de sélections détaillées, en pratique ces informations ne
peuvent être données que par des listes et des descriptions attachées aux
formules.
8.2. Il en est de même pour les relations entre les morphèmes tels
que ceux des familles de suffixes anglais qui sont mutuellement rempla-
çables, par exemple -id, -or dans squalid : squalor; candid : candor etc. 34.

33. Nous pouvons vérifier cela en remarquant que si, dans le premier V*, nous
substituons un verbe qui n'est pas un membre deVf, nous obtenons une séquence qui
ne peut pratiquement jamais se rencontrer et dont le sens n'est pas modifié par la
substitution de N*PcN* : She bought him a good husband ne différerait pas en sens (si
cela se rencontrait) de She bought a good husband for him. Si nous essayons un autre
membre de Vf, think par exemple, nous constatons de nouveau que la substitution
produit une expression dénuée de sens (jamais rencontrée), ou alors un sens fortement
modifié : She thought him a good husband à opposer à She thought a good husband for
him. Les verbes de Vf sont donc des verbes qui mettent en jeu des changements de
sens évidents quand ils sont soumis à la substitution Nt Pc N; les verbes qui ne sont
pas dans Vf ne mettent pas en jeu, lors de cette substitution, de changement de sens
perceptible. Par conséquent, le made de made him a good husband fonctionne comme
un membre de Vf.
34. Mon attention a été attirée sur ces familles de morphèmes par le travail sur
l'anglais de Stanley Newman et de Morris Swadesh.
50

8 . 3. Les formules ne peuvent pas non plus indiquer les significations


associées aux diverses positions ou classes.
Ainsi, en hidatsa, parmi deux mots formellement équivalents (avec
suffixes nominaux) placés devant le mot fin de groupe (qui se termine par
un F verbal), le premier correspond normalement au sujet et le second à
l'objet : ruwaciri istacu rux'iak « l'un d'eux son œil ouvrant (quand l'un
d'eux ouvre l'œil) ». De telles informations sur le sens des positions et des
constructions doivent être données dans des descriptions séparées
accompagnant les formules 8б.
8.4. Les formules ne donneront pas non plus d'informations sur la
distribution complète d'un morphème donné qui peut figurer dans
plusieurs classes (§ 3.4), ou sur la fréquence des morphèmes ou des classes,
ou sur la structure phonémique de diverses classes (par exemple le fait
que les F du hidatsa, et divers affixes de l'anglais ne sont pas accentués).
9. Nous avons vu qu'en étendant la substitution des classes des
morphèmes seuls aux séquences de morphèmes, nous aboutissons à des
formules qui rendent égales diverses séquences substituables l'une à
l'autre dans toutes ou certaines expressions de la langue en question.
Nous avons vu de plus, que lorsque la construction des équations est
poursuivie jusqu'au moment où l'on ne rencontre plus de nouveaux
faits, nous obtenons des descriptions compactes pour les séquences de
morphèmes qui constituent les expressions d'une langue. La procédure
de construction de ces équations a été étudiée ici en vue d'évaluer les
informations syntaxiques qu'elles peuvent donner ou non.
Il est clair que l'utilité de cette procédure variera d'une langue à
une autre, d'autant plus que de nombreuses langues (par exemple le
hidatsa dans une certaine mesure) n'ont comparativement que très peu
de différence entre la structure de toutes les expressions et la structure
des expressions minimales, et d'autant plus que certaines langues
possèdent une grande liberté de distribution des expressions minimales dans
toutes les expressions.

35. Voir, par exemple, Edward Sapir, Language, 86, New York, 1921.

Vous aimerez peut-être aussi

pFad - Phonifier reborn

Pfad - The Proxy pFad of © 2024 Garber Painting. All rights reserved.

Note: This service is not intended for secure transactions such as banking, social media, email, or purchasing. Use at your own risk. We assume no liability whatsoever for broken pages.


Alternative Proxies:

Alternative Proxy

pFad Proxy

pFad v3 Proxy

pFad v4 Proxy