Explication linéaire n15 si je mourais là-bas
Explication linéaire n15 si je mourais là-bas
Explication linéaire n15 si je mourais là-bas
des plus grands poètes du début du 20ème siècle. Apollinaire a non seulement marqué la
li érature par sa poésie, mais également par ses romans et nouvelles éro ques. Il était un
pionnier du calligramme, du cubisme et du surréalisme, dont il a d'ailleurs inventé le terme.
Influencé par la poésie symboliste dans sa jeunesse, Apollinaire cherchait à concilier
modernité et tradi on, en se souciant davantage du présent que du passé ou du futur.
Le poème « Si je mourais là-bas » est extrait du recueil Poèmes à Lou, écrit en 1915. Ce
recueil résulte d'une brève et passionnée rela on avec Louise de Coligny-Châ llon, une
aristocrate rencontrée à Nice en 1914. Dans ce poème, Apollinaire imagine sa mort sur le
front pendant la Première Guerre mondiale et en fait part à sa bien-aimée, exprimant à la
fois l'intensité de ses sen ments et l'angoisse de la guerre. Il écrit ce e le re lorsqu’il part à
la guerre. Poèmes à Lou est donc un recueil de poème épistolaire écrit pour Lou, mais dans
l’inten on de le publier. Ce sera finalement une publica on posthume en 1955.
Nous nous demanderons comment Apollinaire fait de sa mort un chant d’amour et
d’éro sme en peignant les horreurs du front ? Pour répondre à ce e ques on nous verrons
dans la première strophe le contexte tragique de la guerre et de la sépara on, puis dans la
deuxième, troisième et quatrième strophe le dépassement du tragique par la transfigura on
de la mort. Enfin nous verrons dans la 5ème strophe et les vers isolés un poème aux aspects
épistolaire et testamentaire.
I.Le contexte tragique de la guerre et de la sépara on
Ce poème décrit une situa on tragique : celle du poète qui se trouve au front lors de la
première guerre mondiale. Le tragique ou le pathé que de la situa on viendrait aussi du fait
que le poète s’adresse à une femme avec qui il n’est déjà plus. La mort est présente dès le
début, comme le révèle l’emploi du verbe mourir : « si je mourais ». Le condi onnel au vers 1
« Si je mourais » présente la mort comme hypothé que. En outre, au vers 2, alors que le
poète formule l’hypothèse de sa mort, il imagine la réac on froide de Lou : « Tu pleurerais un
jour ». Le complément circonstanciel de temps « un jour » souligne l’oubli quasi-immédiat de
Lou.
Au vers 3, le poète se définit lui-même comme un « souvenir » qui « meurt », oublié par Lou.
Ce qui rend aussi la situa on du poète tragique, c’est qu’il écrit ce poème à une femme
indifférente. Le poète imagine mourir de la chute d’un obus (vers 4) mais cet obus est
présenté de façon étrangement posi ve par l’oxymore « bel obus » et la comparaison aux
mimosas. Or ce e idée ressemble bien à une prémoni on, quand on sait qu’Apollinaire
mourra effec vement en 1918, des suites d’un éclat d’obus reçu à la tempe. Apollinaire ne
sait pas à quel point il imagine bien son avenir : c’est de l’ironie tragique.
On a le champ lexical de la mort :« meurt », « meurs », et surtout la répé on du mot « sang
». Nombreuses allitéra ons en [m] et en [r) : mourais, front, armée, pleurerais, s'éteindrait
comme meurt ; l'allitéra on en [r] peut d'ailleurs évoquer le bruit de la mitraille e... Par
ailleurs, l’angoisse de la mort semble accentuée par le contexte de la guerre, présent par les
répé ons de « sur le front de l’armée » aux vers 1 et 4.
II. Le dépassement du tragique (la transfigura on de la mort)
Strophe 2 :
Dans ce e strophe, Apollinaire tente de transfigurer Sa mort, il tente de la transformer' en
quelque chose de posi f. Il Imagine que sa mort pourrait cons tuer un bienfait pour le
monde. Par l'hyperbole des vers 6 et 7, Il Imagine son sang répandu dans l'espace comme
une sève perme ant à la nature de s'épanouir. Pour exprimer cela, il énumère les éléments
naturels au vers 8, se rêvant un pouvoir presque divin sur la nature : « La mer les monts les
vals et l'étoile qui passe ». Son sang aurait un pouvoir de vitalité. Il dépasse le tragique qu'il y
a à imaginer son sang répandu (il u lise des images lumineuses : « soleils merveilleux », et «
fruits d'or », qui font allusion aux citrons offerts par Lou au poète dans la Villa Bara er (et qui
sont le symbole de leur amour).
Strophe 3 :
Le poète se définit lui-même par l'oxymore « souvenir oublié vivant dans toutes choses »
(Vers 11). Alors qu'il s'imagine bientôt comme mort et oublié, il envisage une deuxième vie, à
travers le monde, et aussi à travers Lou. Le poète transfigure sa mort. Du néga f nait le
posi f : celui qui n'existe plus dans la mémoire de Lou s'invente une renaissance
Par sa mort, le poète rêve d'offrir à Lou jeunesse et amour. Comme il imaginait son sang
recouvrir le monde, il imagine son sang couvrir le corps de Lou, par l'anaphore « Je
rougirais... /Je rougirais ta bouche » (= rendre rouge). Ce e u lisa on ina endue du verbe «
rougir » donne plus de sensualité au rêve d'Apollinaire. Il insiste sur les par es du corps les
plus sensuelles (& bouche, seins, cheveux »).
Le verbe « rougir » évoque peut-être à la fois le désir du poète mais aussi la honte que
pourrait éprouver Lou de ‘lavoir si vite oublié. A nouveau, il donne à son sang un pouvoir, ici
c’est celui d’un élixir : « rajeuniraient », « tu ne vieillirais point »
Strophe 4 :
La mort du poète semble devenir de plus en plus certaine tout au long du poème, par
l’adjec f « fatal » qui évoque la mort et la fatalité, donc le tragique. Il s'agirait d'une mort
violente et douloureuse (* le fatal giclement de mon sang »). Le propos du poète est très
paradoxal : « Le fatal giclement de mon sang […] donnerait au soleil plus de vive clarté ». Le
sang du poète serait donc comme une sève qui perme rait le mûrissement du monde. La
répé on de l'adverbe « plus » accentue ce e idée.
Paradoxalement, il fait aussi don d'amour à une femme qui ne l'aime plus. L'hyperbole « Un
amour inouï descendrait sur te monde » donne un pouvoir mys que au poète. il va aussi
jusqu’à évoquer Lou dans les bras de ses amants, de façon très crue, au vers 20. Il dresse
ainsi le portrait d'une femme légère mais à qui il semble pardonner en lui perme ant
d'aimer après sa dispari on. Il évoque cet avenir par l'expression « des ns galants ».
III.Une le re-testament
Strophe 5 :
Le poète ne peut échapper à son des n tragique. Il répète la même formule mais avec un
changement de temps verbal : « Si je meurs » : on passe au présent (idée de mort inévitable
à la guerre).
A nouveau, le poète fait un don d'amour à Lou. Il l'imagine dans ses futures rela ons
amoureuses et sensuelles, et semble l'accepter. Apollinaire semble vouloir lui léguer quelque
chose (le bonheur, l'amour). Ce poème semble un testament. « Mon sang c'est la fontaine
ardente du bonheur ». Il veut faire de sa mort l'occasion d'une renaissance. On peut
s'interroger sur ce e tolérance d'un homme envers une femme qui l'a déjà qui é. Peut-être
est-ce une façon de se rendre plus a rant à ses yeux, de la reconquérir en faisant preuve de
générosité ?
Vers Isolés :
Ce e situa on est cependant douloureuse car les sen ments du poète sont très forts.
L'apostrophe lyrique au vers 26 est comme un ul me appel à la femme aimée : « Ô mon
unique amour et ma grande folie ». Ce e dernière expression peut d’ailleurs apparaitre
comme une formule de politesse concluant la le re.
La date et le lieu à la fin « 30 janvier 1915, Nîmes » révèlent que ce texte appar ent à la fois
au genre du poème et de la le re : c'est la le re d'adieu d'un soldat à la femme aimée, sous
la forme d'un poème. Les caractéris ques de la le re sont la date, le lieu et l'énoncia on (il
s'adresse à Lou à la deuxième personne).
L'acros che final, qui reprend en début de vers les le res du prénom de Lou, peut aussi faire
penser à un post-scriptum. Idée du des n auquel on ne peut échapper, terme présent dans
le vers final « Un long un long des n de sang »