Évangiles de l'enfance
Les Évangiles de l'enfance sont des textes qui racontent la conception, la naissance et l'enfance de Jésus de Nazareth. Il s'agit des deux premiers chapitres de l'Évangile selon Luc et selon Matthieu (aussi dénommés « récits de l'enfance »), qui ne sont pas antérieurs à la fin du Ier siècle[1], et de certains ouvrages plus tardifs de la littérature apocryphe parmi lesquels, pour les plus anciens, on trouve le Protévangile de Jacques (dont s'inspire l'Évangile du Pseudo-Matthieu), l'Ascension d'Isaïe, l'Évangile de l'enfance selon Thomas et l'Apocalypse d'Adam, ou encore l'Évangile arabe et arménien de l'Enfance, les Odes de Salomon, les Actes de Pierre et l'Épître des Apôtres (en)[2].
Ces derniers présentent des récits plus riches et plus variés que la littérature canonique, qui ne doit, d'un point de vue historique, pas être considérée comme supérieure[3] et dont ils constituent généralement plutôt un approfondissement, contrairement à certaines idées reçues qui veulent y voir une relation de concurrence[4]. Tous ces récits avaient d'ailleurs probablement le même statut théologique à l'époque de leur rédaction - à partir de la fin du Ier siècle et durant tout le IIe siècle - témoignant « des représentations de la conception et de la naissance de Jésus qui ont eu cours de leur temps »[3]. « Devant ce type de traditions, l'historien ne peut guère remonter aux événements historiques concernant la naissance et la jeunesse », et « ne peut que travailler au niveau des représentations historiques » — c'est-à dire comment les chrétiens des Ier et IIe siècles se sont représentés l'enfance de Jésus[5].
Genre littéraire: le midrash
[modifier | modifier le code]Chez Matthieu, « l'évangile de l'enfance de Jésus est en grande partie un midrash à partir de l'histoire de Moïse[6]. » De même, dans l'Évangile selon Luc « l'histoire de Jean baptiste est un midrash bâti sur les récits bibliques de la naissance d'Isaac et surtout de Samuel, le « précurseur » de David, type du roi messianique[7]. »
« Par ailleurs, le Protévangile de Jacques peut être considéré comme une paraphrase midrashique des récits de l'enfance que l'on lit dans Matthieu et Luc, le tout complété par un midrash sur l'enfance de Samuel le prophète[8]. »
Les récits de l'enfance de Matthieu et Luc
[modifier | modifier le code]Selon Charles Perrot : « Les récits de l'enfance de Jésus selon les Evangiles de Matthieu 1-2 et de Luc 1-2 posent de nombreux problèmes littéraires et historiques, tant leur écriture apparaît tardive, relevant plutôt du merveilleux à la manière des récits d'enfance du monde judéo-hellénistique. »[9]. Vraisemblablement basés sur des schémas de la littérature pieuse juive de type haggadah[10] mais issus de milieux différents, ils témoignent peut-être de divergences au sein des premières communautés de disciples de Jésus, difficiles à préciser[3].
Pour H. Koester : « Les évangiles de Matthieu et de Luc fournissent l'unique accès aux récits les plus anciens concernant la naissance et l'enfance de Jésus. Il semble qu'il n'y ait aucun récit antérieur, dans aucun évangile apocryphe, qui aurait survécu indépendamment, bien qu'il y ait pu y avoir quelque information isolée, comme celle portant sur la localisation de la naissance de Jésus dans une grotte qui apparaît chez Justin Martyr de même que dans le Protévangile de Jacques.»[11].
Raymond E. Brown écrit : « Nous ne savons pas quelles étaient les relations entre Marie et les prédicateurs apostoliques qui ont conservé la tradition. Certains l’imaginent leur racontant l’histoire de la naissance ; mais il n’y a rien qui le suggère dans le Nouveau Testament ni, d’ailleurs, dans les premiers siècles. L’idée que les récits de l’Enfance seraient simplement les souvenirs de Marie se heurte à un obstacle rédhibitoire : les deux récits de Matthieu et de Luc sont si complètement dissemblables qu’il est bien difficile d’imaginer qu’ils proviennent d’une même personne. Des savants plus romanesques ont parfois suggéré que Joseph était la source des récits dans Matthieu et Marie celle de Luc ; mais la réplique toute prête, avec un brin d’humour, est qu’en ce cas il est clair que Marie et Joseph ne se sont jamais parlé, car ils avaient des mêmes événements des souvenirs totalement différents[12]. »
David Strauss et Rudolf Bultmann voient dans ces récits de simples projections apologétiques et théologiques en forme de théologoumènes (affirmations d'ordre théologique)[13].
Représentations artistiques
[modifier | modifier le code]Notes et références
[modifier | modifier le code]- Simon Claude Mimouni, L'Enfance de Jésus dans la littérature chrétienne des premiers siècles, Conférence 1994, École pratique des hautes études ; section des sciences religieuses, p. 289
- Simon Claude Mimouni, Les Traditions chrétiennes anciennes : l'enfance de Jésus dans la littérature chrétienne des premiers siècles, Conférence M. Simon C. Mimouni, In: École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses, Annuaire. Tome 104, 1995-1996. 1995. p. 325.
- Simon Claude Mimouni, « Les traditions de l'enfance de Jésus » in Le Christianisme des origines à Constantin, éd. Nouvelle Clio/P.u.f., 2007, pp. 130-138
- cf. Jean-Daniel Kaestli, in Le Mystère apocryphe : introduction à une littérature méconnue, éd. Labor et Fides, 2007, p. 40, extrait en ligne
- Simon Claude Mimouni, Pierre Maraval, Le christianisme des origines à Constantin, Presses universitaires de France, , p. 131.
- François Blanchetière, Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien, éd Cerf, Paris, 2001, p. 315.
- François Blanchetière, Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien, éd Cerf, Paris, 2001, p. 315-316.
- François Blanchetière, Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien, éd Cerf, Paris, 2001, p. 316.
- Charles Perrot, « Les récits de l'enfance de Jésus », Les Dossiers d'archéologie, 1999 - 2000, n° 249, pp. 100-105
- Paul Mattei, Le christianisme antique de Jésus à Constantin, éd. Armand Colin, 2008, p. 60
- H. Koester, Ancient Christian Gospels, Fortress Press, 1990 pp. 308-309
- Raymond E. Brown, 101 questions sur la Bible, coll. Lire la Bible, n° 98, Paris, Cerf, 1993, question n°55.
- René Laurentin, Les Évangiles de l'enfance du Christ, Desclée de Brouwer, , p. 426.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- André Paul, L'Évangile de l'enfance selon saint Matthieu, Cerf, 1968
- Charles Perrot, Les Récits de l'enfance de Jésus- Matthieu 1-2 – Luc 1-2, Cerf, 1976
- René Laurentin, Les évangiles de l'enfance du Christ: vérité de Noël au-delà des mythes : exégèse et sémiotique, historicité et théologie, Desclée, 1982 (recension par Dubois Jean-Daniel, Archives des sciences sociales des religions, 1984, vol. 57, n° 2, p. 249. [1]
- Jean Daniélou, Les Évangiles de l'Enfance, Desclée de Brouwer, 1993
- Marie-Émile Boismard, L'Évangile de l'enfance (Luc 1 - 2) selon le proto-Luc, (Études bibliques 35), Paris, J. Gabalda, 1997
- Raymond E. Brown, The Birth of Messiah. A Commentary on the Infancy Narratives in the Gospels of Matthew and Luke, Anchor Bible, 1999 (édition mise à jour)
- James Keith Elliott, A synopsis of the apocryphal nativity and infancy narratives, Brill, 2006
- Claire Clivaz, Andreas Dettwiler et Luc Devillers (éds.), Évangiles de l’enfance : des récits aux identités, des identités aux récits. Infancy Gospels : Stories and Identities, Mohr, 2011
- Enrico Norelli, « Avant le canonique et l'apocryphe : aux origines des récits de la naissance de Jésus », Revue de théologie et de philosophie, 1994, vol. 126, no4, p. 305-324 [2]
- Enrico Norelli, Marie des apocryphes: enquête sur la mère de Jésus dans le christianisme antique, Labor et Fides, 2009 [3]