Reliure occidentale
La reliure occidentale, parfois appelée « reliure française » ou « à la française », est une reliure passée en carton autour d'un corps d'ouvrage (intérieur du livre sans les plats ni la couvrure) formé de cahiers cousus de manière traditionnelle.
C’est la technique classique de reliure en Occident, qui a connu son apogée en France aux XVIIe siècle et XVIIIe siècle[réf. nécessaire].
Histoire
[modifier | modifier le code]Le codex est le premier support de la culture écrite en occident[1]. Il apparait vers l'an 85 et se généralise au IVe siècle, évoluant au fil du temps[1]. les premières « reliures » occidentales à proprement dites (c'est-à-dire cousues sur des ficelles de chanvre ou des lanières de cuir puis passées à l'intérieur des ais en bois) datent du VIIe siècle[2]. Pour contrer l'emprise de l'humidité sur le parchemin (qui compose alors les pages), la reliure est régulièrement maintenue fermée par des fermoirs en métal[2]. Le nombre de manuscrits se multiplie au XIe siècle, et les formats varient[3] ; le cousoir, inventé à cette période, rend la couture plus rapide[4]. Le passage progressif du parchemin au papier (à partir du XIVe siècle en Europe) entraîne une réduction de la taille des ouvrages et toutes les transformations qui en découlent : les ais deviennent moins épais et sont taillés plus grands que le corps d'ouvrage papier afin de le protéger davantage des frottements sur les tranches. Le bronze remplace peu à peu le fer pour la création des outils de décors et la première roulette ornée en métal est créée à la fin du XVe siècle[5].
Dès la fin du XVe siècle, les reliures en bois couvertes d’étoffes ou de peaux de cervidés ou de porcs, sont remplacées par des reliures faites de cartons recouvertes de parchemin vélin[6], de veau[7],[8] ou de maroquin[9],[10]. Les tranches sont fréquemment dorées, voire dorées-ciselées[11]. Avec l'affirmation de l'individu, les commanditaires souhaitent dorénavant personnaliser leurs reliures au niveau des décors, en y faisant figurer leurs propres armoiries, monogrammes ou emblèmes[12]. Aux XVIIe siècle et XVIIIe siècle, les cahiers sont cousus sur nerfs de peau ou septains de chanvre (ficelles à sept brins[13]) simples ou doubles, qui sont ensuite passés dans les cartons pour solidariser le montage.
Avec le début du XXe siècle, la reliure devient création artistique et se répartit entre livres d’artistes (création originale de tout le livre dont la reliure) et livres-objets (création d’une reliure originale). À la même époque, naît la reliure industrielle qui, grâce à la rationalisation du travail, à l'emploi de machines et la concentration de la main-d’œuvre, permet la production de séries très importantes.
Un art « français »
[modifier | modifier le code]Le modèle occidental de la reliure est régulièrement appelé « reliure française[14] » ou « à la française » du fait que pendant plusieurs siècles, la reliure était un art « tout français »[15] et de nombreux amateurs étrangers venaient faire relier leurs ouvrages précieux à Paris[15]. En 1880, Marius Michel affirme que la France « a promptement conquis la première place dans l'industrie de la reliure et s'y est maintenue avec une telle supériorité que nulle autre nation n'a pu depuis trois siècles parvenir à la lui disputer »[16]. Ce n'est qu'à partir du XIXe siècle que d'autres styles de reliure attirent les bibliophiles[17],[18].
Types et catégories de reliures
[modifier | modifier le code]Types
[modifier | modifier le code]Le type de reliure occidentale est caractérisé par la manière dont la reliure est recouverte. Il peut s'agir d'une :
- Reliure pleine (plein cuir, pleine toile) ;
- Demi-reliure (demi-cuir, demi-toile) :
- Demi-reliure simple ;
- Demi-reliure à coins ;
- Demi-reliure à bandes.
La reliure « pleine » se dit d'un livre entièrement recouvert d'un même matériau, généralement du tissu ou du cuir (reliure « pleine peau » ou « plein cuir », « pleine toile ») ; la « demi-reliure » (reliure « demi-cuir ») désigne le livre dont seul le dos et une petite partie des plats sont recouverts d'une matière noble comme le cuir, le reste du volume étant généralement recouvert de toile ou d'un papier décoratif. Les demi-reliures « à bandes » ou « à coins » sont celles où les parties les plus exposées à la main du lecteur (le dos et les parties du plat côté gouttière) sont également recouvertes de matière noble.
Catégories et qualités
[modifier | modifier le code]Les reliures occidentales, dont la production en France du milieu du XVe siècle à la fin du XVIIIe siècle est particulièrement importante[19], peuvent être de différentes qualités de facture, déterminées par leur usage[19]. Elles ont été classées en trois catégories selon une hiérarchie qui s'établit au cours du XVIe siècle[19] :
- Reliure de luxe ;
- Reliure soignées ;
- Reliure courante.
Les reliures de luxe, richement ornées, sont réalisées à l’initiative d’un amateur fortuné (collectionneur, bibliophile) pour des exemplaires de prestige. Il peut aussi s'agir de reliures de création utilisant des matériaux nobles. Les reliures « soignées » sont réalisées à la demande d'un amateur moins riche, mais soucieux de posséder une bibliothèque bien reliée (par exemple de type demi-cuir). Les reliures « courantes », réalisées plus rapidement et généralement couvertes de toile ou de papier, sont exécutées pour des clients aux attentes plus modestes ou pour des libraires[19].
Matériaux de couvrure
[modifier | modifier le code]Les qualités des cuirs utilisés et leurs utilisations peuvent varier. Il existe des reliures, du meilleur au plus banal[Note 1], couvertes en peau de vélin, en veau ou box, en maroquin, en daim ou en agneau velours (peaux très souples et chamoisées), en chagrin, en basane, etc. Tout type de peau a été utilisé au cours de l'histoire de la reliure, y compris la peau humaine dans de rares cas (bibliopégie anthropodermique)[20].
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Voir aussi la page Bibliographie de la reliure médiévale.
- M. Marius Michel, La reliure française commerciale et industrielle depuis l'invention de l'imprimerie jusqu'à nos jours. Éditions D. Morgand & C. Fatout, 1871
- [Devaux, 1981] Yves Devaux, La Reliure en France, Pygmalion, (ISBN 285704111X)
- [Devauchelle, 1995] Roger Devauchelle, La Reliure : Recherches historiques, techniques et biographiques sur la reliure française, Filigranes / Art & Métiers du Livre, (ISBN 978-2911071003)
- [Marius Michel, 1880] Marius Michel, La Reliure française, FB Éditions, 2015 (édition d'origine 1880), 72 p. (ISBN 978-1511848800)
- Reliure à la française à dos plein, dans La reliure autrement de Ghislaine Baehler, sur le site de la bibliothèque cantonale et universitaire (BCU) Lausanne disponible ici en présentation chapitrée.
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Reliure » (voir la liste des auteurs).
- Cette hiérarchie a pu varier selon les époques.
Références
[modifier | modifier le code]- Fulacher, 2012, p. 19.
- Fulacher, 2012, p. 39.
- Fulacher, 2012, p. 29.
- « Coudre », sur Restauration Livre (consulté le ).
- Alivon, 1990, p. 19.
- « Reliure en parchemin souple à composition centrale et écoinçons armes peintes de Catherine de Medicis, Paris, atelier non identifié, vers 1574 », sur BnF (consulté le ).
- « Reliure en veau brun à composition centrale de fers pour Jean Grolier, Paris, atelier du relieur à la Fleur-de-lis, vers 1538-1540 », sur BnF (consulté le ).
- « Reliure en veau brun à décor d'entrelacs courbes et géométriques pour Thomas Mahieu, Paris, atelier de Gomar Estienne, vers 1550-1555 », sur BnF (consulté le ).
- « Reliure en maroquin vert sombre à composition centrale de fers et encadrement pour Jean Grolier, Paris, atelier de Jean Picard, vers 1538-1540 », sur BnF (consulté le ).
- « Reliure en maroquin brun à composition centrale de fers pour Jean Grolier, Paris, atelier de Jean Picard, vers 1540-1547 », sur BnF (consulté le ).
- « Connaissance de la reliure: la ciselure des tranches dorées », sur Bibliophilie.com, (consulté le ).
- Alivon, 1990, p. 25.
- « Nerfs », sur ReliureAuFeminin, (consulté le ).
- Marius Michel, 1880.
- Devaux, 1981, p. 6.
- Marius Michel, 1880, p. 5.
- Devauchelle, 1995, p. 170.
- Devauchelle, 1995, p. 196.
- Fabienne Le Bars, Apprendre à gérer des collections patrimoniales en bibliothèque, Presses de l’enssib, (EAN 979-10-91281-01-0, lire en ligne), « Reliures françaises soignées et courantes (mi-XVe siècle – XIXe siècle) : éléments d’identification », p. 80-94.
- (en) Jacob Gordon, « In the Flesh? Anthropodermic Bibliopegy Verification and Its Implications », RBM: A Journal of Rare Books, Manuscripts, and Cultural Heritage, vol. 17, no 2, , p. 118-133 (ISSN 1529-6407 et 2150-668X, lire en ligne)