DJP 2021

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COURS DE DROIT JUDICIAIRE PRIVE 1

(Chargé du cours: OUATTARA Ahmed,


Magistrat).

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INTRODUCTION GENERALE

Le droit judiciaire privé, à l’instar des autres branches (contentieux administratif et procédure
pénale) permet la réalisation en justice des droits subjectifs substantiels. A la différence
toutefois de la procédure pénale et du contentieux administratif, le droit judiciaire privé
s’intéresse à la sanction des intérêts particuliers, autrement, des personnes physiques et
morales en tant que ces intérêts ressortent du droit privé. Sa double appartenance au droit
public et privé mérite aussi d’être soulignée : appartenance au droit public parce qu’il
intéresse la justice, un service public, la fonction juridiction, une fonction étatique, leur
organisation et leur fonctionnement ; appartenance au droit privé par les règles relatives à
l’action en justice. Mais avant il est nécessaire de donner des précisions sur la notion.

I. Notion de Droit Judiciaire Privé

Traditionnellement, le droit judiciaire privé était assimilé à la procédure civile. D’un point de
vue juridique, la procédure désigne l’ensemble des formalités qui doivent être effectuées pour
que le procès reçoive une solution. La procédure constitue l'ensemble des règles de droit,
selon lesquelles le procès est organisé, selon lesquelles un litige peut être soumis à une
juridiction. La procédure civile est celle applicable devant les juridictions de l'ordre judiciaire,
compétentes pour tous les litiges de droit privé, mettant en cause exclusivement des
particuliers. On l'oppose ainsi à la procédure pénale, qui est celle appliquée devant les
juridictions répressives et au contentieux administratif lequel concerne les recours portés
devant les juridictions administratives. Les lois de procédure sont donc des règles de forme.
La procédure civile ne couvre donc pas toute la matière du droit judiciaire privé car au-delà
des règles de forme, le droit judiciaire privé permet de répondre aux questions suivantes : qui
peut s’adresser au juge ? Que peut-on lui demander ? Que doit-on faire concrètement ? Quelle
voie de recours pourra-t-on exercer ?...
Les réponses à cet ensemble de questions constituent la première matière du droit judiciaire
privé que certains auteurs désignent sous le nom « droit du procès ». les autres matières du
droit judiciaire privé sont constituées :
- Des règles qui règlementent l’organisation des juridictions, le statut des magistrats et
des auxiliaires de justice. Ces règles permettent de déterminer quelles autorités et
quelles juridictions ont pour mission de rendre la justice. Ce sont les lois dites
« d’organisation judiciaire ».

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- Des règles qui déterminent la nature de la juridiction à saisir. Ce sont les lois dites de
procédure.
- Des règles qui précisent comment le jugement obtenu, peut être exécuté.
Le droit judiciaire privé est donc comme le disait PERROT cet ensemble de règles qui
gouvernent l’organisation et le fonctionnement de la justice en vue d’assurer aux particuliers
la mise en œuvre et la sanction de leurs droits subjectifs en matière de droit privé ». Selon
CADIET et JEULAND, « le droit judiciaire privé peut être défini comme l’ensemble des
règles relatives aux juridictions civiles et à la procédure civile.

II- l’importance du Droit Judiciaire Privé

L’importance de droit judiciaire privé se mesure à travers le rôle qu’il joue. L’idéal est que la
société fonctionne harmonieusement, mais il est fréquent qu’un désaccord survienne entre les
sujets de droit. A défaut d’accord amiable des parties, le litige ainsi né ne peut être réglé que
par le droit. Le juge est l’instrument de cette solution.
En 1er lieu, le DJP donne aux titulaires de droit subjectifs la possibilité de les faire valoir ou de
les faire respecter sous réserve de recourir à un pouvoir chargé de faire respecter les lois et
partant des droits subjectifs. En outre, le titulaire du droit doit suivre certaines formalités.
Ainsi, cela évite au titulaire qu’il exerce sans réserve, sans contrôle ou abuse de sa force ou de
son pouvoir à l’égard du débiteur. Le DJP est de ce fait un facteur de sécurité et de paix
sociale.
En second lieu, le DJP est un facteur de confiance et de crédit essentiel dans les rapports
d’affaires. En effet, son existence paralyse à l’avance la résistance, la fraude ou la mauvaise
foi du débiteur. Sachant qu’il peut être poursuivie en justice et contraint de payer, ce dernier
paiera le plus souvent spontanément. De plus les créanciers se sentiront plus en confiance et
en sécurité s’ils ont affaire à une procédure simple, rapide et peu coûteuse pour obtenir
l’exécution de leurs créances.
En 3ème lieu, DJP permet le respect du droit de la défense, c'est-à-dire que les deux parties
doivent suivre des formes de procédure prescrites, pour faire valoir l’une ses revendications,
l’autre sa défense proprement dite.
En dernier lieu, le DJP impose une ligne de conduite impérative aux magistrats qui ne peuvent
à leur guise selon leur fantaisie dire le droit.
L’utilité du Droit Judiciaire Privé parait indéniable. Elle fut cependant un temps contesté au
Burkina Faso pendant la période révolutionnaire où l’ordonnance n°85/4 du 24 Août 1985
commandait aux juges à propos de la procédure civile particulièrement : « de ne pas se laisser
restreindre par une règle de forme et surtout de ne pas écarter une demande pour des raisons
de pure forme ». Cette ordonnance a été abrogée par celle n° 92/7 du 20 Février 1992 ; et ainsi
était à nouveau affirmée l’importance de la justice dans l’Etat de droit.

III- Les caractères généraux du droit judiciaire privé

A- Le caractère mixte du D. J. P

Les règles de droit se subdivisent en fonction des domaines qu’elles concernent en droit
public et en droit privé.
Le droit judiciaire privé quant à lui se rattache à la fois au droit public qu’au droit privé car on
y trouve des règles de pur droit privé comme celles relatives à l’action en justice, d’autres de
pur droit public comme celles relatives à l’organisation judiciaire tandis que d’autres enfin,
ont une nature mixte comme celles touchant à la marche du service public et à la mise en

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œuvre des intérêts privés : il en serait ainsi des règles de compétence et des règles de
procédure.
Le droit judiciaire privé se rattache au droit privé dans la mesure où il tend à assurer la
sanction des droits subjectifs appartenant à des personnes privées. Il englobe en même temps
des problèmes d’organisation judiciaire et de compétence. Par ailleurs la justice est un service
public organisé par l’Etat, ce dernier étant directement concerné lorsque la justice est mal
rendue. Ce qui rattache le droit judiciaire privé du droit public.
Des conséquences essentielles et distinctes en résultent selon que l’on insiste d’avantage sur le
fait qui tend à sanctionner les droits privés ou au contraire à assurer un fonctionnement
convenable du service public de la justice. Dans le 1 er cas on laissera davantage de latitude au
plaideur dans l’organisation et la conduite de la procédure. Dans le 2 nd cas, on donnera au juge
un rôle prépondérant dans la procédure.

B- Caractère formaliste du D. J. P

En droit judiciaire privé, les formes et les délais jouent un rôle très important : la rédaction
incorrecte d’un acte introductif d’instance peut suffire à rejeter une demande qui pourtant est
fondée. De même l’appel intenté un jour après l’expiration du délai entraîne l’irrecevabilité du
recours exercé. L’inobservation des règles de forme est sévèrement sanctionnée. La violation
des formes d’un acte peut entraîner la nullité de celui-ci mais aussi des actes qui lui sont
postérieurs. Faut-il pour autant condamner le formalisme ?
La principale critique faite au formalisme qui caractérise le droit judiciaire privé est la
suivante : « le procès ne serait que papier et délais et, pire que tout, le défaut d’une formalité
serait de nature à faire perdre un procès quand bien même le droit du plaideur serait
incontestable sur le fond. ». Il favorise la chicane et la rouerie, fait perdre à l’honnête homme
son temps et son argent. Pourtant la forme apporte la sécurité juridique à celui qui s’y soumet.
Celui qui respecte les formes et délais prévus est assuré de conserver son droit sans avoir à
craindre des contestations ultérieures sur la portée des actes accomplis.
Le formalisme est également une garantie contre l’arbitraire du juge, une garantie de la liberté
de la défense comme l’adage le dit « La forme enserre, la forme libère ».
Enfin, les inconvénients qui découlent du formalisme de la procédure civile ne sont pas sans
remède. Le code procédure civile ne fait pas du formalisme une fin en soi. C’est pourquoi
dans certains cas, il prévoit une certaine souplesse dans l’application des règles en leur
assignant pour finalité la défense des droits des parties sanction la nullité, et lorsque la nullité
est prévue, elle ne sera prononcée que si l’inobservation de la formalité a causé un préjudice à
la partie adverse.

C- Le caractère impératif du droit judiciaire privé

En principe, les règles du droit judiciaire privé sont d’ordre public, mais cette affirmation n’a
pas une portée absolue en raison du rattachement de la matière de droit judiciaire privé tant
au Droit privé qu’au droit public. Elle est donc relative. Ainsi, certaines règles du droit
judiciaire privé ne prennent en considération que la protection des intérêts privés et ne sont
donc pas d’ordre public.
Les règles du DJP concernent l’administration de la justice et c’est pourquoi elles sont
imprégnées par la notion d’ordre public. En conséquence, ces règles s’imposent au juge et aux
parties qui ne peuvent pas se mettre d’accord pour y déroger. En outre, les nouvelles lois du
droit judiciaire privé sont d’application immédiate. La principale difficulté est de pouvoir
distinguer ces dernières avec celles qui sont d’ordre public dans les hypothèses où la loi ne

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donne pas expressément une indication. Dans certains cas, la loi indique expressément qu’il
est possible de déroger à telle règle ou qu’il est interdit d’y déroger.
Il faut une étude délicate en tenant compte des finalités de chaque règle de DJP :
- Lorsque la règle de DJP est édictée dans l’intérêt supérieur d’une bonne
administration de la justice, c’est une règle d’ordre public
- En revanche, si la règle de DJP tend à protéger des intérêts privés, c’est une règle
d’ordre privé.
En général, on considère comme étant d’ordre public les règles relatives à l’organisation
judiciaire, à l’exercice de l’action, les règles de compétence d’attribution par opposition aux
règles de compétence territoriale et les règles de procédure qui gouvernent le déroulement
d’une instance.

D. L’application dans le temps des règles du D.J.P

Concernant au préalable l’application dans l’espace des règles de DJP, on peut souligner que
celle-ci s’appliquent sur toute l’étendue du territoire national. En conséquence il est interdit au
juge burkinabè de faire application de lois judiciaires étrangères.

1. Position du problème

Sur la question de l’application dans le temps des lois nouvelles de DJP, il y a lieu de préciser
que lorsque la loi nouvelle entre en vigueur avant l’introduction de l’instance, la loi nouvelle
de DJP s’appliquera immédiatement et l’instance sera soumise à la loi nouvelle.
De même lorsque la loi nouvelle survient après l’extinction de l’instance, c'est-à-dire lorsque
la décision est passée en force de chose jugée et que par conséquent l’instance est terminée, la
loi nouvelle ne trouvera pas à s’appliquer.
Le problème vient de ce que la loi nouvelle de DJP intervient alors que l’instance est née mais
pas encore terminée, autrement dit, le procès est en cours. Il convient alors de se demander
d’une part si les actes accomplis restent valables ou s’il est opportun de les renouveler suivant
les dispositions de la loi nouvelle.

2. Solutions proposées

Il s’agit en premier lieu de vérifier si la loi nouvelle de DJP ne contient pas des dispositions
transitoires différentes de la date de sa mise en vigueur en fixant expressément une date
d’entrée en vigueur afin justement d’éviter les conflits de lois dans le temps. Si c’est le cas, il
faut appliquer la disposition transitoire.
A défaut de dispositions transitoires, le principe général posé par l’article 2 du code civil est le
suivant : « la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif ». Il s’en suit
que la loi nouvelle de DJP et cela quelque soit son objet est en principe d’application
immédiate. Conformément au droit commun, les lois nouvelles de DJP sont applicables huit
(08) jours franc après leur public au J.O. cette solution de principe connait toutefois dans son
application certains aménagements selon la nature de la loi de DJP en cause d’où la
consécration de régimes différents.

a- concernant les lois d’organisation judiciaire

Ces lois intéressent une bonne administration de la justice et doivent donc s’appliquer
immédiatement conformément au principe général.

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Par exemple, si une loi nouvelle supprime certaines juridictions, ces dernières doivent de suite
cesser leurs activités et leurs dossiers seront transmis soit aux juridictions maintenues, soit
aux nouvelles. Il en est de même, si une loi nouvelle modifie la composition d’une
juridiction, toutes les affaires non encore jugées le seront par la juridiction dans sa nouvelle
composition.

b- Concernant les lois de compétence

Elles suivent également la règle de l’application immédiate avec toutefois un important


aménagement. Dans les cas en effet où une juridiction valablement saisie devient
incompétente en raison de la loi nouvelle, en principe, l’effet immédiat conduit à dessaisir la
juridiction initialement saisie et par conséquent à obliger le demandeur à recommencer tout le
procès devant la juridiction désormais compétente. Ainsi, les conséquences sont les mêmes
que s’il y avait rétroactivité.
La solution n’est pas satisfaisante. Pour remédier à cela, il est généralement admis que la
juridiction initialement saisie demeure compétente chaque fois que l’instance a déjà fait
l’objet d’une décision sur le fond. Il y a décision sur le fond, non seulement quand un
jugement définitif a été rendu mais également dans le cas d’un jugement avant dire droit c'est-
à-dire les jugements statuant sur un incident préjugeant du fond.
Exemple : dans l’action en responsabilité civile, si le juge ordonne une expertise pour évaluer
le montant du dommage. Il préjuge le fond dans la mesure où il admet le principe de la
responsabilité et dès lors une loi nouvelle de compétence ne peut plus l’en dessaisir.

c- Concernant les lois de procédure

Elles suivent également la règle de l’application immédiate. Elles s’appliquent donc en


principe aux instances en cours et elle régit tous les actes et formalités qui doivent être
accomplis ultérieurement à son entrée en vigueur. Il doit toutefois s’agir d’une vraie loi de
procédure concernant la forme de l’acte et non d’une loi touchant le fond du droit.
Exemple : en matière de recours, si la loi nouvelle modifie la forme de l’acte d’appel, il s’agit
alors d’une loi de procédure proprement dite et par conséquent elle doit recevoir
immédiatement application suivant le principe de l’effet immédiat des lois de DJP.
Mais si la loi modifie les conditions de recevabilité de l’appel (la loi nouvelle supprime
l’appel ou modifie le délai pour faire appel) il s’agit d’une loi de fond et la loi applicable en
ce qui concerne les conditions de recevabilité de l’appel est celle en vigueur le jour où le juge
a rendu sa décision.
Pour les lois de procédure, il y a toujours lieu à se demander si la loi nouvelle est une vraie loi
de procédure concernant essentiellement la forme des actes ou s’il s’agit d’une règle de fond
dans ce dernier cas, la loi ancienne de procédure doit s’appliquer.

III- Les sources du droit judiciaire privé

Le terme « source » peut être défini de différentes façons. Il peut signifier « origine ». Ainsi,
la recherche des sources du droit judiciaire privé, conduit à poser deux questions : qu’est ce
qui est à l’origine du droit judiciaire privé ? A cette question, on ne peut répondre qu’en
remontant aux sources du droit lui-même. Comme discipline publique, le droit judiciaire privé
a des sources textuelles principales et complémentaires, des sources historiques et des sources
internationales.

A- Les sources historiques de DJP


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Le droit judiciaire privé appliqué au Burkina Faso découle de ces grandes lignes du code de
procédure civile française. C’est essentiellement le cas jusqu’en 1999 où il n’y avait pas au
Burkina Faso un code de procédure civile. Il existait alors ce qu’on appelait le code Bouvenet
qui était en réalité un ensemble de textes rassemblés par Mr Bouvenet qui se rapportent à la
procédure civile.

B- Les sources actuelles

1- Les sources législatives et règlementaires

L’art 101 de la constitution du Burkina Faso dispose que : « La loi fixe les règles concernant
l’organisation des tribunaux judiciaires ; le statut des magistrats ; des officiers ministériels
auxiliaires de justice ».

Ainsi, c’est l’Assemblée Nationale qui est en principe compétente pour élaborer les textes
judiciaires privés. Cependant, par le jeu de la délégation de pouvoir prévue à l’art 107, le
gouvernement pourrait par voire le règlementaire élaborer des règles de procédure ou
modifier celle qui existent.
L’Assemblée Nationale a adopté en Mai 1999 la loi n° 22/99/A.N portant Code de procédure
civile. Cette loi comprend les parties suivantes :
- Livre 1 : Dispositions communes à toutes juridictions : Il énorme les règles relatives
au procès, à la compétence, à la représentation et assistance en justice, au délai et acte
de procédure, à la demande de justice, les moyens de défense, l’administration de la
preuve, les incidents d’instance, le jugement et enfin l’exécution de la décision.
- Livre 2 : Encore le règles particulières à chaque juridiction.
- Livre 3 : Décrit les voies de recours.
- Livre 4 : Les voies d’exécution.
- Livres 5 : Concerne les procédures diverses.

2- Les sources complémentaires

C’est d’abord et principalement la Jurisprudence dont le rôle est très considérable en DJP. La
jurisprudence comble les nombreuse lacunes de la loi en élaborant en elle-même des théories
nouvelles ou en empruntant des théories à la doctrine. Il appartient également à la
jurisprudence d’interpréter les textes législatifs, ce qui lui donne l’occasion d’apporter sa
contribution à la manière du droit judiciaire privé.
Ensuite, comme autres sources complémentaires, il y a la pratique et les usages judiciaires.
Leur rôle est exclu en matière d’organisation judiciaire et de compétence mais ce rôle peut
être important dans le domaine de procédure ou les praticiens constituent l’élément moteur.
Ces derniers, dans la pratique, peuvent faire disparaître certaines formalités prévues par les
textes ou encore pourraient imaginer en dehors des textes des pratiques nouvelles que le
législateur finira par consacrer.

C- Les sources internationales du D.J.P

Ces sources résultent soit de conventions bilatérales, soit de conventions multilatérales. On


peut citer en exemple
- La convention relative à la coopération en matière judiciaire entre les Etats membres
de l’ANAD (Accord de Non Agression et d’Assistance en matière de Défense).

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- L’accord de coopération judiciaire entre le Mali, et le Burkina Faso le 21 Mars 1964 ;
- Il existe en matière de voie d’exécution en acte uniforme adapté dans le cadre du
Traité de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
(OHADA). Il s’agit de l’acte uniforme de l’OHADA portant organisation de
procédure simplifiée de recouvrement et de voie d’exécution signé à Libreville le 19
Avril 1998.

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1ère Partie : l’action en justice

Tout procès contentieux a pour origine un litige préexistant. On dit encore une situation
litigieuse. L’objet même du procès est de résoudre ce conflit par un jugement, par un acte
juridictionnel. Les professeurs Cornu et Foyer ont défini cette situation litigieuse comme un
antagonisme de prétentions juridiques, un désaccord d’intérêts juridiques.
Le litige, matière première du procès, est le contraire d’un contrat. Le contrat est un accord de
volonté sur un objet de droit, le litige, quant à lui est un désaccord de droit sur un objet
juridique.
Par conséquent, la première condition pour que le juge puisse trancher le litige, exercer son
office juridictionnel, c’est que le litige relève juridiquement du droit. Par exemple, s’il y a une
incertitude sur la règle juridique à appliquer, sur l’interprétation qu’il faut donner de la règle
juridique. En tous les cas, les parties ne doivent pas être d’accord sur le droit.
En cas de désaccord juridique, le juge est en principe fondé à résoudre le litige en faisant acte
de juridiction, en exerçant son pouvoir juridictionnel. Autrement dit, à la demande de l’une ou
de l’autre des deux parties, le juge va trancher le conflit entre celles-ci par application de la
règle de droit en « disant le droit ». Par cet acte de juridiction, le juge va mettre fin au litige
entre les parties et donner son issue au conflit de prétentions juridiques. De leur côté, les
parties ont un droit à la solution juridictionnelle de leur litige, elles ont une action, un droit
d’action.
Ce droit d’action a sa cause dans le litige. C’est le litige qui va donner aux parties un droit
d’action. Dans le procès, ce droit va se manifester par des demandes ou des défenses. Une
partie va demander en justice une satisfaction, exercera son droit d’action par une demande, et
l’adversaire exercera son propre droit d’action par une défense en justice. C’est la mise en
œuvre du droit d’action des parties. Ce sont ces demandes et ces défenses qui véhiculent les
prétentions juridiques des parties.
En effet, le droit d’action qui appartient aux parties ne peut s’exercer que dans le cadre du
procès, c’est un droit d’obtenir du juge une décision sur le litige préexistant. Par conséquent,
le droit d’action des parties va se distinguer techniquement de sa mise en œuvre des demandes
et des défenses, c’est l’exercice d’un droit qui préexiste, qui est antérieur au procès.
Le droit d’action des parties qui se distingue de sa mise en œuvre, n’est lui-même que la
manifestation de la liberté publique. Si l’on a un droit d’action, c’est parce
qu’antécédemment, plus généralement, on a la liberté d’accéder aux tribunaux car l’Etat
autorise le libre accès à la justice, liberté publique qui ne se confond pas avec l’action.
Si on peut agir en justice, c’est parce que le droit donne libre accès aux tribunaux.
Il faut distinguer le libre accès à la justice, l’action et son exercice et la demande et devant
quel juge orienter cette action.

Titre 1 : généralités et conditions d’ouverture de l’action en justice

Chapitre 1 : Généralités sur l’action en justice

L’action en justice est une notion qui a fait couler beaucoup d’encre dans la littérature
juridique et qui est encore, aujourd'hui, controversée, discutée. Ce n’est pas faute pour le
législateur à s’être employé à préciser les choses. On trouve une définition de l’action en
justice dans le Code de procédure civile. Le texte précise que « l’action est ouverte à tous
ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas
dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou
combattre une prétention. Pour l’adversaire, l’action est le droit de discuter le bien-fondé de
cette prétention. ».
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Section I : La notion de l’action en justice.

L’action en justice est une notion autonome qui doit à tout prix être distinguée de toutes
notions voisines avec lesquelles elle est étroitement en rapport. L’action en justice est autre
chose que la liberté publique qu’est le libre accès à la justice. La Doctrine classique a souvent
considéré que c’était la même chose. Pour certains auteurs, l’action en justice et le libre accès
aux tribunaux est identique.
L’action, c’est le droit de discuter du bien-fondé d’une prétention devant le juge. L’action est
définie par rapport à la prétention. C’est dire qu’elle appartient à un cercle beaucoup plus
restreint de bénéficiaires. Elle n’appartient pas à tout le monde comme la liberté publique.
Mais pour autant, l’action en justice ne doit pas être confondue non plus avec le droit qui fait
l’objet de la prétention. Par exemple, un justiciable demande au juge la reconnaissance d’une
créance de responsabilité civile, ou bien demande au juge de consacrer le droit de propriété.
Autrement dit, c’est le droit substantiel, le droit donné par le droit civil et non pas par la
procédure civile, par opposition au droit d’action qui est un droit de nature purement
processuel.

I- La distinction de l’action et du droit substantiel.

L’action doit être distinguée du droit dont on demande la consécration en justice. L’action a
pour objet une prétention qui porte sur le droit substantiel. Les deux notions sont distinctes.
Cette distinction n’a pas toujours eu cours. On dit souvent que la doctrine du XIXe siècle a
confondu les deux. Un auteur s’interroge sur l’action, classifiée parmi les biens dans le Code
civil. Pour lui, « l’action est le droit à l’état de mouvement au lieu d’être à l’état de repos.
C’est le droit à l’état de guerre, au lieu d’être en paix ».
Sur cette simple citation, on a cru que les civilistes avaient confondu les deux notions. Si cette
confusion a pu exister, cette notion doit être inadmissible dans le système du code de
procédure civile. C’est la structure, l’objet particulier qui doit être étudié. Dans un procès, ce
que cherche chaque plaideur est la consécration d’un droit subjectif. Chacun demande au juge
la reconnaissance du droit substantiel. La tentation est de considérer que l’action n’est jamais
qu’une prérogative inhérente au droit qui va être déduite en justice. L’action est une
prérogative inhérente à la propriété, et de là, la confusion classique.
Or, cette confusion n’est pas acceptable. Notamment, le contentieux public et pénal ont tous
deux un autre objet que la reconnaissance de droits subjectifs. Quand on agit en excès de
pouvoir contre l’administration, il s’agit de faire reconnaître la légalité et non de défendre un
droit subjectif. Ces deux droits, à la différence du contentieux privé, sont des contentieux
objectifs, ils ne poursuivent pas la reconnaissance de droits subjectifs. L’action ne poursuit
pas du droit.
La confusion n’est pas viable d’une manière générale dans le contentieux administratif et
pénal. Même dans le droit privé, une bonne part des procès n’a pas pour objet la
reconnaissance de droits subjectifs. Il existe, autrement dit, un contentieux privé d’ordre
objectif et non pas subjectif.
Par exemple, on agit en nullité d’un acte juridique, pour contravention à une règle d’ordre
public de direction, ou pour atteinte aux bonnes mœurs. Ce genre d’actions est ouvert à tout
intéressé. C’est de l’ordre de la nullité absolue. L’intéressé poursuit le respect de la légalité, il
ne saurait être question de dire que son action en justice est une application de son droit
substantiel, de son droit subjectif.
Pourrait-on du moins admettre que pour le contentieux privé subjectif, la confusion est
tolérable ?

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Une réponse négative s’impose. En effet, dans ce contentieux privé subjectif, le droit dont on
va demander la reconnaissance judiciaire, la consécration, n’est pas une condition de
l’existence de l’action. On ne peut pas dire que dans le contentieux privé subjectif, le droit
substantiel est une condition de l’action. C’est seulement une condition du succès de la
demande. Exemple d’un contentieux élémentaire de la propriété privée. Deux personnes se
prétendent chacune propriétaire d’un même bien. Sur le terrain judiciaire, celui qui est en
situation de possesseur n’a qu’à attendre que l’autre prenne l’initiative du procès par une
action en revendication de la propriété. Il demande la consécration juridique de son droit. Le
possesseur défendeur va opposer le défaut de qualité ou d’intérêt à agir de son adversaire, du
revendiquant. Exemple, le revendiquant va soumettre au juge un titre de propriété, mais qui
par exemple ne mentionne pas son propre nom mais le nom d’un tiers. Le possesseur va avoir
beau jeu d’opposer à l’adversaire son défaut d’intérêt à agir, que la personne n’a pas qualité à
exercer son action en revendication. De quel droit, la personne se prétend-elle propriétaire ?
Le défendeur possesseur va soulever un second moyen. Il va présenter au juge son propre titre
de propriété. Il ne se borne pas à réfuter le droit de l’adversaire, mais amène son propre titre
de propriété. Le juge va s’intéresser d’abord au défaut d’intérêt ou de qualité. Ce moyen est
sanctionné généralement par une irrecevabilité. Le juge va commencer par vérifier la
recevabilité de la demande dont il est saisi. Vérifier la recevabilité de la demande, c’est
autrement dit, vérifier l’existence du droit d’action, d’agir du demandeur, du revendiquant. Le
juge n’aura pas à se demander à ce stade qui est réellement propriétaire. Ce qu’il va vérifier à
ce stade, c’est l’aptitude du demandeur à agir en revendication. Il va se demander si le
demandeur a un intérêt au succès de sa prétention, si la reconnaissance du droit de propriété
représente un intérêt, s’il a qualité pour élever cette prétention. S’il reconnaît la qualité du
demandeur, il passera alors au deuxième stade. Le juge va en venir à la question du bien-
fondé de la demande. C’est ici qu’il aura à trancher le litige au fond. Il devra alors départager
les deux parties au procès et dire qui est titulaire du droit substantiel. Si finalement, il décide
que la propriété appartient au défendeur, il déboute le demandeur de ses prétentions et le
déclare mal fondé en sa demande. Si tel est le cas, concrètement, on sera en présence d’un
droit d’action qui aura été reconnu, mais d’un droit d’action sans droit substantiel
correspondant, dans un contentieux pourtant subjectif. Le droit d’action n’est pas le droit
substantiel déduit en justice, mais une prérogative d’une nature purement processuelle. Le
droit d’action est autonome du droit substantiel.
Dans certains manuels, on ajoute un second argument au premier. On dit qu’il existe à
l’inverse des droits substantiels sans action correspondante. On cite le cas des droits à terme,
les obligations naturelles. Il est bien vrai que lorsqu’on est titulaire d’une créance à terme, on
ne dispose pas d’une action en justice pour faire sanctionner son droit, il faut attendre
l’illégitimité pour pouvoir le faire. L’obligation naturelle n’est pas suffisante. Il faut que
l’obligation naturelle soit transformée en obligation civile pour être transformée en droit
d’action.
Si on voyait dans l’obligation naturelle un droit dénué d’action, a contrario, on pourrait
compenser une obligation naturelle en obligation civile. Or, il ne s’agit pas de cela,
l’obligation naturelle n’est pas un droit démuni d’action, c’est une prérogative.
Il faut aussi distinguer l’action de la demande en justice.

II- La distinction de l’action en justice et la demande en justice.

On voit souvent confondue l’action en justice et la demande en justice, alors que tout le
système du Code de procédure civile repose sur une distinction rigoureuse des deux. L’action
est une prérogative de nature processuelle qui permet de soumettre une prétention au juge. La

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demande, c’est tout simplement la mise en œuvre de cette prérogative. La demande n’est ni
plus ni moins que l’exercice de l’action.
On peut donc en déduire certaines choses, que l’action existe indépendamment de l’exercice,
qu’elle est antérieure à l’exercice. Inversement, il est parfaitement possible qu’une demande
soit exercée alors qu’elle n’est pas soutenue par une action en justice, mais qu’elle soit formée
par une personne dépourvue de droit d’agir.

A- Le droit d’action existe antérieurement à la demande.

En droit processuel, l’action existe avant-même qu’elle soit exercée. Exemple d’un accident
de la circulation. L’accident ouvre une créance d’indemnisation. Mais à l’instant exact de
l’accident, va naître un droit processuel d’action. Si on ne parvient pas à obtenir un accord
avec la compagnie d’assurance du conducteur, une action en justice va être mise en route, la
victime va introduire une demande, mais qui interviendra plus tard, après la tentative de
négociation. Pendant tout ce temps, le droit d’action aura agi indépendamment de la demande
en justice.
Il est aussi parfaitement possible que le droit d’action survive à la demande, à l’inverse. Par
exemple, on a exercé en justice son droit d’action, on a formé une demande, mis en œuvre son
droit d’action. Or, il faut respecter des formes obligatoires à peine de nullité. Si on n’a pas
bien formé la demande, que celle-ci est affectée d’un vice de forme, que la nullité de la
demande est prononcée, que le juge déclare la demande nulle, la demande va alors être
anéantie. Mais le droit d’action n’est pas affecté. Si on est encore dans les délais, rien
n’empêche de former une nouvelle demande. C’est la preuve que le droit d’action a survécu à
la demande.

B- Le droit d’action existe indépendamment de la demande.

Mais la réciproque est vraie. Il se peut également, même si c’est anormal qu’une demande ait
été formée sans le soutien d’un droit d’action. Il se peut qu’une demande ait été formée par
une personne dépourvue de droit d’action.
Il faut faire un retour sur la notion d’irrecevabilité et la distinguer de la demande.
L’irrecevabilité va être sanctionnée par une fin de non-recevoir. C’est l’article 145 du Code de
procédure civile qui précise cette sanction. Cette fin de non-recevoir est le sort normal de
toute prétention émise par, ou contre, une personne dépourvue du droit d’action. Exemple
d’un enfant dont les parents se disputent. Un enfant ne peut pas agir en justice pour faire
divorcer ses parents. Le droit d’agir en divorce n’appartient pas aux enfants, il n’a pas qualité
pour exercer le droit d’action. Le juge prononcera une fin de non-recevoir.
Autre exemple d’un créancier d’un débiteur négligent. Il va exercer l’action oblique prévue
par l’article 1166 du Code civil. Cette faculté est purement personnelle au débiteur, elle devra
être déclarée irrecevable.
En toutes ces hypothèses, il n’y avait pas de droit d’action au soutien de la demande formée
en justice. Le droit d’action faisait défaut. La demande respecte peut-être toutes les
prescriptions formelles du Code de procédure civile. Peut-être que les conditions de fond de la
demande étaient réunies. Dans ces hypothèses, il faudra nécessairement distinguer l’action de
la demande en justice. La sanction qui devra être prononcée ne pourra être qu’une fin de non-
recevoir. Le juge concrètement, pour peu que l’irrecevabilité soit soulevée ou qu’il puisse la
soulever d’office, n’aura pas à s’intéresser au bien fondé de la demande, il n’aura pas à
examiner le fond des prétentions qui lui sont soumises. Il y a bien en cette hypothèse une
demande sans action.

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L’action ne se confond ni avec le droit substantiel, ni avec la demande. Or, l’autonomie est
moins grande. La demande n’est que la mise en œuvre de l’action en justice. Elle a donc un
lien avec l’action. Ce sont deux notions distinctes mais liées. La demande est dans la
dépendance de l’action. Si l’action est déclarée inexistante, la demande s’effondre.

Section II : La nature et les caractères de l’action en justice.


I. La nature de l’action.

C’est un droit subjectif selon l’article 11 du Code de procédure civile. C’est un droit subjectif,
une prérogative individualisée. Toutefois, les droits subjectifs sont classés en plusieurs
catégories. Il faut distinguer les droits réels et personnels ; les droits réels portent directement
sur la chose tandis que le droit personnel est une créance. L’action en justice ne peut être
rangée dans la catégorie des droits réels. S’agit-il d’un droit personnel contre autrui ? Mais
qui serait le sujet passif du droit d’action ?
Le sujet actif est déterminé par l’article 11 du Code de procédure civile. Où est le sujet passif,
le débiteur du droit d’action ? Plusieurs analyses furent proposées. Motulsky avait songé à
chercher le débiteur du droit d’action dans la personne du juge. L’action serait un droit contre
le juge. En vérité, cette conception est discutable, car le juge dans un procès est un tiers
impartial, il est au-dessus des parties. Il ne peut être le débiteur de l’obligation.
Les auteurs considèrent que l’adversaire serait le débiteur de l’obligation. Là encore, la
solution ne convient pas car ce serait dire que l’adversaire devrait une prestation au sujet actif,
mais quelle prestation attendre du défendeur. Est-ce que par l’exercice de l’action, le
défendeur est obligé à quelque chose ?
On peut demeurer purement passif, on s’exposera à ce que le juge rende un jugement par
défaut. Le sujet passif n’est pas non plus le défendeur. Est-ce à dire qu’il faille remettre en
cause un droit subjectif ?
Non, il existe entre les droits réels et personnels une catégorie intermédiaire, les droits
potestatifs. Le droit potestatif ne porte pas sur une chose, mais se rapproche du droit
personnel, il n’a pas de sujet passif, c’est une catégorie intermédiaire. On a pu définir le droit
potestatif comme le droit pour une personne de modifier sa situation juridique par une
manifestation unilatérale de volonté.
Cette définition s’adapte parfaitement à l’action en justice. L’action en justice s’exerce par
des actes unilatéraux, pas par des conventions. C’est pourquoi, la Doctrine la plus moderne
qualifie le droit d’action de droit subjectif potestatif.
Si l’on regarde la qualification du point de vue processuel, on peut se demander si elle est
pertinente. En effet, l’action en justice, selon l’article 11 du Code de procédure civile est le
droit pour l’auteur d’une prétention d’être entendu sur le bien-fondé de celle-ci. Le même
texte ajoute que pour le défendeur, c’est le droit de contester le bien-fondé de la prétention.
Pourtant, dans un procès même ordinaire, avant d’en arriver à l’examen du bien-fondé des
parties, il va falloir examiner toutes sortes d’incidents. Comment comprendre que la définition
légale de l’action en justice laisse de côté tous ces aspects. C’est pour cela que bon nombre
d’auteurs contestent la qualification de droit subjectif. Selon le professeur Brenner, cette
définition est tout à fait valable et logique.
L’action en justice n’existe que par rapport à une prétention donnée et existe indépendamment
de son exercice. Elle préexiste à la demande, c’est l’hypothèse de l’accident de la circulation.
Puisque l’action préexiste à sa mise en œuvre, au procès, il apparaît normal de l’envisager à
travers son objet propre, faire reconnaître le bien-fondé de la prétention qu’elle véhicule. On
le voit, cette qualification est au moins raisonnable et tient aussi bien que d’autres
qualifications.

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Cette qualification est un droit fondamental. L’action est aussi un droit fondamental. Il s’agit-
là de la qualification au sens technique, un droit garanti par les normes supra-législatives en
particulier. Un système juridique qui ne garantirait pas à chacun le droit d’être entendu par le
juge sur le bien-fondé de ses prétentions ne respecterait pas les exigences de l’Etat de droit.
Que vaudrait le libre accès aux tribunaux si sa concrétisation n’était pas garantie ?
Dans le système français, ce droit fondamental a été reconnu par la Cour de Cassation,
implicitement dans un arrêt d’Assemblée plénière du 30 juin 1995. Elle ne l’a pas reconnu
formellement ni expressément mais en se réfugiant derrière un droit à un recours, c’est-à-dire
par un droit au juge. Elle entend ainsi le droit d’action.
Dans cet arrêt, il était question de savoir si, dans le cas où existe un vice de procédure
imputable au Tribunal, le rabat d’arrêt est possible ou non. Les avocats ne voulaient pas
plaider. Le Conseil de l’Ordre a refusé de commettre d’office un avocat en estimant que le
rabat d’arrêt n’était pas possible. Le plaideur a formé pourvoi devant la Cour de Cassation qui
a estimé que « la défense constitue pour toute personne un droit fondamental à caractère
constitutionnel, son exercice effectif exige que soit assuré l’accès de chacun avec l’assistance
d’un défenseur au juge chargé de statuer sur sa prétention. Ce droit au recours donne le droit
d’être entendu sur le fond de cette prétention. »
On retrouve les mêmes ambiguïtés dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel français et
dans la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme. Le Conseil
constitutionnel a implicitement consacré ce caractère fondamental dans une importante
décision du 9 avril 1996. Le Conseil constitutionnel a estimé qu’il y avait dans cette
hypothèse une atteinte au droit au juge. Il s’agissait de défendre le droit d’être entendu par un
juge sur des prétentions données.
On retrouve cette défense dans la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de
l'Homme, dans l’arrêt Goldair du 21 février 1975. Il est manifestement question derrière du
droit au juge, du droit d’action considéré comme fondamental et surprotégé.

II. Les caractères de l’action en justice.


A. La liberté de l’action en justice.

Un droit subjectif est une sphère de liberté garantie. Le droit d’action est un choix pour
chacun. C’est le droit d’agir en justice et le droit de ne pas agir en justice, si on le préfère. Si
l’on se décide à exercer son droit d’action, en principe, on n’encourt aucune sanction même si
le juge dit la prétention mal fondée. L’action en justice est aussi capable de dégénérer en abus.
Celui qui intente l’action en justice dans un but dilatoire ou de manière malicieuse, dans
l’intention de causer un préjudice à l’adversaire, commet un abus dans l’exercice de l’action
en justice. Il doit en répondre sur le terrain de la responsabilité civile, selon l’article 15 du
Code de procédure civile « l'action malicieuse, vexatoire, dilatoire, ou qui n'est pas fondée sur
des moyens sérieux, constitue une faute ouvrant droit à réparation. Il en est de même de la
résistance abusive à une action bien fondée ».
Pour caractériser l’abus d’agir en justice, il n’est pas besoin d’une intention de nuire. La
jurisprudence estime qu’il suffit d’une erreur grossière dans l’appréciation de ses droits. La
jurisprudence parle aussi de légèreté blâmable dans l’exercice de ses droits d’action. La
jurisprudence se montre parfois très sévère. Que se passe-t-il après avoir obtenu gain de cause
en première instance, mais que l’on perde en appel ?
La jurisprudence a admis que la décision du magistrat est indépendante de la liberté du droit
d’agir en justice.

B. Le caractère invariable de l’action en justice

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L’action en justice a encore un caractère invariable. L’action en justice a toujours le même
objet. L’objet de l’action en justice quelle qu’elle soit est toujours le même ?
C’est celui qu’expose l’article 11 du Code de procédure civile. C’est toujours d’être entendu
par le juge sur le fond de la prétention émise en justice. Invariablement, l’action en justice
poursuit cet objet. L’action en justice a toujours le même objet : être entendu par le juge, sur
le fond de la prétention. En somme, l’application à l’action de cette prétention est une
survivance de la distinction ancienne du droit substantiel et processuel.

C. Le caractère transmissible de l’action

L’action en justice est en principe transmissible.


D’abord, elle peut en principe faire l’objet d’une cession, à titre accessoire au droit substantiel
qui a été cédé. Ainsi, une cession de créance, un paiement subrogatoire ou la vente d’un bien
entraîne transmission de l’action qui permet le recouvrement. L’action se transmet donc entre
vifs avec la prérogative juridique dont elle assure la sanction. Il est en outre possible d’inclure
une action en justice dans une transmission universelle de patrimoine. Cette transmission
universelle de patrimoine se réalise en cas de fusion-absorption ou la société absorbante vient
aux droits de la société absorbée.
La transmission de l’action en justice se réalise le plus fréquemment à cause de mort en cas de
décès d’une personne physique. Dans cette hypothèse, l’action se transmet en principe aux
héritiers. Toutefois lorsque le droit à la réalisation duquel tend l’action en justice est viager,
l’action devient sans fondement et s’éteint avec le droit viager. L’effet extinctif se produit
même si le défunt avait introduit une demande en justice de son vivant.
De même, les héritiers ne peuvent agir pour mettre en œuvre un droit attaché à la personne de
leur auteur. En effet, les droits attachés à la personne ne sont pas transmissibles et par
conséquent les actions qui en assurent la sanction. Mais contrairement à la situation
précédente, on admet que les héritiers peuvent continuer le procès engagé par le défunt. On
estime que lorsque l’action présente un caractère strictement personnel, elle s’éteint avec le
décès de leur titulaire.
En principe, la transmission de l’action n’affecte pas l’existence de l’instance qui est en cours.
Par exemple, celui qui acquiert une créance faisant l’objet d’un procès, devient demandeur à
l’instance aux lieu et place du cédant, sous réserve de justifier des conditions qui lui
permettent de figurer à l’instance. Toutefois, il y a une exception à ce principe dans
l’hypothèse d’une transmission à cause de mort. En effet, l’article 309 du CPC dispose que
« l’instance est interrompue à compter de la notification qui en est faite par le décès d’une
partie dans le cas où l’action est transmissible… » . Il apparaît que la reprise de l’instance
peut avoir lieu de deux manières : soit volontairement par les héritiers du défunt auquel cas
elle peut être demandée, dans les formes prévues pour la présentation des moyens de défense,
donc par conclusions ; soit par voie d’assignation à défaut de reprise volontaire. Dans ce
dernier cas, les héritiers sont assignés en vue de la reprise de l’instance. L’article 314 du CPC
prévoit que le juge peut inviter les parties à lui faire part de leurs initiatives en vue de
reprendre l’instance.

D. L’extinction de l’action en justice

Il existe deux types d’extinction de l’action en justice. D’une part l’action en justice s’éteint
avec le droit substantiel auquel elle est attachée. En effet, le paiement, la renonciation, la
compensation, la confusion, la prescription, la consolidation, dont le droit substantiel est
l’objet, éteignent ce droit et par conséquence, éteignent l’action en justice qui en permet la
sanction.

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D’autre part, l’action en justice s’éteint pour des causes qui lui sont propres. Aux termes de
l’article 320 du CPC, en dehors des cas où cet effet résulte du jugement, l’instance s’éteint
accessoirement à l’action par l’effet de la transaction, de l’acquiescement, du désistement
d’action ou, dans les actions non transmissibles, par décès d’une partie. L’extinction de
l’action est constatée par une décision de dessaisissement ; le juge donne force exécutoire à
l’acte constatant l’accord des parties.
Le jugement est donc la première cause d’extinction de l’action. L’extinction de l’action
intransmissible avec le décès de la partie titulaire de ladite action peut être considérée comme
une hypothèse où l’action s’éteint avec le droit substantiel auquel il se rattache.
Les autres causes d’extinction de l’action provoquent accessoirement une extinction anticipée
de l’instance et illustrent la liberté qu’ont les parties de mettre fin à l’instance avant qu’elle ne
s’éteigne par l’effet du jugement ou en vertu de la loi (art. 19 CPC).

1. Le désistement d’action

Aux termes de l’article 325 du code de procédure civile le désistement d’action est l’acte par
lequel une partie renonce à sa prétention et qui met fin à toute contestation présente ou future
sur le droit litigieux. Le désistement d’action est différent du désistement d’instance régi par
les articles 326 à 330 du CPC. Le désistement d’instance éteint seulement l’instance mais
laisse subsister l’action. Le désistement d’action quant à lui est selon Loïc CADIET, un acte
plus grave puisqu’il emporte renonciation au droit d’agir et prive donc définitivement son
auteur de la possibilité de saisir le juge afin d’assurer la sanction de son droit litigieux. Le
juge constate le désistement d’action.
Du point de vue de son régime, le désistement d’action exige de la part de son auteur, la
capacité de disposer du droit litigieux. C’est ce qui le différencie aussi du désistement
d’instance où la seule capacité pour agir en justice suffit. De la sorte et au regard des
dispositions de l’article 1988 du code civil, le désistement d’action émanant d’un mandataire
n’est valable que s’il est muni d’un mandat exprès. Par ailleurs l’article 325 du CPC ne
subordonne pas l’efficacité du désistement d’action à une quelconque acceptation de son
adversaire. Par conséquent, le désistement d’action n’a pas besoin d’être accepté par
l’adversaire qui du reste n’a pas intérêt à l’empêcher : c’est un avantage pour lui que le
demandeur renonce à son prétendu droit. C’est un acte juridique unilatéral. Dans le cas où
l’adversaire a formulé une demande reconventionnelle, le demandeur même renonçant à son
droit, reste à l’instance pour voir prononcer contre lui les condamnations sollicitées par le
défendeur.

2. L’acquiescement

L’acquiescement est l’acte juridique unilatéral par lequel une partie renonce à son droit
d’action en se soumettant à la demande de son adversaire ou au jugement de la juridiction.
C’est une renonciation à l’action elle-même qui interdit toute contestation ultérieure sur les
chefs de la demande ou du jugement qui en ont fait l’objet. En tant qu’acte unilatéral,
l’efficacité de l’acquiescement ne dépend pas de l’acceptation de la partie adverse.
La renonciation à l’action peut intervenir en cours d’instance : le défendeur acquiesce à la
demande de son adversaire, en reconnaissant son bien-fondé et en renonçant donc à son droit
de discuter le bien-fondé de cette prétention. Au sens de l’article 322 du CPC,
l’acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de
l’adversaire et renonciation à l’action. Il n’est admis que pour les droits dont la partie a la
libre disposition. L’acquiescement à la demande émane du défendeur mais il peut s’agir du
défendeur à la demande principale ou du défendeur à la demande reconventionnelle. Le

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champ d’application de l’acquiescement à la demande est strictement limité : il n’est admis
que pour les droits dont la partie a la libre disposition. Ce qui signifie d’une part, que le droit
en cause doit être disponible : l’acquiescement à la demande est impossible en matière de
divorce et de séparation de corps puisqu’ils sont toujours prononcés par le juge. D’autre part,
la partie titulaire des droits doit avoir la capacité d’en disposer. Ainsi, si elle est représentée,
son mandataire doit être muni d’un pouvoir spécial pour acquiescer à la demande de
l’adversaire. Mais cette affirmation ne vaut pour la représentation ad litem, l’article 56 du
CPC prévoit que la personne qui en est investie est réputée à l’égard du juge et de la partie
adverse avoir reçu pouvoir spécial d’acquiescer. Du point de vue de ses effets,
l’acquiescement à la demande emporte renonciation à l’action et extinction de l’instance que
le juge constate par une décision de dessaisissement.
L’acquiescement peut intervenir à l’issue de l’instance : la partie condamnée, acquiesce au
jugement de la juridiction, reconnait le bien-fondé de la décision et renonce à son droit d’en
critiquer les chefs par l’exercice d’une voie de recours. C’est l’acquiescement au jugement
prévu par l’article 324 du CPC. La partie qui acquiesce un jugement doit avoir la capacité de
disposer du droit concerné. De même et comme en matière d’acquiescement à la demande, le
mandataire ad agendum a besoin d’un mandat spécial pour pouvoir acquiescer au jugement,
pour le compte du mandant. Par contre, le mandataire ad litem est réputé à l’égard du juge et
de la partie adverse, avoir un tel pouvoir. Contrairement à l’acquiescement à la demande,
l’acquiescement au jugement a un champ d’application plus étendu : il est toujours admis sauf
disposition contraire. Quant à ses effets, il emporte soumission aux chefs du jugement et
renonciation aux voies de recours ordinaires et extraordinaires. Toutefois, l’article 324 réserve
le cas où, postérieurement au jugement, une parie autre que l’auteur de l’acquiescement au
jugement interjette appel. Dans ce cas, la partie qui a acquiescé recouvre son droit d’action et
peut interjeter un appel incident.
Aux termes de l’article 323 du CPC, l’acquiescement peut être exprès ou implicite. Selon la
jurisprudence française, l’acquiescement ne peut résulter que de déclarations ou d’actes
démontrant avec évidence et sans équivoque l’intention de la partie à qui elle est opposée de
reconnaître le bien-fondé de l’action adverse. Du reste le même article prévoit que
« l’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où
celui-ci n’est pas permis ».

3. La transaction

La transaction est au sens de l’article 2044 du code civil « le contrat par lequel les parties
terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ». Selon messieurs
CADIET et JEULAND, cette disposition doit être interprétée de la manière suivante : la
transaction met toujours fin à un litige né, mais il n’est pas nécessaire qu’un juge ait été saisi.
En outre, elle emporte renonciation mutuelle des parties à leur droit d’action en raison des
concessions réciproques. L’exigence de concessions réciproques permet de distinguer la
transaction de la donation.
Du point de vue de la forme, la transaction doit être rédigée par écrit (art. 2044, al. 2 c. civ.).
Elle est soumise aux règles de preuves édictées aux articles 1341 et suivants du code civil.
La transaction est un acte de disposition ; par conséquent la capacité pour transiger est
requise : il faut, avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction (article
2045 c.civ.). Il est donc impossible de transiger sur des droits que l’ordre public rend
indisponible au sens de l’article 1128 du code civil. Quant au pouvoir nécessaire pour
transiger, il y a lieu, comme dans les cas précédents, de distinguer selon qu’il s’agit d’un
mandataire ad agendum ou un mandataire ad litem. Pour le premier, il résulte de l’article 1988
du code civil qu’il doit justifier d’un pouvoir spécial ; quant au mandataire ad litem, il est

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réputé à l’égard du juge et de la partie adverse, avoir reçu pouvoir spécial de transiger (art. 56
CPC).
La transaction a autorité de la chose jugée en dernier ressort entre les parties. La référence à
« l’autorité de la chose jugée en dernier ressort » conduit à assimiler la transaction à un
jugement en dernier ressort, donc un jugement non susceptible d’appel, peut toutefois faire
l’objet d’un pourvoi en cassation. La doctrine a critiqué cette rédaction de l’article 2052 parce
que la transaction n’est pas susceptible de pourvoi en cassation. Elle ne donne lieu à aucune
voie de recours. La transaction ne peut être critiquée qu’au moyen d’une action en nullité
contractuelle. Du reste, les causes de cette nullité sont limitativement énumérées par les
articles 2053 à 2057 du code civil : elle ne peut être attaquée ni pour erreur de droit, ni pour
lésion ; seuls l’erreur sur la personne ou l’objet de la transaction, le dol et la violence peuvent
entraîner la nullité de la transaction.
Les effets de la transaction du point de vue processuel, sont ainsi résumés par les auteurs
CADIET et JEULAND : « la chose transigée n’a que la force obligatoire de la chose
convenue (art. 1134 c.civ.), mais comme la chose jugée, elle devient immuable, intangible, ne
peut plus être remise en cause ; elle s’impose aux parties comme elle s’impose au juge. Une
action exercée postérieurement à la transaction sur la chose transigée se heurterait à une fin de
recevoir appelée exception de transaction, soumise aux mêmes conditions et présentant les
mêmes caractères que l’exception de chose jugée : l’exceptio litis finitae per transactionem
répond en tous points à l’exceptio litis finitae per rem judicatum ».

E. Le caractère facultatif de l’action en justice

Le titulaire d’une action en justice ne peut être contraint de l’exercer effectivement. Il lui
appartient d’apprécier l’opportunité du procès. C’est la manifestation du caractère facultatif
de l’action en justice.
Le caractère facultatif de l’action se justifie car chacun apprécie souverainement l’opportunité
d’un procès ; si l’on préfère subir une violation de son droit plutôt que d’affronter les tracas
d’une instance nul ne saurait en faire le reproche au titulaire de l’action.
Le caractère facultatif de l’action en justice a été contesté par IHERING qui avait défendu
l’idée que lorsqu’un droit a été méconnu, l’exercice de l’action est un devoir envers soi-même
et envers la société, afin d’assurer pleinement le respect de la règle de droit. Si pour une
raison ou pour une autre le titulaire d’un droit violé ne réagit pas par l’action en justice pour
protéger son droit, la règle de droit, à force d’être méconnue finit par devenir une sorte de
« bois mort ».
Cette opinion pertinente est toutefois étroitement liée à la conception que l’on se fait de la
justice. Dans un système libéral où le juge intervient comme arbitre des intérêts privés, le
caractère facultatif de l’action se conçoit parfaitement. Par contre, si l’on pense que la justice
doit contribuer au respect de la légalité en veillant à ce que la règle de droit soit
scrupuleusement respectée, on déduira que l’exercice de l’action en justice est un devoir qui
dépasse les intérêts privés.

Section III : Les différentes actions en justice.

Les actions en justice se classent selon l’objet ou la nature des droits substantiels soumis à
l’appréciation du juge. Cette classification sera restreinte en raison du fait qu’elle renvoie au
problème de la compétence des tribunaux.
Il y a trois catégories d’actions en justice :

I. Les actions réelles, personnelles et mixtes


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Cette classification s’inspire de la nature du droit exercé.

A. Les actions personnelles

Elles représentent le droit commun des actions ; elles sont précisément destinées à assurer la
sanction d’un droit de créance. La nature personnelle de l’action dépend du seul fait qu’elle
est destinée à sanctionner un droit personnel. Il importe peu que l’obligation ait une source
conventionnelle, légale, délictuelle ou quasi délictuelle. Il importe peu qu’il s’agisse d’une
obligation de faire ou de ne pas faire. Enfin, quelque soit l’objet de l’obligation à sanctionner,
l’action reste une action personnelle (action en recouvrement de créance).
Exemple : Un créancier exige payement d’une somme due par son débiteur, toutes les actions
relatives à l’état des personnes.
L’action personnelle est liée à la personne de sorte qu’elle ne peut être exercée que par le
créancier de l’obligation ou par ses ayants cause et uniquement contre un nombre limité de
personnes qui sont les sujets passifs de l’obligation, c’est-à-dire le débiteur et ses ayants
cause.
Au sens de l’article 43 al.1 CPC, si l’action est personnelle il y a la compétence du tribunal du
domicile du défendeur : il s’agit de la compétence de droit commun.

B. Les actions réelles

L’action est réelle quand elle assure la reconnaissance et la sanction d’un droit réel.
Les droits réels sont limitativement énumérés par la loi en l’occurrence l’article 467 de la
RAF et les art. 537 et suivants du code civil. Parmi les actions réelles, figurent au premier
plan, l’action en revendication qui correspond au droit de propriété et les actions confessoires
et négatoires d’une servitude.
Exemple: L’action en revendication du droit de propriété, action relative à l’usufruit ou
encore aux servitudes.
L’action réelle ne peut exercée que par celui qui se prétend titulaire d’un droit réel. Mais, elle
peut être intentée contre la personne détentrice de la chose, objet du droit réel. Cependant, en
matière mobilière, l’exercice de l’action réelle se heurte à l’obstacle de l’article 2279 du code
civil.
Si l’action est réelle, en principe c’est ici aussi la compétence du tribunal du domicile du
défendeur mais il y a des spécificités notamment en matière réelle immobilière où c’est la
compétence du tribunal du lieu de la situation de l’immeuble (art. 44 CPC).

C. Les actions mixtes

Elles vont porter à la fois sur des droits personnels et sur des droits réels. Pour qu’il y ait une
action mixte, il faut que les deux demandes soient jointes dans la même instance. On admet
qu’il existe deux catégories d’actions mixtes : d’une part, celles qui tendent à l’exécution d’un
acte qui a créé ou transféré un droit réel immobilier tout en donnant naissance à un droit de
créance : tel est le cas pour l’action exercée par l’acheteur d’un immeuble contre son vendeur
pour l’obliger à s’acquitter de son obligation de livrer le bien ; d’autre, celles tendant à la
résolution ou à l’annulation d’un acte translatif ou créateur d’un droit réel immobilier.
L’action en résolution d’un acte translatif ou créateur d’un droit réel immobilier. L’action en
résolution de la vente d’un immeuble exercée par le vendeur impayé est mixte.

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Exemple : la Vente d’un bien immobilier, la vente ne se réalise pas car l’acheteur ne paye pas
l’intégralité du prix. Dans ce cas, on a une action mixte, car il y a à la fois un droit réel sur
l’immeuble et un droit personnel du vendeur constitué par la créance.
Si l’action est mixte, le demandeur bénéficie d’une option entre la compétence du droit
commun d’une part et la compétence du Tribunal du lieu de situation de l’immeuble d’autre
part (art 45 CPC).

II. Les actions mobilières et immobilières

Si l’action en justice met en cause un droit qui porte sur un immeuble l’action est
immobilière et inversement. Pour que l’action soit mobilière il faut que l’objet du droit exercé
soit un bien qui entre dans la catégorie des meubles. Pour que l’action doit immobilière, il
suffit que le droit invoqué porte directement sur un bien qui appartient à la catégorie des
immeubles. L’intérêt de cette distinction concerne d’abord les personnes qui ont le droit
d’agir. Ainsi l’exercice d’une action mobilière est considéré comme un simple acte
d’administration. En revanche l’exercice d’une action immobilière est considéré comme un
acte de disposition dont la gravité est unanimement admise. Il en résulte que les mandataires
investis d’un pouvoir général peuvent exercer une action mobilière tandis qu’il leur faudrait
un mandat spécial pour la mise en œuvre d’une action immobilière. Les intérêts de la
distinction concernent ensuite la compétence et en premier lieu la compétence d’attribution.
L’article 39 de la loi 15-2019 portant organisation judiciaire donne compétence exclusive au
TGI pour la connaissance des actions immobilières. En revanche, les actions mobilières se
repartissent entre les différentes autres juridictions. Sur le plan de la compétence territoriale,
l’article 44 alinéa 1 du CPC prévoit que l’action réelle immobilière doit être portée devant le
tribunal du lieu de situation de l’immeuble.

III. Actions possessoires et pétitoires

Ces deux actions ne se retrouvent qu’en matière immobilière.


Les actions pétitoires sont les actions qui tendent à la sanction d’un droit réel. Il peut s’agir de
protéger le droit de propriété lui-même. Exemple : action en revendication d’un droit de
propriété. L’action peut porter sur un démembrement (usufruit, servitude…). L’action
pétitoire, dont l’objet porte sur un démembrement du droit de propriété est soit une action
confessoire ou une action négatoire. La première catégorie englobe les actions tendant à la
reconnaissance ou à l’exercice d’un droit de servitude, d’usufruit ou d’usage ; quant à l’action
négatoire, elle est celle tendant à faire qu’un fonds ne soit pas grevé d’une servitude, d’un
usufruit ou d’un droit d’usage.
La caractéristique essentielle des actions pétitoires est de mettre en cause le fond du droit réel
litigieux. Le plaideur qui l’exerce, invite le juge à déterminer si le droit réel immobilier existe
et qui en est le titulaire. Les actions pétitoires sont soumises au droit commun des actions en
justice. Elles sont de la compétence exclusive du tribunal de grande instance dans le ressort
duquel est situé l’immeuble en cause. Par ailleurs, l’action en revendication est
imprescriptible. De plus l’usufruit d’autrui sur le bien revendiqué ne peut y faire échec. En
effet, aux termes de l’article 210 de la RAF, la prescription ne peut en aucun cas constituer un
mode d’acquisition ou de libération des droits ou charges réelles immobilières.
Les actions possessoires quant à elles, sont des actions spéciales dont l’objet est d’assurer la
protection de la possession ou même la simple détention des droits réels immobiliers. La
possession repose sur un simple fait : c’est la situation dans laquelle une personne exerce les
attributs du droit de propriété avec l’intention de se comporter comme un propriétaire sans

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pour autant disposer d’un titre de propriété. Il y a une présomption simple de propriété
lorsqu’il y a possession.

A. Intérêts de la distinction entre l’action pétitoire et l’action possessoire

Ces intérêts sont à rechercher dans les fondements de protection de la possession. Pourquoi
instaurer un régime de protection de la possession en dehors de la préoccupation de savoir si
cette possession est le signe d’une véritable propriété ? La justification de l’action possessoire
est double.
D’abord, il y a le plus souvent coïncidence entre le possesseur et le véritable titulaire du droit,
de sorte qu’en protégeant le possesseur on protège normalement et du même coup le
propriétaire. Même dans le cas où cette coïncidence n’existe pas, en protégeant le possesseur
grâce aux actions possessoires c’est le droit de propriété qui est indirectement protégé. Cette
explication ne vaut toutefois que pour le possesseur et non pas pour le détenteur.
Ensuite, les troubles portés à la possession sont souvent générateurs de troubles à l’ordre, à la
tranquillité et à la paix publique. Il est donc préférable, pour éviter cela, de protéger les
situations apparemment acquises. En conséquence, la possession est supposée légitime jusqu'à
preuve du contraire. Si un tiers s’en estime lésé plutôt que de se faire justice à lui-même, il
devra saisir le tribunal compétent pour faire rétablir ses droits en exerçant par exemple une
action pétitoire s’il se considère propriété de l’immeuble.
Le législateur et la jurisprudence sont d’accord pour ne pas protéger les usurpateurs. Certaines
précautions sont donc prises. Ainsi, les actions possessoires ne protègent pas n’importe quelle
situation de fait et le véritable propriétaire peut toujours faire reconnaître ses droits par
l’exercice de l’action pétitoire.
Les troubles possessoires peuvent prendre des formes variées ; et trois types d’actions
possessoires sont mis à la disposition des particuliers : la complainte, la dénonciation de
nouvelle œuvre et la réintégrande.
Ces différentes actions possessoires obéissent à un régime commun. Toutefois, en raison des
circonstances différentes de leur intervention il existe quelques particularités entre elles
justifiant l’existence d’un régime juridique propre à chaque action.

B. Régime commun aux trois actions possessoires

1. La capacité et le pouvoir pour agir

Les actions possessoires ne mettent pas en cause le fond du droit. Elles ont un caractère
conservatoire pouvant ainsi être exercées par tous ceux qui ont le pouvoir d’accomplir des
actes conservatoires et à fortiori de simples actes d’administration. On cite par l’exemple
l’indivisaire ou l’administrateur des biens d’autrui qui peut agir seul au possessoire sans
pouvoir spécial à cet effet.

2. La compétence

Dans le souci de faciliter l’exercice rapide et économique des actions possessoires, ce sont les
tribunaux les plus décentralisés qui ont en général la compétence d’attribution pour en
connaître. Ainsi, au Burkina Faso c’est le T.G.I qui a reçu compétence exclusive pour
connaître des actions possessoires quelque que soit l’importance des intérêts en cause.
Du point de vue de la compétence territoriale, c’est généralement le tribunal du lieu de
situation de l’immeuble qui doit être saisi (art 44 C.P.C).

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3. Le délai d’exercice

Les actions possessoires destinées à mettre fin à une atteinte à l’ordre et à la tranquillité
publique doivent être exercées rapidement eu égard au fait que le trouble possessoire en tant
que tel peut constituer une situation grave. Ainsi, les actions possessoires doivent être
exercées dans le délai d’un an à compter du trouble. Ce délai commence à courir dès la 1 ère
manifestation du trouble possessoire et selon la jurisprudence il peut être suspendu par un cas
force majeure. Cette exigence est justifiée étant entendu que si la victime d’un trouble
possessoire n’agit pas dans l’année du trouble c’est que ledit trouble n’est pas suffisamment
grave. Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour apprécier le moment précis
où un fait ou un acte trouble la possession. Le délai d’un an pour agir en justice ne doit pas
être confondu avec le délai d’un an que doit présenter la possession ou la détention pour
pouvoir accéder au bénéfice de la protection possessoire.

4. La règle du non cumul du possessoire et du pétitoire

Les actions possessoires tendent à la protection de la possession en tant que telle, autrement
dit de simples manifestations extérieures, apparentes, factuelles du droit. Il n’est pas permis
de rechercher devant le juge du possessoire si le droit existe véritablement ou si l’apparence
correspond à la réalité. Ainsi, le possessoire et le pétitoire ne sont jamais cumulés. Il en
résulte des conséquences importantes pour le juge et pour les parties.

a. Conséquences de la règle du non cumul du possessoire et du pétitoire pour le juge


du possessoire

D’abord, le juge du possessoire ne doit pas rechercher, en fonction d’éléments tirés du fond
du droit quel est le titulaire du droit. Il peut utiliser des titres de propriété comme des moyens
de preuves invoqués notamment pour vérifier que les conditions légales de la protection
possessoire sont réunies.
Il est également interdit au juge du possessoire de surseoir à statuer dans l’attente d’une
décision du juge du pétitoire.
Le juge du possessoire enfin, ne doit pas se prononcer sur le fond du droit, soit directement
dans le dispositif de sa décision, soit indirectement dans un motif qui serait le soutien exclusif
de sa décision.

b. Conséquences de la règle du non cumul du possessoire et du pétitoire pour les


parties

Le demandeur victime d’un trouble possessoire qui a saisi d’abord le juge du pétitoire ne peut
plus ensuite (pour le même trouble possessoire), agir au possessoire. Il est réputé avoir
renoncé à la protection possessoire, du moins pour les troubles à la possession antérieurs à
l’action pétitoire. Si des troubles nouveaux se produisent au cours de l’instance pétitoire,
l’action possessoire pourra être intentée.
Lorsque l’affaire est engagée d’abord au possessoire, aucune des parties ne pourra saisir le
juge au pétitoire tant que l’instance possessoire n’est pas terminée. Bien plus, le défendeur qui
à succombé au possessoire ne peut saisir le juge du pétitoire qu’après avoir totalement exécuté
les condamnations prononcées contre lui au possessoire. Il doit notamment mettre fin au
trouble apporté à la possession car il est de la volonté du législateur que la possession, voire la
simple détention soit protégée en elle-même.

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La protection possessoire ne peut être invoquée par le détenteur qui se trouve en conflit avec
celui de qui il tient ses droits. Par exemple, un locataire ne peut exercer l’action possessoire
contre son bailleur car le juge pour préciser les droits de l’un ou l’autre devrait trancher sur le
fond du droit ; ce qui le conduirait à cumuler le possessoire et le pétitoire.

5. Les conditions d’octroi de la protection possessoire

La protection possessoire n’est accordée qu’à ceux qui possèdent ou détiennent paisiblement.
Elle est ainsi exclue pour ceux qui se sont mis en possession ou en détention ou encore pour
ceux qui s’y maintiennent par la force ; par exemple les squatters.
Dans ce cas, c’est le juge du pétitoire qui est compétent pour trancher le litige opposant le
possesseur ou détenteur de force et l’auteur du trouble possessoire.

C. Les règles particulières à chacune des actions possessoires

Il existe en effet un régime juridique propre à chaque action possessoire en raison de leur
origine historique particulière et des circonstances différentes dans lesquelles chaque action
possessoire est exercée.

1. Les règles particulières à la complainte

L’action en complainte est d’origine coutumière et elle ouverte au possesseur dont la


possession fait l’objet d’un trouble actuel c'est-à-dire un trouble déjà réalisé au moment ou
l’auteur engage son action. Elle suppose trois conditions :
D’abord le trouble possessoire peut être un trouble de fait purement matériel, soit un trouble
de droit.
Exemple de troubles de fait : le passage sur le terrain d’autrui ; pose de câbles électriques ou
télégraphiques au-dessus d’un terrain non bâti.
Exemple de troubles de droit : sommation faite à un locataire de payer les loyers entre les
mains d’un tiers autre que le bailleur ; ou encore sommation faite au locataire de quitter les
lieux.
Que le trouble soit de fait ou de droit, il doit tendre à une véritable contradiction de la
possession (c'est-à-dire que son auteur manifeste une prétention ou invoque un droit contraire
à la possession).
La possession doit ensuite exister depuis au moins un an pour que le possesseur puisse agir.
Enfin la possession doit être conforme aux exigences de l’art 2229 du C.Civ c'est-à-dire
qu’elle doit être continue, paisible, publique et non équivoque.

2. Les règles particulières de l’action en dénonciation de nouvel œuvre

Cette action vient du droit Romain et elle tend à obtenir la suspension de travaux qui
menacent à terme de troubler la possession. Par exemple, un voisin entreprend des travaux
dont il est certain qu’ils contrediront lorsqu’ils seront suffisamment avancés une servitude
(droit réel) de vue sur un fonds. Dans une telle hypothèse, il est préférable d’agir
immédiatement pour prévenir le trouble plutôt que d’attendre qu’il soit réalisé.
L’action en dénonciation de nouvel œuvre est donc une action préventive pour faire cesser un
trouble éventuel. Elle présente des avantages pour le possesseur comme pour le tiers auteur du
trouble éventuel. Le premier va ainsi éviter que le trouble se réalise effectivement en prenant
les devants. Tandis que le second va échapper à l’obligation ultérieure de démolir. A la
différence de la complainte, pour la mise en œuvre de l’action de dénonciation de nouvel

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œuvre le trouble est éventuel et non actuel. Par contre elles sont soumises aux mêmes
conditions d’exercice.

3. Les règles particulières à la réintégrande

Cette action possessoire vient du droit canonique et tend à protéger les possesseurs et même
les détenteurs qui ont été dépossédés totalement ou partiellement à la suite d’une violence ou
d’une voie de fait. Par exemple un tiers détruit les arbres que possède son voisin ou encore
pénètre dans un local possédé par celui-ci et plus précisément il y pénètre par la force. Il est
de l’intérêt général tout comme de l’intérêt privé que les choses soient entièrement remises en
état. La réintégrande est une action possessoire plus largement ouverte à la victime du trouble
possessoire que les deux autres actions. Ainsi aucune condition quant à la durée de la
possession n’est exigée. Les seules conditions exigées sont celles de la paisibilité et de la
publicité.

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Chapitre 2 : Les conditions pour engager une action en justice.

L’existence de l’action en justice est fonction de certaines conditions. Pour que l’action existe,
certaines conditions doivent être remplies, il s’agit des conditions de recevabilité de la
demande. Il existe une condition générale et première d’existence de l’action et de la
recevabilité de la demande, c’est la notion d’intérêt à agir. Il existe une autre condition
supplémentaire et réservée à certaines actions, c’est la condition de la qualité à agir. Par
exemple, seuls des gens mariés peuvent divorcer.
Enfin, l’action peut parfois s’éteindre par l’écoulement du temps et s’exercer dans un certain
délai.

Section I : Les conditions relatives à la personne qui agit


I. Le droit d’accès aux tribunaux

En principe toute personne a accès aux tribunaux (article 4 de la constitution et article 2 du


CPC). Ce droit est un corolaire logique de l’interdiction de se faire justice à soi-même. La
faculté reconnue à tous de saisir les tribunaux s’exerce en principe sans discrimination et
emporte des conséquences pratiques.
Pour saisir les tribunaux, il faut exister juridiquement. En pratique cela signifie que la
demande en justice formée au nom d’une personne décédée ou encore la demande en justice
formée au nom d’une personne qui n’a pas été déclarée à l’état civil est irrecevable. En outre,
sont irrecevables les demandes formées par des groupements (association, syndicat, société
n’ayant pas la personnalité juridique).
Pour l’accès aux tribunaux aucune discrimination n’est établie selon que le demandeur est
burkinabè ou étranger. Toutefois afin de garantir le défendeur burkinabè contre l’insolvabilité
de l’étranger, il est exigé que ce dernier pour l’examen de sa cause verse préalablement une
caution appelée judicatum solvi.

II. L’intérêt pour agir

L’intérêt à agir est la condition primordiale de la recevabilité de la demande. C’est une


condition générale et systématique. Il faut toujours avoir intérêt à agir en justice. C’est une
condition de salubrité juridique. Il serait extrêmement dangereux d’admettre n’importe qui à
agir en justice, dans cette période de manie processive et d’engorgement des tribunaux. C’est
une condition de tous les temps, il a toujours été admis qu’il faut un intérêt à agir. « Pas
d’intérêt, pas d’action », « l’intérêt est la mesure de l’action. ».
L’action doit être susceptible de lui procurer un avantage. La décision qu’il recherche doit lui
permettre d’atteindre cet avantage. On a pu déclarer irrecevable faute d’intérêt l’action en
partage d’un indivisaire débiteur d’une indivision d’une somme supérieure à ce qu’il pouvait
prétendre dans le partage.
Lors d’un héritage, deux enfants de sang ont des droits mais l’un d’entre eux a souscrit un
emprunt qu’il ne peut plus rembourser. Si l’enfant qui demande le partage est débiteur de la
somme égale à la valeur du bien hérité, il n’a pas d’intérêt à demander le partage, il sera donc
irrecevable. Le juge peut soulever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt.
L’avantage peut être économique, matériel, juridique ou simplement moral. L’intérêt doit être
personnel, né, actuel et certain, légitime et juridique.

A. L’intérêt personnel

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Cette condition coule de source, dans un contentieux subjectif. Lorsque l’action a pour objet
de faire reconnaître un droit subjectif, a autrement dit une prérogative individuelle, on ne
conçoit pas qu’un autre puisse agir en justice. C’est une nécessité logique que l’intérêt soit
purement personnel. Chacun doit se mêler de ses affaires, on se méfie des « bons
samaritains », les bonnes volontés ne font pas les bonnes décisions. La gestion d’affaire n’a
pas sa place sur le terrain purement procédural.

B. L’intérêt né et actuel.

L’intérêt doit être né et actuel au jour de l’exercice de l’action en justice. Si l’intérêt a disparu,
l’action ne subsiste plus. C’est, par exemple, un héritier qui a cédé à un tiers ses droits dans la
succession. Puis un légataire se manifeste. L’héritier n’a plus intérêt à agir en nullité car son
intérêt a disparu et son action aussi par voie de conséquence. Inversement, un intérêt qui serait
simplement futur, et plus gravement encore, un intérêt qui serait purement hypothétique
n’ouvrirait pas une action en justice. Par exemple, quelqu’un est bénéficiaire d’un pacte de
préférence sur un immeuble. Un voisin de celui qui a concédé le droit de préférence construit
sur le terrain que l’on espérait recueillir plus tard. Le titulaire du droit de préemption ne peut
pas agir en justice, car le droit est hypothétique.
Il faut composer avec des situations plus douteuses. Il faut prévenir un trouble, une perte
juridique qui risque de se réaliser à très court terme. Pourquoi ne pas agir tout de suite,
« mieux vaut prévenir que guérir ». L’action en justice va pouvoir le cas échéant, sanctionner
un tel intérêt de prévention. Cet intérêt ne se conçoit qu’en contemplation d’un intérêt
purement futur. Par exemple, en droit du cautionnement, la caution qui a payé à la place du
débiteur principal, si le créancier poursuit la caution, le caractère subsidiaire de la caution lui
offre un recours après paiement, mais le Code civil autorise la caution dans certains cas
particuliers à agir directement avant même que le créancier l’ait menacé de payer, contre le
débiteur. Dans le cas d’un risque imminent, la caution peut se garantir contre le débiteur
principal. On est manifestement en présence d’un intérêt de prévention.
Il y a le cas de l’article 194 du Code de procédure civile. Ce texte autorise à obtenir par
procédure de référé ou sur requête, procédure accélérée, avant tout procès, des mesures
d’instruction, par exemple, une expertise, pour établir ou conserver des preuves qui sont
menacées de disparition, dans la mesure où ces preuves pourraient servir dans un procès futur.
On va ouvrir une procédure devant le juge des référés avant d’intenter une action en justice.
Ainsi le législateur autorise des actions sur un intérêt qui n’est pas purement actuel. Mais le
principe demeure quant à l’interdiction des actions préventives. On peut ranger trois types
d’actions :
- Première catégorie : les actions déclaratoires. L’action déclaratoire a pour objet de
faire reconnaître en justice une situation qui n’est pas encore contestée mais qui risque de
l’être prochainement. Les tribunaux sont institués pour résoudre un conflit actuel, ils ne sont
pas institués pour résoudre dans l’abstrait des problèmes de droit. Il y a des exceptions comme
l’action déclaratoire de nationalité, la reconnaissance préventive de paternité.
- Deuxième catégorie : les actions provocatoires. L’action provocatoire a pour objet de
contraindre celui qui se prétend publiquement titulaire d’un droit à agir en justice, pour faire
valoir son droit ou bien y renoncer définitivement. Cette action est contraire au principe de la
liberté d’agir en justice et est fermée en principe de manière très rigoureuse.
- Troisième catégorie : les actions interrogatoires. Ces actions permettent au titulaire
d’une option de l’exercer immédiatement, de l’obliger à l’exercer immédiatement. En matière
de société, par exemple, l’article 1844-12 du Code civil permet de contraindre celui qui se
prétend titulaire d’une action en nullité soit d’exercer cette action, soit de régulariser. Il doit
exercer ce choix sous la contrainte de l’action en justice.

26
C. L’intérêt légitime pour agir.

C’est la dernière condition que doit réunir l’intérêt. Que faut-il entendre exactement par
légitimité ?
Dans un sens premier, on peut dire que l’intérêt légitime est conforme au droit. La légitimité
de l’intérêt implique sa juridicité. L’intérêt doit être juridique. Il doit être tel que le juge soit
apte à trancher le litige par application de la règle de droit. Le litige doit trouver une solution
juridique, c’est la notion de l’intérêt au sens premier. Ce premier sens soulève une difficulté.
La recevabilité de la demande ne doit pas être confondue avec le bien fondé de celle-ci. Il faut
se demander si le plaideur A ou le plaideur B est titulaire d’une action qui permet au juge de
le départir. C’est cette question sur laquelle nous statuons. L’intérêt est une question de la
recevabilité de la demande. N’y a t il pas un glissement de la recevabilité vers l’appréciation
de la demande ? Ce glissement n’existe pas. Le juge qui a à se demander si l’intérêt est
légitime ne doit pas préjuger à la solution à donner au fond du litige. Il doit simplement se
demander, à ce stade, si le litige est tel qu’il peut trouver sa solution au droit. Il s’interroge sur
la juridicité du litige, sans entamer la discussion du bien-fondé juridique. Il n’y a donc pas de
glissement vers l’appréciation du bien-fondé de la demande.
Si aujourd'hui, on s’avisait de déférer Galilée à la justice au prétexte qu’il aurait prétendu que
la terre tourne autour du soleil et pas l’inverse, cela ne serait pas possible. Le juge n’est pas
scientifique. Celui qui agit en justice serait déclaré irrecevable pour faute d’intérêt juridique.
Sa demande sera irrecevable.
La légitimité de l’intérêt a un autre sens. On ne se satisfait pas toujours en effet d’une
appréciation toujours juridique de la légitimité. Parfois, le juge, au nom de cette condition va
accepter de porter un jugement de valeur sur les prétentions qui lui sont soumises, sous les
prétentions des plaideurs. Autrement dit, le juge va se demander si les considérations de
morale voire d’opportunité ne font pas obstacle à l’action. Cette seconde utilisation n’est pas
orthodoxe, mais existe parfois. Il y a des exemples en droit des obligations dans la réparation
du préjudice moral, irréfléchi et indirect. La question s’est posée de savoir si la concubine
peut obtenir réparation du préjudice moral que lui cause le décès de son concubin.
- Dans un premier temps, la Cour de Cassation lui avait opposé une irrecevabilité pour
faute d’intérêt légitime. Cette jurisprudence a été abandonnée en 1970 par la Cour de
Cassation. Mais cette hypothèse utilise très bien la condition de la légitimité de l’intérêt à agir.
De même, la règle « nemo auditur » qui interdit de restituer en cas de contrat annulé pour
immoralité de la cause, les prestations versées, en est un exemple. La question est de savoir si
le juge ne pourrait pas utiliser directement les termes généraux du Code de procédure civile,
l’exigence formelle d’un intérêt légitime, sur la recevabilité des demandes qui lui sont
fournies.
Aujourd'hui, le pouvoir judiciaire qui tend à obtenir une indépendance de la norme légale
montre que cette notion de la légitimité va être utilisée de plus en plus fréquemment.
- Exiger que l’intérêt soit légitime, c’est exiger un intérêt suffisant pour agir, exiger que
l’intérêt ne soit pas insignifiant, mais sérieux, non dérisoire. Le juge a tout intérêt à défendre
cette conception de la légitimité de l’intérêt à agir sinon il risque d’être submergé par des
litiges qui devraient rester le non droit. Le juge ne devrait pas connaître des litiges sans
importance. Par exemple, une demande de réparation à hauteur de quelques centaines de
francs pour un préjudice corporel serait irrecevable.
En raisonnant autrement, en appréhendant la justice en tant que source officielle, en tant
qu’autorité créatrice de droit, le débat prend un tout autre sens, pour le droit dans son
ensemble, une querelle sans intérêt économique, peut avoir un intérêt juridique. Se battre pour
le droit peut intéresser la jurisprudence. On s’aperçoit que cette condition de légitimité
devient rapidement palpable. La jurisprudence en fait un usage très modeste. Il a, par

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exemple, été jugé que celui qui doit restituer la chose dont il était possesseur ne peut exiger
l’indemnisation de dépenses minimes qu’il a engagé sur le bien. C’est une application de la
règle « de minimis. » Il ne peut déférer la restitution en demandant le remboursement de
dépenses minimes qu’il a engagé sur le bien.
À l’opposé, une jurisprudence connue voit l’hypothèse classique de l’empiétement de
propriété. La Cour de Cassation rappelle qu’un empiétement de quelques centimètres autorise
la destruction de l’édifice qui dépasse sur son terrain et n’a à justifier d’aucun préjudice
particulier.
Il reste que l’intérêt n’est pas la seule condition de la recevabilité de la demande. Il existe une
condition supplémentaire, c’est la qualité à agir.

III. La qualité à agir

Il s’agit de l’article 12 du Code de procédure civile : « l’action est ouverte à tous ceux qui ont
un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention sous réserve des cas dans lesquels la
loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une
prétention ou pour défendre un intérêt déterminé. ». Autrement dit, il ressort de ce texte que
du moins dans le contentieux privé, la qualité est une exigence supplémentaire par rapport à
l’exigence de l’intérêt et une exigence spéciale par rapport à la condition générale de l’intérêt
à agir. C’est ainsi qu’il faut distinguer deux types d’actions.
Il y a d’abord la terminologie des actions banales selon les doyens Cornu et Foyer. Il s’agit
d’actions ordinaires. Pour celles-ci, la justification d’un intérêt est suffisante. On s’intéresse
seulement à la condition d’intérêt. Mais il y a d’autres actions pour lesquelles on exige qu’une
seconde condition soit réunie, la condition de qualité. Ces actions sont qualifiées volontiers
d’actions attitrées, par opposition aux actions banales. Elles sont attitrées car c’est la loi qui va
qualifier les personnes qui peuvent agir. La loi prendra bien sûr en considération la situation
juridique particulière. Cette condition peut remplir deux fonctions. Il faut se référer à l’article
12 du Code de procédure civile. La qualité est parfois exigée pour agir dans un intérêt
personnel et l’autre non.

A. La qualité pour agir dans un intérêt personnel

Cette première condition est visée clairement par l’article 12 du Code de procédure civile
lorsque le texte précise que la qualité consiste à attribuer le droit d’agir aux seules personnes
que la loi qualifie pour élever ou combattre une prétention. La loi, de manière autoritaire, va
restreindre le nombre de personnes qui peuvent agir. Elle restreint le nombre des personnes
habilitées à agir et le fera en ne se contentant plus de n’importe quel intérêt personnel. Elle
exigera un intérêt spécial qui seul qualifiera à agir en justice. On voit tout le bénéfice que l’on
peut retirer de la qualité qui sera pour le législateur un moyen parmi d’autres de limiter le
contentieux, par la prescription, la forclusion.
Il s’agit de pratiquement tout le contentieux familial, le contentieux de l’état des personnes, le
contentieux du mariage, des divorces. Ces actions sont typiquement des actions attitrées. La
Cour de Cassation a rappelé qu’un enfant n’était pas recevable à agir en nullité du mariage de
ses parents pour erreur sur la personne de l’autre. Deux précisions :
- C’est la loi et la loi seule qui peut imposer cette condition supplémentaire de qualité.
On comprend bien du reste cette précision car l’action est un droit subjectif que seul le
législateur peut limiter. Le principe est l’action banale. L’action attitrée est l’exception.
- L’exigence supplémentaire de la qualité n’écarte pas nécessairement l’exigence
élémentaire de l’intérêt à agir.

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Normalement, lorsque l’on est reconnu avoir qualité à agir, on considère qu’il y a aussi intérêt
à agir. Par exemple, lorsque l’on a qualité à agir en divorce, on a implicitement intérêt à agir.
La qualité fait présumer l’intérêt. Ce principe n’est pas absolu. Parfois, plus
exceptionnellement, il faudra justifier spécialement de l’intérêt en plus de la qualité. La
jurisprudence a fait une interprétation intéressante de cela en droit des sociétés comme les
actions spéciales d’annulation en minorité. Il faut être minoritaire, mais aussi avoir intérêt à
agir.
La Chambre commerciale de la Cour de Cassation a rappelé qu’ici le seul fait d’avoir qualité
ne présume pas l’intérêt à agir. Si l’on a intérêt, la demande sera irrecevable. Le principe est
celui de la présomption d’intérêt derrière la qualité, mais parfois il faut prouver les deux.

B. L’attribution de la qualité pour la défense d’intérêts déterminés

1. La reconnaissance de la qualité pour défendre un intérêt collectif

L’article 12 du Code de procédure civile y fait allusion. « Pour défendre un intérêt


déterminé », la loi attribue parfois la qualité à certaines personnes seulement pour la défense
d’intérêts déterminés. Cette situation se dédouble et correspond à deux situations différentes.
Soit c’est la première subdivision de la seconde fonction. L’action ne tend pas à la défense
d’un intérêt personnel, individuel, mais d’un intérêt collectif. Puisque l’action tend ainsi, la
condition élémentaire de l’intérêt ne permet pas de sélectionner les personnes qui vont
pouvoir agir. Par définition, la sanction demandée est un intérêt collectif. C’est la loi qui va
décider dans cette hypothèse qui pourra agir dans la défense d’intérêts collectifs.
La qualité parfois, va permettre d’élargir, non plus de restreindre le cercle des titulaires de
l’action, en qualifiant certaines personnes pour agir, pour la défense des intérêts d’autrui cette
fois-ci. Autrement dit, dans les deux cas, on supprime l’exigence d’un intérêt personnel.
L’intérêt en cause dans le litige est un intérêt collectif. Il est clair qu’il faut que la loi désigne
une habilité pour agir. La condition de l’intérêt ne permet pas de définir l’habilité pour agir,
car c’est un intérêt collectif. C’est donc la loi qui doit habiliter à agir à cet effet. Lorsque cet
intérêt collectif est si collectif qu’il en est général, l’habilitation est évidente, c’est le ministère
public qui va être habilité à agir car il est chargé de défendre les intérêts de la société. Il
faudrait décider que le ministère public est le seul à défendre l’intérêt général. C’est le rôle du
ministère public. C’est le rôle de la légalité abstraite, c’est pourquoi des textes lui
reconnaissent la possibilité de se porter partie principale dans la défense de l’intérêt public, de
l’ordre public. Dans le contentieux des mariages frauduleux, le ministère public a des
possibilités d’actions. Il en est de même en matière d’incapacité. Il en est de même pour le
contentieux du redressement et de la liquidation judiciaire.
Depuis le XIXème siècle et au cours du XXème siècle des intérêts catégoriels se sont
développés. Des catégories sociales ont revendiqué un intérêt collectif. Ces intérêts
catégoriels furent confiés à d’autres que le ministère public. L’article 347 alinéa 2 du Code du
Travail permet aux syndicats de représenter et d’assister les travailleurs devant le tribunal du
travail.
De même, des textes instituent des autorités administratives indépendantes qui sont chargées
de fonction de régulation économique. Les textes reconnaissent le pouvoir d’agir en justice
pour faire cesser certaines pratiques illicites. On les autorise à défendre un intérêt collectif,
non personnel mais individualisé. Aujourd'hui, de nombreuses associations agréées par les
textes et qui sont instituées pour la défense d’un intérêt collectif habilitent ces associations à
agir en justice pour la défense de l’intérêt qui constitue leur objet statutaire. Il s’agit d’agir
dans un intérêt collectif. Il ne faudrait pas que les associations puissent prétendre agir pour la
défense de n’importe quel intérêt en s’érigeant défenseur de l’intérêt collectif. Il leur faut une

29
attribution légale de qualité. Si elles ne sont pas agréées, en principe, elles ne peuvent agir que
dans leur intérêt personnel. L’association pouvant être victime d’un comportement, ou bien
dans l’intérêt de leurs membres. Encore faut-il d’ailleurs qu’elles aient reçu de ces membres
un mandat pour agir, l’intérêt étant personnel à chacun. Il reste que ce principe a parfois été
contourné, pour ne pas dire bafoué par la jurisprudence face au mouvement de certaines
associations. Certains juges ont estimé qu’ils pouvaient attribuer à certaines associations
qualité pour agir dans un intérêt collectif.
Certaines décisions ont autorisé certaines associations à agir dans la limite de leur objet social.
C’est le cas d’un arrêt de la Première Chambre civile du 27 mai 1975, de la Première
Chambre civile du 14 novembre 2000. Dans toutes ces hypothèses, il est assez clair qu’il ne
s’agissait pas seulement de reconnaître à l’association la possibilité d’agir dans son intérêt
personnel ou même dans l’intérêt de ses membres. Dans toutes ces hypothèses, l’intérêt
bafoué était l’intérêt de l’individu. Et la réparation était celle d’un intérêt collectif.
La Cour de Cassation avait entendu mettre fin à ce mouvement jurisprudentiel par un arrêt de
la Chambre commerciale du 19 janvier 1999. En l’espèce, la Cour de Cassation a jugé
qu’ « ayant relevé qu’une entreprise n’est pas membre d’une association professionnelle, ce
dont il résulte qu’elle ne lui a pas confié la défense de ses intérêts, (il n’y a pas de mandat), la
demande de cette association, tendant à obtenir réparation du dommage qu’un tiers en ne
respectant pas la réglementation applicable cause à cette entreprise. Cette demande doit être
déclarée irrecevable. ». La Cour de Cassation ajoute que « cette demande fut-elle fondée sur
la défense de l’intérêt collectif qu’elle dit représenter. » pour la Cour de Cassation, on ne peut
pas prétexter d’une atteinte à un intérêt individuel pour habiliter d’une manière prétorienne
cette association à agir dans un intérêt collectif. L’arrêt fur reçu par la Doctrine en règle
générale.
Plus récemment, d’autres décisions ont paru prendre le contre-pied de celle-ci. Notamment un
arrêt de la Deuxième Chambre civile du 27 mai 2004 qui a retenu solennellement qu’il résulte
de l’article 31 du Nouveau Code de procédure civile et de l’article 1 er de la loi du 1er juillet
1901 sur les associations, qu’hors habilitation législative, une association ne peut agir en
justice au nom d’intérêts collectifs qu’autant que ceux-ci entrent dans son objet social. Cette
précision sème le trouble car la Cour de Cassation accepte parfois de composer avec des
principes juridiques. Cela prive la solution de toute espèce de prévisibilité. On attend donc
une jurisprudence qui fixe les termes de manière définitive.

2. La reconnaissance de la qualité pour la défense de l’intérêt d’autrui.

Il paraît difficilement admissible que n’importe qui puisse agir en justice dans l’intérêt de
n’importe qui. Chacun doit défendre son intérêt personnel. Le principe ne peut être que
l’exclusion d’une telle action au nom d’autrui. Le droit d’action est aussi le droit de ne pas
agir. C’est un choix de ce droit subjectif. Par conséquent, on ne peut permettre à une personne
d’agir de son propre mouvement sans en rendre compte à la personne dont l’intérêt est
concerné. Cela permettrait de reconnaître que la liberté de ne pas agir n’existe pas.
Aussi vrai qu’en droit des contrats, chacun doit agir pour son propre compte, selon le principe
de l’effet relatif des contrats, en procédure civile, il y a le principe de l’indépendance
juridique des personnes. C’est la conséquence du principe d’égalité qui domine toute la loi
civile.
Le Conseil constitutionnel dans une décision du 25 juillet 1989 estime qu’il ne saurait être
question de priver une personne de son droit d’agir et d’agir à sa place au seul motif que cette
tierce personne serait plus protectrice. Une disposition du Code du Travail a été censurée en
ce sens qu’un syndicat pouvait agir sans autorisation d’un salarié.

30
Ce principe d’indépendance est-il un principe néfaste ? Si l’on ne peut agir personnellement,
rien n’interdit de donner mandat à un tiers pour exercer à sa place le droit d’action dont on est
titulaire personnellement. On peut donner mandat d’exercer une action en justice, c’est le
mandat « ad agendum » à ne pas confondre avec le mandat « ad litem » donné à l’avocat pour
représenter son client dans la procédure. Il ne s’agit plus alors d’une question de qualité pour
agir en justice. La question n’a plus trait à l’existence du droit d’action. C’est une question de
représentation dans les actes de la procédure. Par conséquent, la sanction encourue ne sera pas
du tout la même. La personne qui se prétend qualifiée pour agir en justice au nom d’autrui
encourt une irrecevabilité de sa demande car elle n’est pas titulaire du droit d’action. La
personne qui prétend avoir reçu le pouvoir de représenter autrui dans la procédure encourrait
non pas une irrecevabilité mais la nullité des actes de la procédure pour défaut de pouvoir, car
elle n’avait pas le pouvoir requis pour faire la procédure. Quoi qu’il en soit, la technique qui
va être utilisée en législation pour permettre la défense en justice des intérêts d’autrui se
ressent de cette dualité des techniques. On peut utiliser une attribution de qualité ou une
représentation dans l’exercice de l’action. Les deux techniques peuvent être utilisées.
Tout d’abord, il peut y avoir une simple représentation conventionnelle. C’est l’intéressé qui
donne mandat mais ce mandat peut être conféré par la loi le cas échéant. Ainsi, certaines
associations se voient reconnaître la possibilité d’agir en justice pour la défense de leurs
membres. Cela se rencontre au profit des syndicats. Il n’est pas rare en droit du travail que
l’on reconnaisse aux syndicats professionnels le pouvoir d’agir ou non. Ce syndicat n’exerce
pas une action qui lui soit propre. Le syndicat exerce en représentation l’action des salariés
qui sont directement et personnellement intéressés. Cette représentation légale ne doit pas
contrevenir aux principes constitutionnels sus évoqués. Le syndicat est présumé avoir mandat,
mais encore faut-il qu’il avertisse le salarié pour que ce dernier ait toujours préservé sa liberté
de ne pas agir.
- Cette analyse vaut aussi pour les actions dites en « représentation conjointe. » Ces
dernières années, des actions en représentation conjointe ont été introduites en droit français
et tentent de combler un vide dans l’organisation procédurale et juridique. Des revendications
de défense de consommateurs veulent voir introduire en droit français les « class-actions. »
L’idée est que dans les rapports entre consommateur et professionnel, le déséquilibre est tel
comme en matière de téléphonie, par des systèmes d’entente. Certains consommateurs
individuels ont voulu obtenir réparation. L’enjeu est toutefois minime. Les individus sont
dissuadés d’agir en justice. Or, pour le professionnel, l’addition des préjudices individuels
serait considérable. Une personne s’autoproclamerait le champion d’une cause qui le dépasse.
Il va demander réparation non pas de son préjudice individuel mais de celui de l’ensemble des
consommateurs. C’est un système que reçoivent certains pays de tradition anglo-saxonne
comme les Etats-Unis, à charge ensuite de se répartir les sommes collectées entre ceux qui se
représenteront. Il faut bien remarquer que cette action est incompatible dans notre système du
procès français. En effet, une personne va s’autoproclamer qualifiée là où seule la loi peut
attribuer la qualité.
- Ce système va être rendu pour toutes les personnes dont l’intérêt individuel est compris
dans l’intérêt collectif. Le principe de l’autorité relative de la chose jugée éclaterait en
miettes. Qui peut dire que le consommateur en agissant individuellement n’aurait pas mieux
défendu sa cause ou bien qu’on ne va pas tourner au détriment de l’intérêt individuel ? De
plus, il y a le danger de dérives de la pratique judiciaire. Aux Etats-Unis, certains avocats se
sont fait les champions du démarchage de procès envers de grosses sociétés car ils se font
payer au pourcentage du résultat de la procédure. Ce système, en droit français serait contraire
à la déontologie des avocats. Le législateur a toujours résisté, mais pourrait céder à la pression
sociale.

31
Pour ce faire un substitut fut créé le système de l’« action en représentation conjointe. » Une
ou plusieurs associations sont agréées par l’autorité publique pour obtenir réparation au nom
des personnes qui les ont spécialement mandatées à cet effet. Le mandat exigé est un mandat
écrit. Les personnes vont demander mandat de poursuivre la réparation de leur préjudice
individuel. Nous sommes alors dans un système de représentation de l’exercice de l’action.
C’est ainsi que les associations agréées défense des consommateurs ou de l’environnement se
sont vues accorder ces facultés.
Il est probable que le législateur devra faire un pas en avant, car ce système n’est pas
performant. Alors pour concilier les nécessités procédurales du système français et les besoins
du consommateur, une proposition a été faite par le Doyen Guinchard : « une class-action à la
française dans le Dalloz p : 2005. » .Le Doyen Guinchard propose le procès en deux phases.
- Dans une première phase, le procès aurait pour but d’obtenir une action en responsabilité de
principe contre le professionnel. Une seule personne pourrait poursuivre cette première phase.
Elle pourrait agir au nom de l’intérêt collectif si elle fait partie du nombre de personnes
flouées.
- Mais une fois le principe de la responsabilité acquis, le procès cesserait provisoirement pour
permettre l’intervention volontaire à l’instance du plus grand nombre de victimes intéressées
personnellement pour leur permettre de s’associer volontairement. Alors, une condamnation
pourrait intervenir qui réparerait le préjudice subi par toutes les personnes intervenues à
l’instance. Il y aurait les avantages de l’action de classes, sans ses inconvénients.
À titre exceptionnel, le droit français consacre une véritable attribution de qualité pour la
défense des intérêts d’autrui. C’est le droit qui confère une action pour agir dans l’intérêt
d’autrui. L’hypothèse la plus claire est celle de l’action sociale « ut singuli. ». C’est en
matière commerciale, on suppose que les représentants d’une personne d’une société sont
défaillants dans la défense de la société. Des personnes qui ne sont normalement pas
habilitées à représenter la société, qui n’ont pas de mandats de gestion de représentation
entendent agir en réparation du préjudice subi par la société du fait de ses mandataires
sociaux, de ses représentants. Effectivement, la loi les autorise exceptionnellement à agir à
cette fin, pour le compte de la société. Individuellement, un associé va pouvoir agir pour la
société. Il va agir de manière « ut singuli ».
Dans cette hypothèse, par définition, nous ne sommes pas en présence d’une représentation de
la société, mais d’une substitution dans l’exercice des droits de la société. Les associés se
substituent à la société. Les bénéfices seront versés à la société. Leur intérêt n’était
qu’indirect. L’intérêt personnel est celui de la société. Comment expliquer cette substitution
dans l’action ?
Par une attribution légale de qualité, cet autrui étant la société. Cette exception au principe est
opportune. Il y a défaillance des organes sociaux. Par conséquent, il faut habiliter une autre
personne à agir au nom de celle-ci. Il reste que si opportune soit-elle, cette solution n’est
qu’exceptionnellement prévue par les textes. La question qui se pose alors est de savoir si l’on
pourrait admettre une action ut singuli en dehors de cette hypothèse.
La jurisprudence à ce qu’il semble ne l’a jamais admis au moins ostensiblement.

IV. La capacité pour agir

Le droit d’ester en justice est contenu dans la capacité de jouissance et appartient en


conséquence à tout sujet de droit. En d’autres termes, pour être titulaire d’une action en
justice, il suffit d’avoir la capacité de jouissance soit pour une personne physique être en vie
et pour un groupement avoir la personnalité juridique. Toutefois, pour ester seul en justice et
quelque soit l’objet du litige, il faut avoir la capacité d’exercice normalement reconnu à toutes
les personnes majeures c’est-à-dire celles âgées d’au moins 20 ans. Autrement, pour exercer

32
l’action par le jeu d’une demande en justice, il faut en principe avoir la capacité d’exercice et
la capacité d’agir. Cependant, il faut tenir compte des incapacités d’exercice édictées dans le
souci de protéger certaines personnes. Ainsi, le mineur non émancipé et le majeur en tutelle
ne peuvent agir en justice. En revanche leurs représentants, administrateur légal ou tuteur
peuvent librement introduire une action pour eux dès l’instant que cette action a un caractère
patrimonial. Le majeur en curatelle peut introduire seul une action relative à ses droits
patrimoniaux.
Dans l’hypothèse ou une demande en justice serait présentée par une personne frappée
d’incapacité d’exercice, la sanction encourue serait la nullité de la demande avec toutefois les
particularités suivantes :
D’abord le caractère relatif de la nullité disparaît en ce sens que l’adversaire de l’incapable
peut se refuser à plaider tant que la procédure n’est pas régularisée.
Ensuite, une fois le jugement rendu, la nullité ne peut plus être invoquée que par le moyen
d’une voie de recours.
Au total, la capacité d’exercice comme condition de l’action en justice est pour nombre
d’auteurs moins une condition d’ouverture de l’action qu’une condition de validité de la
demande, l’acte juridique qui met en œuvre l’action en justice. Il s’en suit les deux hypothèses
suivantes :
- Si le demandeur a la capacité d’exercice, il a également en règle générale le pouvoir
pour agir et celui qui a, à la fois la capacité et le pouvoir peut néanmoins mandater quelqu’un
pour agir à sa place. C’est le mandat ad agendum qu’il ne faut pas confondre avec le mandat
ad litem.
- Si le demandeur n’a pas la capacité d’exercice, il peut néanmoins ester en justice par
l’intermédiaire d’un représentant auquel la loi ou le juge donne pouvoir pour agir.

Section II : les conditions relatives à l’objet de l’action

En principe la prétention invoquée pour l’exercice de l’action doit être de l’ordre juridique
c’est-à-dire susceptible d’avoir une solution positive à l’application d’une règle juridique.
L’objet de la prétention peut constituer une condition d’ouverture de l’action en d’autres
termes une condition de recevabilité de la demande.
D’abord selon l’article 1351 du code civil, l’action en justice de manière générale est refusée
aux parties lorsque la demande a déjà été jugée. Dans ce cas il y a autorité de la chose jugée et
sauf application des voies de recours, cette prétention déjà soumise à l’examen du juge et
ayant été jugée n’est plus recevable. Elle constitue une fin de non recevoir.
Ensuite l’action en justice ne doit pas être contraire à la loi et aux bonnes mœurs. Par
exemple, la jurisprudence fait application de la règle nemo auditur pour ne pas examiner les
prétentions illicites ou immorales. Ainsi, le juge peut déclarer irrecevable une demande en
restitution consécutive à l’annulation d’une convention contraire aux bonnes mœurs ou à
l’ordre public.

Section III : les conditions relatives à la nécessité d’agir dans un certain délai.

Il est exceptionnel que l’action puisse être exercée indéfiniment. De la même façon que les
droits substantiels s’éteignent avec le temps, l’action en justice s’éteint habituellement à
l’expiration d’un certain délai. Il y a des limites évidemment. Ces limites temporelles sont de
deux ordres. L’action peut s’éteindre par la prescription et aussi par les délais préfixes, encore
appelés délais de rigueur.

I. La forclusion

33
La forclusion étant la sanction des délais de rigueur. Parfois, l’action est enfermée dans des
délais de rigueur. Il n’est possible d’agir en justice que pendant un temps limité, appelé délai
préfix, ou de rigueur. À l’expiration de ces délais, les demandes sont frappées d’une fin de
non-recevoir. Dans le contentieux de la copropriété, les délais de contestation de décisions
prises en assemblée générale sont de deux mois à compter de la notification au propriétaire.
Plus généralement, quand on a obtenu une décision en première instance qui ne nous satisfait
pas, un appel est possible, mais la durée est limitée à deux mois. C’est un délai de forclusion.
Ce qui réunit sur le plan théorique les délais préfix, ce sont des délais qui sont sanctionnés par
l’extinction de l’action seulement. C’est l’action en justice elle-même et seule qui disparaît.
Le droit processuel n’est pas concerné. Il l’est indirectement. On ajoute aussi en Doctrine que
le délai préfix est indépendant dans son fonctionnement de toute idée de sanction.
L’application du délai préfix se veut objective. Il faut enfermer dans un délai fermé ni plus ni
moins les actions.
Ce critère selon certains auteurs permettrait de faire le départ de la prescription.

II. La prescription.

Il s’agit de la prescription extinctive, l’extinction du droit par l’écoulement du temps. On a


donné plusieurs présentations de la prescription. Pour certains, la prescription serait un constat
objectif d’un décalage entre le fait et le droit.
Or, la prescription ne concerne pas seulement les droits substantiels, mais aussi les actions en
justice, le droit processuel d’action. Le Code civil en porte la marque. L’article 2262 du Code
civil prévoit que toutes les actions réelles et personnelles sont prescrites pendant trente ans.
Toute la difficulté est de déterminer l’objet exact de la prescription. Pour certains auteurs de
la thèse conceptualiste, la prescription atteindrait directement l’action en justice et ne porterait
jamais que sur l’action en justice. Pour d’autres auteurs de la thèse substantielle, la
prescription porterait sur les deux.
Toute la question est de savoir si l’on est en présence d’un délai de prescription ou d’un délai
de rigueur. Parfois, le législateur le précise mais d’autre fois, il pose un délai sans préciser la
nature de ce délai. La réponse à cette question était essentielle. Il y a une différence de régime
importante entre les deux types de délais. La prescription, contrairement à la forclusion, était
susceptible d’interruption, de suspension, ce qui n’aurait pas été le cas des délais préfix. Mais
aujourd'hui, cet intérêt semble avoir largement disparu. En effet, l’article 2244 du Code civil
pose le principe qu’ « une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à
celui qu'on veut empêcher de prescrire, forment l'interruption civile». Autrement dit, du point
de vue de l’interruption, il n’y aurait plus de distinction à faire si ce n’est que la prescription
serait d’intérêt privé et la forclusion serait d’intérêt public.

34
Chapitre III : L’exercice de l’action en justice.

L’exercice de l’action se résout soit dans la demande, soit dans la défense. En vérité, les
choses sont plus compliquées, la demande et la défense sont des manifestations de celle-ci.

Section 1 : La demande en justice.

La demande est la mise en œuvre de l’action, l’exercice de l’action. C’est l’acte procédural
par lequel une personne soumet au juge une prétention. On se dit alors que l’on peut préciser
que cet acte procédural est celui qui va enclencher le procès mais la demande ne se réduit pas
à cela, elle peut être initiale, reconventionnelle ou additionnelle. Il y a plusieurs variétés de
demandes.

I. La typologie des demandes.

Il y a plusieurs critères de classification des demandes. On peut classer les demandes suivant
le stade de l’instance. Ainsi, on peut opposer la demande initiale aux demandes incidentes.

A. La demande principale

La demande initiale est celle qui précisément va introduire l’instance. C’est celle par laquelle
le procès est introduit, engagé, c’est ce qui ressort de l’article 103 du Code de procédure
civile qui la définit. Un plaideur prend l’initiative du procès en soumettant au juge une
prétention. Cette demande va donc engager l’instance entre les parties et le juge. Cette
demande va introduire un lien d’instance qui ne sera créé que dans un deuxième temps, quand
la demande sera placée par un acte d’assignation d’huissier invitant le défendeur à se rendre
devant le Tribunal.
La demande est le premier acte de la procédure de création du lien d’instance. Il existe quatre
(04) modes pour porter une demande initiale. Elles sont énumérées à l’article 104 du Code de
procédure civile qui dispose que « sous réserve des cas où l'instance est introduite par requête
ou par la présentation volontaire des parties devant le juge, la demande principale est formée
par assignation ou par requête conjointe au greffe de la juridiction ».

B. Les demandes incidentes

On le voit, avec l’énumération de l’article 104 du CPC, il y a des modes exceptionnels pour
introduire l’instance et des modes considérés comme habituels. Ceci étant dit, aux demandes
initiales sont opposées les demandes incidentes.
Les demandes incidentes sont des demandes qui sont formulées au cours même de l’instance,
une fois que l’instance a été introduite par la demande initiale étudiée. Ce sont des demandes
nouvelles qui viennent se greffer sur la demande initiale.
Ces demandes nouvelles sont des tempéraments au principe que ce dont le juge va trancher est
délimité par la défense de l’adversaire, par l’acte introductif d’instance, et par les conclusions
en défense de l’adversaire selon l’article 20 du Code de procédure civile. Elle peut en quelque
sorte s’élargir de demandes nouvelles. Simplement, ces demandes doivent présenter un lien
avec la demande initiale. Il faut qu’il y ait un lien de connexité suffisant selon l’article 20 du
Code de procédure civile, avec la demande initiale.
L’article 106 du Code de procédure civile distingue trois variétés de demandes incidentes.

1. La demande reconventionnelle

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C’est celle par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple
rejet des prétentions de son adversaire, autrement dit du demandeur initial, c’est ce qui ressort
très exactement de l’article 108 du Code de procédure civile.
Autrement dit, il ne se contente pas de défendre, mais soumet aussi au juge sa demande. C’est
l’exemple d’une personne qui agit en nullité du contrat et demande des dommages-intérêts. Il
y a alors demande reconventionnelle. Il émet une prétention et demande au juge de
l’exécuter. Il ne va pas se contenter de demander le rejet de la partie adverse mais va formuler
lui-même une prétention indépendante dont le juge aura à connaître. Le juge sera saisi de
deux demandes qu’il aura à juger concomitamment.
Il ne faut pas la confondre avec la demande additionnelle.

2. La demande additionnelle

C’est celle qui s’ajoute aux prétentions initiales. En somme, c’est la demande par laquelle l’un
des plaideurs va modifier ses prétentions antérieures. C’est exactement ce que dit l’article 108
du Code de procédure civile. Ces demandes sont fréquentes car un litige évolue au fur et à
mesure de l’instance. On songera à de nouveaux moyens, on enrichira ses prétentions par des
demandes additionnelles.
Il faut tenir compte également des demandes en intervention.

3. La demande en intervention

C’est celle qui a pour objet de rendre un tiers partie au procès. C’est celle qui va ajouter une
nouvelle partie à l’instance. Il faut donc supposer qu’un litige intéresse plusieurs personnes et
qu’il ait engagé entre deux de ces personnes seulement. Un tiers à l’instance intéressé au litige
a été laissé en dehors du procès. L’intervention va permettre de rendre ce tiers à l’instance
partie à celle-ci. On va l’associer juridiquement au lien d’instance. Cette association peut
prendre deux caractères opposés.
L’intervention peut être volontaire. L’association sera du fait de ce tiers lui-même. C’est lui
qui sollicite sa participation au procès. Il demande à être associé à l’instance.
Mais sa participation peut aussi être forcée. L’une des parties au procès va mettre en cause
le tiers. C’est par exemple celui qui est responsable, débiteur d’une obligation de réparation
qui va appeler à l’instance son assureur pour qu’il le garantisse. C’est le vendeur assigné par
l’acheteur d’un bien immobilier qui va appeler à la cause le constructeur pour le garantir de
malfaçons dont il se plaint.
Le jugement ainsi rendu à l’instance sera un jugement commun aux parties originaires et au
tiers devenu partie à l’instance. Le jugement a une autorité de jugée à l’égard de tous. Il
s’impose relativement et ne concerne que les parties à l’instance. On ne peut se prévaloir d’un
jugement rendu à l’égard de deux personnes. On ne veut pas que le jugement puisse lui être
opposé en l’état. Si l’on veut que le jugement ait l’efficacité envers une tierce personne, il faut
le faire intervenir en l’instance.
Ce sont des formes de l’intervention principale, par opposition à l’intervention accessoire ou
conservatoire.
Au titre de l’article 114 du Code de procédure civile, l’intervention principale tend à conférer
au tiers intervenant, la qualité de partie au procès.
Lorsque l’on parle d’intervention accessoire, l’intervenant ne prend pas part au procès, mais
soutient les prétentions d’une partie à l’instance. Il reste donc en retrait. Le jugement rendu
sera rendu entre les seules parties originaires, les parties initiales. Les créanciers d’un
copartageant peuvent soutenir les prétentions de leur débiteur.

36
4. La demande subsidiaire

Dans toutes les hypothèses de demandes, la demande doit exposer les prétentions, les moyens
de la partie qui les forme et faire mention des pièces justificatives. Il faut noter une
particularité de ces demandes incidentes.
Si on laisse de côté l’intervention forcée, les demandes incidentes vont pouvoir être formées
par un acte du Palais. On n’est pas obligé d’emprunter les formes ordinaires, en particulier
l’assignation.
Autrement dit les demandes additionnelles ou reconventionnelles vont pouvoir être formulées
par un simple échange de conclusions des avocats. C’est une économie de forme qui entraîne
une économie de coût. On peut encore classer les demandes suivant l’importance respective
qu’elles ont dans l’argumentation de la partie.
Sous ce rapport, on va distinguer la demande principale des demandes subsidiaires et encore
annexes ou accessoires.
- La demande principale : C’est celle qui exprime les prétentions les plus importantes
de la partie.
- La demande subsidiaire : C’est une demande fréquente dans les conclusions, ce sont
des demandes présentées pour le cas où la demande principale ne serait pas accueillie. On ne
serait pas sûr de sa cause, pour le cas où le juge ne ferait pas droit à la demande principale. On
demande la nullité du contrat, pour vice du consentement, mais on n’est pas sûr du procès.
Pour se protéger contre le débouté des prétentions, on peut demander la réduction du prix, des
honoraires du prestataire à titre subsidiaire.
- La demande annexe, ou accessoire : C’est une demande qui va être présentée en plus
de la demande principale, elle est adjointe à la demande principale. On demande des
dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité civile. À titre accessoire, on va
demander la condamnation du défendeur aux dépens, au juge de rendre l’exécution provisoire
de la condamnation qu’il rendra.
Ces distinctions vont avoir une influence décisive dans le travail du juge.
Si toutes les prétentions sont sur le même plan, le juge devra répondre à tous les chefs de
demande, dire le droit sur toutes les prétentions soumises à titre principal. S’il y a maintenant
à côté des demandes principales, des demandes subsidiaires, il devra commencer par répondre
aux demandes principales. Ce n’est que s’il rejette les demandes principales qu’il examinera
les demandes subsidiaires car elles sont subalternes. Leur sort dépend étroitement de leur
demande principale. En effet, si le juge accueille l’action, il examinera les demandes
subsidiaires. Si le juge rejette la demande principale, il n’aura pas à se prononcer sur la
demande accessoire. Il est donc important dans les conclusions de déterminer ce qui participe
du principal et du subsidiaire.

II. Les conditions de validité des demandes.

La demande est un acte juridique. Elle va obéir à des conditions de validité qui sont des
conditions de fond et de forme. Ces conditions de fond et de forme sont en partie communes
aux différents actes de la procédure. Il y a des conditions générales de validité de tous les
actes de la procédure.
À côté de ces conditions générales, il existe des conditions de forme spécifiques aux
demandes. L’article 438 du Code de procédure civile qui envisage les conditions de forme de
l’assignation précise que l’assignation doit comporter à peine de nullité, outre les conditions
communes à tous les actes d’huissier de justice, qu’énumère l’article 438 du Code de
procédure civile, diverses indications qui sont les suivantes :
- L’indication de la juridiction devant laquelle la demande va être portée.

37
- L’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit.
Jusqu’à présent, on estimait que les parties ont apporté au juge les faits et qu’il doit les
qualifier car il est maître du droit. C’est dire que le travail juridique reposait exclusivement
sur les épaules du juge en théorie. Mais dans les procès complexes, on peut ne pas être certain
de qualifier. Cette dispense était très avantageuse pour les avocats. On a donc à cause de
l’engorgement des tribunaux en obligeant les avocats à qualifier les prétentions dès la
demande introductive de l’instance et tout le monde s’en félicite. Les avocats ont vu que cela
simplifiait leur travail et rendait le cas plus clair.
- L’assignation doit encore contenir l’indication que faute de comparaître, le défendeur
s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son
adversaire.
- L’assignation doit encore contenir l’indication des pièces sur lesquelles la demande est
fondée. Tous les éléments de preuve doivent donc être visés. Ces pièces sont énumérées sur
un bordereau qui lui est annexé. C’est ainsi que lorsque l’on assigne on doit récapituler toutes
les pièces communiquées à la partie adverse.
Enfin, si l’on se trouve dans la matière immobilière, il faudra, le cas échéant, procéder à la
publicité foncière, les demandes qui ont pour effet de remettre en cause les droits assujettis à
cette publicité. Il faudra que celle-ci indique la désignation des immeubles en conformité avec
cette publicité.

III. Les effets de la demande en justice.

La demande va établir un lien d’instance, elle est à l’origine du lien d’instance qui vaut aussi
bien à l’égard des parties que du juge.

A. A l’égard du juge.

Si l’on soumet au juge une prétention, il va de soi que cette demande va obliger le juge à se
prononcer. Le juge va devoir répondre à tout ce qui a été demandé par les parties mais à cela
seulement. Tout ce qui a été demandé et rien que ce qui a été demandé. C’est l’interdiction de
statuer ultra petita et infra petita, selon l’article 21 du Code de procédure civile. C’est une
manifestation du principe dispositif. Le juge ne répond que dans la mesure où il est saisi. Ni
plus ni moins.
De quoi le juge est-il exactement saisi ? Ce sont les prétentions respectives des parties, fixées
par la demande initiale, introductive d’instance et les conclusions en défense, qui vont fixer
cette matière litigieuse et la circonscrire sous la réserve des demandes incidentes dans la
mesure où elles se relient par un lien suffisant aux demandes originaires.
La demande fait naître l’état de litispendance. Ainsi, si une autre juridiction est parallèlement
saisie de la même demande entre les mêmes parties et pour le même objet, elle doit se
dessaisir même si par ailleurs elle eut été compétente pour en connaître.
Le jugement est en conséquence rendu aussitôt que requis. Il s’agit ainsi de ne pas faire
souffrir le plaideur des lenteurs de procédure ; c’est donc en principe au jour de la demande
que le tribunal doit se placer pour apprécier la recevabilité et le bien fond de la prétention du
demandeur. Les faits postérieurs au demandeur par exemple une loi nouvelle, un fait nouveau,
et modifiant les droits des parties ne doivent pas en principe être pris en compte sauf
dérogation légale ou jurisprudentielle.
Par exemple en matière de responsabilité civile, c’est au jour où le tribunal statue et non celui
où il est saisi que de l’appréciation du dommage et le montant de la réparation. Selon la
jurisprudence, lorsqu’un fait nouveau survient en cours d’instance et qui permettrait au
demandeur de renouveler sa demande avec succès, s’il venait à être débouté, il est normal

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d’en tenir compte dans les soucis d’une bonne administration de la justice. De même, en
matière de partage judiciaire, les biens doivent être évalués au jour du partage et non au jour
de la demande.

B. A l’égard des parties

Elle crée aussi des droits et obligations pour les parties. À partir de quand, concrètement, les
parties seront obligées par l’instance ? La condition nécessaire du lien d’instance est la
demande. La demande est le lien générateur du lien d’instance. Cette condition n’est pas pour
autant suffisante. Prenons l’hypothèse d’un procès qui se déroule devant le Tribunal de grande
instance, la forme ordinaire de la demande initiale est l’assignation. La demande sera
introduite par assignation.
L’assignation est un acte d’huissier de justice, signifié à la partie adverse. C’est l’acte par
lequel il est demandé à cette personne de comparaître devant le juge à une audience dont la
date est indiquée.
À ce stade, l’adversaire a été touché, mais le juge, de son côté, n’a pas encore connaissance de
l’instance. Il est étranger à cette signification. La signification de l’assignation doit se doubler
d’une seconde formalité à l’intention du Tribunal. L’assignation va encore devoir être placée,
enrôlée, autrement dit, il va falloir que l’affaire soit inscrite sur le rôle de la juridiction, le rôle
du Tribunal de grande instance dans notre exemple. Le rôle est l’agenda de la juridiction où
sont inscrites toutes les affaires qu’elle doit trancher. Cet enrôlement doit être fait sans délai
par l’huissier de justice par le dépôt de l’original de l’assignation au greffe sauf s’il l’a remis à
l’avocat du demandeur auquel cas c’est celui-ci qui effectuera le dépôt (art. 446 CPC).
Suivant la jurisprudence, l’instance n’est liée qu’à compter de cette seconde formalité. C’est
alors que la juridiction est effectivement saisie.
S’il en est ainsi, c’est le jour de l’enrôlement qu’il va falloir retenir pour calculer si la
demande a été formée dans les délais qui s’imposent. On s’en tiendra à la date de
l’enrôlement.
La question s’est posée en jurisprudence de savoir si l’assignation non encore enrôlée ne
pourrait pas se voir reconnaître une certaine efficacité. L’assignation est-elle un acte propre
ou pourra-t-elle se voir reconnaître certains effets ? La Cour de Cassation a reconnu que
l’assignation, alors même qu’elle n’a pas encore été enrôlée n’interrompt pas moins la
prescription du droit substantiel. Cette situation peut paraître conforme à l’article 2244 du
Code civil. Cela dit, selon un arrêt de l’Assemblée plénière du 3 avril 1987, cette efficacité
est assez fragile. En effet, l’assignation doit être enrôlée dans le délai imposé, deux mois
devant le Tribunal de grande instance. Si le délai n’est pas imposé, elle se trouve frappée de
caducité. La caducité frappe l’acte juridique de toute efficacité et de manière rétroactive. La
caducité fera perdre à l’assignation son effet interruptif.
Le lien d’instance ne se crée pas immédiatement, il faut l’enrôlement. En vérité, l’instance est
introduite, mais elle n’est pas encore définitivement liée à l’égard de l’adversaire.
Juridiquement, il n’y a pas liaison de l’instance à l’égard de l’adversaire. A ce stade,
l’adversaire est resté purement passif. Rien ne dit que l’adversaire entend se défendre au
procès. Par conséquent, il faudra attendre la première manifestation procédurale du défendeur
pour être certain que l’instance sera bien engagée à son égard.
L’instance sera liée à l’adversaire lorsqu’il aura notifié ses premières conclusions au
demandeur. Il aura alors accepté l’instance. Techniquement, le fait de notifier des conclusions
revient à exercer le droit d’agir en justice, tel que l’envisage l’article 11 du Code de procédure
civile.
Cette solution est importante car tant que l’instance n’a pas été liée à l’égard de l’adversaire,
le demandeur peut toujours se désister unilatéralement de l’instance. Mais une fois que

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l’instance sera engagée juridiquement, il faudra obtenir l’accord du défendeur pour pouvoir se
désister, c’est ce que dit l’article 327 du Code de procédure civile.
La demande, à côté de ces effets processuels a aussi des effets substantiels. En effet, elle vaut
interruption de la prescription, mise en demeure, fait courir le cas échéant les intérêts
moratoires, rend l’action transmissible aux héritiers si elle ne l’était pas. C’est un effet
novatoire. Le défendeur à l’action tient à sa disposition trois techniques de défense.
- Il peut lui-même prendre l’initiative en formant une demande reconventionnelle, en
devenant à son tour demandeur. On entend ici les objections que peut opposer le défendeur
face aux demandes du demandeur.
- Il peut contester le bien fondé de la demande de la partie adverse. Il manifeste alors
une défense au fond. Le débat est engagé sur le fond du litige et suppose alors que soit
reconnu au demandeur le droit d’action correspondant. Le demandeur doit être titulaire du
droit d’action pour que sa demande soit recevable. S’il conteste la recevabilité de la
demande, il le fera en soulevant une fin de non-recevoir. C’est une autre défense.
- Il peut contester la régularité procédurale de l’exercice de l’action. On soulèvera alors
une exception.

Section II : Les défenses

Le défendeur à un procès peut ne présenter aucune demande reconventionnelle et se


contenter de résister à la demande de son adversaire. Pour ce faire, il dispose de moyens de
défense qui sont les défenses au fond, les exceptions de procédure et les fins de non recevoir.

I. La défense au fond

La défense au fond est prévue à l’article 120 du Code de procédure civile. Aux termes de ce
texte, « constitue une défense au fond, tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée
la prétention de l'adversaire». Autrement dit, le choc est frontal dans l’instance. On ne
conteste pas la régularité procédurale de l’instance, ou de la demande de l’adversaire mais le
bien-fondé. Autrement dit, on conteste à l’adversaire le droit substantiel qu’il invoque et qu’il
réclame ou bien les conséquences qu’il prétend en tirer. Pour ce faire, on peut utiliser toute
sorte de moyens de défense, comme par exemple, estimer que les prétentions de l’adversaire
manquent en fait.
On peut estimer que les conditions substantielles de la règle de droit ne sont pas réunies ou
bien les prétentions de l’adversaire défaillent en droit juridiquement, que la qualification
juridique que l’adversaire donne aux faits est vicieuse car ne répondant pas à la légalité. On
peut soutenir que la charge de la preuve pèse sur le demandeur et que ses prétentions sont mal
fondées.
Ce qui fait le propre de la défense au fond c’est qu’on discute au fond des prétentions de
l’adversaire. On se borne à cela. Il ne s’agit pas pour le défendeur de soulever une prétention
propre. On retomberait dans la demande reconventionnelle. Le défendeur reste sur une ligne
défensive, il n’y a pas de prétentions spécifiques.
Au plan procédural, elle peut être invoqué à tout moment du procès et ce jusqu’à la clôture
des débats. Elle pourrait même être invoquée pour la première fois en instance d’appel voire
devant la cour de cassation si le moyen est de pur droit.
Lorsque le moyen est accueilli, le demandeur perd définitivement son procès qui ne peut être
recommencé du moins sur le même fondement (sur la même cause, le même moyen). Le litige
est ainsi couvert par l’autorité de la chose jugée.

II. Les exceptions de procédure.

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Il ne faut pas galvauder cette exception. L’exception de nullité ne correspond pas à une
exception de procédure. Quand on assigne en exécution d’un contrat et que l’on soulève
l’exception de nullité, on fait une défense au fond.
Tout au plus, dans une certaine conception de la nullité, on pourrait y voir une demande
reconventionnelle, mais pas une exception de procédure. Il suffit de se reporter à l’article 121
du Code de procédure civile. Selon ce texte, « constitue une exception de procédure tout
moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le
cours. ». Autrement dit, dans ce cas, la contestation par définition ne porte pas sur le plan du
droit mais sur la procédure.
D’un autre côté, on ne conteste pas le droit d’action de l’adversaire. Encore une fois, ce que
l’on conteste est la régularité de la procédure suivie elle-même. C’est pourquoi l’obstacle de
l’exception de procédure élèvé aux prétentions de l’adversaire est un obstacle temporaire, qui
n’a rien de définitif. Si l’acte de procédure est irrégulier, on pourra le recommencer soit dans
le cadre de la même instance, soit dans le cadre d’une nouvelle instance, le cas échéant.
Cela dit, derrière cette définition commune, se cachent diverses variétés d’exceptions de
procédure. Il y a donc plusieurs variétés d’exceptions de procédure. Il existe quatre catégories.

A. L’exception de caution judicatum solvi

Cette exception permet au plaideur d’exiger de son adversaire, lorsque celui-ci est étranger et
ne dispose pas d’avantage de biens immobiliers au Burkina Faso, qu’il fournisse une caution
pour garantir les frais du procès et les dommages et intérêts auxquels il pourrait être
condamné. En raison des nombreuses conventions judiciaires signées par le Burkina Faso,
cette exception tombe de plus en plus en désuétude.

B. Les exceptions déclinatoires ou de renvoi, constituées par les exceptions


d’incompétence, de litispendance et de connexité

1. Les exceptions d’incompétence.

Une des règles essentielles au fonctionnement de la justice est celle de l’égalité des citoyens
devant la justice.
Si les défendeurs estiment que la juridiction saisie n’avait pas compétence à trancher le litige,
soit qu’elle était matériellement incompétente, juridiquement incompétente, ils pourront
soulever cette incompétence par voie d’exception. Simplement, il ne faudrait pas que
l’incompétence puisse être soulevée à des fins simplement dilatoires pour retarder le procès.
Dans ces conditions, la loi encadre cette exception d’incompétence de manière rigide. On
verra que d’une manière générale, les exceptions de procédure doivent être invoquées au
début de l’instance, in limine litis. Celle-ci doit être invoquée en tout début de l’instance, peu
importe que la règle violée soit d’ordre public. Après c’est trop tard, selon l’article 125 du
Code de procédure civile. Celui qui soulève l’incompétence du Tribunal ne doit pas se borner
à dénier cette compétence mais doit indiquer la juridiction compétente à peine
d’irrecevabilité, selon l’article 125 du Code de procédure civile.

2. Les exceptions de litispendance et de connexité.


a. La litispendance

On suppose qu’un litige unique est porté devant deux juridictions différentes dont on suppose
qu’elles sont également compétentes pour en connaître.

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C’est le cas de deux époux séparés de fait. Chacun assigne devant la résidence de l’autre. Il y
a donc deux juridictions compétentes. Mais une seule juridiction pourra en connaître. Quand
les juridictions sont du même degré, il faut s’en référer à l’article 130 du Code de procédure
civile.
La solution consistera pour la juridiction saisie en second à se désister au profit de celle qui
aura été saisie la première. Ce dessaisissement pourra intervenir de l’une ou l’autre des deux
parties.

b. La connexité

Deux juridictions ont été saisies, mais cette fois-ci de questions distinctes mais qui présentent
entre elles un lien tel qu’il est d’une bonne administration de la justice que ces questions
soient tranchées par une seule juridiction, qu’elles soient instruites et jugées ensemble.
Dans ce cas de la connexité, il pourra être demandé à l’une de ces juridictions de se dessaisir
et de renvoyer l’affaire dans l’état où elle se trouve à la connaissance de l’autre juridiction.
C’est l’article 130 du Code de procédure civile qui le précise.
Cette solution est avantageuse pour les parties. Cela évite une déperdition d’énergie et de
temps. Cette exception de procédure bénéficie d’un régime plus avantageux que les autres
exceptions. Les exceptions de procédure doivent être invoquées in limine litis.
Il n’en va pas ainsi pour l’exception de connexité qui peut être présentée en tout état de cause.
Simplement, le Code de procédure civile précise que si l’exception était présentée
tardivement, elle pourrait être écartée par le juge si elle présentait une intention dilatoire,
selon l’article 131 du Code de procédure civile.

C. Les exceptions dilatoires

Ces exceptions ont pour objet de suspendre l’instance dans l’attente d’un acte, par exemple.
Le juge a ordonné une expertise, et il faut attendre les résultats de l’expertise avant le
prononcé de la décision, ou bien l’attente d’un jugement avant dire droit, ou bien dans
l’attente de l’expiration d’un délai.
On peut suspendre l’instance dans l’attente de la survenance d’un autre évènement, comme
une décision de justice. Par exemple, dans le cas de l’attente d’une décision pénale, car le
pénal tient le civil en l’état, ou une question préjudicielle posée à un autre juge car la question
dépassait la compétence du juge.

D. Les exceptions de nullité (d'un acte de procédure).

Dans ces hypothèses, l’adversaire va opposer aux prétentions de l’autre partie, l’irrégularité
qui peut être de fond ou de forme, d’un ou plusieurs actes de procédure. Et souvent, en
particulier, la demande introductive d’instance n’a pas été rédigée dans les formes requises.
Les conditions seront différences selon qu’il s’agit d’une nullité de forme ou de fond.

1. La nullité pour vice de forme.

Il faut supposer qu’un acte de procédure a été accompli sans les formes que la loi imposait
pour sa validité.
Certaines formes imposées ad validitatem n’ont pas été respectées. Ces nullités pour vices de
forme sont très nombreuses car la procédure est très formaliste.

2. La nullité pour vice de fond.

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L’article 141 du Code de procédure civile donne une liste des irrégularités qu’il sanctionne
par une irrégularité de fond.
Selon cet article, « constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte, le défaut
de qualité et de capacité du requérant ou du destinataire de l'acte, le défaut du pouvoir d’une
partie ou d’une personne figurant au procès, comme représentant soit d’une personne morale,
soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice. La violation des règles
fondamentales qui tiennent à l’organisation judiciaire, notamment celle fixant la compétence
territoriale des huissiers de justice. Enfin, le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne
assurant la représentation d’une partie en justice. ».
Ce texte appelle plusieurs précisions. Subsistent après sa lecture quelques zones d’ombre.
Lorsque le texte vise le défaut de capacité d’ester en justice, il faut comprendre que le texte
vise seulement la capacité d’ester en justice et non pas la capacité de jouissance.
L’incapacité de jouissance renvoie à la titularité du droit d’action. Si l’on n’est pas titulaire du
droit d’action, on est sanctionné par une fin de non-recevoir.
On envisage l’exercice de l’action par un mineur non émancipé, par un majeur sous tutelle. La
nullité sera de fond. Le texte, parle aussi du défaut de pouvoir d’un plaideur. Le pouvoir est
l’aptitude à agir dans l’intérêt d’autrui. Ce défaut de pouvoir recouvre deux hypothèses
différentes.
- Celle d’un plaideur qui a agi seul pour le compte de plusieurs personnes intéressées
alors qu’il aurait fallu la participation ou l’autorisation à ces personnes. Par exemple, c’est un
indivisaire qui a agi en justice pour le compte de l’indivision sans avoir obtenu l’accord de ses
coindivisaires.
- Concerne la partie au procès, personne morale ou incapable. Celui qui juridiquement
est partie au procès est un incapable juridique. Dans ce cas, on peut imaginer que le
représentant de cette personne, le tuteur de l’incapable, le gérant de la personne morale ait agi
en justice pour le compte de l’incapable ou de la personne morale sans avoir le pouvoir de la
représenter valablement.
Le texte vise ensuite le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la
représentation d’une partie en justice. Cette dernière hypothèse correspond à une situation
toute différente. On suppose ici le défaut de capacité ou de pouvoir de la personne qui assure
la représentation en justice du plaideur. Autrement dit, le défaut de pouvoir ou de l’incapacité
de l’avocat ou de toute autre personne autorisée à représenter un plaideur, dans les procédures
sans représentation obligatoire.
Toutes ces hypothèses sont formellement envisagées par les textes. Or ne sont pas visées ici
toutes les conditions de validité des actes juridiques, des actes substantiels.
Les vices du consentement ne sont pas visés. Les actes de procédure sont exclusivement des
actes unilatéraux. Or les vices du consentement sont conventionnels, et ont vocation à régir
tous les actes même unilatéraux, la jurisprudence sanctionne donc les vices du consentement
et pourrait le faire en procédure civile, mais ne le fait pas. Ce silence ne vaut-il pas
exclusion ?
Cette énumération de l’article 141 du Code de procédure civile n’est-elle pas limitative ou
énumérative ?
Les nullités de fond sont envisagées de manières simplement énonciatives et non pas
limitatives dans l’article 141 du Code de procédure civile.
Premièrement, pour les nullités de forme, la loi précise qu’il n’y a pas de nullité sans texte et
précise le caractère limitatif de nullités de forme. Pour les nullités de forme, il n’y a rien de
tel, ces nullités sont simplement énonciatives.
L’article 143 du Code de procédure civile précise que les nullités de fond ne sont pas
assujetties à la règle qu’il n’y a pas de nullité sans grief. On peut invoquer la nullité même s’il

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n’en existe pas un préjudice. Pour ces raisons, l’article 143 du Code de procédure civile
précise qu’il peut s’agir d’une nullité qui ne résulterait d’aucune disposition expresse.
Ce texte suppose qu’il existe des nullités virtuelles. En dépit du principe que les nullités en
droit français sont virtuelles la jurisprudence a pris catégoriquement partie en faveur du
caractère limitatif des nullités de fond, de l’énumération de l’article 141 du Code de procédure
civile.
Elle l’a fait à plusieurs reprises dans un arrêt de la Troisième Chambre civile du 12 octobre
2005. Cette solution était pour le moins troublante.
En sens inverse, le défaut de capacité de jouissance, de personnalité juridique pour les
sociétés en particulier a parfois été assimilé par la jurisprudence à une irrégularité de fond.
Ont statué en ce sens la Deuxième Chambre civile dans un arrêt rendu le 13 janvier 1993 et la
Chambre commerciale dans un arrêt rendu le 26 octobre 1993.
Dans ces deux espèces, la jurisprudence a paru admettre qu’il s’agissait de nullités de fond et
qu’implicitement l’énumération de l’article 141 du Code de procédure civile n’était pas
limitative.
Ces irrégularités semblent devoir être sanctionnées par des fins de non-recevoir et non des
nullités. Ce régime est très proche des fins de non-recevoir et tout cela montre un grand
embarras dans la jurisprudence dans la classification des moyens de défense.
La plupart des décisions que l’on peut signaler dans le même sens, qui paraissent élargir les
nullités de l’article 141 du Code de procédure civile concernent toujours des groupements
dont le défaut de personnalité, de capacité ne sont pas nettement distingués.
La Cour de Cassation paraît vouloir se rapprocher au texte de l’article 141 du Code de
procédure civile (117 du nouveau code de procédure civile français) en y voyant des défauts
de capacité. On peut citer un arrêt rendu en Chambre mixte du 7 juillet 2006.
En l’espèce, une assignation avait été portée devant le Tribunal de commerce. Mais
l’assignation mentionnait une date d’audience qui correspondait à un jour férié. S’apercevant
de cette erreur, le demandeur avait réitéré l’assignation en modifiant la date d’audience mais
les défendeurs soulevèrent la nullité de la première assignation en soutenant que l’assignation
était nulle et n’avait pu interrompre la prescription qui avait joué extinctivement lors de la
seconde assignation. Devant la Cour d'appel, les défendeurs obtinrent gain de cause. La Cour
d'appel retint que la mention de la date d’audience est une mention substantielle et que
l’assignation qui en était privée n’avait pu saisir les juges et que cette assignation devait être
tenue pour radicalement inexistante, il n’était même pas besoin d’en prononcer la nullité.
Dans ces conditions, la prescription a pu jouer. La Cour de Cassation cassa l’arrêt de la Cour
d'appel en jugeant que : « vu les articles 114 et 117 du Nouveau Code de procédure civile,
ensemble l’article 855 du même code, attendu que quelle que soit la gravité des irrégularités
alléguées, seules affectent la validité d’un acte de procédure soit les vices de forme faisant
grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées à l’article 117 du Nouveau Code
de procédure civile. ».
Cette décision est remarquable car elle réaffirme le caractère limitatif de l’article 117 NCPC
(141 CPC Burkinabè) et deuxièmement, la Chambre mixte de la Cour de Cassation estime que
l’inexistence n’a plus droit de citer en procédure civile, il faut la qualifier soit de nullité de
fond ou de nullité de forme. L’inexistence n’est pas sanctionnée en elle-même. La Cour de
Cassation dit que la qualification qui s’imposait en l’occurrence était la qualification de nullité
de forme et non pas de nullité de fond. En appliquant ce régime, il faut prouver un préjudice
particulier pour le défendeur et, en l’occurrence, il n’y avait pas de préjudice particulier.
Autrement dit, on expurgeait la procédure de cette cause de nullité. Pour le bonheur du greffe
car il se peut que l’erreur vienne de l’erreur du greffe et le demandeur pourrait avoir été
débouté pour une erreur du service public de la justice.

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E. Le régime juridique applicable aux exceptions de procédure

Ce régime est commun aux différentes exceptions de procédure. La plupart des exceptions de
procédure doivent être soulevées simultanément. Ainsi, pour l’incompétence, pour les nullités
de forme, elles doivent être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de
non-recevoir. Peu importe à cet égard que les règles violées soient d’ordre public.
En pratique, cela signifie qu’elles doivent être soulevées par le défendeur dans le premier jeu
de conclusions adressées à la partie adverse, in limine litis, au début du procès. Elles peuvent
être présentées en même temps dans les mêmes conclusions, mais formellement avant elles.
Lorsque les exceptions sont favorablement reçues par le juge, elles ont essentiellement pour
résultat d’obliger l’adversaire à régulariser la situation par exemple : saisir la juridiction
réellement compétente, réitérer un acte d’assignation valable…
Exception dans l’exception de connexité. Il est fait exception à cette règle pour les nullités de
fond. A contrario, le principe s’applique aux nullités de forme, avec simplement une
précision, la nullité de forme peut se manifester au fur et à mesure de l’avancée du procès et
frapper des actes qui n’interviendront qu’ultérieurement dans l’instance. Il est évident que ne
devront être invoquées in limine litis que les nullités de forme relatives aux actes déjà
accomplis par l’adversaire. Pour les actes ultérieurs, il suffit que la nullité de forme soit
invoquée par le bénéficiaire de cette nullité. Avant de faire valoir de nouveaux moyens de
défense au fond, fins de non-recevoir, selon l’article 137 du Code de procédure civile.
Si un acte de procédure ne respecte pas les formes invoquées à peine de nullité, l’adversaire
pourra soulever cette nullité mais le droit ne l’admet qu’avec beaucoup de réserve. Si l’on en
vient aux querelles de forme, c’est que l’on n’a pas grand chose au fond à se mettre sous la
dent. L’obstacle qui résulterait de la nullité de forme sera provisoire. C’est pourquoi on
applique aux nullités de forme plusieurs règles restrictives.
Il n’y a pas de nullité de forme sans texte. Il ne suffit pas qu’un texte impose une forme, il
faut qu’un texte implique la nullité en cas d’inobservation de la forme, et doit être
expressément prévue par la loi. Cette solution n’est valable que dans la mesure où le
législateur n’omet aucune nullité de forme ou prévoit toutes les hypothèses ou la nullité
s’impose. On risquerait alors d’aboutir à cette solution que les irrégularités particulièrement
graves pourraient échapper à toute sanction, faute pour le législateur d’avoir prévu la nullité.
C’est pourquoi la jurisprudence a bâti une théorie des formalités substantielles.
Une jurisprudence de longue date a retenu que l’inobservation des formalités qu’elle estime
substantielles pouvait être sanctionnée de nullité en l’absence même de textes prévoyant la
sanction.
Le principe est qu’il n’y a pas de nullité de forme sans grief. « Pas de nullité sans grief. »
Pour obtenir l’annulation d’un acte de procédure pour irrégularité de forme, il faut pouvoir
justifier que l’inobservation de la forme a causé un préjudice à celui qui s’en prévaut, un
préjudice particulier, selon l’article 114 alinéa 2 du Nouveau Code de procédure civile.
À cet égard, l’article 139 du Code de procédure civile burkinabè assimile aux nullités de
forme ordinaires, les nullités de forme pour inobservation de formalités substantielles. Il
faudra toujours pouvoir justifier d’un grief.
Bien sûr, pour que la nullité de forme puisse être retenue, il faudra que celui qui s’en prévaut
n’ait pas fait valoir auparavant de défense au fond ou de fin de non-recevoir auquel cas, la
nullité serait couverte.
Pour les nullités de fond, le régime est bien moins restrictif. La nullité pour irrégularité de
fond ne peut pas être invoquée qu’in limine litis mais pour tout état de cause. Si la nullité est
invoquée tardivement dans un but dilatoire, l’adversaire qui va subir cette nullité pourra
solliciter des dommages-intérêts selon l’article 142 du Code de procédure civile.
Le plaideur doit rapidement invoquer cette nullité. Il n’est pas non plus utile.

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Lorsque la nullité correspond aux nullités d’ordre public, le juge devra la soulever d’office et
il pourra invoquer cette nullité fondée sur l’incapacité.
Il existe des règles qui sont communes aux nullités de forme et de fond.
Lorsque la nullité est prononcée de forme, ou de fond, elle va faire disparaître l’acte juridique
entaché de nullité. Elle emportera l’anéantissement de l’acte avec toutes ses conséquences
processuelles et substantielles. En outre, si l’acte annulé a servi de fondement à d’autres actes
de la procédure, tous ses actes vont se trouver eux-mêmes anéantis et c’est ainsi que si l’on
parvient à obtenir la nullité d’une assignation, c’est toute l’instance qui s’écroule car elle
reposait sur cet acte qui a créé ce lien.
C’est pourquoi les avocats ne manquent pas de soulever les nullités de forme même s’ils ne
sont pas sûrs d’obtenir gain de cause.

III. Les fins de non-recevoir.


A. La notion de fin de non-recevoir.

Celle-ci ne pose aucune difficulté mais résulte très clairement de l’article 145 du Code de
procédure civile aux termes duquel « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à
faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond pour défaut de
droit d’agir tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose
jugée. ». Ce texte montre que ce qui fait le propre de la fin de non-recevoir comme moyen de
défense consiste à contester au demandeur son droit d’action. Elle vise à faire déclarer
irrecevable l’adversaire en sa demande. Si l’adversaire, triomphe, le juge n’aura plus à
examiner le fond. On retrouve donc au titre de la fin de non-recevoir, l’autorité de la chose
jugée, les délais préfix, ces moyens de défense ne sont pas limitatifs, l’énumération de l’article
145 du Code de procédure civile n’est pas limitative. C’est ce que la Chambre mixte (France)
a rappelé le 14 février 2003 au sujet de la violation d’une clause de conciliation obligatoire.
Ces clauses de conciliation préalables n’avaient pas été respectées, la Cour de Cassation en a
tiré une fin de non-recevoir d’origine conventionnelle, non prévue à l’article 122 du Nouveau
Code de Procédure Civile (145 CPC Burkinabè). On peut signaler d’autres fins de non-
recevoir d’origine légale.
Certaines règles vont faire disparaître le droit d’action du demandeur. C’est l’exemple de la
transaction, du désistement d’action. Ces exemples ne sont pas prévus par l’article 145 du
Code de procédure civile.

B. Le régime des fins de non-recevoir.

Le régime des fins de non-recevoir est beaucoup plus favorable que le régime des exceptions
de procédure, du moins des exceptions tirées des vices de forme. C’est un régime très proche
du régime des défenses au fond.
La fin de non-recevoir doit être accueillie, que celui qui l’invoque justifie d’un grief ou pas.
Les fins de non-recevoir peuvent être prononcées en tout état de cause. Il n’y a pas besoin de
les invoquer in limine litis, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-
intérêts celui qui aurait tardé à les invoquer dans un but dilatoire.
Si au jour où le juge statue, la cause de celle-ci a disparu, si la cause d’irrecevabilité n’existe
plus, la situation doit être régularisée, le juge l’écartera. On peut donc régulariser les fins de
non-recevoir, cela ressort de l’article 149 du Code de procédure civile.
Inversement, le juge doit parfois soulever d’office les fins de non-recevoir, qui ont un
caractère d’ordre public.
Plus généralement, le juge va devoir soulever d’office les fins de non-recevoir pour
inobservation des délais pour former un recours. Lorsque le délai pour former des voies de

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recours est expiré, le juge doit obligatoirement déclarer le recours irrecevable, il en va ainsi
lorsque la voie de recours est catégoriquement fermée.
Le juge peut, c’est une faculté, soulever d’office la fin de non-recevoir qui est tirée du défaut
d’intérêt et aujourd'hui aussi du défaut de qualité ou de l’autorité de la chose jugée. Le juge a
de très grands pouvoirs en la matière.
La compétence est la détermination entre tous les juges, de celui qui a vocation à connaître
d’une question litigieuse, à la trancher. Celui qui sera choisi sera celui qui sera compétent. La
compétence est distincte du pouvoir juridictionnel.
Une fois que l’on a déterminé entre tous les juges celui qui est compétent, il faut encore
décider si le juge est habilité à prendre la mesure qui est sollicitée, à rendre la décision
demandée. Autrement dit, on s’interroge sur l’étendue des attributs juridictionnels du juge.
C’est la question d’appréciation de l’étendue des attributions juridictionnelles du juge.
La compétence donne lieu de la part du défendeur qui conteste cette compétence à une
exception : l’exception d’incompétence.
Pour ce qui est de l’excès de pouvoir, la sanction sera différente. En réalité, l’excès de pouvoir
du juge va donner lieu à une fin de non-recevoir. En vérité, on est dépourvu du droit d’action
que l’on soumet au juge.

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