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La FAO au Tchad

Appui à la filière Lait : Cahier d’un retour au Sahel

@FAOTchad

Issa SALAH ADOUDOU ARTINE est un électrotechnicien, passionné d’agro-industrie alimentaire qui a quitté son emploi dans une société d’import-export en Belgique, pour revenir au Tchad donner vie à sa passion. Il est issu d’une famille d’éleveurs, origenaire du village Keissa, près de Mandalia. C’est à bout de bras qu’en 1999, il va lancer sa structure « ARTINE » avec le matériel collecté durant ses années d’études en France. En Belgique, il a bénéficié d’une formation d’un an et demi à « FormAlim », un centre spécialisé dans l’industrie agro-alimentaire. Cet apprentissage combinait des stages pratiques dans les fermes et les usines.

 

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Il s’était mis en en tête d’avoir une carrière toute simple dans l’électrotechnique à l’Etranger. Ce n’était pas son destin. « Tu dois faire quelque chose, là où la matière première abonde» Ces mots résonnent encore dans la tête d’Issa Adoudou Artine comme si l’échange avait eu lieu la veille. Ils sont ceux d’un de ses enseignants, prononcés dix années plus tôt dans un centre spécialisé de formation en agro-industrie de Belgique. Les années se sont écoulées mais le projet d’Issa n’a pas pris une seule ride. Il reste convaincu que son pays est riche en opportunités. « Il suffit de creuser », martèle-t-il à qui veut l’entendre dans son magasin situé au quartier Béguinage où sont commercialisés les produits laitiers fraichement sortis de son unité de production ayant une capacité de production de plus de 5000 litres. Le lait pasteurisé, le yaourt sont quelques-uns des classiques de son usine. Sa grande nouveauté, c’est le fromage ail et fines herbes, fait à partir du lait de chamelle. C’est avec fierté qu’il se souvient avec nostalgie de ses débuts difficiles.

«Quand j'ai annoncé à mes proches mon désir de revenir m'installer au Tchad , les gens me prenaient pour un illuminé. Que va faire un ex-membre de la diaspora belge au pays me disaient-ils en riant ? »

Coup de poker ou coup de folie, selon ses propres termes, cet électrotechnicien reconverti en producteur laitier a tenu son pari avec à la clé la commercialisation de produits « Made in Tchad ». C’est avec le fruit de ses économies et des outils chinés durant plusieurs années qu’il a pu constituer et expédier son arsenal de départ. Pasteurisateur, écrémeuse, embouteilleuse, chambre froide etc sont en réalité la matérialisation des sacrifices consentis au nom de son désir de retourner s’installer et vivre dans son pays natal. A son arrivée, le site de klessoum qu’il occupe actuellement était encore inoccupé. Il aura fallu de long mois pour dégager une voie d’accès et pour mobiliser la soixantaine de femmes pour assurer la collecte et la livraison de la matière première qui n’est autre que lait de vache et de chamelle. Le mécanisme qu’il a instauré est basé sur la collecte des échantillons, l’analyse, le transfert, le traitement, la production et la commercialisation de ses produits. La formation technique, l’éducation et la sensibilisation n’étaient pas de tout repos. Le plus dur a été assurément de se faire accepter.

« Les gens me voyaient plus comme un étranger que comme un fils, il a fallu beaucoup de patience pour créer une relation humaine, gagner leur confiance et l’entretenir »

 

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Dans le cadre d’un projet FAO d’appui au renforcement des capacités des acteurs des chaînes de valeur lait et viande de dromadaire en périphérie de N’Djaména, Issa a pu bénéficier des techniques de transformation du lait en fromage couplées à des sessions d’hygiène alimentaire. Deux tricycles, deux congélateurs et des bidons – mazekan pour la collecte du lait dans les villages font partie du package mis à sa disposition par la FAO-Tchad, afin de faciliter ses déplacements vers les points de collecte et d’enrichir sa chaine de froid. « Contrairement à ce qui se faisait par le passé, les bidons-mazekan permettent aux femmes de collecter et de transporter le lait dans de meilleures conditions sanitaires » . « A la collecte, on est davantage rassurés du contenu » nous confie Issa. Grâce à cet appui, la qualité de ses produits a été améliorée et il se positionne progressivement sur le marché local. Artine, c’est la seule structure qui commercialise un fromage de qualité produit localement. Depuis son arrivée en 2013, son entreprise a généré plus d’une centaine d’emplois directs et indirects, essentiellement au bénéfice de jeunes tchadiens. Dans un pays où l’élevage est à la fois un héritage culturel et une activité génératrice de revenus pour une grande partie de la population, le rationnement en lait et la sous-alimentation du bétail sont parmi les principaux défis à relever. Pour toutes les communautés d’éleveurs, les animaux sont au centre de toutes les attentions. Leurs besoins passent souvent avant tout. De leur survie dépend celle de toute une communauté.

« Au début , j'ai eu du mal à convaincre les gens de venir travailler avec moi , mais aujourd'hui, les gens me saluent au village et demandent de mes nouvelles»

Issa continue de s’appuyer avec abnégation sur cette matière première mais il est sans cesse en quête d’une maîtrise de la filière. Lors de ses derniers entretiens avec la FAO, il nous a confié « qu'il est désormais question de produire suffisamment de fourrage pour disposer de l’aliment bétail en toutes saisons surtout en période de soudure animale. Ce n’est pas une fatalité, j'ai de l'espoir » . Il a mille fois raison. La terre est disponible, les communautés d’éleveurs sont galvanisées à l’idée de pouvoir nourrir leur bétail tout au long de l’année à proximité de leur terroir, la ressource eau ne présente pas une contrainte majeure et des espèces fourragères adaptées sont identifiées grâce à l’Institut de Recherche en Elevage pour le Développement (IRED). Pendant que cette idée est en maturation, dès l’année prochaine, Issa adoudou Artine ouvrira un nouveau chapitre de son aventure avec la production de crème glacée et de yaourts en petit format. Un nouveau cap à franchir pour ce désormais « fils du village », tombé dans une cuve de lait, et considéré aujourd’hui comme le pilier économique de toute une communauté. Ses « Parents » l’ont définitivement adopté et pour lui, c’est une belle revanche sur la vie, la preuve que l’avenir de la jeunesse du Tchad se trouve ici, pour ceux qui ont l’audace d’oser.

Depuis une dizaine d’années, « Artine » est devenue une entreprise spécialisée dans la transformation du lait de vache et du lait de chamelle en yaourt, fromage et lait pasteurisé. Elle emploie plus d’une centaine de personnes qui dépendent entièrement de son activité. Issa est à la fois un opérateur économique et un pilier pour sa communauté. En mars 2019, il a été distingué pour son travail par le 1er salon Africain de l’Agriculture (SAFAGRI) tenu à N’Djaména. La vision d’Issa est basée sur le développement de la chaîne de valeur du secteur de l’élevage en s’appuyant sur l’expertise nationale, pour contribuer à une diversification des emplois dans ce secteur vital. 









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