Papers by Jean Francois Caremel
Au niveau national, des motifs d'engagement multiple des acteurs d'appui.
Public Financial Management as an Enabler for Health Financing Reform: Evidence from Free Health Care Policies Implemented in Burkina Faso, Burundi, and Niger
Health Systems & Reform
La réponse ‘humanitaire’ à l’épidémie d’ébola en Guinée : entre routines et exceptions
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 2017

Les Aliments Thérapeutiques Prêts à l’Emploi et la "pharmaceuticalisation humanitaire" de la malnutrition au Sahel
Le Centre pour la Communication Scientifique Directe - HAL - SHS, 2015
Cet article analyse le rôle central joué par les Aliments Thérapeutiques Prêts à l'Emploi (AT... more Cet article analyse le rôle central joué par les Aliments Thérapeutiques Prêts à l'Emploi (ATPE) dans les transformations contemporaines de la réponse à la malnutrition infantile. Par cette entrée nous illustrons la manière dont un objet socio-technique innovant contribue, en Afrique, à transformer une « pathologie sociale » en un problème légitime de santé publique transnationale. En brossant la genèse complexe de ces produits, entre recherche, industrie et aide humanitaire, nous soulignons que leur caractère innovant relève essentiellement de la définition négociée, en contexte, de leurs usages par les soignants et les patients. Nous analysons ensuite comment ces solutions locales co-construites se généralisent. A travers les déplacements de la prise en charge de la malnutrition que ces produits autorisent (de l'hôpital au domicile, du médecin à la mère, du risque individuel au danger collectif) nous dessinons les modalités du passage du colloque singulier à une médecine de masse, d’une sanitarisation à une médicalisation puis à une biomédicalisation de la réponse à la malnutrition. Cette biomédicalisation se révèle doublement paradoxale car en déployant ces produits les acteurs de la médecine humanitaire contribuent à une démédicalisation et à une « pharmaceuticalisation » de la question de la faim extrême qui, en trouvant une solution technique « simple » tend, en partie, à se dépolitiser.
Cultures alimentaires et territoires
Le renouveau « humanitaire » des politiques de la faim au Sahel, (ou) comment la malnutrition est entrée dans la santé globale. Une petite anthropologie de la biomédicalisation de la faim au Niger
Depuis la crise alimentaire de 2005 au Niger s’est rapidement deploye, dans l’ensemble du Sahel, ... more Depuis la crise alimentaire de 2005 au Niger s’est rapidement deploye, dans l’ensemble du Sahel, autour de la problematique de la malnutrition, un dispositif d’aide medicale humanitaire sans precedent par ses volumes et son inscription dans le temps. En 2013, avec plus de 400 000 enfants atteints de malnutrition aigue severe soignes, contre a peine quelques milliers moins de 10 ans auparavant, le Niger, ce pays sahelien de 17 millions d’habitants, representait a lui seul 20 % des enfants maln...

Techniques & culture, 2018
Du champ à l'assiette, la mobilité des produits pose la question de leur conservation… Cette dern... more Du champ à l'assiette, la mobilité des produits pose la question de leur conservation… Cette dernière renvoie à des techniques et savoir-faire qui permettent de différer les temps et espaces de récolte et de consommation, en transformant des aliments périssables en aliments durables . Ils permettent d'anticiper les périodes de faible production, de garantir la comestibilité et de favoriser la diversification des aliments et des plats. Longtemps spécifiques aux contextes et aux matières premières, les techniques de conservation évoluent, se complexifient et se standardisent. Les techniques anciennes et artisanales comme le séchage, la mise en saumure, la conserve à l'huile, la salaison, la confiserie etc. sont perfectionnées et industrialisées. Elles sont articulées avec des techniques plus récentes : réfrigération/congélation, mise sous vide, lyophilisation… Ces évolutions vont de pair avec les transformations des systèmes agroalimentaires et des espaces domestiques. 1 Dans les réponses aux situations de crise, qu'elles aient des causes naturelles (sécheresse, inondation…) ou humaines (conflit, déplacement de populations…), les interventions d'urgence visant à répondre aux besoins alimentaires sont essentielles. Le champ de l'aide humanitaire remobilise en règle générale des techniques existantes, souvent basiques, au nom du pragmatisme de pointe (Carémel et al. 2018). Mais, en les déplaçant, en les confrontant à des contextes d'exception, au coeur de crises, on assiste à l'émergence d'innovations qui peuvent transformer la médecine transnationale 1 et conduire à des réappropriations dans et hors le champ de l'urgence. C'est la trajectoire d'un de ces nouveaux produits, et notamment les fonctions de ses emballages, que nous analysons dans cet article. À travers l'étude de la vie sociotechnique des Aliments Thérapeutiques Prêts à l'Emploi (ATPE) 2 nous éclairons la manière dont l'emballage d'un produit de l'industrie agroalimentaire contribue à sa trajectoire dans la santé globale. 2 Ce produit est d'apparence simple : 92 grammes d'une pâte obtenue à partir d'arachide, d'huile, de poudre de lait et d'un complexe de vitamines, de minéraux et de micronutriments, contenue dans un sachet rectangulaire (14 cm x 6 cm) aux imprimés rouge et blanc. Après ouverture du coin prédécoupé, il suffit que l'enfant (ou son accompagnant) porte le sachet à la bouche et le presse pour absorber progressivement les Emballages sans frontières Techniques & Culture , Suppléments au n°69
Des cultures alimentaires « sous régime d’aide » ? Négociations autour des Aliments Thérapeutiques Prêts à l’Emploi (ATPE) et de la malnutrition infantile (Sahel)
Anthropology of food
The “Humanitarian” Response to the Ebola Epidemic in Guinea
The Politics of Fear, 2017

Techniques & Culture, 2018
Cette contribution explore les enjeux de la conservation des aliments thérapeutiques prêts à
l’em... more Cette contribution explore les enjeux de la conservation des aliments thérapeutiques prêts à
l’emploi (ATPE). Objets frontières à la fois aliment et médicament, ces produits principalement
distribués par les acteurs de la médecine d’urgence ont transformé la prise en charge de la
malnutrition aiguë de l’enfant, en la sortant de l’hôpital pour la confier à l’entourage familial.
Leur mobilité dans les temps et dans les espaces d’exception de l’aide, comme leur diffusion
globale, peut s’expliquer par leurs propriétés sociotechniques.
À partir d’une anthropologie « multisites » qui s’intéresse aux fonctions de leurs emballages,
nous suivons les ATPE : des usines de production en France et en Afrique de l’Ouest jusque dans
les concessions familiales au Niger, des hôpitaux de la médecine humanitaire aux boutiquiers
dans les villages, des prescriptions des agents de santé aux corps des patients. Ce déplacement de
l’analyse conduit à considérer l’emboîtement des conditionnements (l’articulation d’un
« emballage lipidique », par l’enrobement dans une pellicule grasse des complexes minérovitaminiques,
et d’un emballage physique dont les formes ont évolué dans le temps), et à prendre
en compte la stabilisation des procédés industriels et de transfert de technologies. L’emballage
est étudié comme une frontière (technique, humanitaire, logistique), mais aussi comme un
espace de négociations.
Une perspective diachronique revenant sur les solutions techniques aux défaillances initiales de
l’emballage des ATPE permet d’en souligner les différents enjeux en termes de conservation : une
forte mobilité, un délai d’utilisation long quelles que soient les conditions climatiques et de
transport, une facilité de manipulation, de distribution et d’administration de masse… Ce
conditionnement du produit oriente ses usages et dessine en creux les contextes de crise et les
systèmes de santé défaillants pour lesquels il est pensé. Le succès du produit repose, via son
conditionnement, sur sa capacité d’exclusion de son environnement, et en même temps sur ses
réappropriations multiples par celui-ci. Ces éléments invitent à prendre en compte la fluidité de
la matérialité dans l’analyse des « modèles voyageurs ».

Depuis la crise alimentaire de 2005 au Niger s'est rapidement déployé, dans l'ensemble du Sahel, ... more Depuis la crise alimentaire de 2005 au Niger s'est rapidement déployé, dans l'ensemble du Sahel, autour de la problématique de la malnutrition, un dispositif d'aide médicale humanitaire sans précédent par ses volumes et son inscription dans le temps. En 2013, avec plus de 400 000 enfants atteints de malnutrition aigue sévère soignés, contre à peine quelques milliers moins de 10 ans auparavant, le Niger, ce pays sahélien de 17 millions d'habitants, représentait à lui seul 20 % des enfants malnutris pris en charge dans le monde (UNICEF). En quelques années, cet Etat est passé d'un pays en crise à un épicentre de la mobilisation humanitaire puis à une « success story » de la santé publique transnationale. Cette trajectoire est en grande partie celle de la mise en récit d'une situation nutritionnelle d'urgence qui trouve une réponse dans les promesses d'un modèle technique de prise en charge porté par la médecine humanitaire (Crombé et Jezequel 2007 ; Bradol et Jezequel 2010 ; Bradol et Vidal 2009).

(Soumis - a paraitre ) in DESCLAUX A. et BADJI M. (dir.), Nouveaux enjeux éthiques autour du médicament en Afrique. Approches juridiques, anthropologiques et de santé publique
Cet article analyse le rôle central joué par les Aliments Thérapeutiques Prêts à l'Emploi (ATPE) ... more Cet article analyse le rôle central joué par les Aliments Thérapeutiques Prêts à l'Emploi (ATPE) dans les transformations contemporaines de la réponse à la malnutrition infantile. Par cette entrée nous illustrons la manière dont un objet socio-technique innovant contribue, en Afrique, à transformer une « pathologie sociale » en un problème légitime de santé publique transnationale.
En brossant la genèse complexe de ces produits, entre recherche, industrie et aide humanitaire, nous soulignons que leur caractère innovant relève essentiellement de la définition négociée, en contexte, de leurs usages par les soignants et les patients.
Nous analysons ensuite comment ces solutions locales co-construites se généralisent. A travers les déplacements de la prise en charge de la malnutrition que ces produits autorisent (de l'hôpital au domicile, du médecin à la mère, du risque individuel au danger collectif) nous dessinons les modalités du passage du colloque singulier à une médecine de masse, d’une sanitarisation à une médicalisation puis à une biomédicalisation de la réponse à la malnutrition.
Cette biomédicalisation se révèle doublement paradoxale car en déployant ces produits les acteurs de la médecine humanitaire contribuent à une démédicalisation et à une « pharmaceuticalisation » de la question de la faim extrême qui, en trouvant une solution technique « simple » tend, en partie, à se dépolitiser.
La mesure de la malnutrition infantile s'opère au travers d’un continuum d'indices, de normes de ... more La mesure de la malnutrition infantile s'opère au travers d’un continuum d'indices, de normes de croissance, de seuils et d'outils de mesure qui interagissent les uns avec les autres. Au cours des dix dernières années, au Niger, en lien avec une innovation thérapeutique majeure, chacun des éléments de cette métrique des corps dénutris ont été renégociés par la médecine humanitaire. L’article analyse ces mutations et éclaire leurs influences sur la définition du normal et du pathologique. Sont ainsi illustrées les dynamiques de la construction du risque dans les politiques de la santé publique transnationale.
Trajectoires d'une innovation médicale à MSF Les traductions multiples de la prise en charge de la malnutrition : de la médecine humanitaire à la santé publique transnationale, Oct 10, 2012
A ma famille, de sang et de coeur, qui me voit en permanence, sans rien dire mais avec déchiremen... more A ma famille, de sang et de coeur, qui me voit en permanence, sans rien dire mais avec déchirement, partir d'ici pour aller là-bas, A Jonathan et Nathanael, pour leur joie, leur amour, leur patience et leurs rires.
Talks by Jean Francois Caremel

Francois Caremel – CERMES3 & LASDEL
Cette contribution propose d'explorer les réalités pratiques... more Francois Caremel – CERMES3 & LASDEL
Cette contribution propose d'explorer les réalités pratiques des dynamiques de sécurisation alimentaire (SA) dans le Sahel en proposant un décentrement : en partant d'un cadre, a priori étranger à ces questionnements, les projets médicaux de prévention et de prise en charge de la malnutrition aigue de l'enfant centrées sur la mise a disposition des Aliments Thérapeutiques et Supplémentés Prêts à l'Emploi (ATPE /ASPE). L'objectif de la présentation est d'analyser « par le bas » les dynamiques d'appropriation locale de ces produits thérapeutiques en étudiant les modalités et stratégies multiples de leur inscription dans les logiques de sécurisation alimentaire locales. Cette entrée basée sur une lecture émique des acteurs finaux d'un produits agro-industriel du Nord produit essentiellement pour l'Afrique permet d'exposer la portée du concept de SA mais a surtout le mérite de mettre en lumière différents angles morts des interventions qui visent les questions de sécurité alimentaire comme nutritionnelle, que la jeunesse de la notion de SA pourrait utilement prendre en compte. Apres une rapide présentation des ATPE et de leurs logiques de déploiement dans le Sahel, la première partie du propos passe en revue (schéma en annexe) 3 dimensions clefs de l'inscription des ATPE dans le champ local de l'alimentation. Depuis différents espaces socioculturels, sont présentées les logiques de désignation, de circulation et d'usages de ces produits. La seconde partie de la présentation propose une typologie des représentations et usages de ces produits. Cette typologie dessine des fonctions multiples de l'aliment selon les espaces et les parties prenantes. Ce caractère multidimensionnel de l'aliment/alimentation en fait tout à la fois une condition d'inscription dans des réseaux sociaux de sociabilité (don, contre don…), d'économie (tontine d'ATPE, accès aux marché pour vente, troc…), d'endettement (ATPE comme critère de solvabilité et mode de remboursement du fait de la valeur marchande du produit) mais aussi un dispositif de « plaisir » (dans le sandwich au petit déjeuner, comme biscuit, comme « glace » une fois solidifié dans l'eau froide…), fonctionnel (aphrodisiaque, pansement gastrique…) ou encore de mode (fonction de prise de corpulance/gavage)… En conclusion nous soulignons que ces différentes fonctions dessinées par l'économie locale des ATPE sont quasi systématiquement laissées en marges aussi bien par les programmes de prise en charge nutritionnelle que par les logiques de sécurité alimentaire, faisant plutôt l'objet d'une réponse de police sanitaire/contrôle/ répression. Ceci s'explique notamment par un tropisme développementiste et une rationalité qui repose essentiellement sur des logiques de flux (argent, production, disponibilité…) et de tri (offre demande, besoins / disponibilité…). Cette lecture exclusive entre en contradiction avec le caractère multidimensionnel de l'alimentation (sociale, économique, relationnelle…) dont la rapide anthropologie des ATPE rappelle qu'elle est un fait social total. Ces éléments invitent finalement à souligner et a proposer de discuter 3 points : l'importance des réappropriations locales dans les innovations des projets d'aide et leurs modalités, la pertinence et les conditions d'une prise en compte de ces dimensions multiples de l'alimentation dans le concept, encore jeune (et donc flexible ?), de la SA et l'intérêt d'une anthropologie de la sécurisation alimentaire qui invite tout à la fois à en appréhender la complexité locale (a un moment donné mais aussi ses évolutions) et/ou laisser ouvert et apprendre des usages locaux.

Cette intervention propose, à partir d’un regard des sciences sociales, de revenir sur la place d... more Cette intervention propose, à partir d’un regard des sciences sociales, de revenir sur la place de la recherche dans le champ de l’aide humanitaire : enjeu opérationnel, d’alimentation de l’EBM, mais aussi de visibilité et de compétitivité dans un champ de plus en plus concurrentiel.
A partir de ce tour d’horizon, je discute les éventuelles spécificités de l’approche que MSF a de cet enjeu notamment dans on articulation avec l’innovation technique et le développement de nouveaux modèles thérapeutiques mais aussi d’autres dynamiques moins prise en considération autour des modes de propriété intellectuelle et des modèles de financement de la santé. Je propose d’utiliser la métaphore du « cadrage-débordement » [1] pour lire ces dynamiques, passées et contemporaines, de la recherche à MSF à partir d’exemples issus de la lutte contre la malnutrition et paludisme au Niger.
Pour conclure je propose de discuter quelques défis et enjeux de cette recherche et surtout des innovations qu’elle génère dans leur transcription dans et en politique publique de santé.

Cette intervention s’intéresse aux spécificités de l’absente-présence d’Ebola dans les pays hors ... more Cette intervention s’intéresse aux spécificités de l’absente-présence d’Ebola dans les pays hors de l’épicentre de l’épidémie en se concentrant, depuis le Niger et via une analyse des discours et des récits des acteurs de la réponse internationale (ONG, Ambassades, Agences UN), sur les modes de gestion de cette situation d’ « exception ». Le propos se focalise sur l’apparente contradiction entre : la défiance des acteurs internationaux dans la capacité de l’ « Etat » à gérer des situations d’exception et sur les logiques de mise en ordre et de réponse par les routines de l’aide.
La première partie analyse les discours sur la construction du risque par les acteurs internationaux notamment autour des schémas traditionnels de l’épidémie (virus-hygiène, « résistance culturelle» des populations, mobilité des populations, défaillance des systèmes de santé) et de la morale humanitaire (migrants, refugiés…). Ces entrées renvoient, in fine, à une lecture d’Ebola par les (dis)fonctionnements de l’Etat, renforce la défiance des acteurs internationaux et l’idée de leur légitimité.
Dans un second temps sont analysées 3 situations idéales-typiques : la division habituelle du travail d’urgence (notamment MSF-OMS-UNICEF-UE/ECHO), la typologie des mesures et leur interprétation, les logiques de mobilisation de fond (et les contraintes de décaissement). Celles-ci illustrent l’inscription d’Ebola dans les routines de l’aide et éclaire la non-exceptionnalité de la réponse.
En conclusion est souligné le caractère d’anticipation auto-réalisatrice de cette grille de lecture centrée sur la défiance et la routine, sa proximité avec les grilles d’analyse de l’anthropologie de l’aide, qui s’appliquent de manière fort adaptée aux situations d’épidémie, y compris Ebola. Au final, la préparation effective de la réponse à Ebola au Niger a essentiellement résidé, par delà les clivages institutionnels, dans la qualité de relations interindividuelles. Ces dynamiques soulignent que les transformations de l‘aide aux systèmes de santé en Afrique attendues après Ebola reste largement illusoire.
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Papers by Jean Francois Caremel
l’emploi (ATPE). Objets frontières à la fois aliment et médicament, ces produits principalement
distribués par les acteurs de la médecine d’urgence ont transformé la prise en charge de la
malnutrition aiguë de l’enfant, en la sortant de l’hôpital pour la confier à l’entourage familial.
Leur mobilité dans les temps et dans les espaces d’exception de l’aide, comme leur diffusion
globale, peut s’expliquer par leurs propriétés sociotechniques.
À partir d’une anthropologie « multisites » qui s’intéresse aux fonctions de leurs emballages,
nous suivons les ATPE : des usines de production en France et en Afrique de l’Ouest jusque dans
les concessions familiales au Niger, des hôpitaux de la médecine humanitaire aux boutiquiers
dans les villages, des prescriptions des agents de santé aux corps des patients. Ce déplacement de
l’analyse conduit à considérer l’emboîtement des conditionnements (l’articulation d’un
« emballage lipidique », par l’enrobement dans une pellicule grasse des complexes minérovitaminiques,
et d’un emballage physique dont les formes ont évolué dans le temps), et à prendre
en compte la stabilisation des procédés industriels et de transfert de technologies. L’emballage
est étudié comme une frontière (technique, humanitaire, logistique), mais aussi comme un
espace de négociations.
Une perspective diachronique revenant sur les solutions techniques aux défaillances initiales de
l’emballage des ATPE permet d’en souligner les différents enjeux en termes de conservation : une
forte mobilité, un délai d’utilisation long quelles que soient les conditions climatiques et de
transport, une facilité de manipulation, de distribution et d’administration de masse… Ce
conditionnement du produit oriente ses usages et dessine en creux les contextes de crise et les
systèmes de santé défaillants pour lesquels il est pensé. Le succès du produit repose, via son
conditionnement, sur sa capacité d’exclusion de son environnement, et en même temps sur ses
réappropriations multiples par celui-ci. Ces éléments invitent à prendre en compte la fluidité de
la matérialité dans l’analyse des « modèles voyageurs ».
En brossant la genèse complexe de ces produits, entre recherche, industrie et aide humanitaire, nous soulignons que leur caractère innovant relève essentiellement de la définition négociée, en contexte, de leurs usages par les soignants et les patients.
Nous analysons ensuite comment ces solutions locales co-construites se généralisent. A travers les déplacements de la prise en charge de la malnutrition que ces produits autorisent (de l'hôpital au domicile, du médecin à la mère, du risque individuel au danger collectif) nous dessinons les modalités du passage du colloque singulier à une médecine de masse, d’une sanitarisation à une médicalisation puis à une biomédicalisation de la réponse à la malnutrition.
Cette biomédicalisation se révèle doublement paradoxale car en déployant ces produits les acteurs de la médecine humanitaire contribuent à une démédicalisation et à une « pharmaceuticalisation » de la question de la faim extrême qui, en trouvant une solution technique « simple » tend, en partie, à se dépolitiser.
Talks by Jean Francois Caremel
Cette contribution propose d'explorer les réalités pratiques des dynamiques de sécurisation alimentaire (SA) dans le Sahel en proposant un décentrement : en partant d'un cadre, a priori étranger à ces questionnements, les projets médicaux de prévention et de prise en charge de la malnutrition aigue de l'enfant centrées sur la mise a disposition des Aliments Thérapeutiques et Supplémentés Prêts à l'Emploi (ATPE /ASPE). L'objectif de la présentation est d'analyser « par le bas » les dynamiques d'appropriation locale de ces produits thérapeutiques en étudiant les modalités et stratégies multiples de leur inscription dans les logiques de sécurisation alimentaire locales. Cette entrée basée sur une lecture émique des acteurs finaux d'un produits agro-industriel du Nord produit essentiellement pour l'Afrique permet d'exposer la portée du concept de SA mais a surtout le mérite de mettre en lumière différents angles morts des interventions qui visent les questions de sécurité alimentaire comme nutritionnelle, que la jeunesse de la notion de SA pourrait utilement prendre en compte. Apres une rapide présentation des ATPE et de leurs logiques de déploiement dans le Sahel, la première partie du propos passe en revue (schéma en annexe) 3 dimensions clefs de l'inscription des ATPE dans le champ local de l'alimentation. Depuis différents espaces socioculturels, sont présentées les logiques de désignation, de circulation et d'usages de ces produits. La seconde partie de la présentation propose une typologie des représentations et usages de ces produits. Cette typologie dessine des fonctions multiples de l'aliment selon les espaces et les parties prenantes. Ce caractère multidimensionnel de l'aliment/alimentation en fait tout à la fois une condition d'inscription dans des réseaux sociaux de sociabilité (don, contre don…), d'économie (tontine d'ATPE, accès aux marché pour vente, troc…), d'endettement (ATPE comme critère de solvabilité et mode de remboursement du fait de la valeur marchande du produit) mais aussi un dispositif de « plaisir » (dans le sandwich au petit déjeuner, comme biscuit, comme « glace » une fois solidifié dans l'eau froide…), fonctionnel (aphrodisiaque, pansement gastrique…) ou encore de mode (fonction de prise de corpulance/gavage)… En conclusion nous soulignons que ces différentes fonctions dessinées par l'économie locale des ATPE sont quasi systématiquement laissées en marges aussi bien par les programmes de prise en charge nutritionnelle que par les logiques de sécurité alimentaire, faisant plutôt l'objet d'une réponse de police sanitaire/contrôle/ répression. Ceci s'explique notamment par un tropisme développementiste et une rationalité qui repose essentiellement sur des logiques de flux (argent, production, disponibilité…) et de tri (offre demande, besoins / disponibilité…). Cette lecture exclusive entre en contradiction avec le caractère multidimensionnel de l'alimentation (sociale, économique, relationnelle…) dont la rapide anthropologie des ATPE rappelle qu'elle est un fait social total. Ces éléments invitent finalement à souligner et a proposer de discuter 3 points : l'importance des réappropriations locales dans les innovations des projets d'aide et leurs modalités, la pertinence et les conditions d'une prise en compte de ces dimensions multiples de l'alimentation dans le concept, encore jeune (et donc flexible ?), de la SA et l'intérêt d'une anthropologie de la sécurisation alimentaire qui invite tout à la fois à en appréhender la complexité locale (a un moment donné mais aussi ses évolutions) et/ou laisser ouvert et apprendre des usages locaux.
A partir de ce tour d’horizon, je discute les éventuelles spécificités de l’approche que MSF a de cet enjeu notamment dans on articulation avec l’innovation technique et le développement de nouveaux modèles thérapeutiques mais aussi d’autres dynamiques moins prise en considération autour des modes de propriété intellectuelle et des modèles de financement de la santé. Je propose d’utiliser la métaphore du « cadrage-débordement » [1] pour lire ces dynamiques, passées et contemporaines, de la recherche à MSF à partir d’exemples issus de la lutte contre la malnutrition et paludisme au Niger.
Pour conclure je propose de discuter quelques défis et enjeux de cette recherche et surtout des innovations qu’elle génère dans leur transcription dans et en politique publique de santé.
La première partie analyse les discours sur la construction du risque par les acteurs internationaux notamment autour des schémas traditionnels de l’épidémie (virus-hygiène, « résistance culturelle» des populations, mobilité des populations, défaillance des systèmes de santé) et de la morale humanitaire (migrants, refugiés…). Ces entrées renvoient, in fine, à une lecture d’Ebola par les (dis)fonctionnements de l’Etat, renforce la défiance des acteurs internationaux et l’idée de leur légitimité.
Dans un second temps sont analysées 3 situations idéales-typiques : la division habituelle du travail d’urgence (notamment MSF-OMS-UNICEF-UE/ECHO), la typologie des mesures et leur interprétation, les logiques de mobilisation de fond (et les contraintes de décaissement). Celles-ci illustrent l’inscription d’Ebola dans les routines de l’aide et éclaire la non-exceptionnalité de la réponse.
En conclusion est souligné le caractère d’anticipation auto-réalisatrice de cette grille de lecture centrée sur la défiance et la routine, sa proximité avec les grilles d’analyse de l’anthropologie de l’aide, qui s’appliquent de manière fort adaptée aux situations d’épidémie, y compris Ebola. Au final, la préparation effective de la réponse à Ebola au Niger a essentiellement résidé, par delà les clivages institutionnels, dans la qualité de relations interindividuelles. Ces dynamiques soulignent que les transformations de l‘aide aux systèmes de santé en Afrique attendues après Ebola reste largement illusoire.
l’emploi (ATPE). Objets frontières à la fois aliment et médicament, ces produits principalement
distribués par les acteurs de la médecine d’urgence ont transformé la prise en charge de la
malnutrition aiguë de l’enfant, en la sortant de l’hôpital pour la confier à l’entourage familial.
Leur mobilité dans les temps et dans les espaces d’exception de l’aide, comme leur diffusion
globale, peut s’expliquer par leurs propriétés sociotechniques.
À partir d’une anthropologie « multisites » qui s’intéresse aux fonctions de leurs emballages,
nous suivons les ATPE : des usines de production en France et en Afrique de l’Ouest jusque dans
les concessions familiales au Niger, des hôpitaux de la médecine humanitaire aux boutiquiers
dans les villages, des prescriptions des agents de santé aux corps des patients. Ce déplacement de
l’analyse conduit à considérer l’emboîtement des conditionnements (l’articulation d’un
« emballage lipidique », par l’enrobement dans une pellicule grasse des complexes minérovitaminiques,
et d’un emballage physique dont les formes ont évolué dans le temps), et à prendre
en compte la stabilisation des procédés industriels et de transfert de technologies. L’emballage
est étudié comme une frontière (technique, humanitaire, logistique), mais aussi comme un
espace de négociations.
Une perspective diachronique revenant sur les solutions techniques aux défaillances initiales de
l’emballage des ATPE permet d’en souligner les différents enjeux en termes de conservation : une
forte mobilité, un délai d’utilisation long quelles que soient les conditions climatiques et de
transport, une facilité de manipulation, de distribution et d’administration de masse… Ce
conditionnement du produit oriente ses usages et dessine en creux les contextes de crise et les
systèmes de santé défaillants pour lesquels il est pensé. Le succès du produit repose, via son
conditionnement, sur sa capacité d’exclusion de son environnement, et en même temps sur ses
réappropriations multiples par celui-ci. Ces éléments invitent à prendre en compte la fluidité de
la matérialité dans l’analyse des « modèles voyageurs ».
En brossant la genèse complexe de ces produits, entre recherche, industrie et aide humanitaire, nous soulignons que leur caractère innovant relève essentiellement de la définition négociée, en contexte, de leurs usages par les soignants et les patients.
Nous analysons ensuite comment ces solutions locales co-construites se généralisent. A travers les déplacements de la prise en charge de la malnutrition que ces produits autorisent (de l'hôpital au domicile, du médecin à la mère, du risque individuel au danger collectif) nous dessinons les modalités du passage du colloque singulier à une médecine de masse, d’une sanitarisation à une médicalisation puis à une biomédicalisation de la réponse à la malnutrition.
Cette biomédicalisation se révèle doublement paradoxale car en déployant ces produits les acteurs de la médecine humanitaire contribuent à une démédicalisation et à une « pharmaceuticalisation » de la question de la faim extrême qui, en trouvant une solution technique « simple » tend, en partie, à se dépolitiser.
Cette contribution propose d'explorer les réalités pratiques des dynamiques de sécurisation alimentaire (SA) dans le Sahel en proposant un décentrement : en partant d'un cadre, a priori étranger à ces questionnements, les projets médicaux de prévention et de prise en charge de la malnutrition aigue de l'enfant centrées sur la mise a disposition des Aliments Thérapeutiques et Supplémentés Prêts à l'Emploi (ATPE /ASPE). L'objectif de la présentation est d'analyser « par le bas » les dynamiques d'appropriation locale de ces produits thérapeutiques en étudiant les modalités et stratégies multiples de leur inscription dans les logiques de sécurisation alimentaire locales. Cette entrée basée sur une lecture émique des acteurs finaux d'un produits agro-industriel du Nord produit essentiellement pour l'Afrique permet d'exposer la portée du concept de SA mais a surtout le mérite de mettre en lumière différents angles morts des interventions qui visent les questions de sécurité alimentaire comme nutritionnelle, que la jeunesse de la notion de SA pourrait utilement prendre en compte. Apres une rapide présentation des ATPE et de leurs logiques de déploiement dans le Sahel, la première partie du propos passe en revue (schéma en annexe) 3 dimensions clefs de l'inscription des ATPE dans le champ local de l'alimentation. Depuis différents espaces socioculturels, sont présentées les logiques de désignation, de circulation et d'usages de ces produits. La seconde partie de la présentation propose une typologie des représentations et usages de ces produits. Cette typologie dessine des fonctions multiples de l'aliment selon les espaces et les parties prenantes. Ce caractère multidimensionnel de l'aliment/alimentation en fait tout à la fois une condition d'inscription dans des réseaux sociaux de sociabilité (don, contre don…), d'économie (tontine d'ATPE, accès aux marché pour vente, troc…), d'endettement (ATPE comme critère de solvabilité et mode de remboursement du fait de la valeur marchande du produit) mais aussi un dispositif de « plaisir » (dans le sandwich au petit déjeuner, comme biscuit, comme « glace » une fois solidifié dans l'eau froide…), fonctionnel (aphrodisiaque, pansement gastrique…) ou encore de mode (fonction de prise de corpulance/gavage)… En conclusion nous soulignons que ces différentes fonctions dessinées par l'économie locale des ATPE sont quasi systématiquement laissées en marges aussi bien par les programmes de prise en charge nutritionnelle que par les logiques de sécurité alimentaire, faisant plutôt l'objet d'une réponse de police sanitaire/contrôle/ répression. Ceci s'explique notamment par un tropisme développementiste et une rationalité qui repose essentiellement sur des logiques de flux (argent, production, disponibilité…) et de tri (offre demande, besoins / disponibilité…). Cette lecture exclusive entre en contradiction avec le caractère multidimensionnel de l'alimentation (sociale, économique, relationnelle…) dont la rapide anthropologie des ATPE rappelle qu'elle est un fait social total. Ces éléments invitent finalement à souligner et a proposer de discuter 3 points : l'importance des réappropriations locales dans les innovations des projets d'aide et leurs modalités, la pertinence et les conditions d'une prise en compte de ces dimensions multiples de l'alimentation dans le concept, encore jeune (et donc flexible ?), de la SA et l'intérêt d'une anthropologie de la sécurisation alimentaire qui invite tout à la fois à en appréhender la complexité locale (a un moment donné mais aussi ses évolutions) et/ou laisser ouvert et apprendre des usages locaux.
A partir de ce tour d’horizon, je discute les éventuelles spécificités de l’approche que MSF a de cet enjeu notamment dans on articulation avec l’innovation technique et le développement de nouveaux modèles thérapeutiques mais aussi d’autres dynamiques moins prise en considération autour des modes de propriété intellectuelle et des modèles de financement de la santé. Je propose d’utiliser la métaphore du « cadrage-débordement » [1] pour lire ces dynamiques, passées et contemporaines, de la recherche à MSF à partir d’exemples issus de la lutte contre la malnutrition et paludisme au Niger.
Pour conclure je propose de discuter quelques défis et enjeux de cette recherche et surtout des innovations qu’elle génère dans leur transcription dans et en politique publique de santé.
La première partie analyse les discours sur la construction du risque par les acteurs internationaux notamment autour des schémas traditionnels de l’épidémie (virus-hygiène, « résistance culturelle» des populations, mobilité des populations, défaillance des systèmes de santé) et de la morale humanitaire (migrants, refugiés…). Ces entrées renvoient, in fine, à une lecture d’Ebola par les (dis)fonctionnements de l’Etat, renforce la défiance des acteurs internationaux et l’idée de leur légitimité.
Dans un second temps sont analysées 3 situations idéales-typiques : la division habituelle du travail d’urgence (notamment MSF-OMS-UNICEF-UE/ECHO), la typologie des mesures et leur interprétation, les logiques de mobilisation de fond (et les contraintes de décaissement). Celles-ci illustrent l’inscription d’Ebola dans les routines de l’aide et éclaire la non-exceptionnalité de la réponse.
En conclusion est souligné le caractère d’anticipation auto-réalisatrice de cette grille de lecture centrée sur la défiance et la routine, sa proximité avec les grilles d’analyse de l’anthropologie de l’aide, qui s’appliquent de manière fort adaptée aux situations d’épidémie, y compris Ebola. Au final, la préparation effective de la réponse à Ebola au Niger a essentiellement résidé, par delà les clivages institutionnels, dans la qualité de relations interindividuelles. Ces dynamiques soulignent que les transformations de l‘aide aux systèmes de santé en Afrique attendues après Ebola reste largement illusoire.
A partir de la diffusion massive de la mesure du périmètre brachial et des Aliments Thérapeutiques Prêts à l’Emploi pour diagnostiquer et prendre en charge la malnutrition infantile, nous analysons les évolutions récentes des critères de la guérison de la malnutrition dans le Sahel et la manière dont ces dispositifs ont contribué tout à la fois à une extension et à une standardisation, par la biomédecine, des périmètres de cette pathologie. A travers une analyse des variations des protocoles de prise en charge du Niger et du Burkina Faso nous soulignons le caractère largement construit et variable, y compris pour la médecine, de la notion de guérison.
De manière symétrique, nous analysons dans un second temps, les significations et usages localement négociés de ces dispositifs, le sens et les fonctions qui leurs sont conférés. Nous soulignons alors la manière dont ils constituent une réponse locale aux origenes et conséquences, thérapeutiques et sociales de la malnutrition que la médecine humanitaire prend pas en considération.
Dans un troisième temps nous proposons quelques pistes de réflexion sur les causes de ce « public secret » que constitue l’ignorance mutuelle des représentations locales et la manière dont, finalement, ils « tiennent ensemble » et contribuent aux succès d’innovations thérapeutiques de la biomédecine.
Pour conclure nous soulignons l’intérêt d’analyser la guérison à l’aune de ses dispositifs techniques de la prise en charge thérapeutique qui permettent d‘en faire tout à la fois comme un processus et un résultat des continuums locaux et biomédicaux qui articulent « symptôme – diagnostic – traitement ».
A partir de séries d'entretiens avec les parties prenantes (OMS, Unicef, IRD, MSF etc.) et de documents d'archives de ces structures, nous mobilisons les outils de la sociologie d'innovation et de l'analyse des controverses pour étudier les modalités de reconfiguration du partenariat initial et de la gestion de la PI.
Après avoir rapidement brossé la genèse de la co-construction de ces produits depuis l’élaboration du produit jusqu’à la négociation de son statut et de ses usages, nous analysons les motifs du dépôt initial des brevets et les motifs de son non usage entre 1996 et 2005 (1).
Suite aux succès enregistrés dans le cadre de la réponse à la crise nutritionnelle au Niger en 2005, la configuration du partenariat évolue, les détenteurs du brevet, Nutriset et IRD, cherchant à en faire un outil de promotion du développement de la production au Sud, de transfert de technologie etc. (2).
Cet usage conduira au développement d'une controverse publique avec les ONG qui débouchera sur une tentative de patent pool puis à la mise en place d'un accord d'usage. L’équilibre progressivement négocié et stabilisé permet de garantir la qualité dans le cadre de production dans les pays du Sud (contractualisation, assistance technique et mise en réseau d’entreprises locales dans une logique de marque) mais aussi une augmentation de la production et des latitudes dans la recherche d’innovation (accord d’usage).
S'appuyant sur des matériaux réunis au cours de 8 années d’une pratique de terrain comme professionnel de l’aide humanitaire, complétés par un travail d’archives et une série d’entretiens au sein de différentes institutions (ONG, agences des Nations Unies, Instituts de recherche, entreprises), l’analyse se concentre sur les controverses scientifiques (Lemieux 2007) lues à travers l’évolution des systèmes métriques (Latour 1997) et des dispositifs de soins développés depuis la recherche coloniale jusqu’à la médecine humanitaire.
Après avoir rapidement analysé les modalités de la découverte de la malnutrition par la médecine coloniale nous nous intéressons aux controverses scientifiques qui, au cours du XXème siècle, structurent l’histoire de la pathologie (Briend 1998). Nous illustrons comment ces micro-vérités saisies et institutionnalisées dans des dispositifs opérationnels ou politiques se superposent et cohabitent, plutôt qu’elles ne s’excluent dans le cadre des politiques publiques internationales (Janin 2010).
Dans un deuxième temps, nous analysons l’équipement des savoirs scientifiques et leurs traductions dans les logiciels anthropomorphiques et épidémiologiques au cours du XXème siècle. Est ici illustrée la manière dont la malnutrition est négociée et redéfinie par des systèmes métriques. Nous analyserons comment ceux-ci s’articulent pour définir le normal et le pathologique à travers des variations des objets (évolution de la définition, des indicateurs…), des outils de mesure (toise, balance, périmètre brachial…) et des normes de références (locales/ethniques, NCHS, OMS). Nous montrons que ces savoirs et ces normes s’institutionnalisent progressivement dans des dispositifs d’enquête qui, s’ils reflètent l’état des savoirs, sont négociés en fonction des finalités de leurs auteurs (légitimation de la colonisation, intervention humanitaire d’urgence…).
Dans la troisième partie, nous illustrons comment cette capacité de production de données scientifiques est potentialisée par un produit technique innovant, les aliments thérapeutiques prêts à l'emploi, qui font la synthèse des controverses scientifiques, et un dispositif médical innovant, le Community Management of Acute Malnutrition, qui permet la prise en charge à large échelle de la malnutrition. Négociée et traduite par ces dispositifs, la malnutrition devient une pathologie « humanitaire » légitime puis un objet de santé publique transnationale sous l’impulsion des ONG médicales et avec le relais des acteurs onusiens. En contribuant à une biomédicalisation de la faim la médecine humanitaire autonomise la malnutrition des enjeux de sécurité alimentaire. Cela conduit à en faire un nouvel objet frontière, ce qui déplace, de nouveau, le centre de gravité des politiques de la faim en Afrique.
Basée sur anthropologie de ces objets techniques et de l’aide médicale, l’analyse s’appuie sur une pratique de terrain de 8 années comme professionnel de l’aide humanitaire. Ces éléments sont complétés par des séries d’entretiens au sein de différentes institutions (MSF, ACF, OMS, ORSTOM/IRD…) et l’étude de leurs archives.
L’analyse s’intéresse dans un premier temps aux modalités du déploiement des produits par les acteurs de la médecine humanitaire, à la variation de leurs statuts (médicament, lait thérapeutique, aliment fonctionnel…) et de ses usages (curatif, préventif de la malnutrition, intégration a la prise en charge VIH, TB).
Dans un second temps nous étudions les impacts de l’utilisation à large échelle de ces produits depuis l’émergence de nouvelles représentations nosologiques locales jusqu’aux usages « détournés » des produits (encas, fond de sauce, aphrodisiaque, mise en tontine…).
Dans un troisième temps nous brossons les reconfigurations opérées par l’émergence de ce prisme biomédical humanitaire sur les politiques de la faim.
Cette étude s’inscrit dans d’une série de recherches conduites à Diffa depuis début 2017 (Hamani et al. 2017, Caremel 2017, 2018, 2019) qui dessinent un cadre d’analyse alternatif basé sur une lecture « par le bas » des dynamiques de la crise et de ses réponses. Le rapport de terrain, dont les pages qui suivent tentent de faire la synthèse, s’intéressent aux stratégies de sécurisation alimentaire dans le cadre du Nexus. La lecture qui y est développée repose sur une analyse symétrique, qui cherche à porter la même attention aux stratégies déployées par les acteurs de l’aide et à celles mises en œuvre par les populations (Lavigne Delville 2011). L’entrée par la sécurisation alimentaire (Janin et Dury 2012) s’explique par le fait qu’il s’agit d’un enjeu central pour les populations et d’un objectif revendiqué par les projets d’aide. Le choix de cette entrée spécifique tient également au fait qu’elle invite à faire un pas de côté pour dépasser le cadre d’analyse habituel de l’aide centré sur l’(in)sécurité alimentaire (lue essentiellement par les manques, les besoins et les normes), pour s’intéresser aux enjeux de sécurisation alimentaire, donc aux processus /dynamiques quotidiennes déployées par les acteurs.
Retour sur les entrées « par le bas » et la périphérie de l’aide dans les stratégies des populations
Le premier constat de cette recherche est celui de la vitalité des stratégies familiales et des acteurs coopératifs et privés. Ce dynamisme, malgré la crise, contredit le discours dominant qui fait de Diffa une zone sinistrée vivant de l’aide. Ce constat et l’analyse « par le bas » des stratégies de sécurisation économique déployées, par les ménages et les différents acteurs des filières, ne conduit pas à ignorer les contributions de l’aide. Elle invite, comme nous l’avions fait dans les rapports précédents , à la réinscrire à la place que lui donne les populations : une ressource parmi d’autres, située plutôt en périphérie des stratégies déployées par les ménages (même si elle fait l’objet de stratégies de captations élaborées (Caremel 2018)). Ce positionnement s’explique notamment par le caractère ponctuel, aléatoire et des soucis de pertinence des interventions extérieures. Ce constat renvoie aux difficultés des acteurs de l’aide à faire évoluer leurs interventions, ce qui conduit à des décalages (croissants) entre les besoins des populations et les stratégies qu’elles développent pour y répondre et les solutions proposées par l’aide (Hamani et al. 2017, Carémel 2018).
Cette sortie du tropisme de l’aide dans l’analyse de la situation de Diffa contribue à renouveler les cadres d’analyse et ouvre de nouvelles perspectives (Partie 1). Celles-ci invitent à explorer les modes de mise en œuvre du Nexus en soulignant les décalages entre les approches et interventions proposées et les transformations « par le bas » des stratégies de sécurisation alimentaires qui sont à l’œuvre (Partie 2). L’analyse compréhensive de ces décalages permet de proposer un certain nombre de pistes de réflexion pour l‘action (Partie 3)