Felix Vortan et la Forteresse rouge
Par L.P. Sicard
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À propos de ce livre électronique
L.P. Sicard
LOUIS-PIER SICARD est un écrivain québécois né en 1991. Après avoir remporté plusieurs prix littéraires, tels que le concours international de poésie de Paris à deux reprises, L.P. Sicard publie sa première série fantastique en 2016, dont le premier tome se mérite la même année le Grand prix jeunesse des univers parallèles. Outre la parution d’une réécriture de Blanche Neige, en 2017, il publie également la trilogie Malragon, aux éditions ADA.
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Aperçu du livre
Felix Vortan et la Forteresse rouge - L.P. Sicard
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Prologue
B arbemousse siégeait grassement sur son trône de bois lorsque l’on frappa à quatre reprises contre le portail métallique gardant l’entrée de ses luxueux appartements. Il déposa sur la table la lettre visiblement griffonnée à la hâte qu’il était en train de lire.
— Qu’on laisse entrer mon messager, ordonna-t-il à ses deux gardes du corps de sa voix aussi juvénile qu’autoritaire.
Seul le messager du Grand pirate frappait quatre fois de cette manière, et ce dernier attendait impatiemment sa venue, n’ayant pas reçu la moindre nouvelle des flottes envoyées en éclaireur quelques semaines plus tôt. Les gardes s’exécutèrent, ouvrant les deux volets de la lourde porte. Le messager pénétra ensuite dans la pièce, tirant des chaînes au bout desquelles deux hommes étaient attachés par un collier de fer.
— Je vous fais cadeau de ces deux prisonniers, Grand pirate, déclara-t-il en tirant vigoureusement les chaînes, ce qui fit mordre la poussière aux deux hommes.
— Où les avez-vous donc trouvés ? demanda Barbemousse sans leur porter la moindre attention.
— Ils naviguaient non loin de la côte, à bord de quelque rafiau qu’ils avaient probablement volé.
— C’est faux ! s’écria l’un des prisonniers en s’agenouillant. Jeune homme, ce bateau nous appartenait, il…
Barbemousse, qui s’était levé de son trône, vint le gifler si puissamment qu’il retomba au sol.
— Jeune homme ? répéta-t-il avec fureur, son visage rougissant de colère. Pour qui me prends-tu ? Un enfant ?
Il se pencha vers le prisonnier, qui tendit instinctivement les mains devant lui pour se protéger, lui empoigna la mâchoire et le dévisagea longuement de ses yeux gris.
— Tous ces jours passés à regarder crever mes esclaves comme de vulgaires insectes, toutes ces années passées à brandir le fouet lorsqu’ils se retournaient pour me maudire en silence et tous les pleurs de ces mères à qui j’enlevais les enfants pour les jeter à la mer m’ont fait vieillir bien mieux que le temps n’aurait su le faire.
Aussi sèchement qu’il l’avait prise, il lui relâcha la mâchoire et retourna s’asseoir. Devant lui, le messager attendait patiemment sa décision.
— Envoyez-les dans l’arène, tous les deux, le somma-t-il après un bref instant de réflexion. Nous n’avons pu trouver de gladiateurs pour affronter Goom dans l’arène en vue du spectacle de demain ; ceux-ci feront deux parfaits poteaux à massue. Je me délecte déjà du bruit que feront leurs os lorsque notre champion les broiera.
— Assurément, répondit le messager en inclinant brièvement la tête.
Il tira à nouveau sur les chaînes afin d’entraîner avec lui les esclaves qui gisaient au sol. Implorant la pitié du Grand pirate en larmoyant, ils tentèrent vainement de se retenir en plaquant leurs mains contre le plancher de pierre.
— Ce qui me fait penser, poursuivit Barbemousse à l’intention de son messager, insensible aux supplications, avez-vous eu vent de l’arrivée de la galère en provenance d’Élador ? On m’avait promis une dizaine d’esclaves au début du mois.
— Elle vient d’arriver il y a quelques heures.
— Excellent.
Les deux volets métalliques étouffèrent ensuite les derniers hurlements des prisonniers au moment où les gardes du corps les refermèrent derrière eux. Barbemousse reprit la lettre posée sur la table et poursuivit sa lecture en fronçant les sourcils.
— Les prochains mois verront le sang couler, en voici la preuve indéniable, murmura-t-il pour lui-même au terme de sa lecture.
Il chiffonna la lettre et la lança derrière lui, un sourire dément apparaissant sur son visage imberbe.
— Et le sang coulera, jusqu’à ce que l’océan entier s’imprègne de sa couleur.
Il se leva d’un bond de son trône.
— Gardes ! Avertissez de ce pas la vigie : le temps est enfin venu d’éveiller la horde des Noyés.
Les gardes postés près du portail échangèrent un regard interdit.
— Grand pirate, les… les Noyés dorment depuis plus d’un siècle, balbutia l’un d’eux en baissant la tête, qui sait ce qui arrivera lorsque…
Il se tut en se rendant compte que Barbemousse se rapprochait de lui d’une démarche véhémente. Il n’eut le temps que de lever les yeux avant de recevoir son poing en plein ventre, lui coupant le souffle et le faisant plier sous la douleur soudaine.
— Qui es-tu pour oser avilir ma pensée de tes stupides conseils ? persifla-t-il en se penchant vers lui. Un garde ?
Il s’esclaffa d’un rire excessif et cruel.
— Un garde… vraiment ?
Le Grand pirate se tourna vers le second garde, qui contemplait silencieusement la scène avec appréhension.
— Dis à ton camarade que sa prochaine bévue vous conduira tous deux dans l’arène, cracha-t-il froidement. Et surtout, allez au pas de course porter mon message à la vigie. Les Noyés fouleront à nouveau les profondeurs de mon océan, quoi qu’il en soit ! Et tous les navires qui s’aviseront de s’approcher de ma Forteresse s’ajouteront aux milliers d’épaves qui en ornent déjà les profondeurs !
I
L’audience
M odi !
L’arbre devant lequel se tenait la princesse Florence abaissa lourdement sa large ramure jusqu’à ce qu’elle touche le sol. Elle s’en approcha et s’y assit comme s’il s’agissait d’un simple banc en retenant sa robe beige d’une main.
— Tu viens ? demanda-t-elle à Felix, qui ne s’était vraisemblablement toujours pas accoutumé à de tels enchantements.
Sceptiquement, Felix prit place sur la même branche. Aussitôt, celle-ci se redressa lentement, les élevant jusqu’à la cime de l’arbre. Après avoir failli perdre l’équilibre, il se cramponna au feuillage alors que Florence éclatait de rire.
— Je fais ça depuis que je suis toute petite. Tu verras, on a une vue magnifique du royaume, là-haut.
— Si nous n’arrêtons pas de monter de cette manière, je n’en ai aucun doute !
La branche poursuivit vertigineusement son ascension et la freina lorsque les têtes de ses deux occupants émergèrent de la frondaison.
— C’est magnifique, je l’avoue ! s’exclama Felix, un vent frisquet faisant onduler ses boucles brunes.
Devant lui, le royaume d’Élador étalait ses innombrables toitures orangées traversées de lucarnes. Un peu plus près de la montagne, le château blanc brillait sous le zénith éclatant comme s’il était fait d’argent. D’où il se trouvait, il put apercevoir l’horlogière, un logis où dormaient tous les apprentis du royaume, de même que la mer de Wilkin se perdant à l’horizon. Cette image lui rappela que dans quelque temps, il retournerait probablement sur ces eaux à bord d’un navire afin de rejoindre la Forteresse rouge, le redoutable repaire de pirates où plusieurs apprentis, dont son ami Jonny, avaient été vendus comme esclaves durant les dernières années, et d’où nul n’était jamais revenu vivant.
— Tu penses aux disparus, n’est-ce pas ? devina Florence en le regardant fixer la mer, sa longue chevelure rousse se balançant mollement au vent.
— Je ne peux pas faire autrement. Pas tant que nous sommes ici à attendre.
Chaque fois qu’il y repensait, il ne pouvait supporter de dormir sous des draps chauds, de manger trois copieux repas quotidiennement et de gaspiller ses heures à s’amuser, alors qu’à des kilomètres, des jeunes hommes et femmes innocents se mouraient possiblement sous le fouet de tortionnaires.
— Felix, tu sais bien que nous ne disposons d’aucun navire pour le moment. Dès que maître Dublix et Anna auront rétabli notre flotte, nous partirons, je te le promets ; du moins, si ma mère consent un jour à ce que nous fassions partie de l’expédition.
Depuis la découverte des coordonnées inscrites sur le paquet de cartes ayant appartenu à Jonny, et qui vraisemblablement étaient celles de la Forteresse rouge, Florence avait à de nombreuses reprises traité du sujet avec sa mère, Amanda, la reine d’Élador. Une mission-sauvetage avait depuis été mise sur pied, cependant qu’Amanda refusait catégoriquement que sa fille ainsi que Felix, Nicolas et Niki y prennent part. Elle avait ses raisons, évidemment, mais les Tétradors, tels que les quatre amis s’appelaient, n’avaient pas baissé les bras pour autant, et allèrent jusqu’à convoquer, tous ensemble, la reine en ce jour précis.
— J’espère seulement que tout se passera comme prévu tout à l’heure…, commenta Felix, qui ne parvint à masquer sa nervosité dans l’anticipation de la suite.
La princesse s’approcha de lui et l’étreignit doucement. Felix ne résista pas. Il était vrai qu’il ne servait à rien de se morfondre et de se culpabiliser dans une pareille situation. Le mieux qu’il pouvait accomplir à présent, c’était de se faire des forces en prévision du périple qui l’attendait et de profiter des derniers jours sur Élador.
— Il faut que je te montre quelque chose ! s’égaya-t-elle, ses yeux bleus s’écarquillant soudain. Durant le dernier mois, je suis parvenue à réussir ce tour pour la première fois.
Elle étendit le bras devant elle en fermant les yeux.
— Modi !
Un instant plus tard, un petit oiseau au plumage coloré s’était posé sur son poignet en gazouillant joyeusement.
— C’est toi qui l’as appelé ? s’étonna-t-il.
— Oui, je peux même lui ordonner d’accomplir diverses tâches.
L’oiseau reprit son envol et plongea à travers les branchages, pour revenir ensuite se poser sur l’épaule de Felix et laisser tomber sur sa jambe une fleur qu’il venait de cueillir avec son bec.
— Ah, bravo ! s’exclama Felix, son sourire s’étirant jusqu’à ses joues rougissantes. Je vois que tu maîtrises encore mieux le sort de modification.
Florence lui rendit son sourire en se balançant les jambes dans le vide. Durant le dernier mois, tous deux étaient parvenus à se voir quelques fois, en dépit de leur horaire bien différent, pour se balader, discuter tantôt de grands projets, tantôt de banalités. Felix à ce titre ne pouvait s’arrêter de songer à leur dernier après-midi allongés sur la plage, tandis que l’écume froide leur chatouillait les pieds, et à cette nuit passée à pourchasser des crabes sous la pluie. Il y avait une certaine complicité et une considération suffisante dans leur amitié qui lui rendait aux lèvres ce sourire qui se faisait plus capricieux depuis le dernier mois.
— Oui, je m’améliore. Et je peux aussi entrer en contact avec d’autres animaux. J’ai réussi ce tour hier pour la première fois, mais le sortilège n’était pas tout à fait au point, et l’oiseau que j’envoyais à ma mère s’est cogné contre sa fenêtre…
Elle fit brièvement la moue avant de se redresser d’un bond.
— Ce qui me fait penser… Savais-tu qu’Amanda se cherche actuellement un roi pour monter sur le trône à ses côtés ?
— Non, pas du tout. Ce sera qui, selon toi ?
— J’ai ma petite idée…
— Eh bien, je t’écoute !
Elle fixa les yeux verts de Felix d’un air signifiant que cette information devait demeurer secrète.
— Je pense que ce sera Durem, murmura-t-elle, comme si quelqu’un risquait de les entendre là où ils se trouvaient.
Felix n’aurait pu penser à un meilleur choix. Durem présidait la guilde des combattants, en plus d’être le premier défenseur de Sa Majesté. Il l’avait toujours considéré comme un homme d’honneur digne de confiance. Florence abaissa la main, et l’oiseau reprit son envol, laissant échapper un dernier pépiement radieux en guise de salutations. Tous deux échangèrent un regard.
— J’ai si hâte que nous puissions nous reposer un instant sans avoir l’esprit troublé, commenta Felix en la contemplant tendrement. J’ai si hâte que tu me fasses découvrir tout ce que tu connais d’ici. Quand je me rappelle être né dans ce monde, je n’ai envie que de l’explorer encore plus. Serais-tu prête à camper dans les bois ou sur une île déserte ? Serais-tu prête à courir nue dans les champs avec moi ?
Florence éclata à nouveau de rire en secouant la tête.
— Si seulement ma mère t’entendait ! s’esclaffa-t-elle. Tu dois savoir qu’on m’a toujours appris la décence et la bienséance en tant que princesse.
— D’abord, ta mère n’en saurait rien, ricana Felix. Et ensuite, ce n’est pas à la princesse que je parle, mais à la…
— Ohé ! Nous vous cherchons depuis une demi-heure ! s’écria Nicolas au bas de l’arbre, seulement son polo jaune et ses cheveux noirs trahissant sa présence entre les branches. Descendez, Iris demande à nous parler. Il semble qu’elle ait trouvé quelque chose d’incroyable !
Felix regarda au bas de l’arbre avec appréhension.
— Tiens-toi bien, nous descendons, conseilla Florence, un sourire en coin. Modi !
* * *
Nicolas les guida jusqu’à l’entrée de la forteresse d’Iris, reine des Aviris. Durant les multiples jours où Felix s’y était rendu afin de pratiquer ses sortilèges à l’abri des regards indiscrets, il avait pu explorer cet étrange castel, perdu au cœur de la forêt et protégé d’une haie d’épines infranchissable. La nature et l’être humain semblaient y vivre d’une manière particulièrement harmonieuse : des racines et des tiges se faufilaient dans toutes les crevasses ; le plancher était, presque dans toutes les pièces, revêtu d’herbes ; des arbres lumineux entiers trônaient dans certaines salles ; des lianes tombaient comme des rideaux des hauts plafonds et des fleurs diaprées étalant leurs pétales au pied des murs embaumaient les corridors. Le peuple aviri n’était constitué que de femmes, qui s’étaient toujours tenues à l’écart des hommes et préféraient vivre secrètement à l’abri des arbres et de la forêt. Ainsi, Felix n’avait pu rencontrer qu’Iris depuis qu’il avait appris l’existence de cet endroit, toutes les autres femmes restant cachées dans leur demeure située non loin du castel, hormis une fois où il avait entrevu, derrière un rocher, une femme à la peau légèrement violacée et aux cheveux d’un noir absolu, comme Iris, l’épier discrètement.
Empruntant un corridor bordé de murs entièrement couverts de lierre, ils regagnèrent tous trois la salle où ils avaient, un mois plus tôt, appris qu’ils étaient les gardiens d’une ancienne magie. La pièce était tapissée de verdure et illuminée d’un lumarba, arbre commun qui dégageait de la lumière et abondait sur Élador.
— Enfin ! soupira Niki en les voyant arriver. Nous vous cherchons depuis…
— Une demi-heure, je sais, acheva Felix. Content de te revoir aussi, Niki.
Elle lui envoya une puérile grimace. De toutes les filles qu’il avait connues, Niki était certainement celle qui avait le plus de caractère, ce qui n’enlevait rien à la beauté singulière que lui donnaient ses cheveux blonds et courts de même que son regard espiègle. Elle envoya ensuite un bec soufflé à Nicolas, qui répliqua d’un sourire discret. Tous deux s’étaient considérablement rapprochés durant le mois passé, mais n’osaient encore afficher leur relation naissante en public. À ce titre, Felix ne les avait surpris qu’une fois à s’embrasser, assis près de la mer, alors qu’il allait les inviter à déjeuner avec lui. Nicolas en avait alors été très embarrassé, réaction qui d’ailleurs demeurait encore incompréhensible pour Felix. Qu’y avait-il de mal à s’aimer ?
— J’ai étudié longuement le parchemin que vous m’avez apporté, dit Iris en apparaissant à côté de Niki. Il semble que celui-ci renferme un pouvoir encore plus grand que les précédents et sera d’autant plus difficile à maîtriser.
Ce parchemin, les Tétradors l’avaient trouvé dans la salle secrète du roi défunt, quelques heures à peine suivant son exécution à l’agora. Usant de prudence, ils avaient préféré attendre d’en parler à Iris avant d’en prononcer l’incantation.
— Cependant, il n’y aura de moment plus propice à son apprentissage. Je consens donc à ce que vous l’essayiez, chacun votre tour.
— Pouvons-nous le relire ? demanda Felix.
— Évidemment, acquiesça Iris en leur tendant le parchemin.
Il est une façon de modifier son physique ;
D’être plus endurant et plus fort aussitôt
Que viendra devant vous tout moment fatidique :
Ouvrez large la main et prononcez : Méto !
Longtemps, Felix s’était demandé de quoi il s’agissait, et enfin il pourrait avoir la réponse à ses interrogations.
— Est-ce que l’un d’entre vous se propose pour l’essayer ?
— Moi ! dit Niki en levant prestement le bras. Je vais l’essayer, faites place.
Tous les autres s’exécutèrent, laissant la salle libre pour la gardienne de la lumière. Lors de ses premiers essais, Nicolas avait failli détruire la forteresse en entier en utilisant le sort de destruction. Tous se montraient dorénavant très vigilants lors des démonstrations de nouveaux sortilèges. Niki se plaça face à l’arbre lumineux, puis étendit le bras devant elle, comme elle avait coutume de faire :
— Méto !
Curieusement, rien ne se produisit à l’instant. Comme elle tournait vers Iris son regard interloqué, Felix remarqua que son corps entier semblait lentement disparaître, devenir gazeux et éthéré telle une fumée. La blonde se rendit aussi compte de cette étrange métamorphose : des pieds jusqu’à la tête, son corps ne devint plus qu’une onde transparente et lactescente dont on pouvait toutefois deviner les traits humains.
— Que se passe-t-il ? s’inquiéta-t-elle vivement, sa voix tintant comme un lointain écho. Dites-moi ce qui se passe !
— Il s’agit du sortilège de métamorphose, dit calmement Iris. Surtout, ne touche à personne et ne panique pas. Il te suffit de lancer à nouveau le sort pour l’annuler.
D’une main tremblante, Niki s’appuya contre l’écorce de l’arbre. Aussitôt, une fumée s’en échappa ; tout ce qu’elle touchait semblait brûler sous ses doigts. Aussi, elle s’en détacha et prit quelques secondes pour se contempler à nouveau.
— Je suis devenue la lumière même, constata-t-elle. Méto !
Peu à peu, sa silhouette reprit de sa netteté, puis redevint normale. Tous étaient abasourdis devant cette démonstration : changer d’apparence, devenir soi-même en un claquement de doigts une créature fantastique dépassait largement les limites des sortilèges de destruction et de protection qu’ils avaient appris. Niki fit ensuite quelques pas vers Nicolas avant de s’écrouler brusquement dans ses bras.
— Niki ! paniqua Nicolas en la déposant délicatement sur le sol. Niki, réveille-toi !
— Ne vous inquiétez pas, elle se réveillera sous peu, leur assura Iris. Elle a seulement perdu connaissance en raison de l’épuisement. Ce sort est particulièrement exténuant et ne devra être utilisé qu’en cas extrême, ce qui me fait d’ailleurs penser à cette notion qui ne vous a jamais été transmise : l’usage excessif de tout sortilège entraîne la fatigue, voire l’évanouissement ; faites attention à l’avenir. À qui le tour, maintenant ?
Felix se proposa avec une certaine réticence et prit place au même endroit. Après avoir jeté un bref coup d’œil à Florence et reçu son sourire encourageant, il ferma les yeux et étendit le bras à son tour.
— Méto !
Cette fois, Felix sentit partout sur son corps des picotements incommodants. En regardant ses bras, il y vit bourgeonner des écailles d’un bleu nacré, semblables à celles des poissons, mais remarqua surtout que ses doigts fusionnaient, se transformant peu à peu en deux nageoires dont les galbes semblaient aussi tranchants qu’un rasoir. Il ne pouvait détacher son regard de ces écailles qui miroitaient sous la lumière du lumarba. Il aurait tant souhaité qu’un miroir se trouve à proximité pour se contempler le visage ! Désirant ne pas s’évanouir à son tour, il choisit toutefois d’annuler rapidement le sortilège. Les écailles disparurent et les nageoires se segmentèrent sans la moindre douleur.
— On dirait bien que toi, Felix, tu es l’équivalent d’une sirène, mais en version masculine, fit remarquer Nicolas en haussant les sourcils.
— Comment te sens-tu ? le questionna Iris, probablement inquiète de le voir à son tour s’évanouir.
— Je me sens étourdi, mais je vais bien.
Florence le prit par la main et le fit s’asseoir sur l’herbe. Il venait de vivre un des moments les plus étranges de sa vie et ne se rendait compte qu’avec difficulté qu’il avait désormais le pouvoir de se métamorphoser en tout temps.
— Prends un peu de temps pour te reposer, lui conseilla-t-elle, et surtout, la prochaine fois que tu utiliseras ce sort, fais attention aux nageoires : je ne serais pas surprise d’apprendre qu’elles découpent mieux la chair qu’elles battent l’eau.
— Comment me trouvais-tu en homme-sirène ? plaisanta-t-il en étirant les lèvres.
— Un peu plus laid qu’à l’ordinaire !
Elle lui ébouriffa les cheveux, satisfaite qu’il lui reste assez d’énergie pour badiner. Nicolas consentit à essayer le sortilège à son tour : cette fois, le corps entier du gardien de la terre se raidit, sa peau durcissant comme la pierre. Ses ongles par ailleurs s’allongèrent jusqu’à former des serres redoutablement arquées. Dans cet état, il ressemblait à une sorte de loup-garou imberbe, mais malgré cette apparence singulière, Nicolas demeurait reconnaissable. Il annula le sort et laissa ensuite Florence offrir le spectacle de métamorphose qui, selon Felix, était le plus grandiose d’entre tous : d’abord, ses cheveux roux s’allongèrent en verdissant et en s’épaississant jusqu’à devenir de longues lianes mouvantes, tandis qu’une écorce recouvrit presque entièrement sa peau. Felix la contemplait, bouche bée, faire onduler sa chevelure dans les airs comme les serpents d’une méduse, avant qu’elle reprenne sa forme normale.
On entendit alors un gémissement.
— Ah… j’ai un mal de crâne intense ! se plaignit Niki en se relevant difficilement. Pourquoi me suis-je évanouie ? Ai-je manqué quelque chose ?
Ses trois amis pouffèrent de rire en la voyant aussi désorientée.
— Tu n’as rien manqué d’autre qu’une méduse et un loup-garou, se moqua Felix avant qu’elle lui lance un caillou sur le tibia.
Le zénith étant sur le point de se couvrir de ses fidèles nuages, Iris les reconduisit à la barrière de ronces, que Florence écarta à l’aide d’un sort de modification. Felix s’était rapidement accommodé à l’absence de lune, de soleil et d’étoiles caractéristique d’Urel, l’immense caverne où il se trouvait alors, ainsi qu’à la pluie nocturne qui s’écoulait chaque jour à la même heure.
— Reposez-vous bien. Cet entraînement, quoique court, vous a considérablement épuisés, conseilla Iris. Je ne pense pas qu’il soit sécuritaire de vous apprendre les autres sortilèges avant un certain temps.
Tous les quatre acquiescèrent en secouant brièvement la tête. Ils s’engageaient dans l’étroit passage de ronces lorsqu’Iris tapota l’épaule de Felix afin de le retenir un instant de plus.
— Felix, j’aimerais un jour que tu rencontres les femmes de mon peuple.
Les Aviris avaient toujours gardé une profonde aversion envers les hommes. Aussi, cette déclaration lui apparut surprenante.
— Je le veux bien, mais pourquoi ?
— Simplement pour qu’elles se rendent compte que les hommes ne sont pas tous les mêmes, répondit-elle de son timbre cristallin. Et surtout, prends garde ; tu te rendras sans doute compte sous peu que…
Elle ferma les yeux l’espace d’un instant, puis les rouvrit, avec une tristesse à peine perceptible.
— Que la vie est plus fragile qu’elle ne vous a toujours semblé l’être, acheva-t-elle d’une voix étrange.
Felix ne comprit pas la raison de ce conseil, s’il en était un, et se contenta de lui renvoyer le sourire mystérieux qu’elle lui offrit avant de rejoindre les autres au pas de course, craignant que les ronces ne se referment sur lui. Connaissant désormais mieux le chemin vers le royaume, ils parvinrent à sortir des bois sans encombre malgré la pénombre. En émergeant de la forêt, Felix frissonna :