Anothe me: (Un garçon pas comme les autres)
Par Maryssa Rachel
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEURE
Femme et mère engagée dans la lutte d’une représentation des autres genres et sexualités dans les médias, Maryssa Rachel contribue par son témoignage, son travail et ses interventions à une évolution des esprits et des représentations.
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Aperçu du livre
Anothe me - Maryssa Rachel
Maryssa RACHEL
ANOTHER ME
(Un garçon pas comme les autres)
À Sam,
À mon Fils
Il s’agit d’un parcours… le parcours d’un homme enfermé dans le corps d’une femme.
Un parcours parsemé de doutes, de questionnements, d’angoisses, d’impression de devenir fou, de détresse.
L’homme nous décrit avec force le commencement d’une vie, sa vie.
Il nous parle de sa « re »naissance à 28 ans.
Il nous raconte toutes ces années passées à se chercher, à se perdre, à se cacher, à ne pas oser, à mentir, à jouer un rôle.
Il jongle entre le il et le elle pour essayer de se fondre dans la masse, pour être « invisible », pour avoir la « paix ».
Il a passé des années à faire semblant de… pour faire plaisir à…
Des années à vivre pour les autres en s’oubliant lui-même.
Des années à se déguiser.
Des années à se mentir et à mentir aux autres.
Puis un jour enfin, la révélation, la liberté de penser pour soi, la liberté de prendre soin de soi, la liberté d’être enfin libre « d’être ».
Que la société et ses moralistes aillent au diable,
Que la société qui ne comprend pas puisse enfin ouvrir sa troisième oreille ;
Que la société qui ne comprend pas, puisse enfin écouter, pour que demain tous ces « anges » puissent vivre en paix et dans la totale acceptation de leur « moi ».
La transsexualité a été supprimée des maladies mentales en 2010 et pourtant on leur impose encore deux ans de suivi psychothérapeutique, comme si tous ces médecins avaient le pouvoir de décider de ce qui est « normal » ou pas…
Comment un homme, sous prétexte qu’il est médecin, peut-il décider de l’avenir d’une personne qui ne demande qu’à « être » et « devenir » ?
On raye donc, des maladies mentales, la transsexualité et malgré tout, les « illes et les els » sont encore obligés de se justifier !
Raphaël est un jeune homme né dans le corps d’une fille. Un jeune homme né dans le mauvais corps. Comme bon nombre de trans il aimerait tout simplement pouvoir vivre et non plus survivre.
On entend d’ici de-là qu’il s’agit d’une erreur de la nature, cependant biologiquement parlant il est possible de naitre sous xx xy xxy xyx…
Tout est question de chromosomes… donc l’erreur ce n’est pas lui, mais bien la société, qui se permet encore aujourd’hui de le traiter de malade, de schizophrène, de bipolaire et j’en passe. Si les gens parvenaient à accepter la différence, à respecter l’individu, bon nombre de personnes ne seraient pas en souffrance aujourd’hui.
La société est composée d’êtres différents, c’est pour cela qu’elle fonctionne !
Bonne lecture – Maryssa RACHEL –
« Je suis en colère. Irrité. Négatif. Je vois rouge. Mon cœur bat trop vite. Mon esprit s’embue. Mon cerveau boue. « fight-or-flight »… Je préfère la fuite. Mes muscles se contractent. Mon ventre gargouille. J’ai la nausée. J’ai envie de taper sur tout et partout. Envie de hurler. Rien ne sort. Je dois FUIR, fuir ou mourir. Me battre ou fuir. Me battre pour ne pas mourir. »
Mon histoire c’est l’histoire de tous ceux qui subissent leur corps, qu’il soit trop petit, trop gros, trop grand, trop mince ; un corps en parfaite inadéquation avec ce qu’ils sont vraiment.
Mon passé, mes peurs, mes doutes, mes craintes, mes angoisses ont ponctué ma vie de souffrance, de mal-être, d’incompréhension.
Aujourd’hui, je vis, et je ne survis plus. Aujourd’hui je ne suis plus un fantôme errant, je suis moi, entièrement moi.
Je vais me confier, sans masque, sans faux-semblant. Pour comprendre mon parcours, je vais étaler ma vie, je vais plonger dans ces douloureux passages de mon existence pour vous livrer, à cœur ouvert toutes mes souffrances, mes états d’âme, mon combat perpétuel.
Pour comprendre mon parcours je vais me foutre à poil, là devant vous, je vais vous raconter mon histoire, l’histoire d’un garçon pas comme les autres…
PARCE QU’IL FAUT UN COMMENCEMENT
Hôpital. Il y a une femme sur un lit aux draps trop blancs, une femme les pieds posés sur des « étriers ». Il y a un médecin entre les jambes de la femme. Un médecin qui rassure. Un médecin qui dit « Tout ira bien ». Nous sommes en 1983 dans un petit hôpital dans le sud de la France. Cette femme, cette belle femme rousse, c’est ma mère. Et l’homme à côté, l’homme avec la petite moustache c’est mon père. Mes parents sont jeunes. Dans le ventre de ma mère, il y a moi. Moi qui ne vais pas tarder à sortir, à glisser du sexe maternel comme une savonnette mouillée. Moi qui vais venir au monde. Moi qui vais hurler…
« Stop ! Il faut me remettre là-dedans ! J’ai oublié un truc à l’intérieur ! Il ne faut pas me laisser comme ça ! Je vais faire comment moi, s’il me manque ce petit quelque chose ? Maman ! Aide-moi ! Dis-leur, toi ! S’il te plait ! »
J’ai glissé dans la vie. Et me voilà à hurler, à crier, à pleurer. Me voilà au monde, nu comme un ver, avec ce corps qui n’est pas le mien.
Maman s’occupe bien de moi. Elle me donne à manger. Elle me change. Elle me câline. Puis il y a les mains dans lesquelles je passe, de bras en bras pour me faire chouchouter. On me met le pyjama rose. On me met le bonnet rose. Je ne comprends rien encore. Je suis tout petit. Je suis « neutre ». Je n’ai d’avis sur rien.
Je rentre avec maman à la maison.
On me mettra dans le berceau avec les draps roses, dans la chambre rose. Je suis un tube digestif. J’avale ce qu’on me demande d’avaler. Je suis un tube digestif, qui ne pense pas mais qui sourit parfois.
Puis comme tous les petits êtres qui viennent au monde, je grandis.
J’apprends à manger, parler, marcher, à être propre et à être RESPECTUEUX. Je dois apprendre à dire merci et s’il te plait. Je dois apprendre à vivre dans cette jungle humaine, dans cette société que j’apprendrai à dompter, que j’apprendrai peu à peu à manipuler. Je dois apprendre qu’il y a des choses bonnes, et des choses mauvaises. Je dois apprendre l’hypocrisie, le mensonge, la peur, la convoitise, je dois apprendre à vivre en société.
Puis il y a mes rêves qui se construisent. Puis il y a mes envies qui deviennent de plus en plus nettes.
Quand je serai grand je ressemblerai à papa. J’aurai une grosse voix, une petite moustache, comme papa. Je protégerai maman. Je serai beau, fort, intelligent et surtout heureux.
Mais les gens commencent à me contredire. Les gens commencent à me dire « Non… tu ne seras pas… mais tu deviendras ce que tu n’es pas ».
Je me bouche les oreilles, je ne les entends pas tous ces gens qui me bousculent, me raillent, me conseillent. Qu’ils me laissent tranquille ! J’m’en fous moi de ce qu’ils me disent. J’m’en fous moi, lorsqu’ils se penchent à mon oreille pour me chuchoter que je ne suis pas normal.
C’est faux. Je ne m’en fous pas, je commence à apprendre par étapes la souffrance, le mal-être, l’incompréhension… J’ai mal, moi, lorsqu’ils me jugent ; leurs mots comme des coups de poing en plein cœur. J’ai mal, moi, lorsqu’ils ne m’entendent pas ; j’ai mal, moi, parce qu’ils ne me voient pas. J’ai mal lorsqu’ils me disent que je suis « belle » ; j’ai mal lorsqu’ils me disent « petite fille »…
Je voudrais me réveiller un matin avec le sexe de l’homme qui pend entre mes cuisses. Un morceau de chair qui serait à moi.
Un jour je serai un garçon comme les autres !
Je grandis peu à peu, tout doucement et c’est rigolo parce que je passe un cap où tout ne semble pas si grave que ça ! Un cap où les jugements n’ont pas lieu. Un cap où je suis accepté par les gosses de mon âge.
***
Et il y a tous ces souvenirs qui s’enchaînent et qui font partie de mon passé. Il y a toutes ces étapes par lesquelles je suis passé, et que je ne dois pas oublier, car c’est mon passé qui m’a construit et qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Le passé est parfois douloureux, mais il est passé et il a construit le présent. L’oublier c’est oublier de poser les fondations d’une baraque ; en essayant d’oublier on se casse la gueule c’est certain.
Tout a commencé très tôt. Petit, je ne voyais pas le mal. J’étais un garçon, un garçon comme les autres, juste un peu différent. Différent comme mon voisin au teint basané. Différent comme la petite Julie au corps déformé. Différent comme mon grand-père trop gros. Juste un peu différent.
***
Je ne comprenais pas pourquoi maman disait que j’étais une fille. Je sais ce qu’est une fille. Une fille c’est ma cousine, une fille c’est maman ou tatie. Moi je ne suis pas une fille puisque je ressemble à mon frère et à mon père.
J’ai quatre ans – Je suis tout petit. Nous partons voir la meilleure amie de maman dans le Sud. Je me souviens de la chaleur étouffante. Je me souviens des vitres baissées. Je me souviens de la lumière jaune du soleil, je me souviens… Nous roulons, encore, nous roulons, nous avançons, je suis tout petit…
Maman se gare dans l’allée. J’aime le bruit des roues de la voiture lorsque maman va tout doucement. J’aime le bruit des petits cailloux sous les roues de la voiture de maman.
Une femme brune nous accueille. Elle est comme maman. Maman qui n’a pas d’âge. Elle rigole. Elle sourit. Elle me pince la joue en disant « Oh la petite Rachel, que tu grandis… ». Puis après elle dit des trucs à ma mère que je ne comprends pas. Elles parlent, elles jacassent… discussions d’adultes que je n’ai de toute façon pas envie de comprendre.
Moi ce qui m’intéresse ce sont les rires des enfants que j’entends de l’autre côté de la pièce. Je regarde dans la maison aux volets clos. Je regarde et je trépigne. Alors l’amie de maman dit « Ah tu as entendu les enfants jouer. Venez, rentrez… ».
Nous rentrons. Nous suivons l’amie de maman. Nous traversons le petit couloir aux carrelages blancs. Nous sommes dans la grande salle à manger blanche, avec le piano noir au centre de la pièce. Et je regarde autour de moi. Et je vois les tableaux sur les murs, je vois le gros lustre qui pend au plafond. J’entends encore le rire de joie des enfants dehors. Mais je ne peux pas voir dehors car les volets ne sont pas entièrement ouverts. L’amie de maman dit « Il fait tellement chaud dehors, je ferme un peu pour garder de la fraicheur ».
L’amie de maman nous apporte à boire. De la citronnade. Et moi j’écoute encore dehors. Je ne dis rien, je n’ose pas dire que je veux voir dehors ce qu’il se passe. Je n’ose pas, car maman m’a dit dans la voiture « Sois sage… ne me fais pas honte ». Alors je me tais. Alors, je bois la citronnade calmement, sans en mettre « de partout ». Je bois et je pose le verre sur le petit cercle de carton posé sur la table. Puis j’attends. Je n’ose pas m’asseoir. J’attends en écoutant les bruits de vie du dehors.
J’entends le rire des enfants