Cours Sur Le Maintien de La Paix Pour Le CA2D-3
Cours Sur Le Maintien de La Paix Pour Le CA2D-3
Cours Sur Le Maintien de La Paix Pour Le CA2D-3
Enseignant :
INTRODUCTION
La paix est une construction et une quête permanentes. Cette assertion qui peut faire figure de
credo constructiviste revêt un tout autre sens. En effet, fondé sur l’un des buts que la
communauté internationale lui a fixés à savoir maintenir la paix et la sécurité internationales,
l’Organisation des Nations Unies (ONU) œuvre sans cesse au maintien et à la consolidation
de la paix entre les nations et les peuples. C’est ainsi que, de 19481 à 2010, 67 opérations de
maintien de la paix ont été menées afin de rétablir la paix lorsqu’elle était rompue ; soit 54
après 1988 tels que 17 missions furent lancées entre 1989 et 1993 2. A la fin des années 1940
l’on assistait davantage à des missions d’observation et, au milieu des années 1950 il y eut les
premiers déploiements3. En 1988 l’on comptait 5 opérations de maintien de la paix mobilisant
9500 personnels militaires ; en 1992, l’on en dénombrait 11 pour 11500 personnels et en
1994, elles étaient 17 pour 73000 soldats4.
L’importance des missions de maintien de la paix a excité l’activité intellectuelle au point que
des publications fusèrent sur la question. Une grammaire spécifique a vu le jour, utilisant
confusément les concepts de maintien de la paix, de consolidation de la paix et de
renforcement de la paix par exemple. L’inflation discursive au sujet du maintien de la paix
traduisait ainsi une passion des peuples pour la paix et l’existence d’un objet de recherche
passionnant. Il faut cependant comme le conseillait Aristote, s’accorder sur le sens des
concepts, en l’occurrence ici, celui de maintien de la paix.
1
avec le consentement des parties intéressées, afin d’aider à restaurer ou à maintenir la paix
dans une zone de conflit. Comme on le voit donc, le sens originel d’une OMP est fortement
lié à la neutralité et la notion du consentement des parties faisait figure de dogme. Les OMP
sont une catégorie d’interventions prévues par la Charte des Nations Unies dans le cadre du
chapitre VI consacré au règlement pacifique des conflits ou de son chapitre VII prévoyant des
actions destinées à imposer la paix au cas où elle serait menacée ou rompue. Le maintien de la
paix encore appelé peace keeping signifie le déploiement d’effectifs, principalement militaires
par l’ONU6 avec le consentement des parties concernées, en vue de maintenir un cessez-le-feu
et de prévenir la reprise des hostilités.
Au sens du droit international, comme le rappelle Jean Salmon, le maintien de la paix est une
action consistant à faire perdurer un état de paix, spécialement lorsque celui-ci est menacé.
C’est une action concrète menée sur le terrain par les Nations Unies pour maintenir la paix
dans un territoire7. Dans son rapport présenté le 30 juin 1992 encore appelé « Agenda pour la
paix », Boutros-Boutros Ghali ancien Secrétaire général des Nations Unies disait du maintien
de la paix qu’il consiste à établir une présence des Nations Unies sur le terrain, ce qui n’a
jusqu’à présent été fait qu’avec l’assentiment des parties concernées et s’est normalement
traduit par un déploiement d’effectifs militaires et/ou de police des Nations Unies, ainsi dans
bien des cas que de personnel civil. Il ressort de ces différentes définitions deux éléments
constants à savoir le consentement des parties et la neutralité des forces onusiennes.
Cependant, au regard des missions nouvelles, l’on est en droit de penser à une évolution. En
effet, le consentement des parties à accueillir les OMP n’a de sens que lorsqu’il s’agit de deux
belligérants bien identifiés notamment dans le cas d’un conflit interétatique. Dans le cas des
guerres civiles, ce consentement n’est que fort peu requis dès lors que les droits sont bafoués
ou alors lorsque l’Etat n’a plus d’existence que formelle comme dans le cas de la Somalie au
début des années 1990.
6
A ce titre, l’article 24 section 1 de la Charte des Nations Unies dispose que : «Afin d’assurer l’action rapide et
efficace de l’Organisation, ses membres confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du
maintien de la paix et de la sécurité internationales »
7
Jean Salmon (Dir.) Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant/AUF, 2001, p.678.
8
Le paragraphe 17 de cette résolution dit explicitement que le Conseil de sécurité: « Autorise la MINUSMA à
user de tous moyens nécessaires, dans la limite de ses capacités et dans ses zones de déploiement, pour
s’acquitter du mandat défini aux sous-alinéas i) et ii) de l’alinéa a), aux alinéas i) et iii) de l’alinéa c) et aux
alinéas e), f) et g) du paragraphe 16, et prie les composantes civile et militaire de la Mission de coordonner
leurs activités en vue d’appuyer l’exécution des tâches énoncées au paragraphe 16 ».
9
En son paragraphe 12, le Conseil de sécurité dit de façon explicite qu’il « Autorise la MONUSCO, à travers sa
composante militaire, en vue d’atteindre les objectifs énoncés au paragraphe 11 ci-dessus, à prendre toutes
les mesures nécessaires pour s’acquitter des tâches suivantes en ayant recours à ses forces régulières ou à sa
brigade d’intervention, selon qu’il conviendra… ».
2
évolution ne doit cependant pas nourrir la confusion avec les concepts voisins qui quelques
fois traduisent justement l’évolution des missions de maintien de la paix.
Le maintien de la paix a souvent fait l’objet de confusions avec certains concepts qui lui sont
proches. Il s’agit notamment de rétablissement de la paix, imposition de la paix, et
consolidation de la paix. Pour lever cette confusion, il faut de prime abord rappeler que le
maintien de la paix dans sa conception originelle est une interposition entre deux forces
belligérantes en vue de veiller sur le cessez-le-feu obtenu par elles. Une mission de maintien
de la paix se contentait donc de s’assurer que la paix précaire obtenue suite à un accord de
cessez-le-feu sera maintenue. Des évolutions sur lesquelles l’on reviendra plus tard, ont obligé
à un élargissement du sens de cette notion pour donner lieu à des concepts voisins.
Il s’agit d’une mission qui, outre l’objectif initial de maintenir la paix précaire obtenue, vise à
rapprocher les parties à un conflit par la médiation et la négociation. Cette pratique s’appuie
sur le recours aux moyens coopératifs prévus par le chapitre 6 de la Charte des Nations Unies.
Le rétablissement de la paix n’est cependant pas à confondre avec les missions préventives
que l’on déploie dans le cadre de la diplomatie préventive par exemple, afin d’empêcher
l’éclatement d’un conflit.
3
Elle tire sa source du pouvoir dont dispose le Conseil de sécurité des Nations Unies en vertu
du chapitre 7, de décider d’une action coercitive en cas de « menace contre la paix, de rupture
de la paix ou d’acte d’agression ». Dans ce cas, il s’agit de déployer des missions onusiennes
pour faire respecter les accords. Selon les dispositions du chapitre 8 de la Charte, cette
mission peut également être menée par les organisations régionales.
De toute évidence, les missions de maintien de la paix ont connu une évolution historique qui
donne sens aux concepts voisins ainsi évoqués, et les inscrit dans une contigüité sémantique.
Ainsi, dans cet enseignement le concept de maintien de la paix doit être compris au sens large
comme une réalité qui prend en compte l’ensemble de ces concepts, selon que chaque conflit
est une réalité particulière qui impose une formule. Il y a des conflits interétatiques qui
peuvent correspondre au schéma classique d’une mission de maintien de la paix entendue
comme une interposition à la suite de l’accord des parties. Il y a également des conflits qui,
parce qu’intra-étatiques par exemple, et s’illustrant par la violation des droits de l’homme
peuvent entrainer une intervention sous le mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies,
sans le consentement des parties au conflit et ayant mandat pour désarmer, arrêter et juger les
coupables, contribuer à la reconstruction du pays etc. La nouvelle génération des missions de
maintien de la paix à l’image de la MONUSCO new look, la MINUSMA, la MINUSCA
semble obéir à cette formule. Les missions de maintien de la paix doivent donc être entendue
ici comme un concept générique et général pour rendre compte de la diversité de ces missions
onusiennes mais également régionales qui visent à agir pour sauvegarder, préserver,
maintenir, protéger, rétablir, reconstruire, consolider la paix là où elle est menacée ou rompue.
Les missions de maintien de la paix seront dès lors abordées d’un point de vue pratique
comme une réalité de la communauté internationale (I) ensuite, elles seront analysées à
l’épreuve de la théorie des relations internationales (II).
Envisager le maintien de la paix comme une réalité pratique c’est vouloir rendre compte de la
praxis de cette activité quant à son évolution dans le temps, dans le sens, et en présenter les
outils et mécanismes avant de s’interroger sur sa pratique qui quelques fois révèle des dérives
et limites.
4
A. Evolution historique et ontologique des missions de maintien de la paix
Nul ne peut parler des missions de maintien de la paix sans tenir compte de l’évolution de leur
sens et de leur essence dans le temps. Aujourd’hui la notion de « casques bleus » qui renvoie
aux soldats de la paix est devenue banale. En cette année 2016, les casques bleus vont
commémorer leur 60e anniversaire. En effet, c’est en 1956 lors de la crise du canal de Suez
que les « casques bleus » interviennent pour la première fois. Cette appellation d’invention
canadienne viendra suppléer celle de « bérets bleus ». Ce changement d’appellation est aussi
un changement de paradigme et illustre bien que les missions de maintien de la paix sont
transformées par les évènements historiques. En effet, trois périodes sont indentifiables quand
il s’agit de parler de ces missions. Elles correspondent aux trois générations du maintien de la
paix.
5
multidimensionnelle. Elles intègrent aussi bien le maintien de la paix, le rétablissement de la
paix, l’imposition de la paix que la consolidation de la paix. Ceci donne sens à l’idée que ces
différentes notions ne sont pas des cloisons étanches.
Depuis 1994 enfin, l’on assiste à la troisième génération des missions de maintien de la paix.
Elles trouvent leur fondement dans l’Agenda pour la paix rendu public par l’ancien secrétaire
des Nations Unies Boutros-Boutros Ghali le 17 juin 1992. L’accent est mis sur l’imposition
de la paix car, le constat de l’échec des missions est fait et l’on tient pour responsable la
mauvaise foi des Etats qui, s’appuyant sur le principe de l’égalité souveraine des Etats
du système international, obstruaient quelques fois le bon déroulement des missions. De
plus, il est dit que l’imposition de la paix au sein des Etats implosés par les conflits passe
par la reconstruction, la démocratisation et le développement. Il y a donc un passage des
missions militaires ou paramilitaires vers des missions civiles voire sociales. Cette génération
de missions va être aussi l’occasion de la décentralisation du mécanisme onusien de la
sécurité collective. En effet, plusieurs de ces missions sont menées par des acteurs autres que
l’ONU. Il en a été ainsi du déploiement des américains en Somalie en 1992, à Haïti en 1994,
l’OTAN en Bosnie en 1995 et au Kosovo en 1999 ; l’ECOMOG en Sierra Leone en 1997, la
France en Côte d’Ivoire en 2002. Cela permet de voir à l’œuvre des interventions d’Etats ou
d’organisations régionales avec le mandat de l’ONU.
De manière générale, l’on considère que les opérations du maintien de la paix sont gérées par
les Nations Unies qui les initient. Mais au plan pratique, il existe une distribution des rôles
bien structurée. Lorsqu’en 1948 les premières missions de maintien de la paix sont mises sur
pied, notamment, le Groupe d’observateurs militaires des Nations Unies en Inde et dans le
Pakistan (UNMOGIP) et l’Organe des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve
(ONUST), les OMP étaient gérées par le Bureau des Affaires politiques de l’ONU. En 1992,
M. Boutros-Boutros Ghali, alors secrétaire général des Nations Unies va créer le Département
6
des opérations du maintien de la paix (DOMP). Il s’agit d’une structure des Nations Unies
comprenant quatre bureaux et qui est censé répondre à la forte pression logistique des OMP. Il
comprend un bureau des opérations qui fournit les conseils et un appui logistique ; un bureau
de l’état de droit et des institutions chargées de la sécurité ; un bureau des affaires militaires et
d’une division des politiques de l’évaluation et de la formation. Ce département est sous la
responsabilité du secrétaire général adjoint des Nations Unies aux Opérations de maintien de
la paix. Cette fonction est actuellement occupée par M. Jean-Pierre Lacroix.
Cependant, le système des OMP s’avère surchargé. La pression logistique ne cesse d’accroitre
sur le DOMP. En 2008 par exemple, près de 90.000 casques bleus servent dans 20 opérations
dont les mandats vont du maintien de la paix à l’imposition, en passant par la stabilisation et
l’observation. Le budget explose à 7,4 milliards de dollars en augmentation de 10% de 2007
en 2008. Cette réalité de surcharge implique qu’une réflexion profonde s’imposait sur l’avenir
du maintien de la paix. En 1992 déjà, le secrétaire général Boutros Ghali avait jeté les bases
des nouveaux paradigmes de prévention, de maintien et de consolidation de la paix. C’est
dans ce cadre qu’un Département des opérations de maintien de la paix a été créé en 1992 11.
Pour ne pas négliger la situation post-conflit, en 1997, M. Kofi Annan alors SG/ONU
remplaçant Boutros Ghali confie au département des affaires politiques la coordination des
questions liées à la consolidation de la paix. En mars 2000 le SG/ONU confie à un groupe
d’étude indépendant présidé par Lakhdar Brahimi le soin de recenser les défaillances du
système de maintien de la paix et de formuler des recommandations. L’une des
recommandations suggérait que l’ONU devienne un organe de coordination des bailleurs de
fonds et proposait la constitution d’une entité institutionnelle intégrée. C’est ainsi que lors du
sommet mondial de 2005, il est demandé la création d’une Commission de consolidation de la
paix, création qui sera confirmée par le Conseil de sécurité et l’A.G des Nations Unies plus
tard12. Cette Commission vient en appui au D.O.M.P qui est la principale cheville ouvrière du
maintien de la paix de l’O.N.U. Cependant, l’O.N.U n’a pas une force armée propre. Il est
vrai que la question s’est souvent posée. Entre 1946 et 1948, un comité interarmes onusien
s’était déjà penché sur les modalités d’application des articles 42 à 47 et avait conçu
l’organisation et les plans nécessaires pour utiliser collectivement la force. En 1992, Boutros-
Boutros Ghali a énoncé l’idée des « unités d’imposition de la paix » et des contingents
nationaux placés en disponibilité pour l’ONU. D’autres auteurs, tels que Luck 13 proposaient
une force robuste de 50.000 à 100.000 hommes, ou des forces multinationales et régionales
composées de légionnaires et de mercenaires volontaires14. Le succès des O.M.P nécessite
une logistique et un dispositif en personnel qui a un coût. Le déploiement des missions sur le
terrain se fait certes sous l’encadrement du Département des opérations de maintien de la
paix, mais la réalité des opérations implique d’autres composantes.
7
Le maintien de la paix est une opération lourde déployée par les Nations Unies afin d’œuvrer
au rétablissement, au maintien ou à la consolidation de la paix sur un terrain de conflit. Parler
de ses outils et mécanismes peut revenir finalement à expliquer le processus de déploiement
d’une O.M.P. Tout commence par le constat de la menace ou de la rupture de la paix entre
deux acteurs étatiques ou dans le cadre d’un conflit intra-étatique, un état de violence entre
deux acteurs internes avec incidence sur les droits de l’homme et les populations civiles. Une
mission de paix voit toujours le jour à la suite d’une résolution soit du Conseil de sécurité soit
de l’Assemblée générale des Nations Unies. Cette résolution fait le constat de la menace à la
paix et à la sécurité, dresse la situation des droits de l’homme, crée une mission en lui donnant
une appellation et en précise le mandat. Mais ensuite, il faut trouver les troupes censées
constituer le contingent, le personnel civil disponible, les observateurs, et les moyens de
fonctionnement de la mission. En somme, une opération de maintien de la paix de l’O.N.U
voit le jour dans un ordre précis. En cas de crise ou conflit, il y a d’abord des consultations
qui précèdent une mission d’évaluation sur le terrain. Cette mission donne lieu à une
résolution du Conseil de sécurité. Le secrétaire général désigne ensuite un responsable de
l’opération qui est souvent appelé Représentant Spécial du SG/ONU. De la même manière, il
désigne le commandant de la force armée et le chef de la police. Le DOMP et le DAM dote la
mission des effectifs civils nécessaires. Le déploiement est alors planifié et effectué par le
Chef de mission en collaboration avec le DOMP et le Département de l’Appui aux Missions
(DAM). Le SG/ONU fait un rapport périodique au Conseil de sécurité sur le déroulement de
la mission.
8
des O.M.P sont de plus en plus victimes d’actes de violence de la part des groupes insurgés,
comme le démontre encore l’exemple du Mali et de la R.D.C.
Ces O.M.P ont également un coût financier important car, sans l’apport financier des
contributeurs aucune mission de maintien de la paix ne peut être déployée. Le tableau ci-
dessous donne une vue synoptique des effectifs et des couts liés aux OMP.
surveillance de la
trêve
NU en Inde et dans
le Pakistan
9
le dégagement
en Haïti
e intégrée des NU
pour la stabilisation
du Mali
e intégrée des NU
pour la stabilisation
de la RCA
d’un référendum
au Sahara
occidental
Darfour
Ces éléments de statistiques doivent toutefois être enrichis au fil des ans car, si l’on considère
par exemple les pertes en vies humaines des opérations, leur nombre évolue sinon chaque
jour, du moins au fil des semaines. Les budgets par ailleurs ne sont pas fixes et couvrent une
période précise.
Malgré le rôle honorable des opérations de maintien de la paix reconnu et salué par la
communauté internationale, il convient tout de même de poser un regard critique dans une
perspective d’évaluation sur la pratique concrète du maintien de la paix. Au-delà des relents
impérialistes que dénoncent certains auteurs lorsqu’ils estiment que les O.M.P sont le bras
armé des Etats puissants pour maintenir sous tutelle certains Etats dotés de ressources
naturelles importantes, il y a des éléments avérés de mauvaises pratiques des O.M.P. En 2006
par exemple, alors que les débats étaient menés aux Nations Unies sur l’opportunité du
10
déploiement d’une mission de maintien de la paix au Darfour, le président soudanais Omar
Hassan El Béchir s’y est opposé avec vigueur car il dénonçait les objectifs non avoués d’une
telle opération aux portes de Khartoum. En effet, les missions de maintien de la paix peuvent
être des prétextes pour déstabiliser un régime dit ‘autoritaire’. Surtout, avec la nouvelle
génération naissante des OMP qui a un mandat coercitif à lui donné par le Conseil de sécurité
des Nations Unies. A la place, le président Béchir proposait de déployer une force de 10.000
hommes pour sécuriser le Darfour. C’est dire que les missions onusiennes de maintien de la
paix ne sont pas toujours innocentes. Mais, au-delà des enjeux et ressorts géopolitiques et
sécuritaires de ces missions, certains éléments dans leur conduite concrète posent problème et
amènent à s’interroger sur leur bien-fondé et leurs résultats probants.
De façon générale, l’on peut s’interroger sur les résultats des OMP au regard de certaines
d’entre elles qui sont en cours depuis des décennies. Depuis mai 1948 en effet, l’Organisme
des Nations Unies chargée de la Surveillance de la Trêve (ONUST) en Palestine a été mis en
place. Au regard de la rémanence et de la résilience de la violence dans le Proche-Orient
malgré la présence de cette opération multi-décennaire, l’on peut s’interroger. Il en est de
même du Groupe d’Observation Militaire des Nations Unies en Inde et dans le Pakistan
(UNMOGIP) qui existe depuis janvier 1949. Cette longue durée d’existence peut être
quelques fois un révélateur de l’incapacité des Nations Unies à maintenir, rétablir ou
consolider la paix entre les parties. Par ailleurs, cette durée indéterminée peut s’expliquer par
la nature complexe des O.M.P et des objectifs assignés à la mission. De plus en plus de
missions ont mandat pour sécuriser les populations au-delà de maintenir une paix fragile
quelques fois obtenue à la suite d’un accord de cessez-le-feu. Or, la sécurisation des
populations n’est pas chose facile dans un contexte de guerre civile par exemple. De même,
les objectifs de démocratisation, de reconstruction, d’aide à la remise sur pied des structures
étatiques ne sont pas prévisibles dans le temps. Du coup, cette longue durée des O.M.P peut
laisser penser qu’il existe un marché du maintien de la paix.
Lorsqu’on analyse les budgets des seize O.M.P en cours, tous se chiffrent en milliers de
dollars U.S. Il s’agit d’un pactole important que la communauté internationale met dans la
cagnotte du maintien de la paix. Au-delà de l’entretien des troupes, de la formation, des
dépenses logistiques et autres, l’on peut bien comprendre que les rentes du maintien de la paix
poussent les autorités onusiennes et les organisations non gouvernementales à faire perdurer
une O.M.P. Ces différentes catégories que Michael Marren15 appelle les « marchands de la
paix », ont des intérêts pluriels dans le maintien de la paix 16. Il rappelle par exemple qu’en
1993, 3,5 milliards de dollars U.S ont été dépensés par le système des Nations Unies pour
procurer des biens et services. 1,5 milliards auraient servi aux missions de maintien de la paix.
Le déclenchement d’une O.M.P entraine le déferlement des organismes de « charité »
internationale, les hommes d’affaires, les humanitaires de tous bords. Dans les cas de la
reconstruction nécessaire d’un pays, les milliers de contrats sont passés avec des prestataires
de services dans les domaines militaire, médical, des travaux publics, de l’armement etc. Il est
15
Michael Marren, The road to hell. The ravaging effects of foreign aid and international charity, New York, the
Free Press, 1997. Voir notamment le chapitre16 consacré au maintien de la paix.
16
Voir également : Bertrand Badie, La diplomatie des droits de l’homme. Entre éthique et volonté de puissance,
Paris, Fayard, 2002.
11
fort à parier qu’autant d’intérêts ne peuvent que produire un effet de cristallisation autour des
O.M.P et par conséquent, les rendre perpétuelles. Cela ne peut être possible sans le rôle
important que joue le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies qui lui
adresse un rapport périodique sur la situation. Leur moralité et leur neutralité doivent donc
être rompues à toute épreuve. Cependant, lorsqu’on se penche sur le comportement de
certains d’entre-eux, l’on peut s’interroger. En 2010, alors que le président Idriss Déby Itno
épousait Hamani Al Hilal, la fille du rebelle Moussa Al Hilal pour sceller la réconciliation
avec son homologue Omar Béchir, l’on a vu présent à la cérémonie M. Mohammed Gambari,
représentant spécial du S.G/O.N.U pour le Darfour, alors que le président Béchir faisait
l’objet d’un mandat d’arrêt de la C.P.I. De même, l’on entend régulièrement les populations
de l’Est de la R.D.C réclamer le départ des casques bleus de la MONUSCO et dénoncer pour
certaines, l’attitude de M. Martin Kobler alors représentant spécial de M. le SG/ONU avant
son départ en 2015. Si tant de dénonciations se font entendre, c’est quelques fois également à
cause de la conduite immorale des soldats de la paix.
L’histoire contemporaine des OMP rend compte des pratiques déviées de mœurs telles que les
viols et autres trafics. Un chef de bataillon uruguayen de la mission des Nations Unies en
Haïti a été démis de ses fonctions parce que quatre de ses soldats ont été accusés de viol sur
un jeune haïtien de 18 ans. Au sud Soudan, des casques bleus et des personnels civils de
l’ONU ont été accusés d’avoir violé plus de vingt enfants et adolescents dans la ville de Juba
en décembre 2006. En R.D.C, la MONUC a ouvert une enquête en janvier 2002 sur le viol
d’une fillette de 10 ans perpétré à Goma par un soldat du contingent marocain. Au Mali, des
soldats tchadiens de la MINUSMA ont été accusés de viols et de mauvaise conduite à Gao en
septembre 2013. De même, les soldats de la MINUSCA et ceux du contingent français en
RCA font régulièrement l’objet d’accusation d’abus sexuels et de viols.
La litanie des cas de viols ne saurait cependant être exhaustive, tant l’on n’a connaissance que
des cas avérés et des cas révélés. Nul ne sait le nombre de cas étouffés ou dissimulés. Il faut
toutefois ne pas négliger la prolifération de certaines pathologies par les casques bleus et la
propagation du VIH/SIDA par les mêmes dans les zones d’opération. A ces travers, il faut
ajouter les problèmes de trafic des ressources naturelles dont certains accusent les missions de
la paix. Une fois encore, la MONUC a été indexée après la mort du soldat Sadia Faty de
nationalité sénégalaise en octobre 2012. Ce dernier avait dénoncé un possible trafic de
diamants par des hauts gradés de la MONUC. L’on voit donc le business du maintien de la
paix fabriquer des fortunes et en même temps, maintenir non plus seulement la paix, mais
également la pauvreté des Etats en crise sécuritaire ou politique17.
Comme on le voit donc, le maintien de la paix pose des problèmes qui peuvent amener à son
questionnement. Est-il nécessaire de déployer autant de moyens pour maintenir la paix alors
que quelques fois, c’est précisément l’absence d’aide de la communauté internationale qui a
créé les conditions de rupture de la paix ? Pourquoi ne pas venir au secours des Etats avant la
17
On peut lire à ce sujet : William Easterly The white man’s burden. Why the West’s efforts to aid the rest have
done so much ill and little good. London, Penguin Book, 2006. Paul Collier, The bottom billion. Why the poorest
countries are failing and what can be done about it, Oxford, Oxford University Press, 2007.
12
rupture de la paix plutôt que d’attendre des morts comme dans le cas de la Syrie avant
d’intervenir ? L’on n’aura jamais la réponse à toutes les questions que suscitent les O.M.P car,
elles sont le résultat des décisions politiques. Mais, pour accéder quelque peu à l’intelligence
des missions de maintien de la paix il peut être heuristiquement fertile d’y poser un regard
théoriquement informé.
Nous avons conscience que tous les auditeurs de ce Master ne sont pas munis d’un
background leur permettant de comprendre les méandres de la théorie des relations
internationales. Aussi, allons-nous faire un effort de simplification pour autant que cela soit
possible. Le but de cette partie est de camper le cadre théorique qui permet d’expliquer
l’essence, le sens et les réalités des missions de maintien de la paix, car, elles s’inscrivent bien
dans des schèmes théoriques qui expliquent des positions prises par les différents acteurs du
maintien de la paix.
Le maintien de la paix est le résultat d’une conception idéaliste de la société internationale qui
a progressivement émergé au long des siècles et est intimement liée à la notion de sécurité
collective. Cette dernière notion suppose la formation d’alliances dans le but de secourir l’une
quelconque des parties en butte aux difficultés sécuritaires. Cette idée prend une forme avec la
naissance de la Société des Nations en 1919 et est définitivement scellée comme cœur de
métier de la communauté internationale incarnée dans l’O.N.U en 1945.
Au plan historique, l’une des plus anciennes évocations de la sécurité collective est celle de
Pierre Dubois qui en 1305 avait prôné l’unité de la république chrétienne et la paix perpétuelle
de tous les catholiques par l’arbitrage et les procédures judiciaires afin de reprendre les
croisades. Il intitula son plan « De recuperatione terrae sancta ». En 1464, George de
Podiebrad, Roi de Bohême soumet à Louis XI un plan de sécurité collective prônant une
organisation laïque des souverains. Il s’agissait pour lui, dix ans après la chute de
Constantinople, de proposer l’organisation de la défense des royaumes européens contre les
Turcs. C’est dans le même sens que l’on peut interpréter le « projet pour rendre la paix
perpétuelle en Europe » de l’abbé de Saint Pierre en 1713. Ce denier venant de prendre part
au congrès d’Utrecht qui marquait la fin de la guerre de succession d’Espagne, exprime son
désaveu pour la politique de Louis XIV. En effet, au sortir de ce congrès, la France est
militairement affaiblie et doit abandonner ses avantages tarifaires, et subir la suprématie de
l’Angleterre qui en sort renforcée. L’idée de ce projet est d’empêcher les fauteurs de trouble
de faire la guerre. De ces substrats naquit le Concert européen qui en 1814, inaugura un siècle
de paix entre les puissances européennes. Quand le concert européen est rompu par la
première guerre mondiale, la Sainte alliance initiée le 26 septembre 1815 fut rendue caduque.
13
Il fallait imaginer une formule solide, institutionnelle et viable pour préserver la paix
internationale. La Société des Nations sera la formule proposée sous l’instigation du président
américain Woodrow Wilson et va réussir à faire adopter son programme pour la paix tel qu’il
transparait dans les 14 points de son discours prononcé le 8 janvier 1918 devant le Congrès
américain.
Les solutions préconisées par Woodrow Wilson pour éviter un autre conflit mondial en
1918 :
L’idée de sécurité collective ainsi codifiée va connaitre des évolutions dans le temps
notamment avec le passage de la Société des Nations aux Nations Unies en 1945. En effet,
cette dernière a un objectif clair qui transparait de l’article 1§ 1 de la Charte de San Francisco.
Il dit : « Les buts des Nations Unies sont les suivants : 1) Maintenir la paix et la sécurité
internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et
d’écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la
paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du
droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère
international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ». La conception onusienne du
maintien de la paix, on l’a vu, a évolué à l’épreuve des terrains où l’organisation
internationale a dû se déployer. Elle a connu pendant un temps, une certaine décentralisation
en s’appuyant notamment sur les organisations régionales et les communautés économiques
régionales.
Comme on le voit donc, le maintien de la paix en tant que corollaire de la mise en œuvre des
principes et de la philosophie onusiens de la paix et de la sécurité internationales est
éminemment idéaliste/libéral. Idéaliste parce qu’il est né dans un contexte international post-
première guerre mondiale où, à cause de l’horreur de la guerre, les acteurs se sont mis à rêver
d’une société de paix et ont dessiné la structure idéale pour éviter la reproduction des horreurs
14
de la guerre. Le maintien de la paix est d’essence idéaliste parce que sa source originelle est
informée par un dessein : celui de créer les conditions de conjuration de la guerre. Les
principes qui lui ont donné naissance relèvent du wishful thinking car porteurs d’une vision du
monde et sont fondés sur un ensemble de croyances normatives telles que le préjugé selon
lequel la nature humaine est fondamentalement bonne, le souci humain pour le bien d’autrui,
l’idée que l’égoïsme de l’homme s’explique par l’imperfection des institutions etc. C’est
précisément contre deux idées qui en ressortent que s’est opposé le réalisme et plus tard sa
déclinaison néoréaliste. Par-delà les différences qui existent entre ces deux théories, deux
éléments peuvent retenir l’attention au regard du maintien de la paix. Il y a d’une part, l’unité
d’analyse, et d’autre part les objectifs des acteurs.
Il faut rapidement tordre le coup à certains présupposés idéalistes tels que la nature humaine
fondamentalement bonne. C’est précisément contre ce dernier que Hans Morgenthau18 s’est
élevé lorsqu’en donnant naissance au « réalisme naturel », il explique les relations
internationales par la nature foncièrement mauvaise de l’homme. Dans la lignée du Homo
homini luppus de Thomas Hobbes, il estime que l’anarchie en tant que caractère structurel des
relations internationales est le fruit de la nature humaine qui, fondamentalement mauvaise,
informe la quête de l’intérêt personnel ce qui conduit à la rivalité. Une telle essence explique
selon lui le comportement de rivalité des Etats. Le réalisme serait donc naturel parce qu’il
transpose à l’échelle des Etats le comportement des individus. Une telle conception ne peut
donc donner sens au maintien de la paix. Car, pour mettre fin à des crises internationales, la
rivalité n’est pas adaptée. Il faut davantage selon Thomas Lindemann, impulser la
reconnaissance en tant que l’acceptation de l’autre19. En effet, le maintien de la paix dans la
tradition hobbesienne serait impensable en tant que manifestation du souci de l’autre. A moins
que, en s’appuyant sur le postulat de l’intérêt national des Etats défini en termes de puissance
comme le mobile d’action des Etats, le maintien de la paix soit alors lu sous le prisme des
intérêts multiples qu’il peut générer. Il faut donc avoir à l’esprit les différentes critiques
soulevées contre les OMP. L’on peut voir les intérêts et les enjeux que le maintien de la paix
crée pour les Etats et pour les différents acteurs.
Le réalisme est par ailleurs, une lecture de ce qui est plutôt qu’un ensemble d’intentions et
d’objectifs relevant de ce qui doit être. Il ne peut donc pas correspondre à la conception
originelle des O.M.P qui on l’a vu, est fortement marquée par le désir d’imposer une certaine
éthique de l’humanisme. Le réalisme en observant ce qui se joue plutôt que de formuler des
vœux, permet bien de constater qu’il y a des jeux et enjeux de puissance qui y sont tapis. De
ce point de vue, la réalité des missions de maintien de la paix est bien celle d’une certaine
projection de puissance et d’une vision du monde. Cette dernière idée chère aux libéraux,
dans la perspective de la paix démocratique20 par exemple qui justifierait donc les O.M.P
comme moyen de faire triompher un type d’Etat à l’issue des processus de réconciliation et de
18
Hans J. Morgenthau, Politics among nations. The struggle for power and peace, New York, Knopf, 1948.
19
Thomas Lindemann «Peace through recognition: An interactionnist interpretation of international crisis »
International Political Sociology, n°5, March 2011, p. 68-86.
20
Voir par exemple: Bruce Russett, Grasping democratic peace, Princeton, Princeton University Press, 1993.
Emmanuel Kant, Vers la paix perpétuelle, 1795, Paris, Garnier-Flammarion, 1991.
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reconstruction donne sens à la nature géopolitique et sécuritaire de certaines missions, du
point de vue des Etats puissants. Le réalisme est donc sceptique quant à la capacité de
l’O.N.U et des missions de maintien de la paix à effacer les rapports de puissance et à
résoudre des conflits. Ceci peut permettre d’expliquer les résultats mitigés des OMP et leur
longue durée pour certaines.
Le réalisme est par ailleurs très attaché à l’Etat comme acteur sinon l’unique, du moins le
principal des relations internationales. Ainsi, les concepts tels que la souveraineté et
l’anarchie internationale lui sont chers. En conséquence, une lecture réaliste des O.M.P
permet par exemple de voir en elles une dynamique de consolidation des Etats et de
préservation de leur souveraineté. Même lorsque, comme pour le cas du Darfour le problème
était si complexe qu’il a fallu outrepasser la souveraineté du Soudan, la solution fut de créer
un nouvel Etat, c’est-à-dire de consacrer une nouvelle souveraineté. Les opérations de
maintien de la paix seraient donc une sorte d’ « hypocrisie organisée » selon Lipson21car,
l’O.N.U a souvent évité les plans de partition des Etats pour prévenir la multiplication des
implosions d’Etats. Or, dans le cas de la Bosnie comme dans celui du Soudan du Sud, le
rétablissement de la paix est passé par la partition. Dans tous les cas, comme on peut le
constater l’objectif des O.M.P est toujours la survie de l’Etat même lorsqu’il a fallu en créer
un nouveau.
D’un point de vue néoréaliste, la structure du système plutôt que la nature de l’Etat explique
le comportement de ce dernier22. Dans une observation rapide, l’on peut penser que le fait
pour une O.M.P d’être conduite par l’O.N.U est la remise en cause du postulat réaliste de
l’anarchie internationale comme réalité structurante. Mais à la réalité, l’on n’est pas sûr que
les gouvernements qui fournissent les contingents dans une O.M.P, le font pour les mêmes
raisons. Dans un environnement international de compétition, les rivalités de puissance et la
course à l’intérêt national peuvent très bien se déporter dans une mission de maintien de la
paix. Si la conduite des OMP par une organisation planétaire peut porter un coup à l’anarchie,
le choix de l’engagement et la structure de la violence internationale montrent également que
l’anarchie demeure une réalité même dans le cadre des O.M.P. D’ailleurs, comme le montre
Simon Collard-Wexler23 pour le cas de l’Union Européenne, les postulats néoréalistes de
compétition et d’anarchie peuvent bien cohabiter avec la conduite harmonieuse au sein d’une
mission internationale de paix onusienne.
D’un autre point de vue, certains peuvent prétendre que le maintien de la paix s’inscrivant
dans une opposition avec la logique guerrière, le réalisme et le néoréalisme seraient des
théories inappropriées pour en rendre compte. Certes, mais il ne faut pas minorer la réalité des
rapports de forces dans l’initiation et la conduite des opérations de maintien de la paix.
Comme nous l’avons déjà vu, les O.M.P ne sont pas une déclinaison idéaliste absolue des
21
Michael Lipson «Peacekeeping : organized hypocrisy » European Journal of International Relations, n°13,
march 2009,pp. 5-34.
22
Kenneth Waltz The theory of international politics, New York, McGraw-Hill, 1979.
23
Simon Collard-Wexler “Integration under anarchy: Neorealism and the European Union” European Journal of
International Relations, vol.12, n°3, 2006, pp. 397-432.
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relations internationales. Si l’objectif est fortement idéaliste et libérale selon qu’elles visent la
promotion de la paix et de la sécurité internationales ainsi que la protection de certains droits
de l’homme, l’implication des Etats aux niveaux onusien et opérationnel entraine un transfert
des logiques réalistes des Etats dans ce domaine. Si Raymond Aron estime que les relations
internationales se font à l’ombre de la paix et de la guerre24, c’est justement parce que les deux
moments ne sont pas des vases clos. Pendant la paix, la guerre se prépare et pendant la guerre
on œuvre pour le retour à la paix. C’est peut-être pour cette raison entre autres, qu’Aron est
souvent présenté comme le plus libéral des réalistes. Finalement, tout porte à croire que les
objectifs idéalistes et libéraux des missions de maintien de la paix, et la rémanence des
logiques du réalisme dans celles-ci ne sont pas antinomiques. Et, c’est le constructivisme qui
permet d’en rendre compte avec aisance.
Par ailleurs, comme on le voit avec les travaux des auteurs tels que Jeffrey Checkel 25, Audie
Klotz26, Martha Finnemore27 et autres, la question des normes est une donnée importante dans
les relations internationales contemporaines. Une lecture constructiviste des OMP peut
permettre de mettre l’accent sur leur potentiel normatif. C’est pourquoi les constructivistes
libéraux28 estiment que les OMP ont un impact important dans la transformation des normes.
Comme on l’a souligné rapidement dans la perspective libérale qui nourrit par exemple la
paix démocratique, les O.M.P sont des véhicules d’une forme de gouvernance libérale. Il
s’agit de penser qu’elles sont des instruments de transfert des normes démocratiques et donc,
d’un certain type d’Etat. Tout cela cependant se fait sous le couvert de l’humanitaire. S’il est
vrai que les motifs géopolitiques seuls n’expliquent pas le déploiement des missions de
maintien de la paix, c’est parce qu’il y a des projets normatifs qui s’y trouvent camouflés.
Cette ruse qui consiste à laisser croire à la promotion des droits et des principes d’humanité
alors qu’il s’agit en fait de faire advenir un certain ordre du monde rend compte d’une
construction sociale des intérêts des acteurs. C’est en cela que l’environnement intervient
24
Raymond Aron, Paix et guerre entre les nations, Paris, Calmann-Lévy, 1962.
25
Jeffrey Checkel “The constructivist turn in international relations theory” World Politics, 50 (2), January 1998,
p. 324-348.
26
Audie Klotz, The struggle against apartheid. Norms and international relations, Ithaca, Cornell University
Press, 1995.
27
Martha Finnemore, National interest in international society, Ithaca, Cornell University Press, 1996.
28
Michael Barnett, Empire of humanity: A history of humanitarianism, Ithaca, Cornell University Press, 2011.
Michael Barnett “Bringing in the new world order. Liberalism, Legitimacy and the United Nations” World
Politics, n°49, July 1997, p. 526-551. Martha Finnemore, The purpose of intervention: Changing the belief about
the use of force, Ithaca, Cornell University Press, 2003.
17
comme variable supplémentaire. En effet, dans le jeu intersubjectif, l’environnement informe
l’identité ainsi que les intérêts des acteurs.
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE :
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2. Travaux liés à la théorie des relations internationales
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Morgenthau Hans J., Politics among nations. The struggle for power and peace, New
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19