Diagnostic Radiologique D - Une Algie Pelvienne de La Femme
Diagnostic Radiologique D - Une Algie Pelvienne de La Femme
Diagnostic Radiologique D - Une Algie Pelvienne de La Femme
Appareil génito-urinaire
Key words
Female pelvis, hemorrhage. Female pelvis, cystic. Female pelvis, infection.
Résumé
Les douleurs pelviennes aiguës, isolées ou associées à des métrorragies ou de la fièvre sont des symptômes essentiels
très fréquents, mais non spécifiques de patientes consultant aux urgences. Interrogatoire, examen clinique, données biolo-
giques et échographie jouent un rôle essentiel chez les femmes en période d’activité génitale pour orienter l’enquête étio-
logique. La possibilité d’une grossesse extra-utérine (GEU) doit être éliminée en premier lieu. Une fois cette hypothèse
éliminée, de nombreuses causes gynécologiques devront être envisagées : kystes compliqués par une hémorragie intra-
kystique, une rupture ou une torsion, pathologie inflammatoire pelvienne, myomes compliqués… En l’absence d’orientation
étiologique satisfaisante vers un problème gynécologique, il faudra envisager systématiquement la possibilité d’autres
hypothèses extra-gynécologiques en particulier d’origine digestive ou rénale.
Mots clés
Appareil génital féminin, hémorragie. Appareil génital féminin, kyste. Appareil génital féminin, infection.
Douleurs pelviennes, métrorragies, et moins souvent Après avoir éliminé de principe la possibilité d’une
fièvre sont les symptômes les plus fréquents des patientes grossesse extra-utérine (GEU), de nombreuses causes gyné-
consultant aux urgences gynécologiques. cologiques doivent être envisagées : en premier lieu, des
kystes ovariens compliqués ou non d’une hémorragie intra-
kystique, une rupture ou une torsion d’annexe, une patholo-
gie inflammatoire pelvienne, des myomes compliqués… En
(1) Service de Radiodiagnostic, Institut Gustave Roussy,
39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif Cedex. l’absence d’orientation étiologique satisfaisante vers un pro-
(2) Service de Radiologie Adultes, Hôpital Necker, 149, rue de Sèvres, blème gynécologique, il faudra envisager systématiquement
75743 Paris Cedex 15. la possibilité d’autres hypothèses extra-gynécologiques en
(3) Service de Radiologie, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, particulier d’origine digestive.
75970 Paris Cedex 20. Il est important de distinguer deux cadres étiologiques :
Correspondance : C. Balleyguier, à l’adresse ci-dessus. les douleurs pelviennes aiguës non fébriles, et les douleurs
E-mail : balleyguier@igr.fr aiguës s’accompagnant de fièvre.
6 C. BALLEYGUIER ET COLLABORATEURS
Torsion annexielle
jours un kyste ovarien pré-existant. N’importe quel kyste quer l’épaississement tubaire du côté pathologique mesurant
ovarien, voire plus rarement para-ovarien, peut être responsa- en moyenne de 20-40 mm avec des plages de densité
ble d’une torsion. Cependant, la fréquence de survenue d’une > 50 UH témoignant de phénomènes hémorragiques surajou-
torsion d’annexe est plus importante si le kyste présente une tés pelviens [4]. En cas d’infarctus hémorragique, il est pos-
densité élevée, d’où la plus grande fréquence de torsion des sible d’observer en périphérie de l’ovaire tordu, soit des
kystes dermoïdes ou des fibromes ovariens. Deux cas particu- bulles de gaz, soit un hématome, soit un défaut de rehausse-
liers méritent d’être soulignés ici. Chez la jeune fille pré- ment [5]. Un autre indicateur de la torsion ovarienne est la
pubère peut survenir une torsion sur « ovaire sain » sans kyste rotation de la masse annexielle de l’autre côté du pelvis. Ce
pré-existant. Par ailleurs, lors de phénomènes de stimulation signe peut plus facilement être mis en évidence lorsqu’on dis-
ovarienne dans le cadre de la procréation médicale assistée, et pose de scanners successifs avant et après torsion. Le scanner
en particulier lorsqu’il existe une hyperstimulation ovarienne présente par ailleurs une valeur prédictive positive élevée
(fig. 3), une torsion annexielle peut survenir. Dans ce dernier pour démasquer la tumeur annexielle surajoutée, en particu-
cas, Graif et al. ont démontré la valeur de l’échographie pour lier les tératomes matures kystiques. En IRM, Kimura et al.
mettre en évidence un ovaire augmenté de volume présentant ont démontré la présence d’une attraction utérine homolaté-
de multiples structures kystiques corticales [1]. La torsion rale à la torsion, la présence de « vaisseaux hypertrophiques »
annexielle entraîne initialement une stase lymphatique puis convergents, pouvant parfois entourer la lésion associées à la
veineuse responsable d’un « engorgement » tubaire qui est disparition des plans graisseux [6].
visible sous la forme d’un épaississement de la trompe plus
ou moins important du côté pathologique (fig. 4) [2]. L’utili-
sation du Doppler doit être systématique, cependant la pré-
sence d’un flux conservé intra-ovarien ou du pédicule ovarien
n’exclut pas le diagnostic de torsion. La présence d’un tel flux
reflète simplement le caractère partiel et/ou précoce de la tor-
sion altérant les flux lymphatiques et/veineux avec conserva-
tion du flux artériel. Pour Fleischer et al., la conservation d’un
flux veineux dans une torsion d’annexe est un des bons
éléments pour prédire le caractère viable de l’ovaire [3].
Associés aux signes ovariens et tubaires, on retrouvera fré-
quemment un épanchement péritonéal plus ou moins impor-
tant ainsi qu’un iléus réflexe. Lors d’une suspicion de torsion
annexielle et si l’échographie Doppler apparaît non suffisam-
ment contributive, un scanner abdomino-pelvien ou une IRM
pelvienne pourront être réalisés. Les signes tomodensitomé-
triques incluent une déviation de l’utérus du côté de l’ovaire
tordu, de l’ascite, une densification de la graisse et un élargis-
sement de l’ovaire qui est délocalisé de sa position habituelle
(fig. 5). Ghossain et al., à propos d’une série de 10 patientes, Fig. 4. — Torsion d’annexe. Échographie endovaginale. L’ovaire
ont parfaitement démontré la valeur du scanner pour démas- visible par voie endovaginale est hétérogène, et épaissi, douloureux
lors de l’examen échographique. La paroi est épaissie (flèches) et le
contenu du kyste est échogène, témoignant d’un contenu inflamma-
toire ou hémorragique.
Fig. 3. — Hyperstimulation ovarienne. Échographie endovaginale. Fig. 5. — Torsion d’annexe. TDM avec injection. L’annexe droite est
L’ovaire est hypertrophié, siège de multiples follicules de grande taille, épaissie (flèches), au contact de l’ovaire qui est le siège d’un kyste. Il
en rapport avec l’hyperstimulation oestrogénique. La surveillance écho- existe une prise de contraste intense de la paroi de l’annexe en rapport
graphique est essentielle, et permet d’adapter le traitement. Le risque est avec la réaction inflammatoire. Les anses grêles au contact de l’annexe
la rupture ovarienne avec hémopéritoine. sont également épaissies du fait de l’œdème réactionnel.
8 C. BALLEYGUIER ET COLLABORATEURS
ENDOMÉTRITE
Une endométrite modérée peut survenir le plus souvent
après un accouchement ou un geste opératoire utérin, et est
la cause la plus fréquente de la fièvre du post-partum. Elle
peut également être une complication des sténoses cervica-
les. Le diagnostic d’endométrite est basé sur des signes cli-
niques ; l’utérus normal du post-partum est élargi et peut Fig. 12. — Thrombose de la veine ovarienne avec extension à la
contenir de petites quantités de sang ou de liquide au sein veine cave inférieure en post-partum. TDM avec injection. Le throm-
de la cavité utérine. En cas d’endométrite, la cavité utérine bus de la veine ovarienne droite est visible sous la forme d’une hypo-
est habituellement épaissie et distendue, le liquide étant bien densité circulaire (flèches), en avant de l’uretère droit et de la veine
cave inférieure.
visible en échographie ou en scanner [23]. Le diagnostic ne
peut pas être posé sur la seule présence d’air dans la cavité,
car une petite quantité d’air peut être visible dans la cavité Références
jusqu’à quelques semaines après un accouchement par voie
basse [24]. Le scanner est plus performant que l’échogra- 1. Graif M, Itzchak Y. Sonographic evaluation of ovarian torsion in
phie pour détecter l’inflammation des paramètres et les childhood and adolescence. AJR Am J Roentgenol 1988; 150:
abcès pelviens extra-utérins qui sont souvent associés dans 647-9.
ce cas. La visualisation de structures tissulaires denses au 2. Caspi B, Ben-Galim P, Weissman A, Appleman Z. The engorged
sein de la cavité suggère la présence de tissu embryonnaire fallopian tube: a new sonographic sign for adnexal torsion. J Clin
Ultrasound 1995; 23: 505-7.
en rétention [23]. 3. Fleischer AC, Stein SM, Cullinan JA, Warner MA. Color Doppler
sonography of adnexal torsion. J Ultrasound Med 1995; 14: 523-8.
4. Ghossain MA, Buy JN, Bazot M, Haddad S, Guinet C, Malbec L,
CONCLUSION Hugol D, Truc JB, Poitout P, Vadrot D. CT in adnexal torsion with
emphasis on tubal findings: correlation with US. J Comput Assist
Tomogr 1994; 18: 619-25.
De nombreuses étiologies peuvent être responsables de 5. Bennet G, Slywotzky C, Giovanniello G. Gynecologic causes of
douleurs pelviennes aiguës. L’imagerie bien ciblée peut acute pelvic pain: spectrum of CT findings. Radiographics 2002;
faciliter le diagnostic dans de très nombreux cas. Même si 22: 785-801.
6. Kimura I, Togashi K, Kawakami S, Takakura K, Mori T, Konishi J.
l’échographie reste l’examen de première intention, le scan-
Ovarian torsion: CT and MR imaging appearances. Radiology 1994;
ner voire l’IRM peuvent être utiles au diagnostic étiologique 190: 337-41.
et même thérapeutique, en particulier dans le contexte du 7. Murase E, Siegelman ES, Outwater EK, Perez-Jaffe LA, Tureck
post-partum. RW. Uterine leiomyomas: histopathologic features, MR imaging
12 C. BALLEYGUIER ET COLLABORATEURS
findings, differential diagnosis, and treatment. Radiographics 1999; 16. Bilgin T, Karabay A, Dolar E, Develioglu OH. Peritoneal tubercu-
19: 1179-97. losis with pelvic abdominal mass, ascites and elevated CA 125
8. Dohke M, Watanabe Y, Okumura A, Amoh Y, Hayashi T, Yoshi- mimicking ovarian carcinoma: a series of 10 cases. Int J Gynecol
zako T, Yasui M, Nakashita S, Nakanishi J, Dodo Y. Comprehen- Cancer 2001; 11: 290-4.
sive MR imaging of acute gynecologic diseases. Radiographics 17. Jeffrey RBJ, Laing FC, Townsend RR. Acute appendicitis: sono-
2000; 20: 1551-66. graphic criteria based on 250 cases. Radiology 1988; 167: 327-9.
9. Tukeva TA, Aronen HJ, Karjalainen PT, Molander P, Paavonen J. 18. Broekman BA, Puylaert JB, Van Dessel T. Sigmoïd diverticulitis
MR imaging in pelvic inflammatory disease: comparison with in the female: transvaginal sonographic findings. J Clin Ultra-
laparoscopy and US. Radiology 1999; 210: 209-16. sound 1993; 21: 393-5.
10. Taipale P, Tarjanne H, Ylostalo P. Transvaginal sonography in 19. Adams LS, Peltekian KM, Mitchell MJ. Detection of Crohn’s
suspected pelvic inflammatory disease. Ultrasound Obstet Gyne- ileitis by endovaginal ultrasonography. Abdom Imaging 1994; 19:
col 1995; 6: 430-4. 400-2.
20. Laing FC, Benson CB, Disalvo DN, Brown DL, Frates MC, Lou-
11. Wilbur AC, Aizenstein RI, Napp TE. CT findings in tuboovarian
ghlin KR. Distal ureter calculi: detection with vaginal US. Radio-
abscess. Am J Roentgenol 1992; 158: 575-9.
logy 1994; 192: 545-8.
12. Nelson AL, Sinow RM, Oliak D. Transrectal ultrasonographically 21. Urban BA, Pankov BL, Fishman EK. Postpartum complications in
guided drainage of gynecologic pelvic abscesses. Am J Obstet the abdomen and pelvis: CT evaluation. Crit Rev Diagn Imaging
Gynecol 2000; 182: 1382-8. 1999; 40: 1-21.
13. McGahan JP, Brown B, Jones CD, Stein M. Pelvic abscesses: 22. Van Hoe L, Baert AL, Marchal G, Spitz B, Penninckx F. Throm-
transvaginal US-guided drainage with the trocar method. Radio- bosed ovarian vein collateral mimicking acute appendicitis on CT.
logy 1996; 200: 579-81. J Comput Assist Tomogr 1994; 18: 643-6.
14. Kelly J, Aaron J. Pelvic actinomycosis and usage of intrauterine 23. Zuckerman J, Levine D, McNicholas MMJ. Imaging of pelvic
contraceptive devices. Yale J Biol Med 1982; 55: 453-61. postpartum complications. Am J Roentgenol 1997; 168: 663-8.
15. Lee IJ, Ha HK, Park CM, Kim JK, Kim JH, Kim TK, Kim JC, 24. Wachsberg RH, Kurtz AB. Gas within the endometrial cavity at
Cho KS, Auh YH. Abdominopelvic actinomycosis involving the postpartum US: a normal finding after spontaneous vaginal deli-
gastrointestinal tract: CT features. Radiology 2001; 220: 76-80. very. Radiology 1992; 183: 431-3.
DIAGNOSTIC RADIOLOGIQUE D’UNE ALGIE PELVIENNE DE LA FEMME 13
Testez si vous avez assimilé les points importants de l’article en répondant à ce questionnaire sous forme de QCM.
Réponses : p. 82