Oberlin 2001

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Rev Rhum [Éd Fr] 2001 ; 68 : 294-303

© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés


S116983300100031X/SSU

Données anatomiques utiles et examen fonctionnel


de la main

Christophe Oberlin*, Frédéric Teboul


Service d’orthopédie traumatologie, hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris cedex 18, France

anatomie / examen clinique / fonction / main / poignet


anatomy / clinical examination / function / hand / wrist

La main de l’homme est capable, on le sait, d’une Physiologie de l’appareil extenseur des doigts longs
infinité de performances différentes. Notre autopode
(extrémité distale du membre cranial des tétrapodes), Cette physiologie est relativement complexe.
est donc à l’évidence non spécialisée, bien qu’elle per- Expérience de Cruvelhier (figure 1)
mette, sous certaines conditions, toutes ces activités, des La façon la plus simple de comprendre la physiologie de
plus banales aux plus élaborées. L’exercice d’une acti- l’appareil d’extension des doigts consiste à refaire l’expé-
vité hautement spécialisée ne relève ainsi donc pas de la rience anatomique de Cruvelhier (1852). Si, lors d’une
main, mais plutôt du cerveau qui la commande. L’exa- dissection au laboratoire d’anatomie, on exerce une
men de la main évalue en fait bien plus que le simple traction sur le tendon extenseur d’un doigt long, on
membre supérieur. Ce chapitre se limitera néanmoins à obtient une extension strictement limitée à l’articula-
donner quelques indications simples pour évaluer la tion métacarpophalangienne, de l’ordre de 45°, tandis
fonction de la main, au cours du temps nécessairement que les articulations interphalangienne proximale et
limité, d’une consultation. Mais, dans un premier interphalangienne distale se mettent en flexion (70° de
temps, nous allons préciser quelques notions anatomi- flexion de l’interphalangienne proximale [IPP]). Une
ques et physiologiques, qu’il convient d’avoir à l’esprit traction très forte sur ce tendon ne change rien à la
si l’on veut comprendre certaines incapacités. déformation digitale. En effet, les fibres sagittales ten-
dues entre l’appareil extenseur et le ligament intermé-
DONNÉES ANATOMIQUES tacarpien qui prolonge lui-même latéralement la plaque
palmaire, limitent l’excursion proximale du tendon
Une connaissance du fonctionnement de l’appareil extenseur. D’autre part, l’articulation métacarpopha-
extenseur des doigts longs est nécessaire pour compren- langienne a un rayon qui est en règle le double de celui
dre toutes les déformations digitales, qu’elles survien- de l’articulation interphalangienne proximale. Le
nent après un traumatisme, ou dans le cadre d’un moment d’action du tendon extenseur extrinsèque sur
rhumatisme. Par ailleurs, la physiologie du poignet, et l’articulation métacarpophalangienne est donc beau-
notamment du carpe est à la base de la compréhension coup plus important, et il est naturel que cette dernière
du mécanisme et du traitement de très nombreuses articulation se mette préférentiellement en extension.
pathologies observées par les médecins de l’appareil Dans cette situation, le moment d’extension sur l’arti-
locomoteur. culation interphalangienne proximale est très faible. Il
s’exerce en effet essentiellement par les bandelettes laté-
rales dont le trajet passe très près de l’axe de flexion–ex-
*Correspondance et tirés à part. tension de l’articulation interphalangienne proximale.
Données anatomiques utiles et examen fonctionnel de la main 295

Variations de longueur de la colonne osseuse au


cours de la flexion–extension
Physiologiquement, la longueur de l’appareil extenseur
au dos de la première phalange est excessive pour que le
tendon extrinsèque puisse transmettre la force d’exten-
sion à l’articulation interphalangienne proximale dans
les limites de la course autorisée par les lames sagittales.
L’appareil extenseur ne peut être actif au-delà de
l’articulation interphalangienne proximale que par un
phénomène d’allongement relatif de la colonne osseuse
sur laquelle s’applique l’appareil extenseur.
Si l’on sectionne expérimentalement la première pha-
lange transversalement, et que l’on place un fixateur en
A distraction, un allongement de quelques millimètres
produit une extension complète de l’articulation inter-
phalangienne. Ce phénomène est reproduit lors de la
flexion métacarpophalangienne : l’excursion de la base
de la première phalange sur la tête métacarpienne pro-
duit un allongement relatif de la colonne osseuse direc-
tement proportionnel à la flexion angulaire et au rayon
de la tête métacarpienne. La mise en tension de l’appa-
reil extenseur produit alors une extension interphalan-
gienne.
La 2e phalange recule en glissant sur la tête de la
première phalange, produisant un raccourcissement
relatif de la colonne osseuse. La tête phalangienne étant
B deux fois plus petite en règle générale que la tête méta-
carpienne, pour 10° de flexion métacarpophalangienne
se produisent 20° d’extension interphalangienne : dès
Figure 1. Physiologie de l’appareil extenseur : l’expérience de Cru-
veilhier. A : la traction sur l’extenseur extrinsèque produit une hype- que l’articulation métacarpophalangienne passe dans le
rextension de l’articulation métacarpophalangienne et une flexion (à secteur de flexion, l’extension interphalangienne com-
peu près double) de l’articulation interphalangienne proximale. B : plète est acquise. C’est le test de Bouvier, à la base des
la mise en flexion passive (crochet) de l’articulation métacarpopha- techniques de stabilisation en flexion des articulations
langienne allonge d’une longueur l la colonne osseuse sur laquelle métacarpophalangiennes dans le traitement de la défor-
s’applique l’appareil extenseur. Cela entraîne un recul de la deuxième
phalange sur la première d’une longueur équivalente. Comme le dia- mation en griffe des paralysies ulnaires.
mètre de l’articulation interphalangienne proximale est à peu près
la moitié de celui de l’articulation métacarpophalangienne, pour 10° Rôle des ligaments rétinaculaires
de correction de l’hyperextension métacarpophalangienne se produit Le système des ligaments rétinaculaires oblique et trans-
20° de correction du flessum interphalangien proximal. verse reproduit passivement à l’articulation interpha-
langienne proximale le système de la dossière au niveau
métacarpophalangien : toute flexion distale entraîne
Le faible rappel des doigts en flexion par le tonus des une mise en tension des ligaments rétinaculaires et une
fléchisseurs suffit à empêcher l’articulation de passer en flexion simultanée de l’articulation interphalangienne
extension. Si, en revanche, ces tendons fléchisseurs sont proximale, et inversement.
sectionnés, l’articulation interphalangienne se place en
extension. Il en est de même si les fibres sagittales sont Conséquences pratiques
sectionnées, permettant alors une excursion proximale On comprend ainsi, à titre d’exemples :
non physiologique de l’appareil extenseur, avec un effet – que la paralysie des muscles intrinsèques de la main
de corde d’arc au dos des articulations métacarpopha- produise une hyperextension métacarpophalangienne
langiennes. et une griffe interphalangienne proximale ;
296 C. Oberlin, F. Teboul

– dans la luxation des tendons extenseurs entre les têtes


métacarpiennes, outre la perte de l’extension métacar-
pophalangienne, les forces de l’appareil extenseur,
concentrées sur l’articulation interphalangienne proxi-
male mettent celle-ci en hyperextension (col de cygne) ;
– que la rupture du tendon terminal extenseur au dos
de l’articulation interphalangienne distale produise,
outre une chute de la partie distale du doigt, une
concentration des forces de l’appareil extenseur sur la
seule languette médiane, à l’origine là-aussi d’une défor-
mation en hyperextension interphalangienne proximale
(autre cause de col de cygne).
A B
Données anatomophysiologiques concernant
le poignet Figure 2. Vue latérale radiale du poignet en inclinaison ulnaire (A) et
en inclinaison radiale (B). A : en inclinaison ulnaire, le scaphoïde se
verticalise, entraînant le semi-lunaire en extension (fausse DISI de
Le fonctionnement du poignet est harmonieux à deux l’inclinaison ulnaire). B : en inclinaison radiale, le bloc scapholunaire
conditions principales : s’incline en direction ventrale.
– que la forme des os (encombrement spatial) soit
normale ;
– que les ligaments transmettant les forces et mouve- structures capsuloligamentaires attenantes constituant
ments d’un os à l’autre soient compétents. le complexe de Kauer.
Les différentes causes de dysfonctionnement peuvent Le scaphoïde, intercalé en baïonnette, entre l’auvent
artificiellement être séparées en deux groupes : radial, en haut et en arrière, et le socle trapézotrapézoï-
– les défauts de conformations des structures osseuses dien en bas et en avant, tourne autour de la tête du
(cal vicieux, mais aussi nécroses, arthrose érosive, etc.) ; capitatum (grand os), sur laquelle il est étroitement
– les insuffisances ligamentaires, se matérialisant sur les encastré (figure 2). Sa situation est potentiellement très
clichés simples par des désaxations, ou n’apparaissant instable, entre les poussées décalées du radius et de la
que sur les clichés dynamiques. première colonne. On conçoit, dès lors, l’importance
Qu’il soit ici l’occasion d’insister sur le fait que la des structures capsuloligamentaires de maintien.
découverte d’une perforation ligamentaire (sur une Le semi-lunaire a une forme tout à fait particulière,
arthrographie), n’augure en rien de son caractère patho- avec une corne antérieure épaisse, et une corne posté-
gène, s’il ne lui est pas associé une perturbation de la rieure mince. Peu stabilisé par les structures ligamentai-
cinétique du carpe. res, et interposé entre la poussée de la tête du capitatum,
Os du poignet et le radius, cet os a une fâcheuse tendance à glisser en
Quelques caractéristiques concernant la conformation avant afin d’interposer sa portion la plus étroite, sa
des os du poignet sont importantes à connaître, car elles corne postérieure. Le semi-lunaire est un os particuliè-
sont à la source de désaxations potentielles. rement facile à identifier sur les radiographies de profil
Ainsi, la surface articulaire distale du radius a une du poignet. Son orientation, en bascule ventrale ou
double inclinaison ventrale et ulnaire (cubitale). dorsale, est à l’origine de la terminologie de deux types
Comme l’a bien montré Kuhlman, le condyle carpien a de désaxation du carpe, sans présumer des diverses
une tendance naturelle au glissement antérieur, et sur- étiologies possibles.
tout ulnaire. La surface articulaire du radius se poursuit Le triquetrum (pyramidal) est un os dont la physio-
par le ligament triangulaire, qui est tendu vers la base de logie est moins connue, notamment parce que ses mou-
l’apophyse styloïde ulnaire. Cette tension, qui exige une vements sont difficiles à préciser sur les vues de profil du
tête ulnaire en place, est responsable de son effet trem- poignet où aucun axe ne peut être tracé, du fait de sa
poline, selon la formule des Anglo-Saxons. Ce n’est, en conformation globalement arrondie. Il a, en fait, un
effet, que récemment que l’on s’est accordé sur l’impor- rôle fondamental dans la physiologie du carpe.
tance stabilisatrice de la tête ulnaire sur le carpe, par Sa surface articulaire avec le semi-lunaire est plane,
l’intermédiaire du ligament triangulaire, et de toutes les relativement contrainte par des structures ligamentaires
Données anatomiques utiles et examen fonctionnel de la main 297

serrées, et d’une façon générale, le triquetrum imposera le faisceau interne, capitotriquetral, ou ligament deltoï-
le plus souvent au semi-lunaire ses mouvements. dien, qui a un effet stabilisateur très puissant sur le
En revanche, le triquetrum est très mobile sur l’hama- triquetrum, pendant sa course sur la surface spirale de
tum (os crochu), avec lequel il contracte peu d’attaches l’hamatum. Sa section anatomique a un effet déstabili-
ligamentaires. Leur surface articulaire commune est de sateur majeur sur le carpe.
type spiral, et donc les mouvements du triquetrum sur Il faut insister sur l’absence de faisceau lunocapital,
l’hamatum seront constitués par des mouvements d’une responsable de l’instabilité potentielle du semi-lunaire
certaine amplitude, dans les trois plans de l’espace. sur la tête du capitatum, maintenu seulement par les
Ainsi, lors de sa descente sur l’hamatum, le trique- freins radiolunaires antérieur et postérieur relativement
trum imposera au semi-lunaire, et par son intermé- lâches. L’essentiel de la stabilité du semi-lunaire revient
diaire au scaphoïde, des mouvements de bascule dans le en fait à ses épaulements latéraux par les ligaments
même sens que lui, malgré un amortissement au niveau interosseux scapholunaire et lunotriquetral. Ainsi, le
des deux interlignes triquetrolunaire et scapholunaire. semi-lunaire, os « sans grande personnalité » selon
Et c’est ainsi l’ensemble de la première rangée qui se Richard Smith, « pantin du carpe », selon Raymond
trouvera affecté par la lésion d’une structure de stabili- Vilain, aura comme nous l’avons vu, une position essen-
sation du triquetrum. tiellement induite par les os du voisinage.
Le rôle du pisiforme est vraisemblablement sous
estimé. Sa qualification « d’os sésamoïde » pourrait le Ligaments interosseux
faire passer pour une curiosité anatomique. C’est en fait Ce sont des ligaments intracapsulaires d’importance
un os primitif du carpe qui est le siège de l’insertion de variable. Le ligament scapholunaire a une importance
très importantes structures tendineuses, comme le flé- fondamentale. Il est responsable des mouvements du
chisseur ulnaire du carpe, ou ligamentaires, comme le semi-lunaire induits par ceux du scaphoïde. Nous avons
retinaculum des fléchisseurs, le retinaculum des exten- vu la situation particulièrement susceptible de déstabi-
seurs, le ligament pisi-unciformien (tendu du pisiforme lisation du scaphoïde. Celle-ci se traduira automatique-
à l’hamulus [apophyse unciforme] de l’hamatum). ment par des modifications de position du semi-lunaire,
D’autre part, l’articulation pisitriquetrale, qui consti- bien visibles sur les clichés de profil. Le ligament sca-
tue au membre supérieur l’analogue de l’articulation pholunaire interosseux est plus serré en arrière entre la
sous-astragalienne au membre inférieur, est le siège corne postérieure du semi-lunaire et la partie posté-
d’une grande mobilité. rieure du pôle proximal du scaphoïde. En première
Structures ligamentaires approximation, les mouvements scapholunaires se pro-
duisent autour d’un axe situé non loin de la corne
Ligaments radiocarpiens postérieure du semi-lunaire. Ces mouvements de
Les deux ligaments radiocarpiens, antérieur et posté- cisaillement ont une amplitude physiologique d’une
rieur, ont une direction globale, oblique en bas, et en trentaine de degrés. Le ligament lunotriquetral autorise
dedans, et solidarisent l’épiphyse radiale au versant des mouvements physiologiques moins importants, de
interne du carpe, et notamment au triquetrum. Il existe l’ordre d’une vingtaine de degrés. Comme nous l’avons
également sur la face dorsale une convergence remar- vu, il n’y a pas à proprement parler de ligaments au
quable des ligaments radiotriquetral et scapho-trapézo- niveau de l’interligne lunocapital.
trapézoïdo-triquetral. Enfin, il faut insister sur l’importance particulière des
Le ligament radio-scapho-lunaire, décrit par Kuenz et structures distales du scaphoïde à l’interligne scapho-
Testut, étendu de la berge antérieure du radius à la trapézo-trapézoïdien. Ces structures sont relativement
partie antérieure de l’interligne scapholunaire a un rôle solides, notamment le ligament scaphotrapézien, et
d’apport vasculaire. jouent vraisemblablement un certain rôle dans la stabi-
Ligaments intercarpiens lité du scaphoïde. Ainsi certaines lésions scapholunaires
En avant, le ligament rayonné de Poirier est un puissant complètes avec diastasis scapholunaire, ne s’accompa-
ligament étalé en étoile dans la gouttière carpienne à gnent pas d’une horizontalisation du scaphoïde, tant
partir du corps et du col du capitatum. que ces structures ligamentaires empêchent le glisse-
Deux faisceaux semblent importants physiologique- ment antérieur de cet os sur le socle trapézotrapézoï-
ment : le faisceau radiocapital, qui vient s’appuyer sur la dien. Signalons également l’importance de la
partie moyenne du scaphoïde en inclinaison radiale, et stabilisation distale du scaphoïde par le ligament sca-
298 C. Oberlin, F. Teboul

de l’hamatum, dont il épouse étroitement la conforma-


tion. Celle-ci impose, en fin de course, une bascule
postérieure au triquetrum. Celle-ci est répercutée au
semi-lunaire par l’intermédiaire du ligament triquetro-
lunaire. La bascule postérieure du semi-lunaire en incli-
naison ulnaire (cubitale) est donc induite à la fois en
dehors par le scaphoïde, et en dedans par le triquetrum.
C’est ainsi l’ensemble de la première rangée des os du
carpe qui bascule en extension dans l’inclinaison ulnaire.
En inclinaison radiale, l’hémi-anneau, constitué par
la première rangée des os du carpe, bascule en direction
inverse, c’est-à-dire en flexion. Cette bascule sagittale
de la première rangée (ou segment intercalaire entre
radius et 2e rangée) est la principale notion à connaître
Figure 3. Mouvements des os du carpe, en inclinaison (d’après dans le domaine de la physiologie du carpe. On conçoit
radiographies dynamiques). La main est fixe, tandis que l’avant-bras l’importance du rôle des structures ligamentaires soli-
s’incline. darisant entre eux ces différents os. Nous verrons la
gravité des conséquences de lésions de ligaments inte-
rosseux, avec les dissociations scapholunaires et trique-
phocapital, responsable de l’enroulement du tubercule trolunaires.
du scaphoïde autour du col du capitatum, en inclinai-
son radiale. Sur une vue latérale
Mise en jeu des structures ostéoligamentaires dans Lorsque le poignet est axé, radius et capitatum sont
les mouvements élémentaires du poignet normal coaxiaux. La perpendiculaire à la ligne bilunaire est axée
En vue frontale, sur un poignet axé (figure 3), l’axe du ou en légère bascule postérieure inférieure à 10°. Le
semi-lunaire est situé grossièrement au niveau de l’inter- scaphoïde est oblique en bas et en avant, de 45° environ.
ligne radio-ulnaire. Le scaphoïde est alors en situation La caractérisation de la situation respective du sca-
semi-fléchie. La tête du capitatum est située non pas phoïde et du semi-lunaire peut être réalisée par la
exactement sous le semi-lunaire, mais plutôt sous l’inter- mesure de l’angle scapholunaire (figure 4). La position
ligne scapholunaire, et tend à s’y incarcérer à la manière du semi-lunaire est notée en traçant la ligne bilunaire
d’un coin. qui joint les cornes antérieure et postérieure du semi-
En inclinaison radiale, le scaphoïde s’horizontalise et lunaire. La situation du scaphoïde est caractérisée non
s’efface sous la pression de la styloïde radiale. Le semi- pas par l’axe du scaphoïde, difficile à tracer sur un os
lunaire glisse en situation ulnaire, mais reste toujours à court, mais par la tangente au bord antérieur du sca-
moitié couvert par la partie interne de l’auvent radial. phoïde. L’angle scapholunaire, ainsi défini, varie entre
Le triquetrum est en situation haute et postérieure sur la 3O et 45° sur le cliché de profil strict sur planchette
surface spirale de l’hamatum. (figure 4a). Il se modifie peu dans les mouvements
Lorsque le poignet passe de l’inclinaison radiale à d’inclinaison latérale, les trois os de la première rangée
l’inclinaison ulnaire, deux mouvements s’enchaînent basculant globalement dans le même sens (figures 4b
rapidement. Dans un premier temps, le scaphoïde se et c).
verticalise, puis dans un deuxième temps, totalement L’angle scapholunaire s’ouvre en extension du poi-
verticalisé, il attire avec lui le semi-lunaire qui glisse gnet (figure 4d), atteignant 50 à 60°, et se ferme en
sous l’auvent radial et sous lequel il se glisse complète- flexion pour atteindre 15° (figure 4e).
ment. Un rechaussement incomplet du semi-lunaire La connaissance de ces variations physiologiques per-
sous l’auvent radial en inclinaison ulnaire constitue l’un met de diagnostiquer certaines dissociations scapholu-
des premiers signes de glissement ulnaire du carpe, dans naires débutantes, sans qu’il n’existe de diastasis
la polyarthrite rhumatoïde. Le semi-lunaire, attiré par scapholunaire, et alors que l’angle radiolunaire, selon
le scaphoïde qui se verticalise, se voit ainsi imposer une Meyrueis, est normal ou subnormal.
bascule dorsale, qui est donc physiologique en inclinai- En inclinaison radiale, le scaphoïde s’horizontalise et
son ulnaire. Le triquetrum descend sur la surface spirale devient grossièrement perpendiculaire à l’axe du radius.
Données anatomiques utiles et examen fonctionnel de la main 299

Figure 4. Les variations physiologiques de l’angle scapholunaire. Il varie entre 30 et 45° sur un poignet de profil (a, b, c). Il n’est jamais inférieur
à 20° en flexion du poignet (e). Ligne S : tangente antérieure au pôle proximal et au tubercule distal du scaphoïde. Ligne L : ligne joignant les deux
cornes du semi-lunaire.

L’ensemble de la première rangée des os du carpe bas- dehors par la radiocarpienne, puis dans l’interligne
cule en flexion. En inclinaison ulnaire, le segment inter- lunocapital, puis à nouveau dans la radiocarpienne ;
calaire bascule en extension. c’est-à-dire par la ligne de la luxation rétrolunaire du
De nombreux auteurs ont recherché la participation carpe.
respective des articulations radio- et médiocarpiennes à
la flexion–extension. Leurs conclusions sont divergen- EXAMEN FONCTIONNEL DE LA MAIN
tes. Le problème est en fait mal posé : il n’y a pas une,
mais plusieurs articulations médiocarpiennes. Et les Il est ambitieux de prétendre, en quelques paragraphes,
trois articulations, scapho-trapézo-trapézoïdienne, indiquer une méthode d’examen fonctionnel de la main.
lunocapitale et triquetro-hamatale, participent de façon De nombreux auteurs, médecins et chirurgiens ont
différente à ces mouvements. Le pourcentage de mobi- publié nombre de tests, adaptés au bilan de certaines
lité respective radio- et médiocarpienne, pendant la paralysies (paralysies intrinsèques de la lèpre, tétraplé-
flexion–extension, varie, sur un même poignet, aux gie, main plexique), des traumatismes les plus graves
trois colonnes du carpe. On peut ainsi tracer une ligne (c’est-à-dire les replantations), ou encore dans les mala-
de plus grande mobilité du carpe. Celle-ci passe en dies rhumatismales. Citons Moberg [1] (pick-up test),
300 C. Oberlin, F. Teboul

Jones, Wynn-Parry, Lambilliotte et Vilain [2], Mitz Tableau I. Classification hiérarchique des fonctions des doigts longs.
(take five), etc. La possibilité de contact pulpe-paume est la première fonction utile.
Si la main d’un patient n’a que cette possibilité, le chirurgien va
Nous nous limiterons à exposer dans un premier s’efforcer d’ajouter l’extension de la phalange proximale ou extension
temps une classification hiérarchique des fonctions de extrinsèque. Lorsque ces deux fonctions existent il s’agira de rétablir
la main [3, 4], qui est une première approche des mains la flexion intrinsèque des doigts longs par un palliatif de type intrin-
les plus gravement atteintes, puis au paragraphe intitulé sèque. Lorsque les possibilités fonctionnelles des doigts longs seront
« examen moteur global » une synthèse de gestes sim- considérés comme stables et définitives, un geste sur le pouce sera
éventuellement réalisé (il ne servirait à rien de faire une plastie
ples et rapides à réaliser, tirée d’une expérience de d’opposition face à des doigts longs en griffe paralytique grave).
l’examen des pathologies les plus variées (traumatolo-
gie, lèpre, paralysies plexiques, polyarthrite).
Ce très rapide bilan a l’avantage de permettre à l’exa-
minateur de se faire une idée précise des incapacités
probables de la main de son patient, sans avoir recours
à des test fonctionnels longs, plus ou moins fidèles,
hautement influencés par les capacités de compensation
particulières à chaque patient.
Les mesures proposées ici sont fidèles, reproductibles
au cours du temps, permettant des comparaisons et
l’appréciation objective des progrès réalisés.

Classification hiérarchique des fonctions


de la main

La première fonction à envisager est celle des doigts mes. Cette situation est rencontrée dans les paralysies
longs. En effet, il s’agit là de la première fonction à C8 T1 du plexus brachial qui présentent un tableau
rétablir sur une main totalement paralytique. C’est la analogue à certaines mains tétraplégiques.
fonction la plus anciennement apparue au cours de la La fonction F2 correspond à l’extension active des
phylogénèse de main, et c’est aussi la première fonction doigts longs par les muscles extrinsèques (ouverture de
acquise au cours de la petite enfance. Ce n’est qu’en cas la main). Si une main possède la fonction F1 de griffe
de récupération d’une fonction relativement satisfai- pulpopalmaire, la fonction à rétablir chirurgicalement
sante des doigts longs, que des gestes sur le pouce est la fonction F2 d’extension extrinsèque. Ceci pourra
peuvent être proposés. être réalisé par un transfert tendineux, s’il en existe un
Classification hiérarchique des fonctions des doigts disponible (fléchisseur du poignet, brachioradial) ou
longs (tableau I) par une simple ténodèse des tendons extenseurs au dos
La fonction FO correspond à la paralysie complète des du radius.
muscles des doigts longs, tant extrinsèques qu’intrinsè- La fonction F3 est la fonction intrinsèque, ou flexion
ques. en volet des doigts. Il ne faudra rétablir cette fonction
La fonction F1, immédiatement sus-jacente, corres- que si les fonctions F1 et F2 sont correctes (stabilisation
pond à la griffe pulpopalmaire des doigts longs, permet- passive MP en cas de test de Bouvier positif) : transfert
tant une prise minimum. L’objet est glissé passivement actif type lasso de Zancolli le plus souvent, voire lasso
par la main opposée entre pouce et doigts longs (qui passif en cas de paralysie massive de la loge des fléchis-
n’ont pas d’extension active). La flexion interphalan- seurs.
gienne permet de maintenir cet objet qui peut ainsi être En cas de fonction FO sans aucun muscle transféra-
travaillé par l’autre main (travail bi-manuel). ble, une simple arthrodèse du poignet peut constituer
En cas de paralysie de la fonction FO, la fonction F1 un bon palliatif : celle-ci évite la chute inesthétique du
peut être obtenue s’il existe par exemple des moteurs du poignet, et, associée à une arthrodèse radio-ulnaire
poignet (extenseur du poignet). Une simple ténodèse distale en pronation, oriente la main en position fonc-
des tendons fléchisseurs permettra de transformer un tionnelle. Dans les paralysies du plexus brachial, la
effet ténodèse sans aucune force en une prise utile récupération par la chirurgie nerveuse d’une certaine
produisant une force de plusieurs centaines de gram- sensibilité de la paume se trouve ainsi valorisée par un
Données anatomiques utiles et examen fonctionnel de la main 301

Tableau II. Classification hiérarchique des fonctions du pouce. La patients possédant une pince pouce–index, un transfert
fonction primordiale est la pince active latérale pouce–index. Si elle d’abduction rétropulsion sera proposé en cas de trans-
est présente, l’urgence est de restaurer l’abduction rétropulsion
(abduction latérale, rétroposition) qui est essentiellement sous la fert disponible.
dépendance du long extenseur du pouce. Lorsque ces deux possibi- La fonction t3 est l’opposition du pouce, antépulsion
lités fonctionnelles existent (fermeture et ouverture active de la pre- rotation. Il est clair qu’une plastie d’opposition ne sera
mière commissure), on peut alors envisager une éventuelle plastie pas proposée si les deux premières fonctions d’adduc-
d’oposition. tion et surtout d’ouverture n’existent pas.
Examen moteur
Global
L’examen comporte nécessairement la mesure au dyna-
momètre de la force globale de la prise, et de la pince
pouce–index. Le même appareil, universellement uti-
lisé, permet de véritables comparaisons à la lecture de la
littérature. La signification de cette mesure revêt une
valeur différente dans les mains paralytiques (où elle
renseigne sur la puissance des muscles) ou douloureuses
(où elle renseigne ici sur le poignet).
Le même appareil peut être utilisé pour les deux
mesures.
bon placement de la main, qui sert de main d’appoint,
main presse-papier, etc. Doigts longs
La prise minimum de la main est la prise pulpopalmaire
Classification hiérarchique des fonctions du pouce des doigts longs. La perte de l’occlusion complète est
(tableau II) très mal ressentie par les patients.
La fonction tO correspond à la paralysie totale des L’occlusion pulpopalmaire est évaluée par la distance
muscles intrinsèques et extrinsèques. Le pouce peut pulpe–paume sur chaque doigt long (figure 5).
néanmoins, surtout s’il est sensible, servir de pouce
butoir : la main opposé vient placer passivement un Pouce
objet dans la première commissure, dont la résistance Outre la force mesurée de la prise pouce–index, on
élastique réalise une sorte de « préhension molle » favo- évalue :
risée par l’élasticité des téguments, et l’adhérence liée à – le premier temps de la prise, qui est l’ouverture de la
la sudation des doigts. Ce type de préhension est géné- première commissure, par la distance maximale entre la
ralement bien supérieur à celui réalisé par les classiques
arthrodèses intermétacarpiennes, qui ne laissent aucune
possibilité d’adaptation. Surtout, ces pouces totalement
paralytiques sont généralement situés dans le plan de la
paume, et ne provoquent donc pas de gêne lorsque la
main se glisse dans la poche, ou dans n’importe quel
espace étroit.
Une stabilisation artificielle du pouce en antépulsion
est souvent très mal ressentie, le pouce venant réguliè-
rement buter et n’autorisant pas l’utilisation de la main
comme main palette. On voit donc que ces pouces tO
doivent le plus souvent ne pas être opérés.
La fonction t1, fonction primordiale du pouce, est
l’adduction permettant la prise pouce index : un objet
est glissé passivement par la main opposée dans l’espace
pouce index, et l’adduction permet de l’y maintenir.
La fonction t2 correspond à l’ouverture de la prise Figure 5. Mesure de la distance pulpe–paume au niveau des doigts
pouce–index, par abduction rétropulsion. Chez ces longs.
302 C. Oberlin, F. Teboul

Figure 6. Mesure de l’ouverture maximum entre la pulpe du pouce et


celle de l’index.

pulpe du pouce et celle de l’index (figure 6). (Une


distance pouce–index de 10 cm permet de prendre une
bouteille, un centimètre, un ticket de métro) ;
– les différentes possibilités de prince pollicidigitales
Figure 7. Cotation des prises pollicidigitales selon Kapandji. Décrite
par la cotation de Kapandji [5] (figure 7) : 1 : contact initialement comme une cotation de l’opposition, elle est plutôt pour
seul possible de la pulpe du pouce avec la face latérale de nous une cotation globale des prises, intégrant aussi bien le pouce
la première phalange de l’index ; 2 : deuxième phalange que les doigts longs. Elle est particulièrement utile dans l’évaluation
de l’index ; 3 : troisième phalange de l’index ; 4 : pulpe des mains rhumatoïdes.
du médius ; 5 : pulpe du quatrième doigt ; 6 : pulpe du
cinquième ; 7 : deuxième phalange du cinquième doigt ;
8 : phalange proximale du cinquième doigt ; 9 : pli de la
base du cinquième doigt ; 10 : coussinet de la base du
cinquième doigt.
Fait capital, cette cotation, très loin de n’évaluer que
l’opposition du pouce (et encore imparfaitement), ren-
seigne en fait très clairement sur les prises pollicidigita-
les possibles, et sur celles qui ne le sont pas. Ainsi, outre
pour les mains gravement paralytiques, elle évalue par-
ticulièrement bien la déviation ulnaire des doigts longs
dans la polyarthrite rhumatoide (à corriger quand la
cotation de Kapandji est inférieure à 5 par exemple).
Les paralysies de la colonne du pouce, lorsqu’il n’y a
pas de lésions osseuses ou tendineuses, sont évaluées au
mieux par l’angle de Bourrel [6] : angle minimum entre
l’axe de l’ongle du pouce et celui du quatrième doigt
(figure 8).
Poignet
La mesure de la prise de force est une composante
essentielle de l’indication opératoire. Par exemple, il
n’est pas rare de mesurer la force entre 0 et 2 kg dans la Figure 8. Méthode de mesure de l’angle de Bourrel : il s’agit de
l’angle le plus faible obtenu entre l’axe de l’ongle du pouce et du
polyarthite rhumatoïde, et il s’agira alors d’une indica- quatrième doigt. Cet angle est normalement inférieur ou égal à vingt
tion opératoire (permettant de retrouver 10 à 12 kg). degrés. Une atteinte, même minime, des muscles thénariens exter-
Dans une pseudarthrose ancienne du scaphoïde avec nes est facilement descellée par cette mesure.
Données anatomiques utiles et examen fonctionnel de la main 303

arthrose, ou une nécrose du semi-lunaire avec arthrose, apparaît indispensable pour tous ceux qui cherchent à
la persistance d’une prise supérieure à 20 kg encourage- évaluer finement la sensibilité superficielle, et surtout
rait au contraire à différer la chirurgie. ses variations au cours du temps chez un même patient.
Le principe est la perception aveugle du filament le plus
Examen analytique
fin, appuyé jusqu’à la torsion, sur la pulpe explorée.
Il s’agit ici de la mesure chiffrée au goniomètre de toutes
les amplitudes articulaires actives et passives, indispen- L’utilisation de la stimulation vibratoire au diapason
sable avant de traiter une pathologie localisée (raideur, (Dellon) est surtout utilisée dans l’évaluation des patho-
déformation en boutonnière ou en col de cygne, etc). logies neurologiques compressives, et ne fait pas stricto
sensu partie de l’examen sensitif de la main.
Examen sensitif
RÉFÉRENCES
La sensibilité à l’effleurement, le pique touche, permet-
tent une évaluation grossière non chiffrée. La gradation 1 Moberg E. Objective methods for determining the functionnal
de 0 à 4 (Medical Research Council) est relativement value of the sensibility in the hand. J Hand Surg 1958 ; 40B :
grossière et n’est guère utilisable pour une publication : 454-76.
0 : absence de sensation ; 1 : sensation à la pression 2 Lambilliotte P, Vilain R. Comparaison entre le test de Weber et
appuyée ; 2 : sensibilité superficielle minime et sensibi- le test global de gnosie. Ann Chir 1978 ; 32 : 601-4.
lité à la douleur ; 3 : bonne sensibilité superficielle 3 Oberlin C, Ed. Manuel de chirurgie du membre supérieur.
Paris : Elsevier ; 2000.
(appui léger, effleurement), avec début d’une discrimi-
nation entre deux points ; 4 sensibilité normale. 4 Oberlin C, Touam C. Opponens plasty. Tech Hand Surg
1999 ; 3 : 131-8.
La discrimination entre deux points [7], statique et
dynamique (moving two points discrimination) est peu 5 Kapandji A. Cotation clinique de l’opposition et de la contre-
opposition du pouce. Ann Chir Main 1986 ; 5 : 66-73.
reproductible d’un examinateur à l’autre, et l’on est
6 Bourrel P. Chirurgie de la lèpre chez l’africain. Médecine Tro-
parfois stupéfait par certains résultats rapportés dans la picale 1969 ; 29 Suppl 2 : 1-33.
littérature.
7 Dellon AL. The moving two point dicrimination test : clinical
L’examen aux monofilaments (Seemes et Weinstein), evaluation of the quickly-adapting fiber receptor system. J Hand
est fastidieux, mais fidèle et très fin. L’acquisition du kit Surg 1978 ; 3 : 474-81.

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