Le Régime Présidentiel
Le Régime Présidentiel
Le Régime Présidentiel
recherche.
Tout particulièrement, je veux dédier cette étude à ma mère. Que son affection
soit remerciée.
2
I. LE PRÉSIDENDIALISME COMME CADRE JURIDIQUE CONSTITUTIONNEL
1) Le présidentialisme « à la française »
2) Le présidentialisme « à la turque »
1) Le fait majoritaire
2) Le e fo ce e t de l’exécutif e te ps de c ise
3) Les dangers pour la démocratie
3
RÉSUMÉ
Le présidentialisme est à la fois une référence à un régime politique
particulier qui est le régime présidentiel et également plus largement à tout
système politique où le président gouverne. Si la Turquie et la France
développent des caractéristiques du régime présidentiel, seul les Etats-Unis
l’ont véritablement mis en place. Malgré de nombreuses velléités pour
acclimater le régime présidentiel, des difficultés socio-culturelles et
historiques rendent l’exercice particulièrement difficile. Toutefois, les trois
régimes sont réellement des présidentialismes dans le sens où les
présidents sont des présidents-gouvernants. Le présidentialisme est alors
considéré de façon pendulaire dans les démocraties françaises et
américaines où celui-ci varie d’une interprétation extensive à une
interprétation restrictive selon les conditions politiques. Au contraire, le
régime turc varie beaucoup moins en intensité.
4
Les Etats-Unis, la France et la Turquie sont trois pays gouvernés par
des présidents. Néanmoins, chacun de ces pays représente un régime
juridique différent : régime présidentiel, régime semi-présidentiel et régime
présidentiel « à la turque ». Si le terme de « présidentiel » se retrouve dans
la dénomination des trois régimes, il existe cependant des réalités très
différentes dans la pratique du pouvoir du président américain, turc et
français. Le terme présidentialisme peut avoir plusieurs acceptions. On a
recours à ce terme pour se référer au régime présidentiel. On utilise
également ce terme pour désigner une « forme dégénérée (…) du régime
présidentiel »1 ; soit un régime où le déséquilibre des pouvoirs est allé trop
loin en faveur du président. Enfin, une dernière acception consiste à
désigner comme présidentialisme la pratique du pouvoir du président
qu’elle soit accentuée ou atténuée. La pratique du pouvoir est alors
pendulaire : extensive (dans le cas où le président dispose de larges
pouvoirs en sa faveur) ou restrictive (dans le cas où la balance des pouvoirs
est à la défaveur du président).
5
crépusculaire. Mais cet État n’était pas à l’origine d’un État de droit. Ce
n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale, dans le contexte d’un passage
à la démocratie, que les idées de séparation des pouvoirs et d’État de droit
ont commencé à se développer, avec plusieurs cycles de crises. En
particulier, les réformes s’étaient accélérées avec la candidature à l’Union
européenne et de ce fait la nécessité de satisfaire à de nombreux critères
afin de s’approcher des attentes de l’Union Européenne.
2
J. Marcou, La Turquie, de l’impossible adieu à l’Orient à un illusoire divorce
avec l’Occident, Les Cahiers de l’orient, N°127, Mars 2017, p 13
3
J.Marcou, La constitutionnalisation inachevée, CEDEJ, Egype/Monde arabe,
décembre 2005
6
4
mécanismes du parlementarisme . Cette première expérience
constitutionnelle a été considérée comme un échec car elle ne faisait
qu’imiter l’Occident sans parvenir à mettre en place une réforme en
profondeur de la société et des institutions de l’empire 5 . Les « Jeunes-
Ottomans » issus des nouveaux milieux littéraires et artistiques ont alors
incarné l’opposition libérale au despotisme réformateur du sultan et milités
pour une nouvelle constitution qui allie un idéal constitutionnel d’origine
constitutionnel ainsi que la revendication des droits et traditions
islamiques 6 . Cependant, c’est un autre mouvement, celui des « Jeunes-
Turcs », composé d’officiers turcs musulmans, qui allait amplifier une
revendication constitutionnelle sous le signe du positivisme et du
scientisme en déclenchant une révolution en 1908 dans le but de sauver
l’Empire du despotisme hamidien7. Aussi, c’est un ancien militant « Jeune-
Trucs », Mustapha Kemal, admirateur de la Révolution française, qui est à
l’origine de la Constitution de 1924. Cette constitution a consacré une
conception laïc et non autocratique de la souveraineté. Malgré l’absence de
démocratie, l’héritage kémaliste a introduit dans la société turque des
institutions qui seront ensuite au fondement de la démocratisation du
pouvoir8. C’est dans le cadre de la constitution de 1924 que la Turquie va
faire l’expérience de la démocratie parlementaire. A l’issue de la mort de
Mustapha Kemal, pendant la Seconde Guerre Mondiale, la question
constitutionnelle allait connaître un renouveau. La Constitution kémaliste
4
Ibid
5
J.Marcou, Etat et Etat de droit en Turquie, Le Seuil « Pouvoir », Avril 2005,
N°115, p 25
6
B. Lewis, The Emergence of Modern Turkey, Oxford University Press, 1975, p
318
7
Opcit, J.Marcou, La constitutionnalisation inachevée
8
Opcit, B. Lewis, The Emergence of Modern Turkey
7
ayant échouée à assurer le fonctionnement du parlementarisme, face aux
crises et aux violations des droits fondamentaux, la situation se détériora
grandement au cours du premier semestre 1960. Le coup d’Etat du 27 mai
1960 fut une intervention militaire perçue comme un coup d’Etat
progressiste9. La Constitution de 1961 a donné naissance à un des régimes
les plus libéraux de l’histoire de la Turquie : mise en place d’un parlement
bicaméral, la reconnaissance des libertés et droits individuels et sociaux,
création d’une cour constitutionnelle et instauration du contrôle de
constitutionnalité 10 . Par cette constitution, la Turquie embrassait une
nouvelle étape de sa modernisation en constitutionnalisant sa démocratie
parlementaire. Cependant, à la suite de ce texte deux nouvelles
interventions de l’armée (1971 et 1980) allaient ouvrir de nouvelles
périodes d’incertitudes.
9
Opcit, J. Marcou, La constitutionnalisation inachevée
10
S. Kili, Turkish constitutional developments and Assembly debates on the
Constitutions of 1924 and 1961, Edition 1971, Robert College Research Center
Yayinlari
11
Opcit, J. Marcou, La constitutionnalisation inachevée
8
nouvelle période s’ouvre alors en Turquie, celle du règne de l’AKP (parti
de la Justice et du Développement) qui est un parti islamo-conservateur, au
pouvoir en Turquie depuis 2002. A la suite d’un coup d’Etat qui a échoué,
une nouvelle modification constitutionnelle a été approuvée par
referendum le 16 avril 2017, sous l’état d’urgence. Le régime
parlementaire a été supprimé laissant place à un régime présidentiel dont le
Président Recep Tayyip Erdogan est le chef du Parti de l’AKP12.
12
I. O. Kaboglu, Suppression du régime parlementaire sous l’état d’urgence :
Remarques sur la modification constitutionnelle “approuvée” par le référendum
du 16 avril 2017, La Revue des droits de l’homme, Centre de recherches et
d’études sur les droits fondamentaux, 2017
13
R. Rémond, La vie politique en France T 2, Armand Colin, 1965
9
l’histoire de la tradition républicaine française. Cependant, l’expérience fut
de courte durée. Louis Napoléon Bonaparte est élu le 10 décembre 1848,
pour se représenter et réalise un coup d’Etat le 2 décembre 1851 afin de
prolonger le mandat présidentiel à dix ans. Au delà de la question de la
forme du régime, la durée du mandat du chef de l’exécutif a aussi connu
une histoire constitutionnelle. Sous l’Ancien régime, le pouvoir exécutif
est exercé à vie alors que sous le Directoire, il est brièvement limité dans le
temps14. Ensuite, ont été fixées des périodes intermédiaires : dix ans pour
le Premier Consul, quatre ans pour le Président de la seconde République,
dix ans pour le Président de 185215.
14
La Constitution de l’an III prévoit un renouvellement chaque année d’un des
cinq Directeurs
15
F. Reynes, Le Quinquennat, Thèse soutenue à L’Université Panthéon ASSAS,
juin 2013
16
C. Bigaut, Du septennat au quinquennat : histoire et arguments, Regards sur
l'actualité, n°266, 2000, p. 4.
10
Président de la République est irresponsable et ses décisions portent le
contreseing d’un ministre17. Le 30 janvier 1879, Jules Grévy est le nouveau
Président de la République, opposé au pouvoir personnel, il exprime une
conception particulièrement effacée de la fonction : « Soumis avec
sincérité à la grande loi du régime parlementaire, je n’entrerai jamais en
lutte contre la volonté nationale, exprimée par ses organes constitutionnels
» 18 . C’est cette conception où «désormais, les Présidents s’effacent
derrière leur fonction »19 qui va déterminer le pouvoir exécutif jusque sous
la IVe République.
17
Opcit, F. Reynes, Le Quinquennat
18
B. Chantebout, Droit constitutionnel, 24e edition, Dalloz, 2007, p 155
19
S. Berstein, « Voter pour le plus bête ! », L’Histoire, n°258, 2001, p. 50.
20
Opcit, F. Reynes, Le Quinquennat
21
Ibid
11
de la Ve République répond à deux problématiques : la gestion du
quotidien et la conception de projets à long terme22. A partir de 1962, le
Président de la République va acquérir davantage de légitimité grâce au
suffrage universel. Pour favoriser l’équilibre et éviter que l’exécutif ne
prenne trop de poids, le mandat du président doit être brièvement encadré
dans le temps. Ainsi, le quinquennat est adopté par referendum le 24
septembre 2000. Dans la mesure où « les changements quantitatifs peuvent
avoir une signification qualitative »23, il est légitime de se demander si le
passage au quinquennat à été une rupture dans l’histoire de la Ve
République, en analysant la réalité d’une évolution vers un régime
présidentiel24.
12
imité. La Constitution a servi de modèle à de nombreux pays en Amérique
latine, en Afrique noire et plus recemment en Turquie. En France, les
constitutions de 1791, 1795 et de 1848 ont également eu pour modèle le
texte américain 25 ; toutes ces tentatives ont été vouées à l’échec. Pour
comprendre la formation des institutions américaines, il faut revenir à la
déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776. Cette déclaration provoque le
divorce avec la Grande-Bretagne et le début d’une guerre d’indépendance
qui se terminera avec la victoire des américains. André Maurois décrivait
ainsi la situation : « toutes méprisaient au fond de leur cœur un pouvoir
trop lointain et ignorant de leurs besoins. Tous goutaient, dans leurs
assemblées, la joie d’une liberté un peu frondeuse »26. La séparation est
actée avec une déclaration d’indépendance inspirée de la philosophie
libérale de John Locke. C’est le texte de 1787 qui a donné naissance au
régime présidentiel avec la mise en place d’une procédure relative à la
protection de la Constitution et de sa révision. L’orientation du texte
consiste en une recherche d’équilibre entre liberté et autorité tout en
mettant en place une séparation des pouvoirs rigide. Les Pères fondateurs
ont longtemps considérés, selon la formule de Thomas Jefferson « que le
meilleur gouvernement est celui qui gouverne le moins »27. A la suite des
excès subis par l’autorité du colonisateur anglais, les constituants étaient
particulièrement méfiants vis-à-vis des excès de l’exécutif. Par ailleurs, la
période confédérale a fait ressortir les tentatives démagogiques des tenants
du pouvoir législateur des Etats. De ce fait, les constituants étaient
25
Opcit, J. Gicquel et J. E. Gicquel, Droit constitutionnel et institutions
politiques, p 286
26
Ibid, p 287
27
V.G. Scoffoni, le droit naturel et l’établissement de la démocratie américaine,
la contribution théorique de Thomas Jefferson, RDP, 1995, p 853
13
également méfiants des excès du pouvoir législatif. Aussi, les pères
fondateurs ont cherché à équilibrer les pouvoirs afin que chaque pouvoir en
limite un autre. Ce n’est qu’ainsi que la liberté individuelle et la liberté des
Etats membres pouvaient êtres préservées.
14
Selon certains auteurs, le modèle américain de régime présidentiel n’a
jamais fonctionné correctement en dehors des Etats-Unis. Ce régime n’a
été en rien, là où il a été transposé, une solution au problème du
déséquilibre des pouvoirs. Il a surtout conduit à l’hypertrophie
présidentielle dans de nombreux pays d’Amérique latine. Quant aux
expériences françaises du régime présidentiel, elles furent des échecs
comme en 1791 et en 1848 ; ces échecs s’expliqueraient, entre autres, par
l’absence d’une séparation des pouvoirs d’un type particulier, au
jacobinisme français qui ignore les spécificités du fédéralisme américain et
enfin au rôle essentiel d’un véritable pouvoir judiciaire ayant à sa tête une
institution aussi particulière que la Cour suprême.
15
A. L’encadrement du présidentialisme
Si les présidents américain, turc et français sont tous les trois élus au
suffrage universel, cet élément est très insuffisant pour qualifier un régime
de présidentiel. Il s’agit d’étudier le contexte de la distinction entre les
différents régimes politiques (a) avant d’analyser les critères de la
distinction (b). Des critères qui demeurent discutables (c)
29
W. Bagehot, The English Constitution, in « The collected Works of Walter
Bagehot », vol. V, « The political essays », ed. by N. St John-Stevas, London,
The Economist, 1974, p. 214.
30
W. Bagehot, Ibid, p 214
16
à celles du Parlement. Cette crise n’a pris fin que lorsque le président a
reconnu sa défaite. Le régime parlementaire français a alors plusieurs
caractéristiques : un chef de l’Etat effacé, un gouvernement choisi
directement par le parlement et la possibilité pour le parlement de démettre
le gouvernement de ses fonctions 31 . Il en résulte que l’action du
gouvernement est comme dépendante de la volonté du parlement. La thèse
de Bagehot a d’autant plus de succès en France, sous la IIIe République,
que le contexte politique est fortement hostile au Parlement dont
l’omnipotence est dénoncée32. C’est ainsi que Bagehot oppose le système
présidentiel fondé sur la séparation des pouvoirs au système parlementaire
qui institue une confusion des pouvoirs. Cette interprétation est dénoncée
par le constitutionnaliste Adhémar Esmein qui tout en opposant le
présidentialisme américain et le parlementarisme européen choisi de se
33
fonder sur un autre critère de distinction . Selon Esmein, le
parlementarisme est respectueux de la séparation des pouvoirs dans le sens
où les deux régimes sont deux applications différentes du principe de
séparation. Alors que la séparation est stricte dans le régime présidentiel,
elle est souple dans le régime parlementaire. La question est de savoir ce
qui distingue la séparation souple de la séparation stricte. L’objectif
d’Esmein est de démontrer que le parlementarisme « atténue la séparation
34
des pouvoirs, mais le maintient cependant » . Selon l’auteur, la
domination du parlement sur le gouvernement n’a pas pour conséquence la
confusion des pouvoirs comme le soutien Bagehot. La menace de la
31
A. Le Pillouer, La notion de « régime d’assemblée » et les origines de la
classification des régimes politiques, PUF, avril 2004, p 324
32
M. J. Redor, de l’Etat légal à l’Etat de droit. L’évolution des conceptions de la
doctrine publiciste française : 1879-1914, PUAM-Économica, 1993, p. 88
33
A. Esmein, Elements du droit constitutionnel, 1896, p 312
34
Ibid, p 311
17
confusion serait contrecarrée par l’instauration d’un certain nombre
d’institutions et de règles qui limitent le pouvoir législatif. La séparation
est décrite par Esmein comme étant la protection la plus efficace de la
liberté. Il est certain que depuis Montesquieu, la liberté suppose cette
séparation : "Pour qu’on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la
disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir"35. Aussi, le chapitre
consacré à la séparation des pouvoirs dans l’ouvrage d’Esmein est classé
sous la partie « La liberté moderne »36.
Il faut reprendre le fil de l’histoire constitutionnelle française pour
comprendre l’exigence d’une séparation souple des pouvoirs. La Première
République fondée à la faveur de la Révolution française a versé dans la
Terreur en empruntant la forme de régime d’assemblée qui est un régime
de confusion des pouvoirs 37 . La seconde République reposait sur une
séparation stricte des pouvoirs et a pourtant ouvert la voie au césarisme
napoléonien38. Ainsi, Esmein voit dans la séparation souple des pouvoirs
un gage de liberté et d’équilibre.
Depuis l’œuvre d’Esmein, la typologie de la séparation des pouvoirs se
confond avec la typologie des régimes politiques. Esmein recourt à
l’adjectif « souple » pour décrire la séparation des pouvoirs des régimes
parlementaires européens et à l’adjectif « rigide » pour présenter le régime
présidentiel américain39.
35
L’Esprit des Lois, 1748
36
Opcit, A. Esmein, Elements du droit constitutionnel
37
J. Boudon, Le mauvais usage des spectres, la séparation « rigide » des
pouvoirs, PUF, 2009, p 247 à 267,
38
Ibid
39
Opcit, Esmein, Elements du droit constitutionnel
18
b) Critères de la distinction
Il faut préciser que la séparation rigide et la séparation souple sont les deux
termes moyens d’une série qui compte quatre éléments : la séparation «
absolue » ; la séparation rigide ou « tranchée » ; la séparation souple ;
l’absence de séparation (confusion des pouvoirs)40. Si le régime américain
est traditionnellement classé parmi les régimes de séparation rigide, la
France est classée parmi les régimes de séparation souple. La classification
est plus problématique concernant le régime présidentiel turc récemment
adopté. En effet, bien que la pratique du pouvoir soit encore récente dans le
nouveau contexte, certaines dispositions de la nouvelle constitution ne
ferment pas le voie à la possibilité d’un régime de confusion des pouvoirs.
La doctrine classique distingue le régime parlementaire et le régime
présidentiel en ayant recours à deux critères : la spécialisation et
l’indépendance.
La spécialisation consiste en une correspondance entre un organe et une
fonction 41 . Par exemple, lorsque la fonction législative est exercée
uniquement par un seul organe dans ce cas on parle de spécialisation de
l’organe législatif. Le second critère est celui de l’indépendance. Dans ce
cas, chaque organe doit être indépendant de l’autre et exercer sa fonction
en toute liberté. Ainsi, on peut en conclure que le régime parlementaire
intègre une séparation souple des pouvoirs car on retrouve le critère de
spécialisation mais pas le critère d’indépendance. En effet, le
parlementarisme intègre la responsabilité politique de l’exécutif devant le
40
Opcit, J. Boudon, Le mauvais usage des spectres. La séparation rigide des
pouvoirs
41
Ibid
19
législatif et la possibilité pour l’exécutif de prononcer la dissolution du
Parlement. A contrario, le présidentialisme institue une séparation stricte
des pouvoirs du fait de l’indépendance des organes dont les fonctions sont
spécialisées.
La tradition républicaine française est synonyme de régime
42
parlementaire . Pourtant, La Ve République institue un régime
parlementaire particulier car une partie des prérogatives a été transférée au
Président de la République43. On retrouve, cependant, la continuation de la
tradition parlementaire dans le discours de Michel Debré devant le Conseil
d’Etat, le 27 août 1958 : « Une première volonté a dominé ce projet: refaire
le régime parlementaire de la République .... Le gouvernement a voulu
rénover le régime parlementaire. Je serai même tenté de dire qu’il veut
l’établir, car pour de nombreuses raisons la République n’a jamais réussi à
instaurer. La raison de ce choix est simple. Le régime d’assemblée, ou
régime conventionnel, est impraticable et dangereux. Le régime
présidentiel est présentement hors d’état de fonctionner en France (…). Pas
de régime conventionnel, pas de régime présidentiel: la voie devant nous
est étroite, c’est celle du régime parlementaire ». D’un point de vue
juridique, le parlementarisme se traduit de deux manières : l’introduction
dans la Constitution de dispositions qui inscrivent une responsabilité du
Gouvernement (« Le gouvernement doit être responsable devant le
Parlement »44) et par l’insertion d’un régime de collaboration des pouvoirs.
C’est l’article 49 de la Constitution de 1958 qui organise la mise en jeu de
42
O. Rudelle, La tradition républicaine, Pouvoirs 42, 1987, p 34 et s
43
P. Touhari, Les rapports entre le Parlement et le Président en France : une
évolution de la nature du régime politique ?, Parliaments, Estates &
Representation , 12 avril 2010
44
Loi constitutionnelle du 3 juin 1958, publiée au JO d u 4 juin 1958, p. 5326
20
la responsabilité politique du Gouvernement : « Le Premier Ministre, après
délibération du Conseil des Ministres, engage devant l’Assemblée
Nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou
éventuellement sur une déclaration de politique générale ». D’autre part,
l’article 12 de la Constitution attribue au Président le droit de dissolution.
En effet, le Président peut après consultation du Premier Ministre et des
Présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée
Nationale. Il s’agit de la contrepartie à la responsabilité politique du
gouvernement45. Enfin, la collaboration entre les pouvoirs est prévue par la
Constitution ; l’exécutif et le législatif doivent collaborer dans
l’élaboration de la loi et dans la fonction de contrôle.
21
mettre fin à l’existence d’un autre »49 . Chaque organe est désigné selon un
mode particulier dans lequel les autres ne peuvent intervenir. Par ailleurs,
l’indépendance est liée à l’irrévocabilité de l’organe. Par exemple,
Madison faisait référence à l’inamovibilité des juges pour prouver leur
indépendance malgré une nomination liée aux rapports de force
politiques50. Ainsi des auteurs comme Vlad Constantinesco et Stéphane
Pierré-Caps soutiennent que dans un régime présidentiel « aucun des
pouvoirs ne peut mettre fin à l’existence d’un autre »51. Dans ce cas, peut-
on réellement considérer le régime turc comme étant un régime
présidentiel. La nouvelle Constitution de 2017 prévoit que le Président
peut dissoudre la Grande Assemblée (le parlement turc) et la Grande
Assemblée peut se dissoudre elle-même pour provoquer de nouvelles
élections présidentielles52.
49
Vlad Constantinesco et Stéphane Pierré-Caps, Droit consitutionnel, PUF
Thémis, septembre 2016, p 87
50
Le Fédéraliste, n° 51, Paris, Economica, 1988, p. 429
51
Opcit, Vlad Constantinesco et Stéphane Pierré-Caps, Droit consitutionnel
52
Constitution as it would result from the amendments adopted by the grand
national assembly on 21 january 2017, venice commission, cdl-ref(2017)003,
février 2017
22
paralysie. Loin d’une séparation rigide des pouvoirs, c’est la recherche
d’un équilibre entre les pouvoirs qui caractérise le régime présidentiel
américain. Un équilibre difficile à retrouver dans le régime présidentiel « à
la turque ».
Si la théorie de l’étanchéité des fonctions a été mise en avant par les anti-
fédéralistes, elle a été écartée par les fédéralistes. Ainsi c’est le concept des
encroachments au fondement de la théorie des checks and balances, qui
s’est imposée. Selon James Madison, pour garantir la liberté, l’immixtion
d’un organe dans la fonction d’un autre est essentielle. La théorie des
l’encroachments consiste en un nombre d’exception qui font que
l’association entre un organe et une fonction ne sont pas absolues. Il existe
donc un partage de la fonction législative, exécutive et juridictionnelle.
Ainsi les trois fonctions sont balancées entre les trois organes.
En ce qui concerne le partage de la fonction législative, le Congrès la
partage avec le président. Si le président n’a pas l’initiative de la loi, il peut
faire endosser ses projets de loi, souvent annoncés dans le discours de
l’état de l’Union, en demandant à un membre du Congrès ami de lui rendre
service ou encore en annexant les projets de lois aux messages délivrés au
Congrès. Ainsi, le président ne les impose pas mais les suggère en prenant
appui sur l’opinion publique (art II, section 3 de la Constitution). Par
ailleurs, le président dispose du droit de veto. L’article I, section 7, clause
2 de la constitution décrit les conditions de l’utilisation de ce veto : toute
loi voté par le Congrès doit être soumise au président pour signature. Ce
23
dernier peut soit signer le texte qui deviendra une loi, refuser de signer le
texte ce qui consiste à exercer son droit de veto ou encore s’abstenir d’agir
ce qui revient à opposer un veto. Par exemple, en février 2015, Obama a
opposé son veto pour rejeter un projet de loi relatif à l’oléoduc Keystone
qui traverse les Etats-Unis à partir du territoire canadien. Dans ce cas
précis, le Président a invoqué le respect de ses prérogatives en matière
internationale53. Or le veto n’est pas absolu. En effet, il faut une majorité
qualifiée des 2/3 dans chacune des Chambres du Congrès pour le renverser
(statistiquement le veto est rarement contrarié). Le président est alors
considéré comme un co-législateur « avec un signe négatif » 54 . Il faut
également tenir compte de l’intervention de la Cour suprême en matière
législative depuis qu’elle dispose du pouvoir de contrôle de la
constitutionnalité des lois fédérales (Affaire Marbury vs Madison de
1803)55.
La fonction exécutive n’échappe pas au partage. En effet, le Congrès a un
réel moyen d’action sur le Président, ce qui fait dire au Président Kennedy
« le Congres me paraît plus puissant que lorsque j’y siégeais » 56 . En
principe, le pouvoir de nomination aux emplois publics fédéraux relève de
la fonction exécutive. Cependant, le Sénat est amené à donner son accord à
la majorité simple (art II, sect 2, clause 1 de la Constitution). Le Sénat peut
contester le choix du Président au sujet de certaines nominations relatives à
l’administration fédérale et doit approuver les traités internationaux. De
53
Opcit, J. Gicquel et J. E. Gicquel, Droit constitutionnel et institutions
politiques
54
Hans Kelsen, « La garantie juridictionnelle de la Constitution », RDP, 1928, p
224 et 225
55
Opcit, J. Boudon, La séparation « rigide » des pouvoirs
56
Opcit, Gicquel et J. E. Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques
24
plus, le Congrès dispose d’un pouvoir d’autorisation en matière
d’engagement des troupes à l’étranger57.
57
Ibid
58
Opcit, J. Boudon, La séparation des pouvoirs aux Etats-Unis
59
Opcit, J. Gicquel et J. E. Gicquel, Droit constitutionnel et institutions
politiques
25
un système complet, mais les pouvoirs séparés n’ont pas été conçus pour
agir dans une absolue indépendance »60.
Il faut comprendre que la spécialisation des organes dans une fonction est
exprimée dans la constitution américaine par l’expression « the bulk of »
qui peut être traduit par « pour sa plus grande part ». Ainsi, la fonction
législative est confiée pour la plus grande part au Congrès, la fonction
exécutive est confiée pour sa plus grande part au président et la fonction
juridictionnelle est confiée pour sa plus grande part aux cours fédérales61.
60
418 U.S 683 (1974), in Edition Zoller, Grands arrêts de la Cour suprême des
États-Unis, p 833
61
Opcit, J. Boudon, La séparation « rigide » des pouvoirs aux Etats-Unis
62
A. Insel, La Turquie entre coup d’Etat et référendum, IFRI « politique
étrangère, été 2017, p 105 à 116
26
nouvelles élections présidentielle et législative. Par ailleurs, si le président
a d’importants pouvoirs d’immixtion dans les pouvoirs législatifs et
judiciaires, les autres pouvoirs ne peuvent pas vraiment exercer de contrôle
sur le pouvoir exécutif. La Constitution turque introduirait un régime
présidentiel dépourvu des freins et contrepoids nécessaires à la prévention
d’une dérive autoritaire.
27
décret et loi, c’est la loi qui l’emporte (article 104). Dans un régime
présidentiel, la séparation des pouvoirs implique que le président n’a pas le
droit de dissolution du Parlement. La Constitution turque révisée permet au
Président de dissoudre la Grande Assemblée nationale comme la Grande
Assemblée peut se dissoudre elle-même (décision à la majorité des 3/5 du
nombre total des députés : article 116). Dans les deux cas, la dissolution
déclenche les élections présidentielles et parlementaires. S’il s’agit bien
d’un moyen de pression sur le législatif, il constitue aussi le terme de la
présidence.
De plus, le Président dispose d’un important droit de veto (article 104). Il
peut également intervenir dans le pouvoir législatif grâce à la possibilité de
faire des communications à l’Assemblée sur des questions intérieures et
extérieures (article 104).
28
Parlement turc ne joue aucun rôle dans la nomination des ministres ou des
hauts fonctionnaires. Aux Etats-Unis, le pouvoir d’approbation des agents
de l’exécutif et des juges joue un rôle important dans le contrôle de l’action
présidentielle car c’est l’opportunité pour le Congrès d’exprimer un
désaccord avec une politique ou pratique présidentielle. Néanmoins, le
Parlement Turc dispose du pouvoir de lancer une enquête parlementaire si
le Président est soupçonné d’un acte engageant sa responsabilité pénale (art
98 paragraphe 4 de la Constitution). Ainsi, l’enquête peut-être décidée à la
majorité des 3/5 (un seuil d’autant difficilement à atteindre que le
Parlement appartient majoritairement au Parti du Président). L’enquête ne
peut porter que sur des infractions liées à l’exercice des fonctions de la
personne faisant l’objet de l’enquête. Le Parlement ne peut enquêter sur les
dysfonctionnements de l’exécutif. En effet, il s’agit d’une procédure de
destitution. En ce qui concerne la nature de l’infraction, l’article 106 de la
Constitution désigne des infractions pénales liées à l’exercice des fonctions
du président, vice-président ou des ministres. Si le domaine des infractions
à l’origine de la destitution est particulièrement étendu, la procédure est
très difficile à initier à cause des majorités qualifiées requises. Une
difficulté comparable à celle de la procédure américaine où la « destitution
est une procédure de longue haleine semée d’incertitudes, surtout si on la
compare à la simple motion de censure »63. Dans le cas où le Président
serait mis en cause, il serait jugé par la Cour constitutionnelle dont il aurait
nommé certains membres, ce qui pourrait mettre en doute l’impartialité du
jugement 64 . Enfin, le Président serait seul à déclarer l’état d’urgence,
63
Juan J. Linz, The Perils of Presidentialism, Journal of Democracy, vol. 1,
1990, p. 65
64
Commission européenne pour la démocratie par le droit, Avis n°875/2017,
Strasbourg, le 13 mars 2017
29
période pendant laquelle il pourrait prendre des décrets présidentiels sans
aucune restriction.
65S. Erdem Aytaç, Ali Çarkoğ lu & Kerem Yıldırım, Taking Sides: Determinants of Support
for a Presidential System in Turkey, janvier 2017, South European Society and Politics
66Opcit, A. Insel, La Turquie entre coup d’Etat et référendum
67R. Turmen, Une constituion, mais pour qui ? Le processus d’établissement
d’une constitution en Turquie et les objectifs contradictoires des partis
politiques, La Découverte « Hérodote », 2013, p 171 à 182
30
B. Un cadre difficile à adapter
a) Un présidentialisme « à la française »
68
Olivier Duhamel, Une démocratie à part, Le Seuil « Pouvoirs », 2008, p 17 à
26
31
régime mixte, d’un régime semi-présidentiel ou, de façon prosaïque, d’un
régime mi-parlementaire, mi-présidentiel. Or, à la réflexion, il n’est ni l’un
ni l’autre : il est spécifique. (…). Aussi, dans un souci d’authenticité, on
préfère utiliser l’expression de régime présidentialiste.» 69 . Un régime
spécifique, de tradition parlementaire mais dont la constitution reflète
l’hésitation originaire entre régime parlementaire et régime présidentiel. Il
n’est donc pas étonnant que l’introduction d’un régime présidentiel en
France ait ses propres partisans.
Les défenseurs de l’instauration du régime présidentiel ont souvent vus
dans le modèle américain une réponse aux errements constitutionnels
français. Aussi, le modèle du régime présidentiel a été considéré comme
une réponse au parlementarisme inefficace de la fin de la IVe République.
L’objectif est alors de renforcer l’exécutif tout en affirmant le caractère
démocratique des institutions70. Sous la présidence du Général de Gaulle,
le régime présidentiel est apparu comme une alternative à la pratique très
« présidentialiste » du pouvoir. Le constat est le suivant, la Constitution a
évolué vers un présidentialisme excessif dans la mesure où le président
arbitre s’est transformé en président capitaine 71 . A partir de la fin des
années 1990, l’idée d’adopter le régime présidentiel s’intensifie avec la
dénonciation du fonctionnement de la Ve République qui dans la pratique
varie entre le régime présidentialiste et un régime parlementaire (fait
majoritaire / cohabitation).
32
Pour de nombreux auteurs et hommes politiques, le régime américain est
analysé comme le modèle de la longévité constitutionnelle. Il est présenté
comme l’exemple de l’équilibre des pouvoirs exécutifs, législatifs et
judiciaires. Enfin, le régime présidentiel permet de clarifier la place du
pouvoir exécutif et régler les conflits entre Président et Premier Ministre en
instaurant un pouvoir exécutif unifié. Deux types de régime présidentiel
sont défendus : le régime présidentiel à l’américaine et le régime
présidentiel à la française72.
Certains hommes politiques comme Jack Lang ou Dominique Strauss –
Khan ont défendu l’idée d’un régime présidentiel américain en France.
Dominique Strauss-Kahn avait alors proposé la suppression du Premier
Ministre, du droit de dissolution et de la responsabilité du gouvernement
devant le Parlement 73 . Selon Dominique Strauss-Kahn, le risque de
blocage des institutions serait moindre que celui causé par la cohabitation
car le système présidentiel donnerait lieu à des discussions et des
compromis.
Un second courant défend une vision plus acclimatée du régime
présidentiel : un régime présidentiel à la française. Certains hommes
politiques comme Jean-Pierre Chevènement, Alain Madelin ou Édouard
Balladur, ont défendus un régime présidentiel à la française. Ces derniers
ont proposé de supprimer la responsabilité du gouvernement devant le
Parlement, tout en maintenant des moyens de résolution des conflits entre
l’exécutif et le législatif par le referendum et en augmentant les pouvoirs
du Parlement. Ce régime présidentiel à la française comporte deux
72
Ibid
73
Dominique Strauss-Kahn, La flamme et la cendre, Paris, Grasset, 2002, p. 368
et 369
33
modèles. Le premier est celui de la dissolution-révocation qui assimile ce
système à régime néo-parlementarisme ou à un gouvernement de
législature 74 . En cas de blocage entre l’exécutif et le législatif, le
gouvernement n’étant plus responsable que devant le Président, un droit de
dissolution appartiendra au Président. Cependant, ce droit à la dissolution
conduira à provoquer de nouvelles élections présidentielle et
parlementaire. C’était l’analyse de Jean-Pierre Chevènement qui rejoint le
point de vue de Georges Vedel. Il est intéressant de noter que la Turquie,
anciennement régime parlementaire, a introduit cette disposition dans sa
nouvelle constitution de régime présidentiel. En conclusion, il s’agit d’un
système où c’est le peuple qui tranche dans le cas de blocage entre
l’exécutif et le législatif.
34
d’un Parlement qui fait de la résistance »76.
35
régime présidentiel en France. Tout d’abord, une présidence forte serait,
selon certains auteurs et hommes politiques, indispensable pour maintenir
un équilibre entre le gouvernement et le Parlement. Cette problématique
est évoquée dès l’après-guerre par de Gaulle sous ces termes: « Que sera
l’indépendance du gouvernement si c’est de l’investiture de son chef par
les partis que procède l’Exécutif avant même d’être constitué ? » 79 .
L’argument est repris par Michel Debré en 1958. Ainsi, dans son discours
devant le Conseil d’État, le 27 août, il exprime s’exprime sur l’importance
d’une présidence forte : « Faute d’un vrai chef d’État, le gouvernement, en
l’état de notre opinion, en fonction de nos querelles historiques, manque
d’un soutien qui lui est normalement nécessaire. C’est dire que le président
de notre République ne peut être seulement, comme dans tout régime
parlementaire, le chef d’État qui désigne le Premier ministre, voire les
autres ministres (...). Il est, dans notre France, le juge supérieur de l’intérêt
national ». La même idée est reprise par Pompidou, en 1974, dans son
ouvrage le Nœud gordien. Selon lui, le concept de « régime d’assemblée »
était utilisé pour fournir l’argument du contre-modèle à absolument éviter
et maintenir l’idée du caractère indispensable d’une présidence forte pour
la stabilité du gouvernement. Or l’argument de la présidence forte
témoigne surtout de la survivance de conceptions archaïques sur le
parlementarisme moderne. Selon Armell le Divellec, ces vues
caractéristiques du XIXe siècle reflètent une incapacité à penser les formes
modernes des relations de pouvoir entre le gouvernement et les
parlementaires dans les conditions contemporaines, ou encore de la
79
Discours d’Épinal, 29 septembre 1946.
36
nécessité de donner à l’opposition une place importante80.
Que le régime présidentiel ait des opposants ou des partisans, il est certain
que la Ve République en développe certains caractères.
80
A. Le Divellec, Le Prince inapprivoisé. De l’indétermination structurelle de la
présidence de la Ve République, PUF « Droits », 2006, p 101 à 138
81
Opcit, F. Reynes, Le Quinquennat
82
Pascal Jan, Quel avenir pour la Ve République ? , p. 224
83
D. Marrani, Semi-presidentialism à la française, the recent constitutional
evolution of « the two-headed » executive, 2009, 18 Const. F. 69
37
possibles des pouvoirs du Président. Ainsi, l’article 5 de la
constitution dispose que : « Le Président de la République veille au respect
de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier
des pouvoirs publics ainsi que la continuité́ de l’Etat. Il est le garant de
l’indépendance nationale, de l’intégrité́ du territoire et du respect des
traités ». Cette double interprétation n’est en que le résultat d’une
hésitation entre régime parlementaire et présidentiel. Les institutions
s’organisent à présent autour du Président de la République et le
Parlement. Ce dernier voit son ses pouvoirs renforcés par la révision
constitutionnelle de 2008. En effet, la révision constitutionnelle retire le
monopole du gouvernement sur la rédaction des projets de loi. Ainsi, le
poids des commissions permanentes du Parlement a été renforcé (huit dans
chaque assemblée au lieu de six avant la réforme). Par ailleurs, le contrôle
du gouvernement sur l’ordre du jour des assemblées est également
nettement diminué par la révision constitutionnelle de juillet 2008.
84
Opcit, F. Reynes, Le Quinquennat
85
Pascal Jan, Quel avenir pour la Ve République ? , in Pascal Jan (dir.), p.
38
Le régime présidentiel se caractérise par un équilibre des pouvoirs exécutif
et législatif, conduits à collaborer et où chacun agit envers l’autre comme
un frein et contrepoids. La révision constitutionnelle de 2008 a voulu
renforcer le pouvoir du Parlement qui était réduit à n’être qu’une chambre
d’enregistrement des décisions du gouvernement. En juin 2009, le
Président de la République a recours aux nouvelles dispositions de la
e
révision de 2008 en s’exprimant, pour la première fois sous la V
République, devant les parlementaires réunis en Congrès 86 . En outre, il
écrit au Parlement en juillet 2011 pour lui demander de voter une règle
d’or budgétaire qui empêcherait le Parlement d’adopter un budget
déficitaire87. Ces deux exemples prouvent le renforcement d’un dialogue
direct entre le Président et le Parlement ainsi que d’une marginalisation du
gouvernement 88 . « Doit-on y voir le signe avant- coureur d’un nouveau
régime présidentiel ou d’un présidentialisme exacerbé ? Plusieurs éléments
conduisent à penser qu’il s’agirait davantage de cette seconde possibilité.
En effet, le quinquennat renforce le fait majoritaire au profit du chef de
l’Etat »89.
b) Un présidentialisme « à la turque »
223.
86
Patrick Roger, Un protocole inédit pour M. Sarkozy à Versailles, Le Monde,
22 juin 2009.
87
Solenn de Royer, Sarkozy lance la bataille de la règle d’or, Le Monde, 26
juillet 2011
88
Opcit, F. Reynes,
89
Ibid
39
A la suite du coup d’Etat avorté du 15 juillet 2016, un référendum
constitutionnel a été organisé, en Turquie, le 16 avril 2017 dont l’enjeu
était de voter la transformation du régime parlementaire en régime
présidentiel. Cette transformation s’inscrit dans une longue tradition de
pouvoir autoritaire en Turquie (i) et dans un contexte particulier qui
perpétue cette tradition (ii). La tradition autoritaire et la procédure
« forcée » de l’adoption de la nouvelle constitution expliquent en grande
partie la difficulté à acclimater un régime présidentiel fondé sur la
séparation et l’équilibre des pouvoirs.
90
E. Ozbudun, Turkey’s search for a new constitution, Insight Turkey Vol. 14 /
No. 1 / 2012
p. 39-50
40
commentaires critiques et la campagne en faveur d'un "non" étant
interdits91. Aussi, Aucune critique n’a été tolérée contre les discours du
général Evren (chef du Parti au pouvoir) qui était le seul candidat à
l’élection présidentielle. Ainsi, un "oui" à la constitution signifiait
également un "oui" à la présidence d'Evren. Dans ces circonstances, le
référendum du 7 novembre 1982 a produit une majorité de 91,37% pour la
Constitution92. Le contexte de l’élaboration de la Constitution de 1982 a
fortement déterminé son contenu. Ainsi, il se reflète clairement à la lecture
l’esprit autoritaire de ses fondateurs ; toutes les organisations de la société
civile autres que les partis politiques sont interdites à participer à la vie
politique du pays et le général Evren, Président de la République Turque,
disposait de larges pouvoirs. Plus de trente années séparent la Constitution
de 1982 promulguée par la junte militaire à celle de 2017. Cependant, les
deux constitutions ont été précédées par une escalade autoritaire du
pouvoir dont la première préoccupation n’est pas la mise en place de
pouvoirs équilibrés93.
92
Ibid
93
Ibid
94
A. Insel, La Turquie d’Erdogan, Pourquoi le Sultan populiste l’emporte,
Gallimard « Le Débat », 2016, p 112 à 122
41
classe populaire qui s’identifie au chef pieux et brave sorti de leurs rangs et
une classe moyenne conservatrice inquiète des effets de la modernisation
occidentaliste. Erdogan réussit à obtenir une base solide parmi ces deux
classes. Le pouvoir exercé par l’AKP ne peut être qualifié de dictature car
une partie des conditions d’un régime démocratique sont pourvues: des
élections pluralistes qui se déroulent dans de bonnes conditions (absence
de fraude) et une participation importante. Cependant, la compétition
électorale se déroule dans un contexte de très fortes inégalités et le parti au
pouvoir dispose d’une large exposition médiatique contrairement aux
opposants 95 . En outre, la soumission de la justice au pouvoir et son
utilisation comme un moyen de répression politique contre les adversaires
de l’AKP ajouté à un clientélisme généralisé dans l’engagement des
dépenses publiques participent à fausser le jeu démocratique96. Il existe une
réelle ambivalence de la société turque. Elle est à la fois marquée par un
tropisme autoritaire tout en exprimant un fort attachement à la légitimité
par les élections et l’inquiétude d’une centralisation et d’une
personnification excessive du pouvoir97.
Le coup d’État raté de juillet 2016 s’est inscrit dans la continuité d’un
rapport de force entre la confrérie Gülen et Recep Tayyip Erdogan.
Erdogan saisit l’occasion du contexte de la « nation en péril » pour
déclencher une vaste contre-attaque contre la confrérie Gülen. Ainsi, en
juin 2016, il fait inscrire la confrérie sur la liste des organisations
terroristes. On comprend mieux la raison pour laquelle Recep Tayyip
Erdogan a pu qualifier la tentative de putsch de « don de Dieu »
95
Ibid
96
Ibid
97
Ibid
42
quelques heures après son déclenchement 98 . C’est ainsi qu’il lance une
purge, dans la fonction publique et la société civile, sans faire aucune
distinction entre putschistes et sympathisants de la confrérie. « Le bilan de
la répression post-coup d’État, huit mois après la proclamation de l’état
d’urgence, est impressionnant : 134 600 fonctionnaires ont été radiés ou
suspendus sans aucun droit ; environ 90 000 personnes ont été arrêtées, et
47 000 d’entre elles sont maintenues en détention provisoire à la n de mars
2017, parmi lesquelles 11 députés du HDP et 160 journalistes. Plus de 2
000 écoles, résidences pour étudiants, cours préparatoires, 15 universités et
150 organes de presse ont été fermés, et leur patrimoine transféré au Trésor
public. Par ailleurs, le gouvernement a confisqué par décret-loi les titres de
propriété de plus de 800 entreprises industrielles et commerciales, et
nommé à leur tête des administrateurs judiciaires qui les confient à un
organisme public chargé de leur liquidation. Ces décisions de radiations, de
fermetures, de confiscations et de liquidations sont annoncées sans motif
par décrets, sans possibilité de recours devant la justice tant que l’état
d’urgence reste en vigueur »99.
98
Ibid
99
Ibid
100
S. Akgönül , De l’usage des fractures, Centre d'études et de recherches sur le
Proche-Orient, « Les Cahiers de l’Orient », 2017/3 N° 127 , pages 121 à 138
43
concentration des pouvoirs aux mains d’Erdogan, ce dernier n’hésite pas à
rappeler le régime de parti unique de l’époque de Mustafa Kemal101.
101
Ibid
102
Commission européenne pour la démocratie par le droit, Avis n°875/2017,
Strasbourg, le 13 mars 2017
103
Ibid
44
du vote soulève des irrégularités. Ainsi l’article 175 de la Constitution et
l’article 94 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale prévoient le
vote à bulletin secret 104 . L’article 175 de la Constitution prévoit que
l’Assemblée adopte une proposition de modification de la Constitution à la
majorité des trois cinquièmes du nombre total de ses députés par vote à
bulletin secret. Le règlement intérieur du Parlement précise que (article
148) : trois bulletins circulaires de papier (un blanc, un vert et un rouge)
sont remis simultanément à chaque député. Le bulletin exprimant le vote
est placé dans l’urne, les deux autres sont déposés à l’endroit indiqué.
Pourtant, pendant le vote, de nombreux députés ont voté publiquement en
faveur de la révision. En outre, les bulletins inutilisés ont été récupérés
après et auraient servi à identifier les députés qui auraient votés contre la
réforme 105 . Or le non respect du votre à bulletin secret discrédite la
sincérité de l’engagement des députés dont le vote est surveillé et
enregistré.
45
de toute décision de justice. Parallèlement, le nombre des journalistes
emprisonnés, qui était nettement retombé les années précédentes, a bondi,
et aurait atteint 151 au moment de la préparation du document. Le
Commissaire s’est déclaré extrêmement préoccupé par le fait que la
situation était caractérisée par de nombreuses violations patentes des
principes garantis par la CEDH, la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l’homme, les normes du Conseil de l’Europe et d’autres
normes internationales en la matière. Ces violations ont eu un effet
dissuasif indéniable, perceptible non seulement dans l’autocensure
pratiquée par les autres médias non contrôlés par le gouvernement ou qui
ne s’inscrivent pas dans sa mouvance et dans celle du parti politique au
pouvoir, mais aussi parmi la population ordinaire. Cela a suscité une
situation extrêmement peu propice au journalisme, et appauvri le débat
politique, devenu unilatéral »107. Il faut noter également que la liberté de
réunion a été sérieusement réduite dans la mesure où tout rassemblement a
été interdit pendant la période de l’examen parlementaire 108 . Ainsi, la
Commission de Venise rappelle que « la réforme constitutionnelle est un
processus qui exige un débat public ouvert et libre, et un temps suffisant
pour que l’opinion publique puisse examiner les questions et peser sur le
résultat » . Toutes ces mesures portent atteintes à la crédibilité des résultats
du referendum.
107
Memorandum of the Commissioner for Human Rights on freedom of
expression and media freedom in Turkey, paragraphe 22
108
Opcit, Commission européenne pour la démocratie par le droit, Avis
n°875/2017, Strasbourg, le 13 mars 2017
46
Il est certain que d’un point de vue constitutionnel seul les Etats-Unis
incarnent le régime présidentiel. Cependant, les trois régimes sont des
régimes présidentialistes dans la mesure où le président dispose d’un
pouvoir exécutif fort. Un pouvoir dont l’intensité pendulaire oscille entre
une interprétation extensive et restrictive.
a) Le fait majoritaire
47
nation. Le Parlement français est en crise profonde... le divorce entre les
Français et la chose publique est, probablement, d’abord, un divorce entre
les Français et leur Parlement... la fonction législative continue à se
désagréger... le contrôle du gouvernement n’est plus aujourd’hui assuré
que par les seuls médias... les actes les plus solennels de la vie
parlementaire tendent à sombrer dans la dérision... ». Ces critiques
consistaient à dénoncer le pouvoir excessif du président en période de
coïncidence des majorités parlementaire et présidentielle, soit une «
monarchie républicaine absolue » avec un « Parlement croupion » et des
parlementaires « godillots »109.
La majorité parlementaire soutient les démarches du Président de la
République, à l’exclusion des périodes de cohabitation. Certes, le
Parlement perd son autonomie politique mais dispose d’une autonomie
juridique qui se fonde sur une légitimité propre, acquise lors des élections
législatives, et qui se distingue de celle du Président de la République.
Avec le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, la doctrine et
des acteurs politiques ont reconnu que l’ordre dans lequel se déroulaient
les élections présidentielle et législative avait une conséquence sur leur
poids politique110. La première élection est alors « principale »
alors que la deuxième est « secondaire ». En théorie, le Parlement et le
Président sont élus au suffrage universel et disposent d’une légitimité
identique. En réalité, le fait que le Parlement est élu sur le programme du
Président inclut leur légitimité dans celle du Président111. Dans ce cas, on
peut parler d’une « majorité parlementaire présidentielle ». Aussi, l’effet
109
Opcit, H. Roussillon, Le Mythe de la « VIe République »
110
Opcit, F. Reynes, Le Quinquennat
111
Ibid
48
est décuplé par la simultanéité des élections qui attribue au Président et à
sa majorité une responsabilité commune. Selon François Reynes, les
députés de la majorité présidentielle « ont un intérêt personnel à sa
réélection qui conditionne en grande partie la leur, en raison de la
dynamique qui serait créée par sa victoire ». La devise « on gagne
ensemble, on perd ensemble », que Nicolas Sarkozy a popularisée pendant
sa campagne électorale de 2007, devient la formule consacrée de la
majorité. Entre le Président et « ses » députés, tous savent que « c’est
ensemble qu’ils seront reconduits ou censurés » 112 . Cette dynamique
implique une plus grande soumission des députés de la majorité au
Président. D’un point de vue Politique, cela résulte en une discipline de
vote renforcée au sein des groupes parlementaires de la majorité. Certains
ont cru que le quinquennat donnerait plus de liberté aux députés
craindraient moins la dissolution et deviendrait plus frondeuse 113 . Guy
Carcassonne voyait dans le quinquennat un rapprochement entre le
Président et les députés de sa majorité, en encourageant des relations qu’il
qualifiait de « bilatérales » 114 .Cependant, il s’agit de préciser que ces
relations demeurent asymétriques dans la mesure où les députés de la
majorité sont plus dépendants du Président qu’il ne l’est d’eux.
112
Pierre Avril, L’irresponsabilité des pouvoirs, in Pascal Jan (dir.), p. 121
113
Christophe Boutin, Le faux remède du quinquennat, in Frédéric Rouvilloi, p.
193
114
Guy Carcassonne, Ce que changera le quinquennat, Valeurs actuelles, 1er
septembre 2000
49
américain expliquent pourquoi un Congrès majoritairement du même parti
que le président lui permet d’élargir son domaine d’action. Tant le
Président que son parti au Congrès sont jugés par les électeurs, ce qui les
incite à coopérer dans leur intérêt politique commun. Le parti majoritaire
ou minoritaire au Congrès est donc une source de collaboration ou de
conflit entre les deux organes. Le meilleur indice du succès d’un mandat
présidentiel est le nombre de sièges dont le parti du président dispose au
Congrès. Les compétences individuelles que les présidents apportent ne
font qu'une différence modeste au-delà de cette situation institutionnelle
brutale 115 . Les députés qui appartiennent à la majorité présidentielle
s'adressent également à de nombreux groupes d'intérêt mais les désaccords
avec l’opposition sont souvent plus forts que les désaccords entre les
membres d’un même parti politique. De plus, les membres du Congrès
bénéficient d’une crédibilité renforcée et réussissent lors des élections
lorsque le président de leur propre parti est populaire. Toutefois, le parti de
l’opposition gagne en général des sièges lors des élections de mi-mandat ;
le nombre de sièges gagnés est alors corrélé à l’impopularité du
président116. Les membres du Congrès appartenant au parti du président ont
de nombreuses raisons politiques de soutenir ses propositions. En d'autres
termes, la majorité présidentielle est incitée à soutenir le président, même
s'il existe des réserves politiques ou idéologiques sur les propositions du
président 117 . Par exemple, de nombreux républicains qui s'opposaient
farouchement aux demandes du président Obama concernant la
construction d’infrastructures sont beaucoup plus ouverts à soutenir une
115
S.F. Abernathy, American Government, Sage Publications, 2018
116
Ibid
117
Ibid
50
facture d'infrastructures proposée par le président Trump. « Selon plusieurs
membres [conservateurs], il a été question officieusement d’accepter un
projet de loi [d’infrastructures] qui ne serait payé qu’à 50%, le reste de
l’emprunt étant compensé par la" croissance économique ". Les
républicains n’auraient jamais approuvé cette proposition sous la
présidence de Hillary Clinton », écrit un journaliste du National Review.
118
A. Insal, L’Autocrate élu et sa nouvelle République, Les Cahiers de l’orient,
2017, p 27 à 40
119
Ibid
51
moyennes qui désirent encore cette adhésion. Tayyip Erdŏan maintient
l’AKP autour d’un objectif clair : garder le pouvoir par tous les moyens.
Pour cela, il a recourt à une idéologie qui fusionne pragmatisme et valeurs
islamo-conservatrices pour mobiliser son électorat120. L’AKP est devenu
un parti dominant qui absorbe tous les partis et mouvements politiques
allant de l’extrême-droite nationaliste au centre-droit. La dominance
progressive du parti s’accompagne de la mise ne œuvre de son projet de
réislamisation de l’espace public121.
120
H. Bozarslan, Nostalgie d’Empire, société fracturée et Etat fragilisé. La
Turquie à l’heure de l’AKP post-coup d’Etat, La Découverte « Mouvements »,
2007, p 69 à 81
121
G. Seufert, Erdŏan’s “New Turkey”, German Institute for International and
Security Affairs , Octobre 2014
122
Opcit, A. Insal, L’Autocrate élu et sa nouvelle République
52
Erdŏan a vite repris les choses en main en criminalisant ce parti comme
l’émanation d’une organisation terroriste 123 . Il a réussi à regagner la
majorité parlementaire six mois plus tard, à la suite des élections anticipées
qu’il a provoquées124. Depuis lors, « les membres du parti Kurde (HDP)
sont harcelés par la justice, des députés et des maires sont détenus (y
compris les co-présidents du parti) et les trois quarts des municipalités
dirigées par le parti pro-kurde sont désormais dans les mains
d’administrateurs judiciaires nommés par le pouvoir, qui sont souvent les
sous-préfets ou les préfets adjoints de la région »125.
123
Ibid
124 Ibid
125 Ibid
126 Ibid
53
l’adhésion de la moitié du corps électoral face à une opposition éparpillée
et dépourvue de leader127.
127
Opcit, S. Akgonul, De l’usage des fractures
128
S. Rials, Régime « congressionnel » ou régime « présidentiel » ? Les leçons
de l’histoire américaine, Revue Pouvoirs, 2010
129
Ibid
54
Blanche met en place un « Executive Office of the Président » qui jouera
par la suite un rôle important pour renforcer son pouvoir. « La guerre,
après la crise, permet d'ancrer ce qu'il faut bien considérer comme des
déviations par rapport à l'esprit initial des institutions »130.
130
Opcit, S. Rials, Régime « congressionnel » ou régime « présidentiel » ? Les
leçons de l’histoire américaine,
131
L. Fisher, L. Mourtada-Sabbah, Les pouvoirs inhérents du président
américain. Une menace pour les valeurs démocratiques ?, Le Seuil « Pouvoirs »,
2006, p 115 à 125
132
Ibid
55
la Cour Suprême décida que « le commandant en chef, même en temps de
guerre, devait gouverner dans les limites de confins constitutionnels plus
étroits que ceux que ce président a jugé appropriés » 133 . Le New York
Times a vu dans cette décision la victoire de l’État de droit, ainsi qu’un «
véritable pas en avant vis-à-vis d’une administration qui a essayé de se
placer au-dessus de la justice »134. Les pouvoirs inhérents du président sont
sollicités de façon excessive sous l’administration Bush, d’une ampleur
jamais connue des administrations précédentes. Le danger réside dans le
fait que lorsque les pouvoirs inhérents ne sont plus contrôlés, l’État de
droit se retrouve dépendant de la discrétion du président, et le
gouvernement peut se diriger de manière inquiétante vers l’autocratie135.
133
Ibid
134
Ibid
135
Opcit, L. Fisher, L. Mourtada-Sabbah, Les pouvoirs inhérents du président
américain. Une menace pour les valeurs démocratiques ?
136
Opcit, Commission de Venise
56
nécessitant la guerre, de mobilisation, de soulèvement, de tentative
vigoureuse et réelle d’atteinte à la patrie et à la République, d’actes de
violence généralisés d’origine intérieure ou extérieure menaçant
l’indivisibilité du pays et de la nation, d’actes de violence généralisés
visant à la destruction de l’ordre constitutionnel ou des libertés et droits
fondamentaux, de graves perturbations de l’ordre public par des actes de
violence, de catastrophes naturelles, de pandémie dangereuse ou de crise
économique grave » (article 119). Le Président dispose seul du pouvoir de
déclarer l’état d’urgence et peut prendre des décrets présidentiels « non
soumis aux restrictions définies dans la deuxième phrase du 17e
paragraphe de l’article 104 », qui traite des droits fondamentaux ainsi que
des obligations et droits politiques (paragraphe 6 de l’article). Néanmoins
l’article119 prévoit désormais que les décrets présidentiels d’urgence sont
systématiquement nuls après trois mois s’ils n’ont pas été examinés et
adoptés par le Parlement137 .
137
Opcit, Commission de Venise
138 138
http://www.vie-publique.fr/decouverte-
institutions/institutions/approfondissements/pouvoirs-exceptionnels-du-
president.html
57
ou l’exécution des engagements internationaux de la France soient
menacées de manière grave et immédiate 139 . Ensuite, il faut que le
fonctionnement régulier des pouvoirs publics soit interrompu 140. Une fois
toutes ces conditions réunies, le Président peut prendre les mesures
nécessaires. Enfin, ces mesures doivent être inspirées par la « volonté
d’assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais,
les moyens d’accomplir leur mission ». De plus, il faut respecter plusieurs
conditions de forme. Le Président doit consulter le Premier ministre, le
président de chacune des deux assemblées et le Conseil constitutionnel.
Ensuite, il doit informer le pays de la mise en œuvre de l’article 16. Par
ailleurs, le Conseil constitutionnel doit être consulté au sujet de chacune
des mesures prises par le Président dans ce cadre. Le Parlement se réunit
de plein droit et l’Assemblée nationale ne peut être dissoute durant la
période de mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels 141 . En outre, le
Président ne peut réviser la Constitution, il ne peut que prendre les mesures
nécessaires au rétablissement des « pouvoirs publics constitutionnels, dans
les moindres délais ». L’article 89 dispose qu’« aucune procédure de
révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à
l’intégrité du territoire ». C’est à la suite du putsch de quatre généraux en
Algérie que le général de Gaulle a décidé d’utiliser ses pouvoirs de crise.
Or, quelques jours à peine après la mise en œuvre de l’article 16, les
pouvoirs publics avaient retrouvé un fonctionnement
139
Ibid
140
Ibid
141
Ibid
58
normal 142 . L’essentiel de la période a été utilisée par le président pour
assurer le retour de l’ordre en Algérie. De plus, la décision de recourir à
l’article 16 et les actes législatifs pris par le président pendant sa mise en
œuvre ne font l’objet d’aucun contrôle juridictionnel. Dans un arrêt du 2
mars 1962 (arrêt Rubin de Servens), le Conseil d’État a noté que la
décision présidentielle de mettre en œuvre l’article 16 était un "acte
de gouvernement" (c’est-à-dire un acte insusceptible de recours
juridictionnel). Il a également souligné qu’il ne pouvait être saisi que de
recours contre des mesures relevant du domaine réglementaire. Dès lors,
une mesure prise dans le cadre de l’article 16, relevant du domaine
législatif, et violant les libertés fondamentales, ne peut être déférée au juge
administratif 143 . La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 reprend la
proposition du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation
et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par
Édouard Balladur. Elle instaure un contrôle démocratique sur la durée de
l’application de l’article 16 qui ne peut plus être le "fait du prince" , ce qui
permet aussi d’atténuer fortement le caractère potentiellement "liberticide"
que lui reprochaient ses adversaires. Désormais, après trente jours
d’application, le Conseil constitutionnel, saisi par le président d’une des
deux assemblées ou par soixante députés ou sénateurs, doit se prononcer
par un avis public pour examiner si les conditions d’application des
pouvoirs de crise sont toujours réunies. Le Conseil se prononce de plein
142
http://www.vie-publique.fr/decouverte-
institutions/institutions/approfondissements/pouvoirs-exceptionnels-du-
president.html
143 Ibid
59
droit au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, et à
tout moment au-delà144.
144 Ibid
145
P. Rosanvallon, Démocratiser l’exécutif. Entretien avec Pierre Rosanvallon,
propos recueillis par Marc-Olivier Padis, et Emillien Pellon, Editions Esprit,
« Esprit », Novembre 2015, p 62 à 77
146
Ibid
147
Ibid
60
possibilités pour l’assemblée de renverser le gouvernement sont limitées.
En France, c’est l’article 49-3 de la Constitution qui permet au
gouvernement d’engager la question de confiance sur un texte. Sauf qu’il
ne suffit pas de contester le gouvernement en place, il faut pouvoir
proposer une alternative148.
148
Ibid
149
Ibid
150
Ibid
151
Ibid
61
Quoiqu’il en soit, la démocratie est aujourd’hui est perçue comme une «
démocratie d’autorisation »152 : le vote permet d’écarter ce dont on ne veut
pas et de déléguer le pouvoir, mais pas de participer véritablement à
l’exercice du pouvoir. Or c’est le dépassement de cette démocratie
d’autorisation dans une « démocratie d’exercice »153 .
62
truchement de ses puissantes commissions. Le Sénat a le loisir de ne pas
ratifier les traités ou de ne pas entériner un nombre de plus en plus
nombreux de nominations. Par le « veto législatif», le Congrès peut
s'immiscer dans l'exécution des lois qui prévoient cette procédure.
Le droit de message du président n'est qu'une occasion de persuader. De
plus, le veto est une prérogative limitée même s'il est vrai que la menace de
son emploi joue un rôle permanent auprès du Congrès. En outre, les «
Executive agreements », dont la technique a été légèrement aménagée par
le « Case Act » de 1972 ne sont qu'une tolérance154. Quant au « privilège
de l'exécutif », cette pratique s'est sérieusement effilochée depuis la
décision de la Cour Suprême US v. Nixon de 1974. LA Cour a refusé au
Président traqué la possibilité de se réfugier derrière son invocation pour
refuser de livrer les fameuses bandes155. Dès la fin de l'ère nixonienne, le
Congrès réagit à l’hpertrophie présidentielle par une série de textes
limitatifs. En 1973, le « War powers Resolution Act », qui n'est d'ailleurs
pas restrictif de façon univoque, précise que le Président doit faire un
rapport au Congrès dans les quarante-huit heures de tout engagement de
troupes à l'étranger et ne saurait poursuivre aucune opération militaire au-
delà de soixante jours sans autorisation parlementaire. En 1974, le «
Congressional Budget and Impoundment control Act » restaure l'efficacité
des pouvoirs budgétaires des chambres. Face au puissant « Office of
Management and Budget » de la Maison-Blanche est constitué un solide «
Congressional Budget Office ». Dans la pratique, l'activisme du Congrès
pendant ces années décisives empêcha le Président de poursuivre une
154
Opcit, S.F. Abernathy, American Government, Chapitre 10, Sage
Publications, 2018
155
Opcit, S. Rials, Régime « congressionnel » ou régime « présidentiel » ? Les
leçons de l’histoire américaine
63
politique étrangère cohérente, avec de nombreuses conséquences au
Viêtnam, en Angola et ailleurs156.
156
Ibid
157
Ibid
158
Ibid
159
Opcit, J. Gicquel et J. E. Gicquel
64
Truman. L’aptitude à persuader le Congrès d'adopter un projet de loi est
essentielle pour la réussite d’un mandat présidentiel. Les présidents
s'efforçant de réussir sont invités à utiliser toutes leurs ressources
constitutionnelles, politiques, bureaucratiques, personnelles - pour
persuader le Congrès et les autres de suivre leur exemple. Même lorsque
les présidents définissent leurs ordres du jour avec compétence, persuader
le Congrès n’est pas facile. En réalité, même lorsque le parti du président
possède la majorité des sièges du Congrès, il est difficile de mobiliser
l’action d’un organe bicaméral de 535 membres. Au début de la présidence
de Trump, par exemple, l’administration a travaillé en étroite collaboration
avec les présidents des comités du Congrès afin de remplacer l’Obamacare.
Cependant, quand est venu le temps de rassembler les votes pour le projet
de loi, ni le lobbying intensif du président, ni les plaidoyers des dirigeants
du Congrès n’ont suffi à rallier des républicains de la base sur les flancs
conservateurs et modérés du parti. Deux factions ont tué le projet de loi et
ont infligé au nouveau président une défaite étonnante160.
Les critiques du président Obama ont fait valoir qu'il n'a pas utilisé
efficacement les contacts informels pour persuader les membres du
Congrès de soutenir ses programmes. Obama manifestait moins d'intérêt
pour la socialisation avec les membres du Congrès que certains de ses
prédécesseurs, et son bureau de liaison avec la législation ne jouissait pas
de liens particulièrement étroits avec les dirigeants législatifs et les
membres de la base. Selon l’ancien sénateur Tom Coburn, R-Okla., Le
président n’était pas particulièrement habile pour établir des relations
sociales avec les législateurs.
160
Opcit, S.F. Abernathy, American Government, Chapitre 10, Sage
Publications, 2018
65
ii. La cohabitation en France
161
Opcit, F. Reynes, Le Quinquennat
Jean Massot, Alternance et cohabitation sous la Ve République, Paris, La
162
66
cohabitation, c’est le Premier ministre qui décide si telle ou telle politique
souhaitée par le Président sera poursuivie»163. L’opposition entre les deux
organes de l’exécutif est une réelle source de blocage dans la conduite de
l’action publique.
L’instauration du quinquennat a apporté une solution cohérente à la
cohabitation française qui conduisait à la paralysie de l’exécutif. En effet, «
dès lors que la légitimité du Président se fissurait à mesure qu’elle tendait à
s’affranchir des consultations autres que présidentielles, le bloc cohérent
composé de pouvoirs exorbitants, de l’étendue de la responsabilité et de la
durée du mandat présidentiel devenait une anomalie. »164 . Le quinquennat
a permis d’agir à la fois sur la responsabilité politique, l’arythmie
électorale et la cohabitation.
163
Philippe Ardant et Olivier Duhamel, La Dyarchie, Pouvoirs, n°91, p. 13
164
Nicolas Baverez, Septennium interruptum, Le Monde, 16 juin 2000.
67
Une presse libre porte en elle l’idée de contre - pouvoir. Aussi, le pouvoir
politique doit accepter qu’un espace d’opinions et de critiques extérieur à
lui, échappant à son contrôle. Dans une démocratie représentative où le
pouvoir est sanctionné régulièrement par le vote, ce contre-pouvoir a un
impact essentiel sur le résultat des élections et contribue donc à contenir le
présidentialisme qui doit composer avec ces données. Pour Locke, les
citoyens conservent le droit permanent de juger ceux qui les représentent et
dans le cas où les représentants venaient à ne plus se faire entendre ou à
trahir leur rôle, alors les libertés fondamentales comme la liberté
d’expression cesseraient d’être de pures limites du pouvoir pour devenir
des forces contre-agissantes : Locke décrit ainsi le droit de résistance165. La
liberté d’expression est potentiellement un contre-pouvoir au sens le plus «
actif » du mot, en cas de défaillance de la représentation.
165
G. Muhlmann, Le gros mot de contre-pouvoir, Le Seuil « Pouvoirs », 2006,
p 55 à 70
166
T. Vedel, La révolution ne sera plus télévisée, Le Seuil « Pouvoirs », 2006, p
41 à 54
68
correspondent à ses intérêts ou préoccupations. « Au total, l’Internet serait
le ferment d’une démocratie électronique : il transforme les internautes en
citoyens éclairés, capables de s’engager dans d’authentiques discussions
politiques et il instaurerait un dialogue direct, que rien ne parasite, entre
gouvernants et gouvernés »167. Il s’agit d’une nouvelle forme d’activisme.
En effet, les échanges de vidéos et de textes militants prennent une
ampleur décuplée et participe à faire la propagande d’une cause ou d’un
parti. Ainsi la pression médiatique peut amener les gouvernants à
considérer un projet de loi. Internet permet une mobilisation citoyenne qui
peut amener à introduire dans l'agenda politique des questions qui
n'auraient pu voir le jour autrement; elle peut conduire à définir les
problèmes que rencontre une politique spécifique, par la diffusion de
contenus et d'arguments; elle peut mobiliser les citoyens en proposant des
réponses ou en s'opposant aux actions mises en place par les gouvernants
et elle peut permettre un suivi de leurs actions. « Ainsi, les processus de
formation des politiques sont aujourd'hui beaucoup plus complexes et
imprévisibles »168.
167
Ibid
168
J. Subirats, Internet, politique et changement d'époque, HuffPost, 20/11/2015
https://www.huffingtonpost.fr/joan-subirats/internet-politique-et-
changement-depoque_b_8608044.html
69
Abraham Lincoln. L'idée de Lincoln est l'essence de la présidence
rhétorique. L'objectif du président est de produire une vague de soutien
public qui encourage les législateurs à voter les projets de loi. Ils se
tournent souvent vers ces stratégies lorsqu'ils constatent qu'ils n'ont pas les
voix nécessaires au Parlement pour réussir leurs initiatives privilégiées. Or
cette stratégie n’est pas sans risque. Le politologue Samuel Kernell
soutient que cette stratégie peut aliéner les législateurs qui estiment que le
président les manipule, les excluant du processus et ne respectant pas leur
rôle constitutionnel. Malgré cela, les partisans du président s'attendent
généralement à ce que l'administration mette en place des campagnes
médiatiques pour faire participer le public à leur agenda. L'habileté de
Reagan avec les médias a ouvert la voie à l’importance de la gestion des
médias. L'acteur hollywoodien devenu président était à l’aise devant les
caméras et les microphones, et il avait un sens aigu du symbolisme afin de
rallier le soutien des citoyens. Après une tentative d'assassinat le 30 mars
1981, Reagan se rétablit rapidement et, un mois plus tard, lance un appel
public à son programme économique. « La Maison Blanche a
astucieusement lié le retour de Reagan dans la discussion sur le budget et
les impôts, en organisant un discours de retour le 28 avril, avant une
réunion conjointe du Congrès. C'était un triomphe et les gens ont
commencé à l'appeler le «grand communicateur» » 169 . Selon Winston
Churchill «de tous les dons accordés aux [leaders modernes], aucun n’est
aussi précieux que le don oratoire». Cependant, malgré son éloquence,
Obama n'a pas été en mesure d’amener l'opinion publique à soutenir son
programme ambitieux. Selon un gouverneur démocrate, « ironiquement, le
meilleur communicateur que j'ai jamais vu dans une campagne ne s'est pas
169
Opcit, S.F. Abernathy, American Government, Sage Publications, 2018
70
révélé aussi bon pour faire passer le message en tant que président »170.
Obama lui-même était an accord avec cette critique. Quant à George W.
Bush (2001-2009), ce dernier est devenu un communicant à la suite des
attaques terroristes de 2001 contre le World Trade Center à New York et
au Pentagone. Dans le contexte d'un public indigné par les attaques et
désireux de voir une réponse efficace, la manière directe et confiante de
Bush a résonné avec les Américains et a renforcé le soutien du public et du
Congrès à ses plans antiterroristes et de guerre. Ces exemples montrent
comment les présidents peuvent utiliser les campagnes publiques pour
rallier plus efficacement leur soutien à leurs propositions. Avec un succès
mitigé, les présidents s'efforcent continuellement de façonner leur image
publique dans les médias. Ils emploient des assistants spécialisés dans
l'éclairage, les angles de caméra et les décors. Le président Obama a
continuellement expérimenté différentes technologies des médias pour
atteindre des publics différents. Il a reconnu que "dans un univers
médiatique fragmenté, les présidents doivent communiquer presque
constamment sur un éventail de plates-formes, traditionnelles et
nouvelles"171. Le président Obama a tenu moins de conférences de presse
que ses prédécesseurs, comme George W. Bush et Bill Clinton mais il
acceptait volontiers de participer à diverses émissions de "soft news" et de
divertissement. Obama a également tenu des assemblées publiques sur
Twitter, YouTube, et Facebook. Enfin, la campagne présidentielle de
Trump a démontré l’efficacité d’un nouveau modèle de communication
reposant largement sur les médias sociaux. Les tweets de Trump étaient de
puissants dispositifs de réglage de l'agenda. Un tweet de Trump était
170
Ibid
171 Ibid
71
d'abord diffusé à ses millions d'adeptes, puis débattu en profondeur dans
les médias traditionnels, à la fois dans les journaux et sur le câble. La
qualité franche et spontanée de ses tweets parle directement aux citoyens,
en contournant les médias traditionnels. Toutes ces techniques de
communication démontrent la dépendance des présidents aux réactions de
l’opinion publique.
172
E. Demir, la fabrique de l’information : comment Erdŏan a transformé le
paysage médiatique en dix ans, Centre d'études et de recherches sur le Proche-
Orient , « les cahiers de l'orient », 2017, pages 111 à 120
173
Ibid
72
contre la presse a réduit ce pluralisme à néant. Ainsi, « 157 titres ont été
liquidés par décret et plus de 150 journalistes sont actuellement en prison
sous l’état d’urgence proclamé à la suite de la tentative de putsch du 15
juillet 2016. Pas moins de 775 cartes de presse et des milliers de passeports
de journalistes ont été annulées sans autre forme de procès. La censure
d’Internet et des réseaux sociaux atteint des niveaux inédits. »174. Il s’agit
de procédés remarqués dans des régimes comme la Russie, la Hongrie ou
le Venezuela. Ces régimes ont en commun d’être des autocraties électives.
174
Ibid
175
Ibid
73
traités pas la presse176. L’expression la plus éclatante de cette censure s’est
manifesté pendants les événements de Gezi en juin 2013: « alors que la
presse inter- nationale assurait un direct à partir de la place Taksim, CNN
Türk diffusait un documentaire sur les pingouins... »177
176
Ibid
177 Ibid
178 Ibid
74
Bibliographie
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1. Etats-Unis
75
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II. Thèse
III. Rapport
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IV. Mélanges
V. Entretien
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- E. Demir, La fabrique de l’information : comment Erdogan a
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Turkey, Venezuela and Ecuador, SOUTHEAST EUROPEAN AND
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- E. Demir, la fabrique de l’information : comment Erdŏan a
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recherches sur le Proche-Orient , « les cahiers de l'orient », 2017,
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82
I. LE PRÉSIDENDIALISME COMME CADRE JURIDIQUE CONSTITUTIONNEL
1) Le présidentialisme « à la française »
2) Le présidentialisme « à la turque »
83
1) Le fait majoritaire
2) Le e fo ce e t de l’exécutif e te ps de c ise
3) Les dangers pour la démocratie
84