Infractions de Gestion Résumé
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PROMOTION : 2022/2023
MODULE : Droit pénal des affaires
INFRACTIONS RELATIVES A LA
GESTION DE LA SOCIETE
ANONYME
1
SOMMAIRE
2
INTRODUCTION
« La justice se hâte à son pas, mais son pas n’a pas la rapidité de celui des affaires » 1.
Les affaires économiques sont en perpétuelle évolution et diversification, elles sont le pivot
de l’économie et de la richesse à l’échelle national qu’international d’où le besoin d’un droit
qui les accompagne et qui s’adapte à leur évolution.
En effet le droit pénal des affaires2 a pour finalité la protection des intérêts patrimoniaux et
moraux de la communauté sociale via la prévention et la répression des comportements
portant atteinte au fonctionnement harmonieux et à la transparence du système économique.
Ce droit est fondé sur les mêmes mécanismes et principes du droit pénal général, à la
protection des intérêts économiques et financiers de la société.
De nos jours, on parle même de droit pénal économique puisque, la législation relative à la
prévention et à la répression des infractions couvre pratiquement tous les domaines de
l'activité économique de production, de circulation et de consommation des biens et de
services.
L'entreprise est un acteur dans le processus de production, de circulation et de consommation
des richesses, donc des activités humaines liées au bien-être économique et social des
individus et des groupes, et par conséquent elle se trouve en première ligne de l'arsenal
diversifié et complexe du droit pénal des affaires.
Le droit ayant investi, et continuant à investir, tous les domaines des activités économiques
et industrielles des entreprises, les obligations pesant sur l'entreprise et ses dirigeants tendent
à se multiplier et à se diversifier.
Le non-respect de ces obligations expose le dirigeant à des risques de sanctions civiles mais
aussi de plus en plus pénales. Aux risques pénaux communs, découlant des lois et règlements
généraux édictés pour toutes les entreprises (droit des sociétés, droit du travail et droit social,
droit fiscal, droit de l'entreprise en difficulté, droit de la concurrence .....), s'ajoutent les
risques pénaux spécifiques aux secteurs d'activités propres aux entreprises liés aux obligations
particulières mises à la charge des entreprises par les lois et règlements régissant ces secteurs.
La modernisation du droit marocain des affaires au cours de la dernière décennie du 20éme
siècle ( XXème siècle ) , illustrée notamment par la réforme du droit des sociétés et la réforme
du code de commerce, profondément inspirée de la législation française, a également touché
1A. Oriol : « séminaire sur l’arbitrage de commerce international » du 20 Avril 2000 par la CCI Maroc .
2Droit pénal des affaires : est la branche du Droit pénal qui sanctionne les atteintes à l’ordre financier,
économique et social et à la qualité de la vie, et aussi les atteintes à la propriété, la foi publique, l’intégrité
physique lorsque l’auteur a agi dans le cadre dans l’entreprise ou pour le compte de celle-ci= c’est le Droit
pénal s’appliquant au monde des affaires.
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la responsabilité pénale du dirigeant de l'entreprise marocaine comme l'atteste l'arsenal des
sanctions pénales édictées par ces textes.
Ces amendements du droit marocain des affaires sont consécutifs de la volonté des pouvoirs
publics à introduire une plus grande transparence dans les affaires et d’assainir le
fonctionnement de l’économie afin d’améliorer l’attractivité des investissements notamment
étrangers, à la recherche d’un environnement juridique sain et d’une justice impartiale.
Ainsi, on se trouve au Maroc à partir de 1995, avec un nouveau droit pénal des sociétés
largement inspiré du titre II de la loi française 66-537 du 24 juillet 1966. Cette pénalisation
s'explique par la volonté du législateur marocain d'assurer une exhaustivité3 de la sanction
des obligations prévues par les nouvelles lois sur les sociétés et mettre à la disposition des
opérateurs « un instrument de prévention et de répression au service d'objectifs clairement
définis par lui et tenant essentiellement à la transparence, au renforcement de la protection
des associés, à l'amélioration de la structure du fonctionnement des organes d'administration,
de gestion et de direction et à l'amélioration du droit des affaires ».
Au Maroc, dès la promulgation, le 30 Août 1996, de la nouvelle loi sur les sociétés anonymes,
des critiques se sont élevées pour souligner les limites d'une « « modernisation » par le biais
d'une transposition formelle, sans adaptation, des infractions édictées par les lois françaises
au milieu marocain en mettent l'accent précisément sur le fait qu' au moment même où les
lois marocaines ont vu le jour, la réflexion sur la dépénalisation du droit des sociétés était
très avancée et regrettant que les rédacteurs de la loi n'aient pas pris en compte ces réflexions
lors de son élaboration.
Il est à rappeler que les infractions relatives aux sociétés commerciales y compris la société
anonyme peuvent être commises tout au long des différentes étapes de la vie sociale ; des
infractions relatives à la construction de la société, celles relatives au fonctionnement de la
société et enfin celles relatives l’extinction de la société.
Cependant notre recherche mettra en exergue uniquement les dispositions du droit pénal
relatif à la gestion de la société Anonyme et plus spécifiquement ceux de la gestion comptable.
Par conséquent la problématique qui se pose est de savoir quelles sont les comportements
(délits et fautes) qualifiés d’infractions pénales relatives à la gestion de la société
anonyme prévues par le Droit pénal des affaires ? Et quelles sont les limites de ce droit pénal
et quelles sont les solutions suggérées ?
Délimitation du sujet : La gestion comptable et ses infractions .
3Exhaustivité de la sanction des obligations : signifie par La rousse qui épuise un sujet, synonyme : complet,
entier, intégral.
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Partie I : La gestion comptable de la société anonyme
et les infractions y correspondantes.
En élaborant les comptes, la comptabilité consiste en un outil de pilotage. En effet, les états
de synthèse permettent de donner une vision sur la situation financière de la société.
De plus, la comptabilité joue un rôle d’information des partenaire (les tiers). En effet, les tiers
(banques, actionnaires, salariés, …) s’intéressent au déroulement de l’activité et à sa santé
financière. La comptabilité permet de couvrir ce besoin.
En définitive, la comptabilité est l’outil d’information financière par excellence.
L’objectif d’un système comptable est de :
Les livres de comptabilité que la société prépare obligatoirement sont les suivants :
4Les états de synthèse ont pour but d'informer les actionnaires et les investisseurs potentiels sur le
patrimoine, la situation financière et les résultats de l’exercice comptable.
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Le rapport de gestion est un document obligatoire à produire dans un délai de 6 mois
suivant la date de clôture de l’exercice social. Il doit être préparé par le Conseil
d’administration pour les sociétés anonymes (SA) .
Remarque :
Il est à noter que le dirigeant social engage sa responsabilité pénale s’il n’obéit pas à ses
obligations comptables , et ceci peut être manifesté si ce dernier ne dresse pas l’inventaire de
chaque exercice et s’il n’établit pas les états de synthèse et le rapport de gestion après la
clôture de l’exercice comptable.
En effet d’après l’article 386 de la loi 17-95 : « Seront punis d’une amende de 20.000 à 200.000
dirhams, les membres des organes d’administration, de direction ou de gestion d’une société
anonyme qui n’auront pas, pour chaque exercice, dressé l’inventaire, établi des états de
synthèse et un rapport de gestion. »
Et donc selon cet article on peut considérer que l’omission de ces obligations prévues par la
loi de la part du dirigeant social constituent un délit sans avoir à prouver l’intention délictuelle
et indépendamment de la recherche de sa bonne ou sa mauvaise foi, et donc ceci peut
engager sa responsabilité pénale , parce qu’il est dans un emplacement qui ne lui donne pas
droit à la faute surtout en ce qui concerne de telles obligations essentielles et fondamentales.
Nous allons passer par la suite à l’infraction liée à la publication de comptes annuels mais qui
ne reflète l’image réel de la société.
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B) L’INFRACTION LIEE A LA PUBLICATION DE COMPTES ANNUELS
NE DONNANT PAS UNE IMAGE FIDELE.
A- Eléments constitutifs :
Elément légal :
Pour la SA , l’alinéa 2 de l’article 384 de la loi 17-95 dispose : « Seront punis d’un
emprisonnement de un à six mois et d’une amende de 100 000 à 1 000 000 de dirhams ou de
l’une de ces deux peines seulement les membres des organes d’administration, de direction
ou de gestion d’une société anonyme :
Elément matériel :
Est constitué:
– Ensuite, par le fait que ces comptes ne présentent pas la réalité de l’économie de la société ;
Elément moral :
Est constitué lorsqu’il y’a eu de la part de l’auteur, une volonté de dissimuler la vraie situation
de la société, qui généralement dans ce cas, est dans une situation peu satisfaisante.
B- Sanctions :
La sanction est l’emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 100 000 à 1 000 000 de
dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement .
Auteur principal : les membres des organes d’administration, de direction ou de gestion d’une
société anonyme.
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Complicité5: Est punie de la même peine et concerne tous les individus, souvent extérieurs à
la société en question, qui aident d’une manière active ou passive l’auteur principal à
commettre l’infraction: Exp : commissaire aux comptes qui donne des conseils à un dirigeant
en vue de présenter ce bilan comportant de graves inexactitudes.
Le législateur Marocain a élaboré les règles régissant les différentes phases de la vie d’une
société en permettant une liberté dans la constitution de société et également en instaurant
un ensemble de textes réprimant tout agissement frauduleux de la part des dirigeants de ces
dernières. Ce constat est vérifiable à travers la lecture des dispositions pénales retenues par
le code de commerce et les différentes lois relatives aux sociétés cotées ou non.
5 Le droit marocain réprime la complicité comme une infraction spéciale dépendant de l'infraction principale
(article 129 du Code pénal).
6 Coulon2008 : le rapport du groupe de travail présidé par Jean- Marie coulon, premier président honoraire de
la cour d’appel de Paris, chargé de réfléchir à la dépénalisation de la vie des affaires. (20fevrier2008) : le
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En effet, l’inflation législative et la multiplication effarante 7 des textes rendent désormais
pratiquement illisibles et méconnues les dispositions des lois en vigueur. Sachant que
l’article 2 du code pénal dispose que « nul ne peut invoquer pour son excuse l’ignorance de
la loi pénale ».
D’où la nécessité pour les chefs d’entreprises mais aussi les professionnels du contrôle et de
l’audit de ne pas négliger les risques juridiques et particulièrement le risque pénal 8.
En effet le risque pénal a des conséquences graves sur les dirigeants sociaux affectant leurs
casiers judiciaires, mais aussi sur l’entreprise, sa réputation, son patrimoine, son activité. En
effet, les sanctions pénales sont suffisamment lourdes pour menacer la pérennité elle-même.
En effet l’inflation « pénal » de pénalisation augmente le risque pénal qui présente des
conséquences lourdes aussi bien sur les dirigeants des sociétés que sur les entreprises c’est
pourquoi nous suggérons deux solutions proposées par des doctrines .
De prime à bord la première recommande au législateur Marocain de repenser cette mesure
de pénalisation et de sanction et les remplacer avec des instruments alternatifs à titre
d’exemple : sanctions civiles, publication imposée par le juge du comportement antisocial par
le délinquant au public « name and chame »9 efficaces pour assurer la sécurité économique
et sociale sans pour autant marquer un casier judiciaire à vie.
En effet une personne qui est condamnée pour infraction pénale voit son casier judiciaire
entaché pour la vie même après avoir purgé sa peine d’emprisonnement.
Ensuite la seconde recommandation vise la gestion de risque pénal par l’entreprise, il doit être
géré afin de diminuer autant que possible ses lourdes conséquences. L’entreprise doit mettre
en place des mesures afin d’y faire face.
Afin de prévenir le risque pénal, et de palier à toute ignorance, l’entreprise peut mettre en
place des outils préventifs en interne très variés à savoir :
rapport ajoute, pour finir, vouloir une amélioration des règles relatives à la responsabilité des personnes
morales. « Il ne s’agit pas de dépénaliser mais de mieux pénaliser. Il ne s’agit pas de de responsabiliser mais
d’anticiper les responsabilités » . Ce rapport à été remis à Rachida Dati « garde des sceaux, ministre de la
justice en 2008.
7 Effarante : dictionnaire Larousse : qui effare, qui étonne. synonyme : affolant , stupéfiant.
8 Le risque pénal : fait partie du risque juridique qui constitue selon certains auteurs (Darsa 2015) couvre les
infractions qui engagent la responsabilité pénale du dirigeant mais aussi celle de la personne morale (Darsa,
2015).
Darsa 2015 : Jean David Darsa : expert de la gestion des risques en entreprise ( la gestion des risques dans
l’entreprise ).
9 « name and chame » une mesure de sanction appliquée aux Etats unis : il s’agit de publier le comportement
9
- L’audit pénal : audit interne constitue un véritable outil de maitrise de risques ; l’audit pénal
doit être envisagé comme une procédure méthodique et rigoureuse, qui a pour objet de
détecter des comportements, souvent de bonne foi, mais qui exposent leurs auteurs à des
poursuites pénales. Ainsi l’auditeur doit vérifier si les choix opérés sont surs, sans pour autant
remettre en cause les choix de l’entreprise, il devra attirer l’attention des responsables sur les
risques que peuvent représenter leurs décisions.
L’auditeur peut mettre en évidence les incohérences, voir les erreurs, susceptibles de faire
courir un risque pénal à l’entreprise et à ses dirigeants.
L’audit pénal apportera ainsi une meilleure information et formation des différents
intervenants car la sensibilisation au risques pénal devra susciter des réflexes de types »
signaux d’alarme »
- Les codes de bonne de conduite, des chartes éthiques, et d’encourager l’autorégulation,
encourager le gouvernement d’entreprise.
- Introduction de mécanismes de prévention par l’information et le contrôle.
- La veille juridique : il est recommandé également de réaliser une veille juridique : c’est-à-
dire l’analyse, l’étude et le suivi des textes législatifs et réglementaires par des professionnels,
permettant de connaitre avec précision le cadre normatif dans lequel l’entreprise évolue afin
d’anticiper tout comportement à risque.
En pratique, cet outil peut de prime à bord permettre un rappel des grands principes et valeurs
aux quels l’entreprise est attachée ou les principes généraux qui gouvernent son activité, la
prévention des conflits d’intérêts et la lutte contre la corruption : il peut aussi aborder la
gestion de l’entreprise.
Bien que cette pratique de gestion de risque pénal suscite quelques critiques doctrinales
(Millet 2017).
Selon Delmas Marty 11 « le risque est bien réel de glisser insensiblement d’une éthique
supplétive vers une éthique alternative destinée à remplacer la règle de droit. L’objectif
inavoué, de faire obstacle à une intervention du législateur devenue prétendument inutile,
aboutirait en réalité à privatiser la règle de Droit et à transformer le chef d’entreprise,
directement concerné comme justiciable potentiel, en législateur, policier et juge au mépris
de la plus élémentaire séparation du pouvoirs ». Néanmoins, cette gestion de risque pénal
10 Millet A 2017 : Alain Millet : président de la commission juridique Guide pratique sur le risque pénal dans
l’entreprise, avril 2017 .
11 Delmas Marty : femme juriste, a présidé la mis en état des affaires pénales (commission « justice pénale et
Droits de l’homme » a été instituée par arrêté de M. Pierre Arpaillange, Garde des sceaux, ministre de la
justice, le 19octobree 1988 .
10
peut se révéler comme un véritable outil de bonne gouvernance pour le dirigeant qui a
effectivement la volonté de s’accaparer autodiscipline afin d’empêcher les comportements
délictueux.
Il est à préciser que dans certains cas les codes de conduite auraient pour principale rôle de
s’interposer entre le délinquant et le groupe social, de manière à empêcher toute commission
d’infraction. Ce sont des instruments de prévention, ils deviendraient substituts à la
répression (Marty1990)12.
En conclusion , la mise en place d’instruments de prévention, n’excluent pas le risque
d’infraction mais il permet d’en réduire considérablement l’éventualité notamment en
attirant l’attention des intervenants sur un agissement délictueux auquel ils n’ont pas songé,
en toute bonne foi.
12
Marty1990 : la mise en état des affaires pénales commission justice pénale et droits de l’homme présidé par
Mireille Delmas-Marry, a élaboré un rapport préliminaire, novembre 1989 et un rapport final, juin 1990.
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