Enseigner Les Musiques Actuelles - Irma
Enseigner Les Musiques Actuelles - Irma
Enseigner Les Musiques Actuelles - Irma
E
nseigner les musiques actuelles…. Le colloque organisé par la
Fédération Nationale des Ecoles d'Influence Jazz et des Musiques
Actuelles à Toulouse en mai dernier intéresse et interpelle la Direction
de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles à plus d'un titre. Je
voudrais donc profiter de la tribune que la FNEIJMA m'a offerte en me pro-
posant de préfacer les actes de ce colloque pour la remercier haut et fort de
cette initiative particulièrement bienvenue.
Pourtant, même s'ils sont par définition réducteurs, les actes du colloque de
Toulouse témoignent pleinement de la pertinence et de l'actualité du thème
retenu, du sérieux des prises de parole, de la qualité et de la diversité des
intervenants, en un mot de la maturité de ce secteur, comme l'ont souvent
relevé les intervenants.
C'est dans cet esprit que je voudrais me saisir de deux des problématiques
dont il a été débattu à Toulouse :
Une préface n'a pas vocation à réécrire l'ouvrage mais à donner envie d'y
entrer. Je ne tenterai donc pas l'exercice de résumer ni les ateliers ni les
conférences magistrales : c'est au lecteur de ces actes de se les approprier et
d'en nourrir sa réflexion et son expérience afin de contribuer au débat national, cer-
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tes, mais surtout afin que la pratique de toutes les musiques soit davantage
encouragée et ouverte à davantage de musiciens.
EDITO
La Fneijma
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S o m m a i r e
Préface de Jérôme Bouët, Directeur de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des
Spectacles
Edito
Plénière d’ouverture
Hélène BRETON, Vice-Présidente du Conseil Régional Midi-Pyrénées en Charge de la
Culture
Louis BARDOU, Conseiller général de Haute-Garonne et Président de l'ADDA, saison
départementale pour le développement des arts
Marie DEQUE, Adjointe à la Culture de la Ville de Toulouse
LES ATELIERS
ATELIER 1 "L'apprentissage musical, une idée qui a fait son chemin" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .18
ATELIER 7 "Un projet artistique, culturel et social : l'école dans la cité" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .50
Bikini, lieu emblématique des MA. Face à un secteur très mobile, pour ne pas dire mou-
vant, et assurément en constante évolution, il nous a semblé nécessaire de mettre en
place un "réseau de pôles" pour valider l'efficacité de notre aide et les améliorations à y
apporter. Afin d'avoir un retour concret, notamment des artistes, sur la pertinence de notre
action et de clarifier nos missions, nous avons confié à Nicolas Menquel, ici présent, une
étude sur le fonctionnement de ce réseau et, plus globalement, sur l'adéquation de notre
politique avec l'ensemble des acteurs du secteur des MA.
Car au-delà du problème récurrent pour notre institution du maillage du territoire régional,
nous avons affaire à des lieux très différents tant dans leurs objectifs que dans leur fonc-
tionnement, où se mêlent création, diffusion, accueil, avec parmi eux, des lieux très spé-
cifiques comme Avant Mardi qui fonctionne comme un centre de ressources ou Music'
Halle centré sur l'accompagnement et la formation.
Comment bien agir face à cette diversité ? Cette étude devrait nous permettre de faire évo-
luer ou de mettre en place des contrats d'objectifs, notamment en matière de formation qui
est, vous le savez, une compétence importante des régions.
Nous devons bien avouer qu'à ce jour, en ce qui concerne les musiques actuelles, nous
ne savons pas très bien où commence, où s'achève la formation professionnelle initiale.
Puisse ce colloque, contribuer à nous éclairer sur la meilleure manière de conduire cette
évaluation et à adapter nos réponses aux réels besoins de ce secteur.
Un mot encore avant de conclure : à l'issue de la première étape de cette étude, nous
avons pu constater que la formation n'est pas toujours, loin s'en faut, la préoccupation pre-
mière des musiciens, essentiellement préoccupés de diffusion. Or nous savons bien que
le triptyque formation/création/diffusion est un ensemble cohérent dont on ne peut
négliger aucun aspect. Votre réflexion sera au cours de ces journées, centrée sur ce
problème essentiel de la formation ; puisse-t-elle ne pas négliger la formation des organi-
P l é n i è r e
sateurs, ni celle des publics, ni celle des élus - qui sont en demande - face à un secteur
qu'ils connaissent mal, tant au niveau de l'organisation et de la structuration locale, inter-
régionale voire nationale des musiques actuelles.
Je vous souhaite un excellent colloque, des discussions et analyses approfondies et éclai-
rantes ; sachez que nous serons quant à nous très intéressés par les résultats de vos tra-
vaux puisque que nous aurons, le 1er juin, en Midi-Pyrénées, un colloque sur les
Politiques culturelles territoriales et plus précisément sur les projets culturels portés par les
territoires (parcs, pays, agglomérations, communautés de communes, …). Les musiques
actuelles et les pôles de formation auront, évidement, toute leur place dans ces projets de
territoires auxquels nous sommes très attachés.
Je vous remercie.
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départementales. Cela se traduit par les actions que l'on engage auprès des écoles de
musiques mais aussi, directement, vers l'enseignement de la musique au sein même des
écoles et des collèges. Le festival de Jazz que le Conseil général et l'ADDA 31 organisent
à l'automne témoigne, à chaque édition, du dynamisme et du bien fondé de cette action
conduite en direction des jeunes musiciens.
La deuxième raison est plus politique et administrative : depuis la loi du 13 août 2004,
nous sommes chargés d'élaborer le développement des pratiques artistiques. Notre col-
d ’ o u v e r t u r e
lectivité s'y est attelée, avec une première phase de diagnostic ; nous allons passer à une
phase de concertation pour la rentrée prochaine afin d'être en mesure de présenter ce
schéma en 2006. Nous travaillons en partenariat avec la Région car l'enseignement c'est
aussi de la formation qui est, vous le savez, de la compétence régionale ; nous avons d'ail-
leurs commencé à nous réunir avec l'ADDA et les autres associations départementales de
la région pour essayer de répondre aussi aux sollicitations du Conseil régional.
Voilà les deux raisons essentielles qui nous poussent à nous intéresser à ce colloque et,
croyez bien, que nous serons très attentifs aux idées qui en ressortiront.
Je suis heureuse d'accueillir ce colloque à Toulouse. Ici, comme ailleurs, nous savons la
carence en matière de lieux dédiés aux musiques actuelles.
L'enseignement artistique supérieur et général, sont pour notre ville une priorité que nous
avons mise à l'étude dans le cadre du schéma directeur culturel du "Grand Toulouse".
Mais aussi à travers la charte qui va nous lier avec l'Etat dans laquelle les deux domaines
sur lesquels la ville nous a demandé une particulière attention, sont les musiques actuel-
les et la danse contemporaine.
J'ai parlé de carence, mais nous avons des atouts, avec des acteurs locaux structurés
comme Avant Mardi, la commission musiques actuelles du COUAC, les centres de res-
P l é n i è r e
sources identifiés sur notre territoire, tels que Avant Mardi, Music' Halle, Le Musicofage,
ou le conservatoire occitan.
La Ville de Toulouse a décidé de se mettre en recherche de lieux de diffusion, d'aide à la
création, où puissent se croiser les différentes disciplines de l'ensemble de la chaîne musi-
cale : la création, la diffusion, la production, l'accompagnement des pratiques amateurs,
non seulement pour les musiques actuelles, mais pour l'ensemble du spectacle vivant.
Des passerelles sont envisagées entre le théâtre, la danse contemporaine et les musiques
actuelles.
Le maillage que nous essayons de tisser à Toulouse, grâce, notamment, à l'action de
Philippe Metz (Music' Halle) qui est à remercier pour son énergie sans cesse renouvelée,
mais aussi avec les passerelles mises en place avec le Conservatoire de Toulouse, témoi-
gne de cette volonté. Toulouse veut se donner les moyens de pallier les carences que
j'évoquais pour commencer, et avoir deux ou trois lieux forts dédiés aux musiques actuel-
les. C'est dans cette optique qu'une agence a été mandatée pour un état des lieux et pour
élaborer une proposition de préconisation qui sera acté par le bureau du Contrat d'agglo-
mération "Grand Toulouse" pour nous acheminer vers le repérage de lieux qui paraissent
intéressants tant au niveau des publics qu'ils peuvent développer qu'au niveau de la syner-
gie qui peut être créée avec les autres lieux dédiés à ce secteur. Bon colloque à tous.
P .S. (ndlr) : A l'heure de la mise sous presse, la Ville de Toulouse a opté pour un lieu dédié
aux Musiques Actuelles à l'ancien cinéma Les Nouveautés au coeur de Toulouse en face
du TNT (Théâtre National de Toulouse).
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Lorsque j'ai demandé à Stephan Le Sagère (Directeur de la FNEIJMA) les questions qu'il
souhaitait que j'aborde dans ce temps introductif, il m'a donné carte blanche et il m'a dit :
"vous savez, nous ne sommes pas que des pédagogues, nous sommes d'abord des musi-
ciens. Mais regardez les ateliers et le texte introductif et vous verrez que la réflexion sur
l'école nous intéresse vivement". Je l'ai suivi et qu'ai-je découvert ?
Que dans les réflexions introductives de Jacques Olivier Durand, les grands parties ren-
voient à des problématiques comme les enjeux de la formation, la question de la demande
et des besoins réels, l'évaluation, le projet, la cohérence des enseignements, une école
nouvelle dans une cité nouvelle, toutes questions d'essence pédagogique donc.
Que dans les titres d'ateliers figurent les termes d'apprentissage, de pédagogie, de projet.
Je ne pense donc pas être là avec des musiciens, mais effectivement des musiciens sou-
cieux de faire partager leurs compétences ; des musiciens enseignants attentifs à ce qui
advient de leur art dès lors qu'il entre dans une école.
Par ailleurs, une caractéristique du milieu que représentent les musiciens enseignants ici
présents est qu'ils appartiennent à des institutions différentes publiques et privées et que
dès lors une saine émulation existe entre elles et eux. Il existe des écoles et il est sans
doute nécessaire pour exister de faire école.
Ces deux constats rapprochés vous comprenez pourquoi je vais chercher à traiter trois
questions, à mon sens au cœur de vos échanges, mais qui n'apparaîtront pas comme tel-
les :
. D'abord, qu'est-ce que faire école ? A quoi conduit la recherche d'une identité pour cha-
que association, comment cette identité peut-elle se reconnaître ?
Les notions de Maître, avec une majuscule et de méthode me paraissent ici en cause.
. Ensuite, au-delà de cette légitimité recherchée, il faut faire l'école ; essayer de travail-
ler ensemble autour d'objectifs communs.
Le projet est ici central. Quels sont les enjeux à parler de projet ?
. Enfin, quand bien même on pense avoir fait école, qu'on pense avoir soudé une école
et ainsi participé au "faire l'école", on se retrouve seul et on doit faire la classe. Et pour
certains d'ailleurs faire ses classes, débuter. La question des apprentissages surgit dès
lors.
Examinons donc successivement ces trois questionnements : faire école, faire l'école et
faire classe.
1. FAIRE ECOLE
L'ambition est grande pour chaque association ici présente, de faire école, de se
construire une identité qui la particularise, qui l'originalise de ses voisines. Faire école n'est
pas un but recherché en soi mais un moyen que l'on se donne fréquemment pour exister.
Du reste quand on parle d'école de musique, il est question non pas seulement d'un
espace et d'un temps où l'on apprend la musique, mais d'un temps et d'un espace où l'on
rencontre des maîtres dont certains accompagnent leurs élèves, à leur demande, très
longtemps.
Je fais l'hypothèse que pour faire école, deux ingrédients sont nécessaires. Il faut une doc-
trine qui se caractérise par une méthode, et il faut un maître, figure emblématique suscep-
tible d'incarner cette doctrine.
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et Enjeux
. Faire école nécessite un Maître, au sens fort du terme.
Contexte, Histoire
Il n'existe plus guère de Maîtres, alors que le nombre de maîtres lui, augmente. Citons
cependant la danse (on parle de maître de ballet), l'escrime (on parle de maître d'armes),
la musique avec l'usage péjoratif de maître chanteur.
Le Maître est l'homme ou la femme (pensons en danse à Béjart ou Maguy Marin) qui fait
école car il est considéré comme le magister, comme le chef qui constitue un exemple à
imiter à cause de son charisme, une figure tutélaire à cause de son pouvoir de séduction.
Le Maître n'est autre que le chef. On suit le chef, l'un parmi nous, généralement un fon-
ceur. On admire le Maître, venant d'ailleurs, ressenti comme un guide. Attention cependant
à ne pas faire du Maître un gourou. On se vassalise pour un gourou. On espère être
repéré par le Maître.
Selon les registres qu'ils empruntent, il semble possible de distinguer différentes figures
de maître comme :
. le fougueux qui procède par idéalisation et identification. On adhère à ses propos qui
développent un temps à venir idéalisé auquel on peut aisément adhérer par conviction.
. le technocrate dont la manière d'être emprunte préférentiellement à la raison, auquel
on reconnaît le professionnalisme.
.le charmeur qui tout à la fois dans ses propos et sa manière d'être révèle complémen-
tairement sa force et montre aussi sa fragilité et ses doutes.
Il existe sans doute beaucoup d'autres figures. Je vous invite à regarder les figures emblé-
matiques à la tête des diverses associations ici présentes et à observer leur registre de
séduction pour le cas échéant éprouver ou compléter ce début de typologie.
Ne fait pas école qui veut. On ne fait pas école sans le charisme certain, le pouvoir de
séduction avéré de celui qui en est à la tête. Mais cela ne suffit pas. Une méthode est
aussi nécessaire.
Une méthode est la recherche d'une impossible cohérence entre trois instances. Le bien
(aucune méthode ne se réclame de valeurs), le vrai (on cherche à s'appuyer sur des théo-
ries indiscutables afin de ne pas en rester à des propositions peu avérées) et l'efficace
(chaque méthode s'en réclame avec vigueur). Chacune de ces instances ne se compre-
nant que par la présence des deux autres.
Ainsi faire école conduit à rechercher une méthode qui puisse permettre à l'apprenant :
. de se vivre acteur et non pas sujet de ses apprentissages.
. de découvrir que le présent n'existe que par le passé, introduisant la dimension de l'his-
toricité.
. de se vivre solidaire de ses pairs dans ses apprentissages. D'une solidarité fondée sur
une éthique de l'altérité.
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et Enjeux
des, excommunicateurs. Le danger de la méthode est le dogmatisme qui la guette.
Contexte, Histoire
Aussi toute méthode n'est-elle qu'une chimère vers laquelle cependant tendre. Parce que
l'homme est homme et que c'est dans l'écart même infime entre le dire et le faire que sur-
git le sentiment de la conscience de soi. Si l'homme parvenait en permanence à faire ce
qu'il ambitionne, l'homme serait Dieu. Et à être Dieu, on risque la paranoïa de la toute puis-
sance, la fin de la conscience de sa fragilité d'homme, donc la fin de Dieu.
Plagiant Lévi Stauss nous pourrions dire : "Pourquoi une méthode ? Pour viser un peu de
connaissance et un peu d'efficacité ; c'est-à-dire une certaine forme de sagesse qui per-
met de moins mal agir parce que l'on comprend un peu mieux".
Entre la raison et la passion en permanence l'éducateur hésite. Alors pourquoi construit-il
des méthodes ? Peut-être simplement pour introduire un peu de raison dans ses passions.
On observe au quotidien cette difficulté à arrêter une méthode tant la formation et les for-
mateurs balancent fréquemment entre deux manières d'être :
. D'un côté, en se référant à un état d'esprit que d'aucuns nommeraient soixante huitard,
ils s'imaginent que l'improvisation liée à leur génie naturel, à leur talent, à leur charisme en
fait des maîtres auxquels s'identifieront leurs élèves. Ce qui est important pour ces forma-
teurs, c'est leur manière d'être.
. D'un autre côté, en se référant à un état d'esprit que d'aucuns considéreraient comme
obtus, qui est celui de l'institution mère qui, par essence, représente la norme (dans votre
cas cette institution mère a à voir avec le Conservatoire), ils s'imaginent que la rigueur
dans leurs progressions d'enseignement, que l'ordre dans lequel ils dévoilent les œuvres
et les difficultés qu'elles recèlent permettront de formater leurs élèves. Ce qui est impor-
tant pour ces formateurs, c'est l'exposé du savoir.
C'est dans ce balancement entre un charisme personnel lié à une esthétique individuelle
et le souci de l'exposé du savoir lié à des données à caractère plus universel afférentes
aux manières d'apprendre (ce que d'aucuns nomment la didactique et la pédagogie) que
se construit un maître.
Ce construit l'idée de l'école, de créer une méthode.
2. FAIRE L'ECOLE
Si faire école, c'est chercher à se donner une identité qui conduit à se distinguer d'autres
écoles (au sens de Pierre Bourdieu), faire l'école c'est chercher à agréger autour de soi
des collègues, des pairs, des proches dans le but de travailler en commun, d'aller dans la
même direction.
Pour faire école il faut avoir le regard tourné vers l'extérieur et se démarquer d'autres éco-
les. Pour faire l'école il faut diriger son regard vers l'intérieur et chercher à entraîner.
Faire l'école, c'est progressivement construire une culture d'établissement. Avec toutes les
caractéristiques de cette culture : des rites, des codes, la mémoire d'une histoire, des atti-
tudes partagées.Mais on peut faire l'école sans toujours faire école. Cependant dans les
deux cas un chef est nécessaire, fréquemment ce chef est la figure emblématique d'un
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homme ou d'une femme pour faire école. Ce peut être la même chose pour faire l'école.
Contexte, Histoire
Mais il arrive aussi fréquemment que ce soit un groupe constitué qui fasse l'école.
Si je m'arrêtais sur le terme de projet, ce serait aussi pour en dire les limites et l'intérêt.
Les limites tant il engage à penser le présent davantage en fonction du futur qu'en fonc-
tion du passé. Tant il est nécessaire de penser en termes de projets à tous les niveaux
d'une institution.
Faire classe est un terme ambigu car on ne fait pas classe comme on fait du pain. En fai-
sant classe, on est dans l'ordre de la praxis et non pas de la poïesis, pour reprendre
Aristote. En faisant classe, on se trouve transformé par cet acte de production, alors que
ce n'est sans doute pas le cas pour le boulanger. "Faire, et en ce faisant, se faire", tel pour-
rait être la réalité à laquelle est confronté un enseignant. Il pense enseigner à ses élèves,
en fait il apprend autant d'eux qu'eux apprennent de lui.
C'est la raison pour laquelle l'enseignant : d'une part a en permanence les yeux dans les
étoiles et les pieds dans la glaise. En conséquence vit sa médiocrité à ne pas parvenir à
faire ce qu'il ambitionnait de réaliser.
Pour faire classe, car en définitive, c'est bien ce qui se produit, l'enseignant adopte là
encore différentes attitudes possibles qui conduisent à distinguer :
. L'artisan, attentif à reproduire avec rigueur l'expertise qu'il a construite
. L'artiste, qui considère que l'improvisation, et son caractère imprévu, doit le conduire.
. L'ingénieur, vigilant à prendre en compte une multiplicité de variables contextuelles
pour envisager son action.
. Le praticien réflexif, vigilant sur son faire et son regarder faire.
Là où la question se corse, c'est que vous ne vous sentez pas seulement comme des
enseignants, mais aussi comme des formateurs.
Puisqu'il faut se quitter :
Permettez moi de vous suggérer qu'enseigner cessera d'être un art quand apprendre ne
sera plus un mystère. Sans doute devrons-nous attendre encore quelque temps.
En attendant ? Exigeons le meilleur et satisfaisons-nous du pire.
"Votre précieuse singularité, c'est de vous être appuyés sur le principe d'accompa-
gnement. En ce sens, vous incarnez la promesse d'une école citoyenne"
La question posée par le colloque de Toulouse est celle de l'enseignement des musiques
actuelles. On pourrait, en introduisant ces journées, jouer sur les mots et souligner préam-
bule que l'expérience accumulée depuis plus d'un trentaine d'années en France par les
musiques actuelles est riche de nombreux enseignements. Elles sont d'abord un témoin
sensible de l'évolution des goûts de nos contemporains. La palette des esthétiques qu'el-
les incarnent, le développement de la professionnalisation du secteur, l'élargissement des
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et Enjeux
publics et des pratiquants sont autant de signes que les musiques actuelles constituent
Contexte, Histoire
unmonde de l'art diversifié et qu'elles suscitent un engouement qui relève d'un phénomène
sociologique profond, désormais installé dans la durée. Elles donnent aussi à voir toutes
sortes de cheminements d'amateurs et de professionnels, de liens entre les uns et les
autres. Elles proposent une inscription originale dans l'économie privée en même temps
qu'elles s'ancrent largement dans les politiques publiques. Cet état des choses résulte du
travail mené inlassablement par les acteurs du champ. Avec le temps, un jeu de relations
original s'est construit entre le secteur et son environnement culturel, social, économique,
territorial. De ce point de vue, et alors qu'un regard trop lointain pourrait encore les esti-
mer aux franges de la cité, les musiques actuelles œuvrent en réalité en son cœur même.
Cette situation correspond d'ailleurs à un choix quasi éthique.
Bref, les musiques actuelles offrent une leçon de choses pour mieux comprendre ce que
peut apporter une démarche de démocratie culturelle. Elles participent incontestablement
à l'évolution des cadres de référence des institutions publiques, de l'Etat aux collectivités
territoriales, pas autant que ses acteurs le souhaitent sans doute, mais plus qu'ils ne l'ima-
ginent me semble-t-il.
Le travail de fond accompli toutes ces années porte ses fruits. Dans le domaine de l'en-
seignement, il s'étend déjà sur trois décennies puisque les premières écoles associatives
sont apparues dans ce domaine musical au milieu des années 70.
Cependant, le monde des musiques actuelles est encore insuffisamment reconnu comme
interlocuteur des collectivités publiques, au point qu'il le vit comme une blessure, un
mépris et réclame parfois plus que de la reconnaissance : du respect. Il est vrai que bien
des villes ne disposent pas encore d'espaces dédiés à ces musiques, de lieux de pratique
et que, parfois encore, elles tendent à les traiter comme "un problème social", un "fauteur
de nuisances", sonores notamment. Néanmoins, je crois que cette représentation recule
fortement, même si ça et là, on rencontre encore des attitudes rétrogrades. Il serait d'ail-
leurs injuste de s'en tenir à un discours de défense qui ne tiendrait pas compte du chemin
parcouru, notamment depuis 1998. Reconnaissons que l'Etat n'a pas été en reste pour
accompagner le monde des musiques actuelles, tout comme les collectivités territoriales.
Et si le paysage demeure inégalement " aménagé ", il a quand même été profondément
transformé : si l'on pouvait se référer à une cartographie des scènes et des lieux, nous ver-
rions qu'entre la fin des années 90 et aujourd'hui, les territoires des musiques actuelles se
sont multipliés.
Pourquoi en est-on là ? C'est que les musiques actuelles intéressent de plus en plus les
collectivités territoriales, les villes en premier lieu. C'est moins de mépris que certains élus
manifestent vis-à-vis des musiques actuelles que de méconnaissance. Bien des élus sont
tout à fait convaincus de leur intérêt pour élargir, re-dynamiser les politiques culturelles
locales dans une approche plus territoriale, plus démocratique, mais ils se heurtent à la
fois à des freins budgétaires et à la difficulté de redéployer des politiques culturelles qui
ont été fondées sur un développement institutionnel.
Alors de quel côté regarder ? Peut-être de celui des intercommunalités ? Les établisse-
ments publics de coopération intercommunale doivent faire le choix de prendre ou de
développer une compétence culturelle clairement identifiée pour intervenir dans ce sec-
teur. . Cela les distingue des collectivités territoriales que sont les communes, les dépar-
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et Enjeux
tements et les régions, qui disposent, elles, d'un principe de libre administration les auto-
Contexte, Histoire
risant à agir comme elles le souhaitent en faveur de la culture. En outre, le choix des inter-
communalités pour la culture est à géométrie fortement variable. Il peut aller de la simple
gestion d'un équipement jusqu'à une politique globale. Quand on observe la manière dont
l'intercommunalité évolue depuis la mise à place de la loi Chevènement, on constate d'un
côté une place de plus en plus notable de la culture quoique difficile à chiffrer, de l'autre
une faible représentation du spectacle vivant dans les compétences culturelles dont se
sont dotées les EPCI. Il y a des exceptions qui, comme Annecy ou la Rochelle, pour citer
deux exemples parmi d'autres, font la part belle aux musiques actuelles en particulier.
Cependant, dans l'ensemble, on est encore loin d'une politique affirmée en ce domaine.
Regardons aussi du côté des régions : elles affichent aujourd'hui une volonté d'aller au-
delà dans l'accompagnement artistique et culturel territorial mais avec des incertitudes
liées au contexte national des politiques culturelles, à leur capacité budgétaire et à ce qu'il
convient de faire à partir de leur échelon. C'est la raison pour laquelle aujourd'hui nombre
d'entre elles sont en recherche pour redéfinir leurs politiques et associent fréquemment les
acteurs à leur réflexion.
Les régions et les départements ont, dans le cadre de la nouvelle loi sur la décentralisa-
tion, des responsabilités particulières en matière d'enseignement artistique : la loi sur les
libertés et responsabilités locales d'août 2004 réorganise en effet les rôles des communes,
des intercommunalités, des régions et des départements. Les départements sont désor-
mais chargés de schémas départementaux d'enseignement artistique, les régions de la
mise en place de plans d'enseignement dit "pré-professionnel". Lorsqu'on considère les
objectifs assignés en particulier aux schémas départementaux, on s'aperçoit que la
demande politique vis-à-vis des enseignements artistiques met en avant des valeurs pro-
ches de celles sur lesquelles les musiques actuelles ont fondé tout leur savoir faire depuis
des années : appel à une diversification des répertoires et des formes musicales ensei-
gnées, développement des pratiques amateurs, ouverture à de nouvelles formes pédago-
giques, à de nouveaux publics… Dans ce contexte, les musiques actuelles ont une carte
à jouer pour participer à la réorganisation des enseignements artistiques et des politiques
d'éducation artistique qui leur sont associées.
Cela dit, les professionnels du champ ont bien compris l'intérêt de travailler en étroite rela-
tion avec les collectivités territoriales tout en constatant leur difficulté à organiser une poli-
tique favorable au secteur. C'est cette analyse qui a conduit une bonne partie des organi-
sations et des réseaux de musiques actuelles à s'inscrire dans la concertation nationale
en cours soutenue par le ministère de la Culture. L'objet de cette concertation est de mieux
situer la place des musiques actuelles dans les politiques territoriales. Dans cette perspec-
tive, s'élabore actuellement, non sans difficulté parce qu'il faut mettre d'accord beaucoup
de monde, un texte de "Propositions pour des schémas territoriaux de développement des
musiques actuelles"1. Cette démarche a non seulement le mérité d'inciter les acteurs à
mieux définir leur champ, à travailler ensemble et à se projeter dans une culture commune
des politiques culturelles, mais aussi à préparer des discussions, des négociations avec
les collectivités territoriales s'appuyant sur un cadre d'analyse clarifié. Il s'agit donc d'un
outil stratégique et de sensibilisation qui mérite l'attention de tous.
Cependant, pour progresser dans l'élaboration de politiques des musiques actuelles inté-
grant la dimension essentielle de leur enseignement, il faudrait aussi se libérer de quel-
ques idées reçues ou de stéréotypes plus ou moins tenaces, comme nous l'avons déjà
effleuré. Tantôt, les musiques actuelles traînent, ici ou là, une odeur de dangerosité
sociale, tantôt on continue de les assimiler à une fonction purement sociale au lieu de voir
en quoi elles sont porteuses d'un projet global, un projet qui associe l'artistique, le cultu-
rel, le citoyen et le social et que, par là même, elles contribuent à ré-insuffler un sens très
nécessaire aujourd'hui aux politiques culturelles.
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et Enjeux
De même, on entretient dans le champ des musiques actuelles elles-mêmes, des repré-
Contexte, Histoire
sentations de l'enseignement institutionnel, qui ne tient pas compte des mouvements qui
les traversent, des mouvements d'innovation ou de rénovation qui font bouger aussi cet
univers là. Je remarque d'ailleurs que les directeurs d'établissements sont de plus en plus
nombreux à faire évoluer leur projet d'établissement, non sans peine d'ailleurs, car ils se
heurtent souvent au corps enseignant qui a été "formé" à une autre école, sous d'autres
hospices pédagogiques. Je dirais aussi que bien souvent, lorsque ces chefs d'établisse-
ment font évoluer leur projet d'établissement, ils le font avec l'appui de leurs élus, et même
avec la bénédiction de l'Etat.
Alors, certes, les musiques actuelles ont secoué, perturbé l'institution, l'obligeant à se
remettre en question. Mais on peut escompter aussi que ces musiques apprennent quel-
que chose de leur confrontation directe ou indirecte avec les modèles classiques d'ensei-
gnement. Ainsi, pour faire avancer la réflexion sur ce sujet de manière décisive, il faudrait
mieux valider l'idée qu'il y a plusieurs voies possibles d'apprentissage de la musique. Il
faudrait aussi étudier et renforcer de manière plus conséquente les complémentarités, les
convergences, les coopérations, les interactions entre les musiques actuelles et l'ensei-
gnement musical institutionnel. Bien entendu, un tel travail a déjà été mis en place dans
un certain nombre d'écoles par des formateurs. La question qui se pose aujourd'hui, c'est
de capitaliser, diffuser, amplifier ce mouvement pédagogique 2.
Quelques mots, justement, sur la place de ces musiques aujourd'hui dans les établisse-
ments d'enseignement artistique : une étude avait été publiée en 2001, par l'Observatoire
du spectacle vivant qui nous indiquait quelques données intéressantes concernant la
"nébuleuse" que représente les musiques actuelles, décomposée dans ce document en
trois familles :
. Le jazz et les musiques improvisées,
. Les musiques traditionnelles,
. Les musiques actuelles amplifiées et la chanson 3.
Globalement la place des musiques actuelles dans le réseau des établissements d'ensei-
gnement spécialisé, c'est-à-dire les conservatoires, les écoles nationales de musique, les
écoles de musiques municipales agréées, demeure une place modeste, inégalement
répartie par rapport aux grandes familles musicales citées ci-dessus, selon les niveaux
d'établissements, selon les territoires, selon l'histoire musicale de ces territoires. Elles
occupent aussi une place plus ou moins marginale, selon les établissements dans les-
quels elles sont représentées, mais nous pouvons dire qu'un chemin est déjà ouvert.
Ainsi, le jazz et les musiques improvisées restent les mieux loties des musiques actuelles
dans le système institutionnel : le jazz rassemble environ 3 % des inscrits dans les trois
réseaux d'établissements. Cela représenterait globalement 8000 élèves en 2001, qui ont
été accompagnés dans cet univers musical. Je remarque, en ayant lu la prose de la
FNEIJMA, que c'est exactement le nombre d'élèves que les organisateurs affiliés à la
fédération encadrent chaque année, en ce moment !….
Le tiers de ces 3 % prépare un diplôme de jazz et ce sont souvent les CNR qui assurent
plus nettement cette mission que les autres écoles. Le jazz est enseigné environ dans 2/3
de ces établissements. On constate que ces chiffres, mis bout à bout, dessinent vraiment
une réalité paradoxale de la place de cette catégorie de musiques.
Les musiques traditionnelles sont, quant à elles, enseignées dans un petit quart des éta-
blissements, moins que le jazz, mais à peu près autant que les musiques actuelles ampli-
fiées et la chanson, qui bénéficiaient en 2001 d'un accompagnement de 158 enseignants.
Cela reste modeste, d'autant que le statut des enseignants dans ces écoles demeure
extrêmement fragile et les rémunérations plutôt minces.
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et Enjeux
Contexte, Histoire
On touche là au problème du statut des enseignants qui émargent au régime d'intermit-
tents et au régime général. Et s'il est vrai que les collectivités territoriales n'ont pas à pren-
dre en charge le régime d'assurance chômage des intermittents, en revanche leur respon-
sabilité légale et morale quant à l'emploi culturel (un emploi auquel elles ont recours bien
souvent directement) doit les conduire à établir un cadre d'emploi mieux défini - non pas
dans la fonction publique, ce qui serait réducteur - dans toutes les structures qui partici-
pent professionnellement à l'enseignement de la musique. La question déborde donc le
cadre des établissements spécialisés.
Ce qui me semble important de réitérer, et cela a été dit en ouverture, c'est la capacité du
secteur des musiques actuelles à savoir relier, mieux que d'autres, la problématique de la
formation, de l'enseignement, de la création et de la diffusion. Ce savoir faire est extrême-
ment précieux. Autre originalité du domaine, c'est de ne pas être fondé uniquement sur le
principe de la transmission de savoir et de savoir -faire, mais aussi sur le principe de l'ac-
compagnement, du compagnonnage, de la socialisation des pratiquants. En ce sens, on
pourrait dire que les musiques actuelles incarnent la promesse d'une école citoyenne.
Pour terminer, je reviens sur un mot que je viens d'employer, qui exprime bien l'une des
valeurs que revendiquent bon nombre d'acteurs évoluant dans les musiques actuelles,
celui de compagnonnage. Comment définir aujourd'hui le compagnonnage ? Peut-être
comme un principe de transmission de savoir et de savoir-faire entre individus représen-
tant ou non des générations différentes, qui développe l'apprentissage d'un art en asso-
ciant expérience pragmatique et connaissances théoriques, qui repose sur une relation de
respect mutuel du maître et de l'élève, qui garantit l'autonomie de l'élève, le reconnaît plei-
nement comme sujet de son cheminement. Autonomie, solidarité, respect, relation de réci-
procité sont des notions présentes dans celle de compagnonnage. Elles dessinent une
philosophie d'enseignement et de vie avec laquelle les musiques actuelles paraissent bien
s'accorder.
et Enjeux
chaleureux, convivial et musical.
Contexte, Histoire
Ma préoccupation porte donc sur un passage à l'acte rapide nourri d'une telle profusion de
propositions. En effet, un peu à l'image de l'apprenti-improvisateur qui a de nos jours à dis-
position tellement de pistes et outils de travail avant même qu'il ne commence à "jouer la
chanson", je crois que l'indigestion informative plus que gastronomique en cette ville de
Toulouse, nous guette. Elle pourrait donc retarder, voire excuser la mise en oeuvre de dis-
positifs fondamentaux et urgents, même si le temps de la structuration pédagogique reste
celui de cycles longs.
Je vais donc aborder ce colloque avec deux méthodes qui me semblent efficaces en cas
de phénomène complexe :
Une première, naturelle chez tout musicien, consiste à privilégier l'intuition qui seule, au
final, permet d'agir en résonance intime avec ses convictions, son corps, ses sentiments,
son vécu, ….
Une deuxième, plus structurante, consistera à aborder la complexité de ce phénomène
en l'analysant avec quelques critères choisis qui feront l'objet d'une gestion statistique pru-
dente et pragmatique. Nous allons donc faire de la météorologie.
On est loin d'une approche déterministe binaire ou par trop dogmatique : les musiques
actuelles ne sont pas prévisibles comme le mouvement des étoiles.
CRITERES
J'ai choisi parmi une longue liste, 5 critères, afin de privilégier la lisibilité de cette typolo-
gie structurante. Cela tient dans les doigts d'une main, mon autre main étant occupée le
plus souvent par les 5 dimensions musicales : temps, hauteur, son, dynamique, densité :
en abrégé, cela donne THSDD ; ainsi présentées, mes élèves s'en rappellent.
Voici Les 5 critères/valeurs qui vont me permettre d'évaluer les propositions, concepts,
projets développés lors de ces deux jours :
1) Ouverture/Diversité/Rencontre
2) Autonomie
3) Transversalité/poly fonctionnalité/modularité
4) Durabilité, basée fortement sur l'équilibre du couple tradition/création.
5) Dimension économique ; je dirai même : rapport qualité/prix de nos actions en phase
avec la mission d'intérêt général qui nous est demandée.
Je vous propose d'interroger ces critères d'évaluation à travers trois notions majeures qui
seront, parmi d'autres, très présentes dans ce colloque : musiques actuelles, école,
artiste-enseignant.
MUSIQUES ACTUELLES
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et Enjeux
Contexte, Histoire
ECOLE
La musique classique s'est construite sur une certaine division du travail encore très pré-
sente en dépit d'évolutions réelles : compositeur, chef d'orchestre, solistes, musiciens d'or-
chestre, enseignants, ... : un taylorisme musical en quelque sorte et qui a fait ses preuves.
Autonomie : le musicien de MA est, on l'a dit, par essence transversal : interprète, com-
positeur, improvisateur, enseignant, producteur, …. Il décide en grande partie de ce qu'il
va jouer et ce faisant se définit par un sens de l'autonomie fort.
Ouverture du vécu, rencontres : cette multifonction procure des rencontres très diverses : res-
ponsable d'institution exigeant, élève attentif, manager loche, programmateur accueillant, jour-
naliste débordé, élu en quête de solution miracle, ….
Economie : cette multifonctionnalité est de toute évidence économique pour les
employeurs. Soyons vigilants à ce que l'artiste / enseignant s'y retrouve avec équité.
Voilà quelques pistes pour structurer notre réflexion.
Bon colloque et ne vous trompez pas de main : celle musicale et celle structurante !
Quoiqu'il en soit, il n'est pas impossible que l'inversion marche aussi….
1 - " Propositions pour des schémas territoriaux de développement des musiques actuelles ", texte provisoire issu
de la concertation nationale en cours (2005) soutenue par le ministère de la culture et de la Communication, avec
l'accompagnement méthodologique de l'Observatoire des politiques culturelles.
2 - On peut sur ce sujet se reporter aux très intéressants actes des rencontres de Lyon des 2 et 3 mars 2005, orga-
nisées par le CEFEDEM Rhône-Alpes : Enseigner la musique n°8, " Education permanente, action culturelle et
enseignement : les défis des musiques actuelles amplifiées ", Cahiers de recherche du CEFEDEM Rhône-Alpes et
du CNSMD de Lyon.
3- Les musiques actuelles dans les établissements d'enseignement spécialisé contrôlés par l'État, septembre 2001,
Observatoire des politiques du spectacle vivant, DMDTS, ministère de la Culture et de la Communication.
La concertation nationale en cours propose de rassembler les musiques actuelles en quatre familles : le jazz et les
musiques improvisées, les musiques traditionnelles et les musiques du monde, la chanson, les musiques actuelles
amplifiées (représentant elles-mêmes plusieurs familles musicales).
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ATELIER 1
"L'apprentissage musical, une idée qui a fait son chemin"
"L'idée que le talent se travaille, y compris dans les musiques actuelles, est
aujourd'hui une réalité qui a su triompher de nombreuses embûches. L'absence de
reconnaissance de leur enseignement (et donc de moyens) par l'institution n'a pas
été la moindre. Mais la passion a horreur du vide et les musiques actuelles, quel que
soit leur genre, ont su générer leurs propres formes d'enseignement. Elles ont ainsi pu,
dans la difficulté, développer des offres opportunes et adaptées aux pratiques des ama-
teurs, autant qu'à celles des musiciens professionnels ou en voie de professionnalisation.
Mais entre une demande parfois clairement exprimée ("avoir un lieu de répétition", "devenir star",
"jouer comme un tel" ou tout simplement "apprendre") et la réalité des besoins (de la cité, de la société,
du marché, de la musique, …) dont les contours sont difficiles à évaluer : comment appréhender ces
publics à la fois acteurs, consommateurs et producteurs de musiques actuelles ?"
Contributeurs
Kalliopi PAPADOPOULOS, Sociologue, enseigne à l'Université de Toulouse II
Cécile BONTHONNEAU, Directrice Régie 2C Grenoble
Anne-Christine MICHEU, Conseillère musique, DRAC Midi-Pyrénées
Philippe BERTHELOT, Directeur FEDUROK
La problématique posée dans l'intitulé de cet atelier rappeur local, prendra l'après-midi à l'école de musi-
propose à la fois une dimension synchronique et une que, un cours d'instrument, répètera en fin d'après-
dimension diachronique à la réflexion. Les contribu- midi au Brise-Glace avec son groupe et y restera
tions des intervenants et de la salle ont à chaque fois éventuellement pour le concert en soirée.
tenu à insister sur le fait que l'apprentissage, (on a Cette diversité signifie que non seulement personne
aussi employé les termes d'enseignement, d'accom- ne peut prétendre être propriétaire de ses élèves,
pagnement, de formation) dans le champ des musi- mais qu'il y a une attention de plus en plus grande
ques dites actuelles, a maintenant une histoire, son portée aux demandes et attentes différentes des
histoire. populations, exprimées ou non, et que les structures
D'autre part, les acteurs impliqués dans la transmis- ont évolué dans ce sens : que ce soit par les SMAC
sion, la pédagogie, la maïeutique (tous ces termes qui ne sont pas que des garages à concerts et à
furent également utilisés) sont aujourd'hui à un répétition (ils s'y développent des offres de formation
moment déterminant de leur histoire. et d'accompagnement) ou du côté de l'enseignement
Il y a un chemin parcouru qui a généré le paysage spécialisé et de l'Education Nationale qui manifestent
d'aujourd'hui et si chaque contributeur l'a éclairé à sa la volonté de mieux prendre en compte ces esthéti-
façon, il semble bien que chacun y voit un tournant, ques.
un carrefour, peut-être le célèbre "Crossroads" de Il constate que, néanmoins, les musiciens ne sont
Robert Jonhson qui est l'une des plus belles méta- pas tous en demande, les offres ne sont pas toutes
phore sur l'apprentissage musical, puisque le célè- adaptées et sont parfois (trop souvent) instrumentali-
bre bluesman, tel un Faust des temps actuels, y sées sur les conduites à risques ou la prévention,
donna son âme au diable en échange, non de l'éter- plutôt qu'animées par des valeurs éducatives et
nelle jeunesse, mais de la connaissance et du génie citoyennes.
musical. Ce carrefour de la diversité est aussi celui où se
concentrent un certain nombre de pressions très
Pour Bertrand Furic, directeur du Brise-Glace à variées :
Annecy, c'est un "carrefour de la diversité". Il introduit Pressions politiques (le souci de l'aménagement du
l'atelier par la description de la possible journée par- territoire, la prévention évoquée plus haut),
ticulière d'un adolescent de sa ville qui, le matin, sui- Pressions du marché (le syndrome "Star Ac", le fait
vra un cours de musique dans son collège, face à un que le secteur de la formation soit aussi un marché),
prof ouvert sur les musiques actuelles ; participera, Pressions des parents et des enfants et de leurs fan-
après la cantine, à un atelier d'écriture animé par un tasmes…
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Kalliopi Papadopoulos, sociologue, enseignante à vatoire arrange les partenaires mais n'empêche pas
l'Université de Toulouse II, se positionne au croise- la séparation de fait entre, d'un côté, un enseigne-
ment de sa démarche sociologique et de sa situation ment sous-payé et plus cher pour les publics et, de
à l'extérieur d'un secteur professionnel auquel elle l'autre, un enseignement subventionné moins cher
n'appartient pas. Elle revendique à ce titre une posi- pour les publics.
tion critique renforcée par le fait qu'elle considère les
pratiques musicales comme un phénomène social Bertrand Furic souligne que l'offre de service public
dépendant du cadre socio-historique dans lequel est loin d'être généralisée et que les complémentari-
elles se développent. tés à expérimenter ne font pas l'objet d'un soutien
public. Les expérimentations se font à la marge, uni-
S'appuyant sur l'histoire pour expliquer le positionne- quement portées par la volonté de certaines structu-
ment des acteurs sociaux face à la musique, elle res.
affirme qu'actuellement, ce ne sont plus les politi-
ques publiques, mais les règles du marché qui domi- Cécile Bonthonneau affirme également que les
nent ce champ ; et considère que la culture populaire acteurs des musiques actuelles eux-mêmes (lieux
se confond aujourd'hui avec la culture de masse, de ressources, lieux de diffusion et surtout artistes) n'ont
divertissement où tout est à la fois digne d'intérêt et pas été porteurs d'une volonté de l'accès d'un public
dénué de signification, le but étant de créer un public large à l'apprentissage musical et ont abandonné au
captif et de l'attacher à un produit (cf. : les déclara- marché les champs de la reconnaissance donc de
tions de Patrick Le Lay, PDG de TF1 sur la fonction l'évaluation. De fait, le secteur des musiques actuel-
des productions télévisuelles). Pour elle, ces musi- les s'est construit au regard du paysage de l'industrie
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où la majorité arrête et ne reste même pas musicien devient une construction collective. Les difficultés
amateur. rencontrées par le secteur sont dues à la multiplicité
des points de départ des personnes qui ont jusqu'à
3) la nécessité de capitaliser les expériences présent porté cette idée de la formation dans les
pédagogiques et ne pas toujours devoir réinventer la musiques actuelles. À la différence des autres arts
roue, en s'appuyant sur les réflexions qui ont déjà eu qui ont plutôt répondu à des demandes de l'institu-
lieu dans l'enseignement spécialisé et dont il faut tion, ces musiques interpellent la question de l'éman-
profiter. Il reste une vraie tension entre les musiques cipation et c'est la maturation du secteur qui fait
actuelles et ces établissements dont la réponse qu'on s'interroge aujourd'hui collectivement sur ce
consiste souvent en un empilage de départements : sujet.
musique baroque, musiques actuelles, etc. Il ne
s'agit donc pas de reproduire ce que propose l'ensei- Il souligne diverses problématiques liées à cette
gnement spécialisé mais de toujours réinterroger les question :
multiples possibles sinon l'on reproduit la même fer- Celle des pratiques artistiques dont on a un déficit de
meture. compréhension et de connaissances,
Celle de l'absorption de la demande, de la définition
4) les projets avec l'enseignement général sont un du rôle de chacun et de la complémentarité obliga-
enjeu fondamental car on ne possède pas suffisam- toire des structures sur un territoire donné afin que
ment d'élément pour savoir si les gens qui fréquen- chaque offre puisse constituer un élément de par-
tent les lieux de musiques actuelles et les écoles cours artistique pour les populations de ce territoire,
associatives sont si différents de ceux qui ont été ins- Celle de l'économie de précarité des structures de
ATELIER 1
crits par leurs parents au conservatoire. Pour les musiques actuelles qui pousse à aller dans des
gens du quartier de Grenoble où est implantée la directions qui ne sont pas toujours vraiment choisies
Régie 2C, ce lieu possède le même statut que le et à s'extraire des pratiques artistiques pour entrer
musée ou le conservatoire et ils ne font pas la dans des débats éloignés des cœurs de métier de
démarche d'y aller. ces structures,
Celle de la pression qui demande de "sortir" des
Marc Slyper, du SNAM, insiste sur l'importance de artistes qui seront reconnus par le marché alors
l'école dans notre pays. Avant toute idée de forma- qu'on peut réfléchir sur des cadres pour la pratique
tion, professionnelle ou pas, il faut redonner la pos- sans pour autant viser la professionnalisation,
sibilité de maîtriser le langage musical qui est le pre- Celle de la pression du champ public avec sa vision
mier langage international sur lequel puisse s'ap- de l'art et de l'artiste.
puyer le besoin de s'exprimer.
A propos de ces derniers constats, il invite à ne pas
Alex Duthil, directeur du Studio des Variétés, insiste tomber dans la caricature. On peut composer avec
sur la formation artistique et affirme qu'avant le cul- l'industrie, qui reste un point de référence, sans tout
turel, le social, l'économique, l'artistique préexiste et en accepter. Un travail collectif peut créer une alter-
relativise le reste. On voit de jeunes créateurs qui native qu'il nomme "l'économie non lucrative de mar-
prennent possession de la scène parce qu'ils sentent ché" et caractérise par la volonté de défendre l'inté-
que c'est à leur portée et qu'ils ont quelque chose à rêt général avec l'énergie de l'initiative privée.
dire, notre rôle est de les y aider, l'enseignement est
une maïeutique : aider ces jeunes à s'accoucher A propos de ce grand écart apparent entre le service
d'eux-mêmes. public et le marché, Cécile Bonthonneau rappelle
que la politique de l'Etat en direction des musiques
Frédéric Voyer, de l'ADDM des Hautes Alpes, rap- actuelles, a commencé par la mise en place d'outils
pelle que des schémas départementaux d'enseigne- et de dispositifs fortement identifiés à l'industrie, à la
ment musical sont en construction et que les musi- variété, alors que si l'on ne veut pas abandonner
ques actuelles doivent intégrer ces schémas. l'évaluation au marché, il faut faire autrement.
Philippe Berthelot, directeur de la FEDUROK, intro- Marc Slyper renforce cette idée en affirmant que le
duit son intervention par l'affirmation que l'apprentis- secteur des musiques actuelles n'est ni la variété ni
sage a toujours existé sous des formes diverses et le "Top 50", mais un vivier d'artistes, de musiciens qui
que l'autodidactie n'existe pas : on apprend toujours montent des groupes, qui jouent au niveau local.
de quelqu'un. Mais chacun s'est construit de là où il Ceux qui entrent dans l'industrie de la variété consti-
partait, avec sa vision personnelle du monde. Ce qui tuent un autre monde. Parfois certains artistes issus
change aujourd'hui, c'est que l'idée de l'apprentis- du vivier y entrent, il arrive souvent qu'ils en revien-
sage commence à faire son chemin collectivement, nent et c'est à ce vivier qu'il faut proposer des offres
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de formation et d'accompagnement.
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ATELIER 2
"Quelles pédagogies pour des musiques actuelles ?"
"Pratique collective, improvisation, création, transmission orale, travail de la matière
sonore, liens entre geste pédagogique et pratique scénique sont les principaux identi-
fiants de l'enseignement des musiques actuelles. Comment y organiser la pédagogie
en respectant tout ce contexte ? Quelles sont les spécificités de l'enseignement
liées aux différentes esthétiques recouvrées par le vocable "Musiques actuelles" ?
"
Animateur :Jacques PANISSET, Vice-Président de l'AFIJMA, Association des Festivals
Innovants en Jazz et Musiques Actuelles
Contributeurs :
Pascal LAMY, Directeur pédagogique du CEM, Centre d’Expression Musicale, Le Havre
Jean-François VROD, Musicien pédagogue
Mario GACHIS, Coordinateur du département Musiques actuelles à l'ENMD des Landes
Béatrice MADIOT, Sociologue
Pascal ANQUETIL, Directeur du Centre d'Information du jazz, IRMA
le dit Jacques Olivier Durand, dans son texte intro- que la transversalité tant espérée est demeurée du
ductif. C'est dans tous les sens du mot : un terrain de fait même lettre morte. Et que les musiciens, notam-
jeu. Le restera-t-il si on institutionnalise/scolarise son ment les plus jeunes, qui en auraient le plus d'appé-
enseignement ?; tit, ne peuvent compter sur leurs aînés, experts et
L'enseignement risque de standardiser les modes institutionnalisés, pour traverser ces différents uni-
de jeux ; vers musicaux qui en feraient des musiciens poly-
Enfin, comment garder la subjectivité du musicien glottes et ouverts au monde.
de jazz, son vécu, ses capacités d'improvisation, à Il note que cela est d'autant plus étrange et inquiétant
l'issue d'une formation où le seul but sera de trans- que c'est là une posture en complète rupture avec les
mettre à d'autres, sans avoir vécu soi-même "le discours fondateurs du ministère, dont Maurice
métier" ? Fleuret et Marc Bleuse ( anciens Directeurs de la
Musique et de la Danse), qui dans les années de
On retrouve là les préventions bien connues des "militance institutionnelle" prônaient résolument non
musiciens de jazz lorsqu'il s'est agi de l'enseigner. seulement la reconnaissance de toutes les esthéti-
Sans doute y a-t-il là des peurs, très ancrées, de ques, mais aussi, et surtout, la diversité voire l'hybri-
toute scolarisation, et un débat sur la notion même dation des parcours de formation dans l'institution,
d'école .Comment "faire école", selon la question des passerelles plus fréquentes et plus "désireuses"
posée par Michel Develay en séance introductive ? entre les styles, les techniques, les itinéraires,
L'image du "maître" de jazz (du maître - musicien) humains et donc musicaux.
nous amène loin sur le terrain du "maître - déchif-
freur/défricheur" : Pascal Anquetil évoque ainsi
ATELIER 2
Patrice Caratini qui a arrêté d'enseigner, …, "lorsqu'il "Comment penser l'articulation carrière de musi-
s'aperçut qu'il trouvait les réponses à toutes les cien / enseignement ?"
questions que lui posaient ses élèves !…".
Si l'important dans la culture c'est ce qu'on retient On sent bien une angoisse - le mot n'est pas trop fort
quand on a tout oublié, on peut alors se rappeler - de la disparition de "l'aventure musicienne", les car-
avec Pascal Anquetil le mot de François Jeanneau : rières de l'enseignement venant éponger les désirs
"la musique commence quand on a oublié qu'elle des candidats musiciens sous la contrainte de l'em-
n'est faite au départ que de quelques malheureuses ploi, de plus en plus intériorisée et anticipée par les
douze notes". plus jeunes : une angoisse, peut-être plus métaphy-
sique que réelle, de la disparition annoncée de l'ar-
Cette inquiétude du statut de l'artiste dans la société tiste, en tout cas dans la figure de l'aventure. Ce dont
d'aujourd'hui, plus particulièrement sur celui de la les "aînés" ont peur pour "les jeunes" ce sont les
survie du spectacle et d'un possible métier de la affres qui poussent ceux-ci à envisager leur parcours
scène, est aussi exprimée par Jean-François Vrod. de formation selon une pédagogie "bancaire", là où
Le paysage culturel français lui paraît très "cham- les aînés ont vécu et revendiqué le changement, la
boulé" depuis la crise dite de l'intermittence, mais non intégration militante et désirante, l'improbable.
aussi du fait d'une absence de conception de la poli- Histoire de génération ou malentendu sur la modifi-
tique artistique et culturelle. Il a peur que les jeunes cation des moyens d'être artiste, et sur les moyens
lâchent toute perspective de se lancer dans le métier toujours plus "médiatisés" de faire de la musique et
"d'artiste musicien" et se retournent, par instinct de d'être artiste ? Y a-t-il là, demanderai-je pour ma part,
conservation, pour tout simplement survivre, ou une fracture générationnelle entre les générations
encore pour trouver une place, vers les métiers de des trente glorieuses, en rupture de ban par choix, et
l'enseignement : y a-t-il encore de la place pour les celles nées avec la fragilisation statutaire et économi-
jeunes artistes ? Comment ceux-ci appréhendent-ils que des années 2000, génération qui tout en cher-
le statut de musicien ? "Qui sera sur le plateau plus chant à ne pas être exclue (ce qui ne veut pas tou-
tard ?" demande-t-il. jours dire "qui veut s'intégrer") est par ailleurs très
adroite à dévier les logiques techniques de l'industrie
Il s'interroge par ailleurs sur les effets produits par un - platines, synthé. - et les logiques "sociales" - inter-
début de reconnaissance institutionnelle des musi- mittence, voire RMI ou ex-emplois - jeunes - pour
ques traditionnelles : aujourd'hui, en ce domaine, il y faire "sa" culture ?
a des diplômés d'Etat, des CA (Certificats Il y a aussi la peur d'une société peureuse, qui préfè-
d'Aptitude), et une certaine visibilité de ces musiques rerait l'assurance d'une scolarisation des savoirs à
existent. Mais que ce soit en jazz, en musique l'aventure et à la jungle des désirs répétitifs, au jour
médiévale, ou en musique traditionnelle, on constate le jour : quand tout restait à inventer, le chemin
souvent - trop souvent - que les experts enfin recon- paraissait-il plus simple ?
nus et entrés dans les maisons labellisées ont récréé Il y a enfin un thème récurrent : celui de la déception
localement une petite institution, une petite famille,
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- du dépit ? - de voir se perdre dans les sables sta- part de pérennisation - de perpétuation dit-il - des
tutaires les projets "historiques", tels que les a pratiques antérieures. S'il y a bien un aspect généra-
incarné Maurice Fleuret : élargissement de la cul- tionnel dans la perception du renouvellement des
ture, reconnaissance de toutes "les" musiques, pratiques, il y a aussi le fait que celles-ci s'appuient
reconnaissance surtout de pratiques plus métisses, comme mémoire / histoire / ressource sur des prati-
plus créoles, plus diverses, plus ouvertes sur le que antérieures.
monde. Le monde s'amplifie. Ce n'est pas qu'un jeu Un participant se demande si cette question de
de mots de circonstance : le monde s'amplifie, tant l'adaptabilité est aussi importante, face à la réinven-
dans la sono que dans l'espace du village planétaire tion permanente, et s'il faut vraiment tout savoir avant
dont parlait Mac Luhan. Et on exprime dans cet ate- l'élève - l'apprenant, l'apprenti, le compagnon -, et s'il
lier la crainte, majeure semble-t-il, que ce monde qui ne suffirait pas, d'une part, de demeurer soi-même en
se dilate sans "maîtrise", se réduise dans le secteur cheminement, et d'autre part d'être à l'écoute atten-
de la pédagogie des musiques actuelles à l'expres- tive des gens avec qui on travaille ? Il dit "J'avais
sion institutionnelle "classique", au sens strict : ce qui dans ma mallette pas mal de réponses, mon expé-
se fait en classe, à l'école. Ce qui reconduirait ces rience globale me permettait de donner des pistes.
pratiques foisonnantes des métiers et des itinéraires Je ne dois pas être un expert du rap pour aider de
au "splendide isolement" dont on parle à propos des jeunes rappeurs à chanter, je dois les aider à chan-
conservatoires. ter". Pour lui, la pédagogie, c'est l'ouverture, la capa-
cité d'accueil à des demandes multiples, très variées,
et la capacité d'adaptation. Cette posture est sans
"Les particularités des musiques actuelles" doute en rupture avec la figure du maître qui sait,
ATELIER 2
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autre lorsque cela s'avère nécessaire. Il souhaite les du Havre des locaux de "répétition" pour ces
que l'école de musique - quelle qu'elle soit - soit publics.
orientée davantage par des projets artistiques fédé- "De la rue, dit Pascal Lamy, on est passé à l'intérieur
rateurs, prenant d'abord en compte la logique des des murs : un lieu s'est créé, au départ d'un lieu de
parcours, plutôt que par des projets de cours à don- répétition, donc un endroit de rencontre. Et la trans-
ner ou à prendre. versalité première qui y a jouée fut celle des rencon-
tres". "D'ailleurs, ajoute-t-il, au Havre, on parlerait
Nous tenons là peut-être un des enjeux d'une actua- moins au fond de musiques actuelles que de rock".
lisation des conceptions de la manière de "faire "Le CEM est un laboratoire permanent" dit-il. "Et pour
école". Et le - grand - chantier qui correspond à cette survivre et avancer dans ce qui pourrait paraître
question de l'organisation horaire, matérielle et des chaotique, il nous faut nous réunir - beaucoup - et
ressources humaines de toute école : faut-il alors la tenter d'écrire. Il faut formaliser un projet pédagogi-
fonder de manière plus nette autour des apprentis / que".
apprenants, en se risquant à inventer un nouveau
métier : celui de l'accompagnement ? Mais c'est Les spécificités du CEM, et pour lui des pédagogies
peut-être le vieux métier de prof, dans une de ses en musiques actuelles, ce sont :
déclinaisons - qu'on se rapporte ici à des pionniers
comme Célestin Freinet - avec une nouvelle science - les pratique collectives : comment les prendre en
des savoirs et un autre art de la transmission. compte dans l'école ? "Les cours d'instruments peu-
"Expert de la relation au savoir", comme le dit Michel vent être collectifs, même chez les classiques" rap-
Develay 2. pelle-t-il. Des ateliers d'élèves permettent de fédérer
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de la pratique, et donc de la pédagogie, qui a changé Les intervenants sont aussi bien des gens à CA
: on formait, dans les conservatoires, des instrumen- (Certificat d'Aptitude), DE (Diplôme d'Etat), DUMI
tistes pour alimenter les orchestres et les groupes (Diplôme Universitaire de Musicien Intervenant), et
divers, parce qu'il fallait des musiciens pour jouer la même certains élèves préparant le DEM (Diplôme
musique. Aujourd'hui, le disque et les divers médias d'Etudes Musicales) enseignent sous le tutorat des
ont changé la donne. Et les musiciens ont dû ajouter professeurs.
bien des compétences, de l'instrument au studio,
sachant produire, enregistrer, …. Il n'y a pas selon lui "Il s'agit, dit Mario, d'une démarche où on tente, les
de souci à se faire sur le plan des formes émergen- uns et les autres, de faire passer ce qu'on sait et ce
tes : les choses une fois émergées, se codifient peu qu'on sait faire".
à peu et constituent un matériau qui demeure "en Il termine en disant que "l'école de musique y est un
mémoire". centre de ressources. Et que son projet actif est de
La définition des musiques actuelles seraient-elles permettre l'égalité des chances".
rendues nécessaires d'abord par le fait de pouvoir
les enseigner ? Cette belle expérience semble extrême, en ce qu'elle
semble bien rare et qu'elle paraît rencontrer, voire
On le voit, la question qui se pose en filigrane - elle devancer, toutes les interrogations évoquées ci-des-
n'est pas nommée vraiment - tourne autour d'une sus.
idée au fond simple, mais très complexe dès que l'on Quel est, ou plutôt quels sont, les facteurs qui per-
échange : les musiques actuelles se définissent- mettent / ont permis une aussi heureuse expérience
elles de leur identité supposée être première, ou de dans l'école départementale des Landes qui sem-
ATELIER 2
la manière dont on envisage - et on pratique - leur blent si difficiles à reproduire ? Il faudrait rencontrer
transmission ? Ce n'est pas une singularité des Mario et ses collaborateurs, élèves, direction et élus
musiques actuelles, dit ainsi, on retrouve cette ; interroger les pratiques, au jour le jour ;questionner
même question dans nombre d'autres enseigne- l'habitat, l'histoire du pays, son côté gascon, l'isole-
ments. Mais la définition même des musiques actuel- ment et le particularisme anti-napoléonien, la person-
les est peut-être rendue nécessaire peut-être surtout nalité charismatique de Mario, le sens de la discipline
- ou uniquement - parce que nous nous posons la de ces apprentis - au sens de la capacité à être "dis-
question de leur enseignement… ciple" -, les lieux physiques où il travaille, le type de
population qu'il accueille (qui semble être d'origine
"L'exemple d'un enseignement "intégré" : les musi- socioprofessionnelle de même type que les autres
ques actuelles dans l'école de musique des Landes" élèves de l'école. A cet égard, une question est
Mario Gachis est "dans" l'institution : l'ENMD des posée par une participante sur les milieux d'origine,
Landes. Il rappelle qu'il s'agit d'une formation spéci- au fond peu évoqués dans nos débats hier, et sou-
fique aux musiques actuelles : vent brandie dans les débats généraux et généreux
mais peu creusée, faute de recherches réelles, ou de
Qui tient compte des demandes réelles et qui ne sensibilité à cette question.
retraduit pas dans le langage de l'institution classi- Bref… : qu'est-ce qui nous permettrait de faire que
que les demandes (ex : batterie = percussion, gui- nos rêves deviennent la réalité de Mario, dans ou en-
tare = guitare classique, etc.), dehors de l'institution, ou dans une autre manière de
Qui tient compte des répertoires de musiques dites "faire école" ?
populaires,
Qui a le souci de ne pas fonctionner de manière "La question de l'oralité"
étanche vis-à-vis des autres esthétiques, qui joue le
jeu des transversalités possibles dans l'établisse- Le thème de l'oralité est revenu régulièrement dans
ment, les propos de notre atelier.
Qui s'intègre à la vie du territoire, Les questions relatives à la particularité des musi-
Et à celle de l'école de musique, les élèves se ren- ques dites "improvisées" (opposées à la logique de
contrant et faisant ensemble des projets et des réali- l'écrit des conservatoires 3) ne peuvent manquer de
sations, revenir ici.
Qui dispose de moyens en termes de volumes Pour Mario Gachis, il s'agit d'utiliser les codes en
d'heures d'enseignement et en termes matériels fonction des besoins, sans plus, et sans préalables.
comparables aux esthétiques instrumentales "classi- Pascal Lamy estime qu'au Havre, ils ont avancé sur
ques", ce sujet, en inversant eux aussi la question : quelle
Qui allie diffusion, création et enseignement, place donner à la codification ? Il ne faut plus oppo-
Qui fonctionne sur un mode pluriel des modes d'en- ser les deux. Au CEM, on a adopté une méthodolo-
seignement : collectif, individuel, par projets, gie simple : faire écouter, jouer, parler, réaliser, et
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ensuite se poser la question de ce qui doit éventuel- tous ensemble : il y tant de désirs en nous que nous
lement être noté, et comment : grille d'accords, par- sommes assourdis à ceux des autres. Sommes-nous
tition, .... La codification naît là aussi des besoins et trop riches de "sons" du monde, et de désirs mêlés ?"
ne vient qu'en dernier lieu, comme aide-mémoire. La
matière sonore et la manière de s'en emparer sont "Les valeurs"
aussi une grammaire, moins codifiable, ou moins
codifiée. Il a insisté sur ce point, sans avoir eu le Faut-il alors conclure, comme le fait Thierry Duval, en
temps de le développer. pensant que ce qui compte, au fond, ce ne sera pas
François Henri Labey, directeur d'ENMD, revient d'opposer les écoles de musiques et les écoles asso-
aussi sur ce thème en rappelant le statut historique ciatives ou privées, mais celles qui sont figées et cel-
d'aide-mémoire de l'écrit. Et il donne une définition : les qui s'engagent, cahin-caha, dans le délicat méca-
si on ne peut reconstruire le modèle au départ de nisme de la souplesse ? Et que, au fond, ce qui irri-
l'écrit, c'est bien que l'écrit ne suffit pas. Et dès lors gue et détermine toute pédagogie, ce sont les finali-
sur ce plan, il n'y a pas de différences entre les "clas- tés, les valeurs, l'intention, le geste ?
siques" et les autres. "Quel citoyen - musicien veut-on former aujourd'hui
Le problème ne serait donc pas là. ?" demande-t-il.
Il pense que les nouveaux prescripteurs en matière
La revendication de l'oralité est-elle surtout liée à de formation ne peuvent plus être univoques, que
l'image de l'école "classique" qui fonctionne sur de tout dépend des conceptions du musicien et de la
l'écrit "préalable" ? Matérialise-t-elle ainsi, musicale- société, dans le même mouvement qui les relie
ment et pédagogiquement, le délicate question de nécessairement, et qu'il faut des pédagogies diffé-
ATELIER 2
l'école, de la scolarisation tant redoutée, la peur - rentes, selon les cas, attentives aux craquements de
peut-être légitime - de l'institution qui réduit nos ce monde comme aux vibrations qui le reconstituent
désirs et nos errances nécessaires et "merveilleu- ou tentent, déjà, de s'y essayer.
ses" à la chose écrite, mais si souvent par d'autres ?
Il conviendrait là encore d'analyser bien plus fine- Pour ma part, j'ai écrit il y déjà quelques temps que
ment les pratiques, d'écriture et d'oralité, tant du côté "la musique est une manière de faire le monde". Mais
de la production des musiques que du côté des quel monde?
actes de transmission. Et de la notion même d'école, J'aimerais qu'il soit multiple, qu'on ne me demande
qui reste déclinable et, peut-être à (ré) inventer. pas sans cesse d'être unique. Je voudrais continuer
On verrait sûrement rapidement, comme Jack à m'altérer : à devenir moi, jusqu'au bout, en m'im-
Goody 4, que "le grand partage, comme il le dit, entre prégnant très pratiquement - par la pratique - des
ces deux modes est un phantasme, les réalités pra- autres.
tiques - la réalité des pratiques - étant depuis bien Félicitons-nous d'abord d'être si différents.
longtemps infiniment plus hybride. Il y a là peut-être Chercher "un" modèle serait une vision très napoléo-
la tentation de faire des grandes ré - partitions - ce nienne, jacobine, et très archaïque : le monde est
terme étant à entendre dans son jeu de mots très multiple, moi aussi, nous sommes nombreux et donc
consonant avec notre propos -, de déterminer cette différents, mais nous sommes aussi chacun de nous
essence de notre objet musical qui semble nous faire multiples.
défaut, alors qu'à l'évidence ce sont nos pratique qui
les fondent. Peut-être excellons-nous, sans le savoir, Notre pari n'est pas de trouver un modèle, mais des
à "entendre" ces diverses et nécessaires définitions, modèles co-existants : c'est une chance. Ne la ratons
mais sommes-nous troublés par la cacophonie des pas. Pensons des manières de faire école : c'est la
mondes que nous construisons, si généreusement seule manière de faire école.
1 - Voir Howard S. Becker, 1988, Les Mondes de l'art, Paris, Flammarion. Voir aussi Outsiders : études de sociologie de la déviance,
H.S. Becker, Paris, Métailié, 1985.
2 - Voir l'intervention de Michel Develay aux rencontres sur les musiques actuelles amplifiées organisées en mars 2005 au Cefedem
Rhône-Alpes, in "Enseigner la musique" n°8, Cefedem RA, 2005.
3 - Voir in Enseigner la musique n° 3, Eddy Schepens : Peut-on enseigner les musiques actuelles ?, séminaire IRMA, Cefedem RA)
4 - Voir Jack Goody, 1979 pour l'éd. française, La raison graphique. La domestication de la pensée sauvage, Paris, Minuit, et 1994 (pour
l'éd. Française), Entre l'oralité et l'écriture, Paris, Presses Universitaires de France. Voir aussi, et peut-être surtout, Michel de Certeau,
1990, L'invention du quotidien, Tome 1, Arts de faire, Paris, Gallimard : L'écriture : une pratique mythique.
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ATELIER 3
"Le projet pédagogique et son organisation"
“La nécessité d'une coordination pédagogique assumée est centrale dans les
lieux d'enseignement. Afin d'éviter l'empilage de propositions (ateliers, cours, stages,
formation à la carte, …) au détriment du sens que revêt un véritable projet pédagogi-
que ; comment structurer cette coordination pédagogique ? Quelle interaction et lien
entre le projet artistique et culturel, de la structure de formation, et son projet pédagogi-
que ? Comment répondre collectivement aux questions d'organisation pédagogique posées par
les musiques actuelles ?"
Animateur : Thierry RIBOULET, Coordinateur pédagogique du premier CA Musiques
actuelles pour la DMDTS, ENMD d'Aix-en-Provence
Contributeurs
Stéphane ALAUX, Directeur et coordinateur pédagogique du CIAM, Centre d’Information
et d’Activités Musicales de Bordeaux
Gilles LAVAL, Musicien et enseignant au CEFEDEM de Rhône-Alpes et à l'ENM de
Villeurbanne
Guillaume De CHASSY, Musicien et enseignant, coordinateur Jazz au CNR de Tours et
animateur de Jazz à Tours
Thierry Riboulet ouvre l'atelier en proposant de Thierry Riboulet revient ensuite sur l'énoncé du
consacrer quelques minutes en ce début de séance thème et évoque les "interactions" entre les "projets"
aux définitions des mots qui reviennent le plus sou- multiples qui coexistent au sein d'un établissement
vent dans les débats autour du projet pédagogique. d'enseignement de la musique : le "projet de l'établis-
Il a recherché dans le "Petit Robert" quelques-unes sement", le "projet artistique", le "projet social" et le
des définitions de mots "clés", comme : "coordina- "projet pédagogique" qui structure le tout, l'ensem-
teur", "coordination"", "coordonner" ou encore "pro- ble.
jet". La définition du mot "coordination", par exemple, Il conclut en affirmant que le projet pédagogique ne
correspond à : "l'agencement des parties d'un tout saurait aboutir sans une "coordination" et, par consé-
selon un plan logique pour une fin déterminée". Celle quent, sans un "coordinateur". Ce qui requiert de la
du verbe "coordonner" fait référence à des actions part de ce dernier, les plus grandes qualités.
telles qu'"agencer, arranger, combiner, ordonner,
organiser, …". Et implique également l'idée de : "lier Gilles Laval, enseignant au CEFEDEM, introduit son
et de réunir" quelqu'un ou quelque chose. Le coordi- propos en précisant, qu'à Villeurbanne, le départe-
nateur serait alors celui qui aurait "la responsabilité ment où il enseigne, les différents genres musicaux
et la faculté d'harmoniser de manière logique les élé- coexistent : le jazz, le rock, la chanson, y compris la
ments du tout, en vue d'une fin déterminée". Celui musique baroque. Ce département existe depuis
qui assumerait la "lourde" responsabilité "d'agencer 1981, sans que pour autant l'école ait ressenti la
ou d'arranger" ; c'est-à-dire de mettre en forme. nécessité de lui attribuer la dénomination de "musi-
L'absence de coordination renvoyant alors au "chao ques actuelles".
et au gâchis".
La définition du mot "projet" renvoie à : "L'image La trajectoire de l'école comporte plusieurs étapes.
d'une situation, d'un état que l'on pense atteindre : Ce qui lui apparaît encore aujourd'hui comme primor-
un dessein, une idée, une intention, un plan, un pro- dial, c'est le rôle essentiel qu'a joué son fondateur. Il
gramme, des résolutions". Le projet, "c'est ce que le dépeint comme un véritable "chercheur" , "un
l'on se propose de faire à un moment donné". "Tout homme qui était en permanente recherche"et qui a
ce par quoi l'homme tend à modifier le monde ou lui- profondément marqué l'école, tant dans son fonction-
même, dans un sens donné". Cette définition renvoi nement, que dans la forme des enseignements qui
également à des actions telles que : "ébaucher, éla- s'y pratiquent, encore aujourd'hui. C'est le travail qui
borer, concevoir, un schéma, une esquisse, un cane- a été effectué à cette époque qui a donné à l'école la
vas, …". reconnaissance dont elle jouit encore aujourd'hui.
"Le projet" serait en quelque sorte "le brouillon de
l'avenir". Il note qu'avec l'arrivée du DEM, la question de la
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validation des formations s'est posée. Le DEM a élèves, et parmi eux, ceux qui se débrouillent le
maintenant été mis en place depuis quatre ans. Pour mieux, ne ressentent pas la nécessité de le passer.
autant des interrogations subsistent. Il avoue que lui- Après l'écoute de brefs enregistrements d'élèves
même n'était pas totalement convaincu de la néces- pour illustrer son propos, l'intervenant explique que
sité d'un diplôme. Des débats portant à la fois sur le ce type de projet est à mettre en relation avec la poli-
rôle des diplômes, leur fonction, leur "valeur", le sys- tique partenariale de l'école, avec des multiples col-
tème de validation, les perspectives de débouchés laborations avec l'orchestre symphonique ou des
ont alors vu le jour. musiciens classiques. Le travail avec les musiciens
Parmi les arguments qui s'échangeaient celui qui classiques est très important. Il permet la confronta-
sans doute a le plus pesé dans la décision, est le fait tion des élèves avec d'autres sensibilités et les
qu'un diplôme conforte l'école dans son aura. Il lui autres univers artistiques. Et peut être, tout autant
permet d'obtenir des moyens qui sans cela ne lui pour les professeurs, qui peuvent aussi s'"enfermer"
seraient pas accordés. En ce sens, le DEM renforce parfois dans leurs disciplines. Pour Gilles Laval, c'est
le statut des enseignants. Ainsi, dans le cas précis une autre manière d'aborder les différents aspects de
de Villeurbanne, des moyens nouveaux ont été obte- la musique par le concret, et de renforcer la "culture
nus par le biais de la création du diplôme. C'est musicale" des élèves, par des trajectoires de
grâce au DEM, par exemple, qu'il a été, enfin possi- confrontations.
ble, d'installer un studio d'enregistrement.
Aujourd'hui, ce studio est ouvert à tous et permet à Stéphane Alaux, directeur du CIAM de Bordeaux et,
tous les élèves d'effectuer un travail dans des condi- depuis un an, animateur de la commission pédagogi-
tions quasi professionnelles. que de la FNEIJMA, commence son intervention en
ATELIER 3
Néanmoins des interrogations persistent. Certes le expliquant qu'il a pris la direction du CIAM, après
DEM constitue une étape; il facilite l'émancipation avoir été enseignant dans cette école pendant six
des élèves et donne du sens à leur départ. Car on ans, ce qui lui donne la sensation d'être passé de
sait bien, que pour certains, la facilité serait de pro- l'autre côté du miroir. Il estime que sa capacité
longer leur dépendance à l'égard de l'école. Mais, il actuelle à assumer ses responsabilités de direction
n'apporte pas de contribution déterminante à la du projet pédagogique, repose, au moins en partie,
capacité des étudiants à monter leur propre projet sur l'expérience qu'il a acquise en tant qu'enseignant.
artistique. Il ne les prépare pas à faire face aux Même, si dans cette fonction, il se bornait forcément
aspects concrets d'un exercice de la profession. à assurer "son" cours, ce qui ne lui permettait pas
d'intégrer toutes les dimensions du projet pédagogi-
Gilles Laval estime que le DEM ne peut pas être que. Il avoue que c'est à posteriori, qu'il s'est inter-
considéré comme une fin en soi. Certes, il comporte rogé sur le projet pédagogique et les différents
des UV de culture musicale, de technique du son et angles selon lesquels il peut être perçu.
de pratique instrumentale bien que les épreuves qui Bien évidemment, la vision que l'on en a est diffé-
valident le diplôme ne comprennent pas d'examen rente selon que l'on se place en tant qu'enseignant
de solfège, ni de technique de l'instrument. Ce qui, ou en posture d'en assumer la responsabilité. En tant
de toute manière, ne serait pas forcément cohérent qu'enseignant, surtout si l'on ne dispose que d'un fai-
avec la pratique professionnelle que les élèves ren- ble volume horaire, on peut rester plus ou moins
contreront par la suite. Mais il rassure son auditoire coupé du projet pédagogique, ignorer ce que font les
en précisant que cela n'empêche pas qu'une grande autres professeurs dans leur classe. C'est tout le pro-
majorité de professeurs encouragent les élèves à blème de la transversalité.
suivre les cours de solfège. La transversalité implique de la part du coordinateur
- et ce n'est pas facile - un gros effort de communica-
Il explique ensuite que le DEM est délivré après une tion, une réelle volonté de coordination et une anima-
année, au cours de laquelle les élèves doivent parti- tion "intelligente" des équipes. Cela est d'autant
ciper à une "grande formation" et mener un projet moins facile à réaliser que tous les professeurs ne
personnel extérieur à l'école. Le jury évalue égale- sont pas dans la même posture. Certains pouvant se
ment cette capacité. Actuellement, seulement quatre satisfaire d'une implication relativement superficielle -
ou cinq élèves ont, en quatre ans, obtenu le DEM. tous n'ont pas forcément le choix de donner des
Pour lui, ce diplôme comporte certaines ambiguïtés : cours dans une école en fonction de son projet péda-
certains élèves (ou parents) pouvant le considérer gogique - tandis que pour d'autres, l'adhésion au pro-
comme un moyen d'accès à un emploi, notamment jet pédagogique est une condition de l'appartenance
dans une perspective d'enseignement. Or, le DEM à l'école. Ils s'estiment parties prenantes du position-
ne comprend pas d'UV de pédagogie. Ce diplôme se nement de l'école. En revanche, du côté du respon-
révèle donc assez inadapté dans cette voie. Il n'est sable du projet pédagogique, on n'imagine pas qu'il
pas, non plus, un diplôme professionnel. Aussi, les soit indifférent au positionnement de l'école. C'est
l'élément essentiel de son travail, son fondement. Et
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à son tour, il en devient le support. C'est en partie, revanche, il est conscient que ce travail doit être fina-
sur lui que va reposer le positionnement de l'"offre lisé par une certaine "efficacité". Ce qui correspond à
pédagogique" de son école. C'est sur ses concep- la demande des élèves, et apporte aux professeurs
tions que l'école va se distinguer dans l'éventail de le sentiment du travail bien fait. Ce sentiment de l'ef-
l'offre d'enseignement à l'échelle d'une ville ou d'une ficacité dépendant souvent, et pour une part impor-
région. Il a donc le souci de faire du positionnement tante, du travail collectif dans les classes d'improvi-
de son école, quelque chose de fort et d'original, qui sation.
la démarque des autres. Le passé est un autre point d'appui très important. Le
passé de l'école et les individus qui ont fait son his-
Pour Stéphane Alaux, le coordinateur est placé toire ou y ont contribué sont les vecteurs de la conti-
devant de multiples questions. Il doit, tout à la fois, nuité ; ils indiquent que le l'école a fait ses preuves.
apporter des réponses qui doivent tenir compte de la Se plaçant alors dans la position du "directeur - coor-
diversité de ses collaborateurs et respecter leur dinateur" du projet pédagogique qui a dû succéder
implication individuelle. Il doit également, veiller à la au "directeur - fondateur", il pense que les "valeurs
marche de l'ensemble, à celle de chacun des ateliers partagées" au sein de l'école, doivent être confron-
et à la cohérence qui lie chaque élément au tout. Il tées au contexte dans lequel celle-ci évolue : sa
doit aussi, et ce n'est pas une mince affaire, rendre place dans la "cité". Même si, d'évidence, l'objet n'est
perceptible une "certaine efficacité" en direction pas de se conformer à tous les avis ou à tous les
notamment des élèves, qui dans la diversité de leurs jugements que les acteurs de cité peuvent porter sur
projets doivent avoir le sentiment que l'école les sou- l'école. Ces points de vue s'apprécient relativement,
tient dans leurs objectifs. Il doit, tout autant, veiller à ils doivent être ajustés à la "demande réelle" des élè-
ATELIER 3
ne pas dénaturer la qualité de l'enseignement de ves qui est en dernier ressort une sorte de "jugement
l'école. Ce que pourrait engendrer une adaptation, du peuple".
par trop "démagogique", qui consisterait à adapter à
tout prix, le projet pédagogique à n'importe quelle En ce qui concerne l'évaluation, Stéphane Alaux
demande des élèves. Il est donc, dans cette néces- confirme qu'elle est une sorte de "miroir" pour l'école.
sité de concevoir "sa" coordination sur les bases Il pense qu'elle procède aussi de la manière dont
d'un travail "collectif" ; celle d'"un projet pédagogique l'école s'engage pour dynamiser les "expressions"
partagé". Cela le conduit inévitablement à adopter artistique des élèves. Il précise que selon lui, l'école
une démarche qui associe à la fois les élèves - voire n'a pas à s'immiscer, à proprement parler, dans l'uni-
les parents - et les professeurs. Son recours, son vers "artistique" des élèves. C'est leur affaire. Une
appui, sont donc ces "valeurs partagées" dans affaire de sensibilité et de choix individuel. Elle doit
l'école. Ce sont elles qui étayent son projet global qui plutôt s'interroger sur la manière dont elle les accom-
ne peut que se résumer par : "former aujourd'hui des pagne dans leurs parcours, comment elle les aide à
musiciens pour demain". se "fabriquer" leur propre trajectoire, à se construire
une identité. Mais tout dépend d'eux.
Ces tâches nécessitent, de la part du coordinateur,
de mettre en action de multiples compétences, que L'école doit se vivre comme un lieu de passage, un
lui-même ne possède d'ailleurs pas forcément. C'est moment dans la recherche d'une trajectoire, un lien
donc bien par la mise en mouvement de l'"équipe" entre l'élève et son projet personnel. Elle doit aussi
qu'il agit. D'où l'intérêt qu'il porte à chacun des mem- rester ouverte, donner la possibilité aux élèves qui en
bres ; à ce que chacun y fait, y apporte, à la manière sont "sortis", d'y revenir, pour y chercher des ressour-
dont il se comporte, dont il se vit dans la place qu'il ces, pour vérifier des expériences, pour y trouver des
occupe au sein de celle-ci. D'où l'importance aussi, outils, …. Il retient l'idée exprimée le matin lors de
des relations, des contacts, qui doivent être entrete- l'ouverture du colloque, de la primauté de l'"autono-
nus en permanence par des discussions, des échan- mie" comme enjeu de la formation.
ges de vue, des débats multiples. Il faut faire preuve L'école ne doit pas faire à la place des élèves, elle ne
d'une attention particulière à l'égard des enseigne- peut pas tout. Elle doit admettre qu'elle est là pour
ments "transversaux", notamment les professeurs de transmettre des outils et donner des repères. C'est
solfège et de chant, qui par la position qu'ils occu- une des ces "valeurs partagées" au CIAM. Il précise
pent dans l'école doivent être des points d'appui que le CIAM accueille aussi bien des élèves qui se
importants pour le coordinateur. destinent à devenir des professionnels, que des élè-
ves qui auraient une approche "amateur" de la musi-
Enfin Stéphane Alaux estime que la progression que, soit parce qu'ils ont un autre projet profession-
dans ce travail doit se faire par touches légères. Il se nel, soit parce qu'ils n'ont pas encore de choix arrêté
méfie des solutions "globales" qui ne tiendraient pas sur le sujet. Le CIAM tente d'avoir une approche
suffisamment compte de la dimension humaine. En indifférenciée vis-à-vis de tous ces élèves, un lan-
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gage unique. Cette approche se concentre autour parler, au sens pédagogique du terme. Pendant cette
d'un tronc commun à tous les cursus. C'est la raison dernière année, les relations entre les enseignants et
pour laquelle le CIAM propose une grande diversité les élèves prennent la forme de "conseils", de l'ordre
de cours et s'est engagé à fond sur le projet d'un de la direction artistique. L'ensemble de ce cursus
maximum d'expressions possibles. Il ne s'agit pas de est d'un niveau assez élevé. L'entrée dans le cursus
plaquer sur les élèves la chape de l'"excellence". se fait par concours : les élèves sont évalués tout au
Mais de prendre en compte les "possibilités" de cha- long des trois années ; les professeurs sont parties
cun, de leur donner des outils et de vérifier comment prenantes de cette évaluation, qui intègre également
chacun de ceux-ci s'"adapte" à chacun des projets des avis externes à l'établissement, notamment celui
des élèves. de diffuseurs, programmateurs, responsables de sal-
Le geste essentiel revient à donner aux élèves la les ou de festivals. Les enseignants se placent d'ail-
possibilité de prendre un instrument en main. Dans leurs plutôt en arrière, afin de mettre les élèves dans
cet objectif, il n'est pas souhaitable, ni nécessaire, une situation de rapports réels avec les profession-
d'"écraser le disque dur des élèves", d'effacer les nels. L'enseignement se veut complet ; c'est-à-dire,
références sur lesquelles ils se sont construits jus- qu'il s'agit non seulement d'enseigner la musique,
que-là, avant leur entrée à l'école. Il s'agit plutôt de mais aussi de familiariser les élèves avec la pratique
faire avec, de prendre en compte leurs différentes professionnelle. Par exemple, savoir écrire une lettre,
expériences, leurs projets d'avenir pour leur propre se servir d'un téléphone, savoir qu'il est préférable de
futur. Il s'agit de les aider à s'intégrer dans la cité, par
repasser sa chemise avant un entretien, …. Tous les
des voies qu'ils choisiront eux-mêmes. Et dans la ans, JAT organise son festival avec des têtes d'affi-
limite du possible, de leur aménager des portes d'en- ches et tous les élèves font partie de la programma-
ATELIER 3
trées. Mais aussi et surtout de trouver avec eux des tion. JAT organise également des échanges interna-
portes de sortie. tionaux. Sans être un organisateur de spectacle au
sens strict, l'école s'efforce de mettre les étudiants en
Guillaume De Chassy est à la fois, musicien, ensei- situation réelle. On a par exemple une collaboration
gnant, coordinateur du projet pédagogique du dépar- avec "Le Petit Faucheux" qui programme des grou-
tement de jazz du CNR de tours et animateur de l'as- pes issus de l'école.
sociation Jazz à Tours.
Il débute son intervention par une interrogation sur Quant à la coordination, elle est selon lui plutôt une
les vertus des collaborations possibles entre une affaire de relation avec les professeurs principaux.
association comme celle qu'il anime à Tours et le Elle dépend pour beaucoup du style de relations éta-
CNR de cette ville. Il estime que dans ce type de blies entre le coordinateur et les enseignants. Dans
mariage, l'institution a l'avantage des moyens et l'as- son cas, elle reste assez informelle, et se fait en
sociation celui de l'initiative et des idées. En ce qui le buvant un café par exemple. Ce qui n'exclut ni les
concerne, ce rapprochement s'est fait dans la plus remises en causes ni la réflexion permanente. Dans
grande confiance : "la directrice du CNR lui ayant les ateliers, qu'il s'agisse de l'harmonie, de l'écriture
donné les clés et la feuille de route". Ce qui lui per- ou de la pratique instrumentale, l'axe de l'enseigne-
met de concilier les exigences de la pratique d'ensei- ment repose pour une part importante sur le travail
gnant avec les responsabilités de la coordination collectif. Certes le concours est difficile et le nombre
pédagogique, et, il y tient beaucoup, avec les obliga- de places limitées (actuellement quinze par an) mais
tions de son métier de musicien qu'il entend conti- par la suite, le travail s'effectue souvent en groupe ou
nuer à exercer. Cette dernière exigence étant la plus dans des collectifs selon des expériences que l'on
importante, car il s'estimerait inapte à enseigner la essaie de construire dans des situations de confron-
musique, si en parallèle, il ne pouvait vivre celle-ci tation avec le réalité.
dans toutes les dimensions. Il estime qu'en fait, il
s'agit du même métier. La question du lien entre le statut des enseignants et
la mise en oeuvre du projet pédagogique est une
Le cursus qu'il anime à Tours est constitué par deux autre question importante. En effet, beaucoup d'en-
années d'enseignement à l'intérieur du conservatoire seignants n'ont pas de véritable statut. Au mieux, ils
et de l’école Jazz à Tours (JAT), et d'une troisième peuvent prétendre à être des intermittents, ce qui par
année qui s'effectue "hors les murs". C'est-à-dire définition les fragilise. Lui-même a la chance d'être
dans une situation ouverte où l'élève est libre de ses employé communal, ce qui lui procure une stabilité, y
choix. Les élèves peuvent alors se consacrer à un compris pour exercer son métier de musicien. Il
projet personnel. L'un peut consacrer cette année-là estime cependant, que ces deux versants du métier
à l'écriture, un autre à l'improvisation, un troisième à sont totalement complémentaires. Qu'ils se nourris-
la pratique de l'instrument, …. Il s'agit plus d'un com- sent l'un de l'autre et se confortent l'un par l'autre.
pagnonnage que d'un enseignement à proprement Dans sa pratique d'enseignant, il intègre son expé-
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rience de musicien. Il profite du fait qu'étant amené à assaille de manière permanente et quotidienne les
tourner pas mal en France, il est en relation avec la écoles dans leurs pratiques, ne soit pas abordée de
profession : des programmateurs, des responsables façon plus structurée.
de salles et de festivals. Ce qui lui permet d'être au
contact des réalités de la profession, d'en évaluer les Stéphane Alaux indique que sur ces questions, le
demandes. Cette connaissance du milieu l'aide dans débat au sein de commission pédagogique de la
les conseils qu'il doit donner aux élèves. Elle lui per- FNEIJMA est vaste, riche et complexe. Les réponses
met de mieux les guider dans leurs projets. Les cho- aux questions soulevées par l'intervenant nécessi-
ses passent beaucoup par la pratique collective ou tent qu'au préalable, on ait fait l'analyse et dégagé
de groupe. Les outils ne manquent pas, qu'il s'agisse les positions communes entre les adhérents ; que
des masters class ou les expériences dans les ate- l'on ait dressé l'inventaire, à jour, des enseignements
liers. Ce qui importe, c'est aussi d'avoir une réflexion effectivement prodigués et celui des méthodes et les
collective avec les pédagogues. Il estime qu'il a de la outils qu'ils ont mis en place. Le contenu de cet
chance, dans le sens où le directeur du CNR est très inventaire conditionnant la définition même des
ouvert à toutes sortes de propositions, de projets "valeurs partagées" au sein de la FNEIJMA.
croisés avec des orchestres symphoniques ou d'au- Bien évidemment, ces "valeurs partagées" impliquent
tres musiciens. Dans ce cas-là, la coordination que l'on ait des positions communes sur la formation
devient une chose aisée et facile. Elle se borne, et des enseignants, des visions convergentes pour ana-
vise essentiellement, à des ajustements entre les lyser la "demande" des élèves et de manière plus ou
étudiants, au sujet des méthodes, avec en point de moins explicite, une analyse du marché du travail et
mire le métier. L'autre chance, c'est qu'à Jazz à du statut des enseignants. Tout cela est, on ne peut
ATELIER 3
Tours, il y a un autre poste de coordinateur, qui inter- plus complexe. Dans la mesure où chacun de nous
vient sur les aspects matériels et la discipline ; cela sait bien, que des questions alimentaires entrent
lui permet, de rester dans son rôle sur la pédagogie. dans la vocation des enseignants. Elles ne peuvent
De leur côté, lorsque les étudiants ont des problè- être, ni ignorées ni minimisées. Dans le même
mes, ils peuvent en parler à deux personnes. temps, il faut aussi tenir compte de la réalité du bas-
Guillaume De Chassy conclut son intervention en sin d'emploi, tant pour les enseignants, les cadres
affirmant qu'après ces deux années de propédeuti- que pour les élèves. Car d'évidence, le fait de s'ins-
que, les dix élèves qui arrivent au concours final ont crire dans la "formation professionnelle" implique
tous les outils en main. qu'on ne soit pas totalement ignorant de la situation
de l'emploi. Le partage de "valeurs communes" au
sein de la FNEIJMA dépend de la capacité de celle-
ci à faire partager l'ensemble de ces mises à niveau.
MOMENTS DU DEBAT Il faudrait aussi reparler du projet d'un "certificat uni-
que", avec des épreuves pratiques et théoriques
"De quelles valeurs" parle-t-on ? communes. Ce projet pouvant être porteur d'une
dynamique autour d'un seul et même objectif.
Jacques Bonnardel de "Jazz Action Valence", expli-
que que dans sa pratique, il rencontre une situation Thierry Riboulet rappelle que l'idée de diplôme pré-
presque identique à celle qu'a décrite Guillaume De voyait au départ non pas un diplôme unique, mais un
Cassy mais qu'il n'en tire pas nécessairement les "diplôme d'école", par instrument et par style. Selon
mêmes conclusions. Ce qui a été décrit par celui-ci lui, il faut admettre que la mise en place concrète de
lui apparaissant dépeint de manière parfois idyllique. cette idée n'est pas simple, car elle doit tenir compte
Il trouve, par ailleurs, que le recours fréquent au de nombreux éléments, comme du ratio : temps d'en-
concept de "valeur" sans que celui-ci soit explicité seignement et nombre d'élève suivant les cours d'un
complique la tâche. D'autant que ces "valeurs" sont même professeur. Oui, l'idée est séduisante, mais
énoncées comme recoupant de manière implicite elle butte sur les possibilités de mise en œuvre
tous les enseignements des structures adhérentes concrètes en fonction de la situation de chacune des
de la FNEIJMA ? Il lui semble que l'on se contente de écoles.
perpétuer une situation de fait. Dans laquelle l'ensei-
gnement repose, pour une part importante, sur des "Projet pédagogique et projet politique"
CDI, parfois à temps partiel, réservés au "noyau cen-
tral pédagogique" des écoles, et pour une autre part, Vincent Priou du "Pôle régional de Pays de Loire"
tout aussi importante et peut-être plus, sur l'emploi souhaite revenir sur la notion plus globale qui lie l'en-
d'intermittents, qui viennent nourrir la formation par seignement à la structure de l'école. Il s'agirait en
leur pratique de la scène. Il pense et regrette, qu'une quelque sorte de son "projet politique".
réflexion sur cette question, aussi importante qui Généralement lorsqu'on parle des musiques actuel-
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les, on admet plus ou moins implicitement une cer- sions tout azimut, avec les élèves, les élus, etc. Le
taine vision des pratiques professionnelles, certains rôle majeur de la coordination consiste à créer ces
rapports avec la scène et avec la musique enregis- liens. Liens qu'il faut parfois créer de toutes pièces.
trée. Il estime que lorsque le rapport entre le projet Ce qui, selon les circonstances, n'est pas forcément
de l'école (son projet politique) et son projet pédago- facile.
gique est clair, le projet pédagogique gagne en
clarté, à la fois au sein de l'école, mais aussi à sa Guillaume De Chassy ajoute que si l'on travaille avec
périphérie et avec ses partenaires externes. Le pro- de jeunes adultes, on a deux entrées possibles, la
jet pédagogique peut alors se décliner en sous- première porte sur les "qualités" attendues par
ensembles, pour mieux s'adapter aux différents l'équipe enseignante, et la deuxième, donne lieu à
objectifs que l'école s'est assignée. Cela implique une analyse de l'état du milieu professionnel dans
que l'on imagine d'autres approches et d'autres lequel ces élèves devront trouver et faire leur place.
méthodes. La pratique et la recherche de l'autono- C'est la raison pour laquelle, en ce qui le concerne, il
mie sont là pour nourrir ce travail. essaie de garder en permanence un regard circulaire
Ensuite, se pose le problème de l'évaluation, du sur la profession et l'état du secteur.
comment jauger les étapes franchies ? Vincent Priou
estime que l'on en est au démarrage d'une réflexion Un intervenant de salle réagit, au début sans micro
collective sur le sujet. À cet instant, il se pose - et ce qui ne permet au rapporteur de prendre note de ce
propose à la réflexion de l'assemblée - quelques qu'il dit, et notamment de relever son nom.
questions qui restent entières : comment évaluer les
enseignements ? Qu'est-ce que la pédagogie, et Puis, il dit que de son point de vue, le projet pédago-
ATELIER 3
qu'est-ce qu'être pédagogue ? Quelle posture peut- gique dépend de la forme de la structure et de com-
on et doit-on assumer ? Comment sortir du rapport ment le projet pédagogique et le projet de l'école
duel entre le maître et l'élève ? Peut-on construire ce interagissent l'un par rapport à l'autre. Ensuite, il s'in-
rapport autrement ? À son avis, la réponse est oui, si terroge pour savoir quel serait le contexte idéal pour
l'on parle bien des musiques actuelles, qui juste- une bonne intégration de ces deux plans du projet
ment, dans leurs pratiques, se différencient des global ? Ce qui le conduit à s'interroger encore, sur le
autres pratiques musicales. comment mettre en valeur l'"identité" de l'école, com-
ment pousser celle-ci dans ce qu'elle a de meilleur ?
Gilles Laval admet que le rapport élève - enseignant Et comment l'amener à "vendre" son identité ?
est parfois un peu compliqué à expliciter, que ce soit
vis-à-vis des élèves et encore plus avec les parents. Thierry Riboulet estime que l'autonomie financière de
Les propos tenus à cet égard peuvent parfois "désta- l'école est certes un élément important. Bien que,
biliser". Il faut quelques fois en venir à des explica- dans cette analyse, il faille aussi prendre en compte
tions ouvertes un peu orageuses. Gilles Laval estime plusieurs paramètres : le nombre d'élèves, le nombre
qu'il faut parfois six mois pour que les élèves arrivent de professeurs, le type de leur contrat, leur nombre
à formuler ce qu'eux attendent de ce rapport. Et d'heures, …. Le poids financier ne fait pas tout. Il
qu'ils sortent du schéma auquel les a habitués l'Édu- prend l'exemple de son école, dans laquelle il est le
cation Nationale. Il pense, qu'en Rhône-Alpes, c'est seul titulaire avec trois professeurs à temps partiels.
peut-être plus facile qu'ailleurs, car les différents par- On ne peut pas comparer cette réalité-là avec celle
tenariats qui ont été développés permettent d'offrir de structures, plus lourdes, dans lesquelles il y a
aux élèves un éventail de propositions, qui à un titre deux mille élèves et cent vingt professeurs. Ça n'est
ou à un autre sont en capacité d'intéresser les élè- pas la même échelle. L'important, c'est que le projet
ves. C'est une chance, car comme on ne fait pas de de l'école soit clair. Clair et lisible par tout le monde.
différence entre les enseignements "classiques" et Notamment par les élus, surtout lorsque ceux-ci
ceux des musiques actuelles, ça provoque un bras- interviennent dans le financement de l'école.
sage dynamique.
Stéphane Alaux rappelle à ce propos que dans cer-
Thierry Riboulet estime qu'il est possible de travailler tains départements de l'école publique, les marges
ces différents niveaux à la fois. Selon lui, le coordina- ne sont guère plus confortables. Dans le même
teur passe le plus clair de son temps à adapter les temps, il estime qu'il faut prendre en compte la ques-
contenus et les demandes. Il est clair que l'attitude tion de l'"indépendance"; qui implique que l'on soit
des enseignants est différente si l'on s'adresse à des dans le secteur privé. Même si le profit n'est pas le
adultes, à des adolescents ou à de jeunes enfants. Il moteur de la gestion. Pour sa part, il pense qu'il faut
faut donc adapter cette attitude, et les contenus surtout insister sur la qualité des projets, il parle de
sous-tendus, au public auquel l'enseignement projets "intelligents", adossés à des collaborations
s'adresse. Cela passe effectivement par des discus- qui leur apportent une identité et une lisibilité.
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Thierry Riboulet estime que ça n'est pas le projet conflit à propos du projet pédagogique ?
pédagogique qui est opérant mais le projet artistique.
Gilles Laval admet qu'en effet, le conflit ne peut pas
Gilles Laval reprend la parole pour dire qu'à être exclu de la gestion du projet pédagogique. Ces
Villeurbanne l'école est connue et reconnue. "Ce qui conflits peuvent se régler de différentes manières,
n'empêche que, depuis quinze ans, on a le même par la discussion d'abord. En essayant de convain-
volume d'heures". Il pense que ce sont les collectivi- cre. Il faut seulement veiller à le faire dans un respect
tés locales qui supportent l'essentiel de l'effort finan- mutuel des positions en présence. En tout cas, un
cier, alors qu'elles sont confrontées à une demande conflit ne peut pas se régler de façon autoritaire ou
énorme dans les domaines les plus divers. On en en passant par le volet de la notation. Ensuite, la
arrive à des impasses, voire à des perversions : direction doit prendre ses responsabilités. En revan-
quand par exemple on nous dit de prendre la place che, dans le cas où tout à été tenté et que le conflit
d'autres structures, ce qui n'est ni une façon de faire débouche néanmoins sur une impasse, il faut se
ni, surtout, une solution à long terme. Pour illustrer résoudre à trancher. Sans cela comment une direc-
son propos, Gilles Laval donne l'exemple d'une col- tion pourrait-elle assurer aux étudiants la validité de
laboration pour un opéra, dans laquelle l'école était ses formations ?
sollicitée pour envoyer un groupe, pas payé et qui
passait entre midi et deux. Ce qui ne manque pas de Thierry Riboulet pense que le coordinateur du projet
questionner sur l'éthique de certains de ces partenai- pédagogique ne doit pas sortir de son rôle et rester
res. Il estime que sur ce type de comportement n'est dans le domaine de la pédagogie. Il raconte alors,
guère incitatif pour construire de véritables partena- qu'il a eu des divergences avec un ou deux profes-
ATELIER 3
riats. seurs, mais qu'il n'y a pas eu conflit, car tout s'est
réglé au travers des discussions collectives. Ces
Guillaume de Chassy intervient pour dire qu'il a bien enseignants comprenant très rapidement qu'ils ne s'y
donné son accord au partenariat dont il a pris l'exem- retrouveraient pas dans les options décidées collec-
ple tout à l'heure. Les choses ne sont donc pas fai- tivement. Ce sont eux qui, de leur propre chef, ont
tes sans son consentement. Or ce partenariat pose pris l'initiative de la rupture. Par contre, il peut y avoir
néanmoins des problèmes. Le diplôme en place d'autres types de conflits, dans d'autres domaines
actuellement est évalué seulement sous le couvert que la pédagogie. Il y en a eu ici ou là. C'est en ce
du CNR. Lorsqu'on parle de ce diplôme aujourd'hui, sens qu'il faut être vigilant et ne pas laisser d'autres
on en attribue le mérite au Conservatoire. Jazz à conflits déborder dans le domaine de la pédagogie.
Tours en est dépossédée et son action s'en trouve
minorée. Elle y perd de la lisibilité. Alors qu'elle bouil- Stéphane Alaux explique que si dans son école, un
lonne d'idées. Elle en est réduite à mettre de l'éner- conflit venait à survenir, son premier mouvement
gie pour faire savoir qu'elle est à l'origine du projet. serait de s'informer, auprès des élèves, de leurs délé-
Les institutions ont une énorme force de récupéra- gués et auprès des enseignants. Puis il faudrait éva-
tion, il faut rester vigilant ! luer les incidences et la portée de ce conflit, pour
essayer de le résoudre. Là où le risque de conflit
Bernard Dupouy de l'ARA (Autour des Rythmes devient préoccupant, c'est quand ses incidences
Actuels) de Roubaix intervient, d'une part, pour dire "financières" dépassent les moyens dont on dispose.
que l'ARA, c'est quelque trois cents à trois cent cin- C'est un vrai problème, car bien souvent on est
quante adhérents et une vingtaine d'intervenants. amené à mettre en place des actions sans en avoir
D'autre part, il prend appui sur les propos de Vincent véritablement les moyens. C'est là, que le risque du
Priou, pour expliquer qu'il lui semble qu'il faut aussi conflit est le plus menaçant et le plus difficile à gérer.
se poser la question de ce que l'on vise par le projet Dans l'absolu, lorsqu'on a tout tenté pour sortir d'un
de renouvellement des projets pédagogiques. Il conflit par le haut, sans que personne ne se sente
pense que le projet pédagogique doit avancer en lésée, eh bien, parfois il faut se résoudre à trancher.
même temps que le reste de la société et qu'on est
dans la nécessité d'inventer des nouvelles formes, Un représentant de "LA BOITE VOCALE" à Tours,
de réfléchir à de nouvelles méthodes. Il n'a pas d'in- intervient pour dire que, dans l'échange auquel il a
quiétudes à ce propos, car généralement on part des assisté, il a été frappé par la divergence de points de
mêmes valeurs. En revanche, ce qui est plus difficile vue exprimés à la tribune, notamment entre
à résoudre, ce sont les problèmes de mise en œuvre Guillaume De Chassy et Stéphane Alaux. Celui-ci
concrète. Et c'est souvent, à ce moment, que sur- disant par exemple, qu'il ne se préoccupe pas de l'ar-
viennent les conflits. Comment les gérer ? Est-ce tistique tandis que Guillaume De Chassy va jusqu'à
que les intervenants peuvent expliquer comment ils mettre des programmateurs et des professionnels
procèdent dans leurs structures quand survient un dans la salle lors de l'évaluation des élèves ?
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"Formation : Enseigner, accompagner, conseiller, encadrer :
Y aurait-il plusieurs métiers "?
"L'école de musique n'est sans doute pas le seul lieu de formation. De multiples
façons de se former existent. Quelles sont les spécificités de ces différentes démar-
ches d'apprentissage et quel serait leur socle commun ? Quelles compétences et quali-
fications sont attendues du côté des musiciens, des musiciens - enseignants, des anima-
teurs, des formateurs, des encadrants,... ? Que recouvrent ces termes ? Comment s'enten-
dre sur les mots ? La formation de formateurs prend une dimension essentielle ; pourquoi et com-
ment en définir les objectifs ? Quelles sont les perspectives de ces professionnels, en terme d'emploi,
mais aussi de valorisation et de reconnaissance de leurs compétences, leurs savoir-faire, … ? "
Contributeurs :
Philippe AUDUBERT, Responsable des formations à Trempolino (Nantes), Membre du
collectif
Bob REVEL, Directeur Cité des Arts, Chambéry
Pascal Nicolas LE STRAT, Sociologue
Pour introduire cet atelier, Gérard Authelain dont on en musiques actuelles", en amont et en aval de la
connaît le travail fondateur sur la formation dans les pratique sont décisives. Elles se croisent en plu-
musiques actuelles , a rappelé qu'il effectuait actuel- sieurs axes :
lement une enquête sur "musiques actuelles et jeune -un axe "administrativo - institutionnel",
public". Faisant référence au glossaire distribué à -un axe de coordination et de coopération,
chaque intervenant , il mettait en évidence la polysé- -un axe qui doit tenir compte de l'environnement
mie des termes employés dans le secteur et leurs urbain au sein des pratiques artistiques.
significations qui pouvaient diverger en fonction des
pays et des langues. Ceci pouvant conduire à des Il se demandait comment la formation centrée avant
ambiguïtés de contenus. tout sur la pratique peut prendre en compte l'activité
Plusieurs contributeurs ont mis en évidence que dans son ensemble et estimait nécessaire de se
maintenant que les diplômes étaient posés (DE et questionner sur des modèles adéquats allant dans ce
CA), que de nombreux enjeux idéologiques étaient sens.
en partie désamorcés, les personnes impliquées
dans la formation des musiques actuelles pouvaient 2) Il mettait en évidence le fait que les praticiens
entamer des discussions plus sereines sur l'articula- cherchaient le plus souvent, aujourd'hui, à réfléchir, à
tion entre les différents acteurs ou types de structu- prendre du recul, à acquérir une réflexivité concer-
res . En ce qui concerne les enseignants et les for- nant leurs activités. Il observait par exemple qu'une
mateurs, le but était d'élaborer un "socle commun", partie d'entre eux retournaient à l'université, vers les
une "carte de visite", base d'une polyvalence néces- sciences sociales principalement. Ces questionne-
saire dans la pédagogie permettant de répondre à la ments sur le sens de la transmission de savoir
pluralité de la demande des apprenants. concernent le registre de la professionnalité.
Alors que la professionnalisation, question doréna-
I - Pascal Nicolas Le Strat, après s'être défini comme vant commune, concerne les formes d'intégration et
"un sociologue du travail" proposait une intervention convoque le registre de la dextérité, la professionna-
en 4 points : lité cherche à mettre en discussion les valeurs, le
bien fondé de l'activité. Ces préoccupations étaient
1) Il montrait que, derrière les pratiques artistiques, autrefois posées de manière informelle, elles le sont
existaient des logiques de travail et un ensemble de plus en plus aujourd'hui dans le cadre de forma-
d'activités, qui pouvaient avoir un impact sur la for- tions spécialisées.
mation. La multiplicité des activités des "formateurs
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3) Dans sa troisième partie, en s'adressant au sec- bien qu'à des personnes du troisième âge.
teur des "musiques actuelles", Pascal Nicolas Le En terme de rapport à la carrière musicale, les uns
Strat soulignait que "les activités des M.A. sont au envisagent une pratique professionnelle, d'autres ne
cœur du développement des métropoles". Il y a pré- savent pas où ils vont, d'autres encore pratiquent la
sence nouvelle des activités de création dans la ville, musique comme un loisir. Par ailleurs, du point de
une dynamique collective qui lui est inhérente. vue de la configuration de la pratique, certains arri-
Il existe une véritable force de travail qui est consti- vent structurés en groupes, d'autres seuls ou en col-
tuée par ces activités. Il y a maints exemples de cet lectifs associatifs. Il faudrait pouvoir mieux connaître
état de fait, tels que "Quartiers libres" à Montpellier, ces publics en multipliant les enquêtes.
manifestation riche faisant appel à de nombreux Par ailleurs, les besoins émanant du public sont eux-
savoir-faire. mêmes divers comme Philippe Audubert en témoi-
Aussi, on peut se demander en quoi la formation gne à travers la structure dans laquelle il officie :
pèse sur la professionnalisation ? Quels types de "Trempolino". Si l'on prend le cas de l'enregistrement,
métiers existent ? Quelles sont leurs conditions certains sont à la recherche de conseils sur les divers
d'exercice ? Il faut se questionner sur les différences types de studios ou sur les étapes d'enregistrement
de statuts ou le rapport à la précarité. d'un disque ; d'autres recherchent des informations
sur les lieux de concerts. Il existe aussi un public qui
4) Dans son dernier point, Pascal Nicolas Le Strat se veut apprendre mais là encore, les sollicitations sont
demandait comment les métiers de la formation pou- diverses. Si les uns désirent comprendre quelques
vaient s'intégrer à d'autres métiers ressources tels notions de bases, il existe aussi des musiciens qui
que l'accompagnement, le conseil, ou l'expertise. aimeraient acquérir un statut d'excellence, une dex-
ATELIER 4
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avant tout des professionnels d'excellence n'est pas Charles François rejoint les propos de Philippe
une vocation scandaleuse pour une école, c'est sim- Audubert lorsqu'il insistait sur "le piège du monoli-
plement un type de posture qui doit être complétée thisme".
par d'autres types. Simplement, on doit se rappeler Aussi, en ce qui concerne les compétences pédago-
que la posture passe avant tout par la technique. giques des enseignants, on ne doit pas être en
mesure de n’enseigner qu'une seule esthétique, ou
III - Jean-Charles François, directeur du CEFEDEM qu'un seul instrument. Il faut un champ de compé-
Rhône-Alpes, en introduction de son propos, souli- tence le plus large possible, synonyme de passage.
gnait la difficulté de s'entendre sur des mots, des épi-
thètes, des substantifs. En réponse à l'intervenant 3) Comment dans ces conditions, doit-on définir les
précédent, Il déclarait qu'au CEFEDEM, "nous dési- métiers ? Pour Jean-Charles François, ils doivent
rons revendiquer la totalité du champ de la forma- plutôt être envisagés comme des champs d'interven-
tion, c'est une boutade, mais peut être est-elle tions. Cela ne sert à rien de créer un nouveau métier
sérieuse". dès qu'un besoin qui paraît nouveau se fait sentir. Il
Historiquement, le CEFEDEM se préoccupe du faut plutôt, selon notre contributeur, élargir. Il envi-
diplôme d'état, il s'est ainsi ouvert, progressivement, sage la "médiation de la musique" comme métier,
aux musiques actuelles. En 1993, le jazz est arrivé et endroit où les gens seraient capables de changer et
en 2000, ce fut le cas du DE "musiques actuelles" et d'investir un champ large. La demande est évolutive,
"musiques traditionnelles". les réponses doivent l'être aussi.
Jean-Charles François a développé trois points : Chambéry a également souligné les enjeux termino-
logiques employés et s'est questionné sur la trans-
1) Il a souligné que l'approche des diplômes consa- versalité chronologique des acteurs impliqués dans
crés aux musiques actuelles était différente des la formation : comment envisage-t-on son métier à
anciens DE, caractéristiques du "classique" qui 30, 40 ou 50 ans? De quels types sont les évolutions
concernaient des spécialités. Pour l'ensemble des ?
diplômes, le CEFEDEM essaie de combiner les logi-
ques de formation, leurs contenus et l'exigence de Le thème de l'atelier cumule les infinitifs : enseigner,
l'évaluation permettant l'obtention du diplôme. Cela accompagner, conseiller, encadrer… Si l'on prend ce
passe, pour l'ensemble des DE, par une formation dernier terme par exemple, il n'est pas, dans le
mixte : à la fois en terme de genres musicaux mais Larousse, défini dans la logique qui nous intéresse.
aussi de discipline (type d'instrument ou spécialité). Cela est important car la valeur de désignation per-
Les deux approches sont vastes, elles nécessitent met de définir les activités qui nous concernent ici,
une mixité d'apprentissage. mais aussi de les préciser. Lorsque certains termes
sont usés, on les changent : Par exemple, dans le
Un genre musical ne doit pas s'imposer par rapport contexte de l'époque de création de la FNEIJ avec le
à un autre ; le CEFEDEM pose l'hypothèse que les CIM, l'IACP, l'AIMRA, le terme "école" était à bannir.
écoles de musique doivent être le lieu de rencontre On peut ainsi mettre en évidence des modes, des
de toutes les musiques : cela pose la grande ques- vogues, dans les termes, qui servent à définir une
tion du "comment vivre ensemble". Il faut en effet évi- image, une philosophie.
ter les ghettos du multiculturalisme à l'américaine, C'est évolutions terminologiques existent aussi parce
que Jean-Charles François a connu dans sa pratique qu'il faut se différencier du voisin, afin d'obtenir des
de musicien et de formateur et dont il a perçu les subventions. Ainsi, on peut penser qu'aujourd'hui, il
limites. est à cet égard intéressant de se situer dans la
fameuse "émergence".
2) Ce processus de formation, tel qu'il est défendu,
remet en cause de manière prospective l'héritage Autrefois, chacun avait un métier, qui était considéré
des sociétés modernes, c'est-à-dire les notions de comme le savoir faire d'une vie. On est, aujourd'hui,
"label" et de "discipline". Les catégorisations sont au contraire, obligé de multiplier les compétences.
réductrices : les classiques eux-mêmes n'aiment pas Les mêmes personnes adoptent des rôles différents
être appeler "classiques". Afin de permettre aux gens en fonction du type d'emploi et l'employeur. Il y a une
de circuler entre les catégories, il faut qu'ils se ren- réalité de circulation des individus, comme des sub-
contrent. Des possibilités de circulation doivent être ventions croisées ou des partenariat différents :
établies entre toutes les musiques. En fonction de publics - privés.
son parcours, il faut développer, du point de vue du Bob Revel prend l'exemple d'une configuration où
formateur, la notion de "carte de visite". Jean- une école de musique et une MJC travaillent ensem-
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ble. Dans ce cas, un "animateur" en MJC peut être Pour Jean-Charles François, la dichotomie "ensei-
appelé "professeur" en école. gnant/musicien" appelle la notion de médiation. Il faut
On peut prendre d'autres illustrations. Ainsi, dans les des lieux qui ne se spécialisent pas uniquement sur
textes actuels des programmes du conservatoire on la diffusion. Les conservatoires eux-mêmes revendi-
peut trouver des directives surprenantes : on peut à quent de pouvoir s'occuper d'accompagnement ou
cet égard lire à propos du 2eme cycle : "il faut de diffusion. Ces transversalités changent la donnée
accompagner les projets individuels et collectifs des du problème. Jean-Charles François ne veut pas
élèves, proposer des contrats de formations : pour trancher sur son identité, il se revendique double-
les collectifs, comme les groupes ou les harmonies". ment, musicien et enseignant. C'est la définition de
Ce qui importe, c'est la nécessité d'une formation de sa profession réalisée de manière artistique.
base suffisante. Il ne faut pas s'enfermer dans une
spécialisation parce que le public évolue dans sa Bob Revel estime qu'il faut tenir compte des projets
demande. Bob Revel propose la notion de "socle et des individus. Chaque fois qu'il y a prise en
commun" permettant la transmission de savoir dans compte par l'institution d'une esthétique nouvelle,
des contextes différents des craintes s'expriment du type "vous allez tuer la
vie associative !" ; il n'en est rien. C'est pourquoi les
MOMENTS DU DEBAT acteurs doivent se réinterroger, qu'ils soient associa-
tions, structures privées, pouvoirs publics, …. Il est
Pour Philippe Gauthier musicien et syndicaliste au nécessaire d'avoir un projet fondé. Par exemple, à la
SNAM : "Cité des Arts", à Chambéry, la mutualisation des
Un certain nombre de représentations ont vécu, c'est moyens (entre arts plastiques et musique par exem-
ATELIER 4
l'avancé que ce colloque permet de constater. Par ple) donnent des résultats intéressants.
exemple, l'image de la FNEIJMA, qui était autrefois
celle de la reproduction en France des écoles pri- A propos de mutualisation, Philippe Audubert se
vées américaines formant des professionnels, a évo- demande si la bonne solution est qu'un même lieu
lué. Il en va de même pour le collectif, autrefois cherche à prendre toutes les réponses. Prenant
considéré comme limité aux pratiques amateurs ou l'exemple nantais, il explique comment s'est monté
pour les conservatoires, qui donnaient l'impression, une coordination territoriale entre un lieu de diffusion,
avec la création des diplômes, de vouloir rattraper le "Trempolino” et une école de musique. Chacune des
train de la formation dans les musiques actuelles. structure est indépendante mais dans le même
Or avec ce colloque, on a eu du mal à différencier les temps, elles génèrent ensemble une vision cohé-
intervenants en fonction de leur provenance de rente à travers la mise en réseau de compétences
structure, ce qui est intéressant. Il en découle peut- complémentaires les unes des autres. Il estime que
être alors un nouveau problème : la diversité des la notion de survie n'est pas neutre et que si les
structures ne semble plus être justifiée. conservatoires prenaient tout (ce qui n'est plus d'ac-
En réponse à Pascal Nicolas Le Strat, Philippe tualité aujourd'hui, précise-t-il) les autres structures
Gauthier estime qu'il faut différencier l'image que ne pourraient réagir.
développent les villes et ce qu'elles sont réellement.
Prenant l'exemple de sa ville, Nantes, il estime qu'il Bertrand Dupouy, de l'ARA à Roubaix tient à mettre
n'y a pas à Nantes un musicien de musiques actuel- un bémol concernant les représentations des musi-
les qui exerce a plein temps. ciens : ceux qui font 12 concerts par an et gagnent
leur vie en donnant des cours parlent avant tout de
- Selon René Gonzalès, chargé de mission " leurs concerts. Pour qu'ils prennent conscience des
Musique et Danse " dans le Tarn, une évolution est enjeux et de l'intérêt de la formation, Il faut qu'ils puis-
nécessaire. Des lieux alternatifs existent mais quelle sent participer à des échanges, à des discussions.
raison peut pousser à la mutualisation des moyens ? Faisant référence aux apports de Gérard Authelain,
Les pouvoirs publics ne répondent pas toujours de Bertrand Dupouy pense que le musicien doit sortir de
manière adéquate son statut d'ouvrier spécialisé lorsqu'il intervient dans
une école, et intègre un projet qui n'est d'abord pas
Patrick Vogel, formateur encadrant de studios de le sien. Il doit devenir partenaire.
répétitions, a parfois l'impression qu'on réinvente
des choses qu'on connaît déjà. L'important est de Frédéric Voyer, chargé de mission "musiques actuel-
sortir, face aux apprenants de la conception de la les" à l'ADDM Hautes-Alpes,se demande jusqu'à
"case vide", qu'on devrait remplir. L'idée n'est pas de quand on va "charger la barque" des différentes com-
"remplir des cases" mais de réaffirmer qu'on est pétences, missions, dossiers ou tâches que chacun
dans un processus. doit remplir dans le secteur des musiques actuelles.
Il réaffirme qu'on ne doit pas tout apprendre aux
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musiciens. Pourquoi leur donner autant de "casquet- impliquées les présupposés qu'elles mettent à leurs
tes" ? Il semble y avoir un problème de définition des actions.
fonctions.
Michel Hubert constate avec regret la méconnais-
Michel Hubert, du CEFEDEM Pays de la Loire, sance du milieu professionnel de la musique qu'ont
pense que ce qui fait problème dans les métiers de les étudiants. Ils envisagent les cours individuelle-
la formation musicale, c'est qu'on se prive des ment et n'anticipent pas qu'ils seront un jour dans
méthodologies d'analyse qui existent ailleurs. une relation de salariat. Or il y a de nombreuses évo-
lutions dans l'accompagnement et les écoles. Des
Pour Pascal Nicolas Le Strat, des logiques de finan- précisions et des éléments de réflexions sur les
cement et d'intégrations existent avant tout dans les métiers peuvent être trouvées sur le site Internet :
grandes villes, comme réponse aux demandes des www.Arcade-paca.com.
classes moyennes. S'il y a constitution d'une force
de travail (notamment par l'intermittence), il y a un En conclusion, Gérard Authelain retient d'abord qu'il
silence, une précarisation. Ce qui est troublant dans faut éviter la "ghettoïsation" dont parle Philippe
les mondes artistiques, c'est qu'on continue à travail- Audubert. Il estime qu'un débat moins passionnel et
ler même lorsqu'on n'est pas payé. D'autre part, on passionné serait une bonne chose. Il émet l'hypo-
est en formation professionnelle continue. Des thèse qu'un débat plus large que les préoccupations
mesures, notamment de coordination, sont donc premières qui réunit l'assemblée pourrait être
nécessaires. constructif.
Il précise enfin que, dans l'enquête qu'il réalise sur
ATELIER 4
Thierry Duval, du CRY à St Germain en Laye reven- les jeunes publics, certaines certitudes sont remises
dique un travail collectif. Il y a des pratiques différen- en cause, d'où l'intérêt des questionnements. Il réaf-
tes, on le sait. Il faut donc un travail d'expertise un firme que la "théorie de la case vide" est dangereuse.
peu œcuménique. Il faut demander aux personnes Il faut donner la possibilité à l'apprenant d'être actif.
1 - Authelain Gérard, La formation des musiciens pour le développement de la pratique des musiques actuelles, Paris, Rapport pour le
Ministère de la Culture et de la Communication, 1997
2 - EMMEN (European modern music education network), Glossarium, www.emmenet.org
3 - Comme cela a pu être amorcé par le CEFEDEM Rhône Alpes en mars (" Education permanente, action culturelle et enseignement :
les défis des musiques actuelles amplifiées ", Enseigner la Musique, Cahiers de Recherches du Cefedem Rhône-Alpes et du Cnsmd Lyon)
ou lors de ce colloque.
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"Carrières d'artistes : Quelles formations ?"
Contributeurs
Philippe ALBARET, directeur du COACH (Conseil Accompagnement des Chanteurs et
des groupes)
Carole ZAVADSKI, déléguée générale CPNEFV-SV (Commission Paritaire Nationale
Emploi Formation du Spectacle Vivant)
Christian BORDARIER, directeur artistique Wagram Music
Frédéric VILCOCQ, conseiller régional d'Aquitaine, délégué aux cultures émergentes et
délégué de l'ARF- concertation nationale musiques actuelles
Pour introduire cet atelier, Laurent Bayle a souhaité sertion professionnelle. Nous ne pouvons garantir un
recentrer le débat autour de la notion de "carrières emploi à l'issue des formations".
d'artistes" : qu'est-ce qu'une carrière ? L'objectif de l'employeur (on devrait dire l'addition
Se qualifie-elle par sa durée ? Son homogénéité ? d'employeurs) est ailleurs : c'est un privé qui engage
Sa capacité à rebondir par l'addition d'activités péri- des moyens importants sur un artiste auquel il croit et
phériques à la seule interprétation ? non un artiste qu'on chercherait à lui "placer". C'est à
Comment s'y prépare-t-on ? Quelles formations peu- l'artiste de trouver ses débouchés.
vent contribuer à sa réussite ? Est-on capable de En revanche, nous avons tous de plus en plus besoin
qualifier les besoins ? Ces besoins croisent-ils les de "structures pédagogiques" pour préparer et infor-
propositions actuelles ? mer l'artiste sur les aides et les partenaires existants
Quels sont les liens entre la formation et les autres (aides publiques, réseaux de salles, organismes par-
pans de notre activité (spectacle vivant, industries, …) ? tenaires, …) et l'accompagner dans ses démarches.
Précisant pour conclure son introduction, que ces
questionnements nous conduiront sans doute à pré-
ciser d'autres notions telles que : qu'est-ce qu'un Philippe Albaret s'est ensuite efforcé de répondre "de la
artiste ? Qu'est-ce qu'un professionnel ? façon la plus simple" à quelques questions initiales :
Dès le début de son intervention, Philippe Albaret, 1) C'est quoi les métiers des M A ? On peut les résu-
premier intervenant, a posé un constat, plutôt encou- mer en 6 verbes : jouer, chanter, écrire, composer,
rageant : "il y a 10 ans, la notion de formation était réaliser (en studio et sur scène), enseigner.
bannie du langage des artistes au nom du récurrent Ils n'interdisent pas d'autres activités annexes au ser-
: un artiste, ça se forme sur les tas !". vice de ces 6 activités fondamentales.
Aujourd'hui, le discours est tout différent : ce sont les
artistes, et pas seulement les jeunes artistes, qui 2) C'est quoi une carrière ? C'est un parcours fait de
demandent de la formation. croisements où s'imposent des choix, de moments
Dans la foulée, Philippe Albaret a souhaité "tordre le où l'on a besoin de se ressourcer. Les structures
cou" à une idée reçue : "ne nous faisons pas croire pédagogiques sont là pour accompagner les artistes
qu'en matière de M A, la formation débouche sur l'in- tout au long de ce parcours, pour les aider à formu-
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ler leurs questionnements, à y répondre et à adapter C'est par une présentation de la Commission
leurs contenus à la variété des demandes. Paritaire Nationale Emploi Formation du Spectacle
Vivant (CPNEF-SV), trop peu connue des profession-
3) Comment prépare-t-on à ces carrières ? nels, que Carole Zavadski a introduit son propos.
"On ne prépare pas, on accompagne !" C'est à l'ar- Il existe une CPNEF pour chaque branche d'activité ;
tiste de formuler ses besoins. La structure de forma- celle du spectacle vivant a été créée en 1993; l'audio-
tion doit être en capacité de l'assister à n'importe visuel vient de créer la sienne et les industries pho-
quelle étape de son parcours. nographiques s'y attellent.
Une intervenante a, ici, demandé que soit précisé de La CPNEF-SV regroupe la quasi-totalité des organi-
quelle formation nous parlons ? Initiale ou continue ? sations syndicales du spectacle vivant soit dix sept
(ce besoin de clarification reviendra plusieurs fois organisations (12 d'employeurs et 5 de salariés),
dans les débats). couvrant les secteurs du théâtre, de la musique, de
Philippe Albaret de préciser que nous parlons bien la danse, du cirque, des arts de la rue, secteurs
de "formation continue, qui suppose acquise, une public et privé. Elle a pour mission d'étudier et de
formation initiale" proposer les instruments propres à assurer le déve-
loppement et la sécurité de l'emploi, d'améliorer sa
4) Comment s'expriment les besoins ? Comment les connaissance, mais également de promouvoir la
croiser avec les offres ? qualification et la formation professionnelle.
Dans leur expression tout au moins, les besoins cor- C'est un lieu de concertation de débats, de réflexions
respondent aux offres, comme si l'existant créait la et de préconisations. Il s'agit en effet, au-delà des
ATELIER 5
demande. On ne peut plus s'en tenir là : nous devons logiques et des spécificités sectorielles, d'aller dans
explorer de nouvelles pistes, faire de nouvelles pro- le sens d'une structuration globale, de définir une
positions, imaginer de nouveaux contenus. Nos politique à caractère transversale. Pour ce faire, la
structures ne sont pas assez en phase avec une pro- CPNEF-SV a instauré des partenariats pérennes. En
fession qui évolue beaucoup et très vite. Il nous faut premier lieu avec les ministères de la Culture du
nous rapprocher et multiplier les échanges avec les Travail et de l'Education Nationale, mais aussi avec
diffuseurs, les producteurs, …. Et de conclure, en l'AFDAS et l'ANPE Spectacle. D'autres collaborations
affirmant : "Oui, la formation est en pleine crois- sont entretenues (CNV, centres de ressources,
sance. Oui, elle doit s'inscrire dans le parcours de INSEE, organismes de formations, acteurs régio-
l'artiste pour l'accompagner au plus près de ses naux, etc.).
besoins. Oui, elle doit affiner ses contenus". Initiatrice du Contrat d'Etude Prospectif du spectacle
vivant, la CPNEF-SV a conduit un chantier important
Dans le bref débat qui s'est instauré, un intervenant visant à améliorer les données statistiques sur l'em-
a insisté sur la notion de durée : "plus la formation ploi : "pour se structurer, il faut être capable de se
est longue, plus la carrière est en mesure de rebon- compter !".
dir". Insistant sur cette simultanéité de la durée (de la Elle a aussi établi une liste des formations diplôman-
continuité) de la formation et de la carrière. tes spécifiques au secteur et vient de lancer une
Après avoir précisé que de plus en plus de deman- étude visant à sécuriser les parcours professionnels
deurs de formation continue ont l'acquis d'une forma- de salariés confrontés à la reconversion.
tion initiale, Philippe Albaret a ré insisté sur le Par ailleurs, elle rend un avis consultatif sur les certi-
moment adéquat de la formation: "il est illusoire de fications qui souhaitent être inscrites dans le
croire à l'utilité de la formation AVANT que l'artiste ait Répertoire National des Certifications
rencontré la scène, le public ; elle ne peut venir Professionnelles.
qu'APRES ces rencontres…initiales et…initiatrices".
Enfin de conclure par un petit cours d'histoire : Pour Carole Zavadski, aborder la question des
Dans nos métiers, la formation est toute jeune ; à besoins de formation, c'est s'interroger sur le lien
peine 50 ans ! La première à en avoir vu la néces- emploi/formation, ou comme le dit l'intitulé de l'atelier,
sité, c'est Mireille et son "Petit conservatoire de la entre "carrières" et "formations". On est dans un sec-
chanson" qui a coïncidé avec l'importation par Eddy teur où le pluriel s'impose car les possibilités de car-
Barclay de la licence du vinyle qui a simultanément rières sont multiples et les profils des salariés très dif-
ouvert deux nouveaux besoins : la rencontre et la dif- férenciés.
fusion. Le tout correspondant, extraordinaire Cependant au travers de l'association de ces deux
aubaine, à l'arrivée de l'argent de poche. Formation, termes, les questions du rôle de la formation sont
diffusion, industrie. Déjà ! posées : la formation professionnelle permet-elle
d'asseoir une carrière ? Quel est l'effet de la forma-
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musicale".
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"Décentralisation et offres d'enseignement"
"Les enseignements artistiques sont un chantier majeur de la décentralisation. La soif
d'apprendre la musique ne sera pas étanchée à la seule source de l'école publique de
musique. De multiples propositions jalonnent le territoire. Comment les Collectivités
Territoriales peuvent-elles objectiver socialement et culturellement les moyens qu'elles
allouent à ce domaine ? Le poids de l'école publique de musique dans leurs politiques et la
pression croissante de l'exigence citoyenne en matière de pratique artistique les obligent à une atten-
tion soutenue aux initiatives privées. Comment dans le cadre de l'organisation décentralisée, les colla-
borations des équipes pédagogiques et structures de formation, quels que soient leurs statuts, peuvent-
elles s'organiser ? Quels outils conventionnels sont à mettre en œuvre? Quels sont les critères d'éva-
luations pour mesurer la pertinence des résultats obtenus et optimiser le développement des actions
? Comment l'offre de formation peut-elle être lisible pour le public ? "
Contributeurs
Yvan SYTNIK, Coordonnateur de la cellule conseil "Enseignements Artistiques &
Territoires"
Bernard DESCOTES, Directeur APEJS, Chambery
Catherine GIFFARD, Sous-directrice des enseignements et des pratiques artistiques à la
DMDTS
David BRUNEL, Rédacteur en Chef LINHA IMAGINOT, carrefour culturel, forum des lan-
gues, Toulouse
Benoît BAUMGARTNER, Directeur du CNR de Rennes
Avant d'aborder la question de la décentralisation et faut échapper au champ magnétique central et créer
de l'offre d'enseignement, David Brunel évoque au d'autres pesanteurs, seule façon d'instaurer un dialo-
travers de l'œuvre de Félix Castan (écrivain occitan) gue de puissance à puissance et non plus de pro-
une théorie de la décentralisation culturelle. Il est dif- vince à Paris.
ficile de réduire sa théorie à quelques mots mais il
pose le principe que "l'idée de décentralisation est L'exercice a, ensuite, consisté entre Catherine
souvent pensée comme un simple déplacement d'un Giffard et Yvan Sytnik à préciser qu'en ce qui
produit culturel, là où l'on souhaiterait participer à un concerne les schémas départementaux d'enseigne-
développement plus interne au territoire concerné". ment artistique, il ne s'agit pas à proprement parler
Or, on pense la décentralisation à partir du centre de décentralisation mais de "mettre en relief les nou-
dès lors qu'il faudrait accompagner cet acte de veaux enjeux liés à l'enseignement artistique au
déplacement d'une "loi qui gouverne sans partage regard de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés
notre vie intellectuelle, notre conception de la cul- et responsabilités locales". Cette loi prévoit que "les
ture, de la philosophie même dans laquelle nous départements adoptent dans un délai de deux ans à
pensons cela"; il faudrait l'accompagner d'une auto- compter de l'entrée en vigueur de la loi un schéma
critique. départemental de développement des enseigne-
ments artistiques dans les domaines de la musique,
"Décentraliser" ça n'est donc pas amener ailleurs ou de la danse et de l'art dramatique”.
plus loin, c'est sortir de la notion de province par le Ce schéma, élaboré en collaboration avec les com-
concept des villes capitales où une créativité perma- munes concernées a pour objet de définir les princi-
nente et pluridisciplinaire alimente un courant de pes d'organisation des enseignements artistiques, en
pensée original, un débat critique. vue d'améliorer l'offre de formation et les conditions
Cette capacité de critique participe de l'idée qu'il faut d'accès à l'enseignement.
faire avancer les arts sous cette critique. Pour que Le département fixe au travers de ce schéma les
cette critique se développe, il faut faire appel aux conditions de sa participation au financement des
militants qui doivent composer avec les moyens qui établissements d'enseignement artistique au titre de
leur sont donnés en se détournant de la capitale. Il l'enseignement initial.
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La Région organise et finance le cycle d'enseigne- Lorsque l'on aborde la question de la formation et de
ment professionnel initial. l'enseignement des musiques actuelles, on doit
L'Etat procède au classement des établissements en d'abord exposer quelques réalités préalables :
catégories correspondant à leurs missions et à leur - la première concerne le fait que les musiques
rayonnement régional, départemental, intercommu- actuelles ont fait leur entrée au sein des écoles de
nal ou communal. Il définit les qualifications exigées musique très récemment, par l'ouverture de départe-
du personnel enseignant de ces établissements et ment jazz et encore plus récemment par l'entrée des
assure l'évaluation de leurs activités ainsi que de musiques actuelles amplifiées.
leur fonctionnement pédagogique. - la deuxième souligne le fait que la formation a été
portée par le secteur de droit privé depuis 30 ans.
La loi implique donc une relation nouvelle entre les L'institution prendra en compte ces enseignements
collectivités territoriales puisqu'elle introduit trois élé- tardivement en créant les statuts et les cadres d'em-
ments : plois adaptés. Seulement 20 CA et moins de 100 DE
- la définition des missions des établissements, sur environ 450 établissements CNSM, CNR, ENM,
- la création d'un diplôme national et non plus des EMMA. Offre multiple où la place de l'initiative privée
diplômes d'établissements, est majoritaire. Autant d'élèves dans les 30 écoles de
- la nécessité de préciser le rôle de chaque collec- la FNEIJMA que dans l'ensemble des établissements
tivité publique dans l'enseignement artistique. publics en MA.
- derrière cet apparent équilibre d'élèves, on trouve
Ce qui impliquera des logiques de concertation nou- une diversité d'offres de formation dans laquelle le
velles entre Conseils Généraux et Conseils public et les élus ont du mal à s'y retrouver. Cette
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Régionaux d'une part, et, d'autre part, des complé- diversité souligne l'inégalité d'accès des élèves à
mentarités entre les établissements et des collabora- l'enseignement et la prise en compte de la complé-
tions entre les établissements et les collectivités mentarité qui pose accessoirement la question du
locales entre elles (et pas forcément avec l'Etat). déséquilibre dans les coûts de formation. On acte
cette situation aujourd'hui et on doit travailler cette
La loi induit l'idée de développement de l'enseigne- complémentarité. Comment cette complémentarité
ment artistique également porté par les Régions peut-elle être pérennisée ?
dans la mesure où ces dernières intègrent le 3ème - à chacune des étapes le secteur des MA doit être
cycle et les plans de formation professionnelle. associé à la concertation à l'analyse et aux proposi-
tions.
Cela posé, cet atelier s'est attaché à préciser les
logiques d'intervention des collectivités territoriales Deux outils juridiques inscrivent la reconnaissance : une
au plan de l'enseignement artistique et Yvan Sytnik a sorte de "label" qui permet une meilleure lisibilité politique et
insisté sur la notion de processus enclenché au tra- pédagogique, repère citoyen dans l'offre de formation et
vers de ces schémas pouvant s'appuyer sur l'outil d'enseignement (une commission par an). Le second est
ressource mis en place par la mission le conventionnement entre les structures publiques
"Enseignement et territoire". L'état des lieux a valeur et privées (Chambéry, Tours, Valence, Avignon/Thor,
d'addition d'expériences, de réflexion collective, Salon de Provence, …).
d'échanges, de débats et de recherche dans cette
diversité de solutions nouvelles. Cette somme d'ex- Le plan de formation continue et la formation initiale
périences concourent à mettre en œuvre une politi- portent des écarts de procédures, de langage et de
que d'aménagement du territoire. cadre d'intervention. L'ouverture des marchés de la
Pour rappel : 24 schémas sont en activité, 5 dans le formation à la concurrence positionne les organis-
domaine de la danse, 1 seul dans le théâtre, 15 mes de formation généraliste (GRETA, AFPA…)
départements sont engagés dans une démarche dans le secteur de la formation artistique. Il faut donc
d'état des lieux. se pencher d'urgence sur la question des critères
Cette phase préparatoire à l'écriture des schémas d'attribution des marchés en dehors des agréments
est une étape méthodologique avant l'étape ultime et des budgets en privilégiant les équipes, la pédago-
de le mettre en œuvre sur ses aspects opération- gie, …. Doit-on laisser traiter la formation profession-
nels. nelle comme une marchandise ? Dans le cadre des
schémas départementaux, l'enseignement et la for-
Bernard Descôtes, directeur de l'APEJS de mation obligent à une distinction très claire des
Chambéry, revient sur une question essentielle dans enjeux que posent l'un et l'autre dans la décentralisa-
ces schémas : "quelle place pour le secteur des tion notamment dans le rapport avec l'éducation
musiques actuelles dans la décentralisation et l'amé- artistique, l'enseignement artistique, la formation pro-
nagement du territoire ?" fessionnelle continue.
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Benoît Baumgartner a exposé sur la base des parti- Enfin le débat s'est orienté sur une double question :
cularités territoriales qu'il a rencontrées dans ses - celle de l'articulation des compétences des col-
parcours (Alsace, Savoie et Rennes aujourd'hui), les lectivités territoriales qui ne dialoguent pas entre
principes de collaborations existant autour des éta- elles sur ces nouveaux enjeux.
blissements et avec les différents équipements qui - comment associer les différentes collectivités à
se posent à chaque fois différemment et évitent toute ces schémas ? Comment intégrer les champs artisti-
modélisation. ques, les M A ou d'autres domaines artistiques
Revenant aux enjeux de l'enseignement des musi- comme le théâtre sans heurter personne ?
ques actuelles sur le terrain, il a évoqué trois convic- - se pose aussi la question des transferts de crédits
tions : de l'Etat, mis dans le réseau des "Etablissements
- l'importance de définir les termes que l'on emploie : classés", prévu en fin d'année 2007/2008 après lec-
transmission - accompagnement - enseigner - éduquer - ture des schémas, sans crédit supplémentaire. Jean-
orienter - évaluer. François Burgos rappelle que si la mise en œuvre se
- l'enseignement public ne doit pas s'opposer à fait à partir de l'existant, ceci nécessitera une assiette
l'enseignement privé : ils sont complémentaires et nouvelle : les communes principales financeurs de la
peuvent devenir cohérents - Convention passée culture devront faire face à un nouveau développe-
entre le CNR et une quinzaine d'équipements sur le ment notamment financier dans le cadre du dévelop-
territoire rennais. pement de ces schémas.
- l'échelon territorial (commune, département,
région) est le bon pour impulser des politiques En guise de conclusion, faut-il souligner que les col-
concrètes au plus proche des acteurs et des réalités. lectivités devront relever le défi de construire rapide-
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"Un projet artistique, culturel et social : l'école dans la cité"
"La place des musiques actuelles progresse dans les politiques publiques. Pour
autant, les promoteurs de ces musiques continuent à interroger le sens à donner à
cette reconnaissance récente et veulent anticiper ses effets sur leurs activités.
Soucieuses de rester en phase avec la demande, les écoles de musiques actuelles,
issues directement d'initiatives du terrain des pratiques où se côtoient très souvent artis-
tes professionnels et musiciens amateurs, affirment leur volonté de continuer à servir le
développement de la musique dans la cité.
En musiques actuelles, le projet artistique et culturel de la structure d'enseignement ne peut être isolé
d'un contexte riche et complexe où se croisent des générations et des populations d'origines sociales
très diversifiées.
Pour nourrir son projet, comment l'école de musiques actuelles s'insère-t-elle dans la vie de la Cité ?
Au plan culturel, social, économique ? Quelles compétences doit-elle développer en terme de par-
tenariats, d'initiatives ? A quel échelon géographique ?"
Contributeurs
Jean PERRIN, Directeur de la culture de la ville de Reims, Président du Conseil d'orienta-
tion du CNV (Centre National de la chanson, des Variétés et du jazz)
Daniel BEAUSSIER, Président de la FNEIJMA, Directeur de l'EDIM
Laurie BLAZY, Coordinatrice du COUAC (Collectif d'Urgence d'Acteurs Culturels de
l'Agglomération Toulousaine)
Edgar GARCIA, Directeur Chroma, ZEBROCK au bahut
Avant de lancer le débat, Alex Dutith, Directeur du y a donc nécessité d'aborder ces questions de patri-
Studio des variétés, précise les contenus des mots moine et de mémoire. Il faut aussi s'inventer un pré-
de l'intitulé de cet atelier : sent. Et il faut essayer d'inventer un avenir.
"Former des gens qui savent qui ils sont, cela
Projet artistique : on parle d'"éducation sensible" et conforte leur identité, cela a une résonance sociale.
ce qui est en jeu c'est le développement des person- Cela permet aussi des expressions collectives, on
nes. L'éducation au sensible n'est pas complètement parle même de tribus, de communautés culturelles".
rationnelle et passe obligatoirement par une expéri-
mentation échangée. Qui dit "expression" dit aussi Projet social : l'école dans la cité a aussi des enjeux
"mise en forme" : mieux s'exprimer, se faire com- sociaux. Alex Duthil a cité en exemple l'enjeu des
prendre, jouer juste sont possibles si l'on maîtrise générations. L'école aujourd'hui n'est pas tournée
aussi comment être sur scène, gérer la relation au que vers les jeunes. On ne donne pas les mêmes
public ou à l'environnement technique. réponses aux jeunes, aux adultes ou aux seniors.
Projet culturel: l'école dans la cité est un projet cultu- Ecole : l'école est obligatoire … ou bien facultative
rel à part entière. Les musiques sont un art de l'éphé- comme une école de musique. Il ne faut donc pas
mère mais peut-être pas plus que d'autres formes oublier que l'école de musique fait "après", "avec", "à
artistiques. Les musiques actuelles sont aussi des côté", mais de toute façon en rapport avec
musiques du patrimoine et de la mémoire et si c'est l'Education nationale. Et probablement pas assez en
évident pour les musiques traditionnelles ou le jazz, rapport avec l'Université. L'enseignement spécialisé
c'est aussi valable pour le rock, les musiques électro. est intimement lié à ce qui se passe dans l'Education
Il y a pour chacune, une histoire liée aux musiques nationale. Il faut penser la complémentarité, imaginer
qui l'ont précédée. On appartient à une famille artis- des ponts entre systèmes d'organisation et cela peut
tique qui a des antécédents à quelques niveaux de prendre une génération voire deux, si on est plus
reconnaissance ou de réalisation où l'on se trouve. Il pessimiste.
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Cité : Il y a une vie musicale avant la formation. Et classique : ainsi, nombre d'écoles de musique du
l'on sait que plus il y aura de lieux de pratique, plus Nord sont issues d'harmonies municipales dont la
il y a aura un accompagnement. Les lieux de diffu- fonction dans la cité était évidente ; or, cela a parfois
sion aujourd'hui cumulent souvent les fonctions de été oublié au profit d'un académisme clos.
formation, de diffusion, de pratique. Il faut penser et Je vais commenter 4 points, tirés de l'intitulé ; l’école
organiser les synergies, analyser les besoins sur les n’est intégrée dans la cité que si elle remplit sa fonc-
territoires. La musique est synonyme de sensibilité, tion prépondérante : être une école digne de ce nom
de fête, mais aussi de lieux de vie collective, de frac- glorieux et millénaire.
tures, de crises. L'école participe à la construction
des personnes, cela influe sur le rapport aux autres, Il faut en effet prendre garde aux dérives socio cultu-
sur leur existence. Vivre en s'assumant, c'est per- relles, aux empilements séduisants de stages,
mettre de vivre ensemble. Pourquoi ne pas viser une concerts, résidences, … qui peuvent masquer un
égalité entre les équipements sportifs et culturels ? vide structurel sur le métier premier de pédagogue.
Il est un outil pédagogique parmi d'autres qui est pour
Après cette mise en bouche et en définitions, l'atelier nous important : le "certificat d'études des musiques
s'est poursuivi avec la présentation de 4 expériences : populaires ; il s'agit bien pour le public jeune, de
savoir "lire, écrire et compter" les musiques qui se
jouent dans la cité.
Daniel Beaussier, directeur de l'EDIM, école installée
à Cachan (94), met en lumière l'échelon géographi- D'autre part, le besoin de réalisation devant un "vrai"
que et les partenariats nécessaires à l'intégration public, outil premier de ce type d'école, nous conduit
ATELIER 7
d'une école dans la cité. à être présents dans la cité : ouvrir ses portes, porter
sa musique sur d'autres lieux.
La fonction sociale (éthique) de la musique est extra-
Edgard Garcia, directeur de "Chroma", association ordinaire. "Un orchestre qui sonne, disait Wayne
de Seine-Saint-Denis, présente l'opération "Zebrock Shorter est un très bon exemple de démocratie réali-
au bahut”, ou comment et pourquoi introduire les MA sée" : des règles très fortes acceptées par des parti-
dans les collèges ? cipants libres et accueillants, ou qui le deviennent.
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Notre cycle jeune est passe en 4 ans de passer de sans doute permis cette disponibilité dans tous les
30 à 180 élèves. domaines (subventions, stages, accompagnement
La culture rythmique des enfants de la ville a fait un de groupes, travail avec les festivals, "Sons d'Hiver", …).
bond énorme. Notre DEM Jazz se fait en collaboration avec l'ENM
de Bourg La Reine/Sceaux, située dans les Hauts de
La Cité : quel échelon géographique ? Seine, et nous poursuivons certaines actions avec ce
L'école FNEIJMA est souvent, par essence et néces- département.
sité, régionale. C'est le fruit d'une rareté à ce jour qui 5. Les autres paramètres : au-delà de ces échelons
ne devrait pas durer car pour le public jeune, essen- traditionnels, la ligne de RER B reste concrètement
tiellement de proximité, je reste convaincu qu'une un outil de rayonnement efficace bien que totalement
école de MA dans chaque ville est une "évidence informel. C'est une réalité fondamentale d'une école
démocratique". dans une grande ville, surtout pour le public jeune
Il faut enseigner d'abord la musique que les gens dépendant des transports collectifs.
écoutent, puis les emmener sur d'autres chemins. Le 6. La Région Ile de France : partant de pratiquement
décalage entre le répertoire joué par les adolescents rien, on constate depuis 1998 une forte montée en
en conservatoire et ce qu'ils écoutent reste un non puissance : plan de formation régional, aide à l'inves-
sens pédagogique absolu et néanmoins durable. tissement, mise en réseau. Ce partenaire s'avère
L'EDIM est une école en Ile de France, avec une prioritaire pour la formation professionnelle.
spécificité forte, vu le centralisme français encore 7. Le niveau national : au-delà du recrutement d'élè-
très vivace et le syndrome de mégalopole. La ville de ves sur le territoire national, notre quotidien national
Paris reste peu accessible pour la pédagogie publi- est surtout représenté par les multiples actions struc-
ATELIER 7
que, sans parler du secteur de la diffusion qui n'a turantes de la FNEIJMA qu'il serait trop long d'énu-
souvent que mépris pour le travail de terrain. C'est mérer ici.
au mieux une recette pour remplir les salles avec un 8. Le niveau international : cet échelon est certes
public captif. Les villes de proche banlieue sont man- encore embryonnaire mais on retrouve les deux élé-
gées par l'impact médiatique de Paris. ments du niveau national : une fédération euro-
péenne d'écoles (EMMEN) et des élèves de tous
Cependant des niveaux appropriés existent que pays (Corée, Colombie, Europe, ...) amenant leur
l'EDIM s'attache à développer et entretenir. Le culture et histoire.
recours à tous ces échelons est un gage d'enrichis-
sement de compétences et aussi la certitude de ne Quelles compétences doit-elle développer en terme
pas être trop dépendant des revirements toujours de partenariats d'initiatives ?
possibles de tel ou tel partenaire. Cette vision large Adaptabilité, innovation, acceptation de la concur-
et concrète me semble être une clé pour pérenniser rence/émulation, potentiel grand public.
l'école dans la cité. Tout ceci ressemble fort au credo d'une entreprise
1. Le quartier : notre école est voisine d'une maison sur un secteur libéral dans sa réalité implicite ou
de quartier municipale, cela permet des actions de explicite. On a cependant l'obsession d'en faire un
proximité très conviviales. équilibre moral en privilégiant le maintien des équi-
2. La ville : Cachan, lieu principal d'implantation pes, l'optimisation des statuts, ainsi qu'un fonctionne-
depuis 1999 est une petite ville. Le partenariat est ment collectif. Notons enfin la nécessité d'avoir des
positif, mais la ville a peu de moyens pour une aide partenaires complices et patients pour un développe-
de fond. ment durable (notre ENM partenaire est celle de
3. La communauté urbaine du Val de Bièvres : cet Sceaux/Bourg La Reine suite au refus de celles des
échelon est de toute évidence plus adapté à notre villes d'implantation initiale : Antony et Cachan mal-
rayonnement de base. Cette entité est cependant gré pour cette dernière une envie réelle limitée par un
récente et si le public de l'école y est très présent, la manque de moyens).
construction d'un partenariat durable prendra du
temps.
4. Les départements partenaires : Hauts de Seine et Edgard Garcia, directeur de "Chroma" présente
Val de Marne. l'opération " Zebrock au bahut ", une approche musi-
L'EDIM a travaillé pendant 14 ans avec le Conseil cale au collège.
général des Hauts de Seine puis depuis 6 ans avec La musique est la première pratique culturelle des
celui du Val de Marne. jeunes, dans une société qui connaît une musicalisa-
Dans ce département, nous avons rencontré immé- tion croissante, mais reste peu mélomane. A partir de
diatement une volonté de partenariat forte pour des ce constat, je propose de modifier le point de vue.
actions de fond ou ponctuelles. L'arrivée de nou- S'attacher à "la reconnaissance des musiques
veaux responsables, en même temps que nous, a actuelles par les pouvoirs publics", n'est-ce pas
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d'abord travailler à ce que la société prenne la juste à chaque élève auquel est demandé un travail per-
mesure de la place qu'y occupe la musique, et sonnel de chronique, parodie et d'expression libre à
notamment de ce qui se joue dans le rapport massif partir des chansons choisies. Le parcours est rythmé
et intime que nouent les jeunes avec elle ? de conférences en classes et de travaux dirigés. Il
comporte également (moment essentiel) une rencon-
La musique, particulièrement les musiques populai- tre avec un artiste ou un groupe, en résidence dans
res, sont une formidable entrée en culture. un lieu de musiques actuelles, que les élèves retrou-
Massivement et immédiatement disponible, la musi- vent dans un concert final exceptionnel (Thomas
que rythme les étapes de l'adolescent. Il y trouve Pitiot, Zebda, Dgiz, les Ogres de Barback…).
et/ou enrichit des éléments constitutifs de sa person- En 2005, 1300 élèves issus de 62 classes ont pris
nalité (les attachements dont parle le sociologue part à l'action. Elle repose sur des enseignants parti-
Antoine Hennion) et, souvent, leur prolongement culièrement investis qui en assurent le déroulement
dans d'autres domaines du savoir et de la connais- tout au long des six mois que dure le projet. L'équipe
sance. Elle fournit des codes, propose des rites, de "Zebrock au bahut" (deux conférenciers et une
accompagne des initiations et des expériences indi- coordinatrice) est présente environ 8 heures par
viduelles et collectives. Elle est présente de façon classe. Episodiquement, des rencontres sont organi-
souvent décisive (et sensuelle) dans la découverte sées entre les élèves et des artistes dont ils" étu-
du corps, de son propre corps. dient" les chansons (Jean Ferrat, Béruriers Noirs,
Charles Aznavour, Têtes Raides, Camille, Jeanne
Faire ces constats fonde-t-il la nécessité, une légiti- Cherhal…).
mité de l'intervention publique ? Oui. Principalement
ATELIER 7
du fait que "soigner" cette entrée en culture et cette L'essentiel de l'action se déroule sur le temps sco-
découverte de soi et des autres est une affaire capi- laire. Elle permet un investissement original du fran-
tale pour le monde des adultes et, partant, pour la çais et de la poésie, la familiarisation avec des for-
société. Des individus riches de leurs connaissan- mes musicales peu diffusées, la rencontre avec un
ces, doués d'esprit critique et de curiosité, c'est le patrimoine exceptionnel et des artistes d'aujourd'hui,
fondement d'une "démocratie cultivée", qui me sem- vus et entendus dans une posture de travail. Cette
ble dépasser les concepts de "démocratie et démo- action culturelle permet à des adultes assumant un
cratisation culturelles". Face à de tels enjeux, nous devoir de transmission de nouer une relation origi-
mesurons tous les limites, vite atteintes, des logi- nale avec des adolescents. Elle conduit à mesurer
ques marchandes. que ces derniers sont bien plus disponibles que ne le
laissent supposer les lieux communs stéréotypés
Quel mode pour l'intervention publique ? Ne diri- (nombreux et étouffants quand il s'agit de jeunes de
geant pas une école de musique, je me limiterai à banlieue). Elle met à jour des phénomènes de trans-
pointer l'action culturelle, c'est-à-dire l'ensemble des mission dans le cadre familial ou amical qui mar-
initiatives et des compétences qui concourent à la quent et structurent les univers musicaux des adoles-
rencontre des créateurs et de leurs œuvres avec le cents, bien plus que ceux-ci ne le disent de prime
public. Le cadre scolaire est pour cela un cadre pri- abord. Enfin, elle offre un socle pour un travail régu-
vilégié : lier de conquête des publics dans les lieux de musi-
- Le collège (ou, dans une autre mesure, le lycée) que, en familiarisant avec l'univers du concert, de la
est un lieu de mixité géographique, urbaine, sexuelle musique en direct.
et sociale.
- Le cadre "contraignant" est favorable au travail Les moyens dont est doté "Zebrock au bahut" sont
(sans lequel il n'y a pas d'acquisition), modestes : équivalent de deux postes (dont un poste
- Les élèves font preuve d'un insatiable appétit de de coordinatrice emploi-jeune, donc à l'avenir incer-
connaître et comprendre. tain) répartis sur les conférences en classe, le suivi
en classe et les concerts et répétitions auxquels par-
"Zebrock au bahut" : c'est un parcours proposé ticipent les élèves. Le projet étalé sur 6 mois, ne
depuis quinze ans aux élèves de Seine Saint-Denis reçoit à ce jour -c'est à préciser- aucun soutien finan-
et de quelques établissements des départements cier de l'Education nationale.
voisins, reposant sur un choix de 20 chansons par-
courant cinquante ans de patrimoine musical, articu-
lées autour d'un thème ("je fais c'que j'veux, belles et Laurie Blazy présente ensuite le COUAC (Collectif
beau, un monde meilleur, ensemble, …). Un CD et d'Urgence d'Acteurs Culturels) de l'agglomération
un livret réalisés par nos soins présentent chansons, toulousaine, qui réunit une cinquantaine d'acteurs -
créateurs et contextes, à quoi s'ajoutent un volet de personnes morales et personnes physiques - et tou-
ressources documentaires et lexicales. Ils sont remis tes les expressions artistiques, de la musique aux
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arts plastiques en passant par la littérature. dehors de l'implication des collectivités territoriales.
Dans l'état des lieux qu'il a réalisé et communiqué à Ces dernières ont commencé à répondre comme
l'agence ABCD, chargée de l'établissement du souvent, en institutionnalisant. Cela a donc généré
schéma culturel d'agglomération, le COUAC démon- un début de concurrence avec le Conservatoire
tre que, d'une certaine façon les initiatives privées et National de Région, qui comme on le sait, est financé
associatives, ont dans l'ensemble répondu aux à 90% par la ville. Pour information, le CNR de Reims
besoins. Dans une étude prospective en cours de réunit 120 profs pour 1600 élèves et dispose d'un
réalisation, il s'efforce de mettre en avant les complé- bâtiment neuf fonctionnel. Avec 4 0000 000 € de bud-
mentarités entre équipements, entre pratiques ama- get annuel, c'est l'un des plus gros budgets de la
teurs et création professionnelle, la circulation des ville. Son lobby est installé, le service qu'il rend est
publics et les aménagements. repéré, labellisé.
la fois répondre aux urgences des porteurs de pro- aura pas de gros moyens pour le développement de
jets en difficulté et installer les choses dans le temps. nouvelles structures. Ces collectivités préféreront
agir sur le développement, la coordination et la mise
Elle présente ensuite l'évolution représentative de en réseau, voire sur la recomposition de l'offre pour
deux emblématiques 'conflits démocratiques" toulou- mieux répondre à une demande très segmentée. Les
sains. services culturels des collectivités s'efforcent d'aider
Depuis 8 ans, Mix'art Myrys, une friche artistique des chaque institution à trouver sa place, son territoire,
"nouveaux territoires de l'art" occupait l'ancienne sa fonction. L'intérêt public est dans cette mise en
préfecture de Toulouse ; elle va s'installer dans un cohérence pour répondre à la demande et à la cohé-
autre lieu, mi-juin, avec un projet transversal, une sion sociale (comme s'il n'y avait pas une dimension
mise en réseau de compétences et tout le processus sociale dans la prise en compte des pratiques de
création - diffusion. musiques actuelles !), car il y a concurrence sur les
budgets.
L'usine JOB : les anciens salariés de l'usine de On sait par exemple que les fédérations de sports ont
papier se sont battus pendant plusieurs années pour depuis longtemps fait pression pour les équipements ;
contribuer à la transformation de ce quartier, puis ce n'est pas le cas dans le domaine musical ou alors
pour que le " château " (bâtiment central) abrite une pour les musiques savantes.
école de musique, c'est-à-dire un projet de vie et non
de mémoire. Les habitants deviennent grâce à cette La Cartonnerie : il y a 15 ans, des militants ont récu-
volonté "coproducteurs urbains" ; ils participent aussi péré une friche, l'Usine, qui s'impose par la qualité, la
à la réduction de la fracture entre l'art et la cité dans réussite de son projet et qui convainc la collectivité
un bel exemple de démocratie culturelle locale. (travaux, mise aux normes, …) malgré un rejet col-
lectif par le quartier.
Aujourd'hui, l'ouverture d'un lieu de diffusion avec 2
Jean Perrin, directeur de la Culture de Reims et pré- salles (1200 et 400 places) configurables facilement,
sident du conseil d'orientation du CNV, présente des services, des équipements et des moyens (répé-
brièvement quelques réflexions de la part d'un tition, apprentissage, 3 bars, lieux de ressources, for-
"généraliste de la culture, qui fait l'interface entre les mation) témoigne du bien fondé et de l'ancrage de ce
acteurs et les élus". projet. On réinvente un lieu de culture populaire, "cul-
D'après lui, tout le monde est malmené ou a l'impres- ture jeune", "une MJC ?". Du coup au CNR, nous
sion de ne pas compter assez ; il y a donc bagarre avons recruté un directeur avec un projet d'établisse-
sur les budgets ; il faut être présent, partout, tout le ment ouvert sur les publics et la cité. Il faut en effet
temps. se connaître pour inventer et mettre en place des
partenariats. Le conservatoire a la chance d'avoir été
Sur Reims, les musiques actuelles ont été au départ conçu sur d'autres logiques que la séparation public
"une affaire de militants" ; le secteur s'organisait en / privé, comme dans le théâtre.
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Contributeurs
Ruth JAKOBI, European Music Council, Bonn
Roland PFEIFFER, Jazz und Rock Schule, Freiburg
Bernard DESCOTES, Vice-président de EMMEN, European Modern Music Education Network
Abrégés utilisés
ADDA : Association Départementale de Développement Artistique ; ADDM : Association Départementale de
Développement de la Musique ; AFDAS : Fonds d'Assurance Formation des Activités du Spectacle ; ARF : Association
des Régions de France ; CA : Certificat d'Aptitude ; CCS : Caisse Congés Spectacle ; CDI : Contrat à Durée Indéterminée ;
CEFEDEM : Centre de Formation des Enseignants de la Musique ; CNR : Conservatoire National de Région ; CNSMD :
Conservatoire National Supérieur Musique Danse ; DE : Diplôme d'Etat ; DEM : DEM (Diplôme d'Etudes Musicales) ; DMDTS :
Direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles ; DUMI : DUMI (Diplôme Universitaire de Musicien
Intervenant ; EMMA : Ecole Municipale de Musique Agréée ; ENMD : Ecole Ntionale de Musique et Danse ; FM :
Formation Musicale, Ex-solfège ; FNCC : Fédération Nationale des Collectivités pour la Culture ; SMAC : Scène de
Musiques Actuelles.
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c o n c l u s i v e
P l é n i è r e Marie Thérèse François - Poncet, Vice-Présidente d'honneur de la FNCC
"Restez vous-mêmes, mais attention à l'instrumentalisation !”
- 2 - Il me semble qu'au cours de ces deux journées, les bonnes questions ont été posées.
Toutes les problématiques autour de ces musiques ont été considérées, et les compte ren-
dus d'ateliers qui ont été faits par les différents rapporteurs, démontrent 4 choses : l'ouver-
ture de ce secteur ; sa diversité ; sa maturité, mais aussi sa complexité.
- 4 - En dernier lieu, je parlerai de quelque chose qui n'est pas encore rendu public : j'ai
eu entre les mains le schéma d'orientation de l'organisation pédagogique de l'enseigne-
ment de la musique, après les schémas de 1984, 92, 96 et 2001. Je vais vous prendre
quelques termes qui sont employés dans ce schéma :
On va prendre en compte "la transformation de notre époque" ; on parle de "public impré-
gné par des formes émergentes"; on fait allusion au "relatif enfermement des lieux d'édu-
cation musicale"; on parle de "parcours plus souples", on évoque des "priorités à donner
à des démarches liées à l'invention et à l'improvisation", …. Je dois dire que ces termes
étaient impensables, il y a quelques années. La tonalité du document est profondément
différente et c'est d'autant plus intéressant que cela se passe à un moment où il y a un vrai
relais de génération, où il y a donc un autre corps enseignant qui va apparaître dans notre
enseignement spécialisé de la musique ; des enseignants qui ont, pour beaucoup, connu
vos musiques, même si à un moment donné ils les ont abandonnées, pour prendre des
parcours plus classiques.
conclusive
Plénière
Mais il y a un point à prendre en compte : cette réunion s'est passé aujourd'hui, "entre
vous", sans les élus. Or, dès que vous parlez formation et éducation, vous demandez des
financements publics ; vous avez donc à affronter les élus. Et, comme beaucoup, voire
plus que d'autres, vous avez du mal à entrer dans une logique d'élus.
Permettez-moi maintenant de m'exprimer comme une élue : mes propos vont être plus
polémiques. Comment les élus, dans leur ensemble, réagissent aux musiques actuelles ?
1 - Je crois qu'en fait, les musiques actuelles ne sont pas encore entrées, dans ce que
Monsieur Aillagon a appelé "le champ convenu de la culture". Je crois qu'il faut l'accepter
comme une donnée qui est réelle. Il faut voir que ce "champ convenu de la culture" est
dans une logique d'excellence, de rationalisation, de critères souvent fixés à l'avance, où
n'entrent guère en ligne de compte ce que peuvent être les publics ou la population.
Et c'est une sorte - je vais être très sévère - d'estimation autoritaire de la qualité ; on le voit
très bien dans le régime des subventions, en particulier dans le spectacle vivant, où c'est
très souvent le fait d'experts qui décrètent que telle scène plutôt qu'une autre a des rai-
sons de voir ses subventionnements publics augmentés ou accrus, sans que pour autant
on prenne une véritable réflexion sur ce qu'est "un rayonnement humain". Il y a une sorte
de déshumanisation, dans la manière dont on aborde nos politiques culturelles.
- 2 - Les musiques actuelles sont dites "populaires". Pardonnez-moi d'être encore polémi-
que, mais dans une conception, je dirais "bourdivine" de notre société - pour ne pas dire
"bourdieusiène" -, vous êtes en bas d'une hiérarchie. La réalité artistique est dans une cer-
taine mesure, beaucoup plus contestée.
- 3 - Les musiques actuelles sont l'expression de la jeunesse. Alors que dans beaucoup
d'autres pays, jeunesse signifie "espoir" et "renouveau", chez nous, elle a plutôt le sens
d'"éphémère", par conséquent … on en fait peu de cas.
- 4 - Enfin, dernière réflexion : les musiques actuelles, sont venues de partout, elles sont
afro-américaines ou américano-africaines, comme vous voulez, mais, elles sont venues
d'ailleurs et ne font pas partie de cette fameuse exception culturelle hexagonale. Or, que
nous voulions ou non, nous tenons beaucoup à notre exception culturelle hexagonale.
Je suis ici quelque peu polémique et je suis persuadée que beaucoup d'entre nous contes-
teraient cette réflexion, mais je crois que quand on voit la difficulté qu'ont eu les musiques
actuelles à s'imposer dans le champ culturel français, on peut penser que de manière
sous-jacente, ces quatre réflexions existent.
Peut-être sommes nous aujourd'hui dans un autre temps parce que nous, élus, nous nous
sentons dans une relative impasse, et que nous sentons, par ailleurs, une nécessité d'ou-
verture et de changement, et que ces musiques peuvent représenter un champ important
de politique culturelle publique ?
A l'opposé de Marie-Thérèse François-Poncet, je vous dirais "ne restez surtout pas vous-
mêmes", car si vous restez vous-mêmes, dans 5, 10 ou 15 ans, nous nous reposerons la
même question, à savoir l'attente d'une véritable reconnaissance institutionnelle.
Car la reconnaissance réelle par les collectivités locales passe par une inscription dans
des dispositifs financiers intégrés à nos règlements d'interventions. Cette inscription est la
seule qui puisse donner une légitimité et reconnaître une valeur artistique aux musiques
actuelles.
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conclusive
Plénière
En effet, au-delà des simples discours d'intentions, que certains élus sont capables de
tenir régulièrement, si vos actions ne sont pas inscrites dans ces dispositifs, vous n'exis-
terez pas ; donc il n'y aura pas de réelle reconnaissance ; il y aura eu marché de dupes.
Depuis 10 ans, il y a certes eu une évolution des politiques publiques culturelles, accom-
pagnée d'une augmentation importante des financements, aussi bien de la part de l'Etat
que des collectivités locales. Ce début de légitimation est le fruit combiné d'un volonta-
risme politique issu du changement politique de 1981, mais également d'une obligation de
prise en compte des réalités des pratiques culturelles des français, des citoyens qui recon-
naissent ces esthétiques musicales comme étant les leurs.
Aujourd'hui la pratique des Français est donc plus tournée vers ces esthétiques peu recon-
nues, "non valides institutionnellement" que vers les "arts institués". Face à cette situation,
il va bien falloir que nous, élus, engagions un rééquilibrage plus que nécessaire, et bri-
sions cette hiérarchisation des arts, à moins de rester dans une impasse culturelle, ampli-
fiant ainsi un phénomène d'exclusion de la vitalité des "émergences culturelles", en main-
tenant une coupure symbolique entre art cultivé et musiques actuelles.
Mais attention, lorsque l'on est dans une impasse qui minore des pratiques culturelles
majoritaires chez nos concitoyens, on peut se faire rappeler à l'ordre par les populations.
Cela, c'est un discours que les élus arrivent à entendre, puisque l'on agite la sirène élec-
torale.
Dans quel contexte se déroule ce colloque ? Nous sommes dans une année historique,
comme l'indiquait Jean-Pierre Saez en ouverture : concertation nationale, FORUMA, pro-
fusion de colloques, de journées d'études nationales et territoriales autour des musiques
actuelles se succèdent chaque mois, et votre rencontre professionnelle s'insère parfaite-
ment dans cet ensemble et démontre bien l'enjeu pour les musiques actuelles en 2005.
Depuis septembre 2004, une concertation nationale s'est mise en place à la fois de l'ini-
tiative du ministère de la Culture, sous la "haute autorité" d'André Cayot, et de l'ensemble
des opérateurs et fédérations représentatives des musiques actuelles.
Comme élu régional, je ne cache pas ma satisfaction de pouvoir représenter l'Association
des Régions de France au sein de cette concertation. Car si nous sommes dans une
phase difficile de tension entre les régions et l'Etat, sur un certain nombre de points
concernant la décentralisation, je reconnais volontiers que dans le cadre de la concerta-
tion nationale pour le développement des musiques actuelles, tout se passe correctement.
La concertation est réelle.
Notre réflexion avance au fur et à mesure, et je souhaite que l'on débouche dans les
semaines qui viennent, lors du FORUMA à Nancy, sur une signature engageant cette fois-
ci un peu plus l'Etat, les collectivités locales et l'ensemble des opérateurs des "musiques
actuelles amplifiées", il y en a même qui rajoute "populaires".
Une fois ce schéma de développement signé, nous engagerons alors au sein des territoi-
res les plus pertinents (est-ce-que ce sera la Région, l'inter- Région ?), un travail d'ana-
lyse de diagnostics, d'évaluations permettant de définir des objectifs de développement et
de contrats pluriannuels de financement pour le secteur. Sachez toutefois que ce territoire
pertinent, nous le déterminerons ensemble, en fonction de la réalité des musiques actuel-
les du dit territoire.
Ce qui importe donc, c'est que nous ayons ces lieux de concertation qui puissent débou-
cher sur des inscriptions concrètes dans nos dispositifs régionaux, départementaux inter-
communaux. Nous devrons mettre de la cohérence dans nos choix entre collectivités ter-
ritoriales. Les dispositifs n'existent pas toujours, et quand ils existent, ils leur arrivent d'être
en opposition. Nous savons tous que des champs entiers de la création sont financés par
tout le monde, et d'autres parties du champ de la création ne perçoivent strictement aucun
financement ! Or si l'on prend par exemple la carrière d'un artiste, de son émergence
jusqu'à sa professionnalisation, c'est un chemin qui est long et qui nécessite de l'accom-
pagnement lors de chacune des étapes. Il faut donc que les collectivités publiques, état et
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collectivités territoriales, soient présentes de façon cohérente et concertée.
Sur le reste du champ, je le répète, c'est de volontarisme politique dont nous avons besoin
et j'insisterai absolument auprès de mes collègues, élus régionaux, pour que ces esthéti-
ques soient véritablement prises en compte. Dans cette période de concertation vous
devez nous bousculer, car nous sommes trop peu nombreux aujourd'hui, en tant qu'élus
à vouloir soutenir ce secteur.
Celui-ci a besoin, au-delà de sa reconnaissance, d'argent, de dispositifs qui inscrivent le
financement de vos actions. Toutefois les seuls financements des Régions ne suffiront
pas. En Région, les budgets culture représentent 2 à 8 % des budgets globaux, et ceux-
ci sont souvent inférieurs au seul budget culturel d'un département. Mais en ajoutant l'en-
semble des financements, État et collectivités territoriales, avec cohérence, nous aurons
fait un grand pas. Nous aurons également besoin de l'Europe et de ses financements pour
nous accompagner sur ce champ des musiques actuelles ; je le dis fortement en cette
phase pré-référendaire.
Si cette période est cruciale, elle requiert une solidarité entre les opérateurs, les élus et
l'état. Une solidarité qui ne gomme pas nos exigences propres mais qui génère une dyna-
mique commune. Rendez-vous donc à la prochaine étape : en octobre, au FORUMA.
Evidemment, avec une telle entrée en matière, vous vous doutez que je ne vais pas res-
pecter le cahier des charges imparti, et que je me garderai bien de tenter ici une "synthèse
générale", exercice impossible, donc, mais également non souhaitable.
Sur l'exercice impossible vous comprendrez que, n'ayant pas le don d'ubiquité, une syn-
thèse générale de type "compte-rendu" n'est pas réalisable.
Du coup, on devra accepter qu'il s'agisse d'un rendu parcellaire, donc allusif et subjectif…
au moins, ce sera assumé.
Mais il s'agit aussi d'un exercice "non souhaitable". Pourquoi ?
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Plénière
Ceci renvoie à la nature même de ce colloque, et du contexte - du moment historique -
dans lequel il se place.
Pendant ces deux journées, nous avons fait "débat". L'objectif est bien celui de l'échange,
d'un enrichissement mutuel, et, par l'identification de sujets communs, d'une manière d'ap-
prendre à être - voire à agir - ensemble.
Il s'agit d'un processus, d'une construction, quelque chose qui doit s'assumer collective-
ment. Si synthèse il y a, elle ne peut être ni fermée, ni unique. Les vrais enjeux sont dans
le fait que chacun puisse avoir matière, après ces deux jours, pour faire sa propre ana-
lyse, sa propre synthèse construisant ainsi la richesse de notre secteur.
Car, le premier constat à faire, - avant même de parler de ce qui s'est dit - est de mesurer
la force de notre rassemblement. Cela restera le premier message, celui que vous retien-
drez, celui que vous rapporterez à ceux qui, dès demain, vous interrogeront : "alors,
Toulouse, c'était comment ?"
La FNEIJMA n'en est pas à son premier colloque. Mais celui-ci se caractérise par l'ampleur
de son ouverture, ouverture dans les thèmes, mais aussi dans les angles et les manières
de les envisager.
Du coup, il est signifiant de noter notre diversité : enseignant(e)s, accompagnateur(rice)s,
diffuseur(euse)s, pédagogues, artistes, élu(e)s, administratifs, universitaires,…. La dispa-
rité de nos origines, de nos positionnements, de nos préoccupations, témoignent d'une
mobilisation réelle autour des questions qu'incarne la Fneijma et, plus largement, les
"musiques actuelles".
Jean-Pierre Saez évoquait cette fébrilité sectorielle dès son introduction, précisant même :
"les musiques actuelles offrent une leçon de chose pour comprendre ce qu'est une démarche
de démocratie culturelle". De même, c'est en sociologue "extérieur" que Nicolas Le Strat indi-
quait : "vos activités sont au cœur du développement des métropoles".
Pour nous, acteurs, ce n'est peut-être pas si nouveau, mais c'est certainement nouvelle-
ment entendu. Oui, nos centres de préoccupation dépassent notre microcosme. Même
"non dit", c'est le principal message porté par ce colloque.
C'est aussi la démonstration d'une maturité de ce secteur et de ses acteurs. Toute syn-
thèse se doit donc d'être multiple et appartenir à chacun d'entre vous. Je ne peux donc
vous proposer qu'une première lecture possible, celle de quelqu'un qui a eu le privilège et
la mission de se promener d'ateliers en ateliers.
Venons-en maintenant à "ce qui s'est dit"… qui, de plus, est dans le prolongement de cette
introduction de contexte.
Une manière de le faire - manière parcellaire et subjective - est de pointer les mots qui sont
revenus de manière la plus récurrente tout au long de ces deux jours. Pas tant les mots
qu'on a répétés, mais ceux que nous avons "investis", ceux que nous avons employés plu-
sieurs fois, à des endroits différents, pour des sujets différents.
J'en ai relevé au moins deux qui permettent de construire un propos, ni analytique, ni syn-
thétique, mais, j'espère, constitutif d'une expression du débat.
Je vous les livre comme tels, ensemble, car c'est ensemble qu'ils font sens. J'en avais
d'autres. Mais, outre une question de temps, il y a, je l'assume en toute subjectivité, des
questions de compétences qui ne permettent pas de les "animer" à leur juste valeur.
De même, on aurait aussi pu pointer les "absents", les mots qu'on n'a pas (ou peu)
employés, ceux qui sont devenus désuets, ceux qui ne font plus "écho".
Bref, dans l'urgence, à chaud, ce sera ces deux-là.
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L'idée n'est pas de les définir. Au contraire, tout leur intérêt vient de leur polysémie, des
Plénière
sens et des "familles" qu'on peut associer autour d'eux.
Il a été le premier des cinq doigts posés par la main pédagogique de Daniel Beaussier sur
lequel a rapidement rebondi Pierre-Olivier Laulanne pour aborder, lui, "la diversité des por-
teurs de connaissances". Mais c'est également ce qu'a évoqué Bertrand FURIC en parlant
de l'offre disponible et de son "carrefour de la diversité", ou encore, dans un autre atelier,
Stéphane Alaux, insistant sur "différentes portes d'entrées… et différentes portes de sor-
ties". On le retrouve dans la bouche de Jean-Charles François : "La transmission fait par-
tie du processus de diversité" ou de Thierry Duval, répondant aux "mondes multiples"
d'Eddy Schepens
Certes, la diversité est certainement un mot-valise. Mais, outre qu'il n'a pas toujours pos-
sédé cette acuité, ça fait quand même une belle valise commune pour pouvoir trier nos
affaires.
Du coup, ces débats permettent aussi que d'autres mots, de même nature, de "faux
contraires", peuvent, doivent être envisagés différemment.
Car il y a d'autres manières d'évoquer la diversité, d'autres mots qui peuvent renvoyer à
ce qu'on met derrière, y compris en l'abordant de manière moins positive. C'est là que ce
colloque fait émerger des contradictions comme le demandait Stephan Le Sagère.
On comprend bien alors que, dans les musiques actuelles, il n'existe pas plus de réponse
unique qu'il n'existe de question unique (Philippe Audubert utilisant même le terme "mono-
lithique").
C'est ce que quasiment tous les acteurs ont exprimé au cours de ces deux journées,
confirmant ainsi ce pré-posé de Jean-Pierre Saez lorsqu'il pointe le besoin de "sortir d'une
sorte de pensée unique de l'enseignement de la musique".
S'il apparaît que ce n'est pas une nouveauté pour les acteurs, il m'a semblé par contre que
cela pouvait en être une pour les politiques publiques. C'est peut-être là qu'il reste à tra-
vailler, à évoluer.
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Plénière
de prise en considération (plus que de reconnaissance) qui réfute aussi bien le mépris que
la condescendance.
"Merci à tous d'être si différents !" comme l'a dit Eddy Schepens.
Bien sûr, on ne peut se contenter d'une telle approche qui pourrait justifier le "joyeux mer-
dier" (pour reprendre une expression des "Béruriers Noirs"… qui n'y ont pas survécu).
Alors que faire ?
Et bien, c'est là qu'intervient le second terme, celui de "valeurs"… et qui, justement, peut
permettre de reconstruire, sur du dur, sur de bonnes fondations.
De fait, la recherche et/ou l'affirmation de VALEURS a été un besoin très fort exprimé par
de nombreux intervenants. Michel Develay avait, d'emblée, fixé une barre très haute,
allant jusqu'à parler "d'éthique", ….
On en a parlé par défaut, comme l'a fait Philippe Gouttes rapportant que : le mot "valeur"
revenant très souvent dans les discours ajoutant "comme si sa seule évocation permettait
à chacun d'éviter d'en expliciter le sens" ou, citant Stéphane Alaux qui "(nous) a parlé de
son raccrochage aux "valeurs" à défendre et à partager, comme si elles étaient des
bouées".
De même pour Carole Zavadski qui les posent en opposition lorsqu'elle évoque les "
employeurs" qui "dans le spectacle fonctionnent selon d'autres logiques, notamment finan-
cières ", …et donc sur d'autres valeurs.
Elles se sont aussi "ancrées" dans une présence concrète, comme l'ont fait Jean-Charles
François lorsqu'il reconstruit la diversité évoquée plus tôt en disant : "Il faut analyser les
procédures de ceux qui se disent autodidactes. Pour reconnaître la diversité il faut avoir
une analyse très précise des procédures qui constituent l'authenticité d'une pratique
autant que des valeurs qui sous-tendent cette pratique" ou Eddy Schepens lorsqu'il inter-
roge : "au fond, ce qui irrigue et détermine toute pédagogie, ce sont les finalités, les
valeurs, l'intention, le geste…. Quel citoyen-musicien veut-on former aujourd'hui ?" ou
encore Nicolas Le Strat lorsqu'il distingue "la professionnalisation (qui) concerne les for-
mes d'intégration et convoque le registre de la dextérité, et la professionnalité (qui) cher-
che à mettre en discussion les valeurs, le bien-fondé de l'activité".
Néanmoins, leur invocation a été, à chaque fois, une manière de permettre au débat de
s'installer au-delà des clivages, et de revenir à la nature même du "qu'est-ce qui motive
les gens ? Qu'est-ce qui me motive ? Qu'est-ce qui nous motive ?" Et, à partir de là, du
"qu'est-ce qui peut s'échanger et permettre ainsi de reconstruire ?".
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gers qu'on veut bien le croire ? Entendons ce qui s'est dit dans l'atelier "Regards sur
l'Europe" ; là, ce clivage est dépassé. Il est déplacé entre secteurs "formels" et "informels".
Un autre angle est proposé, le débat peut reprendre.
Comment ne pas faire un parallèle avec la démarche de Thierry Duval quand il affirme que
"l'opposition n'est plus à poser entre les écoles musiques et les écoles associatives ou pri-
vées, mais entre celles qui sont figées et celles qui s'engagent, cahin-caha, dans le déli-
cat mécanisme de la souplesse?" Il s'agit bien, en tout cas, de déconstruire les postures
et de revenir aux vrais sujets, les fondamentaux, ceux qui nous animent.
Et hop, retour aux valeurs… qu'il devient donc capital d'exprimer plus clairement si on veut
avancer.
J'ai proposé quelques pistes, entendues de ci de là, mais c'est encore confus. Il reste du
boulot ; un prochain thème de rencontres ?
Sans attendre, je crois que chacun peut d'ores et déjà nourrir ce débat. On peut, par exem-
ple, poursuivre ce jeu de mots...
Allez, je commence et j'en propose un troisième, celui de PARCOURS… lui aussi souvent
revenu sous différentes formes dans ces débats.
Lui-même se décline. A partir d'un "parcours", on envisage un "processus", on induit une
capacité "d'adaptation", on souhaite un "accompagnement"… un mot qui, dans le secteur
des musiques actuelles est devenu, depuis maintenant deux ou trois ans, un enjeu-clé, au-
delà même de la question de la formation.
A vous de jouer maintenant. J'espère vous avoir donné matière à entrer dans ce proces-
sus de reconstruction.
Mais j'espère surtout vous avoir frustré d'une synthèse générale. Car, je le répète, ce sec-
teur est suffisamment mature aujourd'hui pour qu'il n'y ait pas de synthèse générale et que
notre richesse repose sur la somme des synthèses que chacun doit pouvoir construire,
pour lui et pour le travail qu'il mène avec les autres, au jour le jour et dans la diversité.
Présider une fédération qui organise un colloque avec des équipes de ce niveau est un
plaisir ; cela devient presque un stage de formation continue de président, efficace et
agréable.
J'ai donc écouté avec attention durant ces deux jours, avec en permanence en tête la
grille de 5 critères détaillés hier : diversité, autonomie, transversalité, durabilité, économie
(rapport qualité/prix des actions entreprises). Elle s'est avérée pertinente et concrète au
delà de son apparence conceptuelle.
Valeurs
Les valeurs exprimes par Gilles Castagnac en plénière de conclusion sont les nôtres :
notre travail à venir doit s'appuyer dessus car le sujet est complexe par essence, et hors
de tout champ dogmatique simpliste. Il faut donc prendre le risque de se structurer par les
valeurs, de même que le musicien M A prend le risque de jouer un répertoire non écrit a
construire sur des règles et valeurs très fortes. Je reviens sur deux valeurs :
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Plénière
Diversité : Au delà de votre présence à tous, la soirée préparée par Music Halle a été un
bel exemple de diversité des musiques actuelles.
Rencontre : Diversité certes mais couplée intimement avec la rencontre structurante, au
risque sinon de reverser dans la Jam' session informelle
Projet
Le projet majeur FNEIJMA sera celui de l'école dans la cité, aussi nécessaire que l'école
primaire de la République. Wayne Shorter aime à dire qu'"un orchestre qui sonne c' est
une démocratie réalisée" ; nous voulons amener ceci à la cité en même temps que les
connaissances.
Voici donc mon rêve d'une "carrière" d'artiste enseignant : bâtissons l'école des musiques
actuelles, populaires et savantes, modernes .... Bref, celle de la musique en phase avec
les écoutes, les pratiques et les attentes des citoyens.
Tout ceci se fera avec :
Des élèves qui nous attendent avec une soif d'apprendre et de jouer ;
Des artistes enseignants qui aient un statut adapté à la qualité et à la passion mises en
œuvre ;
Des permanents administratifs en charge de l'environnement de l'école et tout aussi pas-
sionnés de musique que les artistes eux-mêmes ;
Des élus envers qui nous avons un devoir d'information et qui ont un devoir d’écoute de
cette diversité riche et complexe. Nous devons avoir ces échanges à tous les échelons :
villes, département, région….
Privé/Public
La complémentarité privé/public s'impose comme un outil fondamental aux pro-
jets ambitieux exposés durant ces deux jours, il correspond à une histoire ancienne et pro-
fonde de la France qui s'interroge avec crainte parfois sur sa place dans l'Europe.
Le devoir de réserve obligé de l'Etat durant ce colloque ne crée aucun quiproquo :
nous savons que la DMDTS est présente, prête au débat démocratique, voire à la
confrontation et Stephan Le Sagère va vous détailler en guise de conclusion ultime le plan-
ning à venir permettant de faire pousser les graines magiques et structurantes plantées
durant ces 2 jours trop courts.
Je voulais rappeler que ces financeurs professionnels sont des organismes qui représen-
tent la profession, et qu’ils nous suivent depuis longtemps, et nous l’espérons, encore pour
longtemps.
1 - Voir Howard S. Becker, 1988, Les Mondes de l'art, Paris, Flammarion. Voir aussi Outsiders : études de sociolo-
gie de la déviance, H.S. Becker, Paris, Métailié, 1985.
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