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humanature #4
@ En couverture :
Jeanne Balibar
photographiée par
Carole Bellaiche.
SPECIAL CANNES
Nanni Moretti, la voie grave
La Chambre du fils, trois ans aprés Aprile, est notre coup de
ceeur cannois. Humour et légéreté caustique y cédent place
a la gravité. Rencontre avec Nanni Moretti
La Chambre du fils ou le divan du pére : critique
Laura Morante. Portrait d’une « effacée volontaire »
@ Ci-contre,
ETAT DU CINEMA MONDIAL Jean-Luc Godard
parle d’ « Eloge
La mondialisation vue par 50 cinéastes de la planéte de l’amour ».
© FREDERC POLETTI
Journal
Gréve a Hollywood ? De notre correspondant aux USA.
Faut-il en finir avec les sorica ? Enquéte sur le
financement du cinéma. BA Onagadougou,
lors du festival
Cahier critique du film :
Profils paysans, les campagnes intérieures de Depardon. lV Afrique fantéme,
Roberto Succo, de Cédric Kahn. page 76
Kairo, le fantastique et l’étrange de Kiyoshi Kurosawa.
Mundo Grua, de Pablo Trapero.
LA SOLE ED
EDITORIAL
assage
de la Boule-Blanche 75012 Paris,
Téléphone : 01 53 44 75 75.
Fax : 01.43.43,96.04.
Raccords
e-mail : .cducinema@lemonde.fr
précédé du nom de famille de votre
et accrocs
one : ci-dessous, entre parenthéses, les deux
miers chiffres de la ligne directe de votre
correspondant : 01 53 44 75 xx
ION :
par CHARLES TESSON
de la rédaction : Franck Nouchi (82)
ur en chef : Charles Tesson (83)
ur en chef édition : Charlie Buffet (84)
ur en chef adjoint : Delphine Pineau (79)
iat général : Ouardia Teraha (81)
Sque-iconographie : Catherine Fréchen (76)
’an passé, les coulisses du Fes- les Cahiers ont publié (n° 10,
|: Marina Hammouténe tival de Cannes avaient connu mars 1952) un texte de Gilles Jacob oa
ion : Claude Morin (89) un léger accroc. Le passage de il disait ceci :« Raccords a cessé d’exis-
Je rédaction : Cédric Anger, Stéphane témoin entre Gilles Jacob, qui ter. Jaime que ce soit André Bazin et Jacques
, Emmanuel Burdeau, Jean-Sébastien
devait remplacer Pierre Viot 4 Doniol-Valcroze, plus nos amis que nos
Clélia Cohen, Stéphane Delorme, Marie-
erin, Erwan Higuinen (91), Thierry Jousse, la présidence, et Olivier Barrot, nommé confréres, qui nous donnent leurs colonnes
yard (90), Jean-Marc Lalanne, Jérome délégué général, était resté en plan. pour cet “ Adieu au lecteur ”. Chacun
Elisabeth Lequeret, Nicolas Saada. Cette année, lors de la conférence de connait plus ou moins Raccords, qui fut
ndants USA : Kent Jones, Bill Krohn, presse du festival, Gilles Jacob s’est féli- pendant plus d’un an le seul trait d’union
» Reynaud.
aboré a ce numéro : cité de la nouvelle redistribution des de la regrettée Revue du cinéma (dont
\zalbert, Anne Ballylinch, Evangéline roles au sein de l’équipe dirigeante, le dernier numéro est paru en automne
1x, Patrice Blouin, Sonia Buchman, Laure entouré de Véronique Cayla, directrice 1949) aux brillants Cahiers du cinéma,
ey, Sylvain Coumoul, Elise Fontenaille, Vincent générale, et de Thierry Frémaux, direc- ici présents. (...) Remercions André Bazin
, Manoel de Oliveira, Baptiste Piégay, Jacques
teur artistique. et les Cahiers du cinéma de leur amical
, Sarah Sékaly.
ion graphique : Nathalie Baylaucq Parmi la multitude de réjouissances appui. Souhaitons-leur un vent favorable. »
able des éditions : Claudine Paquot (77) au menu de Cannes cette année, une Gilles Jacob s’est donc souvenu que
» de presse : Agnés Béraud (78) nous tient particuliérement a coeur : le vent nous a été favorable, qu’il soit
de mission : Lallia Tesson (80) Vhommage que le festival rend offi- venu de l’ouest (Hollywood), du nord
: Laurent Chartier (conception
), Thierry Lounas (coordination)
ciellement aux Cahiers du cinéma. (Dreyer-Bergman), de I’est (Eisenstein),
STRATION = Thierry Frémaux, responsable de la de l’extréme-est (Mizoguchi) et du sud
r délégué : Didier Costagliola (70) programmation, a retenu le film d’Ed- (de Marcel Pagnol 4 Souleymane
able commerciale : Marianne Brédard (71) gardo Cozarinsky, Le Cinéma des Cahiers Cissé). Les Cahiers,4 un moment donné
iilité : Sylvie Hesel (73) (il sera montré le 17 mai, ainsi que sur de leur histoire, ont accueilli Gilles
généraux : Sophie Ewengue (75)
abonnements: 03 44 62 57 95 Canal +, le méme jour, au cours d'une Jacob dans leurs pages (il publiera dans
ue du Général-Leclerc, 60646, Chantilly Cedex « nuit » des Cahiers), qui retrace I’his- le n° 12 une longue étude sur le
ibonnement. France : un an 375 francs (TVA toire de la revue, son engagement dans cinéma de John Huston) et lui, 4 son
stranger : un an 69 euros le cinéma, ses choix, d’un extréme a tour, soucieux des régles de l’hospita-
PUBLICITE : autre, et surtout l’histoire sentimen- lité, regoit les Cahiers dans l’enceinte
= Monde Publicité SA, 21 bis,rue
tale de ceux qui l’ont faite. Car les du Festival de Cannes. Beau raccord, 4
Cahiers, c’est aussi une longue histoire prés de cinquante ans d’intervalle, qui
r général : Stéphane Corre de passation entre générations, parfois témoigne avec élégance de ces liens
r: Stéphane Remy (01 42 17 39 39) en douceur (de bons raccords), par- affectifs toujours vivants que la revue a
' publicité : Guillaume Drouillet (38 96)
fois dans la douleur (quelques accrocs, tissés et continue d’engendrer.
illivier (38 97). Fax : 01 42 17 93 83
|: Patrick Manchez (Paris-banlieue : plus ou moins bien cicatrisés). Il y a une Cette année, la transmission est le
'01 47, province
: 08 05 05 01 46) histoire effective des Cahiers, 4 travers maitre mot du Festival de Cannes 2001,
iélégué : Bruno Patino ce qui y a été dit et écrit sur le cinéma, au sein de l’équipe dirigeante tout
‘de la publication : Franck Nouchi mais aussi une histoire affective (com- d’abord, dans sa programmation ensuite
litée par les Editions de I'Etoile, société anony-
actoire (Franck Nouchi président, Bruno
ment on entre aux Cahiers, on se forme (une journée lui sera consacrée le 16
t Conseil de surveillance (président : au contact des ainés, comment on les mai, avec une Legon de cinéma par
se Alduy, vice-président : Michel quitte sans jamais les quitter, heureux Wong Kar-wai et un colloque inter-
it), au capital de 15 516 250 F (principaux ou meurtri) tout aussi essentielle. national), et sera vraisemblablement au
= Le Monde SA, Société civile les Amis des Gilles Jacob, avant d’étre délégué centre du débat qui accompagnera la
Cahiers du cinéma) RC PARIS B572
193738.
général puis président du Festival de projection du film d’Edgardo Coza-
Commission paritaire n° 57650. Dépét légal. Cannes, a longtemps été critique de rinsky. Réfléchir 4 la maniére dont, 4
Flashage et photogravure : Fotimprim. cinéma. Mieux, il a fondé et animé Rac- Yavenir, une revue entend contribuer
Impriméen France par Mauryet RAS. cords, une revue de cinéma (février a former un regard et un gotit en
ec le concours du CNL. 1950-février 1952).Au moment oii elle matiére de cinéma, voila qui peut appe-
connaissait des difficultés financiéres, ler (on l’espére) 4 discussion. =
COURRI ER
nos objets
que la révolution des fréres Anna Magnani dans Riz Amer ?
Lumiére devait davantage aux (n° 556, page 122). A quand la
philosophes du xvut‘ (comme le photo de Silvana Mangano dans
150 films pour explorer nos étranges relations avec les “choses” prouve leur nom) et, 4 moins Rome Ville ouverte ? Cela dit, ce
programme disponible au 01 44 76 62 00 qu’une interprétation d’un qua- numéro anniversaire vaut quand
4 train de Nostradamus nous méme son pesant d’heures de lec-
2 forumdesimages départage,je camperai sur ma ture. Merci.
Porte Saint-Eustache, Forum des Halles, 75001 Paris / www.forumdesimages.net
position philosophique, na ! Jacques Cibre, Nice.
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CANNES 2001
Réévaluer les grands crus
n festival de cinéma res- a leur usage, parleront des films de Cannes
Goparpb, Hou Hstao- semble parfois 4 une bou- sitdt vus, tandis que ceux évoqués dans
teille de vin. On peut tou- ce numéro (La Chambre du fils de Nanni
HSIEN, IMAMURA, LYNCH, jours se prononcer sur Moretti, son plus beau film depuis Palom-
Pétiquette, la qualité de l’ap- bella Rossa, Eloge de V'amour de Jean-Luc
MoretTTI, OLIVEIRA, pellation, la réputation du Godard, Roberto Succo de Cédric Kahn, le
propriétaire-récoltant (méthode de vini- dernier Kiyoshi Kurosawa, Kairo, et Car-
RIVETTE (SANS OUBLIER fication, qualité des sols) mais rien ne vaut rément a I’ Ouest de Jacques Doillon) sor-
la dégustation, qui oblige parfois 4 cer- tent en salles au moment de leur présen-
LES Cahiers COMME taines réévaluations en fonction des répu- tation 4 Cannes.
tations acquises au fil des ans. Les ama- Quelles tendances dégager des sélec-
INVITES D’HONNEUR) : LA teurs de vin savent depuis longtemps que tions cannoises, toutes sections confon-
le classement des grands crus de Bor- dues ? Tout d’abord l’absence répétée du
SELECTION DU FESTIVAL DE deaux, établi en 1855, ne refléte plus cinéma africain (voir, page 76, l’enquéte
vraiment en qualité la hiérarchie véritable d’Elisabeth Lequeret). Si l’Asie est tou-
CANNES 2001 LAISSE du secteur. jours présente, on note surtout l’écrasante
Le festival de Cannes tend, a sa domination du cinéma japonais (9 films
PRESAGER UNE GRANDE maniére, 4 fidéliser des auteurs « grands 4 Cannes) avec des noms familiers aux
crus », en nous présentant plus ou moins lecteurs des Cahiers, défendus dans ces
CUVEE. MAIS ATTENDONS : systématiquement leur derniére cuvée. colonnes (Imamura, Aoyama, Kiyoshi
On peut toujours miser sur une étiquette Kurosawa, Nobuhiro Suwa, Ryosuke
LE PREMIER DES FESTIVALS et y aller les yeux fermés, fort de son Hashiguchi).A cété du Japon, on assiste
expérience — et le festival cette année est 4 un retrait des cinémas chinois et coréen,
EST PAR NATURE, UN LIEU riche en étiquettes trés prometteuses, qui trés présents l’an passé, 4 une présence
ont déja fait leurs preuves (Godard, Ima- timide de Hong-Kong, tandis que le
DE « DEGUSTATION ». mura, Lynch, Moretti, Oliveira, Hou cinéma taiwanais aprés Edward Yang
Hsiao-hsien, Tsai Ming-Liang) ou en (membre du jury cette année), se resume
DONC, PEUT-ETRE, DE réputations acquises sujettes 4 apprécia- aux deux cinéastes majeurs que sont Tsai
tions diverses (Haneke, Sokourov, Makh- Ming-liang (Et la-bas, quelle heure est-il ?)
REEVALUATIONS. malbaf pére) — méme si les Cahiers, fidéles et Hou Hsiao-hsien (Millenium Mambo).
g
3
2
=é
w « Eloge de l'amour » de Jean-Luc Godard. @ « Millennium Mambo » de Hou Hsiao-hsien. @ « Roberto Succo » de Cédric Kahn.
emo: INE JAMET/H & K
En revanche, |’Autre Asie (Philippines, tion frangaise et la Terreur, du point de ressourcer auprés du cinéma de Méliés
Indonésie, etc.) brille toujours par son vue de la Monarchie) et de ses audaces tout en nous offrant ce qui reste 4 ce jour
absence, 4 l’exception d’un film thailan- formelles. Car, avec le numérique, Roh- le film le plus hitchcocko-renoirien réa-
dais a Un Certain Regard. Telle est la loi mer accomplit une vraie Révolution, lisé¢ par un cinéaste de la Nouvelle Vague.
de Cannes. Le cercle des auteurs consti- comme si, aprés s’étre nourri du cinéma L-Amérique est présente 4 Cannes,
tués revient en boucle et les pays font de de Lumiére, il éprouvait le besoin de se en compétition, avec deux films de stu-
méme. Certains tous les ans, d’autres tous dio (dont un film d’animation, Shrek), et
les deux ou trois ans tandis que certains des auteurs connus (David Lynch, les
disparaissent 4 mesure sans qu’on s’étonne fréres Coen, avec une mention particu-
vraiment de ne plus les voir revenir.
Cété Europe, aprés un détour par le
Les Cahiers a Cannes ligre pour The Pledge de Sean Penn, trés
attendu). De son coté, un Certain
Nord, I’an passé, Liv Ullmann, présidente
du jury, pourra gotter au cinéma latin,
avec France Inter Regard, accueillera des cinéastes qui ont
gouté a la compétition officielle (Abel
en provenance d’Italie (cing films 4 @ Le 16 mai, e Ferrara, Hal Hartley). Si cette sélection
Cannes), d’Espagne (Marc Recha), du est l’égale de la Sélection officielle, la
Portugal ot le facétieux Manoel de Oli- compétition en moins (pas question de
veira, avecJe rentre a la maison, nous fait parler de relégation en D2, nous dit-on),
part de son humour s'il n’obtient pas la reste alors 4 la Quinzaine des réalisateurs,
Palme d’or. Quant 4 la France, elle est qui présente de nombreux premiers films,
richement dotée, en compétition dassurer ce que le monde entier nous
(Rivette, avec Va savoir, bien prudent lui envie (en matiére de football) : la qualité
aussi quand il s’agit de prédire une Palme des centres de formation, pépiniére des
dor, Cédric Kahn, Catherine Corsini, futurs talents.
Fran¢ois Dupeyron) et ailleurs (Yves Cau- Mais l’événement du prochain festi-
mon, Jacques Doillon, Emmanuelle Ber- val, ce sera peut-étre la présentation du
cot, Claire Denis, Sandrine Veysset, Sol- Kiarostami, ABC, Africa, du documentaire
veig Anspach, Alain Guiraudie, Luc autobiographique de Martin Scorsese sur
Moullet, etc.). On regrette toutefois l’ab- le cinéma italien, I] Mio Viaggio in Italia,
sence de Fifi martingale de Jacques Rozier, et du film de Claude Lanzmann, Sobi-
ainsi que celle du dernier Rohmer, L’An- bor, 14 octobre 1943, 16 heures. La suite au
glaise et le duc, écarté de la compétition prochain numéro. m
officielle, qui a sans doute effrayé en rai- yn cette Anne Charles Tesson
son de sa franchise politique (la Révolu- Les listes des films sélectionnés sont en pages 43 et 44
CANNES 2001
NANN| MORETTI
La vote grave
Nanni MoreTTI ABORDE DANS SON ONZIEME FILM LA SOUFFRANCE D’UNE FAMILLE
ly a trois ans, pour Cannes, les Cahiers ®@ La naissance de votre fils, théme cen- tendu fréquent 4 propos de mon travail :
montraient en couverture un pére et tral d’ Aprile, a-t-elle changé l’idée que Videntification de mon personnage avec
son fils : Nanni et Pietro Moretti pour vous vous faisiez du film ? moi-méme, de ce qu’il dit avec mes idées.
la sortie d’Aprile. Moretti y jouait son Non. Cela a rendu ce travail encore plus Cela dit, il est effectivement aujourd’ hui
propre personnage sur le ton de la douloureux. Et je I’ai vécu de maniére un peu plus « ensemble » avec les autres.
comédie, entre fiction et documen- encore plus violente. Mais ¢a n’a pas C’est la caractéristique principale d’un
taire. Nous le retrouvons dans La Chambre changé le film. psychanalyste : écouter, entendre, s’ouvrir
du fils en pére de famille endeuillé. a d’autres souffrances.
Humour et légéreté caustique cédent ® Vous dites avoir pensé 4 un film avec
place a la gravité. un psychanalyste depuis longtemps. @ Il y a aussi quelque chose de trés
Est-ce lié a la dramaturgie de La doux dans le film, la séquence avec les
® A la sortie d’ Aprile, vous disiez avoir Chambre du fils ? Hare Krishna par exemple. La Chambre
voulu tourner aprés Journal intime un La premiére chose était vraiment le per- du fils est 4 la fois grave et apaisé.
film de fiction sur un sujet grave et sonnage du psychanalyste. J’ai écrit seul C’est pour cela que je suis heureux de
douloureux, mais qu’il vous parais- un sujet oti ne figuraient pas tous les élé- lavoir fait aujourd’hui et non il y a quinze
sait trop difficile de le réaliser 4 ce ments du scénario final.Je suis content ans.A l’époque, il ne me serait méme pas
moment précis. S’agissait-il déja de La de l'avoir interprété maintenant. Il y a dix venu 4 l’esprit de tourner un film avec
Chambre dufils ? ans, j‘aurais surement pris une autre voie. pour théme la mort. J’aurais écrit le per-
Oui. En fait, c’est depuis une dizaine La, mon personnage est adulte. sonnage du psychanalyste, son rapport aux
d’années queje pense tourner un film Il y a une maniére différente de se rap- patients, aux enfants, de maniére trés dif-
avec comme personnage principal un porter aux autres au regard de mes films férente.
psychanalyste.
Aprés Journal intime,j’ai écrit précédents, surtout ceux qui datent d’une
un sujet sur la famille de ce psychanalyste, quinzaine d’années. II y avait mon per- ® Cest-a-dire...
ses patients et la mort de son fils. Il y a eu sonnage, et le monde... Pour moi, c’était Probablement avec plus d’intolérance et
trois raisons 4 ma décision de ne pas le un peu les deux faces de la méme moins d’affection vis-a-vis des patients.
faire tout de suite, méme si je savais que médaille, mais pas pour le public. Quand
jallais le réaliser quoi qu’il arrive. D’abord, je me mettais 4 hurler, c’était plus un signe ® C’est au moment ou vous faites un
jattendais un enfant 4 ce moment, et cela de faiblesse que de force. En tout cas, aussi film dont vous n’étes plus le centre
me semblait trop bizarre de réfléchir a de faiblesse. Mais ¢a n’était pas compris. que vous imaginez ce qui peut bou-
une telle histoire. Ensuite,je n’avais pas Le rapport d’une partie de mon public 4 leverser ce nouvel équilibre.
trouvé de scénariste pour écrire avec moi. mon personnage devenait un rapport de En Italie, les gens pensent que ce film est
Enfin, il y a eu, en 1996, la naissance de supporter. Ceux qui se sentaient proches différent. Pour moi, il ne l’est pas. Il m’a
mon fils, en méme temps que les élec- de moi le soutenaient, ceux qui ne m’ai- demandé trois ans de travail, et on ne peut
tions, avec la victoire de la gauche a maient pas soutenaient les autres person- pas dire que mes films d’avant étaient
Rome. J’ai commencé 4 tourner de nages contre le mien, peut-étre parce qu’il exclusivement comiques, ot qu’ils ne
maniére documentaire ce qui allait étre était trop moraliste. I n’y avait pas grand montraient rien de la souffrance et de
Aprile. Vécriture de La Chambre du fils a monde pour comprendre que tout cela la mort. Cela dit, dans La Chambre du fils,
donc commencé aprés, il y a trois ans. était au fond trés écrit. C’est un malen- autres personnages existent, pas seule-
Nanni Moretti
pendant le tournage
de @ La Chambre « Il y a quinze ans,
du fils
il he me serait pas venu
a Lesprit de tourner
un film avec pour theme
la mort. »
CANNES 2001
des interprétes, cette conscience du fait naire ; elle a tout de suite compris la été 4 ce moment aussi proche d’An-
que I’on est en train d’essayer de changer maniére dont j’avais écrit le personnage tonioni.
Phistoire tout en sachant trés bien qu’elle de ma fille, ce qu’elle allait ressentir, la Je n’ai pas de réponse toute faite parce
ne changera pas. Il ne reste qu’a « retour- maniére dont elle devait l’exprimer... que jamais personne ne m’a parlé de ¢a
ner » les scénes, 4 « refaire » du jogging Vintelligence de la personne et lintelli- [rires]. Je me demande si le dernier plan
avec mon fils, 4 ne pas cesser d’imaginer. gence d’une actrice qui ne veut pas étre en caméra subjective, dans le bus, était
comédienne se sont confondues trés ins- prévu [il reprend son scénario].Je suis encore
Dans la premiére partie du film, il y tinctivement. Avec Laura Morante, qui trop dans le film pour avoir ce recul.Je
a une déja une forme de disparition, interpréte ma femme, on a travaillé davan- m/investis toujours beaucoup psycholo-
un éloignement entre votre fils et vous tage sur le scénario et le personnage. En giquement dans mes personnages. La,
a propos du fossile volé et de la par- profondeur. Enfin, aux acteurs qui jouaient ¢ était au point ou il y a eu des échanges
tie de tennis. les patients,
j’ai expliqué qu’ils devaient réciproques entre nous. D’abord 4 cause
C'est vrai. On voit déja les deux types de oublier tous les personnages de patients du sujet, ensuite parce j’ai travaillé plus
réaction des personnages. Paola adhére stéréotypés. Un peu comme pour jouer que jamais. Dans tous les sens du terme,
4 ce que dit son fils presque naturelle- un psychanalyste, il faut a la fois qu’on
ment, tandis que Giovanni, c’est dans son sente une implication et un détachement,
caractére d’y croire puis de ne plus y pour jouer un patient, il ne faut pas se
croire. Pendant les scénes d’analyse, il y laisser aller 4 une attitude trop naturaliste,
repense. Quelque chose de ses rapports qui ne me plait pas beaucoup. Aprés, c’est « Avec ce film, je veux
avec son fils lui échappe — on le voit dans du travail, sur le plateau, partout.
le dialogue autour du tennis... C’est sa affirmer mon idée du
fille qui a hérité du caractére du person- Pourquoi cette idée d’emmener les
nage de mes films précédents. personnages vers une frontiére lors de la cinéma. Pas comme une
scéne finale, qui se déroule 4 Menton ?
On évoque rarement avec vous votre Ce qui m’intéressait, en tournant, était de négation, plutdt comme
maniére de diriger les acteurs... faire voir un mouvement, tant a l’inté-
... Alors que depuis toujours, c’est pro- rieur des personnages que physique. une réelle affirmation. »
bablement ce qui m’intéresse le plus. Quelque chose qui commengait a se
D’abord en les choisissant, puis en tour- décoincer. Et qui se passait, littéralement.
nant avec eux. J’aime aussi beaucoup diri- J-aimais aussi cette idée d’aller d'une mer
ger les figurants ; souvent, dans le cinéma, vers une autre. Mais en écrivant le scé- je pense que mes films reflétent une
on voit trés bien qu’ils ne le sont pas. Pen- nario,je n’ai pas voulu lui donner trop de période de ma vie, un sentiment. Une
dant la préparation, j’ai rencontré beau- signification. Cela dit,je suis ouvert a maniére de les raconter se met en place.
coup d’acteurs sans rien leur spécifier. Ils toutes les interprétations. Enfin, presque
s’attendaient a l’entretien rituel d’une toutes /rires, silence]. On entend toujours A un moment, I’un des patients parle
dizaine de minutes. En fait, j'ai donné a la méme rhétorique sur la douleur qui avec vous d’un film qui l’a beaucoup
chacun plusieurs pages de texte corres- nous rendrait solidaires les uns des autres. aidé... Etes-vous réconcilié avec la fic-
pondant a des rdles différents : aux Je ne veux pas dire que le contraire est tion et avec le cinéma ?
hommes, les patients, le proviseur, le toujours vrai, mais j’avais envie de racon- Ce qui m’intéresse, c’est la décision du
prétre, le collégue du psychiatre ; aux ter une histoire ot la mort et la douleur patient d’aller voir un film, son geste.Je
femmes, les patientes. La plupart ont da divisent des gens qui s’aiment. Et 4 la fin, n’avais pas envie de donner de titre pré-
rester une heure et demie au moins. II sur cette plage, prés de la frontiére, il y a cis. Il n’y a d’ailleurs aucune référence a
y a différentes maniéres d’arriver a un une unité de temps, de lieu. Peut-étre que l’actualité quelle qu’elle soit dans La
résultat. C’est 4 partir de la multiplication chacun pense et réfléchit pour soi, mais il Chambre du fils. Ce n’est pas un choix ou
des points de vue que j’ai pu réfléchir au est clair que quelque chose a changé... une revendication particuliére, mais tout
jeu idéal. Ma rencontre avec Jasmine ce que j’ai essayé d’inclure au moment
Trinca a été quelque chose d’extraordi- ™ Il me semble que vous n’avez jamais de l’écriture paraissait hors sujet.
exclusivité!
COMPOSITEURS DE GENIE
CATHERS
— a | CINEMA
CANNES 2001
Attention 8 @ c00 ©
UNE SUCCESSION D
» —
DES NOUVELLES:
SELECTION CATHERS
aden
CINEMA
CANNES 2 Oto A
m@ Nanni Moretti et Giuseppe Sanfelice. « Le sport remet en cause V’idée initiale que je me faisais des personnages. »
Ce n’est pas grave,je n’étais plus sup- gagner, et je lui dis : « Mon fils, le sport c’est contre lui. Cela peut paraitre un détail,
porter, pas aprés le choc de 70 ! Bien. Un Sait pour ca. » Ca aussi, c’est quelque chose mais pour moi c’était capital. Donc, il ne
matin, j’étais en train de m’entrainer 4 la qui vient de moi directement. Mon fils, me paraissait pas sérieux de tourner les
piscine, je jouais en premiére division de avec sa timidité, ne le vit pas pareil. intérieurs ici et les extérieurs 1a-bas, tant
water-polo a l’époque, deux séances tous sur le plan du point de vue, de la réalisa-
les jours. J’étais dans l’eau, je me souviens ® Revenons au travail d’acteur. Vous tion que, surtout, de l’interprétation. (...)
avoir vu de loin, en plan éloigné, mon étes-vous approprié le personnage au Quand j’ai commencé la deuxiéme par-
pére et mon frére arriver sur les gradins moment d’écrire le scénario ou pen- tie, aprés la mort de mon fils dans le film
en marbre de la piscine. J’avais compris, dant le le tournage ? Avez-vous eu [long silence]
j étais... je ne restais pas...
c’est un peu éloigné du film, mais j’avais besoin d’un regard extérieur comme je ne réussissais pas a rester indifférent 4
compris 4 ce moment-la qu’ils étaient celui de Laura Morante pour jouer ce la douleur que je racontais. Le soir, en
venus m’annoncer la mort de mon role? | rentrant 4 P’hétel, j’étais imprégné de cette
grand-pére... Il y a aussi la scéne des [Silence]. Ecrire, tourner et monter ce film douleur dont je sortais 4 peine. La scéne
chaussures de sport avec la patiente.Je lui a été une longue traversée. Mais en ce qui de I’hépital, de la chapelle ardente, cer-
ouvre mon placard. Probablement, dans concerne mon personnage et la maniére taines scénes avec les patients... Cela ne
un film que j’aurais fait il y a quelques dont je voulais l’interpréter, j’avais des nv’ était pas du tout arrivé dans la troi-
années, ¢a n’aurait pas été une scéne ima- idées assez claires dés le début.Je savais siéme partie de Journal Intime, quand je
ginaire, ca aurait été la réalité. La, c’est le quel genre de psychanalyste il était, quel racontais mon cancer. Beaucoup de gens
fantasme d’un psychanalyste. genre de pére.Je n’ai pas tourné exac- me disaient : « Oh, ¢a doit beaucoup te coti-
tement dans l’ordre chronologique, j’ai ter de revivre cette expérience, beaucoup t’an-
®@ Le sport correspond aussi a des tout de méme mis en boite la premiére goisser de repasser par ces moments-la ». Moi,
moments de vacance, a une idée partie avant la deuxiéme. De plus, j’ai je ne repensais pas du tout 4 ma maladie,
enfantine. tourné les intérieurs 4 Ancéne. D’autres je considérais mon travail de réalisateur,
Aprés le film, j'ai découvert que des amis réalisateurs, d'autres producteurs, auraient je parlais avec mes collaborateurs, je réglais
psychanalystes couraient le marathon. sans doute fait les extérieurs 1a-bas et les des problémes techniques et j’interpré-
Mais c’est aprés... Ca ne justifie rien. intérieurs ici, 4 Rome, dans une maison tais un réle qui se trouvait étre moi-
Simplement, le sport, surtout le sport pra- quelconque, par souci d’économie. Mais méme.
tiqué, fait partie de ma vie. C’est donc il m’arrive de temps en temps, pour ce Sur le tournage de La Chambre du fils,
tout naturellement que j’en fais de la fic- que je considére étre le bien du film, de c’était trés différent [silence]. Aprés, il m’en
tion. Pour La Chambre du fils,j’ai vrai- faire des choix peu rentables. Pour Palom- restait quelque chose. =
ment eu la sensation qu’un psychanalyste bella Rossa, dont j’étais aussi le produc-
avait besoin de silence, de solitude. C’est teur, j’'aurais dépensé bien moins en (Propos recueillis a Rome, le 5 avril.
un des aspects. Il y a l’autre, qui est 4 l’ori- situant le match 4 Rome, mais je sou- Remerciements chaleureux a Silvia Bonnuci,
gine du conflit avec mon fils :je n’arrive haitais que ce joueur de water-polo com- qui a traduit simultanément lentretien, et a
pas 4 comprendre pourquoi il ne veut pas muniste joue a l’extérieur avec le public Hélene Frappat, pour son aide précieuse)
BANWNES 2:0 04
La Chambre du fils
de Nanni Moretti
Le divan
du peére
par STEPHANE BOUQUET
u mort, 4 écouter a son tour une chanson mére, parfaitement recoller les morceaux. qu’ensuite le fils se sera noyé, il se produit
nglaise, n’y changera rien : la musique ni Mais il veut de l’innocence, et il n’y a pas une chose bouleversante : pére, mére et fille
imitation ne peuvent refaire de |’étre- de vie innocente, seule la mort est l’inno- sont soumis chacun 4 leur tour 4 un dan-
nsemble, la langue commune est perdue. cence. Ce pour quoi Giovanni sacrifie son ger physique c’est-a-dire au réel, pas le fils,
a chanson anglaise s’entend sur fond de fils, lequel est désormais trop loin de l’idéal. radieux, ensoleillé, physique d’ange pasoli-
oix et de chien et loup, la of il n’y avait Andrea refuse méme de gagner au tennis, nien, et déja délivré des souillures. La mort
u que du soleil. Le vol et le mensonge ont c'est dire. Il faut insister : ceci n’est pas un est la solution que choisissent les dieux pour
té deux transgressions d’Andrea qui le film sur le deuil psychologique, mais un film avoir auprés d’eux leurs élus. C’est ce que
ondamnent aux yeux de son pére, lequel mythologique sur le sacrifice. La chambre dit le curé, et c’est pourquoi Moretti ne peut
e cesse jamais d’étre la loi (n’importe qui du fils, c’est 4 la fois sa chambre réelle et pas, comme il aurait fait dans d’autres films,
it cela). Il y a ailleurs une scéne étrange, la grotte-labyrinthe oi il se perd et se noie. se lever et intervenir — parce qu’au fond,
ers le début du film : agité, Giovanni se Lhomme est dans la nature comme en une méme si c’est sur d’autres bases philoso-
snd dans la chambre du fils, s’arréte et nuit aveugle, dit le texte latin que les enfants phiques, il est d’accord. Sous ses airs de rien,
ontemple les lieux (trop rangés) comme si puis les parents traduisent, et la nature Giovanni est un sacré Minotaure et la grotte
a fond Andrea était déja mort. La culpa- Técrase. C’est une ironie du sort qu’Arianna, est sa bouche.
ilité que ressentira plus tard le pére (si j’étais flirt de vacances d’ Andrea, surgisse du néant, La mythologie — c’est ce que nous a
ssté, si j’avais insisté, etc.) figurée par de mais, trop tard, elle qui a le fil pour sortir appris, entre autres, la psychanalyse — se
elles scénes imaginaires est d’autant plus du labyrinthe et s’en servira ensuite pour retravaille et réinterpréte. La réinterpréta-
iolente qu’il est au fond vraiment respon- guider les parents. Dans les quatre plans déja tion de Moretti est moins affaire de
ble (c'est en cela que le film est terrible). cités, un plan pour chaque membre de la conscience intime que de conscience
prés tout, il aurait pu réagir comme la famille, et qui sont le seuil de la mort, puis- sociale, tendance Malaise dans la civilisation. >
CANNES 2700 4
Leffacée volontaire
été transmis et probablement ne peut pas
létre). Le procés est permanent. Certes,
en tant que psychanalyste, Giovanni refuse
de juger comme I’en remercie un patient,
mais il ne fait que se tenir a son rdle. Pour
le reste, il faut surveiller (sa fille qui drague)
et soumettre le monde 4 la critique. Refaire par OLIVIER JOYARD
une version latine selon les lois de la gram-
maire, méme si c’est pour s’apercevoir que
les non-régles de l’intuition aboutissent au @ Italienne, ayant vécu en France, polyglotte ment, parce que Nanni était dans un é
méme résultat. De méme, le dénonciateur et internationalement belle, Laura Morante de fatigue profond — nous avons méme da |
du vol n’a rien vu selon les principes légi- est une actrice aussi familiére que radicale- terrompre pendant deux semaines -, le.
times du droit, mais quand méme il sait. ment nouvelle a nos yeux. Dans La Chambre mat a été chaleureux, je dirais méme aft
Il n’est sans doute pas tout a fait ano- du fils, c'est béte a dire, elle est juste : juste tueux. Pas de panique, pas de théorie a me
din que la mort du fils marque l’éviction assez triste, juste assez physique, juste assez en pratique dans la terreur. » Et pourtant, t
du masculin (instance fondatrice des Prin- distanciée. Elle avait peut-étre tiré quelques idée précise de Paola, la femme de Giovar
cipes). Le pére, qui s’intéressait surtout 4 son certitudes de Sogni d’oro (1981) et surtout Moretti dans le film, dont la réaction a la pe
fils (c’est sa téte 4 lui qu’il caresse sans arrét, Bianca (1983), deux films de Nanni Moretti de son fils est a l’opposé de celle de son mz
pas celle de sa fille), se retrouve face 4 trois qui restent parmi ses plus beaux. Mais elle a « Nanni a voulu un personnage serein et «
femmes : Paola, sa fille et Arianna. Qu’a- tout oublié pour ces retrouvailles : « Depuis cret, jusqu’a la catastrophe. Elle semble a
t-il 4 apprendre du féminin ? Des gestes quinze ans, nous nous &tions a peine revus. de bons rapports avec ses enfants, elle ai
(celui, trés beau, ott la mére pose son front Ila fallu recommencer au début : les essais, son mari. Celui qui est problématique, c’
contre le vétement de son fils), des effon- l'attente, le doute. Nanni a insisté pour dire Giovanni. Aprés la mort de son fils, Pa
drements, des larmes, des coups méme (c’est que son choix ne se ferait pas fait en fonction ne cherche pas de coupable imaginaire, m
aprés que sa fille s’est battue que lui-méme, du jeu, mais de I’image de la famille que nous s'accroche au moindre signe pour revenir
si calme, pique une crise et casse la théiére). devions construire a |’écran. Je n'ai lu le scé- vie, comme la lettre de la jeune fille. Elle
Il s’escrime 4 écrire lettre sur lettre pour nario qu’aprés. Du vague, je suis passée au capable d’éprouver, a Iintérieur de la doul
prévenir Arianna et finalement c’est Paola trés précis : je l’ai trouvé superbement écrit. une sorte d’exaltation. »
qui, sur un coup de téte, prend le téléphone A la difficulté psychologique d'imaginer un On demande a Laura Morante quel a
et parle. personnage en proie a une telle douleur a suc- son travail pour préparer, comme actrice
De méme au « il faut qu’on parle » de cédé I’évidence que Nanni savait ce qu'il vou- comme personnage, la rupture brutale |
Giovanni, sa femme oppose une fin de non- lait. C'est trés important. Ma liberté, comme scinde le film en deux : « Je ne sais pas...
recevoir. Sortir de la parole comme terri- actrice, n'est jamais dans le rattrapage d’un n'ai pas de réponse, c’est si rare que je |
toire désaffecté de la Loi, de la fonction mauvais texte, mais dans le plongeon vers pare quelque chose, je me sers de ce qu
paternelle, telle semble la legon du film la certitude d’un autre. » me donne, mais pas d’une maniere rati
(Moretti est un cinéaste 4 legons, de méme Ce mouvement du vague vers le précis a dai nelle, vraiment, je ne sais pas. »
que Pasolini, Rossellini ou Visconti). Aban- étre répété : « Je n’ai pas le souvenir d'un long On comprend que ce réle dans La Charr
donner la position de retrait du psychana- travail avant le tournage, a part quelques lec- du fils a eu un effet rare. Celui de regrou
lyste qui use de la parole comme d’un évi- tures qui ont provoqué un petit choc, car en une expérience beaucoup d'autres, pe
dement des pulsions, d’une protection face Nanni intervenait souvent, alors que je me étre celles d'une vie entiére de cinéma. t
a elle. Abandonner le personnage beau par- sentais en phase de “mise a l’aise”. Une fois pas que les autres films soient oubliés (E
leur et le cinéaste ratiocineur pour autre sur le plateau, nous refaisions les scénes sans tolucci par exemple : La Tragédie d'un hon
chose.A la fin,le divan est mis de c6té, Gio- arrét. En cela, lui et moi sommes proches : ridicule, en 1981). Mais le récit du tourne
vanni accepte le face-a-face avec ses patients nous procédons par élimination. Ce qui n’est souvenirs, tentatives, sensations forcent |
et méme il en prend un dans ses bras, avant pas absolument nécessaire disparait. Concré- trice a en élargir le spectre. « Prenons
d’abandonner tout 4 fait son métier. C’est tement, cela voulait dire regarder le moniteur exemple : la scéne de pleurs, sur le lit, sc
pourquoi la fin du film est si belle :le silen- vidéo trés souvent, de gré ou de force, tra- de douleur pure, a été tournée presque a
cieux voyage en voiture (« Ne dors pas, dit- vailler par ajustements, oublier un geste, une courte qu'elle est dans le film. Mon jeu
il a Paola, restons éveillés » et ils restent éveillés expression, les remplacer par d’autres. Le animal. Nanni a voulu cela, mais nous
en effet, et muets) pour accompagner regard de Nanni a été fondamental. Parfois l'avons pas théorisé. En général, nous a\
Arianna (c’est elle qui connait l’issue hors violent pour moi, mais fondamental. Au bout peu théorisé. C’est bien tombé, ca
de la chambre du fils), le rire au bout du du compte, nous pouvions toujours nous n'éprouve pas le besoin de réfléchir trop
silence, le soleil revenu et le dernier plan entendre sur un choix. » mes personnages, seule ou avec le met
— antonionien — ot la caméra s’éloigne et Cette suite de retraits était nécessaire. La en scéne, de trop rationaliser, parce qu
laisse ce qui reste de la famille debout mar- plus grande crainte du cinéaste, selon Laura me bloque. Je préfére ne pas savoir ce qu
chant solitaire et ensemble vers la mer qui Morante, était « /e mélo, l’exagération. Un veux dire, j’ai envie de me laisser vivre a
est la of Andrea est mort. Quelque chose sujet aussi difficile nécessitait beaucoup de tir du cadre : le scénario, mes partenaires
comme une réconciliation hébétée, qui aussi calme. Et si le tournage a commencé dure- indications du réalisateur sur le moment
est une facon d’étre avec. @
CANNES 2001
JEAN-LUC GODARD
Une longue histoire
ing ans se sont écoulés entre (Miéville), on croit souvent que I’on perd vieux — c’est la fin de la jeunesse — et des
le commencement du pro- la mémoire parce qu’au moment ot I’on jeunes — c’est le début de la jeunesse — et,
jet intitulé Eloge de l'amour et veut dire un nom, il n’est pas 1a, on ne entre les deux, il y a toute l’existence. Ca
la présentation du film 4 le trouve pas immédiatement mais, deux ne pouvait pas se faire, il y avait un trou,
Cannes. Cing années aux ou trois jours aprés, il est la, donc elle javais essayé mais... Il en est resté peut-
cours desquelles Godard a existe mais d’une facon différente. étre une vague idée de quelqu’un qui a
écrit un scénario qu’il n’a pas filmé mais un projet et dont on voit des choses de
publié (voir Jean-Luc Godard par Jean-Luc © Quelles étaient les choses dont vous type plutot documentaire. On m’a dit que
Godard, tome 2, éd. Cahiers du cinéma) étiez stir au début et qui sont restées ? c’était un film documentaire, mais je ne
avant de tourner un film qu’il a « oublié » Le début, c’était il y a cing ou six ans. Le connais pas le sens de ce mot.
un an et demi avant de I’achever. I] a fallu contrat avec Canal + date de 1996. Ce
dix ans 4 Godard pour concevoir ses His- qui m’intéressait surtout, dans le premier ® Pour en revenir a l’ordre du film...
toire(s) du cinéma (1988-1998). Eloge de stade, c’était une histoire de déchronolo- Jai eu beaucoup de mal. On a tourné
Vamour est un film qui le dépasse tout en gie dont il est resté quelque chose : un quelques entretiens ou interviews avec des
s'inspirant de ce que l’autre a engendré. retour en arriére. Ensuite, c’est parti sur jeunes gens et des vieilles dames, début
Godard s’en explique dans l’entretien qu’il Vhistoire de trois couples. J’ai cru que 1999. Il y a eu un arrét et on a tourné la
nous a accordé. c’était celui-la que j’allais faire, puis j’ai suite en septembre. Du reste, les acteurs
eu des difficultés.Je me suis apercu qu’on rétaient pas choisis, je ne les trouvais pas.
® Eloge de l’amour suscite une attente. pouvait filmer un jeune. Si on vous filme, Je sentais que je ne pouvais pas tenir le
On y cherche la réponse 4 la fagon de vous ou moi, personne ne dira comme role, car ¢a aurait été un auteur qui a un
faire du cinéma aprés les Histoire(s) du premier mot : « C’est un adulte. » Il faut projet, un film sur le cinéma, il ne fallait
cinéma. Dans la premiére partie, on a une histoire, il faut dire quel genre surtout pas que ce soit ¢a.On a tourné en
le sentiment qu’il y a une sorte d’af- d’adulte : c’est le rédacteur en chef d’un- septembre, puis on a enchainé sur la Bre-
franchissement, on retrouve Paris, le tel ou c’est l’amoureux d’untel. Tandis tagne dont je savais qu’elle devait avoir
noir et blanc, Bande a part, etc., dans la que si on filme un jeune, quelqu’un qui lieu, mais qui était trés confuse pour moi
deuxiéme partie en couleurs, les His- ne connait pas dira : « Il y a trois jeunes
dans et qui l’est restée un peu pendant le tour-
toire(s) du cinéma sont plus prégnantes. ce bureau », jamais on ne dira : « I y a trois nage. Mon passé me conduisait plutét 4
Vous étes d’accord ? adultes. » Idem si c’est des vieux. Il y a des cet endroit de Bretagne, aux grands-
C’est de la vidéo traitée un peu de la parents, etc. Ca venait de mon histoire per-
méme fa¢on, mais je n’y ai pas vraiment sonnelle et aussi de l’histoire de la R ésis-
pensé. Le sentiment de I’histoire est peut- ey : tance, de ’ Occupation et de la guerre qui
étre plus développé ; c’était la seule chose Ce film a mis s’est mise 4 jouer comme un souvenir
consciente dans ce film qui a mis beau- : jas pour moi. Ce qui fait que je ne savais pas
coup de temps a trouver son point de CauUCOUP Ae be ps qui menait le bal ? Si c’était moi par rap-
départ. : ] port au film ou le film par rapport 4 moi ?
boint de
® Pourquoi ? ® Dans Eloge de l’amour, on pergoit une
C’est une longue histoire personnelle et logique du retour en arriére. Le film
mondiale. Comme pour un athléte qui ya : semble nous dire : « On ne peut pas faire
cherche d’abord la discipline of il doit /isto1re Pe un film sur amour et sur les adultes, si on
courir, puis le stade ot il va s’inscrire, et 7 n’a pas réglé son rapport a l’Histoire. »
ensuite la course. Ca met quatre ou cing et mondta C’est comme si vous disiez que, désor-
ans. C’est lage aussi, on met plus de mais, toute histoire ne sera possible que
temps. La mémoire... Avec Anne-Marie si l’on renoue un rapport a l’Histoire. >
CANNES 2-010) 1
Je suis d’accord.Je n’emploierai pas le mot Celui qui dans le film a un projet dit : tains le disent méme avant et le répétent
« logique ». Dés que je l’emploie,
jai du « Ca va peut-étre étre un film, un opéra ou un ensuite aux journalistes : « J’ai voulu faire
remords parce que, dans l’avant-dernier roman. » On ne sait pas. Lui, je le présente un film contre la dictature en Gréce. » On peut
film d’Anne-Marie, je dis un texte d’Han- comme quelqu’un s’intéressant 4 la étre sir que le film est mauvais ou moyen.
nah Arendt, dont la seule chose qui me musique et dont le vrai projet, au début, Cela doit étre senti par la main ou les
reste c’est que la logique était le début du est de faire une cantate sur ou pour yeux si on est littéraire, par Yoreille si...
totalitarisme. /rires] Donc chaque fois que Simone Weil. On peut penser, et c’est ce Il s’est passé ¢a, je n’y pensais pas maisj’y
je prononce ce mot,je me dis : « Mince, que j'ai fini par penser a la longue, que la pense maintenant, tout a coup, je
Je vais me faire engueuler. » musique que l’on entend dans le film découvre... Le distributeur, Michéle Hal-
pourrait étre quelque chose de cette can- berstadt, m’a dit : « Le souffle de Francoise
Dans votre conversation avec Yous- tate, mais ce n’est pas 4 moi de le dire. Verny (qui est a elle, qui est sa facon d’étre
sef Ishaghpour', vous dites que l’his- aujourd hui), ¢a m’a fait penser a la scene du
toire est l’ceuvre des ceuvres, et que le Pendant la séquence devant l’ile début (moije n’y avais jamais pensé) on
cinéma, la littérature et la peinture, sont Seguin, on croit entendre la chanson une espece de SDF dit : “Je ne sais pas si mon
des subdivisions de cette ceuvre. de L’Atalante. souffle tiendra jusqu’a demain, si mes lacets
. Ou des multiplications. autre jour, Oui, c’est le son de L’Atalante puisqu’on tiendront jusqu ’a la semaine prochaine. *y»
je voyais écrit sur le papier a en-téte de était 14 et que des chalands passaient. Il y a quinze ans, si j’y avais pensé avant,
notre vendeura l’étranger : « Une division, en prenant des notes, j’aurais trouvé ¢a
(comme on dit dans l'industrie) de Lge adulte, ¢a a un lien assez fort bien, j’aurais essayé de le faire, et méme
Canal + ». Or, dans les rapports avec Stu- avec l’histoire du cinéma et avec ce si Pactrice ne le faisait pas naturellement,
dio Canal, j’ai plutot ’impression que ce théme de la relation entre cinéma et J’aurais essayé de lui faire faire. Aujour-
sont des multiplications, que Canal Satel- télévision : le passage de l’art enfant 4 @hui,jej me dis que ccest bien que ¢a soit
lite n’est pas une division de Canal +, mais Vadulte crétin. Quel rapport faites-vous arrivé, mais si je m’apercois que je le
une multiplication. Qu’est-ce qui est venu entre ce destin tout tracé dans His- décide avant,je l’enléve.Je me méfie du
en premier historiquement ? J’aurais ten- toire(s) du cinéma et ce que vous dites commentaire qui améne une certitude.
dance a dire, par hypothése, que la mul- la, a savoir que l’on n’arrive pas a étre Le pire des commentaires, c’est le com-
tiplication est venue avant, simplement adulte, qu’il n’y a pas d’adultes, qu’il mentaire sportif. Lautre jour, je regardais
parce que l'homme produit des rejetons n’y a pas d’histoires d’adultes ? la finale de tennis : Capriati contre Venus
et se multiplie ; et qu’ensuite il faut appli- C’est quelque chose que beaucoup de Williams. Soudain, il y a eu une coupure
quer quelque chose de l’ordre de la divi- gens disent a leur fagon. J’ai été renforcé de la liaison avec le commentaire, assuré
sion, sinon ¢a devient le cancer ou... par la fagon de jouer de Bruno Putzulu, par Hervé Duthu et Arnaud Beetsch, l’an-
Qu’est-ce qui vient en premier ? Qu’est- trés saine et trés droite.Je l’ai engagé en cien joueur. Le commentaire vient par
ce qui vient en deuxiéme ? Je suis trés me disant : il ne se prendra pas pour quel- d'autres canaux, c’est déja un signe : il
préoccupé par ces choses. qu’un, il est honnéte, s'il doit défendre un n’est pas avec l’image, il n’est pas phy-
la, un fa ou un do diése, il le défendra, sique. I] y a eu un bandeau d’Eurosport :
On parle aussi de division blindée. et c’est ce qu'il faut. Finalement, le per- « Nous nous excusons... » C’est incroyable !
Ce n’est pas par hasard. On ne dit pas des sonnage, c’est ce qu’en dit son serviteur Il restait le son du direct. D’habitude,je
« multiplications blindées », alors que les a la fin : « C’est la seule personne queje regarde en muet parce que le commen-
divisions blindées multiplient les crimes. connaisse qui essaye d’étre adulte. » Comme taire m’exaspére mais, avec le tennis, c’est
je n’avais pas traité les vieux... mais 1a, je un peu embétant, parce qu’on n’entend
Ce qui beau dans le film, ce sont ces me justifie aprés-coup. Si je fais avant le plus le bruit des balles et, du coup, c’était
moments ou il est question de l’Age commentaire de mon propre film, en direct. J’ai mis un moment 4 m’en
adulte qui n’existe pas. Les jeunes et comme ce que font tous les cinéastes qui rendre compte et je ne savais pas quoi
les vieux, ¢a va avec la construction sont interviewés, ¢a ne va plus... On vous faire de cette liberté d’apprécier moi-
du film et du temps dans le film. Vous dit : « Monsieur, qu’avez-vous voulu faire ? », méme, a ma fagon,et de dire si j’en avais
annoncez quatre Ages de l’amour... et on répond : « J’ai voulu faire ¢a. » Cer- envie :« Ah quel beau smash ! »,« Ah quelle
Attention
clusivite!
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fase remaster
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aden CATHERS
Pi ue CINEMA
CANNES 2001
Jolie volée !»,« Ah non ! Elle n’aurait pas di méres qui passent. On est content, parce Monde diplomatique. Benjamin disait qu’on
Jaire un passing long de ligne ! » Je ne pou- qu’on se dit qu’au moment ot |’on allait non seulement filmer, mais étre
vais pas le dire, comme un prisonnier qui invente la chose, la chose passe et vous filmé, qu’il faudrait s’habituer 4 regar-
sort de prison et qui est tout 4 coup rend visite. der tout en étant regardé, et que les deux
ébloui. Il me semble que tout est com- grands vainqueurs de cela seraient le dic-
mentaire aujourd’hui. J’aime encore ® Lépisode Renault est moins nostal- tateur et la vedette. Qu’est-ce que vous
mieux le commentaire moyen, a |’an- gique que beaucoup d’autres choses voulez dire d’autre ? Rien n’a changé.
cienne, celui des films sur les animaux de que vous avez pu faire recemment.
la BBC, oft on dit : « Les tigres font ceci, etc. » Je trouve que le film n’a aucune nostal- ® Entre le moment ot vous avez
Mais dans la création cinématographique, gie. C’est un progrés. tourné le film et le moment du mon-
partout sauf chez des gens originaux —je
n’en connais qu’un ou deux, il y en a cer- ® Ce plan du bois de Boulogne fait
tainement plus —, le commentaire penser aux Straub, a cette maniére de
empéche qu’il y ait une sorte de com- montrer, dans le lieu, les traces de ce
munication avec le film. II n’y a plus l’in- qu’il y a eu avant.
térét d’abord muet de se demander : C'est le coté bétement historique que
« Pourquoi on filme celui-la ? Comment on l’on remet dans la fiction. De méme, il
filme ? », parce que tout est d’abord écrit y a longtemps que je connais cette plaque
et le scénario n’est que le commentaire au pont Neuf du gardien de la paix, René
de la mise en scéne, sous la forme d’une Revel, qui a été tué... ¢a m’a toujours
histoire. Les plans dans la rue donnent au géné qu’on dise : « tué par les Allemands ».
film un air un peu ancien, parce que j’ai
retrouvé le gout que j’avais 4 l’époque de ® Pourquoi ?
la Nouvelle Vague, quand on filmait des Jai simplement fait dire 4 la jeune
endroits qu’on aimait ou simplement que femme : « On ne devrait pas dire ca comme
Yon connaissait, dans lesquels on passait ¢a.» Comment ? Ecrivez un numéro 1|a-
souvent, et qui étaient interdits de filmage, dessus.
si jose dire, par le cinéma professionnel
de l’époque parce que ¢a ne se faisait pas. ®@ Aprés avoir vu votre film, je suis
Jean-Marie (Straub) réussit les plans de passé a la fontaine Saint-Michel et j’ai gg
tue. Dans Sicilia, ils n’était pas réussis, ils regardé la plaque que vous montrez &
2
étaient voulus. Dans son film, Anne-Marie dans Eloge de l’amour, 4 laquelle je 2
filme quelque chose des voitures et n’avais jamais prété attention. 2
quelque chose de la circulation. La, parce On ne les voit plus. C’est comme les
qu’on sent que c’est ce qu’il faut faire, on noms de rue, qui sont tous d’anciens « ly a longtemps que
essaye de filmer quelque chose de la nuit. combattants de droite ou de gauche. On
ne sait plus ot I’on habite. C’est ce sen- Je connais cette plaque
® Dans L’Eloge de l’amour, on respire timent-la. Comme il dit : « Eglantine, est-
plus l’air du temps : les spF dans la rue, ce que vous vous rendez compte que le projet au pont Neufdu
la mondialisation et ses effets, la dis- ne sera pas V’histoire d’Eglantine, mais, dit un
parition de la classe ouvriére : une peu bétement, la grande histoire qui passe a gardien de la paix, René
usine Renault filmée comme dans un travers Eglantine, et qui est aussi l’histoire
Murnau, une sorte de maison fantéme @’Eglantine. » evel, qui a été tue...
abandonnée...
Oui, mais ¢a c’est documentaire, ce n’est ® Eglantine, ga a un rapport avec ours gene
pas pareil.Je voulais un parcours, je vou- Giraudoux ?
lais qu’elle habite en province. On a cher- Oui, bien stir. J’ai hésité entre Clémen- quon dise « tué par les
ché des lieux. J’ai vu Renault, on a dit : tine et Eglantine. Vautre jour, j’ai lu dans
« C’est ld. » Aprés, j’ai écrit les dialogues. le bouquin de Daney peut-étre... Je Allemands ».
Je me suis souvenu du titre d'un bouquin trouve qu’a la fin, il allait de plus en plus
de Bettelheim qui s’appelait La Forteresse vers le commentaire de la chose, que la
vide,je me suis dit :« Tiens, on disait aussi chose elle-méme par rapport a d’autres tage, vous avez laissé le film reposer
la _forteresse ouvriére », et voila. arts, car si on lit la chronologie de ses pendant longtemps.
textes... ce qui fait qu’il n’est pas passé Jai tourné dans le film d’Anne-Marie.
@ Il y a un jardinier qui passe... par la caméra, chose qui est bien oubliée,
Ils sont passés par hasard au moment ot chose qui n’est pas arrivée 4 Bazin. @ Il n’y a pas que ¢a.
on tournait et on leur a demandé si on Jai fait un court-métrage pour Cannes.
pouvait les filmer. En fait, ce sont des & C’est-a-dire ? Et pour des raisons financiéres, qui sont
semi-handicapés que la mairie emploie. Il citait un petit texte de Walter Benja- la base de tous mes travaux, j’ai fait ce que
A ce moment-la, il dit : « Quand je vous min, de 1936, l’époque ot il écrivait son jai appelé : Le Moment choisi des Histoire(s)
parlais de la CGT, je voulais en fait parler Essai sur oeuvre d’art a Vheure de la repro- du cinéma, C’est un film d’une heure et
des luttes ouvriéres, je voulais parler de : “éphé- ductibilité technique. Daney avait fait un demie, qui comporte huit fois dix minutes
mére”’», et on voit quelques vieux éphé- texte la~dessus qui était paru dans Le des huit émissions, et que Gaumont garde >
CANNES 2001
menterré, comme tout ce que fait Gau- chez Dostoievski ne me touche pas du fait ca. Ce sont des réves éveillés. La Bre-
mont. tout. Chez Julien Green, c’est plutot une tagne, les grands-parents, la Résistance. ..
espéce de romanesque qui me touche, Pourquoi ? Si quelqu’un vient occuper
C’est paradoxal que les Histoire(s) du alors que, pendant longtemps, j'aurais sou- un pays, qu’est-ce que je ferais ? Je ne sais
cinéma existent sous forme de cD haité faire un roman de Bernanos qui pas. J’aurais plutot tendance a dire : « S’il
audio, sous forme d’un livre... s’appelle La Joie. 11 y avait un coté pam- veut venir ici, je m’en vais. Je peux essayer
Aépoque, Gaumont a refusé de faire les phlétaire chez Bernanos et Péguy, ou plu- de m’entendre, mais s’il n’y a pas moyen,je
cp, on les a faits chez ECM. C’est drdle tot éditorialiste, parce que pamphlétaire m’en vais. » J’avais un sujet de film sur les
parce que le CD a eu de trés bonnes cri- fait un peu XIX*. J’ai le sentiment que le Russes qui s’appelait Conversation avec
tiques. Il a eu le Grand Prix du disque en cinéma que l’on doit faire aujourd’hui, Dimitri. Sarde et une coproductrice suisse
Allemagne, une vraie critique dans le New le cinéma réussi... La Pomme par étaient d’accord, les contrats étaient signés.
York Times, par le critique musical du jour- exemple, ou les films d’Anne-Marie, qui Javais réservé les décors, j’étais allé voir
nal, sur les extraits de film. J’étais content. réussit a rajouter du texte sur du texte, Max von Sydow, il était d’accord, on avait
Sinon, j’étais un peu chagriné par I’ac- qui n’est plus un simple commentaire. transmis la demande a son agent et tout
cueil qu’avaient recu les Histoire(s) du Les autres commentent la réalité et si c’est d'un coup ¢a s’est arrété. Cela se passait
cinéma. Avec Ishaghpour, on a réussi 4 ren- eux la réalité, ils se commentent eux- du temps de l’Occupation de la France
trer un peu dans le sujet. Tandis qu’avec mémes. Quand Cézanne peignait sa par les Russes, pendant les derniéres
les autres non, c’était :« L’auteur a voulu pomme, il prenait une pomme et il la pei- années. Les Russes se rendaient compte
ci ou ¢a... Magnifique ! Superbe ! », mais gnait, maisje ne pense pas qu’il aurait que les Francais ne jouaient pas le jeu de
il n’y ena pas un qui m’ait dit :« Ce n’est souhaité s’expliquer 4 un journaliste qui la collaboration contrairement a ce qu’ils
pas cette image-la qu’il aurait fallu mettre. » lui demande : « Pourquoi avez-vous pris une avaient dit. Ils laissaient les Russes tout
Ca m/a pris dix ans a faire les Histoire(s) pomme et pas une poire ? » Aujourd’hui, faire : vider les poubelles, construire les
du cinéma,je ne pensais pas au départ ; en restons dans le cinéma, si vous intervie- autobus, faire marcher les avions, le métro,
voyant ensuite la réception,je me suis wez un metteur en scéne de cinéma, il etc. Ils avaient nommé un vieux Bolche-
rendu compte queje n’avais eu que du vous expliquera pourquoi il a pris une vique au centre du cinéma, c’était un des
commentaire sur quelque chose qui est pomme au lieu d’une poire. En fait quand derniers représentants de 17. Ils conver-
déja un commentaire d’historien et un il dit ¢a, il parle de lui. saient. Quatre saisons, quatre conversa
peu de cinéaste aussi.Je me souviens tions et, a la derniére conversation, les
dune phrase de Péguy dans Clio, qui est Au lieu de vous parler de la poire Russes pliaient bagages, ils partaient, et les
dans Histoire(s) du cinéma. I dit : « Que et de la pomme, on vous demandera : Américains débarquaient au festival de
serait-ce si au lieu de rajouter du texte sur « Pourquoi avez-vous mis la Résistance au Deauville. /rires]
du texte on rajoutait du texte sur de la réa- centre ? » Il y a une sorte de renver-
lité ? Et que serait-ce encore, si au lieu de texte sement par rapport aux Histoire(s) du Pour vous, quand est-ce que ¢a finit
sur la réalité, on rajoutait de la réalité sur la cinéma ; ce n’est pas Auschwitz, c’est un film ? Aprés le tournage ou aprés
réalité ? » la Résistance. le montage ? Quand prend-il du sens ?
Ca c’est mon histoire. Il y a eu des évé- Une fois qu’il est monté. Chez d’autres,
On peut répondre que l’on ne sait nements dans un pays qui est ma premiére le sens est 14 dés le départ et on l’ap-
pas trés bien ce que c’est que la réa- et ma derniére patrie, méme si j’ai un sta- plique plus ou moins bien tout en lais-
lite. La référence 4 Péguy reste encore tut juridique d’étranger.Je n’ai rien su,je sant place a... De ce point de vue-la,je
trés importante dans Eloge de l’amour n’ai rien connu,je me sentais proche... différe beaucoup d’Anne-Marie, on est
et, au fond, cette espéce de conjonc- Je n’arrive pas 4 me souvenir de mes réves, aux antipodes. Le sens final vient tou-
tion finale : Résistance, catholicisme, a les raconter, et si je m’en souvenais,je jours au montage, quoi qu’il arrive, que
histoire... ne saurais pas les interpréter, comme ce soit du montage 4 la Welles, quand
C’est mon cété Péguy et Bernanos... Freud ou certains bons analystes. Par il fait 250 plans en quinze minutes 4 la
Alors que j’ai eu une éducation protes- contre, quand je vois certains de mes films, fin de La Soif du mal... ou un plan
tante mais ¢a n’a pas joué. La religion jarrive maintenant 4 voir pourquoi j’ai séquence au début.
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CINEMA
CANNES 2-0 01
films avec les Allemands. Combien d’ac- aprés « exploitation ». La télé, c’est l’ex- surant de pouvoir me dire : « Quoi qu’il
teurs américains étaient contents de jouer ploitation tout de suite, et la diffusion. arrive, je pourrai, méme si c'est avec un crayon
des Allemands. Quand Fuller fait L’Enfer Aujourd’hui, un bon film est produit, et du papier a dessin. Ce ne sera pas avec une
de Corée, eux qui aiment le champ- ensuite il n’est plus diffusé, c’est pour ¢a cameéra et de la pellicule, mais ce ne sera pas
contrechamp, il ne fait méme pas le qu’il ne marche pas. Il y a des exceptions. un roman, ce sera un film.» Pour faire du
contrechamp coréen. Du Vietnam, on ne Des ceuvres d’art ou des objets, il faudrait cinéma, il faut un minimum d’argent,
voit pas le Vietnam du Nord, on a vu un mieux dire : « C’est de la diffusion. » Une méme si vous vous lancez aujourd’ hui
peu le Vietnam du Sud, mais, pour Cop- série de télévision n’est pas produite, elle —ce que les gens ne font pas — a faire une
pola ou Kubrick, les Vietnamiens sont des est produite pour étre diffusée. Ici, la pro- petite vidéo, il faut un petit minimum, ¢a
« niakoués ». C’est étrange, ils pourraient duction est une annexe de la diffusion. cotite quelque chose, et il faut gagner plus
faire autre chose, mais ils sont en panne Dans le cinéma, il y a encore, au tournage de 10 000 francs par mois, réguliérement.
didées. Le cinéma américain des surtout et si ensuite on peut en faire le Il y a un effort financier que j’apprécie
années 30 n’était pas du tout en panne montage, un aspect de la production qui dans la fonction du cinématographe, c’est
didées, jusqu’aux années 60. C’était un est comme la mére qui produit l’enfant. qu’il est proche de la vie, on doit gagner
élément moteur, puis il s'est transformé Je n’ai pas eu d’enfant donc les gens avec sa vie, on doit gagner son film dans le
en télévision. L Amérique est surtout a la qui j’en discute me disent :« Ti n’es pas méme sens.
télévision aux heures creuses, c’est-a-dire qualifié, tu n’en as pas eu », je dis :« Six jours
80% de la journée... C’est pareil qu’au sur sept, non, mais un jour sur sept, ca devrait Au début, on voit le livre avec les
tennis. On dit qu’il faut gagner les points vous intéresser d’en parler avec moi parce que pages blanches, il n’y a pas de texte
Jjen’en ai pas eu », en essayant d’étre hon- dedans.
néte et intelligent vis-a-vis de moi-méme. Effectivement, dans les mains de Putzulu.
Mon point de vue c’est que le papa ne C était la métaphore du livre blanc. On
squaux années 60, fait rien. Il a confiance en sa dame et la dit méme le livre noir, le livre noir du
maman produit. C’est elle qui produit, communisme...
le cinéma américain qui nourrit. Lui, il a envoyé quelque
chose, il ne sait méme pas si c’est lui Dans la premiére partie, le livre
neétait pas du tout en donc... C’est histoire que racontait blanc, en l’occurrence, c’est plutét la
Dolto 4 propos de Joseph et Marie. On page blanche.
panne dideée. ne sait pas, et donc si on n’est pas un bon Je ne voulais pas qu’on pense 4 la page
Joseph, on a besoin de reprendre... Aprés, blanche, maisje ne pouvais pas l’éviter,
Puis il sest transformé c’est l’attachement de l’enfant qui a chacun fait son interprétation. Quand il
besoin du pére ou du rdle du pére. y a une affaire pas claire, il y a une com-
en télévision. » mission, ensuite on publie ce qu’on
Vous dites dans Histoire(s) du cinéma, appelle un livre blanc. C’est le livre blanc
que l’Amérique c’est « a girl and a du film. On peut continuer, c’est comme
gun ». le loup blanc, il y en a beaucoup. [rires]
importants mais si on ne gagne que les C’est Griffith qui a dit ¢a, ce n’est pas
points importants, on perd la partie. moi. Ce qu’il voulait dire 4 l’époque La, c’est vous qui faites le com-
LAmérique a gagné la partie 4 la télé- c’était simple : il suffit d’un revolver et mentaire, parce que celui qui voit le
vision, grace aux heures creuses. C’est @une fille, et on peut faire un film. De film voit une page blanche.
quand méme étrange que l’Europe et le méme, j'ai pensé quand j’ai vu Voyage A l’époque ot nous vivons, vous voyez
monde entier voient quasiment les en Italie : avec deux personnes dans une un livre et vous pensez « page », parce que
mémes images tout le temps. En frangais, voiture, on peut faire un film. C’est pos- vous étes écrivain. Moi,je me suis dit :
contrairement a d’autres langues, les sible si on veut. Lelouch I’a fait, ca ne veut « Puisqu’on voit un livre, espérons que les gens
termes sont intéressants. En France, on pas dire que ¢a sera un bon film. Mais, ne penseront pas tout de suite a la fameuse
dit « production », « distribution », puis a ’époque, je me souviens que c’était ras- page blanche. » Si j’avais voulu faire penser >
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ENT
ReE T I EUN
ma la page blanche, j’aurais pris une page jai inventé ce nom de réseau.Je me sou- Mais mémie les films comme ceux de Vis-
blanche.Je ne voulais pas, parce que ¢a viens trés bien avant d’aller en Bretagne, conti par exemple, qui sont trés élaborés,
aurait fait : projet de film qui ne se fait Sarde, le producteur, me disait : « Ca obéissent 4 cette... il faudra trouver un
pas, etc. La, c'est un document historique. va ?», je lui disais : « Oui, on tourne » — autre mot que « logique » [rires], obéis-
Le livre blanc appartient a l’histoire, ce « Mais vous tournez quoi ? », je lui disais : sent a cette nécessaire liberté méme s’ils
sont les historiens qui font les livres blancs « Ben rien, on ne voit rien, mais j’ai la sont extrémement bien construits, vou-
sur la Gestapo... croyance, V’espérance... » Il y a une phrase lus, plus proches du théatre en ce sens.
de Denis de Rougemont dans Penser avec C’était mon goat.
@ Justement, ils ne sont jamais blancs, les mains, queje sais encore par coeur,je
ils sont noirs. Dans le film, Tristan ou Vai citée dans Histoire(s) du cinéma : « C’est @ C’est tout de méme trés loin de
Perceval, ce sont a la fois des noms de en espérance que nous sommes sauvés mais votre cinéma.
Phistoire et des noms de réseau. cette espérance est vraie car le temps détruit Oui, néanmoins je suis trés attiré par cela,
Tout a fait, c’est la poésie.Je tenais a citer Vacte mais l’acte est juge du temps.» Si je mais je ne saurais pas le faire car je ne vois
l'amour courtois... Ce n’est pas sensible m’exprimais en tant que critique de pas ce que je ferais faire aux gens. J’ai-
dans la Jeanne d’Arc de Rivette, car ce n'est cinéma, si je faisais la critique du film, merais beaucoup écrire des textes pour
je dirais que ce film a essayé de filmer des le théatre, jaime bien écrire des dialogues,
actes que le temps détruit, mais le temps mais par quoi commencer ? Tandis que,
a son tour sera jugé par ces actes. pour les films, j’ai toujours eu le senti-
ment qu'il y avait un don, qu’on recevait
m Vacte est juge du temps, mais que quelque chose, et qu’aprés on pouvait...
se passe-t-il 4 chaque moment du C’est plus proche de la peinture. On voit
film... le film comme totalité ? une feuille d’arbre, on dit : « Je vais la des-
Je pourrais dire si ce n’est pas trop pré- siner. » On ne peut pas étre tout seul, c’est
tentieux : avoir ce sentiment d’acte et puis trop, il faut étre un petit groupe, mais il
de temps, ce sont deux choses qui vont faut avoir besoin de la vision. J’aimerais
ensemble. Finalement, c’est comme la bien faire un film avec un vrai contre-
mécanique quantique au début du siécle champ. Il n’y en a jamais eu. Il y a juste
quand ils ont découvert que tout ce qu’ils eu ce qu’ont fait les Américains, mais c’est
pouvaient dire c’était : on ne connait pas devenu n’importe quoi, tous les grands
la vitesse de la particule mais on connait films qu’on connait jusqu’a aujourd’hui
lendroit ot elle est, et si on connait I’en- n’ont pas de champ-contrechamp. Pour
droit 08 elle est, par contre, on ne connait une raison, c’est que le vrai contrechamp,
pas sa vitesse. Il y a donc un double rap- on ne sait pas ce que c’est. Levinas a sou-
port d’acte et de temps, ce qu’un scien- vent de belles idées, mais quand il parle
tifique ne peut pas dire comme ¢a. du regard et de autre qu’on ne peut pas
tuer, de l’autre qui est qu’on ne peut pas
®@ Est-ce qu’il n’y a pas deux vitesses tuer, et bien il fait un mauvais contre-
finalement ? II y a le déplacement des champ. Le cinéma peut peut-étre s’ap-
particules, une sorte de liberté assez procher de ces questions-la.Je ne peux
St 7 que, extraordinaire des éléments dans ce pas parce que je n’ai pas la capacité intel-
film et, en méme temps, il y a une lectuelle de Levinas, mais si on était tous
1€ dirais gue ce film a vitesse contrainte. Malgré tout, on les deux, on arriverait 4 faire une phrase
applique un scénario. plus profonde, plus élaborée, juste dans
seca S holt Roe ee
CSSAYVE ade filmer des a Tous les films que je trouve bons finis- ce domaine-la. J’ai justement un projet
sent par un scénario. De méme que Mal- de court-métrage sur des rencontres
gue
1 ke temps aetruit, raux dit :« La mort transforme la vie en des- d'amour dans les arrondissements.Je leur
tin. » Tout mauvais film commence par ai proposé un truc,je ne sais pas du tout
Mats le temps a son tour un scénario et finit par une copie du scé- si ¢a va se faire, qui s’appellerait Champ
nario. On le voit trés bien dans de nom- contre Champ. C’est une fille qui s’appelle
a in ces actes
uUge ar CS ACTEeS breux films francais. Dans beaucoup Adrienne Champ et un garcon qui s’ap-
d’entre eux, il y a des tentatives, par la pelle Ludovic Champ...
jeunesse ou par loriginalité, et puis ils
n’y arrivent pas, aprés quarante minutes @ Valtérité, c’est la rupture. Ca dépend
pas ¢a qui l’intéressait. C’est un film que ou une heure, ils devraient s’arréter, mais aussi de la parole...
jaime énormément.Je m’apercois que ils s'appuient sur le scénario qui dit que Cette facon de faire ce qui s’appelle
les deux films de Rivette que j’aime, ce Paul doit aller assassiner untel et ils le fil- aujourd’hui le champ contrechamp est
sont ses deux films en costumes : La Reli- ment. Ils ont quitté le film qu’ils avaient venue avec le parlant. Maintenant, c’est
gieuse et Jeanne d’Arc. Pourquoi ? LV An- commencé au début. la télé qui en fait son pain — et son abus —
gleterre occupait la moitié de la France quotidien. =
et l'amour courtois a commencé a la cour ®@ On peut aussi renverser la logique : (Propos recueillis 4 Paris le 4 avril 2001,
du roi d’Angleterre, donc il y a quelque ce film montre que ¢a ne prend qu’a décryptés par Sarah Sékaly)
chose sur l’origine que j’essaye de faire la fin,ce sont des scénarii faits pour mon- 1. Dans Archéologie du cinéma et mémoire du sidcle, dia
balbutier. Effectivement, Tristan et Iseult, trer qu’il ne faut pas de scénarii. logue avec Jean-Luc Godard, Ferrago, 2000.
ldive LU0% BeOQe
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JORDESAVALE
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musiques des films mythiques du cinéma frangais, pour retrouver aussi les voix de Jeanne Moreau dans Jules et Jim ou de Brigitte Bardot dans
épris... les B.O. Travelling qui, dans le prolongement de Tous les Matins du Monde, ont marié classique et cinéma... et d'Octopussy a Certains
nent chaud, 26 albums extraits de |'age d'or de la Metro Goldwyn Mayer.
NRHN NOM
MO nceume sounRnNee
@ Une image
Eloge de lamour de JzAN-LUC GoDARD de la seconde partie
(en couleurs)
d’« Eloge de l'amour ».
Et lage de [amour
par CHARLES TESSON
« Etre lui-méme un mot, sans étre fou. » exposé au début n’organise rien du film jeune, s’est aimé et a résisté. Au centre de
(Pierre Legendre, Les Enfants du texte) et il faut un certain temps au spectateur cette quéte, un héros bressonien (a lettre et
vec Eloge de l’amour, Jean- pour comprendre que cet organigramme létre du blanc, homme de l’écoute, venu
Luc Godard délaisse le est une fausse piste (le deuil d’un scénario du silence), intervalle nécessaire au film pout
confort de verdure de la premier, que Godard n’a plus eu envie de mettre en regard ce temps réuni de la jeu-
Suisse, le lac de Genéve et filmer). En revanche, une conversation entre nesse et de la vieillesse, qui l’attire et le
son miroir 4 initiales des personnages retient l’attention : de quel- dépasse. Dans ce film trés dense, moin:
(JLG/JLG), pour retrouver qu’un qui entre dans une piéce, on dit que lyrique mais beaucoup plus profond que
la ville de Paris filmée dans c’est un jeune ou un vieux, mais on ne dira For Ever Mozart (a l'exception du passage
un noir et blanc qui la saisit dans son état pas que c’est un adulte. Ce simple constat sur les usines Renault a Billancourt), le spec-
actuel (des SDF sur des bancs, les usines a devient le leitmotiv secret du film (l’4ge tateur a le sentiment d’avancer dans |’obs-
Yabandon 4 Billancourt) tout en la rame- adulte n’existe pas), le réorganise 4 l’insu de curité, de revenir sur ses pas, avant qué
nant 4 une double origine,a la fois ciné- son organisation annoncée.A la fin du film, l’éclairage de la fin ne lui montre toute
matographique (le Paris de la Nouvelle Putzulu fait cette réflexion : « C’est lorsque Vétendue de ce qu’il a traversé.
Vague) et historique, au temps de l’Occu- les choses finissent qu’elles prennent un sens. » « La méthode, c’est le chemin apres qu’on I’:
pation allemande.
Au centre du film, un per- A ce stade, tout s’éclaire pour le spec- parcouru », disait Marcel Granet. Rarement
sonnage assez neutre (Bruno Putzulu), qui tateur : il y a ce couple de vieux résistants, au cinéma, et encore plus chez Godard, li
lit un livre aux pages blanches, dont le texte formé par Jean Lacouture et Frangoise Verny spectateur a ressenti ce qu’il éprouve at
n’est pas encore imprimé ou déja effacé, et —trés impressionnante, filmée a bout de contact d’Eloge de l’amour : cette sensation
a un projet précis : évoquer les quatre ages souffle, comme une baleine échouée sur une de saisir une histoire dans toute sa richesse
et les quatre temps de l’amour. Ce projet plage de Bretagne — qui autrefois a été tout en ayant la certitude que le film ni
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nous !’a jamais racontée. Eloge de l’amour opére est un voyage dans les multiples strates phrase détachée du corps du texte :« D’autre
rend parfaitement intelligible une histoire du temps. II suffit 4 Godard de montrer part, le cinéma est un langage. » Godard est
-omplexe, sans avoir recours aux procédés aujourd’hui une affiche d’un spectacle de le seul cinéaste de la Nouvelle Vague a avoir
Je narration habituels. C’est ce que le film Robert Hossein 4 la porte Maillot (un por- commencé 4 faire du cinéma 4 partir de
1 de plus saisissant. trait de De Gaulle qui dit non) pour qu’on cette phrase, le seul 4 étre allé voir « autre
Les jeunes d’hier sont les vieux d’au- revienne en arriére, au temps de la Résis- part », sans trop se soucier de ce que Bazin
ourd’hui. Godard en fait désormais par- tance, et que ce plan fasse contrechamp avec avait écrit avant de conclure de la sorte.
ie (l’age adulte du cinéma a-t-il seulement la fagade de l’H6tel Intercontinental, dont Le cinéma de Godard est rétif au phéno-
-xisté ?) et, pour la premiére fois, se lenseigne, découpée par la caméra, isole méne et 4 la phénoménologie dans son
-onfronte dans un film au théatre de la jeu- une partie : le mot Continental. Une par- ensemble (il serait plutét, fonciérement,
resse de la Nouvelle Vague. D’oii cette tie de la France a dit non, l’autre, celle du nominaliste), tout comme il est rétif 4 l’en-
juestion : pourquoi Paris nous a-t-elle cinéma, a dit oui, avec la Continental, qui registrement de la réalité vraie et 4 ses ins-
ippartenu aprés avoir été occupée ? Jamais a produit notamment Le Corbeau de Clou- tants vécus. Pour lui, fonder un personnage
Sodard ne avait suggéré avec un tel culot : Zot. consiste 4 lui donner la possibilité d’habi-
-e n’est pas De Gaulle qui a libéré Paris mais Dans Eloge de l’amour, les lieux ont des ter le langage. Celui des mots, toujours 4 sa
xien la Nouvelle Vague, c’est Mai 68 qui noms et les cafés des enseignes qui nous portée (les livres), et du film comme lan-
| donné son véritable second souffle a cette disent ce qu’ils sont, tout en parlant au-dela. gage qui lui donne vie par le montage, point
ville dont Godard enregistre aujourd’hui le Paris, filmée par Godard, est une ville-titre. par ot ’hommage 4 Bresson dans Eloge de
lernier soupir, filmant la carcasse en ruines Ainsi, 4 Montparnasse, le café Liberté ou l'amour prend tout son sens. Eloge de l’amour
Jes usines Renault. Cet éloge soudain trans- L’Odessa, par ot s’engouffre Eisenstein et est le film d’un enfant du siécle et d’un
orme la ville en un miroir qui réfléchit dans Le Cuirassé Potemkine. Dans le monde de « enfant du texte », pour reprendre le titre
in méme mouvement le temps de la Nou- Godard, toute chose a un nom. Il y a du d'un ouvrage de Pierre Legendre : « Le lan-
velle Vague au temps de I’Histoire. Pendant « Rosebud » chez lui, sauf que le nom ne gage nous sépare des choses en les nommant, mais
ongtemps, dans le cinéma de Godard, la aussi notre s¢paration d’avec les choses institue
suerte a été inscription du contemporain : les choses sous un nom pour le sujet qui parle, et
suerte d’Algérie (Le Petit Soldat), puis guerre ON DIT QU’ON EST JEUNE de ce fait institue le sujet lui-méme comme sujet
lu Vietnam, conflit israélo-palestinien (Ici du discours social des catégories, dont relevent le
t ailleurs), guerre en ex-Yougoslavie (For OU VIEUX, PAS ADULTE : nom des choses et la raison de ce qui entre elles
ever Mozart), filmée du bout des doigts, a les divise. » Instituer et diviser, nommer et
vartir de la Suisse. Les Histoire(s) du cinéma CE CONSTAT REORGANISE séparer, il n’est pas d’éloge de l'amour sans
nt tout désynchronisé : intégrer la Seconde ce principe.
suerre mondiale, survenue avant que Eloge de l’amour. OU 1 EST Ala table d’un restaurant, deux person-
3odard commence 4 faire des films, l’a nages discutent sur l’usage des mots et le
‘ontraint a revoir la perspective. (TOUJOURS) QUESTION sens a leur accorder. Qu’est-ce qui distingue
En 1952, au temps de sa jeunesse cri- la vie de l’existence ? On ne retient pas tout
ique, Godard défendait en ces termes L’In- D’ HISTOIRE ET DE CINEMA, de ce qui se dit, parce que beaucoup de
onnu du Nord-Express : « Profondément ger- choses sont dites dans Eloge de l’amour et
nanique, l’art d’ Hitchcock l’est depuis The D’ OCCUPATION ET DE qu’un film n’est pas un livre. En revanche,
odger » (Cahiers, n° 10). année suivante, cette conversation nous ouvre a la question.
Livette décelait chez Howard Hawks, NOUVELLE VAGUE... Celle, ainsi formulée par Legendre : « Rendre
cinéaste de l’intelligence et de la rigueur, un possible 4 homme d’apprivoiser Vénigme d’étre
énie germanique... » (Cahiers, n° 23). Chez né. » Car, ajoute-t-il, « il faut un titre a vivre
Cohmer, a travers Murnau, tout génie en redonne pas l’origine et la vie qui va avec et c’est au titre de la vie que nous mourrons
inéma est germanique. Parmi eux, Godard (le nom d’un traineau, l’enfance de Citizen (« Eloge du titre », Tiafic, n° 1) ». De titre,
st le seul dont le cinéma s’est épuisé a Kane) puisque c’est le statut et la fonction il en est beaucoup question dans Eloge de
ssoudre un dilemme entre une attirance du nom, dans sa capacité et son autorité 4 Vamour, a travers le titre d’un tableau et un
rtistique et philosophique pour I’Alle- fonder les choses, a les nommer, qui seules titre en Bourse, et des Etats-Unis, ce pays
ragne (l'art et la pensée) et une donnée l'intéresse. Ainsi ce panneau indicateur, au sans nom, qui n’existe pas, faute de titre.
istorique et politique, celle du nazisme détour d’un plan et d'une gare : « Drancy Chez Godard, habiter le langage, le monde-
t de la réalité des camps d’extermination, avenir ».A quoi ressemble ce Drancy a venir titre, instituer dans un film la condition du
mbre portée au tableau. Deux entités non quand, pour beaucoup, Drancy est lié au parler, tout ramener aux mots pour qu’il
‘conciliées, irréconciliables, qui sont le socle passé, aux trains des déportés ? Ot est-il y ait enfin des choses, est sa maniére 4 lui,
e son cinéma, le déchirent de l’intérieur enfuit ce passé pour qu’on baptise aujour- unique, d’approcher cette énigme et de
a permanence. Dans Eloge de l’amour, on hui une gare « Drancy avenir » ? Du coup, commencer 4 la résoudre. « Dieu a-t-il un
dit Paris au temps de I’Allemagne (’}Oc- ce quartier, cette ville nouvelle, Godard ne nez, des dents, une barbe ? Ridicule. Dieu est un
Apation) et au temps de I’expressionnisme la filme pas, n’a pas besoin de la filmer. La nom, il est le titre des images, le titre qui les
lemand (’ombre du grand Schiiffan, opé- réalité du lieu ne l’intéresse pas. Seule I’exis- fonde. » Interroger les fondements de l'image,
iteur de Pabst et d’Ophuls, plane sur ce tence de la plaque lui suffit 4 partir de ce et au nom de quoi une image est le garant
m).Aujourd’hui, les gauchistes de Mai ont qu’elle nous enseigne de l’histoire. de la ressemblance entre les choses et le
Sserté les pavés. Tout comme ils ont déserté De tous les cinéastes de la Nouvelle monde, tel serait le moteur de I’entreprise
illancourt, vide de ses ouvriers. Pendant Vague, Godard est le plus a-bazinien. Le godardienne, et la condition de sa singuliére
+ temps, les SDF ont envahi les rues. Amére célébre texte d’André Bazin, « Ontologie solitude, sur des sentiers peu explorés par le
ctoire. La « traversée de Paris » que le film de la photographie », se termine par une cinéma. =
iy
yt)
Ps
DE CES AJOUTS.
+ IL Y A VINGT-CINQ ANS,
UNE REVOLUTION
TECHNOLOGIQUE GARDE
AVENTURE, DIT-IL,
D Apocalypse Now ».
Recueilli par
NICOLAS SAADA
CANNES 2001
FRANCIS FORD
COPPOLA
Toujours prophete
ingt-deux ans aprés la palme ont retravaillé leurs films dans des ver- croire qu’il existait deux versions diffé-
dor d’ Apocalypse Now, Fran- sions remontées ou méme remastéri- rentes d’ Apocalypse Now. J’ai ensuite retiré
cis Ford Coppola était devenu sées : George Lucas avec Star Wars, ces séquences et fait défiler le générique
un réalisateur discret, a l’écart Friedkin avec L’Exorciste... sur un fond noir. explosion du repaire
Hollywood, absorbé par son Je pense que tout cela est principalement de Kurtz ne fait pas partie de cette nou-
studio, Zoetrope, son site da a lapparition du pvp. C’est un velle version.
internet... et une entreprise vinicole qui médium extraordinaire qui permet non
assure désormais son assise financiére. seulement de voir un film dans de trés ® On verra en revanche les scénes
Pour les Cahiers, il s'est confié sur la genése bonnes conditions mais offre en plus toute chez les Frangais, dans la plantation...
de la nouvelle version d’ Apocalypse Now. une gamme d’éléments interactifs : les Oui. Mais nous ne nous sommes pas
Et sur ses nouveaux projets. « bonus », des scénes coupées... On peut contentés d’ajouter des scénes coupées :
grace au DVD, grace 4 ce que peut conte- nous sommes revenus au négatif, nous
® Qu’est-ce qui vous a décidé a retra- nir le disque, montrer des choses jusqu’a avons tiré une nouvelle copie d’aprés ce
vailler sur Apocalypse Now vingt ans présent peu vues par le grand public. négatif, nous avons effectivement monté
aprés ? Grace 4 la popularité du Dvp, on peut des scénes inédites, comme celles de la
Pendant des années, ceux qui avaient vu trouver maintenant de I’argent pour res- plantation ainsi que d’autres séquences
les premiers montages du film, comme taurer les films ou en présenter des ver- trés importantes. I] y a aussi nombre de
Paul Rassam, me répétaient qu’ils avaient sions différentes, plus longues, quitte par- détails sur lesquels nous avons travaillé :
gardé en mémoire beaucoup d’images, fois 4 accompagner ce travail d’une certaines transitions, certains plans ont été
de scénes que j’avais ensuite décidé de ressortie en sales. modifiés. La premiére version durait déja
couper. Ils me poussaient 4 retravailler 2 h 30 ; et, a l’époque, le film était déja
le film et 4 concevoir une version longue. ® Combien de matériel avez-vous assez bizarre. Cette nouvelle version de
Je pensais que, effectivement, beaucoup ajouté a Apocalypse Now ? 3 h 30 est encore plus étrange que la pré-
de choses pouvaient étre ajoutées mais je 53 minutes... cédente.Je pense qu’aujourd’hui, le public
n’envisageais cela qu’a condition que Wal- connait suffisamment Apocalypse Now
ter Murch, monteur de la premiére ver- ®@ Ces 53 minutes incluent-elles la des- pour pouvoir se laisser entrainer dans
sion, m/assiste sur le film. J’en parlais régu- truction du repaire de Kurtz, que vous quelque chose d’encore plus radical, de
ligrement 4 Walter, mais il était toujours commentez sur les bonus du DvD plus développé.
trés absorbé par les films sur lesquels il tra- d’ Apocalypse Now ?
vaillait. Il y a un an, Walter m’a dit qu’il Non, ces séquences servaient de fond au ® Limage et le son ont-ils été retra-
avait du temps libre, et qu’il était prét a générique des copies 35 mm du film. La vaillés dans ce sens ?
travailler sur la version longue d’ Apoca- version originale, celle qui a été montrée Oui. Nous avons remonté le film, mais, 4
lypse Now. Nous avons réuni le finance- a Cannes en 1979, était présentée sans cause des 53 minutes supplémentaires,
ment nécessaire 4 cette premiére version générique de fin. On distribuait aux spec- nous avons rajouté de nouvelles musiques
et, enfin, nous sommes revenus au néga- tateurs des programmes dans la salle avant et remixé entiérement le film. La nou-
tif original pour aboutir 4 ce nouveau film la projection. J’avais tourné l’explosion velle copie Technicolor est magnifique.
que j'ai intitulé Apocalypse Now Redux. du repaire de Kurtz, et j’ai ensuite utilisé C’est un nouveau film.
ces images pour le générique de fin des
® Depuis l’apparition des nouvelles copies 35 mm. Ca a créé ensuite une ® N’est-ce pas une expérience étrange
technologies, beaucoup de réalisateurs confusion et les gens ont commencé a pour un cinéaste de revenir sur son >
CANNES 2001
‘© PATHE
™ Vous avez souvent comparé Apoca-
lypse Now a V opéra...
film vingt ans aprés ? se situe dans un nouveau contexte. Cette version est encore plus extréme et
Non. D’abord parce que je travaillais avec effectivement peut faire penser a l’opéra...
un de mes plus proches collaborateurs, Cette nouvelle version ressemblera
qui était déja associé a la premiére ver- davantage au livre de Conrad Au coeur Les premiers plans, avec la chanson
sion : Walter Murch. C’est quelqu’un de des ténébres, qui contient cette espéce des Doors, le bruit des pales d’héli-
trés rationnel : nous avons réfléchi de quéte, de voyage vers l’inconnu. coptéres, fonctionnent presque comme
ensemble a l’approche que nous voulions Plus ou moins. Mais le film dans cette une ouverture...
donner a cette nouvelle version. La pre- nouvelle version trouve, je crois, sa cohé- Jadorais V'idée de ce début. Et en assem-
miére s¢quence sur laquelle nous avons rence propre. C’est vraiment un film blant les images, j'ai pensé a la chanson
travaillé est celle de la plantation frangaise. d’aventures, et d’une drdle de maniére, il de Morrison, The End. Il n’y avait pas de
On est partis quasiment de rien, puis on est plus libre, plus confiant, plus affranchi ma part un choix conscient : mais c’est
a procédé ensuite s¢quence par séquence, des contraintes que recelait la premiére vrai, ce début ressemble a un prélude, a
bloc par bloc, avant de les intégrer dans version. I] est aussi délivré du poids du une ouverture...
la version originale. Et l’on a aussi tra- roman de Conrad.
vaillé sur les ellipses. A la cérémonie des Oscars, a la toute
Le public d’aujourd’hui est-il trés fin des années 70, vous prédisiez ce
Méme si Apocalypse Now est inspiré différent — plus ouvert peut-étre — de que vous appeliez alors une révolution
de Conrad, c’est, au-dela d’une adap- celui d’il y a quinze ou vingt ans ? technologique. Votre discours avait été
tation, d’un film de guerre, une sorte Oui, sans ’ombre d’un doute. J’ai tou- accueilli avec scepticisme. Que pen-
d’« expérience ». Il y a des points com- jours pensé que le premier Apocalypse Now sez-vous de ce qui s’est passé depuis ?
muns avec 2001 de Stanley Kubrick, était pergu par le public de l’époque Méme si ce discours date, d’il y a vingt-
également ressorti cette année. Ce sont comme une expérience assez éprouvante, cing ans, tout ce queje prédisais est vrai :
des voyages... sans parler de la controverse autour du on monte les films sur ordinateur, les nou-
C’est vrai. Cette nouvelle version est film. Les gens trouvaient le film trés velles technologies offrent une liberté
davantage une expérience qu’un film de étrange. Et beaucoup avaient fait la com- nouvelle aux créateurs. George Lucas
guerre. Ce n’est plus un film d’action et, paraison avec 2001. On ne comprenait tourne son Star Wars en numérique.
J’ es-
de ce point de vue, cette version me satis- pas toujours ce parti pris : on trouvait que pére que, maintenant, on me prendra au
fait thématiquement encore plus. Par c’était une fin trés singuliére pour un film sérieux quandje me risquerai 4 de nou-
exemple, la fin du film, méme si elle n’est de guerre. Un spectateur qui découvre velles prédictions !
6.
pas trés differente de la premiére version, maintenant la premiére version d’ Apo-
résonne d’une autre fagon parce qu’elle calypse Now aura l'impression que le film Et quelles sont ces prédictions alors ?
Attention
exclusivité! COMPOSITEUR
UNE S$! ESSION
GENIE
DE
Wy \
USIQUES DE FILMS O
CATILERS
ate ral CINEMA
CANNES 206001
Foe ee a ee ee a
CANNES 2 070 1
sur Canal +
Howard) Chelsea Walls (Ethan
Hawke) The Deep End (Scott
McGehee et David Siegel) Glass
Tears (Carol Lai) Hush!
(Hashigushi Ryosuke) Made in
The USA (Sélveig Anspach et Canal + féte les 50 ans des
Cindy Babski) Martha... Martha Cahiers en consacrant une nuit
(Sandrine Veysset) Mirror Image spéciale a l’événement,
(Hsiao Ya-chuan) | nostri anni du 17 mai 4 20 h 30
(Daniele Gaglianone) L’Orphelin au 18 mai a5 heures du matin.
d'Anyang (Wang Chao) Ouvriers, Au programme :
Paysans (Daniéle Huillet et Jean- 20 h 30: Une histoire vraie, de
Marie Straub) Rain (Christine David Lynch
Jeffs) Slogans (Gjerg| Xhuvani) 22 h 20: Le Cinéma des Cahiers,
La Traversée (Sébastien Lifshitz) un documentaire inédit
Jeunesse dorée (Zaida Ghorab) d’Edgardo Cozarinsky, avec de
Queenie in love (Amos Kolleck) nombreuses interviews et
Fatma (Khaled Ghorbal) Ceci est images d’archives
mon corps (Rodolphe Marconi) 23 h 35 : cing courts-métrages,
Pauline et Paulette (Lieven précédés d’interviews
Debrauwer) (lire Varticle ci-contre). m « En Rachdchant », de Jean-Marie Straub et Daniele Huillet.
Moyens
et courts-métrages Vers 2 heures : M/Other de
Ce Vieux Réve qui bouge (Alain Nobuhiro Suwa. @ Dans la sublime et trés rare Ren- nie paradoxale, met en scéne deux
Guiraudie) Le Systéme Zsygmondy trée des classes (1955) de Jacques adolescents, un frére et une sceur,
(Luc Moullet) Cyber Palestine Rozier, 4 la suite d’un pari, un qui singent les adultes. Ils forment
(Elia Suleiman) La Nouvelle Vague pourrait enfant jette son cartable qui un couple précoce et discrétement
dabord se résumer a cela : des contient ses devoirs de vacances incestueux, un modéle de couple
l@ SEMAINE INTERNATIONALE mauvaises maniéres de cancre par-dessus un pont d’un petit vil- de Francais moyens des années 60.
DE LA CRITIQUE qui préféraient l’école buisson- lage du Sud. Au moment ot la Durant cette longue séquence
Longs-métrages niére aux devoirs académiques. cloche de l’école retentit, le gamin mettant en scéne ces adolescents
Le Pornographe (Bertrand Pour la nuit des Cahiers sur préfére partir a la poursuite de son pendant le diner, Moullet, avec
Bonello) La Femme qui boit Canal +, ?équipe du court- cartable. Vécole buissonniére se la malice qu’on lui connait, semble
(Bernard Emond) Unloved métrage (Pascale Faure et Joelle conjugue ici avec le gout déja parodier la Nouvelle Vague (le titre
(Kunitoshi Manda) Almost Blue Matos) a eu la belle idée de pro- unique de Rozier pour les digres- du film renvoyant a celui de Char
(Alex Infascelli) Efemeri grammer cing films (a partir de sions enfantines, et la balade de lotte et son steack), et son gout pow
(Giorgos Zafiris) Bolivia 23 h 35) qui ont en commun de Yenfant donne l'occasion d’insuf- les personnages d’enfants troy
(Adrian Caetano) Under the mettre en scéne des enfants ou fler au cinéma un bol d’air et une adultes.
Moonlight (Reza Mirkarimi) des adolescents qui, 4 leur liberté narrative salutaire. ® Vingt ans plus tard, les Straul
Spéciale_ maniére, sément le désordre. @ Dans La Muette, le court-métrage radicalisent ce refus d’apprendri
La Plage noire (Michel Piccoli) ®@ Dans Véronique et son cancre que Claude Chabrol a réalisé pour de l'enfant. Adapté d’une nouvell:
(1958) d’Eric Rohmer, ladite « Paris vu par », enfant reste cette de Marguerite Duras (dont ell:
i SEANCES SPECIALES Véronique, venue aider 4 domi- fois impassible, observant ses bour- donnera elle-méme sa propre ver
ABC Africa (Abbas Kiarostami) cile un jeune garcon qui ne tra- geois de parents (interprétés par sion en 1985 dans Les Enfants), E
II Mio Viaggio in Italia (Martin vaille pas 4 l’école, se confronte Stéphane Audran et Claude Cha- Rachachant (1978) met en scén
Scorsese) Sobibor, 14 octobre a son refus d’apprendre. On brol lui-méme) s’engueuler toute Ernesto qui, tétu, décide de dir
1943, 16 heures (Claude Lanzmann) retrouve dans I’un de ces premiers la journée. Sa seule maniére de se non a tout ce qu’on lui demand
essais du cinéaste une mise en révolter sera cette fois de se murer Les sept minutes trente seconde
@ Hors compétition scéne de la parole 4 travers l’op- dans le silence, s’enfongant des de ce beau film, séches et tendue
Apocalypse Now (Francis Ford position de deux rhétoriques : boules de coton dans les oreilles. 4 l'image du visage de l’enfan
Coppola) CQ (Roman Coppola) Véronique se met lentement a Ce petit film, incisif et glacial (la révélent l’opacité de la pensée d
Human Nature (Michel Gondry) douter du discours des mathéma- fin diaboliquement cruelle), est un cet enfant qui, lorsque son entou
Avalon (Mamoru Oshi) The Center tiques dés que le freluquet, avec prologue parfait aux chefs- rage s’inquiéte de savoir commer
of The World (Wayne Wang) Vintelligence retorse que seuls les d’ceuyre chabroliens des années il compte grandir sans apprendn
Trouble Every Day (Claire Denis) cancres maitrisent, retourne contre 70. ne cessera de marmonner : « E
Les Ames fortes (Raoul Ruiz) elle la logique pourtant implacable @ Dans Un steack trop cuit (1960), rachachant ! » En quoi ?
des équations 4 deux inconnues. Luc Moullet, déja doué pour liro- Jéréme Larch«
France Inter
En direct du 54° Festival International du Film de Cannes
avec
DU 9 au 20 MAI,
TOUTE I’ACTUALITE DU FESTIVAL DE CANNES SUR FRANCE INTER
; France
mter..
DOSSIER
A QUEL POINT
L’ HEGEMONIE
AMERICAINE A-T-ELLE
TRANSFORME
LE PAYSAGE
CINEMATOGRAPHIQUE
MONDIAL ? POUR
LES REPONSES DE 50
D’ENTRE EUX A NOTRE
QUESTIONNAIRE.
©) 50 cinéastes
E>de la
planete
dossier coordonné par EVANGELINE BARBAROUX
Bess TER
1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national/américain ? 3. Systéme d’aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films ?
lywood. J’ai essayé de lutter contre vaillant ensemble, nos deux pays
cette situation absurde qui menace pourraient relancer une culture du
de mort le cinéma européen. Une film européen, tout en contribuant
chose est sure : le cinéma américain au soutien de la créativité d’autres
perd du public depuis ces derniers cinémas étrangers, y compris du
mois. Ses budgets flambent mais son cinéma américain indépendant.
originalité est en panne. C’est peut- 6. Quelle doit étre la priorité : réa-
étre le signe d’un tournant. liser un nouveau film dans son pays,
3.1 existe, en Allemagne, un systeme sa région, en puisant dans son passé,
de soutien du cinéma national trés au sa propre vision de l'avenir — ou bien
point. I] combine une aide fédérale se battre sur tous les fronts pour évi-
et une aide centralisée gérée par deux ter la mort d’une conception du
organisations. Mais ce systéme n’a pas cinéma ? Le marché mondial, inhu-
encore engendré un renouveau du main, tend 4 détruire tout ce qui, dans
cinéma allemand. Et nos producteurs le cinéma, ressemble a des idées, des
sont tellement fascinés par le modéle sentiments. L’Europe a vendu ses
américain qu’ils préférent investir images au marché ! Est-il encore
m « Mon ceeur a personne » de Helma Sanders-Brahms (1997). dans des projets américains. temps de les sauver du grand trou
Méme titulaires d’un Ours d’or ou noir ot elle les a laiss¢es tomber ?
REPERES
ALLEMAGNE d'un oscar, la plupart des grands
cinéastes de ma génération n’ont pas
pu tourner un film digne de ce nom
Les politiques européens devraient
comprendre qu’il n’y a pas d’avenir
pour une Europe qui néglige ses
Helma depuis dix ans : c’est le cas de Michael propres images. On ne gagnera aucun
Allemagne Sanders-Brahms :
Verhceven, Peter Lilienthal, Peter
Schroeter, Reinhard Hauff, Rainer
marché 4 imiter l'autre : on perdra sur
notre propre terrain.
(chiffres de 2000) Simon, Lother Warnecke, Frank
™ 4 783 écrans, « Relangons une culture Beyer, Ula Stéckl, Ulrike Ottinger.
128 multiplexes.
® 152,5 millions
d’entrées
du film européen »
Moi-méme, j’ai eu cing films sélec-
tionnés 4 Cannes, plusieurs réecom-
penses internationales, mais j’ai les
ARGENTINE
® 1613 millions de I ee Sanders-Brahms, née en plus grandes difficultés a travailler Marcelo Pineyro :
deutschemark (5,4 1940, commence par réaliser dans mon pays.
milliards de francs) de des reportages et des documentaires La presse allemande nous a dénon- « Les multiplexes ont
recettes de critique sociale pour les chaines cés comme la « génération du cinéma
®@ 94 films allemands allemandes. Elle tourne son premier dauteur ». On nous a rendus res- fait reculer la vidéo »
produits long-métrage en 1975, Sous les paves, ponsables de la baisse de fréquenta-
®@ 12,5 %: part de la plage sur la « génération 68 ». En tion en salles. Mais, dans la derniére A, prés des études a I’Ecole des
marché des films 1991, elle réalise un film sans conces- décennie, le nombre d’entrées du / \beaux-arts de la Plata, Marcelo
allemands. sion sur la vie en ex-RDA : Les Fruits cinéma allemand ne s’est pas redressé, Pineyro a fondé en 1980 Cinémania,
®@ 85,5 %: part de du paradis. tandis que notre génération se trou- société de production de films publi-
marché des films 1. The Crossing de Nora Hoppe vait exclue de la réalisation des films. citaires, qui s’est vite imposée sur le
américains. (coproduction entre |’Allemagne et La culture cinématographique alle- marché sud-américain. En 1992, son
® Les gros succés la Hollande), England ! de Achim von mande du film d’auteur n’existe plus. premier film, Tango Féroce, est un
de 2000 : Borries (Allemagne), Merc pour le cho- 4. La salle reste la meilleure facon de énorme succés commercial, tout
American Pie de Paul colat de Claude Chabrol, Tigre et dra- voir un film en Allemagne. La qua- comme Caballos Salvajes (1995) avec
et Chris Weitz gon d’Ang Lee, Boys Choir d'un lité de projection est excellente. L’ar- 1 million d’entrées. Son dernier film,
(E-U) cinéaste japonais. rivée des multiplexes ces derniéres Vies brillées, est sorti en 2000.
Mission Impossible 2 de 2. En Allemagne, 80% des films pro- années a entrainé la fermeture de 1.Une liaison pornographique, de Fré-
John Woo (E-U) jetés en salles sont américains, 10% nombreuses salles, petites ou grandes. déric Fonteyne, Tigre et dragon d Ang
Anatomyde Stefan Ruzo- sont allemands, les films venus d’Eu- 5. Ma réaction personnelle 4 la mon- Lee, Traffic de Steven Soderbergh, Lx
witzky (Allemagne) rope, d’Asie, d’Afrique et du Magh- dialisation a été de travailler comme Marais de Lucrecia Martel, Infidéle de
reb se partagent les derniers 10%.Je conseiller du ministre de la Culture, Liv Ullmann.
suis bien consciente que les produc- Michael Naumann, pendant les deux 2. En 2000, lArgentine comptai'
teurs allemands cherchent a investir ans de son mandat. Je l’ai aidé 4 33,5 millions d’entrées en salles. Le
dans des projets américains. Méme appréhender la politique du cinéma cinéma américain représentait 68,8%
notre fonds de soutien investit 4 Hol- en France et en Allemagne. En tra- les films argentins, 19,1% et les film
0 89s SJ ER
. Votre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?
AUTRICHE Et aussi,
Ruth Beckermann : a Cannes...
A Cannes, on peut
« Contre cette idée voir des films en
provenance du monde
chauvine... » entier, ce qui change
du reste de l’année ou
N ée en 1952, Ruth Beckermann les films viennent le
L Nest a la fois documentariste et plus souvent du
écrivain. Parmi ses ceuvres les plus méme endroit :
importantes Wien Retour en 1983, Hollywood.
Nach Jerusalem en 1990, Jenseits des En association avec
Krieges en1996. En 2001, elle a ter- les Cahiers du
miné homemad(e), tourné de |’été cinéma, \a Société
@ « Vies brillées » de Marcelo Pineyro (2001). 1999 au printemps 2000, au fil de ses des Réalisateurs de
rencontres avec les passants, les habi- Films a proposé a des
européens, asiatiques et latino-amé- est encore qu’a ses débuts. tants, les habitués d’une rue de Vienne. cinéastes du monde
ricains, 11,1%. En dix ans, la fré- 5. Je ne pense pas que la mondiali- 1. Chocolat de Lasse Hallstrém, Tigre entier de prendre
quentation globale a doublé, passant sation ait provoqué de gros change- et dragon d’ Ang Lee, Kuzco, l’empereur position en réalisant
de 17,1 millions d’entrées en 1991 4 ments dans le cinéma argentin, qui mégalo, produit par Walt Disney, Code un film de cing
33,5 millions en 2000. La part du reste un cinéma isolé, sans perspec- inconnu de Michael Haneke et La minutes afin de
cinéma argentin a pratiquement tri- tives d’ouverture. Cependant, la Voleuse de Saint-Lubin de Claire sensibiliser le public
plé, passant trés rapidement d’un petit société argentine a souffert de la Devers. a cette question
7% en 1991 4 19,1% en l’an 2000, mondialisation, et cet appauyrisse- 2. L’Autriche produit 15 films par essentielle pour la
avec un pic a 22% en 1997. ment est aussi culturel. De plus, la an. Les films francais et surtout les survie du cinéma.
3. Lindustrie du cinéma argentin standardisation du cinéma liée a l’in- films américains sont nombreux. La Cette année, a
recoit trois sortes de soutien finan- vasion du courant américain exerce situation ne va guére évoluer. Mais Cannes, la srF et les
cier : des préts a taux faible destinés une sorte de dictature sur le mode de dans dix ans, s’agira-t-il de films ou Cahiers du cinéma
a la production cinématographique ; narration. La survie des cinémas de projections numériques ? vous convient a voir
des subventions pour développer I’in- nationaux dépend de leur capacité a 3. LEtat accorde des subventions. les premiers films
dustrie : le gouvernement accorde au générer leur propre public. C’est un 4. Les salles de cinéma. déja réalisés
producteur 60% du prix de chaque grand défi pour moi : trouver ma 5. Les chaines de télévision achétent (Jean-Marie Straub et
billet vendu, dans la limite du cotit propre voie, en évitant de tomber nos films documentaires 4 trés bas Daniéle Huillet,
reconnu de la production de ce film ; dans un stylisme superficiel.
J’ai choisi prix. Pour les réalisateurs, cette poli- Arturo Ripstein,
des subventions 4 la diffusion élec- Lutilisation de genres classiques, et tique des prix a un effet dévastateur. Helma Sanders-
tronique de l'information : il s’agit cette démarche a coincidé avec les Il y a aussi les restrictions liées aux Brahms, Marc Recha,
d'un montant fixe qui ne peut en exigences nouvelles du public argen- échéances. Les coproductions devien- Amos Gitai, Jia
aucun cas dépasser 50% du coit tin : trouver le trait individuel qui nent monnaie courante. Cela rend le Zhang-Ke), a la
teconnu de la production de ce film. offre une identité et une raison d’étre, processus de financement du film plus Quinzaine des
En Argentine, il n’y a aucun traite- par opposition au cinéma standardisé long, plus compliqué et plus cher. Réalisateurs le vendredi
ment de faveur pour les films argen- que la mondialisation semble exiger. Mais le bon cété, c’est que les 18 mai a 14h30.
tins en ce qui concerne la program- 6. Le cinéma latino-américain a cinéastes qui luttent contre la com-
mation des cinémas. connu le mélodrame des années mercialisation de leur travail com-
4. Le moyen le plus courant pour 40-50, le cinéma révolutionnaire muniquent plus entre eux.
voir des films est le cable ou la télé- des années 60-70, le « réalisme 6. On considére que les films, plus
vision satellite, car les chaines magique »... Dans les années 90, des que tout autre produit culturel, sont
oubliques passent trés peu de longs- cinéastes d’Amérique latine se sont représentatifs de leur pays.Je trouve
nétrages. La vidéo a connu son heure spontanément mis 4 la recherche de cette idée chauvine et anachronique.
Je gloire, en dépassant la fréquenta- la forme qui leur permette de repré- Mes films ne représentent pas l’Au-
ion en salles, dans les années 80. Avec senter la nouvelle réalité. Ils n’appar- triche, ils ne représentent qu’eux-
’arrivée des multiplexes dans les tiennent a aucune école, bien qu’ils mémes.
innées 90,le cinéma a retrouvé sa créent des relations fortes avec les
uprématie sur la vidéo. Le DvD n’en jeunes publics de leurs pays.
Pn - ee
DOSSIER
1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national/américain ? 3. Systeme d’aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films ?
Votre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?
1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national/américain ? 3. Systéme d'aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films ?
préserve pas notre singularité. programme Léon de Luc Besson. circuits de diffusion nord-américains
6. Je ne fais pas de films comme si 3. Pour mes films, j’ai recu une aide sont si déficients que, méme dans ces
J étais une nation ou une région. J’ai du cNc, de l’Accr (Agence inter- formats, de nombreux films ne sont
un regard trés personnel. Cela étant, gouvernementale de la francopho- pas disponibles.
le public ou la critique peuvent nie, du FAS et du Fonds Sud). 3. Je cherche 4 voir La Commune de
minscrire dans un espace géogra- 4. Tous les films (kung fu ou hol- Peter Watkins, Liam de Stephen Frears
phique que mes films projettent lywoodiens) existent en VHS et en et les derniers courts-métrages
d'une fagon ou d’une autre. DVD, ce sont des copies pirates. d’Alain Cavalier, et je n’y arrive pas.
5. Depuis ouverture du Cambodge Beaucoup de ces films ne sont pro-
dans les années 90, les Américains jetés qu’une seule fois dans les fes-
sont les maitres. Mon travail a tou- tivals de films qui sont devenus le der-
jours été difficile parce que nous nier refuge des ceuvres de qualité.
n’avons pas de ressources financiéres. Encore faut-il étre disponible pour
Et les producteurs locaux ne s’inté- courir les festivals, cela demande une
ressent qu’aux Karaoké (destinés aux énergie et une ferveur de cathécu-
immigrés en Europe, aux Etats-Unis méne. Les cinéastes dont je ne ratais
et en Australie). jamais un film sont morts, silencieux
6. Dans le contexte actuel et par rap- (Bergman) ou invalides (Antonioni).
8 port a Vhistoire du pays, faire du Le cinéma était l’art du xx‘ siécle, il
: cinéma au Cambodge, c’est faire de est mort avec lui. Les conditions de
; la résistance. En ce sens, nous tentons
de créer une cinématographie natio-
production se sont a ce point dégra-
dées qu’il est devenu impossible de
nale — non nationaliste. Nous voulons poursuivre une ceuvre cohérente.
@ Rithy Panh sur le tournage d’« Un soir apres la guerre » (1998). d'abord réaliser un travail de mémoire. Les entrées en salles au Québec se
C’est une urgente nécessité. divisent en 80% pour le cinéma amé-
ricain, 12% pour le cinéma interna-
CAMBODGE CANADA
tional et 8% pour la production
locale. Le phénoméne le plus impor-
tant des vingt derniéres années est la
Rithy Panh : disparition progressive du cinéma
Denys Arcand : européen de nos écrans. Les films
« Faire du cinéma au francais et italiens en particulier,
« De ce cété-ci autrefois populaires, sont en chute
Cambodge, c’est faire libre. La production locale, comme
de la barricade... » partout ailleurs, est surtout faite de
de la résistance » comédies inexportables.
| yo Arcand, né en 1941, réalise Tous les films canadiens sont 4 peu
| ) ithy Panh, né en 1964, est en 1969-70, un documentaire prés entiérement financés par l’Etat
“\diplémé de P'iDHEC. II réalise de sur les usines du sud du Québec et (Etat fédéral et Etats provinciaux) a
nombreux documentaires engagés les conflits entre francophones et travers des systémes compliqués. II
(Cambodge, entre guerre et paix, 1992 ; anglophones. Cas trés rare, le film est n’y a pas d’argent privé investi dans
Bophana, une tragédie cambodgienne, censuré. En 1986, son Déclin de l’em- la production ni méme dans la dis-
1996) et un film de fiction, Les Gens pire américain remporte un large suc- tribution des films canadiens.
de la riziére, en 1994. cés international. Son dernier film, 4. Si vous avez 20 ans et que vous
1. Le dernier film que j’ai vu au Stardom, était en cléture du Festival voulez voir Brad Pitt et Julia Roberts.
Cambodge, Les Fils du serpent Keng de Cannes 2000. il y a de trés nombreux nouveaux
Kang, est une production thai-cam- 1. Cette année, j’ai vu Le Messie de mégaplexes ou, en plus de 20 salle:
bodgienne. II est projeté au Centre William Klein et Requiem for a dream de cinéma, vous pouvez aussi trou-
culturel francais et au Centre cultu- de Darren Aronofsky. L’an dernier, ver des fast food, de gigantesques salle
rel russe. javais vu American Beauty et Magno- de jeux vidéo et méme (4 Québec
2. Il y a deux salles de cinéma au lia. Il y a deux ans, Il faut sauver le sol- une piste d’autos tamponneuses. Le
Cambodge. Lune appartient au dat Ryan de Spielberg. films a l’affiche sont ceux qui si
Centre culturel frangais (on y voit des 2. Je ne vois presque plus jamais de retrouveront quatre mois plus tar
films frangais). Vautre, ouverte depuis films en salles,je regarde tout chez dans les vidéo-clubs et un ou dew:
février 2001, est tenue par une entre- moi en DVD ou en VHS.J’ai un écran ans aprés sur les chaines de télévision
prise coréenne. Actuellement, elle géant et une bonne sonorisation. Les Une salle d’Art et Essai et dew:
DOS
S71 EE
. Votre travail a-t-il 6té affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?
1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2, Part du cinéma national / américain ? 3. Systeme d'aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films ?
Pour Eyes Wide Shut, une animatrice canadiens ne sortent pas sur les
nous a invités 4 danser une valse pen- écrans, ni méme 4 la télévision.
dant le générique. On nous avait pro- 2. Au Canada, pratiquement aucun
mis que, avec cette accumulation film canadien ne figure au box-office.
démente du nombre de salles, il y Je ne connais pas le pourcentage, mais
aurait plus d’espace pour le cinéma je sais que c’est un chiffre misérable.
d auteur. En fait, il y a davantage de Les films américains dominent tota-
salles pour Les 102 Dalmatiens et lement. D’ici 4 dix ans, la situation
moins pour le reste. La bonne nou- sera identique ou pire.
velle de ces derniéres années est l’ar- 3. Les films canadiens et les copro-
rivée de Daniel Langlois, un milliar- ductions regoivent un soutien finan-
daire québécois du software, qui a cier de la part du gouvernement pro-
construit trois salles de projection de vincial et du gouvernement fédéral
CARA M.
pointe (Ex Centris) destinées uni- sous forme de crédits d’impéts ou >
quement au cinéma d’auteur. En tant d'investissements réels. Cependant les m « Le Protégé de Mme Qing » de Liu Bingjian (2000).
que cinéaste, j’ai le sentiment de faire films américains recoivent également
la guérilla. Nous utilisons, pour la dis- un soutien gouvernemental dans le adhésion et une distribution globales.
tribution, les armes de l’adversaire 4 but d’attirer la production au Canada, Quand Bertolucci a-t-il tourné un
trés petite échelle (les médias), pour et parfois ce soutien est supérieur a film en italien pour la derniére fois ?
promouvoir des films tournés dans celui offert aux films canadiens. Liro- Luc Besson refera-t-il un jour un film
une langue qui s’exporte mal (le fran- nie, c’est que notre infrastructure de en frangais ? Le son des films tournés
cais). Il est trés difficile d’entrer en production cinématographique (les dans une autre langue que l’anglais
contact avec mon propre peuple tant studios, les maisons de location de me manque (c’est trés difficile d’en
il est submergé par la formidable matériel, les techniciens, les directeurs trouver ici ). Je me bats avec le « pro-
machine 4 promotion d’Hollywood. de production, etc.) a besoin de la bléme Hollywood » 4 chaque fois
La pression est de plus en plus forte télévision et des films américains pour que je fais un film, et le fait que je
pour que je tourne en anglais, parce rester solide, mais, en méme temps, parle l’anglais nord-américain rend
qu’il semblerait, selon plusieurs ceux-ci menacent d’éjecter les pro- cela encore plus étrange, et par cer-
sources, que les autres peuples ne s’in- ductions canadiennes. tains cétés, plus difficile.
téressent plus qu’a cette seule langue. 4. La plupart du temps,je regarde 6. J’ai bien sir intégré de nom-
6. Je suis un cinéaste québécois.Je des films en salle ou en cassette vidéo, breuses influences cinématogra-
fais partie d’une cinématographie et également sur de nombreuses phiques du monde entier, mais je
nationale québécoise. chaines de télévision payantes consa- considére que mes films sont avant
crées au cinéma. Il y a un énorme tout fondamentalement canadiens,
public pour ces moyens de diffusion guidés en dernier lieu par ma vision
David Cronenberg : au Canada. Les adolescents font sou- personnelle de I’4me canadienne.
vent des soirées au cours desquelles
« La mondialisation ? ils louent des films en DvD ou en
vidéo. La fréquentation des cinémas
Une américanisation » est toujours forte, mais elle traverse
des cycles. Récemment la construc-
| bide Cronenberg, né en 1945, tion de cinémas a connu un boom. Liu Bingjian :
se fait connaitre du public et de Maintenant on dirait qu’il y a un
la critique avec Frissons en 1970. Son effondrement lié 4 la faillite de « Le cinéma indépendant
cinéma est marqué par l’idée qu’une chaines de cinémas et a des fusions.
entité vient habiter et métamorpho- 5. Il semble que « mondialisation » ne regoit aucune aide »
ser les corps humains : Rage (1976), soit un euphémisme pour « améri-
La Mouche (1986) ou plus recemment canisation » lorsque l’on parle de | iu Bingjian est né en 1963. Son
Crash qui fit scandale 4 Cannes en cinéma. Dans les faits, cela signifie que _deuxiéme film Le Protégé de
1998 ou Existenz (1999). les films doivent étre tournés en Madame Qing (1999), qui traite de
1. Le dernier film que j’ai vu était anglais et avec Bruce Willis. J’appré- Vhomosexualité, est tourné sous le
Stardom, le culte de la célébrité de Denys cie les films hollywoodiens autant que manteau et produit de maniére indé-
Arcand. Cela fait longtemps queje nimporte qui, mais je déteste le fait pendante.
n’ai pas vu un film canadien :c’est en qu'il soit de plus en plus impossible 1. Deux films américains, deux films
partie ma faute (voir réponse 4), et en de créer d’autres styles de films, tout chinois et un film hongkongais.
partie parce que la plupart des films du moins des films qui trouvent une 2. Depuis dix ans, 70% des films du
BOSSI R
Votre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?
1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national/américain ? 3. Systeme d'aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films ?
. Votre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?
1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national/américain ? 3. Systeme d’aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films ?
Votre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?
1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national / américain ? 3. Systéme d'aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films
otre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?
1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national / américain ? 3. Systeme d’aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des film:
/otre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?
rents, dans des langues un peu dif- riens, ils s’exilent en Allemagne o1 ils
férentes, vont petit 4 petit étre mar- commencent 4 tourner (Non réconci-
ginalis¢es pour laisser pénétrer des liés, 1964-65, Chronique d’Anna Mag-
produits uniformes. dalena Bach, 1967). En 1969, ils s’ins-
6. Je ne crois pas. C’est assez amu- tallent 4 Rome et réalisent des films
sant d’ailleurs, car mon pays natal n’a qui contestent le mode de représen-
pas forcément envie de m’assumer.Je tation cinématographique habituel.
ne pense pas que les cinéastes appar- Leur dernier film, Ouvriers, Paysans,
tiennent 4 une nation précise, reven- est présenté cette année a la Quin-
diquent un drapeau. Les réalisateurs zaine des réalisateurs.
taiwanais, iraniens, israéliens ne sont 5. La mondialisation n’est qu’une des
pas obligés de ne parler que des pro- nombreuses péripéties du caca-pipi-
blémes de leur pays, c’est beaucoup talisme. Les cinéastes qui tournent des
trop réducteur. D’un cété, on aurait films en anglais alors que ce n’est pas
les cinémas européens et américains, leur langue sont des laquais de l'im-
qui feraient des films sur des expé- périalisme américain : ils font des
riences humaines universelles, et de films pour le marché. II faut tour-
| « Kippour » d’Amos environ 500 000 dollars pour la pro- Yautre les cinémas des « périphéries », ner des films particuliers, pour des
zitai (2000). duction et 50 000 pour la post-pro- qui ne feraient que du local ou de langues particuliéres, dans des endroits
duction. Les films sont soumis 4 l’ap- Y'exotique ! Nous ne devons pas particuliers, sur des lieux particuliers,
préciation d’une Commission. Par accepter cette division et 4 cause de sur des questions particuliéres. I] faut
exemple, ni Kadosh, ni Kippour n’ont cela il faut s’interroger sur la défini- réinventer les frontiéres, détruire l’Eu-
recu de subvention. Sinon, il existe tion du « national ». En Iran, Kia- rope du Dr Goebbels.
une série d’accords entre les chaines rostami ne se limite pas 4 l’expérience 6. Nous sommes les seuls cinéastes
de télévision israéliennes (privées iranienne, sa réflexion est beaucoup européens, des cinéastes des nations
comme publiques) et les produc- plus large. C’est la méme chose pour européennes. Nous faisons des films
tions : elles peuvent investir jusqu’a le Taiwanais Hou Hsia Hsien. Dans aussi bien en italien, qu’en frangais,
150 000 dollars par film. Good Bye South, Good Bye, il pose des qu’en allemand. Qui d’autre peut dire
4. Israél est un des pays les plus cablés questions qui sont celles des temps cela ? Nous ne voulons pas parler de
du monde : 1,5 millions de foyers modernes. « mondialisation » ou de « globali-
sont cablés et regoivent un nombre Le cinéma arrive 4 dépasser les fron- sation » - d’ailleurs, je ne connais pas
trés important de chaines avec une tiéres et son immense avantage c’est ce mot, je connais le globe, la pomme
grande variété de langues. Grace 4 qu'il n’a pas de présence physique de terre ou la terre, c’est tout ce que
cela on peut voir des films du monde comme les tableaux ou les batiments. je connais. « Gardons-nous de faire les
entier. A la fin de la projection, le film dis- malins », comme disait Péguy.
5. Il y a quinze ans, j’ai réalisé un parait, il reste simplement inscrit dans
court métrage, Ananas que je reprends notre mémoire, il mobilise Pimagi-
pour illustrer le théme de la mon-
dialisation. Le scénario s’appuie sur
une boite d’ananas. Sur l’emballage,
naire des spectateurs. Et l’imaginaire
n’appartient ni 4 une nation,ni 4 une
région, il est collectif.
JAPON
on peut lire : « Produit aux Philippines, Isao Takahata :
mis en botte a Haiwai, distribué a San
Francisco, étiqueté au Japon ». C’est un
fil conducteur pour appréhender le
processus de mondialisation. L’ana-
ITALIE « La part du cinéma
japonais va plonger »
nas devient une sorte de monocul- Daniéle Huillet,
ture, ce n’est plus le fruit d’un seul
Jean-Marie Straub :
| sao Takahata, né en 1935, est l’un
pays mais le produit d’une culture des plus grands réalisateurs japo-
homogéne. II perd tout son exotisme, nais de films d’animation, avec Hayao
il se trouve décomposé, dilué dans un « Détruire PEurope du Miyazaki. Son manga, Le Tombeau des
ensemble. C’est une métaphore : la Iucioles, a été salué par la critique
planéte devient plus homogéne, les docteur Goebbels » internationale. Son dernier film, Mes
marges sont marginalisées et cela s’ap- voisins les Yamada, est sorti en France
plique parfaitement au domaine du )anidle Huillet (1936) et Jean- en avril.
cinéma : toutes les enclaves qui peu- Marie Straub (1933). En 1958, 1. Live in Peace de Hu Bing Liu, Dole
vent produire des films un peu diffé- refusant de combattre contre les Algé- d’Aleksandr Sokuroy, Fifteen de Yoji
DOSSIER
1, Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national/américain ? 3. Systéme d'aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de v
leurs films. En ce qui concerne l’in- prise de vue réelle est un sujet qui
fluence de la mondialisation sur ma nvintéresse plus que la comparaison
propre ceuvre, elle est 4 peu prés entre cinéma national et cinéma
nulle. Vinspiration et les décors de américain.
mes films, qui sont surtout des films 3. Il existe des aides pour des films
danimation, proviennent du Japon, qui sont déja produits, mais rien pour
et je pense toujours aux Japonais. J’es- des films qui sont en préparation.
saie également de m’arranger pour 4. La télévision est la fagon la plus
que mes films soient rentables rien pratique pour voir un film. Ensuite
qu’avec leurs résultats au Japon. Il y arrivent les locations de cassettes
a plusieurs années, je créais beaucoup vidéo. Et, enfin, les salles.
de séries télé, ce qui supposait pour 5. Je refuse P'idée qu’il faudrait éta-
nous de faire de nombreuses blir un mur pour protéger le cinéma
recherches minutieuses dans les pays national contre le cinéma américain.
occidentaux. Toutefois le public japo- Tant que le cinéma fait partie de
nais était notre premiére cible. Téconomie, tant que le marché mon-
@ « Mes voisins les Yamada » d’Isao Takahata (2001). Cependant, cela ne signifie pas que dial fonctionne sur la logique de
créer des films d’animation dans des l'économie libérale, il me semble
Yamada, Gujyo Ikki de Seiji décors étrangers ou dans une autre impossible de mettre le cinéma a
Kamiyama, Tout sur ma mére de Pedro langue ne m’intéresse pas. Vabri de la globalisation. La singu-
Almodovar. 6. Mon ceuvre fait complétement larité d’une culture ne doit pas sur-
2. Les films japonais représentent partie du cinéma japonais. Cepen- vivre grace 4 un systéme d’aide pro-
30% a 40% du total, et les films amé- dant, je pense que mes films sont tout tectionniste, mais former un
REPERES ricains 60% a 70%. Ce rapport aussi intéressants pour des gens pluralisme qui accueille toutes sortes
semble stable depuis une dizaine d’autres pays ou d'autres régions, et de stimulations extérieures. I] est
Italie d’années.A moins que les cinéastes ce serait sans aucun doute pour moi impossible d’homogénéiser totale-
japonais ne fassent de gros efforts, il un grand plaisir de savoir qu’a travers ment la culture des hommes, je suis
(chiffres de 2000) est fort probable que la part des films le monde les gens aiment voir mes convaincu que les spectateurs ne dési-
@ 4 969 écrans japonais ne se réduise considérable- films. rent pas la mondialisation via le
@ 74,5 millions ment d'ici 4 dix ans. cinéma américain.
d'entrées 3. Le Fonds des arts japonais, une Les récompenses décernées aux films
© 416 millions d'euros organisation gouvernementale, fait Kiyoshi Kurosawa : dans des festivals étrangers sont un
(2,7 milliards de une sélection de scénarios deux ou aspect positif de la mondialisation,
francs) de recettes trois fois par an, et les subventionne. « Pas question d'un mais les flatteries et les recompenses
® 103 films produits Cependant, 4 cause de la récession au sont un piége pour l’esprit créatif de
dont 17 coproductions Japon, le budget s’amenuise chaque mur protectionniste » l'auteur.
@ 15,7 %: part de année. Les dons privés jouent aussi 6. Je ne porte pas une attention par-
marché des films un r6le financier significatif. iyoshi Kurosawa est né en 1955. ticuliére a la religion et au nationa-
italiens 4. En premier lieu, la vidéo, puis le On le découvre en 1997 avec lisme.Je ne me demande pas dans me
®@ 70% : part de cinéma, et enfin le Dvp. Cure (ila déja une vingtaine de films vie de tous les jours de quelle
marché des films 5. Sur tous les films étrangers qui a son actif) puis s’impose sur la scéne maniére le Japon et les tradition:
américains sortent au Japon, seuls les films amé- internationale avec Licence to Live japonaises ont influencé la consti-
@ Les plus gros succés ricains sortent 4 grande échelle (1998), mention spéciale du Jury 4 tution de ma personnalité.
de 2000 : aujourd’hui. C’est dommage que cela Berlin. En 1999, il réalise a la fois
1. Chiedemi se sono ne soit pas le cas pour la plupart des Charisma (sélectionné a la Mostra de
felice de A. et G. Venier autres films étrangers. Jusqu’aux Venise et 4 la Quinzaine des réali- Shinji Aoyama :
(Ita) années 70, de nombreux films euro- sateurs) et Vaine illusion.
2. American Beauty de péens (en particulier anglais, frangais, 1. L’Homme sans ombre de Paul « Le cinéma américain
Sam Mendes (E-U) italiens et russes) étaient bien plus lar- Verhoeven ; Khroustaliov, ma voiture !
3. Gladiator de Ridley gement distribués.Je ne pense pas d’Alexei Guerman ; Battle Royale de a pris le contréle »
Scott (E-U) que la mondialisation ait beaucoup Kinji Fukasaku ; Ennemis intimes de
4. Mission, Impossible 2 touché le cinéma japonais et son sys- Werner Herzog ; Hannibal de Rid- hinji Aoyama, né en 1964, début
de John Woo (E-U) téme de production. Ce n’est qu’en ley Scott. J comme assistant perchman, pu’
5 The Blair Witch Pro- de rares occasions que des réalisateurs 2. Non,je ne m’en soucie pas trop. comme assistant-réalisateur de Kiyo
ject de D. Myrick japonais talentueux vont en Amé- Au Japon, la comparaison entre shi Kurosawa. Parallélement, il colla
et E. Sanchez (E-U) rique ou dans d’autres pays pour faire cinéma d’animation et cinéma de bore en tant que critique aux Cahie
DOoSsI ER
5. Votre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6, Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?
1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national / américain ? 3. Systéme d’aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des film:
Votre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?
ilms, 20%. Cela n’est pas prés de gement sur les films des autres pays.
changer. Le cinéma libanais est presque inexis-
3. Les productions nationales regoi- tant. Dans dix ans, ce dernier devrait
vent une subvention de la part du étre plus présent,je n’envisage pas
zouvernement. Mais depuis ces der- une forte croissance, car l'économie
1iéres années, cet apport financier a libanaise est actuellement faible et les
-onsidérablement diminué. Parfois productions privées investissent
es films sont soutenus par des pro- davantage dans les programmes télé-
lucteurs étrangers (principalement visés.
rangais et japonais). Actuellement, le a. Jusqu’a présent, tous les investis-
<azakhstan ne sort que deux ou trois sements financiers proviennent d’Eu-
ilms par an. rope, essentiellement de France.
¢. La facon la plus facile de voir des 4. On voit les films en salles et en
ilms est la vidéo. vidéo. Le format DvD gagne du ter-
3. J'ai une réaction d’autodéfense qui rain.
"exprime 4 travers ma non-partici- 5. D’une part, Europe investit
ation. Je vais trés rarement au financiérement dans la production de
‘inéma. Je résiste en faisant mes films américains. D’autre part, les pro-
ropres films selon mes propres cri- ductions américaines devraient inves-
éres, De toute fagon, mondialisation tir 4 leur tour dans des films étran- pays du monde ont un ennemi m « La Plage des enfants
yu pas, mes films resteraient les gers. D’autant qu’en Amérique, commun, a savoir le cinéma améri- perdus » de Jillali Ferhati
némes. Vimpact des minorités est croissant et cain. Au Maroc, nous assistons 4 un (1991).
). Je fais des films pour les specta- que les Etats-Unis ont renforcé leur autre phénoméne. Si le nombre de
eurs qui apprécient mon style. Ces présence dans des pays étrangers, films égyptiens et indiens a considé-
pectateurs peuvent habiter n’importe comme la Yougoslavie et le Moyen- rablement diminué, celui des films
yu (mais aussi au Kazakhstan ). Ainsi, Orient. Cela va probablement encou- nationaux a augmenté, malheureu-
‘espére que mon travail appartient rager les producteurs américains 4 sement pas dans la méme proportion.
éritablement a la culture kazakhe. souvrir 4 des sujets plus variés. Ainsi assistons-nous 4 une réelle
6. Mon travail récent mélait thémes concurrence faite par le film maro-
et talents originaires des Etats-Unis cain sur le film américain, et les
années.
‘iad Doueiri :
MAROC 3. Il existe un fonds d’aide A la pro-
duction nationale un peu calqué sur
Le cinéma libanais
est presque inexistant »
Jillali Ferhati : le modéle de l’avance sur recettes du
CNC. Cette aide se situe en général
entre 1 million et 2 millions de francs.
« Universaliser plutét Il y a deux sous-commissions : |’une
é en 1963, Ziad Doueiri est se charge de la lecture du scénario,
N cadreur puis chef opérateur sur que mondialiser » Vautre étudie la faisabilité du pro-
yus les films de Quentin Tarantino. jet, a savoir les moyens financiers qu’il
réalise son premier long-métrage n 1978, le premier long-métrage requiert.
a 1998 d’aprés ses souvenirs d’en- de Jillali Ferhati, Une bréche dans 4. Le nombre de salles au Maroc a
ince. West Beyrouth, qui raconte la le mur est sélectionné 4 Cannes a la terriblement diminué. Le manque de
uerre civile libanaise en 1975, Semaine de la critique. Il tourne maintenance de certaines salles font
btient de nombreuses distinctions : ensuite La Plage des enfants perdus qu’elles sont de plus en plus déser-
tix Frangois-Chalais, Prix de la cri- 1991) et Chevaux de fortune (1995). tées. Cela m’a poussé a m’équiper
que arabe et Prix de la premiére Son dernier film, Tiesses, est présenté dune parabole qui me permet de
‘uvre au Festival de Carthage. au Festival International du Film revoir certains films et d’en décou-
« Tigre et dragon d’ Ang Lee, La Fille d’Amiens et a la Biennale des Ciné- vrir d’autres.Je n’aurais jamais eu le
ir le pont de Patrice Leconte, The mas Arabes a Paris en 2000. plaisir de revoir derniérement La
‘ay of the Gun de Christopher Mac- 1. Suspicion, La Courtisane. Guerre des boutons au Maroc, si je
‘uarrie, Ce queje sais d’elle... d’un 2. Il est évident que le cinéma amé- n’avais pas disposé d’un démodula-
nple regard de Rodrigo Garcia. ricain a toujours su garder I’affiche. teur a la maison.
. Le cinéma américain prime lar- LOccident ainsi que tous les autres 5. La mondialisation ne pourra que
DGS Suse GR
1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national/américain ? 3, Systeme d'aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films ?
otre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?
Jhabite la colonie la
lus lointaine » PORTUGAL
Tée en 1954, Jane Campion Pedro Costa :
N commence a travailler avec une
quipe australienne au début des « Les Portugais ne vont
mnées 80. En 1986, Peel remporte la
alme d’or du meilleur court- pas du tout au cinéma »
étrage 4 Cannes. En 1989, son pre-
tier film Sweetie suscite des réactions | pedro Costa,né en 1959, a imposé documentaires. Actuellement on pro- @ « Dans la chambre
ontroversées. Un ange a ma table (Prix en quelques films son esthétique duit 10 longs-métrages par an, dont de Vanda »
écial du jury 4Venise en 1990) la radicale. Trés exigeant envers son tra- quatre ou cing premiers films, cing de Pedro Costa (2000).
it connaitre. Elle est la premiére vail, il critique son premier long films d’animation et une vingtaine
‘mme a avoir remporté la Palme métrage O Sangue (1989) alors de courts-métrages et de documen-
‘or 4a Cannes en 1993 avec La Legon encensé par la critique. En 1997, taires.
> piano. Depuis, elle a adapté Henry O: remporte le Prix de la 4. Le Portugal est le pays européen
mes (Portrait de femme, 1996) et tra- meilleure photographie a Venise. Dans ot les gens passent le plus de temps
uillé avec Kate Winslet et Harvey la chambre de Vanda est son dernier devant la télé. Du coup, les gens ne
eitel sur Holy Smoke en 1999. film. vont pas du tout au cinéma. Le
« Walk the Talk de Shirley Barrett ; 1. La Captive de Chantal Akerman, moyen le plus simple de voir des films
a Spagnola d’ Ann Maria Monticelli ; Ouvriers et paysans de Daniéle Huillet est la télé — le cable joue un réle trés
igre et dragon d’ Ang Lee ; You Can et Jean-Marie Straub, Stars in my important.
‘ount on Me, de Kenneth Lonergan ; Crown de Jacques Tourneur (1950), 5. Au Portugal, il y a une trés grande REPERES
faffic de Steven Soderbergh. Platform de Zhang Ke Jia.Je ne vais liberté de création : on peut présen-
» Je ne connais pas les chiffres du
ox-office, mais il est certainement
pratiquement pas au cinéma,je vais
a la Cinémathéque de Lisbonne.
ter n’importe quel projet, il n’y a pas.
de censure au niveau de la produc-
Portugal
ominé par les films étrangers. Dans 2. La part du cinéma américain est tion. Un jeune réalisateur qui veut (chiffres 2000)
X ans, ce sera la méme chose, avec écrasante. Dans tout le Portugal, La monter un film a beaucoup plus @ 584 écrans
1 jaillissement des films d’ Australie Chambre de Vanda a eu 3 copies, d@opportunités qu’en France. Le vrai ® 423 salles
de Nouvelle-Zélande. contre 60 pour Hannibal. Depuis dix probléme, c’est de montrer les films, ® 237 361 entrées pour
+ Oui, la production cinématogra- ans, il y a un petit réseau art et essai, de les sortir dans des conditions les films portugais
uique recoit un soutien financier de ce sont les vingt ou trente salles de convenables. ® 13 films portugais
part d’institutions gouvernemen- Paulo Branco. Mais les films améri- 6. Je filme en langue portugaise,je @ 5,4 % : part de
les, la plupart des aides viennent de cains ont le monopole des écrans. Les ne veux abandonner ni mon pays ni marché des films
Australian film corporation. films européens ne restent pas plus ma langue, maisje me sens de moins portugais
: Les salles, les festivals, les vidéos (et de cing semaines 4 l’affiche. La situa- en moins accompagné. Les cinéastes ® 56,6 % : part de
entdt les Dvp) sont les maniéres de tion n’ira pas en s’améliorant. reconnus abandonnent ou se plient marché des films
vir des films ici. 3. Laide de Etat pour le cinéma est a des critéres de rentabilité et la jeune américains
+ Quel que soit le domaine, je trés importante. C’est un systéme génération nait dans une bouillie qui @ 28,7 % : part de
‘teste la mondialisation. En d’avances, comme en France. L’Ins- n’est plus du cinéma. De plus, il n’y marché des films
vanche, j'adore voir des films du titut du cinéma et de l’audiovisuel a pas de véritable dynamisme ciné- européens
onde entier. Malheureusement, les subventionne les films a fonds per- philique au Portugal : nous n’avons @ Le plus gros succés
ms que l’on voit le plus facilement dus. I] a aussi des concours de scéna- pas de revues spécialisées, pas de ciné- portugais :
nt les films américains types et je rios, des concours pour les premiers clubs ou de lieux propices aux débats. Capitaines d’Avril de
les apprécie guére.Je suis touchée films, des aides pour les films d’ani- LEcole nationale de cinéma produit Maria de Medeiros
r cette tendance générale d’aliéna- mation, les courts-métrages et les des zombies pour la télé. (110 337 entrées)
DOSSIER
1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national/américain ? 3. Systéme d’aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films
RD CONGO RUSSIE
Balafu Bakupa- Garri Bardine :
Kanyinda : « Le cinéma d’animation
« Les salles sont nest plus projeté »
devenues des temples » R éalisateur de films d’animation,
Garri Bardine, réalise des courts
ARKEION FRMS
alufu: Bakupa-Kanyinda, cinéaste métrages d’une grande poésie avec
documentariste engagé, vit en des matériaux divers (pate 4 mode-
France, mais son travail se concentre ler, allumettes, bouts de ficelle). Aprés actuelle du cinéma russe moyen ne @ « Adagio » de Garri
sur étude de l’Afrique. En 1999, il Choo-choo, la nounou, il a tourné la touche qu’un aspect qui n’est pas trés Bardine.
a réalisé Watt et Article 15 bis. suite, Choo Choo 2, sortie en France valorisant : la criminalité en Russie.
1. Originaire de Kinshasa, je réside sous le nom de Bardine tous courts en Souvent des prostituées, des drogués,
en France depuis 1986, aprés un trés avril dernier. des maffieux et des bandits devien-
long séjour en Belgique et un passé 1. Le Journal intime de sa femme nent les héros de ces films. Cela
en Angleterre et aux Etats-Unis.Je @A. Outchitel, La Jalousie des dieux donne l’impression que ces films sont
considére la France comme mon pays de Vladimir Menchov, Moscou de A. commandés et financés par les pros-
« cinématographique », mais en tant Zeldovitch, American Beauty de Sam tituées, les drogués et les maffieux...
que cinéaste, j’ai envie de raconter Mendes, Choo Choo 2, mon film que 3. LEtat soutient le cinéma, y com-
l'Afrique. La France est aussi un « pays je regarde tous les jours sur ma table pris le mien. Bien stir, ce soutien n’est
d’Africains ». Les cing derniers films de montage. J’ai donc peu de temps pas aussi important que dans votre
que j’ai vus en France sont : Space pour voir d’autres films. pays suffisamment prospére. Les scé-
cowboys de Clint Eastwood, Hamlet 2. Malheureusement, en Russie, le narios et les synopsis sont soumis 4
de Michael Almereyda, In the Mood dollar a plus de valeur que le rouble des commissions d’experts, aprés quoi
for Love de Wong Kar-wai, Antilles sur russe. C’est pourquoi le cinéma ne ils regoivent une aide financiére, le
Seine de Pascal Légitimus, The Very fait pas exception. Plusieurs salles de plus souvent équivalente 4 50% ou
Black Show de Spike Lee. cinéma équipées en dolby sont appa- 70% du budget. Les producteurs
2. Au Congo, il n’y a plus de salles rues 4 Moscou. On y montre prin- cherchent l’argent qui manque eux-
de cinéma : elles sont devenues des cipalement des films américains. Les mémes. Pour les films Le Chat botté,
« temples » religieux ; quand le peuple jeunes vont souvent dans ces salles. Choo Choo et Choo Choo II, mon stu-
n’a plus son pain quotidien, il se C’est considéré comme un signe de dio, Stayer, et moi-méme avons été
trouve toujours de bons marchands « grande classe ». Les films russes soutenus par le ministére de la Cul-
pour lui promettre le paradis. essaient de briser le blocus des spec- ture russe. Nous avons réalisé Ada-
3. Le cnc, le ministére frangais des tateurs. Parmi eux, Le Barbier de Sibé- gio avec notre propre argent et nous
Affaires étrangéres, l’Agence inter- rie de Nikita Mikhalkov, La Jalousie en sommes trés fiers.
gouvermentale de la francophonie des dieux de Vladimir Menchov, L’Age 4. En Russie, on regarde essentielle-
aident les cinéastes. tendre de Serguei Soloviev. Il me ment les films 4 la télévision. Le home
4. Les salles. semble que dans la Russie actuelle, il video a beaucoup de succés et les salles
5. Pour moi, cinéaste africain vivant n’est pas raisonnable d’essayer de de cinéma redeviennent a la mode.
en France, parler de la mondialisation concurrencer les block busters amé- 5. Aujourd’hui, pour conquérir un
est un pléonasme : elle a depuis long- ricains. Cela demande de grands marché, il faut produire des longs-
temps influencé mon travail. efforts et surtout beaucoup d'argent, métrages. Ici, 4 Paris, il n’y a pas un
6. Je ne suis un cinéaste ni national qu'il est difficile de trouver chez nous. journaliste qui ne m’ait demandé :
ni régional mais un narrateur uni- La situation changera radicalement « Pourquoi ne faites-vous pas de longs-
versel. En tant qu’Africain, j’aimerais quand les cinéastes cesseront de s’agi- métrages ? » Pourquoi cette question
faire profiter le cinéma frangais de ter et préteront attention 4 l'homme se pose-t-elle ? A cause du monopole
mes racines, apporter une compo- concret avec son destin concret dans des grosses sociétés qui misent sur les
sante africaine, bref rendre bien réel la Russie d’aujourd’hui. Ce qui est longs métrages. Dans le cinéma, des
le » multiculturalisme » de la France. dans la meilleure tradition de la formes différentes existent. II est
Malheureusement, je n’en ai guére la grande littérature russe et du cinéma impossible d’exiger d’un joaillier de
possibilité. néoréaliste italien. La thématique batir un monument. Le cinéma d’au-
Res sy ER
lotre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?
eur dans l’animation tend vers le neuve restaurée, Tous les matins du
etit format. Mais dans la situation monde d’ Alain Corneau, un film
ctuelle, les monopoles coupent remarquable, Pas un de moins (trés
oxygéne précisément a ce genre-Ia. émouvant) de Zhang Yimou, un film
. Peu de gens en Russie ont vu mes allemand que j’ai beaucoup aimé, Die
‘ois derniers films. Autrefois, avant la Unberiihrbare d’ Oskar Roehler et bien
erestroika, il y avait des salles de sr, pour la centiéme fois, la version
inéma qui programmaient des films restaurée de La Charrette fantéme de
‘animation. Aujourd’hui elles n’exis- Victor Sjéstrém. C’est le film le plus
nt plus. Uunique chance d’étre dif- important de l’histoire du cinéma.
isé, c’est de vendre son film a des 2. Actuellement les films suédois ren-
haines de télévision, mais les pro- contrent un immense succés en salles.
riétaires de ces chaines préférent C’est un phénoméne soudain et
cheter et diffuser des séries améri- exceptionnel. La Suéde réalise de plus
aines et japonaises de moindre qua- en plus de longs-métrages et beau-
té.Je suis reconnaissant 4 Arkeion coup d’entre eux font d’excellents 3
4
ilms qui est mon distributeur en scores au box-office. Bien sur, le
urope. Grace 4 leurs efforts, c’est cinéma américain occupe une place
éja le quatriéme recueil de mes films prédominante et il évince des écrans
ui sort aujourd’hui sur les écrans tous les autres films. Le cinéma amé- moi, c’est de l’artisanat. Mon cinéma, m « En présence d’un
angais. En Russie, mes films rem- ricain souligne sa domination en ne mes mises en scéne, sont des piéces clown » d’Ingmar
ortent du succés lors des festivals, prenant méme pas la peine de tra- artisanales. Ce n’est pas du snobisme. Bergman (1997).
1ais ils ne pourront jamais rempla- duire les titres en suédois. C’est une Mes spectacles sont éphémeres : la
er la distribution traditionnelle. En vraie plaie ! Beaucoup de gens ne piéce est a l’affiche pendant un cer-
ussie, mes spectateurs sont devenus comprennent pas l’anglais et du coup tain temps, puis elle disparait et elle REPERES
es lecteurs : ils lisent dans les jour- ils n’ont aucune idée de ce qu’ils vont est oubliée. Dieu merci ! Les films ...
aux que tel ou tel de mes films a été
rimé dans un festival. Ce n’est
voir. C’est simplement une autre
marque de la désinvolture du cinéma
ils survivent, hélas !
Suéde
wauprés des Frangais qui ont vu ces américain 4 notre égard, de son (chiffres de 1999)
lms, qu’ils peuvent en découvrir le contréle et de son entiére domina- Lukas Moodysson : @ 1132 cinémas.
ontenu. tion sur le marché du film. @ 796 millions de
3. Je ne fais plus de films... « La part du cinéma couronnes (579
4, Je préfére voir les films sur grand millions de francs) de
igmar Bergman :
A, Té en 1969, il publie un recueil suédois produits
de meilleure maniére pour voir les N de poémes a 17 ans et se fait @ 25 %: part de
films ! Etre assis dans le noir et remarquer avec son premier long marché des films
Je ne vais plus attendre que le charme opére... métrage, Fucking Amal qui surpasse suédois
Quand il opére. Titanic au box-office suédois. Son ®@ 65,5% : part de
u cinéma » 5. Les films que j’ai réalisés a l’étran- deuxiéme film, Together, est également marché des films
ger ou qui ont été des coproductions un immense succés commercial (voir américains.
ngmar Bergman, né en 1918, s’af- internationales sont les moins réus- encadré). @ Les plus gros succés
firme dans les années 50 : Sourire sis. Travailler dans le cadre de copro- 1. Tiaffic de Steven Soderbergh, Jalla ! de 2000 :
une nuit d’été obtient le Prix spécial ductions, avec un gros budget, Jala ! de Josef Fares, Nostalghia d’ An- 1. Together de Lukas
i jury 4 Cannes en 1955 et Le Sep- demande un certain sens de la diplo- drei Tarkovsky, Chansons du deuxiéme Moodysson (Suéde)
me Sceau remporte un éclatant suc- matie : il ne s’agit pas seulement d’as- étage de Roy Anderson. 2. American Beauty de
sen 1957.En 1965, il tourne Per- pects techniques et financiers ; des 2. La part du cinéma suédois est Sam Mendes (E.-U.)
na avec Liv Ullmann et en 1982, considérations artistiques sont 4 environ 25%. 3. Le Sixiéme Sens de
orésente Fanny et Alexandre comme prendre en compte, la liberté de créa- 3. La plupart du temps, des fonda- M. Night Shyamalan
derniére ceuvre. tion n’est pas totale. Bref, travailler de tions gérées par I’Etat nous aident, (E.-U.)
Je ne vais plus au cinéma, je cette fagon ne m’a pas été trés profi- comme I'Institut du film suédois. 4. Halsorean
garde des films dans ma salle de table. 4, Je n’en ai aucune idée. de Lasse Aaberg
ojection privée a Faré. Récem- 6. Je ne considére pas mes films 5. Idem. (Suéde)
ent, j’ai vu Le Tiésor d’Arne de comme des ceuvres d’art, comme une 6. Oui.Je suis un scénariste et un 5. Gladiator de Ridley
auritz Stiller (1919) dans une copie forme d’expression artistique. Pour réalisateur suédois. Scott (E.-U.)
DO)
S S15E R
1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national / américain ? 3. Systéme d’aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films
Votre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?
1. Les cing derniers films vus en salle dans votre pays ? 2. Part du cinéma national/américain ? 3. Systeme d'aide a la création ? 4. La maniére la plus simple de voir des films ‘
/otre travail a-t-il été affecté par la mondialisation ? 6. Revendiquez-vous votre ceuvre comme appartenant a une cinématographie nationale ou internationale ?
amener le public vers les salles avec Le prix des places en Tunisie varie
les films américains et francais. entre 5 et 15 francs. Les chiffres du
© suis un enfant du ciné-club Louis- box-office sont approximatifs. Les
uumiére de Sfax. Dans les années 60, Silences du palais et Halfaouine auraient
es films « d’auteur » achetés par la atteint 500 000 entrées, mais ce n’est
ATPEC (un gouftre financier, dont ni officiel ni sir. Puis viennent Tita-
Etat ne se souciait guére) alimen- nic et Le Destin de Chahine, sans
aient les ciné-clubs, trés dynamiques oublier les grandes comédies faciles
t souvent animés par des coopérants égyptiennes avec Adel Imam. Bent
rancais. Mais les « films d’entrepre- Familia a fait 150 000 entrées.
leurs » venus d’Egypte ont com- 3. Notre cinéma, n’ayant pas de mar-
nencé a déferler : farcis de plages ché, n’intéresse aucun financier ni
ublicitaires dans leur version vidéo, aucune banque. Tous mes films (sauf
s étaient destinés aux pays du Golfe Bezness et c’est le seul cas tunisien)
ui il n’y a jamais eu de salles. ont été subventionnés par le minis-
Jans les années 70, le public tunisien tére de la Culture, mais jamais au-dela
découvert les péplums, les western de 30% du devis. C’est une loi. J’ai
paghetti, les mélos égyptiens et hin- eu le Fonds Sud pour Sabots en or,
ous et surtout quelques films éro- Bezness, Bent Familia et Poupées d’ar-
ques qui échappaient 4 la censure. gile (que je tourne en septembre).
e public a changé, les familles ont 4. Les chaines frangaises et arabes et tourne des films documentaires et @ « La Tour de Vhorloge »
essé¢ d’aller au cinéma. A la télévi- et surtout les deux chaines 4 péage publicitaires. I] réalise son premier de Omer Kavur (1997).
on, un raz-de-marée de feuilletons (Canal+ Horizons et Arte — arabe). film, Emine, en 1974 et devient
pyptiens produits par les pays du Les vidéo-clubs continuent 4 diffu- ensuite son propre producteur. De
solfe a fait le lit de l'intégrisme dans ser des copies pirates de films améri- Gamins d’Istanbul en 1979 a Visage
as mal de pays, cassant les efforts cains, dans l’illégalité tolérée. secret en 1991, il impose son cinéma
"émancipation de cinéastes comme 5. Je vis la mondialisation A travers intimiste et personnel.
*hahine. Les vidéo-clubs ont fleuri, mes rapports avec les télévisions. A 1. Quills, la plume et le sang de Philip Remerciements
1éme hors la loi (il suffit de possé- chaque film, je me heurte 4 des com- Kaufman, Signs and Wonders de Jona- a Edward Noéltner ;
er une copie pour la louer...). missions (un véritable poison pour than Nossiter, Incassable de M. Night Stieg Bjorkman ;
es années 80 ont vu l’explosion des les auteurs, les commissions !) qui Shyamalan, Apparences de Robert Francois Frey ;
araboles (des usines en fabriquent imposent le modéle américain de Zemeckis, Seven Gates de Richard Ivana Bentes ;
n Tunisie-méme). On en compte scénario. Laudimat est l’autre Che- Alessio. Régine Hatchondo ;
yourd’hui entre 600 000 et 700 000 val de Troie de la mondialisation. 2. Box-office : 28% de films turcs : Mikiko Takeda ;
our un pays de 10 millions d’ha- 6. Je n’existe qu’en tant que partie 69% de films américains ; 3% de films Monique Gaillard ;
itants. Mais abondance d’images ne infime du cinéma tunisien (méme si autres.Je pense qu’il va y avoir un Esther St Dizier ;
me pas avec ouverture : les chaines cela n’a pas de sens). Mes films par- retour du cinéma turc. Liu Jie ;
‘abes et islamiques s’imposent, sou- lent tunisien, interpellent les Tuni- 3. I n’y a aucune aide pour le finan- Cristina Matos Silva
ont pro-intégristes et peu enclines siens, remuent la réalité tunisienne. cement des films. et au CNC
1 « dérapage » moral. Les salles per- Aucune autre démarche ne m’inté- 4. Les salles et les pvp.
ent encore un peu de leur public. resse et d’ailleurs d’autres le font 5. La mondialisation a eu un effet Sources :
cule une petite frange du public mieux que moi. négatif sur notre culture. La domi- Bilan cnc info 2000 ;
garde les chaines francaises. nation des films américains est telle British Council ;
la fin des années 80, un retour des que nous sommes passés de 150 films Dems ;
milles vers le cinéma s’est amorcé.
lais la création de Canal+ Horizons TURQUIE produits par an a seulement 15 films.
Quoi qu’il en soit, il y a un retour en
Screen Finance ;
Marcio Guimaraes ;
Omer Kavur :
sassé le mouvement. Les cafés abon- force du cinéma turc et les plus gros Infos Média 2001 du
ss a la chaine concurrencent les scores au box-office sont atteints par service culturel francais
lles, d’autant plus que les films y pas- des films turcs. Cependant, a cause de en Allemagne ;
nt souvent avant méme leur sor- « Notre cinéma est bien Thégémonie commerciale et cultu- Italia Cinema ;
> en salles. Depuis deux ans, le relle des Etats-Unis, les films d’une Italia Medias bilan 2000 ;
néma américain échappe 4 une placé au box-office » plus grande qualité artistique ont du Téléfilm Canada ;
saffection qui frappe d’abord le film mal a trouver des distributeurs. C’est US Economic Review ;
auteur, puis le film frangais. Méme \ prés I’Ecole des hautes études selon moi un aspect trés négatif de la Emmanuel Perreau ;
| Verité si je mens 2 fait peur aux dis- sociales en France, Omer mondialisation. Institut du Film
buteurs. Kavur, né en 1944, choisit le cinéma 6. Les deux. Suédois.
MANQUE D’ INFRASTRUCTURES,
DIFFICULTES DE FINANCEMENT, DESINTERET
ET SI LA DELIQUESCENCE DU CINEMA
’abord, s’entendre sur les Comment parler sur le méme mode pécheur, plombier, magon, docker sur
mots : le cinéma africain dune comédie a l’arriére-fond poli- le port de Marseille, avant son pas-
(entendez d’Afrique tique trés suspect (a droite toute) sage au studio Gorki de Moscou ?
noire) n’existe pas. La comme Les Couilles de l’éléphant
liste des films en sélec- (compétition officielle cette année au
tion officielle au dernier Fespaco), premier long-métrage du
Fespaco (le Festival du cinéma pan- Gabonais Henri-Joseph Bididi,et une Le Fespaco a au moins le mérite
africain, qui se tient tous les deux ans fiction comme Addangaman, de VTvoi- de pointer ces contradictions et de
4 Ouagadougou, Burkina) le prouve, rien Roger Gnoam Mbala, qui montrer a tous qu'il n’existe pas ur
qui méle une fiction didactique touche a un sujet quasiment tabou mais des cinémas africains. Depui:
comme Faat Kiné du Sénégalais Sem- en Afrique (la traite des Noirs au quelques années, hélas !, le Festival di
béne Ousmane, Voyage 4 Ouaga du xvut’ siécle) ? Sans méme aborder la cinéma panafricain a eu une autri
Congolais Camille Mouyéké (pro- question de l’extréme diversité des fonction : celle de révéler au granc
totype du petit-film-bien-ficelé-sans- cultures africaines, comment mettre jour la crise que traversent depui
prétentions) et une production aussi sur un méme plan un jeune réalisa- quelques années ces cinématogra:
ambitieuse que Battu, adaptation teur africain de la seconde généra- phies. La difficulté ¢prouvée par le
du roman éponyme de la Sénégalaise tion, ayant fait ses études a la Femis organisateurs pour nourrir leur sélec
Aminata Sow Fall par le cinéaste ou a I’Insas de Bruxelles, et un pion- tion (ce qui les oblige quasiment
malien Cheick Oumar Sissoko. nier comme Sembéne Ousmane, accepter tous les films tournés pen
wa CAWIED SC
D0)5:s 1
La vie le garde et
la jeune génération
Beaucoup de réalisateurs voient
dans ce passage a vide le résultat
d'une transition générationnelle par-
ticuliérement difficile, entre la « vieille
garde », nourrie au lait du cinéma
engagé, formée au VGIK de Moscou
(Sembéne Ousmane, Souleymane
Cissé, Abdoulaye Ascofaré...), sur le
terrain (comme Oumarou Ganda ou
Safi Faye, acteurs dans les films de Jean
Rouch), voire dans les ciné-clubs de
Dakar et Saint-Louis du Sénégal (Dji-
bril Diop Mambéty, Samba Félix
Ndiaye, Johnson Traoré), et la jeune
génération, soucieuse de proposer des
films plus légers, plus accessibles. Il
illustre surtout la cohabitation de
deux cinémas africains, ou plutét de
deux économies de production fon-
la cinéphilie africaine, dont V’état dit bien le dénuement. damentalement différentes. Comme
lexplique Jean-Pierre Garcia, direc-
teur du Festival international du film
ant les deux ans qui séparent chaque en l’occurrence Yeelen, du Malien d’Amiens, « Les uns travaillent avec de
lition), couplée au manque de tonus Souleymane Cissé, soit admis en vrais chefs opérateurs, des techniciens pro-
idéniable des films en compétition compétition officielle (et emporte le fessionnels et sortent des films selon les
prouve. prix du jury) 4 Cannes. Mais, si tenue standards internationaux : c’est le cas de
Depuis quelques années, les films soit-elle, cette place existait et, de loin La Genése, de Buud Yam, de La Vie
ricains ont quasiment disparu des en loin, assurait une certaine visibilité sur Terre. Les autres films sont faits par
crans occidentaux et des grands fes- au cinéma africain :4 la Mostra de des techniciens qui travaillent tres peu
vals internationaux. Cette année, a Venise, ott Camp de Thiaroye du Séné- ou pour les télévisions locales. En général,
'uagadougou, un documentaire sur galais Sembéne Ousmane obtient le la dramaturgie n’est pas la méme, et les
lrissa Ouedraogo (réalisé par le prix spécial du jury en 1987, ou a @ « Buud Yam », de personnages sont tres archétypiques. Le
snégalais Malick Sy) montrant le Cannes, en compétition officielle Gaston Kaboré. héros n’est souvent que le représentant
alisateur burkinabé recevant, en (Tilai d’Idrissa Quedraogo, en 1990 ; d’un clan comme dans Pieces d'identi-
190, 4 Cannes, le prix spécial du jury Hyenes, de Djibril Diop Mambéty, en tés, la comédie qui a obtenu l’Etalon de
our Tilai semblait témoigner d’un 1992 ; Waati, de Souleymane Cissé, Yenenga en 1999 au Fespaco, le person-
issé bien révolu. Il est vrai que les en 1995 ; Po Di Sangui, du Bissau- nage du chef représente la vieille Afrique. »
ms africains ont toujours peiné a se Guinéen Flora Gomes en 1996) ou De ces deux cinémas, seul le pre-
ire une place dans les grands festi- dans les sections paralléles. « Le chant mier retient l’attention de la critique,
|s, et il aura fallu attendre 1987 pour du cygne, ce fut le cinquantieme festival de des festivals et, de temps a autre, de
Yun long-métrage d’ Afrique noire, Cannes », note le cinéaste et critique quelques salles d’art et essai euro- »
» péennes. Rarement distribué en Four, vendu 4 Canal + et a Arte. L’Homme sur les quai.
Afrique, souvent réalisé par des Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Tout est dit. Privé de ses vitrines
cinéastes qui vivent a Paris ou a Les producteurs situent la décrue au festivaliéres, victime du désintérét du
Bruxelles, il dépend en grande par- début des années 90. Pour Jacques Le public occidental et de son manque
tie des aides et financements du Glou qui, en 1996, a coproduit d’ancrage africain, ce cinéma, tou-
Nord : fonds Sud (un fonds bipartite Quand les étoiles rencontrent la mer du jours sur la corde raide, s’est effondré
— ministére francais des Affaires étran- Malgache Raymond Rajaonarivelo au début des années 90. « L’euphorie
géres et CNC — d’aide 4 la postpro- avec la Sept-Arte, « Hyénes a été le @il y a quelques années, cette illusion d’un
duction), aide directe du ministére dernier film a réussir en Europe. Parce que vrai démarrage du cinéma africain, qui a
délégué 4 la Coopération (aujour- Cannes est un tremplin magique, parce culminé lors du cinquantiéme anniversaire
hui intégré au ministére des Affaires que c’était un film de qualité, construit sur du festival de Cannes, est liée a Pexistence
étrangéres), Fonds européen de un scénario superbe, et qui avait plutét d’une internationale des cinéphiles. Ce
développement (FED), agence de la bien marché en salles. Depuis le début des qui était quelque peu trompeur, car la ciné-
francophonie, Fonds Hubert Bals années 90, on assiste a un repli. Le cinéma philie ne peut pas servir de base a une éco-
(Rotterdam), Fondation Monteci- africain fait souvent de tres mauvais scores nomie viable du cinéma », explique Féric
nemayerita (Locarno)... @ audience. Ca s’est détérioré un peu plus Boughedir. « Les cinéastes iraniens on
A ces aides s’ajoutent parfois t6t dans d’autres pays d’ Europe, ot des souvent maille a partir avec la censure
l’Avance sur recettes (pour les films chatnes comme l’allemande ZpF la bri- mais au moins ils peuvent travailler chez
en francais) et les coproductions et tannique Channel Four ou les télévisions eux. Ils ont des infrastructures. Nous, nou
préachats des télévisions. Outre les scandinaves n’achétent presque plus. » dépendons des caprices de la mode. On es
chaines « spécialisées » comme portés aux nues, on retombe, on repart. .
Canal + Horizons (la filiale africaine Ne pas avoir de base, c'est suicidaire a lon;
de Canal +), Canal France Interna- terme », confirme la réalisatrice congo-
tional (CFI) et TV5 il n’était pas rare, « Les films du Sud n’intéressent plus les laise Monique Phoba, qui a décidé
dans les années 80, que certaines chatnes francaises, poursuit Le Glou. voici cing ans, de quitter Bruxelle
chaines européennes (Channel Four, Sur le cinéma africain, il n’a jamais été pour Cotonou (Bénin).
la zpF, Arte, Canal +) aident aussi le facile de trouver des préfinancements autres D’autant qu’ aucun pays d’Afriqu:
cinéma africain : Hyénes, du réalisa- qu’institutionnels. Mais il semble que les noire francophone n’a mis en plac
teur sénégalais Djibril Diop Mam- choses soient de plus en plus difficiles », une politique d’aide au cinéma
béty a ainsi été coproduit par la télé- confirme le producteur Alain « L’Etat est soit trop absent soit, quand
vision suisse romande et Channel Rozanes (Hyénes, Tableau ferraille, est ld, tres interventionniste », soulignai
MAT 9001 70
D O'S (Sil
ER
ii
'e réglement du festival précisait que I’ Eta- film, tu mettras sept, huit, neuf ans
‘on de Yenenga devait récompenser un film pour faire ton film. Aujourd’hui, il faut
qui célebre les valeurs profondes de
ji
s'équiper de petit matériel et travailler
” Afrique. » Et puis brusquement, on sur place. Faire la postproduction d'une
i dit : « Il faut faire des comédies. » Et
out le monde a foncé dans la bréche, i série télé a Paris, ce n’est pas rentable
pour moi. Et je n’ai aucun soutien des
telle du « cinéma rigolo ». chaines. Pour mon prochain film, j’ai
Od va le cinéma africain ? Quels sonné a tous les guichets, on m'a
senres, quels thémes va-t-il explo- @ Idrissa n'est pas seulement une question d'ar- envoyé paitre. Ce n’est pas grave. Si je
er ? « Si la question se pose, dit Sou- Ouedraogo devant gent. Tout un travail de formation a été n’ai pas de grue, ce n’est pas un pro-
eymane Cissé, c'est qu’il n’y a pas plus Vaffiche de réalisé, notamment par les ciné-clubs. bléme. Et si je n’ai pas de rails de tra-
le trois films, cing au maximum par an. «Yaaba ». » Ici, beaucoup de gens viennent a velling, j'utiliserai une brouette ! A force
-e jour on vous commencerez a en voir la réalisation parce que c'est un métier de les attendre, de tenir compte de
ent, vous ne nous parlerez plus de nos prestigieux, mais ces jeunes ont vu trés leurs suggestions, tu finis par perdre
hemes. » La répartie, cinglante, résume peu de films, méme pas les classiques le désir du film, tu finis par écrire n’im-
elle seule, cinquante ans de cinéma du cinéma africain, méme pas Borom porte quoi ! » Recueilli par E. L.
fricain. = EL.
Résultat : sur dix films sélectionnés si le film “ marche ” bien. C’est pour cela
par le Fespaco, neuf ne seront jamais que ma société de production, Kora Films, GROS PLAN
distribués dans des salles d’Afrique. va créer dans cing mois sa propre salle de pro-
Les exceptions existent, mais elles
sont rares.A Dakar, Les Guérisseurs,
Jection. »
Lexception nigériane
de I’Ivoirien Sidiki Bakaba, a battu 35 000 ent ur le Continent @ 650 films sortis légalement en 2000 : le Nigé-
Rambo 4 pendant trois semaines. En pour « Lumumba » ria, colosse démographique du Continent
trois jours, Guimba, de Cheick Parfois, ce sont les distributeurs qui (120 millions d’habitants), est-il en passe de
Oumar Sissoko, a fait 3 400 entrées bloquent les films, et Bassek Ba Kob- devenir le géant africain des images ? Ces films,
4 Bobodioulasso (Burkina). Plus hio se souvient d’avoir dti batailler tournés en vidéo dans les principales langues du
récemment, Buud Yam, du Burkinabé pour obtenir une copie de La Genése pays — ibo, yorouba, haoussa et, le cas échéant,
Gaston Kaboré a enregistré 150 000 pour son festival Ecrans noirs. « Il a en pidgin — connaissent un succés populaire fou-
entrées payantes. Au Cameroun, fallu que Cheick Oumar Sissoko inter- droyant dans le pays, et, au-dela, dans les Etats
40 000 spectateurs, essentiellement vienne pour que nous puissions diffuser voisins (Cameroun, Togo, Bénin, of une salle
des étudiants, ont vu Mobutu, roi du le film. Pour un distributeur francais, Vim- spéciale, a Cotonou, leur est réservée) et parmi
Zaire (soit plus qu’en France).Au portant, c’est la France, pas l'Afrique ! » la diaspora nigériane vivant aux Etats-Unis (3
Sénégal, Sembéne Ousmane a orga- D’une facon générale, il est trés millions de personnes). Tournés en des temps
nisé une tournée de Faat Kiné a tra- difficile d’assurer une distribution records (une semaine, deux au plus), dans des
vers le pays : 400 000 entrées. panafricaine. « Quand vous étes un conditions techniques on ne peut plus précaires
Gabonais au Gabon, un Burkinabé au par des « cinéastes » qui pour la plupart n’avait
Trois « bonnes » salles Burkina, vous n’avez pas de probleme jamais vu une caméra avant leur premier film,
a Bamako pour distribuer votre film », explique la plupart de ces films s’inscrivent dans un ter-
Mais combien d’efforts déployés Bassek Ba Kobhio. Au-dela, la circu- reau culturel spécifiquement nigérian (celui du
pour un résultat plus qu’incertain ? lation des copies est difficile : faute théatre de rue yorouba) métissé d’influences
Chaque sortie est un parcours du de structures de distribution (depuis diverses (telenovelas brésiliennes, films d’hor-
combattant dont la premiére épreuve la disparition, en 1985, du Consor- reur indonésiens...).
est l’état pitoyable de l’immense tium interafricain de distribution C'est au début des années 90, en pleine dicta-
majorité des salles. « Aujourd’hui, il cinématographique), faute, aussi, ture militaire, que la home video nigériane prend
n’y a que trois “ bonnes ” salles a dharmonisation des différents son essor : l'insécurité qui regne dans le pays vide
Bamako, dont le Centre culturel frangais. régimes juridiques et fiscaux des Etats les salles de cinéma et galvanise les ventes de
Pour les autres, il faudrait, chaque fois africains en matiére d’audiovisuel. magnétoscopes (45 millions). En 1992, une pro-
qu’on loue une copie, nettoyer et réviser C4 et la, cependant, des initiatives duction ibo, Living in Bondage (une histoire de
tout le matériel... », explique Cheick se mettent en place. Depuis quatre pacte avec le diable) est le premier d’une longue
Oumar Sissoko. Il faut ensuite ans, l’association Ecrans Nord Sud, lignée de films d’horreur qui trouvent le plus sou-
convaincre les exploitants, souvent sous l’égide de l’ancien directeur du vent leur inspiration dans les « faits divers » rela-
plus que réticents. « Ca n’a pas été CNC Dominique Wallon, tente tés par la presse populaire (enfants transformés
facile, note Monique Phoba, qui a d’améliorer la diffusion des films du en chiens ou en légumes, envoiitements, sacri-
orchestré la sortie de Lumumba au Sud sur le Continent. Lan dernier, fices humains, pratiques vaudous et animistes...).
Bénin. A priori, les exploitants sont contre Lumumba, du Haitien Raoul Peck, Léconomie de la home video est aussi éloignée
les films africains. Ils sont persuadés qu’ils a ainsi été distribué dans sept pays que possible du systéme qui prévaut en Afrique
vont vider leurs salles. » Une fois le film d Afrique (04, fin février, il totalisait francophone (trés dépendant des financements
a l’affiche reste a surveiller... le 35 000 entrées). En Afrique centrale, institutionnels). Elle repose presque uniquement
chiffre des entrées : « Quand le film le Camerounais Bassek Ba Kobhio, sur les épaules de producteurs privés (les « mar-
sort, il faut que le réalisateur soit la pour organise depuis 1995 Ecrans noirs (lire keters ») qui font aussi office de distributeurs et
laccompagner, avec deux personnes pour interview). Initiative que Cheick se chargent de diffuser les cassettes via le trés
vérifier les souches, une troisiéme postée Oumar Sissoko tente d’étendre 4 dynamique réseau des commercants ibo. Dans le
pres de la sortie et une quatrieéme pour l'Afrique de l'Ouest. Reste que, sans méme temps, la production de films celluloid a
contréler les bordereaux », souligne Jean- véritable relais politique, le désir quasiment disparu. Faute d'argent, faute de salles
Pierre Garcia, du festival d’Amiens. —réel- des cinéastes africains de faire (une seule salle de projection en 35 mm a Lagos,
Débordé par la préparation de Battu, circuler leurs images en Afrique capitaledu pays : les autres ont fermé ou été trans-
Cheick Oumar Sissoko n’a pu assu- risque fort de rester lettre morte. A formées en églises). Les rares cinéastes ont baissé
ter une sortie normale a son précé- Ouagadougou, vitrine cinéphilique les bras ou travaillent dans des conditions trés pré-
dent long-métrage, La Genése, alors du Continent, un mois aprés le Fes- caires. Aux yeux des producteurs nigérians, ils pas-
que Finzan avait « tres bien marché : paco, les principaux cinémas de la sent pour des marginaux.
2 raison d’une projection par jour dans ville programmaient Hollow Point, Le E. L.
une seule salle, 2 Bamako, nous avons fait Talentueux M. Ripley, Jugé coupable et... Remerciements a David Hivet (ambassade de
9 600 entrées. Mais il est tres difficile de Taxi 2. France, Lagos) et au réalisateur Ladi Ladebo.
tester plus de trois jours en salles, méme B.L.
LES RIVIERES
POURPRES
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$ 4. Gaumont
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un DVD de Mathieu Kassovitz ai
Pai tt my ate sal
TELEVISION
@ FINANCE. Les sorica sont dévoyées
@ FESTIVAL. Aux Rencontres
mais restent un pilier du cinéma frangais :
de télévision de Reims, on voit des télé-
enqueéte sur les sociétés de financement
films sur grand écran. Quelques-uns ont
du cinéma et de l’audiovisuel. Page 88
résisté 4 l’épreuve. Page 9%
W REPERAGES (1). Sa mere la pute au
m REPERAGES. Dans Baptiste, Marc
Festival international de films de femmes
Chevrie suit un chasseur savoyard,
a Créteil. Page 90
ancien résistant, sur les traces des
W REPERAGES (2). Ce Vieux Réve qui bouge de auteur, Alain Guiraudie, et enquéte sur la chamois et de son passé. A ne pas rater
au Festival Cété court de Pantin. Portrait production des courts-métrages. Page 92 sur France 3, le 25 juin. Page 98
CINEMA
B Acteurs et actrices membres de la Screen Actors Guild (SAG) manifestent a New York. La gréve pourrait commencer le 30 juin, celle des scénaristes le 1° mai.
u jour ot nous écrivons cinéma, ou SAG) doit quant 4 lui le prochain licenciement de 4 000 chevronnés ont di accepter de
ces lignes, trois semaines expirer le 30 juin, et ce syndicat employés pour couvrir les pertes travailler pour le prix plancher
nous séparent encore du n’entend entamer les négocia- occasionnées par les déboires du prévu par la derniére conven-
1* mai, ot expirera le tions que lorsque la WGA sera groupe sur Internet. La SAG, quant tion). Les producteurs refusent de
contrat unissant la Wri- elle-méme parvenue 4 un accord. a elle, refuse d’ouvrir les négo- publier les chiffres... pour ne pas
ers Guild of America (WGA ou La gréve, dont tous les jour- ciations tant que les producteurs donner corps a l’argumentation
suilde des auteurs, ) 4 la Produ- naux supputent les chances, n’auront pas communiqué les des acteurs.
ers Association (Association des semble d’autant plus probable que informations sur le versement des La SAG et la WGA ne ressem-
sroducteurs), alors que les négo- les producteurs restent absolu- royalties. Selon le syndicat, une blent guére 4 l'idée que nous
‘lations entre les deux parties sont ment sourds aux exigences des période de bénéfices faramineux nous faisons de vrais syndicats.
u point mort depuis le 1* mars. acteurs et des scénaristes. Disney mais mal partagés s’est traduite L’an passé, les acteurs de films
-e contrat de la Screen Actors a annoncé, comme un coup de par un déclin sensible des reve- publicitaires se sont mobilisés sur
3uild (syndicat des acteurs de semonce a I’adresse des syndicats, nus de ses membres (des acteurs les mémes questions écono- »
> miques, avec le soutien de leurs Il faut aussi replacer cette gréve ressante audition qu’elle a passée
collégues mieux rétribués (a éventuelle dans son contexte la semaine derniére. Le projet,
quelques exceptions prés dont politique et syndical : l’adminis- décrit comme une fiction dans la
celle, notable, d’Elizabeth Hurley tration Bush vient d’annuler les lignée de Tivin Peaks, supposerait
qui vit sa poitrine grafittée par dispositions destinées 4 protéger que les acteurs improvisent sur
des grévistes sur les affiches de les travailleurs, prises par Clinton un simple canevas fourni par les
Bedazzled).Au plus fort du mou- dans les derniers jours de son producteurs eux-mémes. Ainsi,
vement, l’un de ces cacheton- mandat. D’autre part, alors que tout comme les reality-shows, ou
neurs, qui faisait le piquet de seuls 12% des travailleurs amé- The Blair Witch Project, ont ouvert
gréve devant un McDo (la firme ricains sont affiliés 4 un syndicat, la voie 4 de nouvelles tentatives,
continuait 4 tourner des pubs), on assiste 4 une résurgence du la fiction télé improvisée produira
a comparé sa situation 4 celle des syndicalisme, marquée par l’ac- peut-étre un jour un nouveau
concierges immigrés, qui ont fait, cession de John Sweeney 4 la pré- Mike Leigh.
outre le sujet d’un Ken Loach, la sidence de la grande centrale AFL- Certains sont d’indécrottables
une de la presse locale avec une ClO, jusqu’alors moribonde. Sous cyniques. Lorsque je lui ai
gréve contre les propriétaires de la direction de son nouveau pré- demandé ce que la gréve pour-
gratte-ciel. sident, AFL-CIO a largement sou- rait produire de positif, Joe Dante
tenu Al Gore aux élections de ma répondu : « Un écran vide. Pas
Roosevelt et McCarthy novembre dernier, et il soutien- de suite a Joe Dirt. » Joe Dirt est
La comparaison a fait sourire. dra aussi la SAG et WGA, si celles- une nouvelle comédie qui devrait
Reste que l’histoire des syndicats ci votent la gréve. sortir la semaine prochaine, et qui
d@ Hollywood a toujours reflété raconterait les aventures... d’un
celle des syndicats américains '. Impact sur la production concierge ! Il semblerait qu’Hol-
En 1933, une longue bataille pré- Par bien des aspects, cette résur- lywood soit encore capable de
céda la naissance de ce qui est gence du syndicalisme est cen- trouver de humour et méme de
aujourd’hui la wea. Les syndi- trée en Californie, ot l’on a vu l'héroisme chez les gens qui bos-
cats hollywoodiens parvinrent 4 @ Sally Field dans « Norma Rae » de un afflux massif de travailleurs sent. Enfin, tant qu’ils ne bossent
éviter le lock-out des studios lors Martin Ritt. immigrés, dont certains ame- pas pour Hollywood.
de la crise bancaire.
Aux acteurs, naient dans leurs bagages l’expé- Bill Krohn
réalisateurs et auteurs qui com- rience — acquise au cours de (Tiaduit de V'américain par
mencérent a exiger la création de communiste pour se lancer dans luttes menées dans leurs pays Sylvie Durastanti et Jean Pécheux.)
leurs propres syndicats, les pro- la politique. Par la suite, certains dorigine — qui a permis d’ac-
ducteurs répondirent alors en membres de ce qu’on a appelé les complir de petits miracles poli- 1 - Lire notamment Nancy Lynn Schwartz :
The Hollywood Writers’ War ; Gerald Horne :
créant l’Academy of Motion Pic- « Hollywood Ten » (les Dix tiques, comme le montre lissue Class Struggle in Hollywood, 1930-1950 ; et
ture Arts and Sciences, véritable d’Hollywood) — tels que John de la gréve des concierges d’im- Stephen Greenhouse: « La Warms to
organisation corporatiste, sur Howard Lawson — n’ont donc meuble. Ainsi, le conflit auquel Unions » The New York Times, 9 avril 2001.
laquelle ils tenaient 4 conserver la pas payé que pour leurs convic- font face les nouveaux nababs des
mainmise. tions de gauche, mais aussi pour médias sera le révélateur des rap-
En 1945, les auteurs de gauche avoir joué un grand réle dans la ports de force structurant la nou-
contribuérent 4 soutenir finan-
ciérement la gréve de la Confe-
création de la Screenwriters
Guild, ancétre de la wGa. Ainsi,
velle économie américaine.
Les gréves peuvent changer le
Quel écho ?
rence of Studio Unions (csv), le mouvement qui s’est opposé mode de production du cinéma 1 Comment la presse relatera-
regroupant les syndicalistes radi- Yan dernier a ce qu’un oscar soit et de la télévision. Celle de la csu t-elle la gréve (si elle a lieu) ?
caux qui tentaient alors de com- attribué 4 Elia Kazan (informa- qui, en 1945, avait mobilisé Voila, en soi, une question inté-
battre I’International Alliance of teur de la Commission des acti- ouvriers et décorateurs, langa la ressante. La presse a connu ses
Theatrical Stage Employees vités antiaméricaines) était-il mode du tournage en décor luttes propres, paralléles a
(IATSE) — liée a la pégre et trop orchestré par ces mémes syndi- naturel ; celle des auteurs, en celles qui ont déchiré I’indus-
dévouée aux producteurs — qui cats que l’Academy était censée 1988, poussa le Fox Network trie du cinéma. Mais elle est
prétendait représenter seule les étouffer dans leur berceau — (alors 4 ses débuts) 4 miser sur les souvent détenue par les mémes
employés des studios. L'échec de preuve que toutes ces vieilles his- reality-shows. Cette année, les entreprises qui possédent les
la gréve du CSU sonna le glas du toires nous hantent encore premiers échos du marché inter- studios. Ainsi, pour ne prendre
New Deal 4 Hollywood et langa aujourd’hui. national du film de Milan indi- qu’un exemple, on peut parier
la terreur de la liste noire, une Les enjeux de gréve dans l’usine quent déja que nous serons que le Los Angeles Times
arme antisyndicale dont les stu- a réves sont universels : le cinéma abreuvés d’émissions du genre de accordera aux exigences des
dios se sont déja servi pendant les et la télévision ont tous deux Survivor, qui a fait de grosses auteurs et des acteurs qui sou-
luttes des années 30. vécu une longue période d’ex- audiences en mélangeant pseudo haitent étre intéressés aux
pansion économique, mais, au cinéma-vérité et jeu. Pourtant, en bénéfices générés sur Internet
Reagan et Kazan lieu d’en partager les bénéfices, Europe, les derniéres mesures la méme attention superficielle
Si la SAG a joué un réle déter- le groupe de plus en plus réduit d’audience sur ce genre d’émis- que lors du procés intenté aux
minant dans la défaite du Csu, ce d@hommes qui se trouvent 4 la sions montrent que le marché de groupes de presse par les
fut sous l’impulsion de son futur téte des nouveaux trusts média- la « réalité » serait déja saturé. pigistes soucieux d’obtenir
président, Ronald Reagan, qui tiques tente de réduire les cotits Que proposera-t-on ensuite ? l’équivalent.
a mis a profit la croisade anti- de toutes les facons possibles. Une actrice m’a raconté l’inté-
RL PALUIECDE MI CINEMA
Bo gp
Interview exclusive
Z de Nicole K. S222
Melle A. avec
Emmanuelle B.
ace du
I8Juin S.
a : NX \o
WA
Jack N. en terrasse
Soirée d ‘ouverture
avec Moulin R. Boulevardde la Croisette
Isabelle G.
Séance photo ala terrasse du Martinez
de Ewan Mc G.
CHEVAL DE TROIE DES MAJORS. DES CONTRADICTIONS, UNE REFORME QUI TRAINE : ENQUETE.
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service du soutien a la produc- Leclerc (Sofinergie). Les succés temps (2,5) Mercredi... ,
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tion et a la distribution au CNC, compensent tout juste les échecs, (1,35) Le Rédempteur (1) Va savoir ! (0,8) Reines d'un jour (1,25) C’est la
uffirme qu’au moment ot fut explique-t-elle, et la survie de sa vie (1,75) DJ - Le Défi (7,9) Danny et la grande bleue (2)
accordé I’agrément d’investisse- SOFICA ne tiendrait qu’a un fil.
ment de Studio Images dans Mer- « Selon les années, nous rendons a nos
redi..., coproduction du Studio actionnaires entre 95% et 102% de Dimanches d’aoat (1,5) Quand on sera grands... (1,3) Malus (1,5) Little Senegal
Canal, les mandats vidéo et vente ce qu’ils ont investi, ce qui est peu ren- (0,6) Kurt (1,2) Jamais trop tard (0,7) La Maitresse en maillot de bain (1) Les
i l’étranger n’avaient pas encore table », affirme-t-elle, omettant Morsures de l’aube (2,5) Bella Ciao (0,75) Les Triplettes de Belleville (1,35)
Sté attribués. Le film passait alors l'avantage essentiel de ces place-
pour indépendant, mais rien n’in- ments, la défiscalisation.
Gamer (1,3) Tu ne marcheras jamais seul (0,6) Mercredi... (1)
diquait que les deux mandats
Réforme ? Mademoiselle (1,25) Bella Ciao (0,75) Grégoire Moulin contre I’humanité
nallaient pas atterrir chez (1,3) Va savoir ! (0,8) Le Lait de la tendresse humaine (0,7) La Répétition
Vivendi, déja détenteur du man- Faut-il supprimer cette usine 4 (1,5) Petite misére (0,75) Reines d'un jour (1,25) Conte de I'enfance (1,7)
dat télé via le Studio Canal. Pour | gaz qui procure gratuitement de C’est la vie (1,75) Avec tout mon amour (0,6) Danny et la grande bleue (1)
clarifier la situation, on parle l’argent aux banques et aux
1ujourd’hui de faire remplir aux groupes, élargissant leur mainmise
SOFICA des déclarations sur l"hon- sur le cinéma frangais ? Trois argu- La Confusion des genres (1,5) Les Portes de la gloire (2,5) Karmen Gel (2)
aeur. Au manque de contrdle ments plaident plutét en faveur Felix et Lola (4) Terminus des anges (4,5) Un ours avec un nez rouge (2,25)
Jont a, semble-t-il, fait preuve d'une réforme : alternative aux Le Rédempteur (2) Fais-moi des vacances (2) Tout le monde y pense (3,5)
e CNC s’ajoute un probléme de aides traditionnelles du cinéma Amélie (4) Vajont (1,75) L'Histoire de Betty Fisher (4) L'Autre Monde (1)
1éfinition : les coproductions ne francais, les SOFICA apportent aux L’Emploi du temps (2)
jont pas prises en compte et la producteurs une marge de
iituation des SOFICA « bancaires » manceuvre supplémentaire pour
Le Pacte des loups (15) Belphégor (5,6) Miscka (1) Monsieur beau sexe (3)
st floue. Les conditions d’exer- financer leurs films. Contrai- Ceci est mon corps (1) DJ - Le Défi (4)
rice de leur activité et leurs obli- rement aux aides directes, elles ne
zations envers les indépendants sont pas menacées par Bruxelles.
ont spécifiées dans leur dossier Enfin, en cas de suppression,
Yagrément... mais les termes dif- Bercy n’accorderait pas de crédits
érent d'une SOFICA 4 l’autre et pour les remplacer.
ont tenus secrets ! La réforme des SOFICA s’es-
quisse a peine. Au CNC, on
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nandats ? des films. Enfin, tant s'agira sans doute pas d’une révo- introuvables (3) Gamer (2) Les Morsures de l’aube (3) Mercredi (2,5)
u’elles n’ont pas intégralement Belphégor (12) Un aller simple (4) Cet amour-la (4)
lution : les SOFICA sont en posi-
écupéré leurs fonds, le montant tion de force.
estant da est soumis chaque | Anne Ballylinch
nnée une « indexation » (de | 1 ~ Production cinématographique en 2000, CNC. * SOFICAS créées au cours d’années antérieures. Les montants correspondent
ordre de 8%). La dette des pro- 2 - Droits de commercialiser les films sur
différents supports (salles, vidéos, télévision, soit 4 un retard dans les investissements (la collecte doit 6tre investie dans
ucteurs gonfle au rythme des ventes a ’étranger), les mandats peuvent ser- l'année), soit au réinvestissement des profits réalisés. Source : cnc.
emboursements (sorties sales, vir de garantie pour obtenir des préts.
LA FILLE DE SALLE
Lamie américaine
par ELISE FONTENAILLE
No man’s land
agacés -, il régne ici un silence, un calme particulier. Devant
moi, un vieil érudit lit un recueil de poésie arabe, une édition
bilingue jaunie, d’un peu loin, on dirait une partition, un livre
de priéres. Le cortége s’avance a pas feutrés, sans heurts, flui-
de ; un seul corps articulé, dragon chinois muet.
Dans la salle, l'impression s’accentue. Nous attendons long- as grand-chose 4 retenir allemand aujourd’hui. Hors-com-
temps, nul ne parle, nul ne bouge, sensation d’intense de cette 23° édition du pétition, il fallait s’aventurer sur
recueillement. A ma droite, un couple charmant, d’environ Festival international de le terrain de la télévision pour y
80 ans, blottis l'un contre I’autre. Je scrute la salle : autour de films de femmes de Cré- trouver l’avant-premiére bien sen-
moi des hommes, surtout des hommes, de tous ages, suspen- teil qui continue de s’en- tie du film Sa mere, la pute de Bri-
dus, un peu flous, 6mus — un rendez-vous amoureux. A ma fermer dans sa réputation méri- gitte Roiian. R éalisé dans le cadre
gauche, deux garcons aux cheveux trés courts, arnachés de tée de ghetto féministe et lesbien. des Petites caméras d’ Arte, le film
sacs noirs, vétus de cuir noir (photographes de mode ?), ils ne Au milieu d’une sélection qui se retrace l’enquéte d’une mére
bougent ni ne parlent, leurs visages sont tournés vers l’écran devait d’offrir un panorama du dont la fille est mystérieusement
vide; une attente paisible. cinéma mondial, on retrouvait décédée d’une overdose. Adapté
Dans la salle bleue, ouatée, incurvée : ni musique ni publi- bien entendu les maintenant dun fait divers grec mais judi-
cité ; calme absolu. presque traditionnels films tai- cieusement resitué a Paris, entre
Le film s’ouvre sur le visage défait de Faye Dunaway. wanais et iraniens, sans doute Pigalle et Barbés, Sa mere, la pute
Bouleversante solitude de la femme glacée, frigide, folle- choisis, peu importe leur qualité, s’apparente aux romans de Série
ment belle, terriblement seule, infiniment émouvante, qui se sous seul prétexte qu’ils appar- noire. De son incrustation dans
livre a la caméra sans jamais se donner. Figée pour toujours en tiennent a des pays cinématogra- ces quartiers de la capitale, la pv
hiver, errant le long de ce triste bord de mer. Le photographe phiquement dynamiques. Ce retient un réalisme glauque trés
qui l’écoute, affectueux, en retrait, bien sir, c’est Jerry n’était donc pas vers I’Asie que la réussi sans jamais entrainer le film
Chatzberg. Ses couleurs ont la froideur du noir et blanc, il filme perle rare était 4 espérer, mais plu- vers la pente du reportage. Au
la mode sur le corp lisse de Faye comme si c’était son linceul, tot de l'autre coté du Rhin contraire, Sa mere, la pute insére
la livre 4 un oiseau de proie — son premier shut. On a envie de puisque le film allemand In den a merveille dans un fond natura-
la prendre dans ses bras, de la serrer contre soi, on sait qu’on Tag hinein, déja repéré 4 Rotter- liste des personnages toujours
ne peut pas, elle ne sentirait rien, elle est déja trop loin. dam (cf. Cahiers n° 555), concou- ramenés vers la fiction, le tres
Derniére image : La fallen down child vue de dos, drapée rait bien au-dessus des neuf autres cinéma, raison sans doute suffisante
dans un court manteau noir ; seule a jamais, elle s’éloigne, a longs-métrages de fiction en pour que ce film, un des meilleurs
pas lents vers les dunes, vers son anéantissement. compétition. Maria Speth, de cette série produite par Arte,
A nouveau les lumiéres, toujours ce silence. récompensée a juste titre du ne soit pas cantonné uniquement
Tout le monde se léve en douceur, comme on s’éveille, au grand prix du jury, prouve avec a une diffusion télévisuelle (cet
premier rang, une jeune femme pleure. Sur Faye ? Sur elle ? ce magnifique film d’errance automne) mais bénéficie égale-
Un a un, les spectateurs défilent devant elle, les yeux vagues.m urbaine qu’il y a encore (un peu ? ment d’une sortie en salles.
beaucoup ?) a attendre du cinéma Laure Charcossey
Pavel Lounguine
ans ae
= & Bonus
Making 9 of du film
Court métrage inédit :
a“2a
Hanifa, ainsi va l'amour...
Zey---: ie : a :
Commentaire audio par le réalisateur
Un documentaire sur le réalisateur
Clip de Nacien Alamo Des courts-métrages
Des scénes inédites Des scénes inédites
Commentaire du film
par Tony Gatlif
Court-métrage musical: . .
Canta Gitano
STUDIO
CINEMA
Un tutoyeur
Ce Vieux Réve qui bouge (le film a ticolores. On se dit alors que l’on
ecu le Grand Prix et le Prix du a compris la métaphore essentielle
sublic. I] aurait eu le Prix de la du film (ouvriers-acteurs, usine-
presse 4 'unanimité sans un régle- cinéma). C’est pourtant le
d'utopie
nent interne interdisant les moment que choisit le réalisateur
umuls). Le sujet abordé (une pour en faire basculer le cours.
emaine avant la fermeture d’une Le technicien, affairé sur sa
sine, un jeune technicien arrive machine, avoue son homosexua-
our démonter une machine) lité au contremaitre et cherche
urait pu rebuter. Mais, dés les a le séduire. Ce dernier repousse réte iroquoise et parler
remiéres images, de longs plans- ses avances mais ne peut dissi- trainant du Sud-Ouest,
équences superbement éclairés muler le trouble qu’elles provo- Alain Guiraudie pourrait
ar un soleil rasant, quelque chose quent en lui. Peu aprés, un vieil ressembler 4 un de ces
‘installe qui captive le spectateur ouvrier, qui était d’abord apparu gentils loubards dessinés
u-dela de son attente. Ces grands comme une figure paternelle, par Margerin. Lui préfére citer
angars désaffectés, Guiraudie les tente 4 son tour d’embrasser le Hergé et « ses images mobiles ».
ilme comme les studios déserts jeune homme. Cette irruption A la premiére rencontre revien-
le Cinecitta et les rares ouvriers imprévue du désir et son incon- nent obscurément a l’esprit les
ui hantent encore les lieux res- trdlable propagation achévent de souvenirs de Guiraudie acteur, se
emblent plus 4 d’insouciants perturber toute interprétation mettant en scéne, dés son premier
léves attendant la sortie des univoque. De quel « vieux réve » court-métrage, en adolescent
lasses qu’a de futurs chOmeurs Sagissait-il ? De l’ouvriérisme, du désceuvré guettant un mystérieux
ans perspective d’emploi. Tou- cinéma, de l’homosexualité, des poéte taggeur ou plus tard, dans
ours préts 4 faire une pause, 4 trois ensemble ? Depuis Du soleil Du Soleil pour les gueux,en « ban-
aper le carton ou 4 prendre un pour les gueux, on savait Guirau- dit de cavale » cherchant 4 échap-
erre, ils réorganisent sans cesse die capable de mettre en scéne per au « guerrier de poursuite »
espace de travail pour en faire dinextricables jeux de pistes pour lancé a ses trousses. La créte est
ine plaine de jeu et de discus- personnages légendaires. Avec Ce venue aprés, comme pour contre-
ions — et ceci malgré les inces- Vieux Réve qui bouge, c’est le « réa- balancer la reconnaissance tardive
antes injonctions d’un petit lisme social » lui-méme dont il qui le propulse actuellement sur @ Alain Guiraudie, auteur de « Du
ontremaitre, corps burlesque et orchestre la déroute. Et cette le devant de la scéne. Parrainé par soleil pour les gueux ». A gauche, une
déroute est une victoire. Luc Moullet (cf. « Les licornes du scéne de son court métrage, « Ce Vieux
Patrice Blouin Larzac », les Cahiers, n° 553), Réve qui bouge ».
de la production d’un film, ce qui formances passées (les entreprises d'une élite de producteurs ». Une
est la moindre des choses ». cumulent des points en fonction premiére réforme a permis de les
Laide a la production se décline des sélections et prix en festivals réduire (13 nouveaux entrants sur
aujourd'hui en quatre volets, non et des diffusions), et une part floue 27 lors de la deuxiéme session)
cumulables, aux critéres complé- d'appréciation subjective de la com- et il pourra y en a voir d’autres.
orme, le cnc choisit de faire mentaires : l'aide financiére (attri- mission. Selon Morad Kertobi « le Chez Lazennec Tout Court par
'fiance aux producteurs en leur buée par une commission qui juge cnc a voulu établir une méthode exemple, l'aide au programme per-
‘nant carte blanche sur les choix les scénarios, et a laquelle peut d’analyse précise, sans pour autant met de rémunérer |’ensemble de
itiques. » Les bénéficiaires appré- s'ajouter une aide a la musique ori- en faire un carcan ». Source d'opa- l'équipe sur la base du smic. Un des
it cette reconnaissance. Emma- ginale) ; le « prix de qualité », une cité, cette marge de manceuvre est objectifs était en effet d’amélio-
| Agneret estime que l'aide attri- aide aprés réalisation (« un scéna- ce qui semble le plus géner les pro- rer la rémunération des profes-
@ a sa société Bizibi (280 000 F rio qui aurait été mal jugé peut don- ducteurs. « // faut croire qu’au cnc sionnels du court-métrage défavo-
t Résurrection d’Edouard Deluc) ner un bon film » explique Morad la discrétion n'est pas payante » risés par la réforme des Assedic.
dermettre de produire un film Kertobi) ; l’aide sélective du cosip ' poursuit Patrick Morin, dégu que Les sociétés non retenues ne ris-
n’aurait pas vu le jour sans. Elle pour les films pré-achetés par les son programme ait été refusé sans quent-elles pas d’avoir de plus en
‘ra sans doute a obtenir d’autres chaines de télévision ; et l'aide au la moindre explication. plus de difficultés a recruter des
ncements (télés, régions). Selon programme d'entreprise. Celle-ci Il est sans doute trop tét pour équipes bénévoles ?
rence Farenc (Lazennec Tout est attribuée a l'issue d’un proces- dresser un bilan de la réforme. Au Anne Ballylinch
rt) : « Cette aide permet surtout sus de sélection dual : un classe- CNC, On reconnait que ce baréme 1. Compte de soutien a |’industrie de
lonner au producteur I’initiative ment « objectif » fondé sur les per- comporte « des risques de sclérose programmes audiovisuels.
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TELEVISION
La revanche
du papier peint Quarté cathodique
par ERWAN HIGUINEN na beaucoup écrit sur le nouvelle adaptation du roman de
passage des films a la télé- Henry James qui a le bon gout
na longtemps cru que les personnages de sitcom vivaient vision, sur ce qui s’y de ne pas faire de vagues. Filmé
tous dans le méme appartement. Pourvu du confort moyen perd, sur ce qui résiste. et monté sans peur des zappeurs,
propre a la classe moyenne, a peine décoré, prioritairement Crest a lexpérience ce film d’un classicisme télévisuel
fonctionnel, cet intérieur générique semblait se dupliquer a inverse qu’invitent les Rencontres de bon aloi est de ceux qui lais-
volonté, reflet discrétement amélioré du nétre, pour accueillir les internationales de télévision de sent le temps de scruter le visage
jeunes et les vieux, les gros et les maigres, les Noirs et les Blancs, Reims, ot c’est sur grand écran de son interpréte principale (la
tous les semi héros ordinaires de la comédie américaine miniatu- que l’on regarde les téléfilms et jeune Jodhi May). C’est toujours
risée. Ne serait-ce alors qu’un décor anodin, tout juste bon a abri- séries. Par un terrible effet loupe, bon 4 prendre. Mais la vraie
ter les trébuchements, passes d’armes verbales et amourettes les petites fautes de gotit pren- bonne surprise de la compétition
quasi incestueuses desdites créatures de synthése affectueuse ? nent, avec la projection, des pro- est venue de Care, ot: une histoire
A l'origine peut-étre ; aprés, moins ; et aujourd’hui, vraiment pas. portions impardonnables. Ainsi, de pédophilie institutionnalisée
La régle de la (bonne) sitcom est de ne rien laisser a |'abandon de si L’Algérie des chiméres, nouvelle trouve une forme heureusement
ce qui, a l'image, peut donner naissance a une situation comique. saga annoncée sur Arte puis sur aride, délibérément peu aimable.
A la longue, on s’est donc intéressé de plus prés aux fauteuils, aux France 2, est globalement sans Le sujet faisait peur (des effets
placards, aux tableaux qui ornent les murs, aux étagéres. conséquence (un sujet passion- racoleurs, une morale édifiante ?),
La désormais longue histoire de Friends (qui revient ce mois- nant que neutralise une réalisa- le film aussi, mais c’est parce qu’il
ci sur Canal Jimmy) s’organise, dit-on, autour des liaisons tumul- tion d’une prudence mollas- est réussi. Care est signé Antonia
tueuses de ses personnages. N’en croyez rien : celles-ci ne sont sonne), c’est le plan qui lorgne le Bird, réalisatrice de mauvais films
que prétextes. Ce sont les déménagements, rangements et redé- plus vers le cinéma qui passe le (Face, Vorace) qui signe un trés
corations des appartements qui rythment réellement la saga. Arrivée plus mal : celui, parfaitement honnéte téléfilm, ajoutant son
de Rachel chez Monica ; départ puis retour de Joey aux cétés de cadré, de la main d’un enfant nom a l’étrange liste des cinéastes
Chandler ; échange d’appartements entre filles et garcons ; ins- assassiné d’ou coule une goutte médiocres qui font de la bonne
tallation de Chandler avec Monica ; passages de Rachel chez Phoebe, de sang, trop laborieusement télévision, peut-étre parce qu’ils
chez Ross, chez Joey ; venue chez Joey d'une colocataire qui fémi- esthéte et moralement douteux. savent deux ou trois choses (sur
nise la piéce principale... Constamment, on fait et défait les car- Les meilleures fictions télé le cadre, la durée, la direction
tons, on traverse et retraverse le palier, voire la rue dans les moments seraient donc les ceuvres les plus d’acteur) qui joueront toujours
d’intense audace. Mieux : ne s’entendent au final que ceux qui par- honnétement télévisuelles ? C’est en leur faveur.
viennent a élaborer une maniére commune d’occuper l’espace qu’ ils en tout cas l’impression que pro-
partagent. Idem pour Dharma and Greg (sur Téva), o un couple duit la sélection des Rencontres « Deadly Voyage »
aux origines socio-politiques antagonistes (elle est fille de hippies, de Reims, ot se sont croisées et « Poodle Springs »
lui de bourgeois guindés) invente en direct un mode de vie hybride dramatiques scandinaves post- Et les Américains ? A Reims, il
qui, par ricochet, fait de leur logement une maniére de collage pop Dogme (Begravelsen, Norvége, ou étaient d’abord représentés pai
inspiré, en constante redéfinition en-dega méme des discussions Det nya landet, Suéde), fictions bri- Vhommage rendu 4 la chaine
éventuellement animées sur les questions d’aménagement ou d’uti- tanniques fiérement jeunes et
lisation des divers objets du ménage joyeusement expérimental. bourrées de tics tendance (The
Au départ, tous les appartements se ressemblent donc. Ce qui Secret World of Michael Fry, Lock,
importe, c’est comment ils se transforment ensuite, comment un Stock...), téléfilms voulus tire-
objet purement décoratif focalise pour un temps toute |’attention larmes mais qui laissent sec, polars
pour aprés disparaitre et ressurgir beaucoup plus tard. On peut aussi et comédies aux ressorts cassés.
regarder les sitcoms ainsi : en oubliant un peu les personnages pour
observer les meubles, le papier peint, les tapis, et suivre leurs aven- « Le Tour d’écrou »
tures d’une semaine a l'autre. En supporter, priant pour que la et « Care »
chaise, la porte ou le bol choisi se voit enfin accorder la vedette. A ces ceuvres dont seule la natio-
De |’autre cété de |’écran, chez nous, le canapé sourit. II s’est nalité est parfois dépaysante, on
reconnu, lui aussi.— préférera la félicité limace du Tour : nouveli
d@’écou du Britannique Ben Holt,
Vous navez encore
rien vu
MAT 2001 of
TELEVISION.
REPERACES. Dans Baptiste, MARC CHEVRIE SUIT UN CHASSEUR SAVOYARD, ANCIEN RESISTANT,
SUR LES TRACES DES CHAMOIS ET DE SON PASSE. UN FILM CHUCHOTE QUI NOUS TROUBLE.
La nuit du chasseur
ans une forét, la caméra autre échelle. Comment peut-
emboite le pas 4 un chas- on étre devant un paysage de
seur qui marche sans faire montagne aprés l’avoir traversé ?
de bruit. Lhomme, Bap- Comment étre transporté de l'un
tiste, demande a celui qui a l’autre point, de |’aventure
l’accompagne et le filme (Marc racontée au premier plan 4 cette
Chevrie) de faire comme lui, méme aventure vécue au fond du
pour ne pas perturber le cours des tableau ? Le film en livre la clé
choses. Au loin, des coups de feu quand il raconte la technique
retentissent. Dans quelle monde pour savoir reconnaitre des cha-
sommes-nous, a quelle époque ? mois dans un paysage de mon-
D’entrée, le trouble est 14. Trouble tagne. On fixe longuement une
du temps (la Résistance, le zone puis on regarde soudain
maquis, pendant la Seconde ailleurs avant de revenir « dans le
Guerre mondiale, racontés cadre », pour voir si quelque
aujourd’hui par celui qui I’a chose a bougé.
vécue) et trouble du lieu car les
paysages de montagne, ceux ot Guetteur de chamois
Baptiste a résisté (la Savoie) et ceux De Baptiste, la caméra de Mare
ou il a été emprisonné (la Slové- Chevrie retient deux enseigne-
nie), finissent par se confondre. ments. Celui du chasseur, formi-
D’entrée, avec cette scéne de dable guetteur de sons (les
chasse en forét, le spectateur est oiseaux qui passent sont recon-
transporté comme Baptiste doit nus au bruit), que Marc Chevrie
l’étre, car, a le voir vivre cette filme comme il chasse. C’est un
chasse au présent, on devine que art de l’écoute, une école du
se déroule en lui le film invisible regard et un éloge de la discré-
dune action déja accomplie (le @ « Baptiste » de Marc Chevrie, ou le contrechamp de « La Grande Illusion ». tion (passer inapercu pour mieux
maquis) dont lui seul a gardé les recevoir ce que l’autre vous
images. Baptiste est ancien parti- l'image qui n’a pas eu le temps aussi gardé la mémoire. Baptiste donne). Et celui du guetteur de
san, un maquisard, dénoncé et d’exister pour lui, au temps du est un beau film sur le monde chamois, histoire de voir si, entre
déporté peu avant la fin de la maquis, et qui revient 1a, grace 4 paysan (voir également Profils pay- les années du maquis et aujour-
guerre. Interné en camp de cette force de suggestion du sans de Raymond Depardon, qui @hui, quelque chose a bougé. Le
concentration, il réussit 4 s’éva- temps que le cinéma permet, dés filme ce monde au-dela du pit- principe du chamois, c’est la vie
der. Pour raconter histoire de qu’il s’attache 4 la durée présente toresque) et sur la fagon dont des de Baptiste et le principe du film.
Baptiste, Marc Chevrie reprend et tangible d’un corps évoluant corps habitent dans un paysage C’est 4 issue de l’intervalle ot
le principe de Shoah de Claude dans un lieu, sans chercher 4 de montagne qui leur est fami- lon s’absente aux choses qu’elles
Lanzmann, sur lequel il avait écrit pénétrer visuellement la citadelle lier. La constante variation viennent a nous parce qu’on y
lorsqu’il était aux Cahiers. Vopé- intérieure de sa mémoire. d’échelle de grandeur entre le revient. Limage premiére
ration est d’une simplicité corps en plan moyen et le pay- manque (Baptiste au temps du
extréme (faire revenir la personne Passeur d'un récit sage en plan d’ensemble devient maquis) mais son corps et sa voix
sur les lieux, la regarder évoluer, Baptiste est un peu le contre- la matiére du film, sa texture nar- tissent la surimpression, fil
Lécouter parler) et d’une grande champ de La Grande Illusion. Ce rative. Comme dans ce moment conducteur qui nous plonge au-
complexité car l’espace de la prise par quoi il est passé (l’évasion, la ot l’on voit Baptiste au premier dela de la traversée des appa-
de vues devient ce temps ouvert ferme ou il a été recueilli) et qu'il plan montrer du doigt dans un rences. Quelque chose reste de ce
ou plusieurs mondes coexistent raconte dans le film, renvoie aussi paysage de montagne le chemin qui s’est passé parce qu’en reve-
soudain, dans la plus grande a un autre temps, déja fixé par le qu il a pris autrefois pour s’éva- nant sur place, sur les lieux du
clarté. A voir ce chasseur mar- cinéma de fiction, pergu dés lors der. Lécart entre le proche et le lieu, l’épaisseur des couches de
chant dans la forét aujourd’hui, comme une anticipation de réa- lointain devient une mise en temps 4 redonné 4 l’existence
parlant a voix basse 4 celui qui le lité. Avec une belle aisance, le film scéne du temps, et la proximité d’un homme son vrai mouve-
filme (il chuchote, parce qu’il ne dialogue avec un temps (le sou- visible de Baptiste le transforme ment.
fait pas semblant de chasser), le venir d’actions passées, vécues par en passeur d’un récit qui a eu lieu Charles Tesson
plan inscrit la trace invisible de Baptiste) dont le cinéma a lui dans une autre époque, et 4 une Baptiste, sur France 3, le 25 juin.
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Pee Roberto Rossellini P | 1 |
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La télévision |
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PHOTOS MICHEL CHASSAT
Eloge de « Gertrud »
par MANOEL DE OLIVEIRA
e premier film de Dreyer | a dépassé cette attitude, et vous entend, et cette économie a un
que jai vu a été La Passion voyez ce que cela a apporté. On effet sur le spectateur. On voit les
Comment dire la joie d’avoir de Jeanne d’Arc, qui a fait a compris que la parole ne coupe cloches 4 la fin, c’est un dernier
organisé un festival, quinze scandale parce qu’il n’était pas l'image, que l’image n’a pas Adieu parce que Gertrud meurt
jours durant, en présence de constitué que de gros besoin d’étre seule. Avec la au monde, il n’y a pas d’horloge
plus de 7 000 personnes et de plans. Sur le tournage, Dreyer musique, avec le son, ce sont des mais il y a le Temps, c’est la fin
plusieurs dizaines de cinéastes avait demandé que soient creusés éléments qui favorisent l'économie d'un temps.
et acteurs amis des Cahiers ? des trous, pour mettre la caméra_ | d’expression cinématographique. Le cinéma muet est vraiment
Comment dire le plaisir d’avoir trés bas et filmer en contre-plon- Aux débuts du parlant, Pou- onirique. Quand on réve, on peut
recu un soir d’avril plus de gée. Il a fait construire un grand dovkine |’a bien montré. Il a voir avec les yeux fermés. Le
1 000 invités sur la terrasse de décor qui n’apparait pas dans le donné un exemple : un homme cinéma muet fait la méme chose.
La Samaritaine ? Mieux qu’un film. Ses producteurs étaient irri- dit au revoir a son amie qui prend Il n’y a pas de son,il n’y a pas de
compte-rendu exhaustif des tés qu’il leur ait fait dépenser tant le train. Dans le muet, dit-il, il fau- paroles, comme dans un réve. Il
débats qui chaque soir ont eu d'argent pour tourner des gros drait montrer le sifflet, la vapeur n’y a pas non plus de couleur...
lieu 4 LArlequin, nous avons plans de visages ! Léquipe du film qui sort des roues, les roues qui Et la couleur, la parole, le son,
choisi cet extrait de la se moquait de lui a cause des patinent avant de tourner, et enfin donnent une réalité et rappro-
magistrale legon de cinéma trous, au lieu de parler de Dreyer le train qui s’anime. Avec le chent le cinéma de la vie.
donnée par Manoel de Oliveira ils parlaient de gruyére... Il y a cinéma sonore, on peut rester Je ne peux pas parler 4 la place
avant la projection de Gertrud des choses drdles dans le cinéma ! entre la fenétre oi est la femme de Dreyer, les vraies réponses sur
de Carl Th. Dreyer.A tous ceux Jai vu d’autres de ses films qui s’en va, et le quai ot Gertrud, lui seul peut les donner,
qui souhaitent retrouver les ensuite, comme Dies Irae, mais VPhomme, debout, dit adieu. Le mais il n’est pas 1a pour le
discussions parfois animées qui celui que je préfére, que je trouve sifflet, la vapeur, les roues qui pati- moment...Je peux essayer d’in-
ont eu lieu 4 l’Arlequin, nous excellent, c’est Gertrud. nent puis se mettent en marche, terpréter. A mon avis, s'il a
donnons rendez-vous Dreyer a pressenti le cinéma on les entend. Il y a une intensité demandé a ses acteurs de regar-
prochainement, en ligne, sur futur car il a eu la force de filmer dramatique énorme 4 la scéne. der face 4 eux alors que, pourtant,
cahiersducinema.com. Quant la parole. Avant lui, on n’osait pas, Cest une richesse que le cinéma ils se parlaient, c’était pour dire
aux films, grace au on disait que la parole, c’était du sonore parlé apporte, et c’est le quils ne se comprenaient pas. Il
Groupement des salles de théatre. Le cinéma devait mon- cinéma d’aujourd’hui. Dreyer I’a y a incommunicabilité ; chacun,
recherche, ils tourneront en trer le mouvement et ce qu’on bien compris. Dans Gertrud, on dans le film, parle par soi-méme
province a partir de septembre. voyait, mais pas la parole. Dreyer ne voit jamais les horloges, on les et de soi-méme. Le mari a le désir
AIT REVIVRE CINQUANTE ANS D’ HISTOIRE DU CINEMA
Jane Birkin, Franck Nouchi, Jacques Rozier, Elsa Zylberstein. @ Isabelle Huppert.
Je sa femme et il la regarde, sou- car ce qui y était caché, parfois goisse. Elle témoigne de ce que pas. A son premier amour, le
vent s’adresse a elle directement. méme 4 l’écrivain, se dévoile. Un si Dieu nous parle, on reste tou- poéte, elle s’est donnée complé-
Elle a compris qu’ils ne peuvent écrivain (ou un cinéaste) travaille jours dans le doute. Les grands tement. I] a griffonné ce mot sur
s communiquer. C’est une de maniére intuitive, incons- saints sont parvenus 4 la croyance son portrait, qui dit que le travail
acon étrange, quand méme jolie ciente, il ne connait pas tout de en traversant I’énorme souffrance de !homme est l’ennemi de
Je interpreter, et c’est la mienne. ce qu'il fait. du doute. Le doute est quelque l'amour de la femme. Uhomme
Je ne sais pas bien si Dreyer Je pense que le personnage de chose de terrible. C’est bien a préféré son travail 4 cette
voulait cela ou autre chose. Un Gertrud se confond avec le réa- montré quand le mari de Ger- femme. Alors, il ne faut pas
ilm n’est pas terminé avant que lisateur Dreyer. Elle a tout raté trud lui demande si elle a déja eu confondre la dignité avec I’or-
es spectateurs le complétent par dans la vie. Elle a commencé en des relations avec son amant. C’est gueil. C’est ce que fait son amant,
eur interprétation. C’est pour croyante, elle est devenue scep- pire pour lui de se maintenir dans qui dit 4 Gertrud : « Tu es trés
‘ela qu’un vieux livre est plus tique. Quand son amant lui le doute que de savoir qu’elle I’a orgueilleuse », mais ce qu’elle veut,
iche aujourd’hui qu'il ne I’était demande si elle croit en Dieu, trompé. II n’y a pas d’ironie dans c’est se maintenir dans la dignité.
iu moment de sa sortie, quand sa réponse, pour moi, est celle de ce propos. Elle ne se donne plus a lui parce
yersonne, ou peu de monde, le Dreyer. Elle dit : « Et toi, tu y Peut-on dire que Gertrud est qu’il ne l’aime pas. Elle l’aime,
‘omprenait. Aprés des années, le qois ? » Ce n’est pas une réponse égoiste ? Demande-t-elle trop il ne l’aime pas, alors elle a raison
ivre gagne une force énorme, ironique mais une réponse d’an- sans rien renvoyer ? Je ne crois de chercher une autre voie. (...)
Jadmire beaucoup Dreyer.Je
ne sais pas s'il a exercé sur moi
une influence.Je crois étre plus
proche de Bunuel, qui est [bé-
rique comme moi. Le Nord, c’est
autre chose, c’est un autre esprit,
mais j'admire Dreyer par sa
recherche de la profondeur, de ce
qui est inaccessible 4 ’homme, de
ce a quoi il nous manque la
réponse. Pourquoi nous vivons,
pourquoi la mort. Les chrétiens
et d’autres ont peut-étre des
réponses. On laisse des livres pour
¢a, non ? Mais vivre est un acte
trés fort d’humilité. On s’arrange
avec le plaisir, avec la douleur, et
on supporte tout jusqu’au der-
nier jour sans savoir pourquoi.Je
vous remercie d’étre venu ce soir
pour Dreyer. S’il nous voit 1a-
haut, il doit étre content qu’au-
tant de monde ait vu son magni-
Manoel de Oliveira. fique film... =
CAHIER
SORTIES EN SALLES
m Mars
CRITIQUE]
La Tour Montparnasse infernale (C. Nemes) ....123
Avril
Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain
(Jean-Pierre Jeunet)
Boesman et Lena (John Berry)
Belphégor (Jean-Paul Salomé) ...
Les Visiteurs en Amérique (Jean-Marie Poiré)
Little Senegal (Rachid Bouchareb) ‘i
Le Roman de Lulu (Pierre-Olivier Scotto) .......
15 aotit (Patrick Alessandrin)
Quand on sera grand (Renaud Cohen) .
La Défense Lougine (Marleen Gorris)
Un amour infini (Don Roos)
Le Couvent (Mike Mendez)
Profils paysans : approche
Le Royaume des rapiats (Michel Vignaud) de RayMonD DEPARDON
Nouvel ordre mondial (Philippe Diaz) ...
Liam (Stephen Frears)
Mon pére (José Giovanni)
Campagnes
Beijing Bicycle (Wang Xiaoshuai)
L’Tlle (Kim Ki-duk)
Du cété des filles (Frangoise Decaux) .
Le Mexicain (Gore Verbinski) .....
interieures
m2 mai
Mundo Grua (Pablo Trapero) ...
Sur la trace du serpent (Lee Myung-Se) 110
L’Origine du monde (jéréme Enrico)
La sociologie est un sport de combat (Pierre
Rolling (Peter Entel)
Bétes de scéne (Christopher Guest) .
Entre deux mondes (Fabio Conversi) ...........+++ 118
Virilité (Ronan Girre) par JEAN-SEBASTIEN CHAUVIN
Les Chemins de la dignité (George Tillman)
SMITE SEAR PWM) cece eevee stress tose taceuesmetciese 122
Le Soleil au-dessus des nuages (Eric Le Roch) 123
Manipulations (Rod Lurie) ....
remier chapitre de trois partage de l’intimité (méme si, par ailleurs,
American Girls (Peyton Reed)
films consacrés au monde Yutilisation du patois occitan permet a ces
‘ - | rural, Profils paysans : ’ap- paysans, quand ils le veulent, de se préser-
m9 mai ; proche nous améne dans les ver devant le film). Depardon y est vérita-
Profils paysans (Raymond Depardon) ci-contre
régions de la Lozére, blement un visiteur, invité 4 la table d’héte,
Coup de peigne (Paddy Breathnach) ...........+.++: 116 vet Haute-Saéne, Ardéche et avec ce rien de froideur si caractéristique
Le Masque de l’araignée (Lee Tamahori) .......... 120 Haute-Loire, dans ce monde paysan que de son cinéma, toujours peu « actif » mais
Inter-View et Flora (Jessica Hausner) . Depardon connait bien pour avoir lui- infiniment plus proche. Surtout, la disposi-
Sept jours a vivre (Sebastian Nieman) méme passé son enfance dans une ferme de tion des corps n’est pas exactement la
Chevauchée avec le diable (Ang Lee) la vallée de la Saone. Frappe ce parti pris de méme.
ne filmer qu’en intérieurs, 4 l'exception de Dans Délits flagrants, le bureau séparant
all mai deux séquences importantes. D’emblée, le juge du prévenu constituait une barriére,
Apocalypse Now (Francis Ford Coppola) .....40 Depardon refuse tout pittoresque, toute une frontiére infranchissable dont la
contemplation touristique de ces paysages fameuse main tendue sans réponse n’était
16 mai de montagne, réduisant hameaux et villages que le symptéme le plus saillant. Ici la table
Eloge de l’amour (Jean-Luc Godard) ...........38 a des plans de panneaux, pour se concen- n’est plus une séparation mais une ligne
La Chambre du fils (Nanni Moretti) .......... 24 trer sur la parole quotidienne de ces pay- horizontale qui relie et réunit. Chacun se
Roberto Succo (Cédric Kahn) sans et l’observation de la vie sociale qui se fait face, dans un rapport de parfaite symé-
joue dans ces cuisines sans confort. trie (certaines femmes mariées ont cepen-
Insomnies (Michael Walker) ....
On retrouve, dans Profils Paysans, ces plans dant un statut particulier, hors du cadre ou
fixes latéraux sur des personnes discutant en fond de l’image, muettes), mais légé-
w 23 mai derriére une table, qui faisait la particularité rement de trois quarts, hésitant souvent
Kaiiro (Kiyoshi Kurosawa) ......ccscessecssseseneeeees 108
de Délits flagrants, cette maniére d’ effectuer entre le face-a-face et le regard 4 la caméra
Carrément a l’ouest (Jacques Doillon) ............. 116 une coupe, comme en géologie. Mais si dans jamais complétement oubliée par ces pay-
The Anniversary Party (J.J. Leigh et A. Cumming)! 13 Délits flagrants, Depardon gardait une dis- sans qui de temps a autre y jettent un ceil,
Eclipse de lune (Wang Quan An) ...2..0ee-se0000 117 tance clinique, quelque chose ici tient du comme pour montrer qu’ils ne sont jamais
On retrouve, dans « Profils paysans », ces plans
fixes latéraux sur des personnes discutant 2 une
table : comme dans « Délits flagrants »,
Depardon montre une réalité vue « en coupe ».
véritablement dupes, mais, bien plus encore, dehors pour y inscrire une « scéne ») la du partage, elle est aussi le repaire de |’in-
comme s’ils regardaient le troisiéme terme négociation continue, alors que l’acheteur time, comme en atteste une scéne a priori
d'une discussion, la table de cuisine étant est dans sa voiture, prét 4 partir, aucun des dénuée d’enjeux dramatiques mais qui, par
le lieu d’un échange, non plus un lieu de deux ne voulant céder. Lorsque plus tard sa force documentaire, fera date. Depardon
hiérarchie. lun d’eux accepte le prix de l’autre, ils y filme Paul Argaud, célibataire, le matin
Mais Depardon ne systématise pas ce retournent autour de la table pour enté- devant son petit déjeuner. La caméra est face
dispositif frontal : il est parfois physique- riner la fin de l’accord, afin aussi de se a lui tandis qu’il trempe sa tartine dans un
ment hors de la discussion, un peu 4 l’écart, retrouver autour d’un pastis, comme deux bol. La scéne dure, et cela en devient presque
comme dans cette scéne de négociation amis qui se connaissent et s’apprécient (a génant tant on a le sentiment d’accéder 4
acharnée oi il filme légérement de biais, la ce moment, Depardon aura resserré son Yintimité de ces gestes dont on sent bien
scéne se jouant véritablement entre l’ache- cadre, soulignant un rapprochement entre qu’ils ont di, année aprés année, étre répé-
teur et le marchand. On voit bien com- les deux hommes, mais également une tés, tellement peaufinés qu’aujourd’hui ils
ment la table de cuisine joue ici un réle facon, pour lui, de s’inviter de nouveau 4 semblent dire beaucoup sur "homme qui
central. Lacheteur, n’arrivant pas A la table dans cette atmosphére déliée). Dans les effectue. Dans le silence du matin, I’as-
convaincre le vendeur de baisser le prix, ne ces intérieurs sans appréts, la cuisine, et plus piration du café, du pain imbibé qui mol-
cesse d’y revenir : il se léve de table ; particuliérement sa table, est ce lieu de lit, la téte qui penche légérement 4 chaque
*éloigne un peu, puis revient ; on veut lui convivialité ot l'on mange, négocie, traite bouchée, le regard de l"homme évitant la
tesservir un verre, il refuse ; sort un chéque, les affaires administratives et sanitaires, caméra pour se diriger sur le cété, tout
se rassoit, signe le chéque, le tend ; l’autre bavarde, tout cela indifféremment. En contribue 4 cette impression. La caméra
*en veut pas; puis tous deux se lévent sans concentrant le film sur ce point de la toile filme ces actes qui n’appartiennent qu’a lui,
avoir conclu le marché, signifiant la fin de paysanne, Depardon ne fait qu’en souligner manifestement non partagés puisqu’il est
a négociation, avant de sortir du cadre puis limportance, de méme qu’en réduisant la célibataire, semblant s’effectuer jour aprés
Je la piéce. Mais de maniére presque piéce a son centre (la table), il en préléve jour dans la solitude de cette cuisine. Depar-
comique (justement parce qu’elle ne s’ef- Vessence, indiquant ce vers quoi toutes les don, au début de la séquence, avait d’ailleurs
fectue plus autour de la table, mais aussi énergies convergent. souligné le caractére intime du lieu, nous
darce que, pour la premiére fois, le film sort Mais la cuisine n’est pas seulement le lieu apprenant, en voix-off, qu’il connait>
CA HIER CRITIQUE
> homme depuis dix ans, mais que c’est la Succo, du haut de sa prison dans
premiére fois que celui-ci l’invite 4 péné- une séquence semi-burlesque.
trer dans sa cuisine, tous deux conversant
d’ordinaire sur le pas de la porte. Ce que
Raymond Depardon partage 4 cet instant,
c’est précisément une intimité 4 laquelle
seul le paysan avait jusque-Ia accés. Mais
partager est peut-étre trop fort : le cinéaste
n’aura jamais été aussi proche du paysan, sa
caméra étant invitée 4 la table, face a lui, enre-
gistrant des choses que peu ont vues, mais,
par sa fixité, son silence (et par conséquent,
lamplification des sons du petit déjeuner
produits par homme), il ajoute une dis-
tance faisant que l’homme se trouvant en
face de lui reste seul. Mais c’est la condi-
tion méme de sa vérité, et plus générale-
ment de la vérité documentaire.
La solitude est une dimension impor-
tante de la vie dans ces campagnes (mais le
‘© JEAN-CLAUDE LOTHER
Hors sang
de cette accumulation de tables, de préoc-
cupations terrestres, d’intérieurs sombres,
pauvres et fonctionnels pour aller vers la
lumiére du printemps, herbe verte, le ciel
bleu étincelant. Il y a 1a comme une évi-
dence paisible de la nature qui contraste
avec la pénibilité de la vie humaine, par ERWAN HIGUINEN
contraste renforcé par le discours du prétre
sur la relation de Dieu avec les hommes,
sur ce qu’ils nous apprend de la vie de oberto Succo : né en Ita- croisé 4 un moment ou un autre de sa cavale
Louis Brés (la mort de sa mére et de sa lie a l’aube des années 60, meurtriére, donc aux antipodes d’une
sceur durant son enfance), alors que le il assassina ses parents en approche psychologique traditionnelle.
vocabulaire employé (« nous nous souvien- 1981, fut interné en hépi- Autour de la figure de Roberto Succo s’or-
drons de ses brilures, de tous ces noeuds qu’il tal psychiatrique, s’évada, ganise alors un ballet déstabilisant de
n’a jamais pu délier ») est cru et sans fard. se livra 4 de nombreux séquences rigoureusement disjointes. C’est
Que Depardon termine son film sur cette meurtres et agressions en France, puis en entre elles, dans le gouffre qui les sépare, que
phrase du prétre, « nous nous souviendrons de Suisse, jusqu’a son arrestation en 1988. Voila Pair circule. Peu a peu, l'image prendra peut-
son travail », n’est qu’une facon de poin- pour les faits qui ont inspiré Cédric Kahn, étre forme.
ter ce qui, le film durant, aura plané comme aprés Bernard-Marie Koltés (qui revisita La premiére fois que l’on voit Roberto
une ombre au-dessus de ces paroles de pay- cette histoire devenue mythe dans sa piéce Succo, c’est un Anglais prénommeé Kurt qui
sans autour d’une table de cuisine : le dur Roberto Zucco). Des faits que le film ne pré- séduit une lycéenne (Isild Le Besco). Peu
travail de la terre. m sente pas de maniére directe et exhaustive importe que son accent italien ne trompe
mais dont ne sont restitués que des frag- personne, qu’il paraisse bien plus que les
PROFILS PAYSANS : LAPPROCHE ments. Si le titre est le nom du personnage, 19 ans qu’il se donne. La fiction qu’il pré-
France, 2001 ce n’est pourtant pas son film, sa trajectoire sente aux autres personnages n’a 4 la limite
Réalisation : Raymond Depardon ne guide pas la mise en scéne. Mais,si l’on pas besoin d’étre crédible, il lui suffit d’exis-
Distribution : Les familles Brés, Privat, Rouviere, y croise des gendarmes, si celui qu’inter- ter comme une promesse a laquelle ils peu-
Jean-Francois Pantel, Nathalie Deleuze préte Patrick Dell’Isola revient souvent au vent choisir de croire simplement parce
Image : Raymond Depardon premier plan, Roberto Succo n’est pas non qu’elle se présente au bon moment, celui
Montage : Roger Ikhlef plus une enquéte policiére. Du moins pas ou l’ennui menace. C’est une promesse que
Son: Claudine Nougaret comme on I’entend généralement. Multi- quelque chose va se passer. Et qu’advient-
Production : Canal+/Palmeraie et Désert pliant les points de vue avec force ellipses il alors ? Une amourette qui se prolonge en
Distribution : Gemaci/Télé Images International et actes occultés, Cédric Kahn travaille en pointillés les vacances terminées. Kurt
Durée : 1h30 fait 4 cerner son personnage. Mais au sens revient souvent voir Léa, toujours dans une
Ala télévision: _ sur Canal+ les 2 et 3 mai ot il s’agit de l’encercler méthodiquement voiture différente, elle découvrira qu’il est
En salles : le 9 mai en accumulant les visions de ceux qui l’ont italien. Parallélement, des cambriolages, enlé-
CAHIER CRITIGQUWE
EXPERIMENTAL
MONTREES LES SEQUENCES AUXQUELLES QUELQU’UN A SURVECU.
mas
ren
ET LE FILM ADOPTE ALORS LE POINT DE VUE DE CE TEMOIN.
=ie
oT
vements, meurtres tracassent les gendarmes. spectaculaire. Plus tét, c’est par hasard que, ie
x<
Est-ce l’ceuvre de Succo ? Evidemment, on sur un parking, l’un des enquéteurs a fr
n’en doute jamais. Et pourtant, rien ne le retrouvé la voiture de Succo. Lorsque ce
dit tant ces crimes hors champ paraissent dernier prend une institutrice suisse en otage al
PARIS
relever d’un autre espace-temps, qui laisse
des traces dans celui des gendarmes, mais
dans sa voiture, la séquence — dans laquelle
ce sont les gestes qui impressionnent (armé, _" <(om
pas dans celui de Léa. La nervosité mytho- Succo est collé contre elle) — s’achéve sans ELOGE DU CINEMA Va)
EDITIONS
mane de Roberto Succo, acteur d’un pur explosion, en deca des attentes du specta- a
présent perpétuel, est comme la bande- teur habitué aux films policiers américains
EXPERIMENTAL
°
annonce d’atrocités dont Cédric Kahn a et a leurs émules francais. =
décidé de nous priver. On les pressent, et Ainsi va le film, admirablement mesuré =)
elles appartiennent déja au passé. On le et pourtant d’une construction magistrale- Lu
2
constate avec une déception horrifiée. ment éclatée-rassemblée qui lui donne de
Si Roberto Succo est un film radical, c’est Pampleur, aux pistes narratives volontiers Dominique Noguez
ainsi d’abord en raison de ce que Cédric
Kahn lui refuse. A commencer par le sus-
abandonnées sans que tout ne soit bouclé
(qu’en est-il des trois filles draguées en boite
ELOGE DU CINEMA
pense et le lyrisme, ce qui, dans un tel film,
est tout sauf anodin. Roberto Succo évolue au
de nuit ou de linstitutrice, aprés leur ren- EXPERIMENTAL
contre avec le tueur ?). On se rapproche,
centre d’un triangle dont les sommets s’ap- Roberto Succo est 4 présent incarcéré. C’est Prix du Livre Art et Essai 2000
pellent Harry, un ami qui vous veut du bien, Stefano Cassetti qui Yinterpréte, un acteur 384 p., 124 illustrations,
230 FF
L’Humanité et Sombre, soit trois hypothéses débutant, voulu séduisant et inquiétant, aux
de films de genre 4 la francaise, du sur- faux airs de Vincent Gallo. Un casting trop «Une bible» Bref
scénarisé¢ au quasi expérimental, qui crou- évident ? Qu’importe. Devrait-il changer «Un ouvrage incontournable»
lent sous leurs intentions jusqu’a s’abimer constamment d’identité, alterner demandes Turbulences Vidéo
dans une trivialité hautaine. Roberto Succo, d’aftection, fanfaronnades et élans de rage
lui, sera irrécupérable, ne délivrera aucun destructrice, il se doit d’étre dénué de mys- «Une mémoire du cinéma expérimental»
« message », ne posera pas a l’ceuvre magis- tére. Pas du tout dandy et pas vraiment Ciné-Regards
rale. C’est la que réside sa fonction véri- clown bien qu’atteint de poussées de bouf-
able vis-a-vis des acteurs du fait divers réel. fonnerie menagante, il n’est jamais un phé- «Un livre théorique précieux,
voué au culte du “plaisir partagé” »
Le véritable Roberto Succo, suite a diverses noméne a observer cotite que codte dans Critique d’Art
Jéclarations du haut de sa prison (ce dont le but de le comprendre mais un passant
Cédric Kahn tire une séquence semi-bur- quasi secondaire. Ce que filme plutét Cédric «Une érudition fabuleuse» Jeune Cinéma
esque), fut un temps transformé en icéne Kahn, c’est ce qui arrive aux autres per-
inti-capitaliste par certains mouvements de sonnages, ceux qui regardent Succo, le sui- «Une réflexion sur le cinéma
zauche italiens. Par sa fagon de le filmer, vent ou le pourchassent, ou encore cher- toujours aiguisée et pertinente»
Sédric Kahn lui restitue son irréductibilité. chent a s’en défaire. « Roberto Succo » est Revue d’Esthétique
Le film obéit 4 une régle trés stricte : ne le mot de passe qui offre l’accés 4 ces parmi nos autres publications:
ont montrées que les séquences auxquelles moments de leur vie. Roberto Succo n’est > Jean-Claude Rousseau
yuelqu’un a survécu. Cela n’exclut pas de qu’un révélateur. Il n’existe pas. m Le Concert Champétre
ilmer des meurtres, mais implique qu’il y > Jonas Mekas
iit toujours un témoin qui en réchappe et ROBERTO SUCCO Ciné-Journal (1959-1971)
yuisse raconter ce qu’il a vu. De fagon plus France, 2001 > Germaine Dulac
yu moins flagrante, c’est le point de vue de Réalisation : Cédric Kahn Ecrits sur le cinéma (1919-1937)
‘e dernier (qui n’est pas toujours identifié) Scénario : Cédric Kahn, d’apres Je te tue, histoire vraie > Pierre Hecker
juw’adopte le film. Soit ni celui du tueur, de Roberto Succo, assassin sans raison Les Films «magicks» de Kenneth Anger
ui celui de sa victime, et pas non plus celui de Pascale Froment > Frédérique Devaux
le la société ou des institutions. C’est bien Interprétation: Stefano Cassetti, Isild Le Besco, Patrick Le Cinéma Lettriste (1951-1991)
‘lutot une somme de regards, une addition Dell'lsola, Vincent Deneriaz, Aymeric > Yann Beauvais
le subjectivités, d’expériences individuelles Chauffert, Viviana Aliberti, Estelle Perron Poussiére d’image
ue le spectateur est chargé de recueillir. Ce Image : Pascal Marti > Alain et Odette Virmaux
{ui le place dans une position proche de Son: Eric Devulder Artaud/Dulac
elle des gendarmes qui, dans une scéne Montage : Yann Dedet > Standish D. Lawder
aarquante, interrogent l’adolescente qui Production : Agat Films & Cie Le Cinéma Cubiste
ima Succo. Ses réponses ne les satisfont pas, Distribution: Diaphana > Christian Lebrat
cop légéres, trop ordinaires. Pas de faits Durée : Phos Peter Kubelka
éterminants 4 relater, pas de révélation Sortie : le 16 mai Editions Paris Expérimental
www.paris-experimental.asso.fr
paris-exp@claranet.fr
CAHIERS DU CINEMA / MAI 2001 107 BP N°4. 7<421 Paris Cedex oo
CVACH ITER CRITIQUE
Kairo de Krvosui Kurosawa spectres sont déja 1a, ils ne sont plus dans le
hors-champ (l’outre-tombe), cet espace
Peur poreuse
invisible d’oti vient le danger, préts a faire
le siege du champ (le réel).
C’est d’ailleurs le sujet magnifique de
Kairo. Non plus une question de frontiére
et de son franchissement (du hors-champ
vers le champ) mais d’espace trop plein qui,
littéralement, déborde : arrivé a saturation,
par JEAN-SEBASTIEN CHAUVIN le monde des morts transpire, se vide de ses
occupants et vampirise les vivants. Quelque
chose d’ailleurs fait douter de la corporéité
airo est un trés curieux phique n’est plus seulement une maniére des spectres ou des humains moribonds,
film de terreur, qui réin- dhypervisibilité (la frontalité des effets spé- plus fumée ou gaz que matiére tactile, les
vente 4 sa facgon le fantas- ciaux) ou une puissance de suggestion (le effets visuels jouant sur une sorte de matité
tique strictement visuel hors-champ, les ombres), qui jouerait sur le sans relief, qui contraste avec le luisant des
du cinématographe. Situé clivage montré-caché, mais davantage une habituels effets numériques. Vampirisé par
quelque part entre Ubik force de recouvrement et de contamina- les morts, le corps des vivants disparait dou-
de Philip K. Dick, Body Snatchers de Don tion, s'insinuant par tous les pores de l'image. cement de l’image, laissant a sa suite comme
Siegel, univers d’Antonioni et... les pré- Spectres et corps en partance surgissent de une trace de brilé sur le sol et les murs.
cédents films de Kiyoshi Kurosawa, Kairo rien, se détachant du fond de l'image avec La disparition de ’humanité, obsession du
(circuit) raconte l’histoire d’un mystérieux tant de lenteur qu'il est impossible de nom- cinéma de Kurosawa, y est montrée comme
virus propagé sur Internet, qui connecte les mer le moment précis de leur apparition. une apocalypse inodore et feutrée.
internautes 4 un site proposant de rencon- Leeil est toujours un peu en retard, ceux- Dans Kairo, le fantastique absorbe lente-
trer des fantémes. A mesure que les per- ci se donnant a notre regard par glissement ment le réel. Les personnages n’ont d’autre
sonnages s’y trouvent confrontés, ils dis- plutét que par surprise. Lorsque notre ceil choix qu’une fuite désespérée, la lutte néces-
paraissent et meurent un a un. pergoit quelque chose ou quelqu’un au sitant un surplus de désir ’humanité qui
Le film perd un peu de son étrangeté milieu du plan sans avoir trés bien saisi com- leur fait défaut. Quelque chose, d’ailleurs,
lorsque des dialogues assénent une parabole ment il était apparu, c’est avec l’intime nous avait alerté sur la disparition du vivant :
sans nuances sur la solitude du monde conviction que la « chose » était 14, sous nos une serre oti quelques individus préservent
moderne, contribuant 4 cette ambiance de yeux, bien avant sa perception effective. Ce des ilots de verdure dans un environnement
série B, ott les éléments concrets (l’action, doute méme de la vision crée un diffus sen- de béton ; un ciel plombé ot pése une
les effets spéciaux) sont porteurs de véri- timent de terreur, l'image devenant un tissu brume grisatre ; cette sorte d’image uni-
tés philosophiques. Kurosawa abandonne poreux d’ou apparaissent des spectres ter- forme et sans contraste dominée par les
vite la piste informatique, symptome du rifiants ou des ectoplasmes désincarnés. teintes beiges qui aplatissent tout ; et puis
monde moderne, pour se concentrer sur Kurosawa se sert des effets spéciaux et de la cette absence de rapport charnel, de sexe ou
Pétiolement du vivant, clé de votite de toute lumiére plus que du montage pour faire de trivialité entre les personnages, ces liens
son ceuvre. Le fantastique cinématogra- exister ce fantastique. Car dans Kairo, les distendus qui font que, devant leur ordina-
teur, ils tendent déja vers la solitude et la
Chez Kurosawa, spectres et | désincarnation. Le choix des comédiens (qui
corps surgissent de rien. | aurait été imposé 4 Kurosawa par la pro-
duction) s’avére cohérent : un ensemble de
jeunes starlettes androgynes, filles et garcons
confondus, déa portés a une sorte de pause
désincarnée plus qu’au jeu. Kairo travaille
cette matiére indécidable (que voit-on : une
trace, une ombre, un corps ? quelque chose
se dilue dans la texture incertaine de Pimage)
comme le symptéme d’un lent effilochage
de Phumain, désormais dénué de passion. =
KAIRO
Japon, 2001
Réalisation et scénario: __ Kiyoshi Kurosawa
Interprétation: Haruhiko Kato, Kumiko Aso, Koyuki,
Kurume Arisaka, Shun Sugata
Image : Junichiro Hayashi
Montage : Junichi Kikuchi
Musique : Takefumi Haketa
Production : Daiei/NTV/Hakuhodo/Imagica
Distribution : Euripide Distribution
Durée : 1h 57
En salles : le 23 mai
Rulo, 49 ans, apprend a maneeuvrer Mundo Gra nous fait partager la vie de
une grue. Ou Vambiguité cet homme dont on ne connait pas I’his-
féconde entre documentaire et fiction. toire, si ce n’est qu'il a été bassiste dans un
célébre groupe de rock des années 70. II vit
maintenant avec son fils, Claudio, prend soin
de sa mére, passe du temps avec ses amis,
Walter et Torres, et courtise Adriana qui tient
le kiosque prés du chantier.Aprés deux mois
d’apprentissage, le poste convoité lui est
refusé pour des raisons médicales. Torres lui
propose alors une autre place, 4 2 000 kilo-
metres de la capitale.
A Buenos Aires, comme 4 Comodoro
Rivadavia, le chantier n’est pas filmé comme
un spectacle, orchestré par des héros casqués
confrontés 4 de puissantes machines ou en
équilibre au-dessus du vide. L’échelle n’est
pas monumentale mais humaine, et Rulo
peut s’émerveiller devant la perspective
détre seul et libre 4 100 métres au-dessus
du sol. Aucun plan n’exprime grossiérement
le danger ou la sensation du vertige. La
lumiére ne dramatise pas l’action. Ici, le
chantier est gris.Au cours de ces deux expé-
riences, Rulo fait ’apprentissage de la dou-
ceur nécessaire au maniement des machines.
« Caresse le levier », « Vas-y doucement », lui dit
Torres. A plusieurs reprises, le film prépare
le spectateur 4 un drame qui ne se produit
pas. On s’attend, par exemple, 4 ce que la
maladresse initiale de Rulo dans le manie-
ment des machines crée un accident. Mais
ses mouvements brusques cédent rapide-
Mundo Grua de Paso TRAPERO ment la place 4 une grande virtuosité. La
progression narrative n’a pas besoin de ce
A la poursuite
unissent les différents protagonistes, sur trois
générations. Mais 4 Comodoro Rivadavia,
Rulo n’est plus entouré comme 4 Buenos
Aires, il est seul. C’est sa fatigue qui domine
des étoiles
la seconde partie du film. Pendant sa jour-
née de repos, ses amis lui font la surprise de
lui rendre visite 4 bord d’un étrange bolide
de leur fabrication ; ils partent tous les trois
visiter une laguna seca. Ce moment de
vacances donne lieu 4 une séquence ou se
manifeste trés explicitement l’incertitude par ERWAN HIGUINEN
de la situation de Rulo. Une vibration sin-
guliére affecte le sens des objets : la voi-
ture n’est plus une voiture, le paysage n’est
plus terrestre, le sol se dérobe, et les pierres
se métamorphosent en coquillages... Pen-
dant cette virée dans un site lunaire, le temps
s’étire, la parole se raréfie. Peu a peu, l’in-
quiétude de Rulo envahit le paysage, lui-
méme de plus en plus abstrait — une ligne
entre ciel et terre. Mais lorsque Torres s’en-
fonce maladroitement dans le sable, Wal-
ter lui tend une pierre et l’invite noncha-
lamment 4 faire un gué dans le lit sec de
la riviére.
La fatigue n’est pas la résignation, la
fatigue n’est pas le renoncement. Et si l’his-
toire de Rulo est celle d'un homme volon-
taire qui se heurte 4 la violence du systéme,
toute la force et l’élégance de Pablo Trapero
est de montrer des personnages qui, loin
daccuser la fatalité, luttent avec intelligence,
habités par la conscience de leur respon-
sabilité. Si le film laisse finalement trans-
paraitre une réelle inquiétude, il ne se clét
pas sur le sentiment d’un échec définitif. La
fin n’a rien d’un dénouement ou d’une
conclusion, elle se dessine en points de sus-
pension, 4 image du visage de Rulo, éclairé
par la lumiére intermittente d’une route
la nuit, ne laissant plus apparaitre par
moment que le bout incandescent d’une
cigarette qui se consume, au rythme de sa
respiration. ™
MUNDO GRUA
Argentine, 1999
Réalisation : Pablo Trapero
Scénario: Pablo Trapero
Interprétation: __Luis Margani, Adriana Aizemberg,
Daniel Valenzuel, Roly Serrano,
Graciana Chironi, Alfonso Rementeria
Image : Coby Migliora
Montage : Nicolas Goldbart
FILMS
Le cabinet
fiquement avec la derniére lampe design,
ce qui importe ici étant que tout se
retrouve immédiatement déja fétichisé.
Méme en ce qui concerne le cinéma, Jeu-
de curiosités
net ne fait plus de distinction entre le
cinéma de qualité et la Nouvelle Vague,
citée ici — certes pas n’importe quel
cinéaste, Francois Truffaut, et pas n’importe
lequel de ses films, Jules et Jim.
Avec Le Fabuleux Destin..., Jeunet réa-
par JEROME LARCHER lise un film cohérent. Parce que son prin-
cipe moteur est celui de la liste : chacun des
personnages se présente en énumérant ce
u contraire de nombre su faire un cinéma frangais a l’américaine, qu’il aime ou n’aime pas, seule fagon de les
de grosses productions un cinéma d’imagerie pittoresque revue et caractériser. Jeunet met en scéne un monde
francaises récentes, le corrigée par le numérique. débarrassé de toute forme de réel, la liste
nouveau film de Jean- On ne manquera donc pas de saluer le étant de nature intemporelle, et cela, méme
Pierre Jeunet n’est animé retour de l’enfant prodige réalisant un film s'il a tourné son film en décors extérieurs.
par aucun fantasme de rassembleur. Jeunet fait un cinéma popu- Le cinéaste a réussi cette gageure de faire
cinéma américain. I] est méme difficile laire et d’aujourd’hui tout en s’inspirant un film de studio tourné dehors, tenant 4
d’imaginer un film plus frangais que celui- du cinéma de papa. Son univers est peu- effacer numériquement par exemple tous
1a. Cela peut sembler un comble de la part plé de piliers de comptoir, d’épiciers aca- les graffitis des murs. Le Fabuleux Destin...
dun cinéaste qui, a la difference de ses col- riatres, parsemé de réminiscences du réa- rejette la « saleté » 4 moins qu’elle puisse
légues (Kassovitz, Kounen...),a réalisé un lisme poétique tout autant que de bande évidemment étre un objet de fétiche. Une
film 4 Hollywood — il s’agissait du qua- dessinée fantastique. C’est un monde qui scéne du film se situe dans un sex-shop ;
triéme épisode d’ Alien. Que cette expé- brasse les références 4 égalité, ot les objets toutes les jaquettes des films pornogra-
rience au sein des studios ait été trauma- trouvent la méme place que les vieux films. phiques sont retournées, du moins on n’en
tisante ou enrichissante, Jeunet revient, Un film de collectionneur, dans lequel tous voit aucune image. Seul un godemiché
quatre ans plus tard, avec un film débarrassé les spectateurs se retrouvent 4 un moment apparait 4 l’écran, en tant qu’objet bizarre
de tout appel du pied vers l’Amérique. Il ou a un autre (y compris le cinéphile avec et marrant. Méme les personnages méchants
est méme, peut-étre, le seul cinéaste de sa son gout des listes). Le cinéaste se référe du film ne le sont jamais autant que si leurs
bande 4 n’avoir jamais été attiré par les a la fois 4 telle publicité pour la vaisselle et comportement étranges peuvent étre comp-
sirénes américaines — bien que lui seul ait aux Disparus de Saint-Agil que cette publi- tabilisés dans la grande liste des bizarreries
de ce monde.
histoire que le film raconte rejoint cette
idée de collection. Amélie Poulain (admi-
rable Audrey Tautou) est une jeune fille qui
sort de sa solitude en trouvant sa vocation,
aider ses voisins. Comment ? : par exemple
en envoyant 4 son voisin une compilation
de moments loufoques de télévision. C’est
14 ot le film est trés personnel et séduisant.
A l'image de son personnage, Jeunet est un
comptable obsessionnel et naif, pas méchant,
qui n’a d’autre ambition que cerner en cha-
cun de ses spectateurs comme en chacun
de ses personnages, ses inclinaisons mono-
maniaques qui lui font supporter l’existence.
Fabuleux destin, en effet. m
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exemple type de film dont houette d’oiseau en manteau
les (trop) bonnes intentions brun, suffit 4 occuper n’importe
Je départ se retournent 4 la fin quel espace. Les meilleures choses
contre lui. Puisqu’il réalise cette ayant toujours un terme, Alloune
‘ois non plus pour les Américains finit par retrouver son cousin et
mais pour la télévision anglaise, la descendante qu’il était venu dant
Stephen Frears en profite pour fil- chercher, dans les rues de New
ner sans trop se fouler : cadrage York. Commence alors une sorte
1 hauteur d’enfant pour toujours de dramatique sociale que Bou-
lus forcer l’identification, plans chareb double, sans raison appa-
n focale courte pour se brancher rente, dune rapide comédie
i la mode d’un Welles revival. Mais romantique, a la Green Card, avec
quand le fond prend des airs dou- Roshdy Zem. Et si on allait plu-
eux, la forme finit par importer tot aux Bouffes du Nord ?
eu. D’un cété, il y a Liam, petit PB.
zarcon curieux qu’un bégaiement
vandicape. Attendrissement évi- LIFE WITHOUT D
lent et identification facile pour Manipulations J. au Forum a
-e symbole d’ouverture d’esprit
de Roap Lurig Cannes
t de fragilité. De l’autre, une
glise intégriste et un pére de Etas-Unis, 2001. Avec Jeff Bridges, Joan Allen, Gary
amille fasciste. Indignation et rejet | PERPETUA 664 et
Oldman, Christian Slater. Sortie en salles le 2 mai
© A HANDFUL OF GRASS.
mmédiat pour ces formes d’in- e président démocrate Jack-
olérance, cela va de soi. Mais que son Evans (Jeff Bridges)
yenser des intentions de Frears décide de nommer, pour la
orsque,a la fin, les flammes (de premiére fois de l’histoire améri-
‘enfer) punissent le pére de Liam, caine, une femme, Laine Hanson
‘ertes fasciste, en brulant sa fille ? (Joan Allen), au poste de vice- ) : Soleil Noirde R. Siinne, sur la mytholo:
Ses derniéres séquences donne- président. Son principal adver- gie du national-socialisme, Peaux de chagrin et Malaimé
aient alors raison aux partisans saire, le sénateur Shelly Runyon de R. Olivier, sur l'amour fou. Fallen Angels Paradise
lu péché qui traumatisaient le de 0. Fawzi et Full Blastde R. Jean deux films
(Gary Oldman), va tout faire pour
de la nouvelle vague égyptienne et québecquoise.
retit Liam et discréditeraient ainsi empécher sa nomination par le Dans la “collection Jean-Claude Guiguet” Les Passagers .
ine heure trente de discours Congrés : manceuvres sournoises
1umaniste. et coups bas 4 la clef (révéler les
L2€ « frasques » commises par Laine
Hanson dans sa jeunesse). Bien
que tout soit permis, Dieu existe
ttle Senegal (dans la Constitution américaine
aussi bien que dans le film). S’il
le Racu1p BOUCHAREB prend, dans le film, les traits de
ance, 2001. Avec Sotigui Kouyate, Sharon Hope, Roschdy Jakson Evans, c’est que Jackson
2m, Karim Koussein Traore. En salles depuis le 18 avril Evans est le Film lui-méme ; per-
l y a au moins deux sujets sonnage autocréé qui tire toutes
dans Little Senegal : la quéte les ficelles y compris celles du
dun vieux Sénégalais, film. Président des Etats-Unis et
\lloune, qui décide de partir substitut clairement affiché de
hercher ses descendants aux Road Lurie, il évolue dans un
‘tats-Unis et les conflits oppo- univers cinématographique qu’il
int Africains et Afro-Américains, a lui-méme mis en scéne. Tous les
ans un quartier de Harlem, Little autres personnages ne sont que
enegal. Le probleme de Rachid des spectateurs qu’il faut 4 tout
souchareb est d’avoir voulu prix mettre de son cété. Shelly
ombiner I’un et l’autre. Quand, Runyon, adversaire farouche et
ans le premier tiers du film,il se donc spectateur récalcitrant,
ontente de suivre son person- connaitra la pire des humiliations,
age du Sénégal en Amérique, contraint de quitter devant tout > 45, rue to Saintonge 75003 Paris
Tel 0142747014 Fax 0142747024
CAHIERS DU CINEMA / MAI 2001 119
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»le Congrés la salle et du méme sons. Mais vouloir tout expliquer
coup le film. Le jeune député le conduit au choix maladroit
ambitieux Reginald Webster dun récit non seulement plombé
(Christian Slater) se détachera de par une voix off inutile, mais sur-
Yemprise de Runyon pour chan- tout convoquant sans cesse des
ger de camp, celui du Mal pour retours en arriére, donnant 4 Mon
le Bien, et sera finalement réha- pere un air de rengaine tout aussi
bilité. Quant 4 Laine Hanson, balourd que lorsque les repéres
figure morale du film (et de Jack- chronologiques du film s’évo-
son Evans), elle se bat pour pro- quent en salissant les images d’un
téger sa vie, arguant que « cela ne dégradé : couleurs délavées pour
regarde personne ». Belle position les années 50 de la trame prin-
éthique qui ne fait pas le poids cipale, virant au jaune dans les
devant le président lorsque, a la séquences de flash-back. Giovanni
fin en privé, celui-ci lui demande pousse alors Villustration simpliste
de tout lui raconter (« Appelez-moi dans ses derniers retranchements,
Jackson »). Manipulations, a cet ins- w « Nouvel ordre mondial (Quelque part en Afrique) », de Philippe Diaz. jusqu’a faire vaciller un plan au
tant, laisse voir tous ses ressorts et son off du mot « vertige ». Plus de
ses véritables ficelles. Pourquoi surface, n’aurait di tenir que en a pas, disons quelle est juste le retenue, moins d’étalage de sen-
montrer « ce qui ne regarde per- du ludique : motif du masque prétexte 4 réunir Julia Roberts et timents 4 |’écran auraient permis
sonne » ? Parce que ce qui ne (méfions-nous de nos amis), de Brad Pitt 4 l’écran, ensemble un tout aussi sincére et sans doute
regarde personne, c’est justement la spirale (l’araignée qui tisse sa ailleurs pendant seulement un plus poignant hommage.
Jakson Evans, c’est-a-dire le pré- toile autour d’un improbable quart d’heure du film. Quant au Lie.
sident des Etats-Unis mais aussi « nouvel ordre mondial ») et du jeu de l’actrice, au risque de se
Road Lurie et encore le film renversement (le profiler pris 4 son facher avec tous ses fans qui tra-
Manipulations. Finies alors les propre jeu).A chaque élément, vaillent dans cette revue, c’est un Nouvel ordre mondial
astuces de mise en scéne. On en chaque personnage correspondent euphémisme de dire qu’il est en
revient au discours cinématogra- un symbole grossier, une relecture pilotage automatique. Mais voila, (Quelque part en
phique en tant que discours poli- perverse qui répéte infatigable- il y a James Gandolfini, cet extra-
tique : faire entendre ce que les ment la méme angoisse : le dan- ordinaire acteur qui joue Tony Afrique)
gens veulent entendre. « Votez pour ger ne peut plus venir que de l’in- Soprano dans la série du méme
moi ! », prononce Jackson Evans. térieur. Avec ses profs tueurs, ses nom et qui parodie son person- de Puitipre Diaz
« Votez pour mon film ! », prononce gardiennes sadiques, ses petites nage de brute mafieuse, devenant France, 2000. Documentaire, En salles depuis le 25 avril.
Road Lurie. tétes blondes balancées de droite ici une brute-homo-et-donc- hilippe Diaz, producteur
Nicolas Azalbert (la fille modéle d’un sénateur finalement-fragile. Gandolfini fait Poss sang de Carax,
américain) 4 gauche (le fils du non seulement fi de la bétise des Pierre et Djemila de Blain...)
président russe), Le Masque de scénaristes, campant son person- devenu réalisateur, s’est rendu en
Le Masque de l’araignée Varaignée n’est rien de plus qu’un nage avec beaucoup de classe et Sierra Leone, pays en guerre
cauchemar de puritain paranoiaque. de finesse, mais en plus, durant depuis dix ans, pour dénoncer la
de Lez TaMaHorI V.M. une ou deux grandes scénes de responsabilité des Occidentaux.
(Along
Came a Spider) comédie, il forme avec Julia La thése de Nouvel ordre mondial
Etats-Unis, 2000. avec Morgan Freeman, Monica Potter, Roberts un tandem incroyable- est simple : on nous a menti. Sur
Michael Wincott, Penelope Ann Miller. En salles le 9 mai. Le Mexicain ment sexy, qui réactive illico mais Videntité des auteurs des exactions
epuis qu'il s'est exporté pour un temps malheureusement (les amputations « vues 4 la télé »),
1D) aux Etats-Unis, Tamahori de Gore VERBINSKI trop bref nos coeurs de midinette. sur la nature des rebelles du RUF
_# s'est mué en honnéte fai- Etats-Unis, 2001. Avec Julia Roberts, Brad Pitt, James Jéréme Larcher (Front révolutionnaire uni) — jugé
seur de lindustrie hollywoo- Gandolfini. En salles depuis le 25 avril. trop favorable 4 ses derniers, le
dienne. Le Masque de l’araignée 1 est des films complétement film a été trés contesté lors de sa
confirme la capacité du cinéaste [ ints qui, pour peu que I’on Mon pére présentation 4 Cannes I’an der-
4 instaurer une tension trouble, un -soit patient et d’humeur pri- nier. Mais, alors méme qu’il stig-
malaise insidieux a partir de petits mesautiére, réservent une ou deux de José GIovaNNI matise la propagande médiatique
détails du quotidien. Le probleme, scénes qui valent le détour. Le France, 2000. Avec Bruno Cremer, Vincent Lecceur, Rufus, diabolisant le RUF, Diaz adopte les
ici, vient d’un propos sous-terrain Mexicain est le premier long- Michelle Goddet. En salles depuis le 25 avril. méthodes mémes qu’il met en
assez nauséabond qui supplante métrage de Gore Verbinski, et l’on y, ifficile pour José Giovanni cause : montrer des images chocs
rapidement tout sur son passage. connait déja par coeur sa vidéo- ] ec retracer le combat et nommer les coupables (ici, les
De l’enfance bafouée dont Tama- théque, grosso modo celle de tous _# mené dans l’ombre par forces gouvernementales et les
hori s’est fait le chantre dans ces cinéastes prétendument indé- son pére pour sauver de la peine soldats nigérians de l’ECOMOG-
L’Ame des guerriers ne subsiste pendants dont on aimerait tant de mort son fils condamné. Sur mandatés par la Communauté
qu’une pale photocopie revue et qu’ils arrétent de se repasser en les silences d’autrefois d’un économique des Etats de
corrigée aux canons du thriller boucle les films de Peckinpah homme qui ne s'est jamais l'Afrique de l'Ouest et soutenus
de récupération. La pulsion sécu- pour sortir un peu et découvrir dévoilé, jadis méprisé et aujour- par l’ONU). Difficile, au vu de ce
ritaire qui active le film en pro- le monde. Ne nous attardons pas hui glorifié, Giovanni cherche film seul, d’accorder plus de cré-
fondeur affecte tout ce qui, 4 sa sur l’histoire du film, puisqu’il n’y a poser des mots, donner des rai- dit 4 son discours qu’a celu:
Magic
arborée par le titre du film, un
lentaux s'il a recours 4 des zoom sur le tableau éponyme de
noyens similaires. D’autant que Courbet tente vainement de la
es violences sont présentées hors justifier. Retour in extremis au
ontexte, comme isolées et, ainsi, cinéma grace 4 la scéne finale fil-
juasi déréalis¢es. Ce n’est qu’une mée dans un paysage enneigé.
mage, montrée a égalité avec Mais seulement parce qu’elle res- CINEMA
elles, bréves, muettes et musi- semble tant 4 celle, magnifique,
ales, saisies dans la Sierra Leone qui achevait Tirez sur le pianiste de
aujourd’hui. Lesthétique est Francois Truffaut.
elle de la carte postale humani- Lc.
aire, loin de la pédagogie pam-
hlétaire annoncée. Une sé-
juence dépasse cette approche. Quand on sera grand
Jn enfant paniqué est attrapé par
les soldats qui l’immobilisent — de Renaup CoHEN
e n’est pas, loin s’en faut, l’acte France, 2000. Avec Maurice Bénichou, Amira Casar et
> plus cruel du film, mais c’est le Mathieu Demy. En salles le 25 avril.
lus marquant car le seul qui s™ uand il était petit, Simon
lure. Suivent des plans du prési- Vs s’imaginait certaine-
lent sierra-léonais puis d’un “<A _ment pas 4 trente ans
iplomate britannique qui affir- journaliste 4 Tabac Magazine, pas
nent leur soutien 4 l'intervention plus qu’il ne s’attendait 4 ce que
le ’ ECOMOG. Ce que ce choix procréer soit un tel défi (ce qui <
le montage produit est discutable lui attire de vifs reproches de sa =
nais enfin significatif. Nouvel ordre compagne). Sans doute non plus Wu
rondial, film de justicier malha- ne s’‘imaginait-il pas séduire une 4
ile, cesse alors de s’autodétruire. femme enceinte et mariée qui o
rovisoirement. serait sa voisine. Pourtant, c’est
BE. A. bien ce qu’il lui arrive.A la charge 2
<
de ces soucis s’ajoutent l’ombre
paternelle, une grand-mére dont ”
‘Origine du monde Yesprit faiblit et la mémoire WW
[+4
flanche, un ami d’enfance boxeur Heinrich von Kleist loa
le JEROME Enrico raté. Renaud Cohen filme avec 4
Alfred Déblin
ance, 2000. Avec Roschdy Zem, Angela Molina, Alain acuité, et un vrai sens du rythme tut
ishung, Maurice Garrel. En salles le 2 mai. et de la situation, ces enchevétre- =
kK
| fallait cout de méme du culot ments dramatiques, ce jeu de
[ pour ajouter au générique de poupées russes ot chaque scéne
fin de L’ Origine du monde la en contient une autre qui elle-
rention « d’aprés Sophocle ». Car méme en révélera une autre.
u dramaturge grec et de son Quand on sera grand ne sombre pas
Edipe roi, il ne reste, dans le film dans la politique du pitre, ne gros-
e Jéréme Enrico tourné en Dv sit jamais le trait, privilégie un
ue quelques éléments ajustés en regard en retrait, ironique.
aravent pour dissimuler un récit On pourra se réjouir au passage
ousu de fil blanc. C’est d’ailleurs de voir des Séfarades représen-
n s’amusant de ne rien com- tés autrement que révant de belles
rendre au sujet embrouillant bagnoles, de fric et de femmes au
onflits familiaux sur fond de foyer. Le voisin ashkénaze de
olar, qu’on finit par débusquer Simon, le mari de l’infidéle
'S grossiéres transpositions enceinte, est agressif, violent, don-
ontemporaines du mythe. D’un neur de lecons sentencieux. La
.oschdy Zem en CEdipe boiteux vie, dit-il, ce n’est pas une chan-
une Rossy De Palma en Sphinx son d’Enrico Macias. Mathieu
coposant ses énigmes armée d’un Demy est décidément un grand
‘volver, Jéréme Enrico ne fait comédien burlesque, c’est-a-dire
as dans la finesse. Le comble du un corps mélancolique dans un
dicule est atteint en choisissant milieu hostile, agité, qui donne
2 représenter le choeur antique a voir la douleur du moindre de
2 la tragédie par des séquences ses déplacements dans un espace
> clip d’un groupe de rap. Quant contraignant, d’ot il s’agit de
la poseuse référence culturelle trouver une issue. B.P.
»langue, partout, des incestes sans @horreurs, aux emplois et liaisons symbole de liberté (« I’m a free
cesse s’esquissent.On dira évi- sans avenir, compromises par une Les Visiteurs man », apprend a dire le serf),
demment que ce comique est impuissance sexuelle chronique. une classique course-poursuite
d’abord régressif. Evidemment. Laura, sortilége ou amour, lui en Amérique finale et quelques effets numé-
Mais dans La Tour Montparnasse donnera un travail stable, un toit riques gratuits. Pourtant ce n’est
infernale comme 4 la télé, Eric et accueillant, et une virilité 4 toute de JEAN-Marte GAUBERT pas tant cette américanisation pré-
Ramzy — Eric plus et mieux que épreuve, si neuve et impérieuse France, 2001. Avec Jean Reno, Christian Clavier, Christina visible, juste aseptisée, qui pourrit
Ramzy — donnent une direction qu’il ne songe pas 4 repousser Applegate, Matthew Ross. En salles depuis le 11 avril. le film mais plutdt l’abandon de
bien précise 4 leur supposée les avances d’une collégue. Laura, —~ “est sans doute sa maniére ce qui pouvait vraiment faire rire
incompétence, idiotie ou enfance. saisie d’un fort courroux, l’expulse lache de renoncer entié- dans la version de 1993 : une
Celles-ci jouent comme fausse et le prive de tous ses attributs. __4 rement A ses origines fran- légére satire de la bourgeoisie pro-
paresse, fausse médiocrité. Ce Fidéle a l’esprit de la comédie de ¢aises pour ne devenir plus qu’un vinciale dont les « okéé » et « qu’est-
qu’elles ratent est aussi ce qu’elles (re)mariage, badine et grivoise, qui « film citoyen américain » qui ce que c'est que ce binz ? », martelés
refusent : davantage que le beau souffle dans le film, le réalisateur perd Les Visiteurs en Amérique. par un Clavier gentiment moqueur,
geste ou la belle phrase, la belle les conduira in fine devant le Tourner un remake pour le public se voyaient repris en cheeur jusque
facade d’un certain « métier » maire... Plutét que revenir 4 américain du premier volet des dans les cours de récré. C’était
comique. E.B. Hawks, il faut plutot imaginer ce aventures de Godefroy de Mont- aussi l’occasion d’inventer ur
qu’Ed Wood aurait fait s'il s’était mirail et Jacquouille la Fripouille vocabulaire pseudo médiéval (« ¢
mis en téte de faire une comé- supposait bien entendu de réviser puire ») qui réussissait 4 en faire
Virilité die : sans doute ne serait-il pas trés le scénario original a l'identité rire plus d'un. De tout cela, I:
loin de Ronan Girre. Effets spé- trop franchouillarde. Jean-Marie nouvelle version n’a gardé aucune
de RONAN GRRE ciaux bancals, scénario lache, Poiré (rebaptisé Gaubert sous sa trace, se bornant 4 récupéret
France, 1999. Avec Bruno Putzulu et Estelle Skorik. interprétes fulgurants de naiveté, casquette de director) et Christian quelques gags de situation, préféran
En salles le 9 mai. un ton égaré entre justesse et poé- Clavier ont donc joué les scéna- surtout insister sur un humow
“i certains en doutaient sie ébouriffée, une esthétique ristes hollywoodiens, adoptant du pipi-caca tant en paroles qu’er
S encore, ce film confirme une incertaine mais séduisante, pas pays sa vision étroite du monde actes. Pour quelle raison alors, autr
\/intuition ancienne : les tant par ses inventions que par son et ses récurrences cinématogra- qu’économique, avoir fait débarque:
femmes sont démoniaques - une sens de l’artisanat, proche de l'art phiques. Sont alors ajoutés 4 l’in- ces visiteurs dans un pays sans His-
en tout cas, celle dont Alexis brut. Virilité invente la série Z trigue un méchant (le mari de toire, ott les rares bonnes idées de |.
tombe amoureux. Jusqu’alors, sa rohmérienne... Julia, infidéle et cupide) et une premiére version n’étaient mém«
vie se limitait plutét aux films Bee apologie des Etats-Unis comme plus réutilisables ? L.C
SELEC ON OFFICIELLE
¥ INfipeLe
iNfID eLe
wa UV ULLM
ANN on
< INGMAR BER CMAN
Institut finlandais, jusqu’au 16 jjuin
En 32 films de 19 réalisateurs, le docu-
émathéque francaise mentaire finlandais s’affiche a |'Institut
lai de méme nationalité depuis le 12 avril
Ecole Internationale de Création
événement du mois a la Cinéma- Cinq programmes sont annoncés pour Audiovisuelle et de Réalisation
1eque francaise reste I'incontournable le mois de mai sur des themes comme
Enseignement Supérieur Technique Privé
strospective Raoul Walsh, sur laquelle « Du Flottage du bois au désastre éco-
N pourra consulter, en complément logique », « Les Plaisirs du corps » ou Recrut y ac + concours
u dossier paru en mars dans les « La Fraternité et le désir ». Avec
ahiers, Raoul Walsh, la saga du conti- notamment, dans ce dernier theme,
ent perdu de Michael Henry Wilson, Daddy and the Muscle Academy de \|ppo
o€édité par la Cinémathéque et Yellow Pohjola, documentaire sur la vie et
low. A noter, le 13 mai, la projection l'ceuvre du pionnier de |'imagerie homo-
e l'émission Ginéastes de notre temps érotique Tom of Finland. www.eicar-international.com
onsacrée a Walsh. Successeur en voie Renseignements : 01 40 51 89 09;
e disparition (cf Cahiers n° 556) de wy astitut-finland. sso.fr 93, Av. d'italie - 75013 PARIS
dite émission, Cinéma, de notre temps
Tél. 01 53 79 10 00
jae LULL
ura quant a elle droit 4a un marathon de Intégrale Rossellini
4 heures, les 9 et 10 mai, ot! sera, au Auditorium du Louvre, jusqu’au 17 juin Fax 01 53 79 16 26
iilieu des chapitres passés, présenté Organisée par le Louvre et I'Instituzione
n avant-premieére le film consacré a Roberto Rossellini en partenariat avec
2an-Marie Straub et Daniéle Huillet les Cahiers, a rétrospective des films
ar Pedro Costa. Du 23 mai au 19juin, de l’'auteur d'Europe51 se poursuit tout
lace ensuite a un cycle de classiques au long du mois de mai. Aprés le volet
iuets du cinéma nordiques. consacré a son ceuvre cinématogra-
enseignements : O1 56 26 01 O1. phique qui s’achévera le 17 mai avec Techaintia sonore et ndiitériq
les rares Pureté (1962-1963) et Ame
Os objets noire (1962), place a ses films télé, avec
orum des images, jusqu’au 22 mai les 12 épisodes de La Lutte de I’homme JAV
uite du cycle que le Forum des pour sa survie, L’Age du fer, Idée d’une Journalisme Audiovisuel: 2 ans
nages dédie aux objets et a leurs uti- ville...
sations au cinéma. Parmi les (nom-
reux grands) films projetés : Level Five
Renseignements : 01 40 20 51 86;
www. louvre. fr BTS AUDIOVISUEL
e Chris. Marker, Madame de... de Max Image - Son - Montage - Production: 2 ans
phuls, Le Salon de musique de Satya- Les Années pop
Ray, Les Chaussons rouges de Powell Centre Pompidou, jusqu’au 18 juin Formation: initiale et continue
Pressburer, Désir de Borzage, La Cas- Suite de la grandiose programmation
atte d’Oliveira, Trafic de Tati... Suivra cinématographique liée a l’expo « Les
traditionnelle reprise des films pré- Années pop ». Au cours des mois de
sntés a la Quinzaine des réalisateurs mai et juin, on pourra notamment y voir VIENT DE PARAITRE AUX PUP
u Festival de Cannes (du 23 au 29 des films de Jack Smith, de Yoko Ono
lai), avant le début d'un nouveau (avec ou sans John Lennon), de Pierre
(cle alléchant : « Infidéle », qui offrira Clementi (Visa de censure n°X), de Phi- Enfin dis ible en francais
ye soixantaine de films sur l'adultére. lippe Garrel (Le Lit de Ja vierge et |'hyp-
enseignements : 01 44 76 6200; notique Révélateur), de Paul Morrissey
forumde: (Flesh) et bien sir d'Andy Warhol (The
Chelsea Girls, Eat, The Closet, Empire...)
irin, berceau du cinéma italien Du 23 mai au 18 juin, la bibliotheque
¢ntre Pompidou, jusqu’au 4 juin du Centre Pompidou organise un cycle
i rétrospective d'une centaine de films intitulé « Cinéma et politique : 1956-
ynsacrée par le Centre Pompidou a 1970 », qui proposera des films de
longue et fructueuse histoire com- Marker et du groupe Medvedkine, de
une de Turin et du cinéma se pour- Godard et du groupe Dziga Vertov, mais
lit durant tout le mois de mai. De Ros- aussi de Rouch, lvens, Bufiuel, Duras,
‘lini @ Argento, de De Santis a Straub et Huillet, Pollet.
jelques visiteurs étrangers (dont Phi- Release eue (01 44 78 42 16;
ipe Garrel avec son Ceeur fantéme), \es
erveilles seront nombreuses.
enseignements : 01 44 78 42 16; Pardon, la Terre !
Ou. Ir Cinéma des cinéastes, jusqu’au
1" * juillet
était une fois... Les Mille et Sous-titré « 40 films pour la sauver », CHEZ LE MEME EDITEUR
1e Nuits le cycle « Pardon, la Terre ! » de Docu-
stitut du monde arabe, jusqu’au mentaire sur grand écran permettra de
\ juin voir ou revoir, chaque dimanche du
lite du cycle Ciné-ima consacré aux printemps, des films comme La Jungle
aptations des Contes des mille et une plate de Van der Keuken et Les Habitants
lits. Du Septiéme voyage de Sindbad de de Pelechian. Plusieurs réalisateurs
ithan Juran au Voleur de Bagdad de viendront présenter leurs films : Karel
chael Powell, Ludwig Berger et Tim Propop (Les Réfugiés de l'environnement) EDITION - DIFFUSION - DISTRIBUTION LIBRAIRES
elan en passant par Les Mille et Une et Ariane Doublet (Les Terriens) |e
its de Mario Bava et Henry Levin et 13 mai, Richard Desjardins (L’Erreur PUBLICATIONS DE L’UNIVERSITE DE PROVENCE
e sélection de dessins animés (le boréale) et Jean Rouch (Madame I’eau)
juin), le spectre est large. A voir le 20, Patricia Mazuy (Des taureaux et
aque week-end jusqu’au 10 juin. des vaches) et Catherine Garanger (Dans
inseignements : 01 40 51 38 11; la peau de l’ours) wpup
iw. imaraba. Renseignements : 08 36 68 97 17. ~
l'ceuvre et a l’'univers de Francois Truf-
Les 30 ans du Collectif Jeune faut. Une rétrospective de I’ceuvre ciné-
Cinéma matographique de Cocteau se tiendra
Cinémathéque frangaise, 11 mai au rythme d’un film par semaine jus-
Le Collectif Jeune Cinéma féte ses 30 qu’au 12 juin. Certaines séances seront
ans a la salle Grands Boulevards de la spécialement destinées aux scolaires.
Cinémathéque avec une carte blanche Renseignements : 01 43 85 91 75.
a Marcel Mazé, membre historique. Qui
a notamment choisi des films de Mar- En Algérie, des hommes
cel Hanoun, Dominique Noguez, Lio- et des femmes d’aujourd’hui
nel Soukaz et Marguerite Duras. Tremblay-en-France, 5 mai
Renseignements : 01 42 46 54 87; Lassociation Périphérie propose deux
www. itnetwork. fr/cinedif films récents sur |’Algérie : Une femme
taxi 4 Sidi Bel-Abbés de Belkacem Had-
Le court en dit long jadj et Des vacances malgré tout de Malek
Centre Wallonie-Bruxelles, du 28 mai Bensmail (en sa présence) au cinéma
au 2 juin Jacques Tati de Tremblay (a 20 h 30).
Dédié aux courts-métrages produits en Renseignements et réservation
communauté frangaise de Belgique 01 48 61 94 26.
pendant l'année écoulée, le festival « Le
court en dit long » propose, pour sa Cinéma et littérature :
9 édition, prés de 60 films. A noter, le d'une écriture a l'autre
40 films
29 mai, une Scratch Projection consa- Nanterre, du 9 au 12 mai
crée a |’Atelier Jeunes Cinéastes de Luniversité Paris X-Nanterre accueille
ESRA
Renseignements : 01 47 20 70 79.
Institut Lumiére
Lyon, mai
Trois événements dominent le mois 2
l'Institut Lumiere : la poursuite (jus-
ECOLE SUPERIEURE DE REALISATION AUDIOVISUELLE qu’au 15 mai), du cycle Sam Peckin-
ETABLISSEMENT D’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR TECHNIQUE PRIVE Cycle cinéma et psychanalyse pah avec notamment la version « direc-
Essonne, jusqu’au 19 juin tor’s cut » de La Horde sauvage (que
Les salles du réseau Cinessonne l'on peut également voir dans les salles
accueillent un cycle « figures du meur- Action, a Paris), la rétrospective Raou
trier au cinéma » aux confluents du Walsh entamée en avril qui, si elle n’es
cinéma et de la psychanalyse. En mai, pas aussi large que celle de la Ciné
on pourra voir Le Limierde Mankiewicz, mathéque francaise, propose tout de
Psychose d'Hitchcock, Taxi Driver de méme 22 films, de La Piste des géant:
Scorsese, La Béte humaine de Renoir (1930) a A distant Trumpet (1964), e
et Talons aiguilles d’Almodovar. Roger enfin la programmation de six films de
Schembri, psychanalyste, et Marie- Mikio Naruse entre le 16 et le 29 mai
Anne Guerin interviendront respecti- Renseignements : 04 78 78 18 95
vement les 4 (a Saint-Michel-sur-Orge) www. insti
et 23 mai (aux Ulis) et les 7 (a Chilly-
FORMATION AUX METIERS DE L'AUDIOVISUEL Mazarin) et 31 mai (a Montgeron).
Renseignements : 01 69 06 71 79.
Hommage a Robert Kramer
Aix-en-Provence, jusqu’au 15 mai
Cinéwa 16835 mm - Vino - IMAGE - MONTAGE Parallélement a I'édition de Trajets.
Le Tombeau d’Alexandre travers le cinéma de Robert Krame
EFFeTs SPECIAUX - PRODUCTION de Chris Marker (dirigé par Vincent Vatrican et Cédri:
Pantin, 3 mai Vénail) et Points de départ-conversatio
Durée des études : 3 ans Bernard Eisenschitz viendra présenter, avec Robert Kramer de Bernard Eisen
2 ans d’études de tronc commun, spécialisation en 3° année au Ciné 104 de Pantin, 4 20 h 15, Le schitz (Cahiers n° 556), I’Institut d
ApMiIssION : BAC + Concours Tombeau d’Alexandre, trés beau film de l'image d’Aix rend hommage a Krame
Chris Marker sur (entre autres) son ami en 11 films, de In the Country aux Cité
Alexandre Medvedkine, grand cinéaste de la plaine.
russe (1900-1989). Renseignements : 04 42 26 81 82.
Renseignements : O01 48 46 95 08.
Le Printemps des ciné-concerts
Le Monde merveilleux Bordeaux, jusqu’au 25 mai
de Jean Cocteau Depuis le 19 avril se succédent, a I’in
: 9, quai des Deux Emmanuel - 06300 NICE - TEL. 04 92 00 00 92
Sevran, du 4 mai au 23 juin tiative du Centre Jean-Vigo et dans d
RENNES <1, rue Xavier Grall - 35700 RENNES - TEL. 02 99 36 64 64
LEspace culturel Frangois-Mauriac de lieux bordelais, chaque jeudi et ver
WWW.groupesra.com
Sevran consacre une exposition a dredi, les projections de films muets
ile
SA OSHIMA, Louis Danvers
harles Tatum ..... . - 105 F/16,01 €
| EUSTACHE,
\Philippon ............ 91F/13,87 €
ERT BRESSON,
ppe Arnaud .......... 125 F/19,06 €
IDE CHABROL, Joél Magny 122 F/18,60 €
JBER ROCHA, Sylvie Pierre 120 F/18,29 €
OPHULS,
am Karl Guérin ....... 135 F/20,58 €
UES TATI, Michel Chion . .95 F/14.48 €
1A GUITRY,
SONG 6 ee ns cae 128 F/19,51€
XEi TARKOVSKI,
ine De Baecque ...... 100 F/15,24 €
1 CASSAVETES,
Ty JOUSSE .. ees 115 F/17,53€
sR WERNER FASSBINDER,
Llardeau .. - 155 F/23,63 €
) ET VITTORIO
tegiael = cise es 102 F/15,55€
2E TECHINE,
Philippon ........... 92 F/14,03 €
T EASTWOOD,
Simsolo . . 112 F/17,07€
RICE PIALAT, Joél Magny 102 F/15,55€
AJIT RAY, Charles Tesson 132 F/20,12€
) LYNCH, Michel Chion . 145 F/22,11 €
3UEI PARADJANOV, ? Q DAVID CRONENBERG Q CINE JOURNAL, S. Daney
ck Cazals_... «+++ 140 F/21,34€ Serge Grinberg . 295 F/aa97 € (T.1et2) . ... le tome : 69 F/10,52 €
COIS TRUFFAUT, Ol CONVERSATIONS AVEC D. SIRK, OTHE BIG LEBOWSKI, (scénario bilingue)
le Le Berre ......... 120 F/18,29 € Jon Halliday 150 F/22,87 € be eee eA ae 59 F/a.99 €
BUNUEL, Charles Tesson 149 F/22,71 € QiIL ETAIT UNE FOIS SAMUEL FULLER,
Q LE CINEMA DES ECRIVAINS CEUX QUI M’AIMENT PRENDRONT LE TRAIN,
/ERSATIONS AVEC MANOEL Samuel Fuller 155 F/23,63 €
(33 nouvelles), collectif ... . 149 F/22,71 € P. Chéreau (scénario) ......... 59 F/a99¢€
LIVEIRA, Antoine de Baecque LE PASSE VIVANT, Jean Renoir 83 F/12,65€
Q ECRIRE UN SCENARIO,
Le SEPTIEME CIEL, (scénario)
cques Parsi ........ 130 F/19,82 € CONVERSATION AVEC BERGMAN, B. Jacquot et J. Beaujour ..... 39 F/5,95€
Michel Chion 120 F/18,29 €
SIS FORD COPPOLA, Assayas et S. Bjérkman ....90F/13,72€ (2 RIEN SUR ROBERT, (scénario)
Q FRITZ LANG, Lotte H. Eisner . 290 F/a4.21€
3 Katsahnias ......... 140 F/21,34€ LE TEMPS SCELLE,
(HOLLYWOOD, L'AGE D'OR DES STUDIOS,
PBONRZEr oo an see ys 39 F/5.95 €
JIRO OZU, Andrei Tarkovski ......... 160 F/24,39 € (CONVERSATION AVEC SERGIO LEONE,
Douglas Gomery ........ 109 F/16,62€
s6hiko Hasumi ....... 150 F/22,87 € 1 SCORSESE PAR SCORSESE . 140 F/21,34€
Q TROIS CENTS ANS DE CINEMA, NS SINSOIO eine 5 ee Sie 69 F/10,52€
\ETH ANGER, Q FRITZ LANG EN AMERIQUE,
PAU | Be era hap len’y 254 F/38,72€
ROMANCE, (scénario)
PAROS olson eae 89 F/13,57 € Peter Bogdanovich 114 F/17,38€ : Catherine Breillat........... 39 F/5.95 €
HISTOIRE D'UNE REVUE - Antoine de Baecque
ROHMER (nouvelle édition), JOURNAL (1970-1986 GLE CHAMP AVEUGLE,
al Bonitzer ......... 110 F/16,77€ Andrei Tarkovski | Miia mes 195 F/29,73€ : TOME 1, LES CAHIERS A L’ASSAUT DU CINEMA .
(1951-1959) Pascal Bonitzer ........... 49 F/7,47€
TE, secret compris CONVERSATIONS AVEC LUIS BUNUEL, Ql ALFRED HITCHCOCK,
Tomas Pérez Turrent et José
? Q Broché 155 F/23,63 €
ve Frappat .......-.. 149 F/22,71 € ORelié .. 185 F/28,20€ Jean Douchet ........... 79 F/12,04 €
DelaColina ............ 79 F/12,00€ ? Q TOUT SUR MA MERE (scénario bilingue),
TOME 2, CINEMA, TOURS DETOURS (1959-1981)
Q PEDRO ALMODOVAR, Pedro Almodovar 59 F/s.o9 €
Broché 165 F/25,15 €
Frédéric Strauss ......... 160 F/24,39 € Q LA MORT AUX TROUSSES, (scénario bilingue)
E BAZIN, Dudley Andrew . 98 F/14,94 € & CORRESPONDANCES GRelié .. 195 F/29,73 €
RE ET CINEMA |, LOGISTIQUE DE A Coffret des 2volumes ... . 380 F/s7,93€ Ernest Lehman 79 F/12,04 €
Auguste et Louis Lumiére . . 180 F/27,.44€ Q ROSETTA / LA PROMESSE, (scénarios)
RCEPTION, Paul Virilio ... 95 F/14,48€ O CARISSIMO SIMENON,
15 ANS DE CINEMA AMERICAIN 120 F/18,29 € MON CHER FELLIN| ....... 89 F/13,57€
Jean-Luc Dardenne ........ 49 F/7,47€
xES DE L'ABSENCE DE L'INVISIBLE O PASOLINI, PORTRAIT DU POETE COMEDIES ET PROVERBES, (scénarios)
NEMA, Marc Vernet .. . 105 F/16,01 € G1 LE SPECTATEUR NOCTURNE LES ECRIVAINS
EN CINEASTE par Hervé AU CINEMA — UNE ANTHOLOGIE, Eric Rohmer (T. 1 et 2) .le tome 59 F/s,99 €
.E CINEMA, James Agee 120 F/18,29 € Joubert-Laurencin ........ 149 F/22,71€
IMIERE, Fabrice Revault D'Allonnes Jéréme Prieur . 150 F/22,87 € UNE HISTOIRE VRAIE, (scénario bilingue)
OQ LE MUR DU FOND, Mary Sweeney et john Roach . 59 F/s,99 €
135 F/20.58 € JOE DANTE ET LE LINS DE HOLLYWOOD
Jacques Audiberti ........ 180 F/27,44€ G FIN AOUT DEBUT, SEPTEMBRE, (scénario)
RECHERCHE DU BONHEUR, (1970-1999) (collectif) 149 F/22,71€
JEAN-LUC GODARD, par Jean-Luc Godard O. Assayas .... ». 49F/747€
YWOOD ET LA COMEDIE DU
TOME | (1950-1984) .... 240 F/s6.59€ QIANNIE HALL, (scénario bilingue)
\RIAGE, Stanley Cavell . 165 F/25,15 € Q TOME Il (1984-1998) .... 240 F/26,50€ Woody Allen et Marshall Brickmann .59 F/a.99€
SAGE AU CINEMA,
(1 COFFRET TOME | et TOME Il .480 F/73,18 € LE CINEMA REVELE, (MANHATTAN, (scénario bilingue)
les Aumont ........ 130 F/19,82 €
NEMA COMME ART SONORE,
Roberto Rossellini ....... 129 F/19,67 € Woody Allen et Marshall Brickmann .59 F/8,99€
O CHRONIQUES DE CINEMA, (L'ORGANISATION DE L'ESPACE
el Chion : DANS LE FAUST DE MURNAU
NX AU CINEMA . 124 F/18,90€ QUCANNES CINEMA ........ 295 F/44,97 € Roger Leenhardt 120 F/18,29 €
Q LE CINEMA ENCHANTE DE J. DEMY QUART D’AIMER, Jean Douchet . 135 F/20,58€ EGR sch rlesades
cas 49 F/7aTe
YN AU CINEMA . 135 F/20,58 € QECRITS SUR LE CINEMA
Camille Taboulay ........ 195 F/29,73 € Q POETIQUE DES AUTEURS,
LE TROUEE — Pier Paolo Pasolini ....... 69 F/10,52€
Q UNDERGROUND, Jean-Claude Biette ....... 124 F/18,90€
ROLE AU CINEMA ..... 102 F/15,55 €
CHARLIE CHAPLIN, André Bazin .. 49 F/7,47€
A LA CAMERA — LE CADRAGE AU
MA, Dominique Villain . 108 F/16.46 €
E. Kusturica et S. Grinberg . . 149 F/22,71€
Q MAGNUM CINEMA, (relié) . . . 450 F/e8,60 € Petite b ue LA NUIT AMERICAINE, (scénario)
Francois Truffaut 69 F/10,52€
INTAGE, Dominique Villain 115 F/17.53€ } G MAGNUM CINEMA, (broché) . 250 F/28,11 € Q BREAKING THE WAVES, (scénario)
OQ TABOU (scénario bilingue francais /japonais)
CIT AU CINEMA, (GQVARDA PAR AGNES ....... 265 F/40,40€ de Lars Von Trier . 59 F/8,99 €
DEPARDON/CINEMA, Nagisa Oshima 69 F/10,52 €
Masson ........... 128 F/19,51€ GLA RAMPE, Serge Daney . . 69 F/10.52€
R. Depardon, F. Sabouraud . 149 F/22,71€ O LES DESTINEES SENTIMENTALES, (scénario)
IQUE DES ACTEURS, LE CINEMA SELON MELVILLI
LE ROMAN DE Olivier Assayas et Jacques Fieschi d’aprés le
foullet 2...
2. ce. 128 F/19,51 € Entretiens avec Rui Nogueira . - 69 F/10,52 € roman de Jacques Chardonne .. 69 F/10,52 €
DRAGES - PEINTURE ET CINEMA, FRANCOIS TRUFFAUT ..... 295 F/44,97 € LES YEUX VERTS,
JOHN CASSAVETES - AUTOPORTRAITS, QLLE PLAISIR DES YEUX
al Bonitzer 92 F/14,03 € Marguerite Duras
BS STIQUE Ray Carney Basaaee scab 330 F/so.si€e :: Q LE CINEMA SELON MALRAUX,
Francois Truffaut ... 79 F/12,042€
© O BROTHER (scénario bilingue)
NEMA, J.L. Leutrat .-. 128 F/19,51€ ERIGHN FORD? vere cnx re eae 175 F/2668€ : Denis Marion Ethan et Joel Coen . . 69 F/10,52 €
(VA AU CINEMA, ROBERTO ROSSELLINI ..... 165 F/25.ase€ : OQ COMME UNE AUTOBIOGRAPHIE,
Q ERNST LUBITSCH +». 114 F/1738€ : ESTHER KAHN (sc&nario bilingue)
sZischler .......... 130 F/19,82 € Akira Kurosawa .......... 79 F/12,04 €
Arnaud Desplechin ......... 69 F/10,52€
EMA, UN ART MODERNE, CU OMBRES JAUNES ........ 165 F/25,15 € O REFLEXIONS SUR MON METIER,
Q JOUR DE FETE OU LA COULEUR RETROUVEE, Q DANCER IN THE DARK (scénario bilingue)
ique Paini . . 98 F/14,94 € Carl Th. Dreyer ........... 69 F/10,52 € Lars von Trier... 2... eee. ee 69 F/10,52€
ONDE ET DU Frangois Ede ........... 129 F/19,67 € OQ SOUVENIR DE KENJI MIZOGUCHI,
G VOYAGE DE MARTIN SCORSESE A TRAVERS. C1 APRES LA RECONCILIATION .. . .39 F/5,95€
MAGES, Yoshikata Yoda 59 F/8.o9€
Louis Schefer ........ 80 F/12,20€ LE CINEMA AMERICAIN .. ... 225 F/34,20€ OY AURA T'IL DE LA NEIGE A NOEL, (scénario)
OLE DERNIER METRO (Scénario)
G PHOTOGENIE DE LA SERIE B Francois Truffaut et
EZ-MOI HAUT ET COURT SVS onlin we one He ee 49 F/7a7€ Suzanne Schiffman ......... 59 F/age€
TRES CHRONIQUES SUR LE FILM
de Charles Tesson 295 F/44,97 € ( WESTERN, (scénario),Manuel Poirier 39 F/5,95€
QO AVENTURES D'UN REGARD, QION APPELLE (A... LE PRINTEMPS
de Barry Gifford .... 130 F/19,82€ OLE DESTIN, (scénario)
Johan van der Keuken... . 295 F/44,97 € (scénario) Hervé Le Roux....... 39 F/ss5€
Youssef Chahine 49 F/7,47€
ELLES CHINES, NOUVEAUX CINEMAS
DAVID LYNCH, ENTRETIENS CUKIAROSTAMI .... 49 F/7,47€
GA MA SCEUR |
ice Reynaud ....... 149 F/22,71€ (scénario) Catherine Breillat .... . 39 F/s95€
{MIEUX QUE GODARD, avec Chris Rodley ........ 340 F/s1,83 € L'HOMME ORDINAIRE DU CINEMA,
Bergala » . 140 F/21,34€ HITCHCOCK AU TRAVAIL, MESOROIEN ocr wc gis igiee 69 F/10,52 € PETITE ANTHOLOGIE DES CAHIERS DU CINEMA,
MEO 5 605 ese 3s 345 F/s2.59€ (4 DECONSTRUCTING HARRY, (scénario bilingue) Antoine de Baecque
DTHEMISHTS, (515.2. 2 245 F/37,35 € W. Allen . QI, LE GOUT DE L'AMERIQUE . . 69 F/10,52€
LARS VON TRIER OLE CINEMA C. Cl. VIVE LE CINEMA FRANCAIS . 69 F/10,52 €
TROON 1 vv.
S eee 140 F/21,34€ Stig Bjorkman 245 F/37,35 € A LA NOUVELLE VAGUE, QiIll. LA NOUVELLE VAGUE ..... . 79 F/12,04€
to Rossellini O 2001 - ODYSSEE DE L'ESPACE André Bazin 69 F/10,52 € OV. LA POLITIQUE DES AUTEURS
COMME UTOPIE . - 120 F/18,29 € Piers Bizony 150 F/22,87 € O ORSON WELLES, par André Bazin 59 F/s,99 ¢ NGS TOMES sos sind a Seeded 59 F/a99 €
to Apria OQ PEDRO AMODOVAR (6 CONTES MORAUX, (scénarios) QV.ve LA POLITIQUE
dt DES AUTEURS ae
2 Sie. ‘ey ke:
pCINEM. A ( AW 1
TITRES
Prénom
QUANTITE | PRIX TIC
Adresse
Commune
Philippe Jean-Michel} Serge Gérard Pascal | Emmanuel |Marie-Anne| Clélia Olivier Charles
Collin Frodon | Kaganski | Lefort | Mérigeau | Burdeau | Guerin Cohen Joyard Tesson
La Chambre du fils (Nanni Moretti) toe ek tok - tok tok - totic, | old | totook
Profils paysans (Raymond Depardon) ~ hk = - - = - - = tk
Eloge de l'amour Uean-Luc Godard) = = ek Jokok = = = - - tokk
Nuages de mai (Nuri Bilge Ceylan) tok OK tok ok tok = yokk * S ok
Trois huit (Philippe Le Guay) ak tok ak - x Jotok * tk tok -
Intimité (Patrice Chéreau) tok tokk | ok Joo | took * tk * * *
Roberto Succo (Cédric Kahn) e - ak ok tk - - ak tok kk
Kairo (Kiyoshi Kurosawa) - took = tok * - = = = *
Mercredi, folle journée (Pascal Thomas)| 3a * hk ok = * 2 * * tohk
Mundo Grua (Pablo Trapero) e = tok = tok = toto = = =
Ala rencontre de Forrester (6. van Sant)| = - tok - - tok ak = =
Presque célébre (Cameron Crowe) ° = tok i = tok * took tok E
Le Fabuleux Destin... (Jean-Pierre Jeunet) | ae - * tk ak - e - - -
La Légende de Bagger Vance (R. Redford)| ex - * e - * ° ak ak -
De l'amour (Jean-Francois Richet) ° ad * - - x e hk took °
Intuitions (Sam Raimi) x - * ak - ~ x e * ~
Malli, le combat d'une vie (S. Sivan) | * e - = = e = = Bi
Liam (Stephen Frears) e - ~ ~ e * iS - - -
Sur la trace du serpent (Lee Myung-se} @ = - 2 = = EB = = e
La Horde sauvage (Sam Peckinpah) ak tok *k tok tok tok * ak kk ak
Philippe Collin (Elle), Jean-Michel Frodon (Le Monde), Serge Kaganski (Les Inrockuptibles), Gérard Letort (Libération, France Inter), Pascal Mérigeau (Le Nouvel Observateur). Emmanuel Burdeau, Marie-Anne Guerin, Clélia Cohen, Olivier Joyard et Charles Tesson (Cahiers du cinéma).
Rencontre-signature
avec Héléne Frappat, auteur du livre :
Jacques Rivette, secret compris
édité aux Editions des Cahiers du cinéma.
A la Fnac de Cannes,
vendredi 18 mai a 17 heures
83, rue d’Antibes, tél. : 04.97.06.29.29
La Muette de CLAUDE CHABROL A Arbre a lettres a Paris,
mardi 29 mai a 18h 30
est I’un des cing courts-métrages diffusés lors de la nuit des Cahiers du cinéma sur Canal +, 62, rue du Faubourg-Saint-Antoine
du 17 mai au 18 mai a l'occasion de nos 50 ans. Programme détaillé en page 44 tél. : 01.53.33.83.23. Entrée libre.