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International Multilingual Journal of Science and Technology (IMJST)

ISSN: 2528-9810
Vol. 8 Issue 7, July - 2023

La protection patrimoniale de l’épouse par


la CEDEF : régards croisés sur le régime de
la communauté des biens
ALI ABAS DEMBA
Doctorant en Droit privé
l’Université de Maroua (Cameroun)
Dembaabas12ajp@gmail.com

Résumé: Le régime matrimonial de droit commun Keywords: matrimonial property regime, common
appliqué aux couples par supplétion de volonté, instaure des property, indirect discrimination, fundamental human
rapports patrimoniaux dominés par des pouvoirs de rights, CEDAW.
supériorité du mari. Ces relations, œuvres du législateur
constituent des discriminations indirectes contenues dans le INTRODUCTION
droit camerounais de la famille qui portent ainsi atteinte aux
droits fondamentaux de l’homme et au principe d’égalité Le droit de la famille camerounais, victime du
entre époux. La Convention sur l’élimination de toutes les pluralisme juridique est resté inchangé depuis l’époque de
formes de discriminations à l’égard de la femme déjoue ces la colonisation. Héritage d’un droit positif complexifié par
inégalités en instaurant une protection catégorielle de la l’existence en droit interne d’une pluralité de droits en
femme et une égalité civile des sexes et proclame une conflit mettant en jeu deux formes de dualisme : la
logique sélective des intérêts patrimoniaux de l’épouse première forme oppose le droit coutumier au droit moderne,
avant, pendant et après le mariage. Mais si au demeurant, la seconde forme oppose le système de la common law en
cette Convention a réussi à provoquer un véritable vigueur dans la région anglophone du Cameroun et le
changement de paradigme dans la gestion du patrimoine système civiliste en vigueur dans la région francophone du
commun des époux monogames par une égale jouissance Cameroun 1 . Ce droit, largement dominé par les règles
des droits patrimoniaux ; elle peine cependant à pleinement inspirées de la coutume sont défavorables à la femme à tel
s’appliquer dans les mariages polygamiques où la coutume point qu’elles se sont dans le domaine patrimonial réifiées
et l’inadéquation de ce système de mariage avec cette par le déni patrimonial de l’épouse 2 . Le Code civil,
Convention favorisent tant la fragilisation du droit écrit par principale source du droit de la famille est assez mitigé sur
le rattachement de la polygamie à la coutume que certaines la question des droits patrimoniaux de la femme mariée
pratiques jurisprudentielles. objet de la présente étude. Cet androcentrisme du Code
civil, aidé par le droit coutumier très réfractaire à l’idée
Mots clés: régime matrimonial, patrimoine d’un patrimoine de la femme mariée3 viole la Convention
commun, discriminations indirectes, droit fondamentaux de sur l’élimination de toutes les formes discrimination à
l’homme, CEDEF. l’égard de la femme. Mais l’immobilisme du législateur
camerounais subit depuis un certain temps l’assaut du
Abstract: The ordinary matrimonial property modernisme face à l’adhésion par les pays africains aux
regime applied to monogamous and polygamous couples by multiples Traités et Conventions internationales relatives
substitute for will, establishes property relations dominated aux droits de l’homme dont la première est la Déclaration
by powers of subordination and superiority of the husband.
These relationships, the works of the legislator, constitute
1
indirect discrimination contained in Cameroonian family V. ZAMBO ZAMBO (D.), Le droit applicable au
law that infringes fundamental human rights and the Cameroun, Essai sur les conflits de lois dans le temps et
principle of equality between spouses. The Convention on dans l’espace, Thèse, Université de Yaoundé II, 2009, p.
the Elimination of All Forms of Discrimination against 620).
2
Women overcomes these inequalities by providing TJOUEN (A.-F), « La condition de la femme en droit
categorical protection by establishing civil equality of the camerounais de la famille », Revue int. de droit comparé,
sexes and proclaims a selective logic of the wife's property 2012, n° 64-1, pp. 137-167, spéc. 152.
3
interests before, during and after marriage. But if this DECOTTIGNIES (R.), « Prière à Thémis pour l’Afrique
Convention has succeeded in bringing about a real », Revue sénégalaise de droit, 1967, p. 5. Selon cet auteur,
paradigm shift in the management of the common property le droit de la famille est le : « domaine par excellence des
of the spouses in monogamous marriages through equal mœurs traditionnelles, de la coutume et de la religion »
enjoyment of property rights; However, it struggles to fully. Cité par KOUAM (S.P.), « Pluralisme juridique et réforme
du droit des obligations au Cameroun », (Réflexion à partir
du projet de Code civil camerounais), Revue RAMReS/S.J.
P, n° 2, Juin 2022, pp. 1-38
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des Droits de l’Homme et du Citoyen de 17894. Le mythe trouve son ancrage dans l’égalisation de jouissance des
de la supériorité de l’homme connaitra un autre écueil avec droits patrimoniaux sur les biens de la communauté aussi
la Déclaration Universelle des droits de l’Homme 5 et la bien pendant le mariage qu’à sa dissolution. La trame de
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. La fond, c’est l’application des principes de la CEDEF au
thèse avancée par l’ensemble de ces Conventions reflète un régime matrimonial par défaut qui impose de facto aux
langage unique : l’égalité entre les Hommes. Il s’agit d’un époux la cogestion concurrente des biens communs et
principe universel où s’accuse la divergence entre les implique implicitement dans ce régime « la clause de la
coutumes locales et l’obligation générale pour le droit main commune » 8 . La conséquence directe de cette
moderne de soumettre tout le monde à un régime basé sur le considération est l’égalité des pouvoirs patrimoniaux induit
principe d’égalité ne devant comporter aucun traitement d’un équilibre des rapports. Le Code civil, dans sa
privilégié. détermination des droits et obligations des époux à l’égard
Cette forme de protection nous semble en de la communauté a indiqué une relative prise en compte du
l’occurrence centrée sur l’idée de l’égale reconnaissance consentement de la femme dans la gestion du patrimoine
d’un droit à la dignité, à la liberté matrimoniale etc., une commun d’abord à l’art. 217 qui dispose : « L’époux qui
égale protection d’ordre extrapatrimonial. A notre goût, ces veut faire un acte de disposition pour lequel le concours ou
Traités ne règlent pas de façon substantielle la le consentement de l’autre époux est nécessaire, peut-être
problématique de l’égalité patrimoniale entre le mari et la autorisé par justice à disposer sans le concours ou le
femme6. Relativement à cette question, une avance notoire consentement de son conjoint, si celui-ci est hors d’état de
est indiquée à l’art. 16 (h) de la CEDEF qui dispose : « Les manifester sa volonté, ou si son refus n’est pas justifier par
Etats parties prennent toutes les mesures nécessaires pour l’intérêt de la famille »9 ; et ensuite à l’art. 1422 : « Le mari
éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans les ne peut, même pour l’établissement des enfants communs,
questions découlant du mariage et dans les rapports disposer entre vifs à titre gratuit des biens de la
familiaux et, en particulier, assurer, sur la base de l’égalité communauté sans le consentement de la femme ».
de l’homme et de la femme (…) les mêmes droits à chacun De ce qui précède, les conventions de langage
des époux, en matière de propriété, d’acquisition, de propres à l’étude traitée doivent-être posées. D’emblée pour
gestion, d’administration, de jouissance et de disposition la CEDEF seule, La doctrine pour retenir les éléments de
des biens, tant à titre gratuit qu’à titre onéreux ». Cette définition pense qu’elle constitue: « un cadre légal
disposition qui règlemente les rapports patrimoniaux des contraignant sur le plan international qui garantit l’égalité
époux s’inscrit en droite ligne avec la théorie de la justice des droits entre les femmes et les hommes et identifie les
qui élabore un discours sur les valeurs, et recommande des enjeux spécifiques à l’égalité dans le cadre
solutions aux problèmes pratiques à l’opposé de la théorie matrimonial »10. De la sorte, les dispositions de la CEDEF
du droit qui est un simple discours théorique7. La portée de constituent un cadre juridique pour guider les législateurs
cet art. renvoie à deux considérations : l’égalité entre les internes. En effet, le Doyen CARBONNIER11 estime que la
époux pendant et après la durée du mariage et la conformation internationale du droit de la famille par la
reconnaissance d’un régime de cogestion des biens ratification de la CEDEF est la preuve que celle-ci est un
communs. Ainsi se pose la justification de ce thème qui ensemble des normes prescriptives et non pas des simples
directives ou recommandations. Juridiquement la
4 Convention est la notion juridique la plus classique, la
La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de mieux connue, et appliquée dans les rapports entre les
1789 prévoient en ses articles 1er et 6 que : « les hommes particuliers qui renvoie à un accord de volonté12. Pour le
sont égaux en droit » et que la « loi doit être la même pour droit international public, cette notion est bouleversée par
tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse… »
5
Cette Déclaration a été adoptée le 10 décembre 1948.
8
Mais ses précédents historiques qui sont la Grande Charte Lexique des termes juridiques, 13e éd., Dalloz, p. 348 :
élaborée par l’Angleterre en 1215, qui instituait le droit à un « C’est une clause par laquelle les époux conviennent que
procès équitable et à un ordre juridique impartial. La la communauté sera administrée conjointement, tout acte
Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis d’Amérique de disposition ou d’administration sera fait sous la
adoptée en 1776 qui constituaient les premiers jalons de signature du mari et de la femme ». V. La Loi du 23
l’égalité entre l’homme et la femme. décembre 1985 relative
6 9
DONFANK SOKENG (L.), « Le sexe du droit au TJOUEN (A.F), « La condition de la femme en droit de la
Cameroun. A propos de l’égalité entre la femme et famille », Revue internationale de droit comparé, 2012, n°
l’homme », RGDJ, n° 15, 2010, p. 37 : « La femme et 64-1, pp. 137-167 : « le statut actuel de la femme dans le
l’homme ne peuvent avoir une condition sociale identique droit de la famille fut une traversée du désert au parcours
par ce que la société ne leur assigne guère le même rôle. jalonné entre coutumes et velléités d’émancipation »
Naturellement différents l’un de l’autre, ils jouissent 10
MUNIRA AL AMER, L’égalité entre époux, étude
cependant des mêmes droits par ce que partageant la même comparative: Droits français, qatarien, saoudien et tunisien,
dignité d’être humain… ». thèse de doctorat en droit, Université de Strasbourg, 2019,
7
Les arts. 15, 16 et 17 de la CEDEF apportent des 45Op, spéc. 102, disponible sur
modifications substantielles aux dispositions du Code civil <<https://thèses.hal.science/tel-03191280/fr>>, consulté le
et contiennent en eux-mêmes des règles matérielles de 12 mars 2023.
11
conflit des lois. V. GROSLIERE (J.C.), La réforme du CARBONNIER (J.), Droit civil: la famille, l’enfant, le
divorce, loi du 11 juillet 1975 et déclaration d’application couple, Paris, 2e éd., vol. I., PUF, 2017, p. 210.
12
du 05 décembre 1975, éditions Sirey pp. 195-196. Lexique des termes juridiques, 13e éd., Dalloz, p. 348.
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sa nature jalonnée entre concept politique et règles ou de compétence ayant une signification prescriptive.
contraignantes. Pour davantage clarifier le langage Dans le système anglo-saxon, le réalisme de la théorie
juridique du présent thème, un recours à la théorie générale empirique du droit a conduit à la formalisation des
du droit, va nous éviter de nous s’attacher aux acquis du stratégies juridiques d’un point de vue de féminisme situé.
vocabulaire des seuls savants juristes, nous amènerait à En effet, dans l’interprétation de la CEDEF, le juge anglo-
embrasser un langage simplement intelligible des notions saxon tient compte du « precedent » en s’appuyant sur le
suivantes. La protection est une : « précaution qui, positivisme en ce qu’il ne se pose aucun jugement de
répondant au besoin de celui ou de ce qu’elle couvre et valeurs entre les principes modernes et les valeurs
correspondant en général à un devoir pour celui qui coutumières. Ainsi, au sens du présent thème la protection
l’assure, consiste à prémunir une personne ou un bien patrimoniale de la femme mariée par la CEDEF est
contre un risque, à garantir sa sécurité, son intégrité etc., entendue comme…. L’objectif poursuivi par le présent
par des moyens juridiques ou matériels […] »13. Dans le thème est la réécriture des dispositions contraires du Code
cadre de cette étude, la protection doit-être entendue au sens civil pour le mettre en phase avec la CEDEF.
large comme étant un système de sauvegarde de la dignité Cependant un fait est à noter, la jurisprudence16 est
et du patrimoine de la femme. Le patrimoine ici fait déjà en avance sur le législateur en matière d’application de
référence d’abord à la conception d’AUBRY et RAU la CEDEF, bien qu’au demeurant celui-ci soit appelé
comme : « une universalité de droit », « un tout comme le pense la doctrine à travailler uniquement dans le
comprenant non seulement les biens présents mais aussi sens « d’une recodification à droit constant ou presque, par
futurs »14. C’est un ensemble des biens et des obligations une codification de constructions prétoriennes » 17 . Le
d’une même personne ayant une valeur pécuniaire. Le législateur conscient du retard de son droit a, à cet effet
patrimoine commun des époux étant un patrimoine spécial, laissé le soin au juge, de faire œuvre prétorienne, entreprise
la communauté sera comprise comme une masse relevant qu’elle aura plus ou moins réussi en combinant le droit
du régime matrimonial légal par opposition au patrimoine coutumier et le droit écrit, donc tradition et modernisme.
propre des époux. Ce patrimoine à l’inverse du patrimoine Les premières applications jurisprudentielles sur la
classique connait deux sujets de droit solidaires de l’actif et communauté légale vont dans le sens d’un traitement
du passif communs. Pour définir la CEDEF, il importe discriminatoire de l’épouse basée sur l’application
d’invoquer La théorie de la science du droit 15 grâce à coutumière des dispositions du Code civil. La Cour
laquelle il est possible d’appréhender à la fois le visage suprême dans l’affaire CHIMI Moise reconnait les pouvoirs
politique de cette Convention comme recommandations et supérieurs du mari dans l’administration du patrimoine
directives données aux Etats parties de légiférer pour commun et décide qu’il ne pourrait y avoir partage
combattre les discriminations à l’égard de la femme, des égalitaire entre époux 18 . Or depuis cette époque, celle-ci,
recommandations fondées sur un savoir-faire pratique, sur suite à la Constitution du 02 juin 1972 a rendu un certain
l’art du bon et du juste dans le contenu et la structure nombre d’arrêts allant dans un sens constamment opposé à
législative ; et son visage de norme positive contraignante l’arrêt précité dont le renouveau jurisprudentiel a été
du seul fait de son caractère « self executing» c’est-à-dire marqué par son l’arrêt en date du 9 mai 197219. Monsieur
qui s’impose d’elle-même aux lois nationales sans besoin
d’une modification ou subrogation du droit national 16
postérieurement car elle se justifie comme une norme ANOUKAHA (F.), « L’apport de la jurisprudence à la
prescriptive et positive. En effet, pour être juridiquement construction d’un droit de la famille », in D. DARBON et J.
une norme prescriptive, toute norme doit être valide DU BOIS DE GAUDUSON (dir), La création du droit en
d’abord du point de vue de son opération déontique et Afrique, Paris, Karthala, 1997, p. 410
17
ensuite imposer un comportement ou des dispositions BOUCHARD (H.), « La réforme, de la doctrine à
obligatoires. A première vue on peut se dire que la CEDEF, l’ordonnance », in R. SCHULZE, G. WICKER, G.
fait des simples recommandations et observations aux Etats MASCH, D. MAZEAUD (dir), La réforme du droit des
membres car on s’aperçoit de l’absence des sanctions obligations en France, Paris, 5èmes journées franco-
contenues en soin sein. Mais un regard de juriste averti allemandes. Société de législation comparée, 2015, vol. 20,
pourrait se demander dans quelle catégorie de normes le 278 p, pp. 27-38, spéc., p. 30.
18
législateur la range et quelle application en fait le juge ? Au ANOUKAHA (F.)., note sous Cour suprême Arrêt n°
sens de l’art. 45 de la Constitution du Cameroun, la CEDEF 68/L du 28 juillet 1985, Aff. CHIMI Moise c/Mme CHIMI
reçoit une importance et une valeur supra-législatives et qui née TCHOUANQUE, Juris info, n° 06, P. 30.
19
plus est, son processus de validité se rattache au préambule LAMPUE (P), note sous Cour Suprême, Revue Penant,
de la Constitution qui fait d’elle une norme d’habilitation 02 mai 1985, pp. 62-70 ; obs. sous ELOMO NTONGA
arrêt n° 41/L, Juris Périodique, n° 2, 1990, p. 49. Egalement
dans le même sens MELONE (S.), « Une étape nouvelle de
13
CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri l’évolution de la jurisprudence camerounaise en matière de
Capitant, 11e édition mise à jour, quadrige, PUF, 2016, p. régime matrimonial (A propos des affaires KEMADJOU et
823. V. * protection, N. f.- Lat. protectio, du v. lat. KOUM ), Tendances jurisprudentielles et doctrinales du
protegere : protéger. droit des personnes et de la famille de l’ex Cameroun
14
V. TERE (F.) et SIMLER (P.), Droit civil : les régimes oriental, Université de Yaoundé, faculté de droit et des
matrimoniaux Paris, Précis, Dalloz, 2002, p. 40 ; CORNU sciences économiques, fascicule, sd, pp. 102 et . ; note sous
(G.), Droit civil, la famille, Paris, Armand colin, 2002, p. Cameroun : « Cour suprême, Droit civil : option de
60. juridiction, Régime matrimonial », Revue juridique
15
MILLARD (E.), Théorie générale du droit, Dalloz, 2006. africaine, n° 3, pp. 75 et s.
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THIOYE pense que nonobstant l’absence d’une nouvelle égoïsmes, où chacun défend au mieux ses intérêts et
codification, le juge fait une application absolue du principe solidarisme contractuel ʽʽle contrat est le lieu de
d’égalité : « en définitive, toutes les voies extrêmes se sont, coopération réciproque où chacun doit prendre en
en pratique, révélées être de banales impasses dont le considération les intérêts de l’autre̕̕ ̕̕ ; entre sécurité
caractère décevant a rendu d’autant plus alléchante la contractuelle ʽʽle respect du contrat et des prévisions des
recherche de solutions de compromis… Il en est résulté parties̕̕ ̕̕ et justice contractuelle (la protection des
davantage une transaction certaine, plus ou moins contractants les plus faibles̕̕̕̕̕̕ ̕̕̕ » 22 . A cet égard, le régime
équilibrée, entre la tradition et la modernité qu’un retour légal de communauté est mal pensé comme un contrat
radical à celle-là ou une orientation vers celle-ci »20. Dans équilibré, respectant les intérêts communs en présence 23 ;
la cause opposant ABDOULAYE DJIBRILLA bien qu’il soit en réalité la conséquence d’un effet supplétif
c/MOHAMAN née MBOMO Marie21 l’on se rend compte de volonté : « La communauté qui s’établit par la simple
de l’évolution prétorienne dans la reconnaissance du droit à déclaration qu’on se marie sous le régime de la
l’égalité entre les époux. Dans ladite espèce nous nous communauté, ou à défaut de contrat, est soumise aux règles
trouvons en présence de la question suivante qui est l’une expliquées dans les sections qui suivent ». Il s’agit là d’une
des plus fondamentales du droit de la famille selon qu’on se déclaration législative et non point d’une déclaration
trouve devant la CEDEF ou le Code civil : est-ce que le contractuelle des parties de la sorte que, la femme, dise que,
principe fondamental de l’égalité entre les hommes et les le fait pour elle qu’elle se marie sous la communauté des
femmes doit recevoir et connaitre une nette application en biens, qu’elle ait expressément et consciemment renoncé à
matière de gestion du patrimoine commun ou seul l’effort l’égalité patrimoniale dans la gestion de la communauté au
dans l’acquisition des biens pour la constitution de celui-ci profit du mari. Cette déclaration du législateur apparait
prime? La réponse sera donnée cette Convention très comme une discrimination indirecte car la conséquence
explicite et audacieuse qui opère une profonde mutation directe de ce régime est l’application des dispositions
affectant toutes les phases et tout le processus du mariage. manifestement défavorables des articles 1421, 1428, du
Cette Convention supprime désormais toutes les Code civil. Faut-il de même croire que dans nos sociétés où
dispositions du Code civil qui manifestent la masculinité et la culture juridique étant très faiblement ancrée, que tout
la supériorité du mari dans les rapports patrimoniaux du mari saisisse le sens véritable de l’égalité des droits de la
couple conformément à l’alinéa (f) de son art. 2 : « (…) femme sur le patrimoine commun voulu par la CEDEF sans
Prendre toutes les mesures appropriées, y compris les pour autant que le juge n’intervienne pour le lui rappeler ?
dispositions législatives, pour modifier ou abroger toute loi, SPINOZA résume cet antagonisme de cette
disposition règlementaire, coutume ou pratique qui façon : « Admettons que quelqu’un ait donné sa parole,
constitue une discrimination à l’égard des femmes ». valablement, d’accomplir telle ou telle action, dont, du
Suivant ce raisonnement, la vétusté du droit camerounais de point de vue de l’exercice de son droit patrimonial, il
la famille est devenue incontestable, la nécessité de le pourrait s’abstenir. Ou au contraire qu’il est donné sa
réformer parait urgente et l’entrée en affront avec le droit parole de s’abstenir d’une action, qu’il pourrait accomplir.
coutumier est inéluctable. Cette parole reste valide seulement tant que la volonté de
Dans cette perspective, l’intérêt de notre thème celui qui s’est engagé ne change pas. En réalité, du fait
s’appesanti sur les rédacteurs de l’avant propre du Code qu’il détient la puissance de reprendre sa parole, il n’a
camerounais des personnes et de la famille attendus sur nullement aliéné son droit mais n’a engagé que des mots.
deux aspects majeurs, constituant le tournant de modernité Par conséquent, il suffit, que cet homme, demeure en vertu
de ce droit. Le premier est relatif à l’édiction des règles de nature seul arbitre de ses actions, considère la parole
conformes aux différents Traités et Conventions donnée comme désavantageuse qu’avantageuse (…).
internationaux relatifs aux droits de l’Homme qui, du reste, Néanmoins, si, quant-à-lui il estime que sa parole doit être
est contenu dans son art. 2 (b) : « Adopter des mesures reprise, il la reprendra d’un plein droit de nature »24.
législatives et d’autres mesures appropriées assorties, y C’est la raison pour laquelle la CEDEF sachant la
compris des sanctions en cas de besoin, interdisant toute position dominante du mari et du patriarcalisme sociétal ne
discrimination à l’égard des femmes ». Pour ce faire, et laisse pas une issue de compromission et d’arbitrage entre
relativement aux droits patrimoniaux de l’épouse, un regard les parties et en exige même l’intervention des tribunaux
sur le droit des obligations et du droit des contrats doit être pour garantir le respect strict des droits extrapatrimoniaux
posé pour comprendre le déphasage du régime légal de et patrimoniaux de l’épouse tel qu’il en ressort des
communauté des meubles et acquêts de l’art. 1400 du Code dispositions de son art. 2 (c) : « Les Etats parties […]
civil en tant que disposition matrimoniale à portée s’engagent à instaurer une protection juridictionnelle des
contractuelle, un arbitrage doit s’opérer entre intérêts
familiaux et intérêts propres de la femme. Un auteur disait 22
ceci : « le contrat est le lieu de confrontation de deux MAZEAUD (V.D.), (dir), La réforme du droit des
obligations en France. 5èmes journées franco-allemandes.
20
Société de législation comparée, Paris, 2015, vol. 20, 278 p,
THIOYE (M.), « Part respective de la tradition et spéc. p. 75
de la modernité dans les droits de la famille des pays 23
LEQUETTE (S.), « La notion de contrat. Réflexions à la
d’Afrique noire francophone », R.I.D.C., 2005/2, pp. lumière de la réforme du droit commun des contrats »,
345-397, spéc., p. 391. Adde. RTD.civ., 2018, p. 362, n° 20 : « le contrat est la norme
21
Cour Suprême, Chambre judiciaire, section civile, arrêt juridique qui opère la rencontre des intérêts des parties ».
24
n° 019/civ du 07 mars 2019, affaire : ABDOULAYE SPINOZA, Œuvres complètes, éd., la Pléiade, 1954, p.
DJIBRILLA c/MOHAMAN née MBOMO Marie 928.
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femmes sur un pieds d’égalité avec les hommes et garantir, Le second temps de ce deuxième aspect, est
par le truchement des tribunaux nationaux compétents et l’abandon par les Etats africains du système du pluralisme
d’autres institutions publiques, la protection effective des juridique alliant droit moderne et droit traditionnel. En
femmes contre tout acte discriminatoire ». Le second aspect l’occurrence, en droit camerounais, la méthode de réception
sur lequel la Cedef dénonce particulièrement les inégalités ou d’adhésion constitutionnelle aux Conventions
conjugales est le droit coutumier : « Les Etats parties internationales protégeant les droits de l’homme et la
prennent toutes les mesures appropriées pour : [a] modifier technique d’incorporation législative des Traités et
les schémas et comportements socioculturel de l’homme et Conventions internationales relatives aux droits de la
de la femme en vue de parvenir à l’élimination des préjugés femme comme droit positif constituent une ellipse devant le
et des pratiques coutumières, ou de tout autre type, qui sont principe : « option de juridiction emporte option de
fondés sur l’idée de l’infériorité ou de la supériorité de l’un législation » même si au demeurant ce principe appartient à
ou l’autre sexe ou d’un rôle stéréotypé des hommes et des un pluralisme hiérarchisé avec dominance du droit écrit29.
femmes »25. Ce vœu de bannissement du droit coutumier de Désormais, il est question de faire un net arrêt du
la sphère du droit de la famille est loin d’être une simple compromis de la double existence du droit écrit et du droit
sinécure législtique car la difficulté avec la solution traditionnel et de revoir l’organisation judiciaire. Le juge
précédente tient en la différence du substrat philosophique camerounais par arrêts successifs 30 aura rappeler la
qui les animent. C’est une guerre des contraires qui est faiblesse de ce principe devant les principes universels
désormais ouverte car les africains sont jaloux de leur proclamés par la CEDEF : « Attendu que cette logique de la
identité culturelle. A ce sujet, le Professeur Victor coutume Moundang explique fort bien pourquoi dame
Emmanuel BOKALLI le relevait fort opportunément : veuve Gadji s’est vue dépouiller de tous les biens de son
« Avant la colonisation, la coutume constituait au ménage , qu’elle explique pourquoi le demandeur s’est
Cameroun, comme partout ailleurs en Afrique noire, abstenu de verser au dossier copie de l’acte de mariage du
l’unique source de droit. (…). Les autorités coloniales ont défunt avec la veuve Asta Issabet ; Attendu que la coutume
voulu bannir ce droit coutumier pour le remplacer par leur moundang sur cet aspect précis des droits de la veuve dans
droit. Après leur départ, elles ont été relayées dans cette la succession de son époux développe un mépris injuste et
volonté par le législateur national. Malheureusement, ce sévère de la femme[…] ; Que sur ce point cette coutume
droit imposé s’est heurté à l’indifférence, voire l’hostilité constitue à la fois une menace et un danger à l’ordre public
des populations, si bien qu’aujourd’hui, l’on assiste à un et les bonnes mœurs, qu’à cet effet, elle doit être écartée
décalage entre le droit écrit, applicable et le droit simplement et substituée par les principes généraux de
coutumier réellement appliqué […] »26. droit moderne […] »31.
En effet, si les discriminations indirectes peuvent A l’évidence, cette remarque du Pr KOUAM est
facilement être éradiquées par modification législative, forte évocatrice dans le renouveau normatif et juridictionnel
l’abandon des pratiques coutumières séculaires reste quant- exigé des droits africains : « De toute évidence, il ne saurait
à- lui difficile. La philosophie de la CEDEF se résume s’agir des droits coloniaux applicables au Cameroun dans
ainsi : d’abord l’obligation pour les Etats africains de leur contenu à la date du 1 er janvier 1960 comme
combler les lacunes législatives de leur Code civil issues de l’induisent les dispositions transitoires de la constitution,
la société du XIXème tel que le démontre M. Le Professeur ou encore du droit coutumier local non dépouillé de
Stanislas MELONE : « il a été abondamment établi… que certaines conceptions rétrogrades » 32 . Autrement dit
les codes récents s’inspirent largement de la législation [de
leurs] … anciens colonisateurs (dont ils gardent les 29
Cour Suprême, arrêt n° 445 du 03 avril 1962 ; arrêt n°
concepts et les techniques) et des coutumes africaines»27 ; 08/du 05 mars 1968. Les décisions se fondant sur les
et la réadaptation de leurs différentes législations coutumes discriminatoires sont annulées, et la Cour décide
spécifiques post colonisation en matière de droit de la que : « dans toutes les matières où il a été légiféré, la loi
famille en édictant des nouvelles normes qui prennent en l’emporte sur la coutume et que les juridictions
compte les nouvelles orientations de la Cedef calquées sur traditionnelles doivent écarter les coutumes contraires à la
les réalités de la société contemporaine. Au Cameroun loi »
l’instrument juridique majeur édicté après la CEDEF pour 30

conformer la législation camerounaise est l’Ordonnance n° 31


TPD Kaélé jugement n° 439/C, aff. Suucession de GAdji
81/02 du 29 juin 1981 portant organisation de l’état civil et Charles Eugène du 21 mars 1996
des diverses dispositions relatives à l’état des personnes 32
KOUAM (S.P.), « Pluralisme juridique et réforme du
physiques modifiée et complétée par la Loi n° 2011/011 du droit des obligations au Cameroun (réflexion à partir du
06 mai 201128. projet de code civil camerounais » Revue RAMReS/S.J.P.
N° 2 Juin 2022, pp. 38-84, spéc. 44. MELONE (S.), « La
25 technique de codification en Afrique » p. 313. Pour M. le
V. art. 5 CEDEF.
26
BOKALLI (V.E), « La coutume source de droit au Professeur Stanislas MELONE, ces techniques de
Cameroun », R.D.G., n° 28, 1997, pp. 37-69. codification laissent dubitatif à une éventuelle
27
V. dans ce sens MELONE (S.) « Préface », in rencontre entre : « modernité alliée à
Encyclopédie juridique de l’Afrique, tome VI, Abidjan, l’africanité » ; MIGNOT (A.), « Le droit coutumier et
NEA, 1982, p. 19.
28 anthropologie juridique », Penant, n° 755, p. 355 : « En
V. le site :
https://www.refword.org/docid/54c224d14.html effet, l’anthropologie africaine présente nos
[accessed19 May 2023], consulté le 19 Mai 2023. sociétés comme le lieu de conservation et de
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comment la CEDEF passet-elle d’une simple logique


protectionniste à la reconnaissance d’un droit patrimonial
absolu de la femme au nom des principes de justice et
d’égalité ? Mieux encore quel est l’impact juridique d’une
Convention qui touche de si près les pratiques
patrimoniales au sein d’un régime matrimonial qu’elle ne
prévoit pas ? La réponse à ce questionnement exige un
raisonnement axé d’une part sur la présentation de la
CEDEF comme principe organisateur de la protection
patrimoniale de la femme mariée dans les régimes
communs à système monogamique (I) ; et d’autre part de
présenter ses limites en tant que force organisatrice des
rapports patrimoniaux entre les époux dans le mariage
polygamique (II).

résistance tenaces des valeurs ancestrales face


aux formes de modernité décomplexifiées. L’idée
de modernisme perçoit mal toute cohabitation
entre droit écrit et droit coutumier et conçoit ce
dernier comme : « un droit qui n’a pas encore
réussi à s’élever au niveau du droit moderne. Il
s’agit d’un droit sous-développé, inférieur
primitif ».
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I. LA DECEF, PRINCIPE ORGANISATEUR PAR


EXCELLENCE
DE LA PROTECTION PATRIMONIALE DE
L’EPOUSE DANS LES REGIMES COMMUNS
A SYSTÈME MONOGAMIQUE

La Cedef vient en complément du Code civil et de


l’Ordonnance n° 81/02 du 29 juin 1981 réorganiser la façon
dont le patrimoine se constitue, circule et s’accumule au
sein du couple. Désormais il est garanti un pouvoir
économique à la femme. En effet, la gestion de l’essentiel
des biens structurants du couple revient ensemble aux deux
époux disposant comme à l’image d’une société l’égalité
des parts d’actions: « la communauté entre conjoints par
mariage, est une espèce de société de biens, qu’un homme
et une femme contractent lorsqu’ils se marient. Cette
communauté est fondée sur la nature même du
mariage…Cette convention entre l’homme et la femme, que
le mariage renferme, de vivre en commun pendant leur vie,
fait présumer celle de mettre en commun leur mobilier,
leurs revenus, les fruits de leurs épargnes et de leur
commune collaboration » 33 . Le Code civil camerounais
principale source du droit de la famille, étant pour la plupart
du temps attaché aux principes du droit romain et du droit
canonique 34 et par ailleurs, l’Ordonnance de 1981 qui
apparait critiquable quant- à- son parfait alliage aux
principes universels de l’égalité homme-femme qu’elle est
censée traduire la matérialité textuelle en droit interne, la
rectification de la donne sera faite par l’égalisation des
pouvoirs matrimoniaux (A) ; et ensuite par l’annihilation
par la CEDEF des actes frauduleux du mari (B).

A. L’égalisation des pouvoirs patrimoniaux


entre les époux monogames communs pendant le mariage

Elle s’opère par l’établissement d’un régime de


cogestion des biens communs (1) et l’émancipation
réelle de l’épouse sur ses propres (2).

33
POTHER (R.J.), Œuvres de Pothier, édition mise en
ordre et publiée par André-Marie Jean-Jacques DUPIN,
07, « Traité de la communauté », Ode et Wodon, 1830 :
« c’est le Traité de Pothier qui institue dans le code civil la
communauté conjugale comme cohérence interne de
gestion des biens du mariage et institue un lien logique et
les rôles respectifs dévolus au mari et à la femme dans
l’organisation de la famille, unit la composition et la
gestion des patrimoines dans un régime de communauté ».
V. également NUDELHOLC (S.), « Gestion égalitaire du
patrimoine commun par les deux époux et ressources des
créanciers », R.J.T., n° 44, 2010, p. 185.
34
LACROIX (X.), Le mariage, Paris, les éditions de
l’Atelier, 1999, p. 70 ; LECA (A.), Introduction historique
au droit français de la famille, Paris, LexisNexis, 2017, p.
41
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consentement de l’autre, sous réserves des dispositions des


1. L’établissement d’un régime de cogestion des biens art. 217, 219 et 225 du présent code »38. Pour la gestion
communs courante du ménage, les règles impératives du régime
primaire s’appliquent de plein droit. Les époux agissent
La cogestion des biens communs. La cogestion dans ce cadre sans requérir le consentement systématique
interroge la capacité d’exercice des droits réels des époux. de l’autre ce qui s’applique à quelques exceptions près dans
Le principe en application était la gestion concurrente avec le cadre des biens propres.
prééminence de la volonté du mari. La cogestion était
maladroitement limitée dans les conditions fixées par l’art. 2. L’émancipation patrimoniale de la femme mariée.
1422 : « le mari ne peut, même pour l’établissement des
enfants communs, disposer entre vifs à titre gratuit des L’indépendance de la femme sur ses biens
biens de la communauté sans le consentement de sa propres. Le déni du droit de propriété et de la personnalité
femme ». La lecture combinée de cette disposition et celle et civile de la femme mariée longtemps entretenu et défendu
de l’article 1421 est paradoxale, il est permis au mari de par le Code napoléonien et la coutume est battu en brèche.
disposer seul à titre onéreux les biens communs à l’égard L’ordonnance de 1981 a aboli déjà la distinction sexuelle
des tiers, mais il lui est interdit, sans le consentement de son du travail et le droit pour la femme d’exercer une fonction
épouse de faire des libéralités au profit de leurs enfants séparée de celle de son mari, mais surtout d’administrer
communs. Une imprécision et une vicissitude35 sont à noter elle-même son salaire et ses biens propres. Au sens de l’art.
dans cette disposition qui vise exclusivement les actes entre 15 CEDEF, la femme a en matière civile, une capacité
vifs à titre gratuit. A contrario, les legs sont-ils permis ? juridique identique à celle de l’homme de l’homme et les
L’imprécision textuelle de cet art. sonne comme une mêmes possibilités pour exercer cette capacité.
discrimination aux droits patrimoniaux de la femme. A Les mandats de gestion. Les discriminations
l’analyse, deux critères ont guidé le législateur dans son patrimoniales relevées dans l’administration des biens de la
entreprise d’établissements de la liste des actes soumis à la communauté du fait des dispositions législatives, peuvent
cogestion : la valeur patrimoniale du bien et la gravité de elles-mêmes ressortir du fait de la femme lorsque celle-ci
l’acte. En effet, le bien qui représenterait une certaine connaissant la gestion, accepte l’appauvrissement de ses
valeur ne peut passé du patrimoine commun à un autre propres biens. Dans pareille hypothèse, on parler de mandat
patrimoine que du commun accord des époux. Le deuxième de gestion. L’art. 1540 du Code civil est édifiant à cet
élément est la gravité de l’acte qui est un appauvrissement égard : « Quand l’un des époux prend en mains la gestion
du patrimoine sans frais de réemploi susceptible. En réalité, des biens propres de l’autre, au su de celui-ci, et
les libéralités visées ici requièrent le concours de néanmoins sans opposition de sa part, il est censé avoir
consentements des époux non pas dans l’intérêt de la reçu un mandat tacite, couvrant les actes d’administration
femme, mais plutôt dans la protection de l’égalité entre les et de jouissance, mais non les actes dispositions ». Il s’en
enfants. Le législateur évite la discrimination entre suit alors d’un simple pouvoir de représentation dont la
descendants. Les donation-partage des parents sur les biens validité résulte de l’absence d’opposition constatée du
communs sont soumis aux motivations conjointes de ceux- conjoint qui se manifesterait par une réprobation exprimée
ci. A défaut du concours de la femme dans la gestion de la femme. La protection par la Cedef se trouve diluée par
conjointe, le recours aux autorisations judiciaires devient la volonté de la femme elle-même car le mandat présumé
obligatoire. On tombe là sous le coup des clauses tacites de fait au mari légitime bénéficiaire des fruits de la gestion des
représentation mutuelle pour pouvoir réciproque biens propres de celle-ci, et tous les actes engagés dans
d’administration des biens communs 36. Avec la Cedef, la cette mesure à l’égard des tiers engage la femme faute
règle de la cogestion devient donc impérativement le d’opposition. La Convention n’ayant pas, dans ses limites
principe, et la gestion autonome devient l’exception. textuelles prévu les discriminations consenties, ne peut être
Mais doit-on croire que l’art. 16 (h) s’étend aussi répréhenseur de l’enrichissement du patrimoine du mari au
aux règles qui gouvernent le régime primaire? En effet, le détriment de l’épouse, ce manquement entraine
régime primaire est porteur des règles impératives 37 , la conformément aux dispositions du Code civil 39 , une
formalité de l’art. 217 du Code civil devenue désormais dispense totale du mari de rendre compte des fruits présents
impérative pour suppléer la volonté de l’épouse instaure et futurs ; et contrairement aux fruits des biens propres qui
une obligation à laquelle les époux ne peuvent déroger. Il rentrent dans la communauté, les fruits des biens issus du
est désormais possible pour faute de modification mandat de gestion ou de représentation rentre dans le
législative des dispositions discriminatoires du Code civil, patrimoine personnel du mari. Ceux-ci, même à la
de lire le présent art. 1426 Code civil en ces termes : dissolution du mariage ne peuvent faire l’objet d’une
« Aucun époux ne peut engager la communauté sans le récompensassions. Mais en cas d’existence d’un contrat
explicite les effets contraires se produisent et, le sort des
35 actes accomplis au mépris de l’opposition du conjoint
Cass. 1ere civ. 5 juill. 1988, n° 87-11. 116 ; CHARLES entraine l’inopposabilité et la responsabilité civile. Mais la
(R.E), « Vicissitudes de la loi », Mélanges Maury, Paris, protection envisagée par la Cedef est une protection contre
Dalloz et Sirey, vol. 2, t.2. l’appauvrissement du patrimoine de la femme, c’est-à-dire
36
CORNU (G.), La réforme des régimes matrimoniaux contre les actes graves du mari. Ainsi, lorsque la femme
(généralités II). Le pouvoir et la volonté des époux J.C.P.
1996. n° 20.
37
MAZEAUD (H.L.), Leçons de droit civil, Paris, t. IV, 1er 38
C’est nous qui soulignons.
vol. 3e éd., Montchrestien, 1969, n° 37. 39
Cf art. 1540 du Code civil.
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représentée aura subi un acte de disposition de la part de camerounaise en application de la Cedef vise d’une part à
son mari, elle ne sera pas engagée de sorte que l’égalité assurer l’objectif de la protection de la communauté ; et
parfaite recherchée soit consommée d’office ou aux moyens d’autre part à produire des effets plus lourds à l’égard de
des nullités juridiques. l’acquéreur. L’exception d’inopposabilité permet la
réintégration du bien mais, malheureusement, le tiers
B. L’annihilation par la cedef des actes frauduleux du mari acquéreur pourra demander des dommages-intérêts; ce qui
conduirait à nuire à la communauté dans l’hypothèse d’une
Abrogation. La Cedef du fait de sa valeur supra mise en œuvre des actions en paiement de l’indu ou de
législative abroge toutes les dispositions nationales l’enrichissement sans cause contre la communauté.
contraires. L’art. 1421 du Code civil qui prévoit que : « le Par contre, le régime de nullité permet tout à la fois
mari administre seul les biens de la communauté. Il peut les la restitution de l’immeuble, mais en plus fait obstruction à
vendre, aliéner et hypothéquer sans le concours de la toute action contre la communauté. La doctrine pense alors
femme » et l’art. 1428 qui poursuit en ces termes : « le mari que si l’acquéreur est conscient des actes frauduleux du
a l’administration de tous les biens de la femme. Il peut mari, il y a nullité, par contre, s’il ne l’est pas il y a
exercer seul toutes les actions mobilières et possessoires inopposabilité et sera fondé à exercer les actions en
qui appartiennent à la femme », sont manifestement remboursement ou restitution du prix et pour l’action de in
contradictoires aux droits de la femme et constituent une rem verso. La Cour de cassation française en distinguant la
atteinte aux droits patrimoniaux de celle-ci. La Cour nullité de l’inopposabilité retenait ceci : « un époux ne peut
Suprême l’a clairement reconnu dans l’affaire dame employer des biens communs pour faire un apport à une
MBOMO Marie : « Attendu qu’il apparait clairement à la société sans avertir son conjoint et sans qu’il en soit
lumière de ces dispositions que les articles 1421 et 2135 du justifier dans l’acte. L’action en nullité régie par l’article
Code civil énoncés au moyen manifestement 1427 du Code civil est soumise à la prescription de deux
discriminatoires à l’égard des femmes, donc contraires à ans et est exclusive de l’action en inopposabilité ouverte
celles de l’article 16 (h) de la CEDEF sus énoncés, ne sont par l’article 1421 du Code civil pour sanctionner les actes
plus d’applicables en vertu du principe de la hiérarchie des frauduleux, lequel ne trouve à s’appliquer qu’à défaut
normes juridiques ». Plus grave, paraissent davantage d’autre sanction ». En d’autres termes, l’inopposabilité
discriminatoires, les dispositions de l’art. 1426 qui retirent s’applique à défaut de justifier la sanction de la nullité par
arbitrairement à la femme, les mêmes pouvoirs prévus à un texte. Dans l’affaire dame YONKEU, la Cour d’Appel40
l’art. 1421 au profit du mari : « la femme ne peut obliger la du Centre infirme le jugement n° 368/civ du 27 février
communauté qu’avec le consentement du mari, sous 2006 rendu par le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi
réserves des dispositions des art. 217, 219, et 219 du qui avait débouté dame YONKEU de sa demande
présent Code ». La nullité des actes frauduleux du mari (1) reconventionnelle en nullité de vente d’un immeuble faisant
laisse place à la protection de la femme contre les recours partie de la communauté, au motif que le mari est le chef de
des tiers cocontractants du mari (2). famille et que ce dernier ayant quitté le domicile, c’est à
tort qu’elle s’y maintient rencontré l’assentiment de ladite
1. La nullité des actes frauduleux du mari Cour qui considère une nullité de droit sans texte.
Le régime de la nullité. Reymond De GENTILE
Fraude aux droits de la femme : nullité ou pense que le juge dans son intervention arbitre et se
inopposabilité. Le mariage étant une convention consentie substitue au mari pour régler le différend sur le bien
par les époux, il est laissé à la libre volonté de ceux-ci de commun querellé : « plus que jamais, le juge est appelé
déterminer toutes les fois qu’il existerait un contrat entre pour arbitrer les conflits entre les époux semblant
eux, un type particulier de régime matrimonial pour remplacer un chef de famille […] »41. Le contrat frauduleux
gouverner leurs rapports financiers et leurs pouvoirs de n’étant pas directement contraire à une loi d’ordre public,
propriété. Dans l’éventualité d’un contrat de mariage, un mais usant plutôt d’un artifice pour tourner la règle de l’art.
régime prénuptial sera établi, les époux sont ainsi fixés 217 du Code civil, le régime de la nullité est donc la nullité
d’avance sur l’étendue de leurs pouvoirs et sur relative. La Cedef recommande aux Etats de lutter contre
l’individualité de leurs biens. Toute confusion, toute les formes de discrimination sans pour autant préciser
initiative sur le bien de l’autre sera perçue comme fraude l’exactitude des méthodes de la lutte. L’art. 5 (a) de cette
aux droit de l’autre. A contrario, le défaut d’un contrat Convention en donne le ton mais reste muet sur la sanction
prénuptial emporte à l’égard du régime matrimonial, que pourrait prendre les Etats. Qui plus est l’art. 2 de cette
l’application des lois supplétives de volonté expressément Convention est évasif sur les moyens de lutte contre les
définies en la cause par l’art. 1400 du Code civil. discriminations à l’égard des femmes : « Les Etas parties
Distinction. La nullité et l’inopposabilité ne se condamnent la discrimination à l’égard des femmes sous
confondent pas quand il s’agit d’appliquer différemment les toutes ses formes, conviennent de poursuivre par tous les
dispositions de l’art. 16 (h) de la Cedef et l’art. 217 du moyens et sans retard une politique tendant à éliminer la
Code civil. La nullité en la matière anéantit l’acte
frauduleux pour violation du principe constitutionnel de 40
l’égalité C.A. n° 615/civ/06-07 du 17 octobre 2007 aff.
YONKEU née Nsei Christine c/ LIMAN Saibou
entre l’homme et la femme ; alors que l’inopposabilité Mamoudou Saibou.
41
sanctionne la simple fraude aux droits de l’épouse. La REYMOND DE GENTILE (M.), Volonté des époux et
solution de la nullité désormais retenue par la jurisprudence rôle d juge dans la modification du régime matrimonial,
JCP, 1973. I. 2258, n° 33, pp. 234-242.
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discrimination à l’égard des femmes […] » Puis qu’on est Mais un fait marque notre attention et suscite en nous
en matière de nullité, il revient donc au juge de combattre l’interrogation suivante : si le fondement de la nullité d’une
ces discriminations par le prononcé des nullités contre les vente frauduleuse du mari est la violation des dispositions
actes excessifs des maris. En effet, le caractère « self de la Cedef qui énoncent des principes constitutionnels
executing » de la Cedef lui procure la force de s’imposer à d’ordre universel d’égalité entre l’homme et la femme,
toute situation de discrimination à l’égard de la femme, le pourquoi ne pas admettre une nullité d’ordre public ? De la
juge lui-même pouvant l’invoquer d’office. En plus, la sorte, la règle légale de l’égalité des époux qui intéressent
ratification d’une Convention internationale transforme l’Ordre public se verrait reconnaitre un large éventail des
celle-ci en une loi positive nationale ayant force exécutoire personnes habilitées à demander la nullité des actes
devant les tribunaux dont la particularité s’apprécie aux excessifs du mari sur la communauté des époux, qui plus
vues des prescriptions constitutionnelles. est, nous sommes dans une société où les femmes ne
Particularité. La nullité d’un acte de vente d’un maitrisent quasiment pas leurs droits. Ce faisant les
bien commun passé par l’époux en fraude des droits de la myriades des contrats illégaux passés par les maris se
femme ne constitue pas une nullité au sens classique. A découvriraient et de facto une sensibilisation et un
l’évidence, le contrat de vente reste valable entre enseignement au profit des femmes seraient en conséquence
l’acquéreur et l’époux. Il s’agit plutôt d’une sanction civile induits. Dans la même veine, la nullité d’ordre public
de protection42. En effet, l’obligation à la base du contrat pourrait se justifier en ce que les règles de l’art. 16 (h.) de la
touche un bien patrimonial unissant un époux copropriétaire Cedef et de l’art. 217 du Code civil n’ont pas trait au
et un tiers. Le défaut de consentement de l’épouse entraine contrat lui-même mais à la loi pour violation de celle-ci ou
une sorte d’irrégularité du contrat soumis désormais aux pour défaut d’autorisation judiciaire exigée pour la vente46 .
dispositions d’ordre impératif de la Cedef et de la règle
légale de l’art. 217 du Code civil. Le contrat peut-être 2. La protection de la femme contre les recours
régulièrement passé entre les parties, mais le défaut des tiers cocontractants du mari
d’autorisation judiciaire ou de consentement de l’autre
époux entraine l’exception d’existence d’irrégularité qui Les restitutions. La nullité prononcée par le
n’empêche pas l’existence réelle du contrat et l’application jugement produit les mêmes effets sans distinction de
de la prescription des actions en nullité43. D’ailleurs le délai régime. L’adage : « quod nullum est, nullum effectum
d’action est celui du droit commun. L’art. 1304 du Code prodcucit ». Ce qui est nul ne peut produire aucun effet,
civil fixe en ces termes l’intervalle de temps : « Dans tous l’épouse très souvent surprise à l’improviste ; soit après la
les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une mort de son mari ; soit après le divorce ; ou soit après la
convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi formation du contrat découvre la spoliation dont- elle est
particulière, cette action dure dix ans. Ce temps court, à victime. En pareils cas, il y a remise en cause rétroactive
l’égard de la victime dans le cas de violence, que du jour des effets sans restitutions à l’égard de la communauté
où elle a cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où même si elle a jouit du prix de la vente47. La restitution est
ils ont été découverts ». Si l’acte était inconnu de l’épouse, obligatoire et admise à l’égard des parties cocontractantes.
le délai court à partir du jour où l’acte a été découvert. Le A cet effet, le juge est obligé de prononcer la restitution
juge est saisi au moyen d’une assignation en nullité de entre les parties, le mari étant seul tenu à l’égard du tiers
vente44. acquéreur, tous les actes et faits juridiques qui ont suivi le
La singularité de la protection par la Cedef des contrat deviennent sans cause juridique (Nemo plus juris
droits patrimoniaux de l’épouse se note par l’application allum tyransfere potest quam ipsem habet), qu’il
même d’une nullité qui n’est prévue par aucun texte. Le s’agisse d’actes d’exécution directe (un paiement) ou
juge applique une nullité virtuelle qui n’est fondée sur d’actes juridiques consécutifs (revente ou mise en location
aucune disposition nationale, ni même sur la Cedef. En de la chose achetée) s’ils sont adressés à l’épouse.
réalité, la Convention ne commande pas la sanction de la En matière d’actes de disposition d’un bien
nullité des actes du mari qui porteraient atteintes aux commun, les restitutions se heurtent à des obstacles et
intérêts patrimoniaux de l’épouse, mais c’est plutôt l’égalité peuvent nuire à l’intérêt de la femme, la disparition du
recherchée qui voudrait que le bien frauduleusement aliéné bénéfice du prix pour le mari disposant et l’absence d’effet
ou disposé rentre dans son patrimoine d’origine pour juridique du transfert du bien dans le patrimoine de
rétablir l’équilibre et la valeur de la communauté des l’acquéreur48 s’opère en un remboursement du prix par le
époux. En conséquence, le seul moyen efficace de mari sans obligation de dette pour la femme.
rétrocession du bien est la nullité rétroactive pour cause de
méconnaissance d’une règle légale supra législative45.
l’ordre public et les bonnes mœurs ». Civ 1re, 07 oct. 1998,
Bull. ; civ., I., n° 290, 7 oct. 2004, Bull. civ., I., n° 303,
42
BENABENT (A.), Droit civil, les obligations, RDC, 2005.323, obs. FENOUILLET.
46
Montchrestien Lextenso éditions, 12 éd., n° 200, pp. 153 et Com., 6 déc. 1999, Bull. civ. IV., n°4.
47
s. GUELFUCCI-THIBIERGE (V.), Nullité, restitution et
43
Ibidem, n° 202, p. 155. En réalité, l’exécution du contrat responsabilité, LGDJ, 1992, n°S 725 et s.
qui s’est opéré par le transfert du bien dans le patrimoine de 48
GUELFUCCI-THIBIERGE (V.), Acte du colloque,
l’acquéreur est une traduction de son existence. « L’anéantissement rétroactif du contrat », RDC, 2008, p. 9
44
et s ; MALAURIE (M.), Les restitutions en droit civil,
45
L’art. 6 du Code civil dispose : « On ne peut déroger, par Cujas, 1992, pp. 213-217 ; POISSON-DROCOURT, Les
des conventions particulières, aux lois qui intéressent restitutions entre les parties consécutives à l’annulation
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L’acquéreur de bonne foi ne saurait lui-même bénéficier large pouvoir d’appréciation de ce recours d’origine non
d’un droit définitif, même dans l’hypothèse d’une vente légale, la jurisprudence52 s’est accordée sur ce principe en
immobilière qui rempliraient les formalités légales ces termes :« n’ayant été réglementé par aucun texte de
impératives. La Cour Suprême dans l’affaire dame nos lois, son exercice n’est soumis à aucune condition
MBOMO Marie décide que : « attendu qu’il n’a jamais été déterminée ». En effet, l’opération juridique annulée, même
objet de dispute le fait pour dame MBOMO Marie d’avoir si elle a profité à la femme aux dépens de l’acquéreur
reçu les soins médicaux par le fruit de vente de l’immeuble dépossédé après le décès du mari disposant, et si la cause
querellé (…) ». La Cour de cassation est allée plus loin en juridique est l’enrichissement et non pas l’appauvrissement,
refusant l’application de la théorie de l’apparence à un le recours sera déclaré irrecevable par le juge53. De facto,
acquéreur concernant une application de l’art. 1421 du c’est le cas d’une veuve qui intente une action en nullité
Code civil en vertu duquel un mari avait accompli toutes les d’une vente et qui bénéficie du retour de l’immeuble dans
opérations préalables à la vente en assurant l’acheteur de le patrimoine commun ou personnel. La Cour Suprême
l’existence du consentement de l’épouse passé devant camerounais a décidé dans une espèce que l’entière
notaire et qu’il avait mentionné la procuration dans l’acte jouissance du prix de vente d’un immeuble en commun par
alors que celui-ci n’existe pas49. Il résulte que la protection l’épouse passée par l’époux ne saurait justifier la restitution
contre les recours du tiers acquéreur est si forte que, même du prix, ni le principe de l’enrichissement sans cause « que
après restitution de l’immeuble, si d’aventure le tiers dans le cas d’espèce, dame MBOMO Marie a jouit
acquéreur de bonne foi avait conclu un contrat d’assurance, entièrement du fruit de l’immeuble disposé par son défunt
d’entretien ou de réparations, ceux-ci s’imposent à lui sur le époux et qu’en ne faisant pas application de ladite
fondement de la gestion d’affaire. L’art. 1372 du Code civil Convention, prône une fois de plus le principe de
dispose : « lorsque volontairement on gère l’affaire l’enrichissement sans cause et viole le principe d’égalité
d’autrui, soit que le propriétaire connaisse la gestion, soit prévu par la loi constitutionnelle » 54 . La preuve de
qu’il l’ignore, celui qui gère contracte l’engagement tacite, « l’avantage» 55 procuré à la veuve ne suffit pas à lui
de continuer la gestion qu’il a commencé, et de l’achevé condamner à compenser l’appauvrissement de l’acquéreur.
jusqu’à ce que le propriétaire soit en état d’y pourvoir lui- L’enrichissement que l’épouse aurait bénéficié du prix de la
même. Il doit se charger également de toutes les vente de l’immeuble souffrirait d’une régularisation
dépendances de cette même affaire » 50 . Deux hypothèses déguisée par l’application de l’action de in rem verso, à
sont à distinguer ici : soit que le bien disposé est commun défaut d’une restitution régulière par le mari. Plus
aux époux, dans ce cas de figure, les époux peuvent être particulièrement, les dispositions de la Cedef volent au
appelés à une contribution de dette pour les améliorations et secours de la femme pour faire sauter l’injustice qu’elle
autres contrats affectants l’immeuble. Par contre, si aurait pu subir du fait de la violation de son droit de
l’immeuble disposé est un propre de la femme, seul l’époux propriété. C’est donc pour décourager ces genres de
disposant est appelé à répondre de la gestion d’affaire contrats que le juge refuse le recours fondé sur
consécutive au contrat nul qu’il a contracté : nul ne peut se l’enrichissement sans cause. La doctrine évoque le « double
prévaloir de sa propre turpitude. aspect d’un fait unique » 56 dans la mesure où
Toutefois en matière mobilière, la breveté de délai de cinq l’enrichissement sans cause est la réciproque de l’action en
ans fait de l’acquéreur de bonne foi le légitime restitution de l’indu du même contrat passé en fraude des
propriétaire 51 . Le régime de communauté des meubles et droits de la femme, dont l’objet est tout simplement
acquêts et celle de la communauté universelle exposent d’obtenir le remboursement du prix, une sorte de restitution
l’épouse à cette probabilité. Le bien meuble disposé par le déguisée. En pratique, c’est très souvent au moyen d’une
mari sans le consentement de l’épouse est légitimement défense au fond c’est-à-dire une action reconventionnelle
acquis pour le tiers sur le fondement de la théorie de pour enrichissement sans cause, que l’acquéreur, défendeur
l’apparence ; la rigidité de la protection resurgit face à un à la cause tente d’obtenir le remboursement de son
acquéreur de mauvaise foi. paiement. BENABENT pense même que : « si le
L’enrichissement sans cause. Le rôle actif des bénéficiaire s’enrichit grâce à un mécanisme de droit 57 ,
tribunaux est à louer à l’égard de cette création prétorienne. même aux dépens d’autrui, on ne peut lui demander de
L’article 1er alinéa (c) de la Cedef appelle les Etats à faire :
« inscrire une protection juridictionnelle des droits des 52
femmes sur un pied d’égalité avec les hommes et garantir, Civ. I.ere, 4 avr. 2001, Bull. Civ., I. n° 105; Civ. 1ere, 25
par le truchement des tribunaux nationaux compétents et Fev. 2003, Bull. civ., I. n° 55.
53
d’autres institutions publiques, la protection effective des La doctrine est favorable à cette décision du juge. V.
femmes contre tout acte discriminatoire ». Le juge ayant un MAZEAUD (J.H.L.) et CHABAS (F.) Leçons de Droit
Civil, Obligations, volume 1er, t. 11, 1ère édition, 1985, p.
820 et s.
d’un contrat, D. 1983, Chr. 85 ; SCHMIDT-ZALEZSKY, 54
C.S., arrêt n° 019/civ du 07 mars 2019, préc.
Les conséquences de l’annulation d’un contrat, JCP, 1985. 55
Réq., 15 juin 1892, S. 93. I. 281, note LABRE ; Grands
I. 3397. arrêts n° 239.
49 56
Cass., 1ere civ., 11 mars 1986. BARTYN, AUBRY et RAU, t. IX, $ 578, n° 09
50
Civ. Iere, 1er décembre 1959, Bull. civ. I., n° 511. Les 57
Civ. 3e , 28 mai 1986, Bull. civ., III., n° 53. Il est
améliorations et autres travaux supplémentaires seront fréquemment admis par la jurisprudence que
déduits et l’on procédera au remboursement sauf cas l’enrichissement qui trouve sa cause dans un contrat,
d’actes inutiles, ceux-ci seront désavoués par le juge. constitue une justification à cet enrichissement au détriment
51
Art. 2279 C. civ. de l’appauvri.
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restituer cet enrichissement : ce serait ouvrir dans le même devant la Cour d’Appel, la présentation pour la
système juridique une sorte de contradiction interne et première fois de la demande de liquidation du régime
porter une grave atteinte à la sécurité de ceux qui se sont commun.
fixés à telle ou telle règle de droit ». Pour le Professeur
André TIENTCHEU DJAKO : « pour que l’enrichissement La protection de l’hypothèque légale 61 de la
sans cause donne droit à une action, il faut que cet femme. Aux termes de l’art. 2135 du Code civil :
enrichissement soit vraiment sans cause […] La cause est « l’hypothèque existe indépendamment de toute inscription
le titre juridique justifiant l’enrichissement ou […] au profit des femmes, pour raison de leurs dot et
l’appauvrissement. Elle peut consister en une faute ou en conventions matrimoniales sur les immeubles de leur mari,
un intérêt de l’appauvri, ou bien consister en un contrat et à compter du jour du mariage ». L’hypothèque est une
conclu entre l’enrichi et l’appauvri. La cause peut aussi sûreté qui, sans déposséder le propriétaire du bien sur
consister en un contrat conclu entre l’appauvri et un lequel elle porte, permet au créancier, s’il n’est pas payé à
tiers »58. l’échéance, de le saisir en quelques mains qu’il se trouve
Le caractère subsidiaire empêche la recevabilité de afin de se faire payer sur le prix de vente par préférence aux
cette action car l’appauvri dispose d’une action principale autres 62 . Notons d’emblée que le bénéfice de cette
contre l’enrichi : l’action en reconnaissance de validité du hypothèque était contradictoirement soumis à une
contrat de vente en l’occurrence ou l’action en obligation d’inscription de l’épouse. L’art. 31 du Décret du
responsabilité contractuelle ou délictuelle contre le mari 21 juillet 1932 dispose que : « (…) les hypothèques légales
disposant. Plus grave, la doctrine soutient que l’action de in et judiciaires telles que prévues par les dispositions du
rem verso ne peut être admise pour mettre en échec une Code civil ne sont pas applicables aux immeubles soumis
règle du droit positif 59 . Cette lutte contre les recours des au régime de l’immatriculation » et la même hypothèque
tiers sera complétée par l’analyse suivante. doit-être substituée par une décision de justice à défaut
d’inscription63. Les seules exceptions sont contenues dans
C. L’influence positive de la cedef dans la préservation du l’art. 17 de ce Décret64. L’art. 2135 du Code civil est donc
patrimoine de l’épouse lors du relâchement du lien neutralisé par les dispositions du Décret du 21 juillet 1932.
du mariage monogamique Il en résulte que l’inscription est une condition de validité
de toute hypothèque telle prévue par l’art. 206 de l’AUS.
Elle s’articule autour du réaménagement de la En occurrence, suivant l’art. 2136 du Code civil, les maris
situation patrimoniale de l’épouse en période de crise (1) et sont tenus de rendre publiques les hypothèques dont leurs
l’amélioration du sort successoral de la veuve (2). immeubles sont ainsi grevés ; à cet effet, d’en requérir eux-
mêmes l’inscription sans aucun délai, au bureau à ce établi,
1. Le réaménagement de la situation patrimoniale sur les immeubles à eux appartenant et sur ceux qui
de l’épouse période de crise pourront leur appartenir dans le futur. Du chef de la Cedef,
il est désormais permis de croire que cette inscription
La protection lors de la liquidation judiciaire de pourrait être une cause de discrimination si celle-ci rompt le
la communauté. L’obligation induite aux tribunaux de principe d’égalité. La Cour d’Appel de Garoua dans
veiller à une application équitable de la loi contenue à l’art. l’affaire dame MBOMO Marie a estimé que le juge
2 de la CEDEF, commande à ceux-ci d’ordonner d’office la
liquidation de la communauté. C’est la direction donnée par 61
la Cour suprême qui, pour débouter la Cour d’Appel du DUCRUET (M.), Etudes sur l’hypothèque légale des
Littoral dans son arrêt n° 55/C du 18 février 1983 femmes depuis le Code civil et sur les difficultés que
reprochait celui-ci de n’avoir pas ordonné la liquidation : présentent l’application de la Loi du 15 février 1889, Lyon,
« Attendu qu’aux termes de l’article 1441 du Code civil, la Imprimerie Mougin-Rusand, 1890, p. 12 : « Cette
communauté se dissout : […] par la mort naturelle […] par hypothèque est une création du Code civil et non de la
le divorce ; Qu’il en résulte que le juge du fond, saisi d’une convention matrimoniale » ; MESTRE (J.), PUTMAN (E.),
demande de divorce des époux mariés sous le régime de la BILLIAU (M.), Droit civil : Droit commun des sûretés
communauté des biens, doit prononcer la dissolution de réelles, Paris, LGDJ, p. 321.
62
celle-ci même en l’absence des conclusions des parties à TIENTCHEU DJAKO (A.), Le titre foncier au
cet effet ; Attendu d’autre part que la demande en Cameroun, Préface du Professeur Adolphe MINKOA SHE,
liquidation de la communauté procédant de la loi comme Yaoundé, éd. ARIKA, 2009, p. 212.
63
sus indiquée, présentée pour la première fois en appel, ne V. art. 33 du Décret du 21 juillet 1932. Lire également
saurait être considérée comme une demande nouvelle »60. TCHANGA (F.) Problèmes théoriques et pratiques de la
Le principe dispositif du procès pour aussi circonspect et publicité foncière au Cameroun, Mémoire de Licence en
limitatif des demandes des parties, ne saurait empêcher, droit en privé, Université de Yaoundé, 1975.
64
Art. 21 du Décret du 21 juillet 1932 dispose à propos :
« Les droits réels immobiliers expressément exemptés de la
58
TIENTCHEU DJAKO (A.), op. cit. pp. 178 et s. formalité d’inscription aux livres fonciers sont (…) la
59
Ibidem p. 179. servitude de passage pour cause d’enclave dont l’assiette
60
C.S, arrêt n° 387/Civ du 05 novembre 2015. V. aussi les peut, sur la demande du propriétaire du fond grevé être
arrêts de la CA du Littoral n° 103/L du 12 novembre 2010, exactement déterminé ». Et l’art. 30 al. 2 nouveau : « le
n° 34/L du 10 décembre 2004, n° 042/CC du 1er mars 2010, privilège de frais de justice pour la réalisation de
n° 125/CC du 02 juillet 2012. Cité par EYIKIE-VIEUX, l’immeuble et la distribution du prix ainsi que le privilège
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d’instance a méconnu les dispositions de l’art. 243 du code


civil qui interdit tout acte de disposition du mari sur La Cedef est venue révolutionnée les droits
l’immeuble familial qui serait sa propriété : « que la vente patrimoniaux de la femme. Sous l’égide du Code civil, en
de l’immeuble objet du titre foncier n° 6177/Bénoué suivant effet, l’accomplissement en la forme notariée prévue par
acte n° 1518 du 15 décembre 2010 du répertoire de Maitre l’art. 8 al. 1 de l’Ordonnance susvisée veut que : « les actes
DEFFO BAKAM Denise, notaire à Garoua, est postérieure constitutifs, translatifs ou extinctifs des droits réels
à l’ordonnance n° 04/08/CAB/PTGI/GRA prévue par l’art. immobiliers doivent à peine de nullité, être établis en la
235 du code civil […] Attendu qu’en faisant fi des forme notariée », valide le pouvoir de disposition autonome
dispositions pertinentes de l’art. 243 du code civil, le du mari sur les immeubles de la communauté et donc la
premier juge n’a pas motivé sa décision (…) »65. conséquence est, au sens de l’art. 22 du même Décret:
L’égalité prônée par la Cedef lors de la dissolution « (…) la mutation du titre foncier initial au nom de
du mariage se veut être lue sous réserves et à la lumière des l’acquéreur ». L’application des dispositions de l’art. 2195
dispositions de l’art. 243 du Code civil qui disposent que : du Code civil contraint la femme après application par
« toute obligation contractée par le mari à la charge de la l’acquéreur des formalités indiquées à l’art. 219368 à agir :
communauté, toute aliénation par lui faite des immeubles « dans le cours des deux mois de l’exposition du contrat[-
qui en dépendent, postérieurement à la date de et-s’il] n’a pas été fait d’inscription du chef des femmes
l’ordonnance dont- il est fait mention à l’article 235, sera (…), sur les immeubles vendus, ils passent à l’acquéreur,
déclarée nulle, s’il est prouvé d’ailleurs qu’elle a été faite sans aucune charge, à raison des dot, reprises et
ou contractée en fraude des droits de la femme ». conventions matrimoniales de la femme […] ». La Cour
Antérieurement à la Cedef, la femme était tenue sous tout Suprême n’a pas manqué de relever le bien-fondé de la
régime de communauté de biens après décès de son mari, défense d’un tiers acquéreur d’un immeuble commun qui
de faire inscrire son hypothèque pour garantir son droit. Au reprochait à l’épouse son inaction au-delà du délai de deux
cas contraire, le tiers acquéreur d’un immeuble en commun mois après la date de l’exposition du contrat frauduleux
conformément aux dispositions respectives de l’art. 8 de passé par son défunt mari : « attendu qu’aux termes de
l’Ordonnance n° 74-1 du 06 juillet 1974 portant régime l’article 1421 du Code civil ʽʽle mari administres seul les
foncier et de l’art. 22 du Décret n° 76/165 du 27 avril 1976 biens de la communauté, il peut les vendre et les
fixant les conditions d’obtention du titre foncier en devient hypothéquer sans le concours de la femme̕̕ .̕̕ Qu’il ressort de
propriétaire. La Cour Suprême décide dans la même cette disposition légale, la pertinence selon laquelle
l’espèce portée en pourvoi devant elle que : « attendu qu’il l’inscription hypothécaire par l’époux survivant sur
apparait clairement à la lumière de ces dispositions que les l’immeuble de l’époux prédécédé est une obligation légale.
articles 1421 et 2135 du Code civil énoncés au moyen, Attendu que dame MBOMO Marie n’a jamais satisfait à
manifestement discriminatoires à l’égard des femmes, donc cette exigence légale, qu’il s’en suit que la vente querellée
contraires à celles de l’article 16 (h) de la CEDEF sus ne souffre d’aucune irrégularité au regard des dispositions
énoncées, ne sont plus applicables en vertu du principe de des articles 8 et suivant de l’Ordonnance n° 74-1 du 06
la hiérarchie des normes juridiques sus-évoqués. Que dès juillet 1974 fixant les régimes fonciers et 22 et suivant du
lors, l’on ne saurait reprocher aux Juges d’appel en Décret n° 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions
l’espèce, d’avoir violé ces textes qu’ils n’ont pas eu à d’obtention du titre foncier ». Telle fut la position de la
appliquer »66. Cour de cassation française dans l’affaire Dame
Désormais l’explicité des dispositions de l’article 16 DESCHAMPS : « la femme qui avait négligé de prendre
(h) de la Cedef rend impératif l’hypothèque légale de la l’inscription dans les deux mois de la publication du
femme en cas de procédure de divorce ou du décès du mari contrat, était définitivement éteinte, relativement à
et la formalité d’inscription n’est pas obligatoire. Le simple l’immeuble acquis par le tiers détenteur, soit au regard du
dépôt de la requête aux fins de divorce prévue à l’art. 235 mari, soit à celui de ses créanciers, et que la femme avait
du Code civil sous l’effet de l’art. 16 (h) consacre le perdu, non seulement son droit de suite, mais encore celui
principe d’égalité entre les époux même lors de la phase de de se présenter à l’ordre pour demander une collocation en
dissolution du mariage, sauf réconciliation et ratification vertu de son hypothèque légale »69. Toutes ces dispositions
postérieures de la vente ou de l’aliénation 67 intervenue sont inapplicables à l’inscription obligatoire de la femme du
avant ladite procédure de divorce. fait de la hiérarchie des normes juridiques consacrant une
supériorité de la Cedef sur toute disposition légale
contraire.
65 Par ailleurs, la femme ne peut renoncer même
C. A de Garoua, arrêt n°27/civ du 22 oct. 2015, aff. d’office à son hypothèque 70 . La protection de cette
Dame Mohaman née MBOMO Marie c/le conservateur de
la propriété foncière du nord. Pour plus des détails sur
l’hypothèque V. L’Association pour l’efficacité du Droit et 211 ; C.S. arrêt n° 11 du 29 novembre 1963, Bull. des arrêts
de la justice et le cabinet ABDOUL BAGUI et Associés : « de la Cour Suprême oriental n° 9 p. 669 ;
Droit et pratique des hypothèques dans l’espace de 68

l’OHADA », Séminaire organisé du mercredi 5 au vendredi 69


C.S. Réq. 24 nov. 1813, aff. Dame Deschamps ;
70
7 février 2014, Mansel hôtel à Yaoundé disponible sur Conformément aux dispositions des art. 2140 et 2144 du
https://www.ohada.com consulté le 19 Mai 2023 ; Code civil, la renonciation par la femme ne peut produire
66
C.S. arrêt n° 019/civ. du 19 mars 2019, op. cit. aucun effet, par le motif que cette hypothèque ne peut être
67
C.S., arrêt du 24 nov. 1977. Rapport du Conseiller la matière d’une convention matrimoniale autre que celle
Nzongang, Revue cam. De droit, série II n°s 13 et 14 p. prévue par lesdits arts.
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hypothèque pour ses reprises et dot est si forte que même en d’hérédité et l’absence d’indignité successorale donne droit
présence d’un contrat ou d’une convention consentie par la à l’application de la CEDEF qui innove en matière
femme pour venir en solidarité à son mari 71 vis-à-vis des patrimoniale en considérant le patrimoine commun comme
tiers créanciers, en cédant son inscription légale, cette une dévolution prioritaire de l’époux survivant et des
cession de droit de priorité n’en est pas une réalité. Il descendants. Dès lors un questionnement surgi à l’esprit :
s’opère plutôt sous l’égide de la Cedef une diminution de la doit-on empiéter ou exclure de la dévolution successorale
consistance des droits de la femme, celle-ci conserve son les autres successibles ? En l’absence des descendants et
rang d’être colloquée en premier avec les créanciers. Le ascendants, l’admission d’une dévolution en pleine
tiers qui bénéficie de cette cession d’hypothèque est tenu de propriété est plausible. La Cour suprême dans l’affaire
l’inscrire dans un délai de quinze (15) jours sous peine de Dame BILONGO née NGOUMOU Marie a refusé
rendre cette hypothèque sans effet. En effet l’hypothèque de l’accession d’une nièce à la succession 73 . Mais cette
la femme est étendue à l’ensemble des biens immeubles du solution est loin de faire unanimité car en présence des
mari au jour du mariage et ceux acquis postérieurement ascendants et des collatéraux privilégiés le partage est de
sauf désignation conventionnelle du mari avec les tiers. Il moitié (art. 767 alinéa 3 et ss du Code civil). En dehors, de
ressort de l’art. 2140 que : « lorsque dans le contrat de ces hypothèses, la spoliation vécue par les femmes seront
mariage, les parties majeures seront contenues qu’il ne battues en brèche devant un tribunal si la demanderesse
sera pas pris d’inscription que sur un ou certains invoque les dispositions de la CEDEF.
immeubles du mari, les immeubles qui ne seraient pas
indiqués pour l’inscription resteront libres et affranchis de Au total, cette première analyse expose
l’hypothèque pour la dot de la femme et pour ses reprises et l’obsolescence et l’inopportune maintien des dispositions
convention matrimonial » contraires du Code civil comme substrat juridique devant
régir les rapports matrimoniaux des époux communs en
2. L’amélioration du sort successoral de l’épouse survivante biens. Des alternatives au soutien du principe d’égalité
entre époux sur la gestion de la communauté des biens sont
La Cedef prévoit le droit de la femme à succéder à proposées par la CEDEF. Conscient de cet état de fait, le
son mari dans les conditions qui ne doivent pas reposer sur législateur camerounais a entrepris dans son droit prospectif
des discriminations. L’art. 767 du Code civil trouve un des grands changements dans le Code des personnes et de
nouveau fleuron d’expression de renforcement dans son la famille. Mais si la CEDEF ne souffre d’aucune véritable
application stricte. Il prévoit : « lorsque le défunt ne laisse résistance dans le foyer monogamique, il est permis de
ni parents au degré successible, ni enfants naturels, les croire cependant que son principe de protection catégorielle
biens de sa succession appartiennent en pleine propriété au est mis en difficulté dans le mariage polygamique.
conjoint survivant non divorcé et contre lequel n’existe pas
un jugement de séparation de corps passé en force de chose
jugée ». S’inscrivant dans la suite de cette disposition du
Code civil, l’Ordonnance n° 81/002 du 29 juin 1981 portant
organisation de l’état civil et des diverses dispositions
relatives à l’état des personnes physiques prévoit en son art.
77 une protection de la part successorale de l’épouse
survivante.
Cette part d’héritage quoiqu’indéterminée renvoie
aux dispositions générales du Code civil qui font une
application casuelle. La Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme parle
de « l’équité » 72 . La preuve du mariage, le jugement

71
C.S supra : « que plus, les époux MOHAMAN ont
contracté mariage sans un contrat de mariage passé par
devant notaire et aux termes de l’article 2135 l’hypothèque
existe indépendamment de tous inscriptions… au profit des
femmes pour raison de leur dot et convention
matrimoniales sur l’immeubles de leur mari compter du
mariage̕̕ ̕̕ (…) que dans le cas d’espèce, aucune preuve
d’une quelconque dette contractée par le défunt époux et
pesant sur le couple MOHAMAN n’a été excipé par la
partie adverse et sur abondamment, la femme mariée sans
contrat de mariage n’a d’hypothèque que pour d’identité dans le domicile conjugal. En cas de remariage, elle
des dettes qu’elle a contractées avec son mari et pour le conserve ce droit si le domicile lui appartient en propre ou
remploi de ses propres biens aliénés qu’à compter du jour lui a été dévolu en héritage (…) »
de l’obligation ou de la vente » 73
NJEUFACK TEMGWA (R.), note sous, C.S., arrêt n°
72
Son art. 11 alinéa 1 dispose ceci : « La veuve a une part 63/L du 19 Juin 2003, aff. Dame Bilongo née NGOUMOU
équitable dans l’héritage ce son conjoint. La veuve a droit, Marie c/ NGOUMOU Boniface, Juris périodique n° 64, p.
quel que soit le régime matrimonial de continuer d’habiter 46.
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2. Une application complexe dans la protection


II. LA CEDEF, UNE EXCEPTION DANS LA des communautés des épouses
PROTECTION PATRIMONIALE
DE L’EPOUSE DANS LES REGIMES La polygamie étant la forme de mariage de droit
COMMUNS A SYSTEMES POLYGAMIQUES commun 77 autorisant officiellement un homme a épousé
légalement plusieurs femmes, il parait normal que aux yeux
Selon l’expression du Pr. ATANGANA de la loi qu’il existe un chef de cette communauté pour
MALONGUE 74 , le droit camerounais de la famille est réguler les intérêts. Le principe de gestion égalitaire est dès
stéréotypé et inspiré « des règles coutumières, de la parenté lors obstruée car la gestion et le partage de la communauté
fondée sur les liens de subordination aussi bien entre les est soit globale ou atomicisée. Dans la première option de
générations qu’à l’intérieur d’une génération où ces gestion ou de partage globale, il y a une seule communauté
relations en principe égalitaires font intervenir des entre le mari et les épouses dont il est le chef. La seconde
distinctions discriminatoires ». En effet, la polygamie75 est forme renvoie à une pluralité de communauté dont
la seule grande exception aux dispositions sélectives de la l’évaluation et la détermination des biens reste confondue à
Cedef que les Etats africains refusent de rayer. Cette la personne du mari car seul lui est commun aux épouses78.
discrimination indirecte (d’ordre législatif) sans toutefois Les deux modes de gestion découlent de la coutume comme
admettre la polyandrie, reconnait l’application des source du droit et comme pratique reconnues et perpétrée
dispositions de la Cedef dans les mariages polygamiques ; par les intéressés 79 . L’application de la CEDEF dans le
mais les méandres coutumiers du Code civil dans certains mariage polygamique est très aléatoire, les effets pervers du
cas relayent celle-ci au second plan. Pour Éric régime de la communauté reprennent le pas et se passent
MILLARD 76 : « les valeurs sont l’expression des des correctifs apportés par cette grande Convention80. Dans
préférences plutôt que des propriétés objectives cette configuration, où plusieurs femmes appartiennent à un
constatables ». Pour le normativisme juridique, on ne peut seul mari, il faut un chef pour représenter la communauté
évaluer une loi ou une action par rapport à des valeurs auprès des tiers.
subjectives telles que la supériorité de sexe ou du genre. De L’arbitraire dans la constitution des
la sorte, la polygamie défavorable à l’égalité du genre, est communautés. Le respect du principe posé par l’art. 16 (h)
une inflexion du pouvoir des épouses sur le patrimoine de la Cedef tenant à l’égalité des époux lors de la
commun; la polygamie admet la souveraineté de chaque constitution du mariage est impossible à observer. Les
épouse sur ses propres (A). Par ailleurs l’égalité projetée communautés des épouses sont fragmentées à l’égard du
par la CEDEF se complexifie dans le système polygamique mari à partir du jour de la célébration du mariage de
par la difficulté d’identification des patrimoines des chacune d’elle. Ainsi, l’ordre chronologique des mariages
coépouses en présence (B). aura pour conséquence de différencier la consistance de la
part de chacune d’elle. La première épouse aura une
A. L’application à géométrie variable des dispositions de la communauté très élargie envers le mari tandis que la
CEDEF dernière verra son droit sur la communauté amoindrie. De
même, la communauté de la première épouse sera
Le régime de communauté des biens tel qu’il a été extensible à souhait sur l’enrichissement du patrimoine de
pensé sied à la société occidentale où la règle d’or des la communauté ; alors que celle des épouses subséquentes
unions conjugales reste et demeure la monogamie. Cette ne saurait rétroagir aux précédents mariages. La lecture de
partie de l’analyse porte d’une part sur l’application l’art. 1402 du Code civil permet de lire ceci: « Tout
certaine de la CEDEF dans la protection du patrimoine immeuble est réputé acquêt de communauté, s’il n’est
propre de l’épouse (1) et d’autre part sur son application prouvé que l’un des époux en avait la propriété ou
complexifiée dans la communauté des époux (2). possession légale antérieurement au mariage, ou qu’il lui
est échu depuis à titre de succession ou donation ». A ce
1. Une application certaine de la CEDEF dans la protection titre, la polygamie institue une sorte de discrimination dans
du
patrimoine propre de chaque époux 77
Le développement consacré à cette question ne sera pas V. CS/COR, arrêt n° 1/2 du 23 Février 1971, RCD, N° 1,
exhaustif car l’essentiel des analyses y relatives ont été p. 62.
78
soulevées plus haut. NGUEBOU (J.), « Notion et originalité du partage-
rémunération dans la construction du droit camerounais des
régimes matrimoniaux », Juris Périodique, vol. 2, n° 30,
1997, p. 58
79
La Cour suprême l’a admis dans sa jurisprudence. C.S,
74
ATANGANA-MALONGUE (T.), « Le principe arrêt n° 2/L du 10 octobre 1985, Aff. DADA Balkissou c/
d’égalité en droit de la famille », RIDC, n° 03, vol. 3, 2006, Abdoul KARIM Mohammed, Juris Info n° 8, p. 53, obs. F.
pp. 833-853, spéc. p. 834. ANOUKAHA.
75 80
La définition de la polygamie recèle elle-même les ROCHEFORT (F.) « À propos de la libre-disposition du
germes d’une discrimination à l’égalité. V. DJUIDJE (B.) salaire de la femme mariée, les ambiguïtés d’une loi
« La polygamie en droit camerounais privé camerounais », (1907) », Open editionsjournal, n° 7, 1998, Femmes, dots et
Revue générale de droit, vol. 31, n° 1, 2001, pp. 173-209, patrimoines, p.1, disponible sur
spéc. p.1. <https://doi.org/10.4000/clio1324>, consulté le 05 juin
76
MILLARD (E.), op. cit., p. 13. 2023.
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la constitution du patrimoine des épouses en les différant ; conventionnelle, commence du jour du mariage contracté
tandis que la communauté de l’époux sera affluente à devant l’officier d’état civil : on ne peut stipuler qu’elle
chaque fois qu’une épouse acquerra un immeuble. Le commencera à une autre époque ». Au surplus de ce qui
législateur camerounais tout en admettant l’institution de la précède, s’ajoute la difficulté du parage du régime.
polygamie n’a pas prévu les mécanismes de détermination
et de constitution de la masse des communautés B. La complexification du partage des biens communs
successives. S’il est certain que la communauté existe au
jour de la célébration de chaque mariage, il demeure Lors de la dissolution du mariage polygamique
qu’aucune péréquation n’a été envisagée pour déterminer A la dissolution du mariage polygamique, surgit le
exactement comment se fera la quantification de la part de problème de la détermination des éléments à prendre en
toute épouse sur les biens communs déjà constitués entre le compte pour le partage. La solution retenue ici est celle de
mari et les précédentes épouses ainsi que les suivantes. l’élément temporel qui détermine le commencement de
Bien plus, la non limitation du nombre des épouses chaque communauté vis-à-vis du mari à partir de la date de
complexifie davantage toute entreprise égalitaire. La célébration des mariages successifs. Cette complexification
doctrine soutient d’ailleurs que la polygamie n’est pas une est née de la dénaturalisation substantielle du régime de la
institution de solidarité. Le professeur STANISLAS communauté des meubles et acquêts. D’abord il y a une
MELONE conçoit le mariage polygamique comme un exclusion des biens acquis avant le mariage des
mariage dans des mariages séparés liés à un seul époux : communautés conjugales consécutives, et ensuite la
« les rapports du mari avec chacune de ses épouses sont difficulté d’établir un inventaire des biens existants
constitutifs d’un mariage distinct non susceptible d’être appartenant au mari seul ou avec chacune de ses épouses.
confondu avec les autres. La communauté est donc Cette complexification pose le problème d’un partage
constituée par les biens du mari et ceux de chacune des égalitaire impossible (1) accompagnée d’un partage
femmes et non par les biens du mari et les biens de toutes jurisprudentiel sous condition de participation maladroit
ses femmes ». (2).
L’affaiblissement de l’hypothèque légale de
l’épouse. Dans sa protection catégorielle contre les 1. L’impossible partage par moitié de la quotité
discriminations subies par la femme, la CEDEF fait sienne et du partage égalitaire entre époux
et reconnait toute pratique ou mesure législative qui
engendrerait une discrimination positive en vue de protéger Le principe égalitaire menacé entre les veuves. Le
spécifiquement la femme. L’hypothèque légale participe de Code n’ayant prévu de droit successoral du conjoint
cette mesure spéciale de protection de l’épouse ou de la survivant qu’en considérant qu’il existe un seul et unique
fiancée à l’égard du mari pour ses dots et reprises. L’art. 4 conjoint. Par conséquence, c’est le partage de la quotité
al. 1 de la CEDEF fait mention de ce type de privilège en prévue à l’art. 767 du Code civil s’appliquant dans le
ces termes : « L’adoption par les Etats des mesures mariage monogamique qui s’y opère en l’occurrence, une
spéciales […] visant à instaurer un certain avantage à incongruité donc, mais néanmoins équitable face à
l’égalité entre les hommes et les femmes n’est pas considéré l’indivision successorale. Comment sera partagé la quotité
comme un acte de discrimination ». De l’analyse de cette entre les coépouses survivantes chacune aura-t-elle droit en
disposition, toute prescription légale d’un avantage à totalité à la quotité ou auront-elles chacune une répartition
l’épouse doit être vue comme un acte de protection par moitié ? La solution jurisprudentielle81 du partage par
spéciale. Malheureusement du fait de la pluralité des souche consistant à associer la part des enfants par lit à leur
communautés, la règle de l’hypothèque légale ne sera mère n’est pas une valorisation du droit successoral de la
reconnue de plein droit et de manière complète qu’à la veuve ; mais plutôt un souci d’équité pour la préservation
première épouse. En effet, la loi ne prévoit pas une double des droits successoraux des enfants. Dans cette
hypothèque légale des épouses sur un même immeuble ou configuration, la femme n’hérite pas à proprement pour
ensemble d’immeubles sauf à considérer les épouses elle, mais hérite en vertu et pour le compte de ses enfants,
comme des simples créancières ayant un droit personnel de car un second partage sera opéré dans le même lit. Sur cette
créance contre l’époux. Les droits de la première épouse base, la veuve dépourvue d’enfants aura un droit
étant d’office inscrits pour sa dot et ses reprises, celui des successoral moins important. Cette réflexion du juge
futures épouses ne sauront rétroagir sur une communauté camerounais est une transposition de la solution contenue
qui est appelée à produire non pas des effets présents mais dans le Décret n°2000/684/PM du 13 septembre 2000 fixant
futures. Ces nouvelles hypothèques viendront se grever sur les conditions et modalités d’attribution du capital décès82.
la première et les différentes épouses viendront en
concours. Là alors, et pour la sécurité des épouses, une 81
inscription aux registre des hypothèques devient nécessaire. TIMTCHUENG Moïse, 2008, note sous C.S. arrêt n° 47
L’ordre de priorité diffère selon l’ordre d’inscription si du 8 février 1979, affaire Timamo Chrétien : p. 367.
jamais il n’existe pas d’autres immeubles pour supporter les Madame DJUIDJE pense même que le juge, « crée le droit
nouvelles hypothèques. Seulement, en cas d’insuffisance de en tenant largement compte de l’état social actuel
la valeur de l’unique immeuble, toute nouvelle hypothèque contrairement au législateur qui a tendance à codifier en
sera sans conséquence, ni valeur ; et plus grave, l’épouse regardant les étoiles ». op. cit.
82
n’aura tout simplement pas d’hypothèque. Pour s’en Il s’agit d’une allocation pécuniaire accordée en un seul
convaincre, il suffit de lire les dispositions de l’art. 1399 du versement quels que soient l’origine aux ayants droits du
Code civil : « La communauté soit légale, soit défunt selon les proportions de 1/3 pour les veufs et de 2/3
pour les enfants mineurs légitimes ou reconnus et aux
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L’objectif est d’attribuer à chaque veuve sa part de capital droit coutumier dès lors que86 les parties désirent conserver
décès en fonction de ses enfants même sur les biens à leur égard l’application de leur coutume. Il convient de
communs. Cette solution nous semble injuste dans la retenir qu’il n’est d’aucune utilité pratique pour liquider le
mesure où elle spolie les droits des femmes au profit des régime supplétif mais plutôt organise une sorte d’insécurité
enfants. Un partage par tête et une attribution équitable de pour la femme selon qu’elle peut ou non participer à la
l’usufruit est la solution idoine 83 . Au Sénégal, le droit constitution initiale de la communauté.
successoral de la veuve en cas de polygamie, sera partagé C’est sur cette base que les juridictions modernes
en autant de fraction qu’il y a d’épouses (Articles 609 et ont trouvé l’échappatoire concernant le partage sous
610 du Code sénégalais de la famille). Au Gabon, le condition de participation. Le problème de la liquidation de
conjoint survivant succède en usufruit sur un quart de la la communauté conjugale entre époux polygames est un
masse successorale en présence des descendants, des père et vrai casse-tête, car véritablement son sort dépend du
mère, des frères et sœurs du de cujus. En cas de pluralité de système coutumier qui l’a institué 87 . La genèse de ce
conjoints survivants, le droit de succession reste le même système de partage contenue dans l’arrêt de la Cour
dans sa nature et sa quotité ; entre les différentes épouses Suprême 88 indiquait ceci : « Que la femme a la libre
survivantes, ce droit se partage proportionnellement à la disposition des biens acquis avec les fruits provenant de
durée de l’union avec le défunt (Article 691 du Code civil son activité [et] que, dans ces conditions, est justifiée
gabonais). Nous constatons que le droit successoral dévolu l’attribution de ces biens à l’épouse lors de la dissolution
aux épouses repose sur le principe du partage égalitaire de du mariage, attribution que commandait également
la quotité disponible entre elles, quotité prévue dans le l’application des règles sur l’enrichissement injuste alors
cadre du mariage monogamique, qui octroie un droit qu’aucun régime matrimonial, s’y opposant, n’était
dérisoire à chacune, car le Code Napoléon ne contient pas invoqué ». Il ressort une discrimination entre femmes
de solution particulière à la polygamie salariée et femme ménagère, selon que la première aurait
La liquidation de la communauté entre époux. Au droit au bénéfice de la communauté ; tandis que la seconde
vu de l’existence de la pluralité des communautés que n’aura rien. Dans l’affaire époux Dayas TOKOTO, la Cour
d’épouses vis-à-vis du mari, les tribunaux modernes 84 Suprême formule l’idée suivant : lorsque la femme a exercé
n’appliquent toujours pas le principe égalitaire dans le une profession séparée de celle de son mari, il est fait
partage de la communauté lors de la liquidation du régime. application aux conjoints des règles de droit écrit
L’art. 1474 du Code civil dispose : « Après que tous les concernant la liquidation de la communauté légale : « que
prélèvements des deux époux ont été exécutés sur la masse, dès lors que la femme mariée apporte la preuve d’avoir
le surplus se partage par moitié entre les époux ou ceux qui
les représentent ». En cas de divorce d’avec la première 86
épouse le droit de compensation est supérieur par rapport à L’art. 2 de l’Ordonnance n° 69-DF-544 du 19 décembre
celui-ci des autres épouses, l’idée ici étant de valoriser la 1969 modifiée par le Décret n° 71/DF/607 du 3 décembre
durée du mariage de la première épouse et de sa 1971 fixant organisation judiciaire et la procédure devant
contribution à l’enrichissement de la communauté, pris de les juridictions traditionnelles du Cameroun oriental : « La
la pensée traditionnelle selon laquelle la première femme a compétence de ces juridictions est subordonnée à
toujours eu un statut préférentiel à celui de ses coépouses l’acceptation de toutes les parties en cause. Nonobstant
toutes les dispositions contraires, la juridiction de droit
2. L’application jurisprudentielle du partage sous moderne devient compétente dans le cas où l’une des
condition de participation de la femme parties décline la compétence d’une juridiction de droit
Le principe option de juridiction emporte option de traditionnel ». Le statut constitutionnel de citoyen
législation est en mal d’identité en droit camerounais car, camerounais traine avec lui son identité culturelle. CS, arrêt
d’application devant les juridictions traditionnelles, il est lié n° 19 du 26 mars 1968, Bull. n° 18, pp. 2159-2160 : « Que
au régime supplétif 85 . Au grand dam de la CEDEF, le l’option par les justiciables, régis par les coutumes qui leur
mariage civil célébré par devant l’officier d’état civil et sont propres, des tribunaux civils de droit écrit n’emporte
réglementé par le droit moderne n’échappe à l’emprise du pas ipso facto application du droit écrit à la solution de
leur litige, sauf acceptation expresse de leur part ; qu’en
effet, les tribunaux civils de droit commun, de par leur
plénitude de juridiction, sont habiles à leur à leur appliquer
leur coutume »
87
enfants majeurs poursuivant leurs études ou aux enfants ZAMA (I.), « Jurisdiction of the customary court in the
handicapés nécessiteux award of property on divorce, Ngnitedem Etienne V. Tashi
83
T.G.I de Dschang, Jugement N° 01/CIV/TGI du 08 Lydia (Appeal n° BCA46/86 unreported), judgement
novembre 2004 delivred on March 32, 1988 by Inglis J. », Juridis Info n°
84
C.S., 28 Juill. 1995, arrêt n° 68/L. La discrimination 13, pp. 44 et 45: « Dans le Cameroun anglophone, le sort
s’établit dès le départ par la désignation de l’administrateur de la femme dépend du régime matrimonial, polygamique
de la communauté. C.S., arrêt n°9/civ du 02 avril 2009 : aff. ou monogamique. Si elle était mariée sous le régime
veuve, née Wadja Désirée et autres. Dans cette espèce, polygamique, on le verra au tribunal coutumier où elle
l’une des trois épouses n’a pas vu son fils désigné comme n’obtiendra rien. (…). Les cours de grande instance dans le
coadministrateur. Cameroun anglophone prétendent ne pas avoir de
85
MELONE (S.), « L’option matrimonial au Cameroun », compétence sur les mariages polygamiques qu’elles
RCD, n° 31 et 32, pp. 69 et s ; Commentaire sous CS, arrêt considèrent comme des mariages coutumiers ».
88
n° 64/CC du 16 juillet 1987, Juris info n° 3, spécial p. 99. CS, arrêt n° 138 du 6 juin 1967.
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exercé une profession séparée de celle de son époux, elle


bénéficie d’une présomption de participation des
biens communs » 89 . A cela s’ajoute une autre
discrimination induite par les tribunaux modernes tenant à
la preuve de la participation. La Cour d’Appel de Yaoundé
a jugé dans une espèce que : « […] Mais l’évolution
actuelle de la coutume béti, compte tenu de l’égalité des
sexes selon la constitution fédérale du Cameroun, ne
s’oppose pas à la liquidation des biens au cas où l’épouse
peut établir qu’elle a effectivement contribuer par quelque
manière à l’acquisition des biens de la communauté de fait
existant en principe entre les époux durant le mariage »90.
A notre sens, et conformément à l’esprit de l’art. 1400 du
Code civil, la liquidation devrait se faire entre époux sans
exigence de contribution de l’un ou l’autre des époux du
moment où sa constitution n’a pas tenu compte de cette
exigence. Il nous semble qu’il y a confusion entre
patrimoine propre des époux et communauté légale des
époux. Le patrimoine commun ne connaissant que les
meubles et immeubles ayant été acquis à titre onéreux par
l’un des époux, ce patrimoine devrait être partagé
équitablement entre le nombre des époux en présence et
le mari. L’adoption de la solution de l’art. 767 du code civil
en matière de partage successoral de la communauté entre
les veuves serait idoine. En effet, équitablement, lors de la
dissolution de la communauté du mari d’avec une de ses
épouses, on divisera simplement la consistance de la
communauté par le nombre d’épouses.

En clair, la protection catégorielle voulue par la CEDEF se


réduit à un vœu pieux dans le mariage polygamique puisque
ce dernier en lui-même est une contradiction à cette
Convention. Elle trouve une force d’application certaine
face au patrimoine propre de l’épouse tandis qu’elle fléchit
devant la communauté des époux. Face à la limite du droit
moderne d’organiser ce système d’union, d’essence
coutumière, il est trouvé une pirouette consistant à liquider
la communauté en tenant compte de l’effort de participation
de l’épouse. Toute chose qui rend encore plus alléchante la
recherche de solutions.

89
CS, arrêt n° 30 du 12 janvier 1971.
90
CA de Yaoundé, arrêt n° 306 du 3 février 1971.
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C. Les pistes de solution pour un meilleur


respect du patrimoine de l’épouse 2. L’institution du régime de séparation des biens comme
régime légal dans le mariage polygamique
Ces propositions de solutions sont organisées autour
du droit d’information de l’épouse lors de la célébration du Un devoir légal d’équité. Loin de refouler le
mariage (1) et de l’adoption du régime de séparation des mariage polygamique au rang des renégats législatifs, le
biens comme régime légal (2). moyen juridique simple d’établir une réelle protection
patrimoniale de l’épouse dans le système polygamique est
1. Le droit d’information de l'épouse sur la la reconnaissance du régime de la séparation des biens
portée du régime communautaire comme le régime légal consacré pour le mariage
polygamique. Au Mali, l’option légale du régime
Conformément aux dispositions de l’Ordonnance de matrimonial dans le mariage polygamique est la
1981, l’officier d’état civil, après l’échange de volonté des monogamie. L’art. 388 du Code malien des personnes et de
futurs époux, leur en donne lecture des dispositions des arts. la famille dispose : « le régime de la séparation des biens
212 et svts. du Code civil. Ceci constitue pour les époux, un est le régime légal dans le mariage contractés sous l’option
droit d’information sur leurs droits et obligations découlant de la polygamie ou la monogamie mais les époux qui optent
du mariage. Il serait louable à la même occasion d’instituer pour la monogamie peuvent choisir un régime de
à la charge de l’officier d’état civil, une obligation communauté des biens »94. Celui-ci instaure une obligation
d’information des époux sur la conséquence de d’équité faite au mari dans ses rapports avec ses épouses.
l’application subséquente du régime légal supplétif de Chaque épouse conserve l’administration, la puissance et la
volontés à eux non voulu, mais plutôt imposé par la loi. libre disposition de ses biens sauf stipulation expresse
Qu’il soit ainsi retenu du respect constitutionnel du principe contraire des époux. Ainsi, la preuve du droit de propriété
d’égalité entre époux et du principe d’égalité concurrente sera facile à rapporter par tous moyens admis par la loi, à
sur la cogestion des biens patrimoniaux. Rappelant la défaut de prouver, le bien est censé appartenir
vétusté des dispositions des arts. 1421, 1428 et 2135 du individuellement à chacun par moitié 95 . Cette logique
Code civil et l’application des dispositions de l’art. 16(h) de s’inscrit en droite ligne avec les recommandations de l’art.
la CEDEF le maire rappellera la sanction qu’encourent les 16(h) de la CEDEF en ce que la souveraineté du droit de la
actes abusifs de l’un des époux et du recours juridictionnel propriété de la femme est reconnue du début jusqu’à la fin
en annulation de l’autre. du mariage.
De l’exégèse de la CEDEF, il apparait qu’afin Par ailleurs, les dysfonctionnements observés même
d’empêcher l’abus de l’époux sur les droits patrimoniaux de dans le régime primaire ne pourront surgir au sein du
la femme, elle impose en filigrane un droit d’information de régime de la séparation. L’exemple pris ici est celui de la
la femme sur la nature de ses droits. Loin pour cette contribution aux dettes qui se pose dans les rapports des
Convention d’empêcher le fonctionnement normal du époux entre eux à charge de savoir si la dette sera supportée
couple, elle évite plutôt les actes contradictoires 91 . Ce par le patrimoine commun à due concurrence de proportion
devoir implicitement recherché par la CEDEF a un ou si la dette doit être supporté en totalité par l’un des
fondement moral pour avertir la partie contractante la époux. Dans le régime de la séparation, la question de
moins avertie des risques auxquels elle s’expose. En effet, savoir à qui incombe la charge définitive d’une dette que le
le défaut de recours au notaire pour inventaire et mari aura contracté envers une de ses épouses ne se posera
détermination du patrimoine des époux et du choix d’un pas.
régime particulier, efface, toute possibilité d’information et Aux termes de cette étude, il convient de se faire un avis
d’éclaircissement sur les conséquences juridiques et qui ne sera jamais partagé, une parfaite égalité entre les
économiques liées au choix et au défaut de choix. Cette hommes et les femmes est une course folle à la remise en
possibilité pourrait resurgir devant le maire qui leur cause des fondamentaux de l’humanité et des Saintes
expliquerait la portée concrète de leurs engagements, de écritures que les Droits fondamentaux de l’Homme
leurs droits et obligations92. défendent ardemment. Ramenée au plan du patrimoine
Sur le plan légal, il n’existe aucune obligation commun des époux, cette égalité souffre d’une
d’information de l’officier sur le régime matrimonial, ce discrimination légale qui entretient sciemment la double
devoir appartient au notaire93 existence de deux forme des unions légales : la monogamie

91 94
Cass. 1ère civ., 23 avr. 2003. V. la Loi n° 2011/087 du 30 déc. 2011 portant Code des
92
CASMAN (M.), « La conscientisation des époux quant- personnes et de la famille abrogée par la Loi n° 62-17/AN-
à-leur choix du régime matrimonial et l’obligation RM du 03 Fév. 1962 portant code du mariage et de la
d’information du notaire aggravée par la réforme du droit tutelle.
95
des régimes matrimoniaux », disponible sur : NUDELHOLC (S.), « Gestion égalitaire du patrimoine
<<http://handle.net/2268.2/6949>>, consulté le 23 avril commun par les deux époux et recours des créanciers »
2023. R.J.T., n° 44, 2010, p. 185-203, disponible sur
93
CASMAN (M.), « Les clauses de restriction de la https://www.fao.org/gender-landrights-database/country-
responsabilité et les clauses dites de sécurité dans un acte profiles/listourtries/nationallegalframework/womenproperty
notarié », in Le notaire garant de la sécurité, Bruxelles, Ed. anduserightssinperpersonnallaws/fr/?country-is03=MLF,
Larcier, 2016, pp. 21-56. Consulté le 03 avril 2023.
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et la polygamie. La première forme d’union reflétant une communautés ne se justifiant non pas à l’égard de chacune
apparente égalité s’inscrit dans le sillage de la Convention d’elle, le mari devient le représentant de toutes les
sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard communautés établies à son égard. De la sorte, seuls les
de la femme qui a systématisé le principe de l’égalité de biens propres de la femme sont exclus de l’emprise du mari.
droit sur le patrimoine commun à la formation, pendant et à Par conséquence, les privilèges reconnus à la femme se
la dissolution du mariage. Le substrat de cette égalité est la heurtent à des obstacles tant à la constitution, pendant qu’à
jouissance consentie de tous les actes portant sur le la dissolution du mariage. Pour faire respecter le difficile
patrimoine. Cheval de trois contre les actes abusifs du mari équilibre entre la coutume et la CEDEF, l’on a avancé deux
qui sont désormais sanctionnés par une nullité relative, la solutions. La première assez médiane, essaie de faire
CEDEF abroge toutes les dispositions discriminatoires concilier la polygamie à la CEDEF en instituant une
contraires du Code civil et étend sa protection à l’égard de obligation d’information de l’officier d’état civil à l’égard
la femme jusqu’aux recours des tiers cocontractants du des époux sur les nouvelles conséquences de l’union
mari. Cependant, la deuxième forme d’union révèle d’une polygamique à régime polygamique induites par la CEDEF.
autre paire de manche qui rejette les principes de la La seconde solution tient à l’institution du régime
CEDEF. D’emblée, la faculté accordée à l’homme de séparatiste comme régime légal par défaut du mariage
prendre plusieurs femmes et l’interdiction du contraire polygamique.
imposé à la femme biaise le raisonnement de base de toute
égalité. L’union polygamique admet autant de patrimoines
communs qu’il y a d’épouses à l’égard du mari. Ainsi les

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