Séance 1 - L'etat

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Université de LILLE

I.U.T. Carrières juridiques – Droit constitutionnel


1ère année

Année universitaire 2023-2024 Travaux dirigés de Madame


DEGANDT

Séance n° 1 : L’Etat

I – La formation de l’Etat.

A – L’idée abstraite de l’Etat.

Les conceptions théoriques de l’Etat : philosophique et sociologique.

 Philosophique : elle émane des philosophes des XVIIème et XVIIIème


siècles.

Des philosophes comme Hobbes, avant Rousseau, ont pensé l’organisation


sociale ou le gouvernement, avant de parler d’« Etat », comme un phénomène
contractuel.

L’idée était que les individus devaient consentir à confier à certains d’entre eux,
différents pouvoirs pour que ces derniers se chargent de préserver l’intérêt
général, à travers la sécurité des personnes, la propriété…

Cette concession de pouvoirs devait être formalisée de manière contractuelle,


c’est-à-dire qu’un contrat devait être établi, de manière écrite ou non, entre les
individus et leurs représentants.

Passage de l’état de nature à l’état de société.

Difficulté : l’état de nature des philosophes n’a pas de réalité historique et est
sans fondement anthropologique. Par voie de conséquence, tout raisonnement
qui prend pour point de départ que l’état de nature existe et précède le contrat
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social ou le pacte fondateur, est vicié, parce qu’il repose sur une fiction ou un
mythe.

Reproche commun à faire aux philosophes comme Thomas Hobbes (1588-


1679), John Locke (1632-1704) ou Jean-Jacques Rousseau (1712-1778).

 Sociologique : cette conception de l’Etat le réduit à un phénomène


conflictuel et ne l’appréhende que sous l’angle d’un rapport de force entre
un grand nombre de gouvernés et un petit nombre de gouvernants.

Conception sociologique du Doyen Léon Duguit (1859-1928), reprenant et


remodelant l’explication de l’Etat, issus des théories marxistes (Karl Marx
(1818-1883) et Friedrich Engels (1820-1895).

Théories marxistes de l’Etat : selon ces auteurs, l’Etat n’est que le résultat de la
lutte des classes et de la domination de l’une d’elles – la bourgeoisie – sur
l’autre – le prolétariat -.

Difficulté : ces théories omettent complètement d’envisager la possibilité qu’il


pourrait exister un intérêt général commun – Res publica – qui dépasserait
l’intérêt particulier des gouvernants ou de la classe dominante pour le commun
profit ou bien et dont la sauvegarde et la promotion sont précisément confiées à
l’Etat, qui s’en acquitte tant bien que mal.

 L’approche normative : elle consiste à regarder l’Etat comme un ordre


juridique.

Théorie de Hans Kelsen : L’Etat est un ordre juridique, c’est-à-dire un ensemble


structuré et hiérarchisé de normes, ayant la Constitution à son sommet et
couvrant un territoire et une population donnés, eux-mêmes définis par des
normes juridiques.

Cet ordre juridique institue la contrainte : c’est un ordre de contrainte. Cela veut
dire que l’Etat, dans cette conception, n’a pas d’existence en tant qu’entité
distincte du droit et extérieure à lui.

Difficulté : cette conception de l’Etat n’appartiendrait qu’au monde des idées


(reproche de Maurice Hauriou à Kelsen).

L’Etat, selon Kelsen, apparaît comme un système de normes et de procédures


duquel ont disparu les acteurs politiques.
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L’Etat est une idée qui ne fait pas de place aux hommes et à la politique, c’est-à-
dire à la volonté et au pouvoir. Pourtant, il y a du pouvoir dans l’Etat, pas
uniquement dans les normes ; de la volonté aussi et pas seulement des
compétences attribuées.

Au-delà, même une fois formé, l’Etat ne se réduit pas à un simple


« ordonnancement juridique ou de règles ». L’Etat reste une réalité politique, qui
peut subir des crises (guerre) ou compromettre l’ordre juridique établi
(révolution ou coup d’Etat).

Théorie déconnectée de la réalité des faits sociaux et historiques.

 L’approche institutionnaliste : selon cette approche, l’Etat est une


institution, c’est-à-dire le résultat d’un processus d’institutionnalisation du
pouvoir, qui s’inscrit dans le temps. Cette institutionnalisation est possible
en présence d’un certain degré de développement de la sociabilité : une
différenciation et une spécialisation des fonctions de chacun de ses
membres et la perception, par chacun, d’une distinction à faire entre le
titulaire du pouvoir et le pouvoir lui-même.

L’histoire apprend qu’il est dans la nature de l’homme de vivre en société.

Lorsque s’instaure une vie sociale, apparaissent en même temps une répartition
des tâches et une spécialisation des fonctions, en même temps d’un phénomène
de pouvoir.

Le pouvoir est de nature politique, parce qu’il a pour objet et pour finalité de
contribuer à satisfaire les besoins élémentaires de survie du groupe concerné et
des individus qui le composent.

Selon Georges Burdeau, l’institutionnalisation du pouvoir est « l’opération


juridique par laquelle le pouvoir politique est transféré de la personne des
gouvernants à une entité abstraite : l’Etat », c’est-à-dire une entité pensée
abstraitement mais qui se manifeste concrètement à travers les organes par
lesquels le pouvoir se rend sensible, c’est-à-dire perceptible par les sens (coup
de sifflet de l’agent…).

L’effet juridique de cette opération qu’est l’institutionnalisation du pouvoir, est


la création de l’Etat en tant que support permanent du pouvoir, indépendant de la
personne éphémère des gouvernants.
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Cette opération d’institutionnalisation est parfaitement réussie lorsque


l’institution créée, l’Etat, se révèle non seulement stable dans le temps, mais
aussi suscite l’adhésion des gouvernés. L’Etat est alors – intellectuellement –
perçu comme une authentique personne juridique, distincte de la personne
physique des gouvernants. C’est sa première caractéristique juridique.

La définition juridique de l’Etat.

Par l’institutionnalisation, l’Etat devient une entité distincte de la personne


physique des gouvernants, une entité pensée et voulue comme telle, qui leur
préexiste et leur survit.

Mais cette institution qu’est l’Etat, est elle-même dotée de la plénitude des
attributs reconnus par le droit à toute personne juridique (un « être de droit »,
selon Carré de Malberg), distincte de celle des gouvernants.

C’est la personnalité juridique, à laquelle s’adjoint une spécificité propre


parmi toutes les autres personnes juridiques : la souveraineté.

 La personnalité de l’Etat :

La personnalité juridique reconnue à l’Etat est particulière : c’est une personne


morale (// physique) de droit public.

La personnalité morale est reconnue à certains groupements humains (ex. :


société civile ou commerciale, association, syndicat, parti politique…), afin de
leur attribuer une volonté propre et des intérêts spécifiques à protéger, distincts
de celle et de ceux de ses membres – personnes physiques -.

De ce point de vue, l’Etat apparaît comme une construction juridique destinée à


prendre en charge de façon permanente les intérêts communs à une population,
par-delà les intérêts individuels de chacune des personnes physiques composant
cette population et indépendamment des personnes physiques (les gouvernants)
qui veulent et agissent en son nom.

C’est au nom de l’Etat qui a une existence juridique grâce à sa personnalité


juridique propre, que les gouvernants en tant qu’organes de l’Etat, reçoivent
leurs compétences, c’est-à-dire leur titre juridique pour agir en son nom.
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Et le pouvoir que ces gouvernants détiennent est attaché à leur fonction et non à
leur personne.

Pour autant, à la différence d’autres personnes morales comme les associations,


les partis politiques…, l’Etat est une personne morale de droit public, seul en
charge de l’intérêt général, de la res publica – la chose publique ou commune à
tous – qui s’oppose à la res privatae – chose privée -.

Il n’est pas, pour autant, la seule personne morale de droit public : les
collectivités territoriales (communes, départements, régions) ou les
établissements publics (hôpitaux, lycées, universités…) sont aussi en charge
d’un intérêt général, mais en l’occurrence, subordonné, local ou spécial, avec un
objet plus restreint.

L’intérêt général supérieur protégé par l’Etat devient l’intérêt national lorsque la
population de l’Etat constitue une nation.

Les autres personnes morales de droit public n’existent que par la volonté de
l’Etat à laquelle elles restent subordonnées.

Seconde caractéristique de l’Etat : la souveraineté.

 La souveraineté de l’Etat : la souveraineté, c’est la capacité concrète de


décider face à une situation, et face à une situation d’exception.

Elle doit être pensée comme une liberté ou un ensemble indivis de droits
imputés à l’Etat (Olivier BEAUD).

Ces droits sont les droits régaliens (cf. roi ou souverain et droits régaliens) ou
des compétences de souveraineté : le pouvoir de donner ou de casser la loi, de
lever l’impôt, d’émettre la monnaie, de déclarer la guerre ou de conclure la paix,
de juger en dernier ressort ceux qui sont accusés d’avoir transgressé la loi.

La souveraineté, en quoi consiste la puissance de l’Etat, a deux aspects :


« la souveraineté externe, c’est-à-dire l’absence de toute subordination vis-à-vis
des gouvernants étrangers et la souveraineté interne, consistant en ce que par
rapport aux groupements ou aux individus établis sur son territoire, l’Etat
possède une autorité libre qu’aucune autre puissance ne restreint ou ne
conditionne » (Julien LAFERRIERE).
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- souveraineté interne : c’est le fait pour l’Etat d’exercer un pouvoir qui n’est pas
concurrencé à l’intérieur du territoire sur lequel il est assis par des puissances
qui lui disputeraient son autorité.

Cas de l’Etat monarchique qui s’est affirmé en France, avec l’autorité de l’Etat
incarné – physiquement – dans la personne du roi s’imposant aux féodaux.

- souveraineté externe : indépendance ! Il s’agit de l’indépendance juridique, de


l’absence de tout lien de subordination (organique, formelle ou fonctionnelle) et
de l’indépendance politique, ce qui permet à l’Etat d’être maître chez soi et au
peuple de garder la maîtrise de son destin.

Quid du principe d’ingérence ou du droit d’ingérence humanitaire ?


Interventionnisme au nom des droits de l’Homme ?

B – La réalité concrète de l’Etat.

Un territoire circonscrit : il n’existe pas d’Etat hors sol. Le territoire est


donc une condition concrète d’existence de l’Etat.

Point de départ : le roi est un chef de guerre devenu propriétaire de territoires


qu’il a conquis ou soumis. Le royaume est conçu comme un domaine et le
territoire sur lequel son pouvoir s’exerce.

La notion de propriété l’emporte sur celle de souveraineté qui n’apparaîtra


qu’avec l’institutionnalisation du pouvoir.

L’existence de frontières conditionne également l’existence de l’Etat lui-même


et le limite dans l’espace : frontières naturelles (rivage, fleuve, ligne de crête) ou
artificielles.

Une population sédentarisée.

L’existence d’une population sédentarisée est la condition de possibilité d’un


Etat : une population nomade, non fixée sur un territoire délimité ne peut se
doter d’un Etat.
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Au-delà de la sédentarisation, se pose la question de la population elle-même et


de son contenu : il s’agira de l’ensemble des hommes et des femmes vivant sur
le territoire d’un Etat, soumis la puissance publique qui s’exerce sur ce territoire.

Cela comprendra les ressortissants de l’Etat (ceux qui en possèdent la


nationalité) et les étrangers séjournant régulièrement sur le territoire de l’Etat.

Il existe deux cas de figure :

 une population homogène : coïncidence Etat-Nation.

Notion de Nation ?

- Conception allemande : la nation ethnique, qui favorise les liens du sang et la


communauté de langue (Strauss, Mommsen, Fichte).

- Conception française : la nation civique, sur laquelle se fonde la République


(Fustel de Coulanges, Renan). Conception volontariste, volonté de vivre
ensemble. Conception agrégative et non, exclusive.

!!! Il n’y a pas toujours de coïncidence d’un Etat et d’une Nation :


exemples :

- les Kurdes disséminés dans au moins quatre pays (Irak, Syrie, Turquie ou
Iran),

- une même Nation peut être partagée entre deux Etats, avec une vocation de
réunification : dans le passé, Allemagne ou Vietnam, aujourd’hui, Corée…

 une population hétérogène : non-coïncidence Etat-Nation.

Exemple de l’Etat non national : fréquent en Afrique, où la persistance de


rivalités ethniques, voire tribales, empêche la formation d’une nation. Structure
étatique « plaquée ».

La prégnance des appartenances ethniques est un obstacle à la création d’une


nation civique. Absence de projet politique partagé et d’une histoire commune.

Exemple de l’Etat pluri-national : Etat composé de plusieurs nationalités,


souvent constitué à la suite d’une conquête impériale. Cohabitation des
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nationalités sans fusion. Empire colonial ou exemple des anciens pays de l’Est,
sous influence soviétique.

La population de l’Etat, selon qu’elle est homogène ou hétérogène, est une


condition de la stabilité de celui-ci et de sa pérennité.

Une puissance publique.

« L’Etat n’est perceptible en droit que dans la mesure où il exerce sa


puissance. » (KOUBI et ROMI). Autrement dit, un Etat qui ne parvient pas ou
plus à exercer et au besoin à imposer sa puissance à tous, dont l’autorité n’est
pas respectée par tous, n’est plus un Etat.

L’idée sous-jacente est qu’en exerçant sa puissance, l’Etat rend les arbitrages
nécessaires pour faire prévaloir l’intérêt général dont il est en charge, au-dessus
et parfois à l’encontre des intérêts particuliers.

Cette puissance s’exerce dans l’intérêt général. C’est la puissance publique sans
laquelle l’Etat est privé de gouvernement et la société, de direction.

Eléments constitutifs de la puissance publique :

- Une puissance normative et coercitive : L’Etat est le seul à posséder le pouvoir


d’édicter les règles ou normes générales et initiales qui commandent la vie en
société : lois = normes ni conditionnées, ni subordonnées, sauf à la loi suprême
(Constitution).

L’Etat est doté du pouvoir normatif général et initial : ainsi, si les collectivités
territoriales peuvent édicter des normes, leur pouvoir n’est pas initial et il n’est
exercé que par délégation, c’est-à-dire en vertu d’une compétence donnée par
l’Etat et dans le respect des règles édictées par l’Etat.

A côté du pouvoir normatif, l’Etat est doté du pouvoir coercitif, c’est-à-dire le


pouvoir de contraindre, au besoin par la force, ceux qui refusent de respecter les
règles qu’il édicte.

Max Weber : « L’Etat revendique avec succès le monopole de » la violence


physique légitime ».
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Expression de la puissance publique coercitive : le recours à la force publique et


à la contrainte par corps (qui désigne toutes les mesures privatives de liberté).

- Une puissance exclusive et effective : L’Etat n’est véritablement constitué que


si la puissance publique qui le caractérise, s’impose sans être contestée par des
puissances concurrentes aux services d’intérêts privés, catégoriels ou
individuels.

Sa puissance doit aussi être effective : exemple : en cas d’invasion ou


d’annexion dans le contexte d’un conflit armé. Si le gouvernement est en exil, la
population et le territoire échappent à l’autorité de l’Etat.

II – La forme de l’Etat.

Il existe, pour l’Etat, plusieurs manières d’« être », d’articuler le pouvoir entre le
centre et la périphérie :

- la forme qui correspond à l’Etat-Nation : le modèle unitaire ;


- la forme plus récente de l’Etat régional ;
- la forme fédérative (l’Etat composé).

A – Le modèle unitaire.

Le modèle de l’Etat unitaire, c’est le modèle français. Il répond au


principe d’invisibilité, devenu, en France, la base constitutionnelle de l’Etat
unitaire.

Article 1

La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité
devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte
toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.

La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions
électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales.

Triple unité : du pouvoir législatif, du peuple et du territoire.


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- L’unité du pouvoir législatif : L’Etat unitaire est tel que sur son territoire
n’existe qu’une seule organisation juridique et politique dotée des attributs de la
souveraineté, dont le premier d’entre eux : celui de « donner et de casser la loi »
(Jean BODIN).

1. Un centralisme législatif exclusif de tout pouvoir normatif autonome


infranational.

Le centralisme législatif ou normatif est destiné à garantir la prééminence


normative des autorités de l’Etat, à la fois politiques ou constitutionnelles
(gouvernement, parlement, juridictions) et administratives.

Cette prééminence est exclusive pour ce qui est de la fonction législative, mais
elle n’exclut pas pour autant l’exercice de certaines compétences normatives aux
différents niveaux infranationaux, notamment celui des collectivités territoriales,
mais par délégation et sur le fondement précis d’une loi.

Ce pouvoir normatif infranational ou local est toujours subordonné au pouvoir


central.

Article 72

Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions,
les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. Toute
autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de
plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa.

Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des
compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon.

Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils
élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences.

Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions
essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les
collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le
règlement l'a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux
dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences.

Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque
l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi
peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur
action commune.

Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'Etat, représentant de


chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle
administratif et du respect des lois.
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2. Un contrôle administratif et/ou juridictionnel effectif exercé par le


pouvoir central.

Historiquement, contrôle administratif par le représentant de l’Etat dans la


province, puis le département, avant l’instauration d’un contrôle juridictionnel
confié aux juridictions administratives.

Passage avec les lois de décentralisation d’un contrôle administratif, dit de


« tutelle administrative », consistant en un contrôle de la légalité et de
l’opportunité des actes des collectivités locales, à un contrôle juridictionnel de
légalité, via le déféré préfectoral (contrôle de la seule légalité, a posteriori).

Contrôle limitant la tentation des collectivités territoriales d’étendre leurs


pouvoirs, leur propension à augmenter les dépenses ou les taxes locales.

- L’unité du peuple : L’unité du peuple repose, dans la tradition du droit public


français, sur son indivisibilité organique, notamment dans sa représentation, et
sur la laïcité.

L’Etat laïc signifie qu’il n’est pas confessionnel et qu’il n’accorde pas de valeur
officielle à une ou plusieurs confessions, ni qu’il prive de certains droits ou
soumet à certaines obligations les citoyens d’autres confessions ou sans religion.

L’Etat laïc signifie également qu’il ne reconnaît pas une religion, religion d’Etat.

!!! Attention : c’est l’Etat qui est laïc, pas la société ! Certains auteurs
affirment même que c’est la République française qui est laïque et non, la
France, en tant que personne, qui serait catholique, au moins par tradition
historique.

Dans une république, « la société politique repose sur ce que ses membres ont
en commun, c’est-à-dire leur qualité de citoyen » (G. MARCOU). Elle n’est pas
un assemblage de groupes identitaires qui mettent en avant ce qui les différencie
pour s’en prévaloir en toute occasion.

Les différences ou particularités ne disparaissent pas ; elles sont dépassées ou


transcendées par la conception universaliste de la citoyenneté.

La liberté l’emporte sur les particularités qui relèvent de la sphère privée et non
publique, et avec la liberté, l’égalité politique.
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Voir, en ce sens, C.C. déc. N° 91-290 DC, 9 mai 1991, Statut de la Corse, Rec.
p. 50 : le Conseil Constitutionnel y déclare que la Constitution « ne connaît que
le peuple français composé de tous les citoyens français sans distinction
d’origine, de race ou de religion. »
Dans une décision du 15 juin 1999 (Charte européenne des langues régionales
ou minoritaires, n° 99-512 DC, Rec.), le Conseil Constitutionnel est allé plus
loin en évoquant le principe de l’unicité du peuple français (et non plus
seulement, le principe d’unité).

Cette conception, à l’opposé de conception étrangères, privilégie l’universalité


des citoyens associés et unis par le seul lien civique (et non, comme une
juxtaposition de minorités multiples).

Dans cette conception, il n’y a pas de minorités desquelles les individus seraient
à jamais prisonniers : il n’y a que des citoyens libres et égaux en droit et qui ne
se différencient les uns des autres qu’à raison de leurs mérites respectifs :

Art. 6. La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir
personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous,
soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont
également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans
autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. (D.D.H.C. 1789).

Regarder les êtres humains comme des individus seulement qualifiés par des
appartenances particulières, plutôt que comme des citoyens, est une approche
régressive et liberticide, qui conduit à les enfermer dans des groupes clos, voire
rivaux, dont ils demeurent captifs. C’est la résurrection de la tribu, au détriment
de la nation, communauté de citoyens.

D’où la reconnaissance du principe de l’unicité du peuple français, principe


constitutionnel de droit positif et principe constitutif de la République.

- L’unité du territoire : Le caractère unitaire de l’Etat a vocation à préserver son


intégrité territoriale à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, qui, au besoin,
doivent être défendues.

L’uniformité des structures territoriales : à l’exception des territoires d’outre-


mer, les structures territoriales, qu’il s’agisse des circonscriptions
administratives, simples découpages administratifs, dans le cadre de la
déconcentration, ou des collectivités territoriales dotées de la personnalité
juridique, dans le cadre de la décentralisation, sont a priori soumises au respect
du principe de « l’identité institutionnelle ».
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L’uniformité du droit applicable : ce qui préserve l’indivisibilité de la


République, c’est, en premier lieu, l’unité du pouvoir normatif national exercé,
selon la répartition des compétences résultant de la Constitution, soit par le
Parlement (pouvoir législatif), soit par le Gouvernement (pouvoir
réglementaire).

Pour autant, avec la révision constitutionnelle de 2003 (loi constitutionnelle n°


2003-276 du 28 mars 2003, modifiant substantiellement le titre XII de la
Constitution sur les collectivités territoriales), sous prétexte de décentralisation,
c’est une régionalisation que les gouvernants tentent de mettre en place, au motif
de proximité et de subsidiarité.

L’idée de proximité se fonde sur la prétendue nécessité de rapprocher le pouvoir


des citoyens ou le cadre territorial au niveau duquel la décision est prise du lieu
où elle a vocation à produire ses effets.

L’idée de subsidiarité cherche, elle, à donner aux collectivités territoriales infra-


nationales une compétence de principe pour ne réserver au niveau étatique
qu’une compétence résiduelle.

Vrai ou faux procès ? Négation du rôle de l’Etat en charge de l’intérêt général ?


Pertinence de l’argument de proximité, quand nombre de décisions se prennent à
présent au niveau européen ou ailleurs ?

Rapprochement du modèle français du modèle régional ?

B – L’Etat régional.

L’Etat régional ou Etat autonomique ou des autonomies territoriales


(exemple : Espagne) est parfois présenté comme une forme intermédiaire entre
le modèle unitaire français et l’Etat fédéral. Il est aussi souvent une forme
transitoire en chemin vers un Etat fédéral.

Plus qu’un modèle en soi, l’Etat régional est davantage une forme hybride, dont
l’ordre étatique originellement unitaire s’érode ou se désagrège
progressivement.

Il est dit régional parce qu’il organise la territorialisation du pouvoir, non pas
selon le principe de la régionalisation administrative qui n’instaure aucune
compétence normative autonome au profit des régions, mais selon celui de la
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régionalisation politique, qui permet l’existence d’un pouvoir législatif


autonome propre à chaque région.

Ce système conduit à une dualité des sources normatives.

1. Les conditions de l’autonomie régionale.


Exemple italien : Constitution italienne de 1947 : choix des constituants, en
réaction au régime fasciste de l’entre-deux guerres et de la Seconde Guerre
mondiale et au centralisme du XIXème siècle.

Ce mode d’organisation tient compte de la spécificité du pays et de sa récente


unité, datant des années 1860-1870, avec de nombreuses spécificités régionales.

La Constitution autorise donc les régions à adopter des normes législatives, à


condition qu’elles ne soient contraires ni à l’intérêt national, ni à celui des autres
régions.

Particularité supplémentaire : le pays compte 5 régions à statut spécial et 15 à


statut ordinaire.

Les régions à statut spécial disposent d’un pouvoir législatif plus étendu :
compétence primaire et exclusive :

- Primaire = ce pouvoir législatif n’est pas limité par les principes fondamentaux
posés par les lois de l’Etat et l’énumération des compétences régionales listées à
l’article 117. Ainsi, chaque région à statut spécial peut étendre le champ de ses
compétences ;

- Exclusive = ces régions peuvent légiférer dans des domaines (agriculture,


forêts, urbanisme) qui sont totalement soustraits à la compétence du législateur
national.

Les régions à statut ordinaire ont un pouvoir législatif attribué et conditionné :

- Attribué = elles ne peuvent intervenir que dans le cadre des matières


énumérées à l’article 117 de la Constitution ;

- Conditionné = elles ne peuvent exercer les compétences qu’une fois validée la


consistance précise de ces compétences qui ne sont que vaguement définies par
l’article 117.
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Exemple espagnol : filiation de l’éphémère République espagnole de 1931.


Constitution du Royaume d’Espagne de 1978, inspirée partiellement du modèle
italien.

Art. 146 de la Constitution : droit spécifique à accéder à l’autonomie régionale,


en lien avec l’histoire du pays (unité politique en 1469, mais forts
particularismes locaux hérités de la division de l’Espagne en plusieurs royaumes
distincts (Andalousie, Aragon, Asturies, Catalogne, Castille…).
Procédure constitutionnelle de création de communautés autonomes, à leur
propre initiative selon différentes procédures détaillées dans la Constitution.

Trois communautés historiques : Catalogne, Galice et pays basque, déjà


bénéficiaires d’un statut d’autonomie dont elles s’étaient pourvues par
référendum, avant la guerre civile.

Une 4ème – Andalousie – créée aux termes d’une procédure contraignante (art.
151-1 de la Constitution).

Ces 4 communautés ont une organisation institutionnelle prévue par la


Constitution, avec une assemblée législative et un conseil de gouvernement,
responsable devant l’assemblée.

A côté de ces 4 premières communautés existent des communautés de « second


rang », dotées d’une autonomie moins prononcée, mais avec une organisation
institutionnelle semblable.

Au total, il existe 17 communautés au sein du royaume.

La répartition des compétences entre l’Etat et les communautés autonomes se


fait de manière originale :

- certaines (32) sont réservées en propre à l’Etat,


- d’autres (22) sont attribuées aux communautés autonomes, pour autant que leur
statut le prévoie.

Enfin, une « clause résiduelle » (art. 149-3) prévoit que les matières non
énumérées par la Constitution, mais revendiquées par le statut d’une
communauté, lui sont attribuées. De même, il existe une possibilité résiduelle de
transfert d’une compétence étatique aux communautés autonomes (art. 150-1).

A l’inverse, lorsque l’intérêt général l’exige, l’Etat est autorisé à légiférer sans
tenir compte des compétences attribuées aux communautés autonomes ou
revendiquées par elles. Les lois votées à cette occasion doivent l’être à la
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majorité absolue des deux chambres (Cortes generales et Sénat). L’idée est
d’harmoniser un tant soit peu les législations des différentes communautés, afin
de garantir l’unité nationale.

2. Les garanties de l’unité nationale.

L’unité nationale reste un principe de base des deux Etats et est rappelée
par leur Constitution :

- art. 5 de la Constitution italienne : « La République une et indivisible,


reconnaît et favorise les autonomies locales. » ;

- art. 2 de la Constitution espagnole : « La Constitution est fondée sur l’unité


indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les
Espagnols. »

Coexistence du précepte d’unité nationale et de la large autonomie des régions,


nécessitant l’instauration d’un mécanisme d’arbitrage en cas de conflits
d’intérêts entre le niveau régional et le niveau national.

Exemple italien : Le système italien privilégie un contrôle administratif : exercé


par un Commissaire du Gouvernement, autorité nationale déconcentrée en
charge des intérêts de l’Etat, il est identique quelle que soit la région autonome
concernée.

Toute loi régionale adoptée est communiquée au Commissaire, qui peut la


renvoyer aux autorités locales pour une nouvelle délibération, si elle excède les
compétences régionales définies par la Constitution.

Si à l’issue d’une nouvelle délibération, la loi est confirmée, le Gouvernement


peut alors, soit saisir la Cour constitutionnelle (problème de répartition des
compétences), soit le Parlement italien (conflit d’intérêts entre la région
concernée et l’Etat ou d’autres régions).

Exemple espagnol : Dans le système espagnol, le rôle du Tribunal


constitutionnel est prépondérant : il est compétent pour statuer sur les litiges
pouvant survenir entre l’Etat et les communautés autonomes (équivalent de la
Cour suprême des Etats-Unis).
17

Modèles à l’apparence formelle unitaire, mais logique fonctionnelle fédérale (ou


unitarisme constitutionnel et fédéralisme législatif).

C – L’Etat fédéral.

1. Le fédéralisme inter-étatique : la confédération et les unions d’Etats.

> L’union d’Etats : se présente comme une forme ancienne d’Etat composé ou
complexe. Il s’agit de l’association de plusieurs Etats (deux, le plus souvent),
placés sous l’autorité de la même tête couronnée ou du même souverain.

- Union personnelle (réunion de deux Etats qui, au hasard de lois successorales


et en application d’un principe dynastique, se sont trouvés liés sous l’autorité
d’un même monarque, seul organe commun aux deux Etats). Exemples :
Angleterre et province de Hanovre ou Royaume des Pays-Bas et Grand-Duché
du Luxembourg.

- Union réelle : forme plus élaborée, parce qu’union volontaire de deux Etats.
Institutions communes, mais « habillage juridique » dissimulant mal la
dominance d’un Etat sur l’autre… Exemples : union austro-hongroise jusqu’en
1918 ou union de la Pologne et de la Lituanie, Norvège et Suède, Islande et
Danemark…

Forme aujourd’hui disparue !

> Confédération d’Etats : Organisation de coopération internationale


particulière au sein de la catégorie générique des organisations internationales
permanentes : « Ce n’est qu’une société entre Etats qui se sont unis pour gérer
en commun certaines affaires auxquelles ils se sont intéressés d’une façon
commune. » (Carré de MALBERG).

Fondée sur un traité international.

Dans une confédération, chaque Etat membre garde la maîtrise de ses


compétences propres ; il reste souverain.

Possibilité de limitation de la souveraineté en renonçant à la faculté de décider


seul, mais pas abandon de souveraineté.
18

Fréquemment, stade préalable à la formation d’un véritable Etat fédéral. Passage


d’un fédéralisme inter-étatique à un fédéralisme intra-étatique. Naissance d’un
Etat nouveau intégrant les Etats originellement indépendants et se superposant à
eux. Exemples : Suisse et Pays-Bas. Etats-Unis ?

2. Le fédéralisme intra-étatique : la notion d’Etat fédéral.

L’Etat fédéral est la forme la plus aboutie du phénomène fédératif. Il est


en quelque sorte un super-Etat, fondé sur une Constitution fédérale, qui intègre
des Etats fédérés, mais qui ne sont plus des Etats, au sens général du terme,
comme sujets de droit international public. Ils ne gardent de l’Etat que
l’apparence et le nom et sur la scène internationale n’existe plus que l’Etat
fédéral.

- Les principes juridiques de l’organisation de l’Etat fédéral.

Ces principes ont été exposés lors de la naissance du premier Etat fédéral du
genre – les Etats-Unis – par les pères fondateurs (Founding fathers), notamment
Alexander Hamilton, John Jay et James Madison.

Dans cet Etat fédéral sont appelés à coexister à deux niveaux différents des
entités également qualifiées d’Etats.

Cette superposition emporte immédiatement une conséquence : la domination de


l’Etat fédéral – seul souverain – sur les Etats fédérés – Etats non souverains,
disposant cependant de la puissance de commandement sur leur territoire, sans
les attributs de la souveraineté.

Deux principes directeurs :

 L’autonomie : l’Etat fédéré a cessé d’être indépendant, mais demeure


autonome. Il dispose ainsi d’une autonomie constitutionnelle lui
permettant de jouir d’une certaine liberté d’auto-organisation et d’une
autonomie législative lui permettant de disposer d’une législation propre.

L’autonomie constitutionnelle est prévue par la Constitution de l’Etat


fédéré, qui se dote de ses propres pouvoirs constitués calqués sur ceux de
l’Etat fédéral : un pouvoir exécutif (aux Etats-Unis, un gouverneur), des
représentants siégeant dans un parlement et des juridictions. S’y ajoute
19

éventuellement une force publique, sous la forme d’une police propre à


l’Etat fédéré, coexistant avec celle de l’Etat fédéral.

L’autonomie législative garantie par une clé de répartition des


compétences, définie par la Constitution fédérale. Deux cas de figure
possibles : les Etats fédérés sont investis d’une compétence de principe,
tandis que l’Etat fédéral ne se voit conférer que des compétences
d’attribution limitativement énumérées dans le texte de la Constitution
fédérale, lesquelles restent essentielles (diplomatie, défense, monnaie,
commerce international…). Cas des Etats-Unis et le plus répandu. Plus
rarement, situation inverse : l’Etat fédéral a les compétences de principe et
les Etats fédérés des compétences d’attribution.

 La participation : l’Etat fédéré participe en tant que tel au processus


législatif fédéral, mais aussi au processus constitutionnel fédéral.

La participation au pouvoir législatif fédéral : système de représentation


des Etats fédérés, le plus souvent dans un système de parlement fédéral
bicaméral (deux chambres) : une chambre au prorata de la population de
chaque Etat fédéré (ex. : la Chambre des Représentants aux Etats-Unis) et
l’autre, sur une base égalitaire, représentant les Etats fédérés en tant que
tels (aux Etats-Unis, le Sénat, avec deux sénateurs par Etat).

La participation au pouvoir constituant fédéral : participation au pouvoir


de révision de la Constitution. Aux Etats-Unis, initiative du Congrès
(Chambre des Représentants + Sénat) par un vote à la majorité des 2/3 et
ratification votée à la majorité des ¾.

- La condition politique de la réalisation de l’Etat fédéral.

Le fédéralisme américain est un fédéralisme national, comme celui de


l’Allemagne ou de la Suisse. Il ne s’agissait pas d’unir des nations
différentes dans un Etat fédéral superposé à elles.

Le choix fédéral, aux Etats-Unis ou en Australie, a tenu aussi à


l’immensité du territoire : la forme retenue est adaptée à l’étendue de
l’espace à couvrir.

Sujets de dissertation :
20

1. La notion d’Etat.
2. Comparez Etat unitaire et Etat composé.

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