Expose 2nde D
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MINISTERE DES ENSEIGNEMENTS SECONDAIRE, TECHNIQUE ET DE
LA FORMATION PROFESSIONNELLE
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COLLEGE D’ENSEIGNEMENT GENERAL BETEROU
THEME
LA DEPIGMENTATION
I. GENERALITE
1. Définition
2. Différentes appellations « synonymes »
II. Histoire de la dépigmentation
III. Les causes de la dépigmentation
IV. Différentes considérations de la dépigmentation
volontaire
V. Différents produits/molécules utilisés pour la
dépigmentation volontaire
VI. Pratiques et modalités de la dépigmentation
VII. Les conséquences de la dépigmentation
VIII. Approches de solutions
CONCLUSION
INTRODUCTION
Le phénomène de la dépigmentation dans notre pays, même s’il n’est pas aussi vieux
que le monde, se pratique depuis plusieurs années. La dépigmentation est l’éclaircissement de
la peau ou blanchiment de la peau par réduction de la mélanine à l’aide des produits chimiques
utilisés pour couvrir des tâches pour modifier le teint pour des raisons esthétiques. Ces derniers
sont utilisés par voie topique ou par voie générale (injectable le plus souvent). Cette pratique
est retrouvée pratiquement sur tous les continents avec des fréquences variables. Les
prévalences les plus élevées sont observées en Afrique subsaharienne et en Asie. Dans une
étude menée par Peltzer K. et al (2017), la prévalence globale de la dépigmentation dans plus
d’une trentaine de pays était de 24,5%. Elle variait selon les pays, allant de 0% en Turquie à
83,8% en Thaïlande. Plusieurs termes locaux désignent la dépigmentation : Akonti au Togo,
Dorot au Niger et au Burkina Faso, Bojou au Bénin, Kobwakana ou Kopakola au Congo. Au
Mali, la dépigmentation est connue sous le nom de tcha-tcho, et au Sénégal, sous celui de
« xeesal, qui dériverait du mot arabe signifiant décapage. Initialement considérée comme un
phénomène de mode au début des années 1970, cette pratique est devenue au fil du temps un
véritable modèle esthétique chez de nombreuses Africaines et Africains, dont l’impact socio-
économique et sanitaire est considérable. En Afrique sub-saharienne, la Dépigmentation a
longtemps fait l’objet de stigmatisation, en particulier par les mouvements intellectuels qui
voyaient dans cette pratique un complexe d’infériorité vis-à-vis de la peau dite « blanche » du
colonisateur. Pourtant, certaines études montrent que la principale motivation des acteurs était
d’ordre esthétique (Mahé et al. 2004 ; Ly et al. 2007). En effet, la clarté de la peau ainsi que les
rondeurs du corps font partie des canons de beauté de la femme noire africaine. A ce jour,
aucune campagne de sensibilisation n’a été couronnée d’une baisse de la fréquence de cette
pratique. En effet, à Dakar, la fréquence hospitalière des complications dermatologiques de la
dépigmentation a connu une hausse entre 2003 et 2017 (Hanen M’rabet, 2017). Ces campagnes
de sensibilisation restent principalement axées sur l’information, l’éducation et la
communication. Ces dernières, de par leur fréquence, leur morbidité, la mortalité qu’elles
engendrent et leur impact économique constituent un enjeu de santé publique. Après un bref
rappel de la définition et des différentes appellations de la dépigmentation, nous parlerons de
l’histoire de la dépigmentation, ces causes, ensuite nous nous intéresserons aux différentes
considérations volontaires de ce phénomène avec les différents produits utilisés, et enfin, nous
procéderons à une analyse des pratiques, modalités, et conséquences de ce phénomène afin
d’exposer des approches de solutions.
I. GENERALITE
1. Définition
La Dépigmentation peut être définie comme l’absence ou la perte du pigment.
Le Pigment étant une substance de la peau produite par l’organisme doué d’un
pouvoir élevé. Il est destiné à donner une coloration superficielle au support
qu’est la peau.
La Peau a essentiellement pour fonction la protection du corps contre l’entrée
de l’eau et des microbes. Elle protège également contre les frottements, les
chocs, les agents chimiques. Ensuite, elle régule la température (lutte contre la
chaleur par la sudation ; contre le froid grâce aux poils et à la graisse) et agit
comme un organe auxiliaire de la respiration et de l’excrétion et comme une
réserve de graisse et enfin produit de la vitamine D à l’aide du soleil.
La Dépigmentation Volontaire (DV) est définie comme l’ensemble des
procédés visant à obtenir un éclaircissement volontaire de la peau naturelle par
l’utilisation des produits dépigmentant à visée cosmétique.
La Dépigmentation Cosmétique Volontaire (DCV), encore appelée
dépigmentation artificielle, peut être définie comme l’ensemble des procédés
visant à obtenir un éclaircissement de la peau dite « noire » par l’utilisation à
visée cosmétique de produits dont les propriétés dépigmentantes sont clairement
établies. Ces derniers sont utilisés par voie topique ou par voie générale
(injectable le plus souvent).
Au Sénégal : « Xhessal » « Leeral » (mot d’origine arabe désignant une terre argileuse que les
femmes arabes emploient au hammam pour nettoyer l’épiderme).
Au Mali : « Tcha-tcho »
Au Gabon : « Ambi »
Au Congo : « maquillage »
Au Rwanda: « kwitukuza »
Au Comores : « Pandalao »
Sur le plan historique, il est intéressant de signaler que la dépigmentation de la peau est
une pratique très ancienne qui remonte à l’antiquité. Durant cette période, des femmes
originaires d’une partie de l’Europe, de la Méditerranée et de l’Asie utilisaient des produits
éclaircissants (Ly et al., 2012). Paradoxalement, à cette époque en Egypte, la peau noire
symbolisait la beauté et la représentation du Noir ne se faisait pas par les présumés attributs que
seraient le ridicule ou la laideur (Diop,1987). Cette tendance s’est inversée lors des contacts
entre l’Europe et l’Afrique. Ainsi, Pol Gossiaux en reprenant Sméralda (2002) considère qu’il
a existé une hiérarchie des « races » et des cultures dans laquelle figurait, au bas de l’échelle,
l’homme noir. De son côté, la civilisation musulmane a également été marquée par la
connotation dépréciative de la peau noire, comme l’ont mis en exergue des poètes noirs des
VIIe et VIIIe siècles. Toutefois, le premier muezzin de l’histoire de l’Islam fut un Noir, et cet
argument est souvent avancé pour démontrer l’égalité entre les différentes races et il est utilisé
tant par les femmes qui utilisent les produits dépigmentant, que par celles qui refusent la
dépigmentation (Ly et al., 2006, 2008). Actuellement, avec les avancées de la biologie en
général et de la génétique moléculaire en particulier, la notion de race est reléguée aux
oubliettes, aussi bien par les biologistes que par les anthropologues. En effet, le déchiffrement
du génome humain établit l’unité de l’homme (avec une similitude du patrimoine génétique de
tous les humains équivalent à 99,9%). Cette similitude génétique de tous les hommes peut
mener à une remise en cause des idées tenaces sur la différence raciale. Sur le plan esthétique,
depuis les Lumières, le Blanc semble avoir été associé au beau, contrairement à ce qu’il en a
été du Noir, qui s’est vu affublé de tous les termes péjoratifs imaginables. Cette stigmatisation
systématique et unilatérale a eu un impact négatif sur l’inconscient de nombre de Noirs, qui ont
intériorisé le préjugé racial, et ce que Bonniol a appelé la « cascade du mépris » (Bonniol, 1995).
Pourtant, des auteurs tels que Diop et Snowden (1987) ont montré que les représentations
positives associées au Noir ont prévalu en Afrique précoloniale. En effet, rappelons que dans
l’Afrique précoloniale, la peau noire et lustrée était signe et symbole de beauté, le teint sombre
ou lustré était considéré comme un signe de beauté en Afrique. Le renversement de valeurs
opéré dans les canons esthétiques serait lié au processus colonial, avec notamment l’érection de
nouvelles classes sociales, le métissage et la hiérarchisation des couleurs de la peau qui s’en est
suivi. Il est intéressant de citer en exemple les « signares » de St Louis et de Gorée au Sénégal
qui symbolisait la beauté en partie pour la clarté de la peau pour les métisses. Let le préjugé
portant sur la couleur sombre de la peau aurait été renforcé par les Noirs eux-mêmes, avec
comme conséquence majeure la dévalorisation de leur propre image. Partant de là, Frantz Fanon
évoque, la thèse de « malédiction corporelle » et prédit la mise au point d’un sérum de
dénégrification : « Depuis quelques années, des laboratoires ont projeté de découvrir un sérum
de dénégrification ; des laboratoires, le plus sérieusement du monde, ont rincé leurs éprouvettes,
réglé leurs balances et entamé des recherches qui permettront aux malheureux nègres de se
blanchir et ainsi de ne plus supporter le poids de cette malédiction corporelle ». Ce texte de
Fanon est paru en 1952, mais c’est en 2016 que la presse en ligne relayait une information, peu
crédible du reste, qui rapportait la découverte par un laboratoire russe d’une technique qui
permettait aux Noirs de se défaire de la couche noire de leur peau. Cette information, fondée
ou non, témoigne du malaise provoqué par le phénomène de la dépigmentation et relance le
vieux débat concernant ce que Fanon stigmatisait en termes de « honte de la peau noire »
(Ondongo, 1989). Partant de ce postulat, la plupart des mouvements intellectuels « noirs » ont
stigmatisé la pratique de la dépigmentation cosmétique assimilée à une pratique qui trahit un
complexe d’infériorité vis à vis de la peau blanche de l’ancien colonisateur. Des mouvements
comme celui de la Négritude, mais aussi plusieurs auteurs africains, ont repris à leur compte la
thèse du complexe d’infériorité. Pour Memmi (1957), « la première tentative du colonisé est de
changer de condition en changeant de peau ». Il voit dans la pratique de la dépigmentation « le
complexe d’infériorité du colonisé, dont les sentiments vont de la honte à la haine de soi » ainsi
qu’il le décrit dans son Portrait du Colonisé. Selon lui, la négrophobie du Nègre s’observerait
dans la propension qu’ont les négresses à se défriser les cheveux et à s’éclaircir la peau pour
« blanchir un peu » (Dlova et al., 2015). Quant à Ndri Kouassi (2016), il considère que cette
pratique s’apparente à une négation de soi et au renoncement de ses caractéristiques
morphologiques. Très peu de données sont disponibles sur l’historique de la dépigmentation,
les débuts de ce phénomène, tel qu’il est connu actuellement se situerait en 1951, en Afrique
du Sud (Dlova, 2015). Dans ce pays en proie à l’apartheid, le commerce des produits
dépigmentants qui s’est développé concomitamment, s’est révélé très lucratif. À partir du milieu
des années 1970, le gouvernement commença à règlementer les ingrédients actifs contenus dans
la fabrication des produits qui servaient à cet usage, interdisant d’abord le mercure ammoniacal
et, plus tard, limitant le taux d’hydroquinone autorisé à 2%. Au cours des années 1980,
l’opposition aux agents servant au blanchiment de la peau devint un corollaire du mouvement
antiapartheid ; les professionnels de la santé et les activistes de la Conscience noire réclamant
leur interdiction complète, pour des raisons à la fois sanitaires et politiques. En 1990, la
réglementation sud-africaine interdit l’utilisation d’hydroquinone dans la fabrication des
cosmétiques. D’ailleurs, l’Afrique du Sud est devenu le premier - et est toujours le seul - pays
au monde à interdire la publicité des éclaircissants et des messages contenant des mots tels que
blanchir ou éclaircir (Westerhof, 1997). C’est sans doute dans ce contexte que la
dépigmentation a été interprétée comme un complexe d’infériorité vis à vis de la peau blanche
et une tentative d’uniformisation des « races » (Ondongo, 1989). Dans d’autres pays
francophones comme anglophones d’Afrique subsaharienne, l’usage de produits dépigmentant
remonterait aux années 1970. A titre indicatif, il est rapporté au Sénégal une mesure
gouvernementale qui encourageait la répression et la stigmatisation des femmes dépigmentées.
Les causes de la dépigmentation ne sauraient être univoques. Ainsi, plusieurs théories sont
développées pour tenter d’expliquer le phénomène de la dépigmentation de la peau noire. On
évoque le plus souvent un certain complexe (« mon teint noir d’origine ne me plait pas »), la
mode ou le mimétisme (« je veux ressembler à ceux qui sont beaux ; beaucoup de gens le
font »). (Bilé, 2010)
Au Congo, comme pour des milliers de Noirs, outre les attributs traditionnels comme
l’habillement et les traits réguliers et naturels du visage, l’acquisition d’une peau claire
constitue un critère de beauté et de propreté (« je me dépigmente pour être plus beau et donc
moins noir » « pour séduire, car le teint clair est un critère de beauté, chez nous les
congolais») (M'bemba-Ndoumba, 2004). Certaines personnes justifient leur pratique par un
pseudo-traitement médical pour éliminer les boutons ou l’acné sur la peau. Ce qui les pousse à utiliser
des médicaments à base de cortisone. Ces produits sont souvent mélangés avec d’autres de fabrication
artisanale (M'bemba-Ndoumba, 2004).
D’une part les tenants de la théorie raciale qui stipulent que cette pratique relève d’un
complexe d’infériorité des adeptes, et d’autre part, ceux qui voient dans cette pratique un
phénomène de mode, qui s’inscrit dans une logique esthétique. Les motivations recueillies
auprès de la majorité des adeptes de la dépigmentation sont d’ordre esthétique, un mimétisme
est également retrouvé pour obéir aux normes esthétiques véhiculées par la société. Ainsi, la
clarté de la peau est très appréciée contrairement à la blancheur de la peau qui n’attire que très
peu d’adeptes de la dépigmentation. A notre connaissance, il n’a été rapporté que de manière
exceptionnelle un attrait pour la peau blanche pour justifier cette pratique. La dépigmentation
est souvent pratiquée par les femmes parce que leur compagnon les y encourage. Ainsi, il n’est
pas rare de rencontrer des femmes dont la source du financement de l’achat des produits pour
le « bodjou » provient de leur mari ou leur copain. Les principales motivations déclarées par
les femmes adeptes de la dépigmentation montrent qu’elles se situent dans une logique
esthétique. En effet, au cours d’une enquête qualitative menée à Dakar en 2006, l’analyse du
corpus révélait que la femme sénégalaise construit son identité féminine sur la beauté et les rites
du paraître. Pour illustrer les résultats de cette étude (Ly et al., 2006), voici certains propos
recueillis auprès des femmes interrogées: celles-ci déclaraient de manière unanime que la
femme est associée à la beauté, et affirmaient également que si les femmes se dépigmentent
c’est pour « se rendre belles ». Ici, la peau comme enveloppe corporelle naturelle semble
occuper une place de choix. Le fait de s’enduire le corps d’un produit (crème, onguent), qu’il
contienne ou pas des composés éclaircissants, suppose que la femme consacre du temps à sa
personne au moins une fois par jour ; qu’elle dispose du temps pour le faire ; qu’elle prenne le
temps de se masser ; d’avoir ce geste récursif par lequel elle connaît ses formes, sa silhouette,
sa peau, et peut ainsi contrôler sa beauté. Il est intéressant de resituer l’objet « peau » dans cette
logique d’esthétique. Les femmes s’intéressent à leur peau au même titre qu’elles se coiffent,
se maquillent, se parfument et s’habillent. C’est dans cette dynamique qu’un grand nombre
d’entre elles entreprennent un travail sur leur peau et en arrivent à la dépigmentation cosmétique
volontaire. Elles rationalisent leur pratique, à l’instar de cette participante au focus group :
« …tout ce qu’une femme peut faire pour être belle, n’est pas illicite. C’est pourquoi les femmes
utilisent des mèches [pour allonger les cheveux] et font du Xeesal ». Notons ici les nombreux
bouleversements sociaux intervenus pour ériger la peau claire en norme esthétique La qualité
de la peau répond à un certain nombre de caractéristiques qui positionnent la femme selon une
norme de beauté : clarté de la peau, embonpoint. Les femmes interviewées définissent la peau
par son teint, terme qui vaut aussi pour sa « couleur » (claire), son aspect et sa luminosité.
L’homogénéité du teint, son élasticité et sa consistance sont autant de caractéristiques que la
femme prend en compte dans les critères de beauté de la peau. Dans cette logique, la
dépigmentation artificielle devient un outil d’apparat dans une société où se développe de plus
en plus le culte de l’apparence (Amadieu). Il apparaît ici une certaine « liberté de choix» des
femmes qui s’adonnent à la dépigmentation cosmétique. Juliette Sméralda voit dans cette liberté
de choix le « prolongement d’un système de domination occidentale relayée par une esthétique
exogène inspirée des canons occidentaux ». Ce qui semble paradoxal, c’est que la plupart de
ces femmes, surtout celles originaires des banlieues, recherchent une silhouette aux formes
rebondies, contraire aux canons occidentaux, s’habillent de manière quasi exclusive avec des
tenues traditionnelles. Notons que la teinte initiale de la peau ne conditionne pas nécessairement
le passage à la dépigmentation. Ainsi, dans une étude quantitative menée en 2006 dans un
service de dermatologie, les auteurs avaient trouvé que parmi les femmes qui utilisaient des
produits dépigmentant, le teint initial était variable : noir dans 41.5% des cas, clair dans 32.9%,
et intermédiaire dans 25.6% (Ly et al., 2008). Le désir de modifier le teint initial est souvent un
motif d’initiation de la pratique : « Moi j’étais trop noire, pour me rendre belle et avoir un teint
clair, je me suis enduit le corps qui a commencé à s’éclaircir. Alors les gens me disaient : « Tu
es devenue très belle ». Mon intention était de m’éclaircir un peu ». Malgré la clarté naturelle
de la peau, certaines femmes n’hésitent pas à recourir à l’usage des produits dépigmentants.
Socio-anthropologiques :
Psychologiques :
o Addiction,
o Perception dévalorisante de la peau noire. L’Occident associe le noir au deuil, au
démon et à l’au-delà ; il est opposé à la couleur blanche qui symbolise la lumière, la
pureté et la virginité.
o Complexe d’infériorité vis-à-vis de la peau blanche
Esthétiques :
Trois principaux types de produits sont couramment utilisés au cours de la DCV : les
dermocorticoïdes quelle que soit la classe, les composés phénoliques dont principalement
l’hydroquinone et les dérivés mercuriels (Marchand et al., 1976 ; Findlay et al., 1975 ; Traoré
et al., 2005). Il s’agit souvent de produits à usage médical, mais disponibles dans plusieurs
points de vente non pharmaceutiques de certains pays africains. Pour rester dans les normes
internationales de concentration autorisées, les fabricants de ces produits inscrivent parfois sur
les étiquettes de fausses concentrations de principes actifs. Les différents produits sont utilisés
pour la pratique de la dépigmentation, notamment : l’hydroquinone et ses dérivés, les
corticoïdes (dermocorticoïdes, les dérivés mercuriels, les acides de fruits... et depuis peu le
Glutathion. Bien que d’usage minoritaire, les produits caustiques sont aussi utilisés. Ils sont
préparés artisanalement à partir de produits de l’environnement domestique (liquide vaisselle,
dentifrice, défrisants, cristaux de soude, ciment, acide de batterie etc.). Les préparations
concoctées par les esthéticiennes sont aussi très souvent utilisées. Ces différents produits sont
utilisés sous forme d’applications, d’injections ou de gaz. Sur le plan sociologique toutes les
catégories de femmes utilisent ces types de produits qu’elles soient instruites ou pas. Le
phénomène est fortement associé au lieu résidence (urbain versus rural); les femmes et filles en
milieu urbain étant plus exposées aux phénomènes de modes et aux publicités. Ainsi, dans les
grandes villes des pays en Afrique au sud du Sahara, des séries de télévision ayant pour cible
les femmes sont sponsorisées officiellement par les produits de beauté, comme les matchs de
football (dont les hommes sont la cible prioritaire) sont sponsorisés à la télévision par les
marques de bière. Cet état de fait montre l’ampleur du problème dans nos sociétés et la prise en
compte des besoins de consommation par les industries de cosmétiques. Par ailleurs, dans les
pays du Nord certaines firmes cosmétiques ont intégré ces besoins spécifiques des femmes
noires en fabriquant des produits pour éclaircir la peau avec des produits non toxiques sans
hydroquinone et sans corticoïde. Ces produits sont disponibles dans les pharmacies et
parapharmacies dans les rubriques pudiquement nommées « peau ethnique » ou « peau
foncée », « peau mate », « produits exotiques ». Ce genre de produits fabriqués au Nord pour
orienter la consommation des femmes noires entretient une forme d’aliénation de la population
noire.
Les complications survenant lors de la DCV peuvent être cutanées ou systémiques. Les
complications cutanées sont des affections induites ou aggravées par la DCV et présentes chez
60% à 96% des utilisateurs de produits de cosmétiques dépigmentant en Afrique subsaharienne
(Sylla et al., 1994 ; Pitche et al., 1998 ; Nnoruka et al., 2006). Ces complications sont fonctions
du type de produit utilisé ; leur fréquence et leur gravité variant d’une étude à l’autre. Il s’agit
des hyperpigmentations localisées. L’utilisation de produits cosmétiques dépigmentants à base
de corticoïde peut être à l’origine de survenue de troubles trophiques (vergetures, atrophie de
la peau, avec une peau mince se pliant comme un papier de cigarette). Des cas cancers cutanés
ont été rapportés chez des femmes pratiquant la DA au Sénégal et au Mali (Ly et al., 2010 ;
Faye et al., 2017). En dehors des complications cutanées qui sont les plus fréquentes il a été
documenté la survenue des complications systémiques au cours de la dépigmentation comme
le diabète et l’hypertension ont été documentés au cours de la DCV (Akakpo et al., 2016). Les
complications de la DCV malgré leurs connaissances par les utilisatrices et parfois par la
population générale n’empêchent pas certaines femmes de continuer cette pratique car les effets
recherchés sur le court terme semblent être leurs priorités (comme les fumeurs de cigarettes qui
connaissent l’effet délétère du tabac à long terme mais préfèrent le plaisir du court terme). Mais
ces complications constituent un des leviers importants pour les associations de consommateurs
et le personnel soignant pour sensibiliser la population afin de réduire cette pratique dans les
pays africains notamment à moyen et long terme. Une bonne proportion des pratiquantes de la
DV est consciente des effets nocifs de la DV sur leur santé et malgré cela elles continuent plus
que jamais cette pratique. Les différentes complications observées sont ainsi classées :
Quelques images montrant des effets indésirables liés à l’utilisation des produits
dépigmentants contenants des corticoïdes ou del’hydroquinone sur la peau noire.
Coloration grise bleutée Décoloration des ongles et (Pseudo-)ochronose exogène
du pavillon del’oreille hyperpigmentation des facesdorsales après
lors d’ochronose après des articulations interphalangiennes par utilisation de l’hydroquinone
utilisation de utilisation de l’hydroquinone (Morand et (Morandet al., 2007)
l’hydroquinone (Morand al., 2007).
et al., 2007) et al., 2007)
CONCLUSION
La dépigmentation est une pratique retrouvée pratiquement sur tous les continents et
intéressant presque tous les phototypes. Il est un fait qu’elle est très répandue en Afrique
subsaharienne. Les produits utilisés sont variables et le circuit de production et de vente n’est
pas bien réglementé. Son coût économique ainsi que son impact sur la santé physique et mentale
constituent une entrave certaine aux objectifs de développement durable, d’où la nécessité
d’une prévention. Cette prévention devra s’articuler autour de différents axes, basée sur les
motivations déclarées, et impliquer les pouvoirs publics qui sont incontournables mais surtout
privilégier une approche transdisciplinaire socio-anthropologique. Cette approche inclusive
globale et intégrée à l’échelle sous régionale voire mondiale serait un gage de réussite des
politiques de prévention.