Archives D'histoire Du Moyen Age (E. Gilson) - 1935-1936
Archives D'histoire Du Moyen Age (E. Gilson) - 1935-1936
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MOYEN AGE
DIRIGÉESPAR
TEXTE tNÉBtT
PARIS
LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J.VRIN
6, PLACE DE LA. SORBONNE (V<)
1936
LIBRAIRIE J. VRIN,,6, place de la- Sorbonne, PARIS (V~
Volumes parus
PARIS
LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J. VRIN
sition fut tenace dans le monde des théologiens contre ces sciences
séculières il fallait résister à ce rationalisme, La méthode
grammaticale pour lire la Bible provoqua en son temps les mêmes
anathèmes qu'au xx" siècle la méthode historique.
Mais enfin il fallait bien la lire, la Bible, déchiffrer ses mots
humains, rendre raison de ses images, puisque, en définitive,
parlant à des hommes et pour se faire comprendre, Dieu s'était
accommodé de leur langage Les protestataires ne pouvaient avoir
raison, et bientôt de ces « artistes (maîtres ès arts) trop osés
la théologie se fit des alliés. Le texte sacré s'entoura de gloses, où
la raison théologique déposa ses premiers fruits comme en de ré-
sistantes alvéoles.
Une autre famille d'« artistes )' étaient d'ailleurs au travail,
qui à travers les mots discutaient des idées, et jugeaient de leur
ajustement, voire de leur vérité. Troisième branche du trivium,
la dialectique, plus tard venue, se développa rapidement, à Paris
surtout où Abélard entraîna les esprits vers cette « séductrice
On sait combien la protestation des théologiens fut violente, jus-
qu'à la lutte ouverte. De fait, la dialectique était envahissante,
et les grammairiens eux-mêmes, disons les lettrés, s'alarmèrent
des prétentions universelles de la nouvelle discipline. Pierre de
Blois (seconde moitié du xu° siècle) regrette que les étudiants
« convolent de suite aux arguties des logiciens et à la subtilité
pernicieuse de la dialectique )). Un trouvère du xnf sièctp. Henri
d'A~ideli, chante en une épopée allégorique « la bataille des sept
arts », où l'on voit Orléans, la cité des humanistes, soutenir
l'assaut des dialecticiens de Paris Les « modistes » décortiquent
alors dans leurs traités De modis significandi toutes les formes du
discours, bloquant en leur technique grammaire et logique, et
construisant avec leurs schèmes dialectiques une théorie du lan-
gage, une « grammaire spéculative », où l'alliance des deux dis-
'Cf.Ch.TH~ttuT,Kp.c<<pp.l]7-U8,148.
Guillaume D'Auvi~c~E, De t'!f<u;;b[;s, c. 11. Et plus loin « (;/rc<t
~Mmma~t'caHf! reptant, se in reb~s payu~n uh'itbus occupantes. »
R. FISHACRE,Sententie, pro!. « Sed fateor, mirabile est de quibusdam
/tod;e qui tam de<ee<<ïfttur in amplexibus r!<;s ped/sseguc, quod non curant
de domina, guamt'!s sit !'ne.!<!m<ï&!<s pu~crt<ud!'nf.< ~t; sunt qui, vix
ct;n! caligant ocu< a secularibus sc!'en<t!s, hoc est a smu anct~arum avel-
<ttn<Mr, et tunc amplexibus domine se o//er; cf<n) p/'e seneclute gox'rore
t!f~t;f'urtf.))(Ms.Brit.Mus., lO.R.YU.f.Sr.~
8 ARCHIVES
D'HISTOIRE ET LITTÉRAIRE
DOCTRINALE DUMOYEN
ÂGE
question
Ma enuntiabilia Socratem currere, ef Socratem cucurisse, <-<Socratem
fore cursurum, non dt~erunt nisi secundum diversam consignificationem
temporis. Sed d[M?'sa consignificatio non tollit identitatem nornt'nt.s idem
enim nomen dicitur esse per omnes casus et in singulari et );< p!uroh
numéro. Ergo etiam praedicta tria enuntiabilia sunt idem <'n<ff)<;a&f<c.
[Voila la grammaire. Et voici la logique Sed si unum norum semel sit
t'pruM, semper oportct quod a~quod eorum sit t'e/'um quia t'' xc'ne~ est
vc/'um quod Socrates currit, prius e;'at re7'um ~Hod Socrates curret. <'<postea
<f't fc;'Hn~ qttod Socrates cucurrit. Br~o si enuntiabile a~uod .<ffnc; est
t'e;'u;n, semper erit fo'nnt
7,<<('p~cN)('<dc/a</ieoy'«'
~denda est eorum positio et ratio positionis. Fuerunt qui dixerurtt qond
oibHS, a!ba, album, cum sint tres voces et tres habeant modos si~oificandi,
tamen, quia eandem signiScationem important, sunt unum nomen. Per
hune modum dixerunt quod unitas enuntiabilis accipienda est non ex parte
vocis vel modi significandi, sed rei significatae sed una res est, quae primo
est futura, deinde praesens, tertio praeterita ergo enuntiare rem
hanc primo esse futuram, deinde praesentem, tertio praeteritam, non faciet
diversitatem enuntiabilium, sed vocum. [Et, après un autre argument :]
Quia, retenta eadem significatione, enuntiabile semper est verum, et non est
idem nisi cum eadem significatio retinetur, ideo dixerunt quod illud quod
semel est verum. semper est vërum.
Et hoc modo solvit Magister. Et ista fuit opinio fVom:naHum. qui dicfi
sunt Nominales quia fundabant positionem suam super nominis unitatem.
Dans
la Somme théologique (7" P<H' q. 14, a. 15, ad les
gu:dam sont explicitement désignés « Antiqui NoM)LXAt.s dt'.rc-
?'unË idem esse enuntiabile Christum nasci, et esse nasciturum,
et esse natum. »
Nous pouvons suivre à la trace cette théorie en remontant
le cours du xiu", puis du xn* siècle.
Dicimus quod eadem est Mes, idest de eisdem, secundum omncs, vel,
secundum illos qui dicunt quod res sunt articuli, eadem fides. Et similiter
secundum Nominales fGodefroid DE PomERS. SHm/na, .s. BrnKPs 220.
f. 76) 1.
Cité par A. LA~nnnAF, dans une recension de 7'7<eo!. Rer., 1928, co). 4-)5.
(.H\M.\t.\]HE);TTHÉOt.OG!KAL!XX!r'KTXni''StÈCI.ES 13
Et possunt inducere pro se opinionem .Vom~M~'um, qui dicunt quori
istud argumentum non valet. sic f)uod non sint nisi iste tres voces albus,
alba. a!bum. Omne nomen est hec vox a)hus. sed omnis vox est nomen,
ere'o omnis vox est hec vox atbus. quod f.ihnm est. CRoIand Dr CREMO~n,
.~(;mni(!. Ms. Paris, Maxarine 79.5. foi. 17.
Ue scientia [divina] enuntiabilmni non est \erum, quia secundum
7<<n~ cum Deus incipit scire aliquod enuntiabile, desinit scire ejus contra-
dictorie oppositum. Sed secundum .Vominct~M qui dicunt quod semé! est
Ycl'um seniper erit verum, Deus nihil incipit vel desinit scire. Et hoc magis
conL-0!()a[ Augustino et .\iagistro in Sententiis. (Guillaume d'AL-xt;HR)',
.<tmf),!ib.I,c.9,(;u.2:cd.Pigouchet.f.22<)
Si (licas, sicut dicunt Aonu'M(!f<'s, quia quod semel est yerum semper
crit \erum, secundum eos dicendum erit quod Habraham credidit Christum
e>'(' natum. et quod Habraham non credidit Christum esse nasciturum,
quin Christum esse nasciturum secundum eos semper fuit faisum.
..)'Ht:vosTt\, Summa theol., Ms. Rruges 237. fol. ~2'' Paris. Kat. lat., 14.52<)
f'f.34')
Posset dici secundum opinioltem Aomt'nu~'ufn. quod Abraam num-
quam credidit Christum esse venturum, nam Christum esse venturum est
ipsum modo esse venturum, quod non credidit Abraam. ('Pierre DE CAPOL'K.
.rfima. !\[s. Munich, Staatsbib).. lat. 14.508, M. 39.)
<husontce'A'o//)!;)ay<s? a
l Sur cette théorie du verbe, cf. Ch. TtnmoT, op. cit., pp. 182-183. Voir
plus bas, p. 20. Un tel problème, notons-le, reste posé encore aujourd'hui
en philosophie du langage. Cf. G. Gun.i,ATjME, jfmmaneftce et transcendance
dans la catégorie du verbe, dans Journal de Psychologie, XXX (1933),
pp. 355 et ss.
GRAMMA]RE
ET THÉOLOGIEAUXXU° ET Xin" StÈCt.ES 15
sciebat Deus hune creandum postquam creatus est, scit eum creatum. Nec
est hoc scire diversa, sed idem omnino de mundi creatione. »
La même solution est adoptée pour la question exactement p.ira))c)p
« Utrum Deus semper possit omne quod potuit », ibid., dist. 44, c. 2. MVerh.i
enim diversorum temporum, diversis prolata temporibus et diversis adiun<
ta adverbiis, eundem faciunt sensum. »
Quoique très tôt critiqué, ce point ne figure pas dans la liste fournie
par saint Bonaventure des « positiones in quibus communiter doctores Pari-
sienses non sequuntur Magistrum », J~t Il Sent., d. 44, dub. 3 (éd. Qunracchi.
II, p. 1016). C'est cependant à ce moment que la théorie de l'unité séman-
tique du verbe est communément rejetée cf. SA!T THOMAS,/n j" Scnf.. d. 41,
q. 1, a. 5 « Ab omnibus modernis conceditur quod sunt duo diversa enun-
tiabilia. H Evidemment elle figure dans le catatogue des 26 propositions.
établi vers 1300. Cf. édition critique de Pierre Lombard, Quaracchi, 1916.
Pro!e~omenc[, pp. m et Lxxvm.
=' C'est un mot de SAt.vr AfccsTtN, In Joan. tr. 45. n. 9 (P. L. 35. 1722~.
GRAMMAIRE
ET THÉOLOGIEAUXXI~ ET XIU" SIÈCLES 19
connaissance de Dieu (res divina), parce que la variété successive
de ses formulaires (enun<ta!)[Ha) à travers les âges ne trouble pas
l'unité sémantique de son expression même. Les formulaires ne
sont que les véhicules d'une perception réelle, qui seule a valeur,
et seule donc assure l'immutabilité de la foi.
Pendant longtemps ces deux applications de la théorie gram-
maticale eurent cours chez les théologiens pour fixer le rapport
d'une proposition à la réalité qu'elle exprime fenu~aMe-re.s'),
quoique très tôt Pierre de Poitiers, dès avant 1175, ait eu à défen-
dre son maître le Lombard contre la malveillance de ses adver-
saires « Nec insultet aliquis huic solutioni donec intellexerit,
ne po<:us ex odio et :'nrec<one quam ex animi judicio mdeatu?'
quod dtc~um est con~emnere » Mais ce n'est pas le lieu de suivre
les péripéties de cette histoire dans l'un ou l'autre des problèmes
de la science de Dieu et de l'immutabilité de la foi c'est la
méthode qui nous intéresse, c'est-à-dire l'éviction des grammai-
riens, qui va se faire grâce à une théorie de la connaissance et à
un juste discernement du rôle du sujet pensant dans les procédés
de signification, en logique premièrement, mais aussi en gram-
maire. Témoignage menu, mais révélateur, de la pénétration dé-
cisive de la philosophie aristotélicienne la psychologie de la
signification – mots et concepts dans les premiers cha-
pitres du Peri Herrneneias va porter son fruit et, en théologie,
à la dialectique grammaticale se substitue l'appareil de toute une
philosophie.
C'est en effet par une référence au Philosophe que tour à tour
saint Albert le Grand, saint Bonaventure, saint Thomas" enta-
habilement exploité, mais qui n'a évidemment pas chez son auteur la portée
technique qu'on lui attribue de par cette spéculation grammaticale.
Pierre DE POITIERS, Sent., lib. I, c. 14 P. L., 211, 849.
Pour le second problème, l'immutabilité de la foi, on trouvera cette
histoire dans Contribution à l'histoire du traité de la foi. Commenfa;re his-
torique de 7~ 7~, q. 1, a. 2, dans .Wë~an~es thomistes, 2" éd., Paris, 193.5,
pp. 123-140.
Jean de Salisbury est le témoin qualifié et clairvoyant de ce rôle d'Aris-
tote, et très précisément par rapport aux théories grammaticales en cours
Voces enim primo significativas, id est sermones incomplexos, de grama-
tici manu accipiens, differentias et vires eorum diligenter exposuit, ut ad
complexionem enuntiationum et inveniendi judicandique scientiam facilius
accedant », Metal., lib. 11, c. 16. Jean de Salisbury connait évidemment
mieux le nouvel Aristote que Bernard de Chartres.
ALBERTLE GRAND, 1 Sent., d. 41, a. 6 SAINTBoNAVt-~TL'RL.7~ 1 Sent..
d. 41, a. 2, q. 2 SAINTTHOMAS,/n 7 Sent., d 41, q. 1, a..5 et Quodl. IV, a. 17.
20 ET LITTÉRAIREDU MOYENÂGE
ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRINALE
SAtXTTn<h\)AS.Of<.d).!p.~eFer..r[.Y,.).j)'jst)~p()i)tnL
22 ARCHIVES
D'HISTOIRE
DOCTRINALE
ET LITTERAIRE
DUMOYEN
AGE
'BËLAnD,7'heo<.c/);'tS<tib.IV;P. L..173.~8.~n.
~)'Hts(;tKi\.Gram~<ca.H,c..5.
24 ARCHIVES
D'HISTOIRE
DOCTRINALE
ET LITTERAIRE
DUMOYEN
ÂGE
Cette théorie est élaborée par les grammairiens sur la base (le BoËCE.
De interpretatione, et en concordance avec les textes d'A.MSTOTE (Catë~
début du Peri Herm.). On trouvera un résumé de cette élaboration gram-
maticale dans TETjROT, op. cit., pp. 149-164, avec de nombreux extraits
(insuffisamment distingués dans leur progrès chronologique). Voir en par-
ticulier l'exposé de Michel de Marbaix (xm" siècle), où le thème général est
exploité et modifié par une critique philosophique développée « Duo
sunt modi essentiales ipsius nominis, sicut dicunt nostri doctores gra-
matice, scil. modus significandi substantie sive quietis vel habitus sive
permanentis, quod idem est, et modus significandi qualitatis sive
determinati vel distincti, quod similiter idem est. Primo ergo osten-
ditur quod modus significandi substantie vel permanentis sit eius modus
significandi et hoc specialiter patet ex dictis antiquorum sane tamen intel-
lectis, quia ipsi communiter in hoc consentiunt et dicunt quod ipsum nomen
significat substantiam. Quod sine dubio non est intelligendum de substan-
tia vera existente in predicamento ipsius substantie. Non enim nomen, unde
nomen est, significat huiusmodi substantiam veram. Propter quod intelli-
gendum est ipsum nomen substantiam significare pro tanto quod ipsum
significat quidquid significat, sive fuerit substantia sive accidens sive habitus
sive privatio sive motus sive transmutatio, sub modo essendi vel proprietate
permanentis sive habitus sive quietis, qui quidem est modus substantie, eo
quod quidquid permanet per naturam substantie permanet. Secundo simi-
liter ostenditur quod modus significandi vel determinati vel dis-
qualitatis
tincti, quod idem est, sit modus significandi eiusdem nominis. » (loc. cit.,
pp. 16&-162).
GRAMMAIRE
ET THÉOLOGIEAUXXII" ET XIIIe SIÈCLES 25
Les logiciens du xir' siècle doublèrent d'expressions propres
à leur discipline le vocabulaire des grammairiens et distin-
guèrent dans le nom !e suppositum qui répond à la substantia de
Priscien, et le s!n!caht~ qui répond à qualitas. Ce à quoi est
appliqué la dénomination, c'est le suppositum, ce par quoi vaut
la dénomination, c'est le significatum. « Duo sunt aMendenda in
nomine, scil. /oryn6[ sive ratio a gua imponitur, c< illud cui impo-
nitur et haec vocantur a quibusdam significatum et suppositum,
a grammaticis autem vocantur qualitas e~ substantia o
Nous voici tout proches de l'analyse philosophique,
avec les risques d'un passage indu de la logique, toute con-
ceptuelle, à l'ontologie, imprégnée de réalisme. Le vocabulaire
de Boëce introduit cette métaphysique, d'inspiration aristo-
télicienne une réalité quelconque se décompose en quod
est et guo est, c'est-à-dire que, en tout être qui n'est pas
par soi, il y a composition quod est désigne le sujet
même qui a telle forme ou qualité (à commencer par la
/or/T!K essendi), quo est désigne cette forme par quoi le sujet est
tel (ou est simplement). Ainsi /:omo et humaf::fos. Le nom con-
cret signifie en gno<7, puisqu'il se réfère à un être subsistant le
nom abstrait signifie en quo, puisqu'il se réfère à la forme qui
subsiste, non proprement à sa subsistance Ce dédoublement de
~odu.s significandi est à la base des lois commandant l'usage des
mots abstraits et des mots concrets. En réalité, la philosophie
intervient légitimement pour rendre raison psychologiquement
de cette abstraction, qui est fabricatrice de dénominations pure-
ment formelles, sans référence à une existence réelle. L'on pres-
sent assez par où la théologie va se trouver exploiter cet appareil
grammatico-philosophique, quand, pour désigner Dieu et signi-
fier ses perfections, elle analysera ces instruments linguistiques
et critiquera leur portée.
L'application théologique
l Ni non essentielle-
plus les verbes, disait-on, puisqu'ils impliquent
ment temps. Cf. notre première partie.
Juges, 13, 18, cité par ALBERT LE GruXD, SufM. ~eo!. Pnr.< tr. ~t,
q. S8, m. 1, sol. (éd. Borgnet, 31, 583.)
C'est le titre de la qu. 58 ci-dessus citée.
4 Soit 7 Sent., d. 22, q. 1, a. 1, ad 3, soit la Pars, q. 13, a. 1, ad. 3
(et aussi ad 2). Et maints détails textuels dans ces questions « (le nomi-i-
nihus divinis ».
GRAMMAHU;
RT THÉOLOGIEAUXX!r* ET XtU" SIECLES 27
Paris 1910, t. II, pp. 339 sq., SrochL, Gesch. der Pnt!<M. des M<«eia!ters,
Mavence 1864, t. I, pp. 274 sq. (bonne étude, qui semble s'inspirer fortement
de celle de Rm-ER, Gesch. der Philos., t. VII, Hambourg 1844. pp. 437-474);
et, surtout pour la théologie trinitaire de Gilbert, DE RÉGNON,Etudes de
~eo/. positive sur la Sainle 7'rfn~e. Paris 1892, t. II. pp. 87-108. Sur la dif-
fusion de l'influence porrétaine, consulter F. VERSET. !oc. c!(. J. DE GHEL-
Lf.~CK.loc. C!<.et L'histoire de « persona 0 e< d' « hypostasis » dans un écrit
anonvme porrétain du xn~ siècle (.Reu. néoscolasl., 1934, pp. 111-127);
A. L~DCHAi. nombreux articles dans Zet!schr. f. Kath. 7'heot., 1930,
pp. 180-214, Collectanea Franciscana, 1933, pp. 182-208, Divus Thomas (Fri-
t)r.)trg). 1935, pp. 269-273, Scholastik, 1935, pp. 177-192 et 369-379, etc.
En 1148. il avait passé quelque soixante ans, nous dit JEAK DE SAUs-
)u HY <oc. cit., c. 8. p. 17), a lire et « dévorer les livres. Sur !a date de
n.'tissnnre de G!]bert, voir 0. HoFMEtSTnn. S<ttdt'pn uber A. t'. Fy'?!S!n<jf (Neues
/trch! des Gesell. f. g~. deutsche Gesch., 1912, t. XXXVII, pp. 641-642.
Cf. pour les deux premières dates le Cnr~n/<' de N.-D. de Chartres,
('-d. rte Lépinois et Merlet, 1865, t. I, p. 142 (cité par Poot.n, En.(7!/sh Ilistorical
R<'r;Fu', 1920, p. 332). et pour celle de 1136, le Cartulaire de rcobave de
.~n~-Pere à Chartres, éd. B. Guérard, 1840, p. 506.
.1. DE SAnsBUKY, A/e<a!o~t'con, 1. II, c. 10, éd. \Vebb, Oxford, 1929, p. 82.
L.i date de 1142 serait exacte d'après un inédit cité dans la Gallia
C/<onf!. t. II. 1175, n.b. Mais celle de 1141 nous paraît préférable à cause
de l'accord entre le manuscrit utilisé par DU BoTLi.AY(Ilist. ~'rt~ Paris., t. II.
p. 736) et la I'!<a B. Giraldi de Salis, notant vers la fin du xttt< siècle
que <.t'imoard. prédécesseur de Gilbert au siès-e de Poitiers, n'y passa qu'une
année (c. Acta Sanctorum, oct. t. X, 1861, p. 257 FL Or, Grimoard fut
sacré au début de 1141, d'après la Chronique de saint Agence (Recueil
des Hist. des Gaules et de la France, t. Xtl. pp. 408 B-C). Gilbert fut-it
nommé éco)ntre à Poitiers avant d'en devenir évoque ? La chose paraît
improbable à M. Pooi.E (:&;d.'). En tout cas, aucun témoismaee ne l'établit.
Robert DU Mo\T (f 11861), Chronique, dans Chron:c;es and AfemorMs
82 !V. n. 181.
H<SK!~s. The Renaissance, p. 376 CLERvAi.. Les Ecoles de Chartres,
Paris 1895, pp. 165 et 167.
34 ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRINALE
ET LITTÉRAIREDU MOYENÂGE
Cf. Hist. Pont., c. 8-13, pp. 17-18, 22, 28, 29. C'est le jugement très
net de Mgr GRABMAKf)(Gesch. der Schol. Méthode, t. 11, p. 410). Voir aussi
DU BouMY, toc. ctt. et PooLE, Illustrations, 1~ éd., pp. 132 sq. 2e éd.,
pp. 112 sq.
Afetato~tcoft, loc. cit.
Au témoignage de l'auteur anonyme du Liber de diversitate nature <
persone (Ms. Cambr. Univ. Libr. li. IV, 27, f. 129 v., 1. 28 sq., dont )e pro-
logue fut édité par HASKtNS dans les Studies, éd. cit., pp. 210-212
cf. J. DE GHELUNCK,Patristique et argument de tradition au bas moyen âge.
Aus der Geisteswelt des Mittelalters. Beitr. z. Gesch. d. Philos. Theol. rf.
AJtit., Supplementband III 1, 1935, pp. 414 n. 43). « Cumque reversus in
Germaniam ad fredericum victoriosissimum romani :mpern principem petro
venerabili tusculano episcopo tunc ibidem legatione sedis apostolice fungenti
apportatum libellorum meorum thesaurum demonstrassem tpscguc sanc-
tissimas illorum sententias diligenter ruminasset admu'a~us plane fuit tan-
tam in gisilberto pictaviensi episcopo sapientiam quod cum grecorum volu-
mina tanquam lingua eorum ignarus numquam legisset in illorum tamen
intellectu tam M7':p~:s quam dictis totus fuisset sta{:mq::e illos <ranscf/t)f
iussit. Latebat tamen eum quod beati theode(r)iti et sop/t/'om't scripta in
latinum translata sepe revolvisset cum aliorum H&s sive grecorum s:)'c
latinorum et maxime athanaM: et hy!aru. » Othon de Freisingen devait
avoir du grec une connaissance aussi médiocre que celle de Gilbert
A. HttFMEisTER, art. cit., Neues /l7'chtf, pp. 692 sq. (cf. Dom K. HAtn dans
Cist. Chronik, n° 518, pp. 98-99), leur accorde assez de science du grec
pour en pouvoir déchiffrer un texte accompagné de sa traduction latine.
Onnosant les connaissances de Gilbert à celles de saint Bernard. Jean
de Salisbury note que l'abbé de Clairvaux, pour versé qu'il Mt dans les
Ecritures, était moins au courant des sciences profanes « seculares vero
litteras minus noverat, in quibus, ut creditur, episcopum nemo nostri
temporis precedebat (Hist. Pont., c. 12, pp. 27-28). L'opposition entre
saint Bernard et Gilbert nous révèle ce qui, au gré de notre historien, faisait
l'excellence de révêque de Poitiers.
5 MAKtTtus, !oc. cit., p. 210 et K. HAID, Otto von Freising, loc. c!t.. pp. 95-
SB. Sur son lit de mort, Othon craignit de s'être montré trop favorable à
l'évêque de Poitiers (OTTOMs FmsufG. Bpisc. ET RADEWiM, Gesta Friderici
Imper., L ÏV. c. 11, MGH, SS, t. XX, p. 452). L'influence porrétaine sur la
pensée d'Othon se retrouve au VIlle livre de sa Chron~ue (MANtTius, loc. cil.,
p. 380) et peut-être encore au début des Gesta (L I, c. 5, éd. cit., pp. 354-356)
LE CONCILEDE REIMSET GILBERTDE LA PORRÉE 35
et sûrement de Raoul Ardent Jean Beleth Yves de Chartres',
Jordan Fantasme Nicolas d'Amiens Etienne de Alinerra
Hugues de la Rochefoucauld, proposé au siège de Bordeaux
Pierre, adversaire par ailleurs inconnu de Gerhoh de Reichers-
berg', le chanoine A. de Saint-Ruf, les auteurs anonymes du
Liber de d:uerst<a<e nature et persone des Sententiae Diviiiila-
h's de deux commentaires de saint Paul (Paris, Bibl. Kat., Lat.
686 et Arsenal 1116) peut-être celui du Liber de unitale et
uno plusieurs membres de la Cour romaine etc.
dans une dissertation qui rappelle fort les conceptions développées dans les
commentaires de Gilbert sur Boëce (MAMTius, ibid., p. 382).. Qu'on prenne
garde toutefois de ne point exagérer cette ressemblance. Elle pourrait s'ex-
pliquer en large mesure par la commune influence de Boëce subie par les
deux auteurs. En tout cas, Othon devait se montrer fort sympathique aux
théories porrétaines. comme nous l'apprend une lettre que lui écrivit
GERHOH DE HEtCHEMBERn (P. L. CXCIII 586 D-604 D voir surtout les deux
passages cités par Manitius). Sur l'influence de Gilbert sur Othon, cf.
A. HOFMEISTER.;OC. C;< pp. 646 Sq.
1 J. M; GBELUKCK, Mouvement, p. 108, n. 4.
= GpABMA~N, <oc. cit., p. 431 (d'après OE~tFLE, Die Abendlândische Schift-
ausleger bis Luther, Mayence 1905, pp. 344-346).
Ibid. et CLERVAL,!oc. cit., p. 185. Il ne s'agit évidemment pas ici de
l'illustre canoniste, bien antérieur à Gilbert.
/b;d.
5 GRABMA~ et
DE~tFLE, ~OC. cit.
6 HRDNA~DDE FROtDMONT,
Chrontque, 1. XLVIII, P. L. CCXII 1038 B.
7 Du
BouLAY, loc. cit., p. 280, Hist. de France, ~oc. cit., p. 399, CLERVAi,
loc. cit., p. 188.
'GF.RHOH. Epist. XXIII, P. L. CXCIII, 589 A-B.
P. Foup~tER. Etudes sur Joachim de F~rc et ses doctrines, Paris
1909,
pp. 74-75. Le Liber de vera philosophia nous apprend comment, pendant
plus de trente ans, ce fidèle disciple de Gilbert parcourut toutes les biblio-
thèques d'Europe, recherchant, mais en vain et d'ailleurs à sa plus grande
joie, si une «autorité)) quelconque pouvait imposer la formule antiporré-
taine « Quicquid est in Deo Deus est (sur cette formule, cf. infra p 52
n. 4).
HASKINS, Studies, pp. 146 et 212. Sur ce Liber déjà cité, cf. suprot
p. 34, n. 3, et DE GnELUNCE, Rev. néoscol., !oc. cit.
Ce dernier (influencé aussi par la Summa Sententiarum,
par Hugue?
de Saint-Victor, Abétard et saint Bernard, cf. GEYE~. Die Sententiae Divi-
nitatis, Beilrdge z. Gesch. d. Philos. des Mittelalters VII 2-3, Munster 1909,
pp. 10, 36, 29, 46, 53 sq., 56 sq.). mérite une attention spéciale, ainsi que
l'auteur du ms. lat. 686 de la Bibl. Nat. (cf. LANDGRAF,Zeilschr. to~
Theol. 1930, p. 208 sq., car l'on a de bonnes raisons de voir dans l'une ou
l'autre de ces œuvres le cahier d'éiève qui fut désavoué par Gilbert à Reims
et brûlé sur l'ordre du Pape (Hist. Pont., c. 10, p. 23, GEypR et LA~DnnAF
loc. cit.).
t.<Df;RAF. ibid. et Collect. Fr<7nc!'sc.. 1933 nn. 182-208.
PRANTL, Gesch. der Logik, 2~ éd.. Leipzig 1885, t. M. p. 230.
GFHBOH DE REicHERSMRn. Liber de no?'t/o~'&Ms ~mus
tpmporis (MGH,
36 ET LITTÉRAIREDU MOYENAGE
ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRINALE
Lib. de Ltte III, p. 303). Sur ces disciples du Porrétuin et d'autres encore
Gt'xch. der
(le cardinal Laborans, Alain de Lille, etc.), voir Die
kathol. Theologie seit dem Ausgang der ~aterzei;, Fribourg 1933, p. 39.
Pour Alain de Lille en particulier, cf. BAUMGARTM:n, nx,' P/t!;oso~/)te des
Alanus v. Insulis dans les Seftrapc z. Gesch. des Philos., 11, 4, Munster
1896, pp. 8, n. 4 et 22-27 (théorie porrétaine des universaux rhcx Alain
et sa portée, cf. infra, pp. 66-71).
H:'f;<. Por:t., !&M.
MAHT&KÏ;,I''8<e;'um Scrtptorufn et MonHmp?~07'um. ~mp!t'M/ma Col-
lectio, t. I, 839 B-C et 843 C-D.
3
Eulogium ad A~M~dru/M III, c. III, P. L. CIC 1050 D-1051 A.
4 Lettre à Othon de Freisingen, P. L. CXCIII 590 B-591 A. Ce dernier
témoignage, toutefois, est moins net que le précédent. On en peut seule-
ment conclure qu'après une polémique entre Gerhoh et Gilbert, rp dernier
modifia ses positions sans être suivi par tous ses disciples.
Libellus, P. L. CLXXXV, 597 B-C.
° Loc. cit., p. 53. Que la théologie trinitaire de Gilbert ait survécu au con-
cile de Reims, M. FounMER en trouve les preuves « maigres et rares » (ibid.).
Au Liber de vera philosophia qu'il édite partiellement, il faut cependant
ajouter au moins deux inédits le ms. li. IV. 27 de Cambridge ~'n/t). Libr.
(cf. supra, p. 34, n. 3 et p. 35, n. 10) et la Defensio orthodoxae fidci G!cr/;
Porretae, qui fait suite à ses commentaires de Boëce dans le Vat. )at..561.
Cf. UsENER, Gislebert de la Porrée (Jahrbücher f. pro~. Theol., 1879.
p. 190 sq. et Kleine ~chr~en, Leipzig 1913, t. IV, pp. 160 sq.). et GRAB-
MANN, loc. cit., p. 432. Aussi le P. DE GHEi~tKCK préfère-t-il parler d'un
« groupe compact, intelligent et décidé n (Dict. de T/teo!. Mfh., t. XII,
col. 2010).
L): CC~Cn.KHt; REIMSET GILBERTDE LA PORRÉE 37
i'attitude de J!;A:\ u); S~nsBcnv (loc. cil., c. 11. p. 26~. Fi'm'-r. cependant, s'y
référait presque exclusivement dans La Fnot~f de T'/tcoi. de Paris au moyen
t~e, Paris, 1894, t. pp. 153-164.
/st. Po~ c. 8 et 12, pp. 17 et 27 Jean fut chargé par saint Bernard
de proposer une entrevue a Gilbert (cf. s~pra, p. 32, n. 2). Sur te crédit
accordé par Mgr Grabmann aux données de )Wst. Pont., voyez supra, p. 34,
n. 1. Les critiques discrètes qui percent a travers son récit semblent inspi-
rées par un certain « libéralisme qui s'accommodait mal de l'impétuosité
de caractère et de l'intransigeance doctrinale de saint Bernard. La sainteté
du grand abbé et l'attrait de sa cordialité durent toujours s'accommoder
des saillies d'un tempérament extrêmement fougueux (qu'on songe au ser-
mon poignant d'émotion et de passion in ob;<t;m /ra~s Sftt GtMrdt).
= Par exemple llist. Pont., c. 8. p. 18.
Dans son édition française de t'f/fs/o/rf rles (onciles, d'HEFELE (t. Y 1,
Paris. 1912. p. 817 n.), Do\i LMCLERCQfait mauvais accueil au témoignage
de Jean de Salisbury parce qu'il contredit sur un point (le moment de la
réunion des partisans de saint Bernard, des évoques et des écolâtres
français) le récit concordant d'Orno~f et de GnoFFHnv (comparer llist. Pont.,
c 8-9, pp. 18-22, Gesta c. 56-57, pp. 383-384 et Ep).s< P. L. CLXXXV, 591 C-D).
En réalité, le désaccord entre les trois témoins est sur ce point (le peu
d'importance (POOLE, loc. cit., p. XL[v'). Il s'évanouit même si l'on observe
que la relation des faits chez Jean de Salisbury est schématisée et sans
souci de l'ordre chronologique les débats sont présentés en un récit inin-
terrompu qui occupe les chapitres 10 et 11 (pp. 22-27). Othon et Geoffroy
au contraire, suivent l'ordre chronologique et distinguent les différentes
séances de discussion. La différence entre les deux versions se réduit donc
à une différence de procédé rédactionnel (cf. Pnnu:. !o< C!f., p. xxxvt-xr.v!,
surtout les pp. xm sq.
40 ARCHIVES
D'HISTOIRE ETLITTÉRAIRE
DOCTRINALE DUMOYEN
ÂGE
de ses décrets*. D'après Jean de Salisbury, la soumission de
Gilbert ne revêtit aucun caractère d'abjuration. Il s'engagea à
corriger quelques passages de son commentaire de Boëce. Quant
à la profession de foi en quatre articles rédigée contre lui par
saint Bernard, elle fut promulguée devant les évêques encore pré-
sents. Mais elle n'en acquit point l'autorité d'un document au-
thentique du magistère ecclésiastique, nous apprend Othon de
Freisingen, car les cardinaux, favorables à l'évêque de Poitiers,
obtinrent du Pape cette concession 2. Ainsi s'explique que Jean
de Salisbury n'ait pu découvrir cette profession de foi dans tes
actes du concile, ni dans le regeste d'Eugène III, et ne l'ait retrou-
vée que dans le Libellus de Geoffroy
Au cours des débats, et donc avant la promulgation qu'atteste
Jean de Salisbury comme Geoffroy de Clairvaux le Pape porta
cependant une décision doctrinale « De tribus [u/t:m:s] cc:p!
tulis propter praemtssam tumultuationem nihil d~mtr: potuit.
De primo tantum Romanus pontifex (H//t7MU:(, ne aliqua ratio in
theologia inter naturam e< personam divideret, neve Deus f~'t'ma
tivi »
'Cf. p. 41.n. 4.
~[''UUt~i);R.~OC. cil.
Gc.<<a.c.57,p.381.
Uono!os'ff!m. c. 16, P. L. CLVUI, 164 B-ISS (;.
). n)' (tnr:LLt~cE, Mouvement, p. 82. n. 2.
D~o.~orum, 1. I, P. L. CXCII, 1143 B.
Ibid., 1142 C, 1144 A.
;sf. Pont., c. 8. pp. 19-20.
46 ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRINALE
ET LITTÉRAIREDU MOYENÂGE
§ 3. D~LS ET DI\!MTAS
1
DA~S LES COMMJE~TAmES DE GILBERT SFR BoËC):
dtutstfn vere dicitur, Pater est Deus, Filius est Deus, Spiritus sanctus est
Deus et conjunctim, Pater, Filius, Spiritus sanctus s;nt unus Deus. » Ces
rationes sont les principes ou axiomes présidant soit a toutes nos connais-
sances, soit à un genre particulier d'entre elles par exemple, le principe
inest alicui, ab eodem diversum esse necesse est (1255 B) est
quidquid
commun a toutes nos connaissances. Mais il n'en va pas de même de celui-ci
species numquam de suo génère praedicari l'espèce se définit par le genre
la difffférence et non le genre par l'espèce mais le genre se
(et spécifique),
divise en différentes espèces (ibid.). On ne divise point les genres de la
manière dont on définit les espèces. Parmi ces rationes, les prédicaments
(rationes naturalium) devront retenir particulièrement notre attention.
1 1255 D « Quales fuerunt Ariani, et Sabelliani, et aH: multi, qui Mofu-
7'attum. proprias ramones theologicis communicaverunt, et utrtsquc com-
munes (!M<raa:er[tftt a~ invicem. »
1257 C « Illorum ergo [haeret:coru~] detestabiles errores Boetius [c'est-
à-dire, en fait, Gilbert lui-même, qui prête à Boëce sa propre pensée, fallût-il
pour cela forcer le sens du texte commenté] uotens destruere, et humilium
tn/trmtfafem juvare, Symmacho et quibusdam aliis sapientibus scribit de
tr;um numero personarum simplici ac stn~u!a7': essentia, et de tribus unius
essentiae numcro diversis personis, et HfrHmgHe rationibus ostendit, sed
secundum diversarum gênera facultatum di'uersts. Nam primo theologicis
essentiae singularitatem atque simplicitatem deinde naturalibus numera-
bttemque (sic) personarum diversitatem monstrat. »
1265 C « n'aturalis [sctcftti'a] dicitur quoe est m motu alque inabs-
tracta. Considerat enim corporum formas cum !na<cr:a, quae formae a
corportbus non possunt separart, non dico ramone, sed actu. »
1267 C « ~M vero spcculatio, quae nativorum [se: rcrum~ materia-
!tum] inabstractas formas aliter quain sint, id est absfrac~m considerat.
disciplinalis vocatur. Maec enim formas corporum speculatui, sine materia,
non dico spcculatur esse sine materia. »
1267 D « 7'er<a vero specu~a~to, quae omnia nativa transcendons, in
ipso eorum quolibet principio, scilicet t'e! opifice, quo auctorc sunt vel
idea, a qua lamquam exemplari deducta sunt uel C).'r,, m qua locata sun<
figit tututtum, per e.);ec!{en<!afn intellectualis focafur. » ?<ous précisons à la
note 1 de la p. 81 le sens de cet intuitus ou [nspt'ctfo tnfc!!M<ua!s (1268 Dt.
LE CONCILE DE REIMS ET GILBERT DE LA PORRÉE 55
1269 C. Plus exactement « KM~n~a [dn't'nc] <'s( illa res qtiae est
!ptH~K esse, id est quae non ab aHo hanc m~<ua( dictionem, e{ ex qua est
<se. id est q;!<te caeteris omnibus eamdem quadam extrinseca participatione
<)mfnun:ea< » (1269 A).
° 7b:d. « Non omnino a naturalium m~one ffn~rsum est. » « <'Von
obh~ry'et a natnrah'btM <) ft&)' C't.
56 D'HISTOIRE
ARCHIVES DOCTRINALE
ET LITTÉRAIRE
DUMOYEN
AGE
'1278D.
Ed. cit., p. 74*.
1360 B. Voyez un peu plus haut la distinction des sciences selon k
Porrétain.
Voyez le texte cité à la n. 1 de la p. 55 et que continue cette phrase
«Non enim de qualibet suae essentiae proprietate dicitur est, sed ab eo qui
non aliena, sed sua essentia proprie est, ad :Hu<! quod creata ab ipso forma
<!<:guM est, e< ad tpMm creatam formam. B Dans ce passage, esscntia est-il
au nominatif? Le contexte tolère cette hypothèse, qu'exclut cependant
l'allure générale de la théorie porrétaine.
1269 D. « Quia !'et)e!'a divina subslantia est forma sine materia. o De
là suit, pour un platonicien comme l'était Gilbert, que Dieu ne peut être
causé par la divinité point d'être créé, en effet, qui ne soit matériel. (Voyez
la même doctrine chez Clarembauld d'Arras et Thierry de Chartres, si c'est
bien lui qui composa le commentaire de Boëce Librum 'Hunc .)\sF. loc.
cit., p. 60*, 1S*, etc.)
J~M.
~otd. « atque ideo vere est unum, et adeo Stmp!ea: in se, et sine ~s
quae adesse possunt solitarium, ut recte de hoc une dicatur, quod de ipso
principio cujus o5:r(et est dicitur, scilicet, est id quod est. Sicut enim non
est quo Deus sit, nisi simplex atque sola essentia, sic non est unde.
LE CONCILEDE REIMSET GILBERTDE LA PORRÉE 57Î
[essentia] ipsa sit, nisi quonium ea simplex et so~us Deus est. L'ndc citcn~
usus loquendi est, ut de Deo dicatur, non modo Deus est, ~ert;nt etiam
Deus est ipsa essentia. »
1318 B. « Ergo cum dicitur diversuna esse, ?< id quod esl, sccundum
theologicos quidem intelligitur esse id quod est principium, id quod est
t'ero, illud quod est ex principio sed secundum alios pht'~osophos, esse
subsistentium so!ae fHoruM quae praedicantur subst'stenh'ae quae vero sunt,
ea tantum quae !Hos in se habendo subsi's~unf. Sic ergo e< secundum
theologicos, et secundum alios philosophas, recte po~cst dici dt't'ersum est
esse, et id quod est. »
o 1377 C.
1268 A.
< 1377 B.
58 ARCHIVES
D'HISTOIRE
DOCTRINALE
ET LITTÉRAIRE
DUMOYEN
ÂGE
traduire, pour être bien comprise « soit Dieu, soit sa divinité,
la substance divine considëré& sous l'un et l'autre de ces aspects
distincts Un peu plus bas d'ailleurs, Gilbert précise sa pen-
sée avec une netteté qui lève toute hésitation l'usage permet de
dire que Dieu est son essence car cette expression emphatique
revient à affirmer que la divinité seule détermine Dieu à être Dieu,
de même que l'expression « tu es toute sagesse » signifie qu'un
homme est remarquablement sage, et semble n'être que sagesse
Les passages que nous venons d'examiner ne nous invitent
donc aucunement à reconnaître une identité réelle entre Deus et
dtMn:tas. Nombreuses, par contre, sont les affirmations de la dis-
tinction réelle de ces deux termes opposés l'un à l'autre comme
un id quod et un id quo. La réalité de cette distinction ressort fI
l'évidence du parallèle établi a plusieurs reprises entre la distinc-
tion de Dieu et de son essence simple, et celle des êtres créés et
de leurs formes composées Notre interprétation, d'ailleurs, est
d'autant plus certaine que Gilbert maintient la distinction de Dieu
et de sa divinité au moment même où il nie celle des attributs
divins pour en reconnaître l'identité réelle' Un dernier indice.
1 1268 A. <( ;Vant Dei substan~M, M est Deus !e! divinitas, c< maleria
caret et motu, id est, nec Deus nec ejus essentia potest esse materia. Neque
enim c<t qua ipse est essentia, potest esse non simplex, neque in eo
eidem essentiae adesse aliud aliquid potest quo ipse sit. x
1269 D-1270 A. Texte partiellement cité p. 56, n. 7.
1270 A. « Deus est ipsa essentia Recte utique. Si enirn de aliquo,
qui non modo sapiens, sed etiam coloratus, et magnus, c< mulla hujusmodi
est. ex sapientiae prae eaeteris omnibus abtindantia dicitur, /u guantus
quantus es, totus es sapientla tamquam nihil aliud sit quod sibi esse
conferat, nisi sola sapientla tnH!to proprius Deus, cui dt'ue7'sa non con-
ferunt ut sil, dicitur ipsa essen~M, et cMs nominibus, id est, H~ DcMs est
ipsa divinitas sua, ipsa sua sapientia, ipsa sua fortitudo, e< hujusmodi
alia. »
1266 C. « Quae vero [/ormae compositae ex oenere.] sun/ <?xe sub-
sistentium, et materiae dicuntur et formae, divisim tamen, eortf;n sc:7!'ce<
quae sibi adsunt materiae, et eorum quae ex eis sunt aliquid formae. Si-
militer /oy'mttrHm ah'a nullius materiae, et ideo simplex, Ht opificis essen-
lia, qua ipse vere est. Neque enim ipsa ex multis essentiis constat, neque
illi in opifice adsunt aliqua, quorum opifex, vel ipsa esse, vel dici possinl
aliqua ratione materia. » De même 1283 B. « Naec vero primum corporalitas,
et per eam corporis accidentia his enim vere substat, et corporalitas cui
adsunt, et corpus cui insunt, id vero quod est Deus, quod est, non modo
in se simplex est, sed etiam ab his quae adesse subsistentiis so!en<, ita
solitarium est, ut praeter id unum proprietate, singulare dtsst'mth'iudtnc
tndtMduum, quo est, aliud aliquid quo esse intelligatur prorsus non habea<.
ideoque nec ipsum, nec quo Deus est subjectionis ratione aliquibus substal. o
1284 A. «.Ve~HC enim aliud est quod ipse est, aliud est quod /us~M.
LE CONCILEDE REIMSET GILBERTDE LA PORRÉE 59
f' t~'deh'cet, non est aliud quo /us<us, ab eo quo ipse est, sed potius idem
est Deo esse, quo jusio sc!ce< eode~n quo est, /us<us est. » Ou bien encore
I:J(.M (:. o de illis qui, quoniam sola divinitale sunt id quod sunt, non
)f)(.t~& Deus, ueru/K etiam Divinitas appeIlantur. » et 1308 D « ea [sc~.
pc/<cf)o<M p~'op/tQ<M, cf. infra, n. 2j a quibus ~'<*sislae sunt appe~a<!or!fs,
nun «ft)sfon<!a~f<e;' dici de ipsa df!'t'n!<o~, id est de illis qui, quoniam sofa
d«'ft)<<a~f sunt, non modo Deus, )'eru;n eftctm D!0fn:<as appellantur, sed
po/Hix alio quodam qui jam ejponetttr modo, ea intelligimus dici. » Dans
ce dernier passage est déjà insinuée la distinction réelle de l'essence divine
qui ~p prédique de Dieu substantialiter, et des propriétés personnelles qui
lui ~"tit attribuées d'une autre manière.
~.V) <
Lof. cil. p. u8. n. 2.
1301 D. « Quia tamen aliqui sensu paruu~t, audienles rluod Deus est
.!t;)ip<f~' ipsum, et guaecungfie de eo nominum divei-sitate dicurttur: ut
~'t';s, <;n< aeternt's, persona, principium, aucfor, Pater, Filius, connexio,
e/ hujusmodi alia ejusdem naturae c/usdemque ra~ont's esse ita accfpturtt,.
«< et fsspnf!'(! qua dicitur esse Deus, sit et unitas, qua unus est e< aeter-
rt~os, qua aelernus est, e< similiter caetera e<e converso, ipse etiam Pater
sit paternitas, et unus unitas, et aeternus aeternttas e< conversim, e< eodem
;<;odo in aliis omnibus quae de ipso quacunque ratione praedicantur. n
1267 D. La matière dont il s'agit ici est la materia informis, distincte
de la materia /orma<a (1366 C).
126G C. '< .S'tff~fer formarum ~!M nullius ~naterMe et ideo simplex,
opificis essentia, qua ipse vere est. Neque enim ipsa ex multis essentiis
constat, neque illi in opifice adsunt aliqua, quorum opifex, vel ipsa esse,
r~ dici possint aliqua ratione materia. n~ae quoque sincerae substantiae
60 ARCHIVES DOCTRINALE
D'HISTOIRE ETLITTÉRAIRE
DUMOYEN
ÂGE
et l'idée exemplaire des choses matérielles. La divinité « par la-
quelle Dieu est, est simple. On en peut inférer immédiatement
que Dieu lui-même est simple. Qu'on n'objecte pas, d'ailleurs,
la distinction réelle en Dieu, comme en tout être, d'id quod et
d'id quo entre ces termes entièrement hétérogènes, toute com-
position est impossible Comment tenir pour composé un être
déterminé à l'existence par une forme qui ne l'est pas, sans affir-
mer à la fois qu'il est déterminé (par la simplicité de cette forme)
et non déterminé (puisqu'il ne serait pas simple comme elle) ?P
Mais que peut-être, au sein d'un être véritablement simple,
la distinction réelle, que Gilbert maintient ainsi à travers tout,
d'un id quod et d'un id quo P Avant d'y répondre, précisons en-
core la portée de cette question en voyant comment elle se pose
aussi a propos de la distinction des personnes divines et de leurs
propriétés.
quae corporum exemp~arM sunt, sine materia formae sunt, et ideo sim-
plices. Non enim sunt id quod esse dicuntur ex multiplici essenlia, nec
eidem assistunt in eis quorum illae vel ipsa possint esse r~aterMe. »
1381 B. « Esse vero et id quod est, nec ejusdem sunt generis, nec
esse non
ejusdem sunt rationis et idcirco illorum con~Hrtcf:o compositio
potest. »
1321 B. « Non enim in eo [sc~. 7Mnt:ne] compositionem a«endt'mus
quoniam aliud est quod est, aliud quo est. Nam St quemadmodum quod esl,
unum tantum est, ita quoque unum simplex tantum esset, quo et essef, et
aliquid esset, nulla ratione compositum esset. »
3 1269 D. « f'd est Deo,
neque sic [d:Mna substantia] inest principio,
ut posterioris rationis naturas aliquas, vel se eompone~tes, vel sibi adja-
centes, habeat in illo, ex quibus ipse sit, et quarum ex causa prioris ad
cujus pertineant potestatem materia esse possit. Ipsa enim et principio caret
et compositione, nec est quo sit p)-{nctp:u?)t ex quo, et per quod, et in quo
sunt omnia, nisi ipsa. »
4 127.5 B. « fVarr! quod in Patre nec plurales essentiae, nec
pluralia acci-
LE CONCILEDE REIMSET GILBERTDE LA PORRÉE 61
eues comme formes substantielles, car tout ce qui est attribué subs-
tantiellement à Dieu s'applique à l'ensemble des trois personnes
non moins qu'à chacune d'elles et ne peut dès lors expliquer
leur diversité.
Or voici qu'un examen attentif de la table des catégories
(1282 B-1291 D) nous apprend que certaines « prédications » (tra-
duisons tout de suite, à cause du réalisme de Gilbert que nous
démontrerons au chapitre suivant, principes ou rationes des êtres
matériels) déterminent ce qu'est la chose (matérielle) selon les
éléments qui la constituent intrinsèquement, mais que d'autres
au contraire, désignent non pas la chose en elle-même ni ses
principes constitutifs, mais ses « circonstances Les principia
quo désignés par ces derniers prédicaments de temps, de lieu, etc.,
affectent les objets extrinsecus d'un rapport à autre chose, et non
pas sccundum rem d'une réalité interne, substantielle ou acciden-
telle 3. Appliqué à Dieu, tout prédicament secundum rem ~subs-
tance, qualité, quantité) se dit de lui secundum subs~a~am,
puisqu'il n'y a point en lui d'accidents Aussi toutes les « qua-
lités » de Dieu la justice par laquelle il est juste, la bonté par
laquelle il est bon, etc. sont-elles toutes parfaitement identiques
à l'essence par laquelle il est Dieu 5.
Mais si aucun prédicament secundum rem ne peut rendre
compte de la diversité des personnes divines, cette diversité est
explicable par le prédicament extrinsèque de relation. Appliquée
dentia, nec accidens cum essentia sint, nuMus ignorat, qui qua ratione
Pater id quod est esse dicatur, non nescit. n
1308 C-D. La pensée de Gilbert ,'f cet endroit peut se résumer ainsi
QuidqHtd de Deo substantialiter praedicatur, ut de Patre, et de Filio, et de
Spiritu sancto, et divisim et simul supposilis singulariter dicitur » (cf. la
suite, 1309 A sq.)..
1291 A. « aliae quidem earum [praedi'cattonum] quasi monsfrant
rem, id est, esse quidlibet eo quo est aliae vero non rem, id est, non esse
quidquam eo quo est, sed quasi quasdam c:rcumsfantMs rei. H Voyez la
même expression chez BoËCE, Liber de Trinitale, P. L. LXIV, 1253 C.
3 1291 B. « Illa vero alia
[praedt'camenta temporis, etc.] praedicantur
quidem, sed non ita ut rem subsistentem eis esse aliquid ostendant, sed
potius extrinsecus, id est ex aliorum coHattont&us, et diversae rationis con-
sortti's accommodatum aliquid quodammodo affigant. Non igitur haec se-
cundum rem, sed recte extrinsecus dicuntur. »
4 1291 C. comparatae prced;cattones
123.5 B. « Cum vero dicitur, Deus est justus, toto eo quo ipse est,
dicitur esse justus. Nec aliquid prorsus quo ipse sit dictio haec dimittit. Nam
Deus, idem ipsum est quod est justum, id est eodem quo est Deus, est
justus. »
62 ARCHIVES DOCTRINALE
D'HISTOIRE ET LITTÉRAIRE
DUMOYEN
AGE
à Dieu, la relation ne lui sera pas attribuée substantiellement,
mais seulement ad aliquid, ou extrinsecus, puisqu'elle n'ajoute
ni ne retranche rien à l'objet qu'elle affecte elle n'entrera donc
point en composition avec l'essence divine 1. Seules, en effet,
peuvent se composer entre elles des formes (substantielles et acci-
dentelles) constitutives d'un être en soi, parce que par l'une cet
être est ceci (un mur par exemple) et par l'autre, cela (par exem-
ple un mur blanc). Mais il ne peut y avoir composition entre une
forme substantielle attribuée secundum rem, et une relation attri-
buée extrinsecus et ne constituant absolument rien de l'être
auquel elle s'applique Faisons donc un judicieux usage du pré-
dicament de relation, et nous « démontrerons grâce à lui la diver-
sité des personnes divines qui n'ont qu'une essence simple et
singulière ').
La même distinction réelle qui tantôt s'accusait avec grand
relief entre Dieu et la divinité se retrouve à présent entre les
propriétés et les trois personnes de la Trinité. Ceci résulte du paral-
lélisme qu'affirme Gilbert entre ces propriétés et l'essence divine
comme des nombreux textes soulignant la distinction universelle
§ 1. LA THÉORIEGÉNÉRALEDE LA CO~AtSSANCEHUMAIN R
creatione seu concretione fiunt, quibus id cui insunt, aut aliquid est, aut
aliquid esse doctrinae ordine demonstratur. » Nous retrouvons ici une dis-
tinction toute pareille à celle qui sépare Deus et divinitas.
L'on retrouve un indice de cette mentalité dans le passage d'Othon de
Freisingen, lui-même disciple du Porrétain, cité plus haut, p. 50. Cf. r- p. 52,
n. 5.
Cette abstraction distingue la forme abstraite du sujet concret (cf.
pp. 53-55, la distinction des sciences). Nous ne pensons pas que Gilbert eût
pu comprendre, de son point de vue, la différence que marquèrent plus tard
les scolastiques entre abstraclio formalis et <o;a~ il méconnaissait trop
compiètement pour cela la causalité formelle du sujet connaissant dans l'acte
de connaître.
1326 D. « ~f;~a, imo omnia quae sine motu inabstracta dicun-
tur [c'est-à-dire les formes des êtres matériels, cf. 1267 C], sunt quae cum
ab eis in quibus sunt actu separari non possunt (ut ~c;Cft sine illis
sint),
animo tamen et cogitatione, id est animi cogitatione ut et
separantur;
eorum quae ita separantur, et eorum a quibus separantur, natura atque
propr:e~a~ comprehendatur. »
1291 A-C. « Aliae quidem earum
[prapdi'CQh'onu~] quasi monstrant
rem, id est esse quidlibet eo quo est aliae vero non rem, id est non esse
quidquam eo quo est, sed quasi quasdam c:rc:!nM<anf:'<M rei. Non igitur
haec secundum rem, sed recte extrinsecus comparalae praedt'ea~'onM dicun-
tur. Illa vero. vocantur secundum rem pracdfca~tonM » (Cf. 1293 C, et
supra, pp. 61-62, la relation et les autres prédicaments).
68 ARCHIVES D'HISTOIREDOCTRINALE ET LITTÉRAIRE DUMOYEN ÂGE
'D<}2H-C.M[Ouodf'ft<f~f'c~ucaptpo<M<]e~t~, ~t~amenrwtcst
a~f~utd aut navire aut e//tc:cn<a, nihil est u<I)Àf), quae secundum p/)~o-
sophos est, sed nequaquam aliquid est quoniam neque natura (à l'ablatif)
est aliquid, ut album est quale qualitate npqtie efficientia (à l'aMatif),
u< ct~bcf/o est quotas, eo quod facit quale. »
t~u point (le vue que nous proposons, l'accord ne nous para!t pas impos-
siblp entre \f. Schntidiin qui faisait de Gilbert un « conceptualiste (Philos.
Ju~rfxtf/). 190.'). pp. 316 sff.) et les interprètes comprenant le porrétansime
conitne une philosophie réaliste (voir les historiens cités par Sf:HMti)!.t\,
loc. cil. y ajouter M. DE Y~LF, loc. cit.. p. 212).. Quant à M. Denipf, on ne
peut que regretter la \iva(;ité de ton du reproche qu'il adresse a Prantt et
ùM.De\uif(<oc.c~.du~/<!ndt)uchd<'rPh!!os.):àenjugerpar!esf)eux
pages qu'il consacre a Gilbert de la Porrée, la plus regrettab)e « incertitude
<to< trinate H ne se trouve pas chez ceux qu'on pense.
i, manque de fermeté que M. VERSET (loc. cil., col. M.54) reproche à
Gill.ert en ceite matière ré\è!e même une vraie incohérence (le pensée.
70 ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRINALE
ET LITTÉRAIREDU MOYENÂGE
3. de ~t connaissance.
Psychologie
1 1S67 A. « Ipsa animi speculatio dividitur. vel ex his quae inspicit, vel
ex modo inspiciendi. » 1360 B. « Conceptus vero ejus quod est conceptus,
secundum ret quae concipitur g~e~us modosque concipiendi dividitur. Nativa
namque per aliquam su: vel efficientem vel efficiendi p;'op7-!e<a<p;Tt conci-
piuntur, ut album per albedinem, et albedo par naturam faciendi album. »
1267 A. « Cum enim nativa, Meut sunt, id est concreta et inabstracta,
cortsMer&t, ex sua quMent propria potestate, qua humano animo da<UM est
ex sensuum atque imaginationum praeeuntibus adminiculis reri sensilia,
ratio <!tc:fnr. »
136Q C-D.
LE CONCILEDE REIMSET GILBERTDE LA PORRÉE 73
rant cet objet de tous ceux qui lui ressemblent pour engendrer
en nous une intelligence claire et distincte. Mais il ne se demande
pas la manière dont s'opère la perception directe, ni comment se
rattache à elle l'attention réfléchie de notre esprit classifiant les
objets et groupant les concepts. Il lui suffit d'avoir remarqué
qu'ainsi font les hommes, à proportion de leur intelligence et de
leur culture tous voient confusément les choses quelques-uns
seulement, plus subtils et déliés d'esprit, apprennent à discerner
dans les objets les formes que nous en apprennent la speculatio
naturalis, ma<hpma<!ca ou theologica Et de cette façon, con-
naitre, pour le Porrétain, n'est autre chose que définir, distinguer
et expliquer. Nous sommes encore à cent lieues de l'ontologie de
la connaissance qu'élaboreront les grands scolastiques du siècle
suivant, et qu'esquissaient peut-être déjà certains contemporains
de l'évêque de Poitiers
Voilà pourquoi, chez Gilbert, bien plus encore que chez Cla-
rembault d'Arras et Thierry de Chartres (s'il est l'auteur du
commentaire L~y'un~ hunc~), la théorie de la connaissance est
intimement mélangée à celle des sciences et de leur division.
Gilbert étudie la connaissance en pur logicien, il en recherche
les règles et les méthodes, non les principes ontologiques il
en définit les degrés par la plus ou moins grande distinction du
savoir et pour cette raison ne retient que deux espèces de con-
naissances la sensible, encore confuse (sensus, :n~a~:na~'o;,
et l'intellectuelle, claire et distincte (ratio, intellectus. Cf. 1360
G-D et 1314 C-D). Pour Gilbert, la connaissance n'est définie
que par sa méthode et son objet. II est bien superflu, d'après
lui, de rechercher la nature spécifique du sens, de l'imagina-
tion, de la raison et de l'intelligence, comme le font avec une
4. Conclusion.
1 Loc. cit.
LE CONCILEDE REIMSET GILBERTDE LA PORRÉE 75
étudiant comment, d'après l'évêque de Poitiers, Dieu être
peut
objet de la connaissance humaine
'1~61 A.
1261 C. Comparer avec ABËLARD « Est quippe fides existimatio rerum
non appa/'e~!um, hoc est sensibus corporis non SH&/acen<t'Hm. Apud ph;
losophos quoque de apparentibus etiam fides dici videlur. Quo etiam vide-
h'c<?<res quaelibet ita animo lenelur, u< de ipsa non duMe~ur » (P L
CLXXVHI. 981 C et 98G A-B-).
3 1310 n.
78 ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRINALE
ET LITTERAIREDU MOYENÂGE
'D'après 1361 A.
Ed. cit., p. 33. Dans notre premier appendice nous étaMirons que ce
tercium capitulum aussi bien que les trois autres, n'est pas de Gilbert lui-
même, mais de Jean de Salisbury résumant de mémoire la doctrine de son
maître. On en découvrira dès maintenant un indice dans le fait que l'His-
toria Pontificalis attribue ici l'intelligence à Dieu et à de très rares privi-
légiés. Cette conception rappelle beaucoup plus les Chartrains (cf. le com-
mentaire Librum hunc ou celui de Clarembauld, éd. cit., pp. 7* 31 et 37* 1)
que Gilbert de la Porrée, qui ne parle jamais de l'intelligence, facu)té onto-
logique, mais seulement du jeu plus ou moins compliqué d'exercices dialec-
tiques (cf. par exemple 1315 A et tout le début du commentaire sur le troi-
sième opuscule de Boëce).
3 Cf. 1361 D-1362 A.
4 Malgré les appréciations autorisées son mérite, nous
qui soulignent
nous séparerions quelque peu, pour notre part, de l'interprétation que
M. CoTTiAux propose de saint Anselme dans son étude sur La conception de
la théologie chez Abélard (loc. cit., pp. 271-272). Voir dans l'appendice II
l'exposé et la défense sommaire de notre point de vue.
J. COTTtATJX,ibid., p. 275.
LE CONCILEDE REIMSET GILBERTDE LA PORRÉE 79
manière dont l'énoncé d'un théorème de géométrie commande
le choix des hypothèses et la marche des raisonnements qui
doivent le démontrer Et de même que la connaissance
géomé-
trique ne s'achève que par la démonstration du théorème, de
même la connaissance de foi ne s'achève que par l'explication
théologique ex ratione (1310 D).
esse, id est quae caeteris omnibus [hanc dictionem] quadam ea-frmscea par-
participatione communicat. »
1318 A. « Cum enim dicimus corpus est, vel homo est, vel hujusmodi,
quadam e.ffrtnseca denominalione ab
theologi hoc esse dictum intelligunt
essentia sui pr:rtC!p! » Comparer aux Sententiae Divinae Paginae attribuées
à Anselme de Laon (Fr. BuEMETZRiEDER,Bettra~p, XVIII, 2-3, p. 4).
L): CONCILEDE REIMS ET GILBERTDE LA PORRÉE
83
certains cas, le théologien doit recourir sont les dix prédica-
ments d'Aristote (1278 C). Mais on ne peut
appliquer n'importe
comment les prédicaments à Dieu. Il faut le faire
aliqua rationis
proportione (1283 A sq.; sous peine de tomber dans les confu-
sions et les égarements des hérétiques
Les prédicaments ne conviennent point à Dieu et aux créa-
tures de manière univoque. Non pas que Gilbert découvre dans
les choses des vestiges de Dieu et de la Trinité, selon la con-
ception augustinienne de saint Anselme Hugues de Rouen 4,
Gauthier de Mortagne etc.
Etranger, semble-t-il, à cet exemplarisme, bien qu'il con-
naisse et admette la thèse platonicienne de l'idée exemplaire ° il
se contente d'attribuer à Dieu les prédicats des créatures, subs-
tance, qualité, etc., en niant de chacun d'eux ce
qu'ils impliquent
de finitude ou de multiplicité.
Ainsi, ce qu'en Dieu, nous appe-
lons .< substance non est .subjectionis ratione quod dicitur, sed
ultra omnem quae accidentibus est subjecta subs~n~a~ essen-
<<a. absque omnibus quae possunt accidere solitaria omnino
Mais cette négation ne vide pas les concepts
prédicamentaux de
tout leur contenu elle y laisse un résidu
prédicable de tous les
êtres la commune ratio omnium [generum naturalium, ma-
~co~.m, etc.] qui. en l'occurrence, est l'esse ou essentia
Aussi n'y a-t-il pas lieu de distinguer, dans deux opuscules de Gilbert
(1300 C et 1303 D-1304 B). deux méthodes thMogiques différentes dans
les deux cas, la foi commande de la même manière le raisonnement théo-
logique.
« ~'nc e<<?rnm catholicoi-um confessione, inde vero eon~'adt'een~u~t
mu;td!ne et a~c/or~ate, de M manifesta deliberandum ~uta~. et co;t-
su~ raftornbus deliberationis finem quaesivi. Afco igitur animo his ratio-
nibus c/'ebro pulsanti tandem pafuere fores, id est nec multitudo, nec aucto-
ritas catholicis coH<rad:cen<t'um obstilit, ef sic uer/fas catholicae co~/pM;Qn!s,
mt/t: quaere~t, hoc est, aperuit omnes nebu~as, id est obseuritates Eutvchia-
Mt erroris. ~e/<a~'s enim per rationes man!es<<t~'o. errorena e~ erroris caN-
sas ostendit » (1357 D-1358 A).
1310 D. Ce passage semble inspiré par le De utilitale credendi de saint
Augustin (Corpus n'Mdoo., XXV, VI, I, p. 32): <( Çuod !'ft<e;0!'mus igitur,
debemus i-ationi, quod credimus, auc<or!'<a;t. Sed ;n/c~<6~~ omnis etiant
credit. non omnis qui credt'f fn~~tgf~. n
88 ARCHIVES
D'HISTOIRE ETLITTÉRAIRE
DOCTRINALE DUMOYEN
ÂGE
l'achever selon que l'exige sa définition (perceptio Dei cum assen-
sione 1261 C) c'est pourquoi, même à propos du mystère de
l'Incarnation, elle peut défendre victorieusement l'orthodoxie ca-
tholique contre l'erreur d'Eutychès (1357 D-1358 A). La raison
connaît donc du mystère surnaturel et Gilbert, peut-être fidéiste
(cf. supra, p. 86), n'échappe pas au reproche de rationalisme,
lorsqu'il permet à la raison de rejoindre la foi, et non point seu-
lement de s'inspirer d'elle. S'il distingue la raison de la foi, c'est
p~ur en souligner le parallèle rigoureux l'hérétique manque
aussi bien aux règles de la science qu'à l'orthodoxie chrétienne
parce qu'elle va contre la foi, l'hérésie est impie et sacrilège elle
est fausse parce qu'elle viole les ramones de la science théologique
(1390 D-1391 A; voyez les textes rappelés, pp. 86-87).
Admettant l'autonomie complète de la raison, dans son do-
maine, Gilbert la revendique encore en théologie, pour l'achève-
ment de la connaissance de la foi intellectuali assensione. Il faut
donc bien reconnaître chez lui un recul très prononcé, par rap-
port aux positions de saint Anselme, qui subordonne, sans la
moindre réserve, les explications théologiques à l'autorité du
magistère
L'épistémologie porrétaine
/;t Primam Partem, S. Thomae, Disp. CXX, c. 3 et 4, éd. cit., pp. 73-75.
Comme DupLEssts, YASQUEzcroit même que Scot fut condamné d'avance à
Reims.
Collectio Judiciorum de no~t's erroribus. Paris 1728. t. I, pp. 39-40.
Duplessis interprète trop d'après les théories scotistes les doctrines discutées
et mises au point a Reims. Rien d'étonnant, dès tors, à ce qu'il conclue
injustement que « )'opinion de Scot fut implicitement réprouvée à Reims n.
« OHOmob/'cf?: a GHoeWt Porrefant errore t'e< n/h/ ;'e! paru~t d;sc;'e-
/)Q< opinio Scoti qtit citra notionem p( intelligentiam nosti-arn per se ab
<s-t'fn<;a divina dt~ere propr!'etu<M. e< tft<er sese !pM~ p.<s<fna<. Doc/iMf'mt
Pc<o~t'< judicium est. » écrit le P. ALEXANDRE,citant, après celle de P!TAr,
]'opinion de GERSON. (/s<o;-M Ecelesiastica, Buigii I78S, t. XIII, pp. 168-
]72). Plus précisément. PÉTAu écrivait (Theol. dogm., 1. I, c. VIM, n. 8,
Paris 1865, t. I, p. 129 « ~tb hac vero [sententia G;ber<t] vel nihil, vel
poruM discrepare scholasticorum aliquot opinio creditur, ut Sco~t qui ci-
~ro. o
//t~ofre de la philosophie sco~as~'que, t. ï, Paris 1872, p. 478. Assuré-
ment, Hauréau attribue injustement à Duns Scot l'erreur théo!ogk;ue de
Gilbert. Son interprétation du réalisme et des conclusions il
auxquelles
mène logiquement nous parait pourtant exacte. Nous avons d'ailleurs le
plaisir de pouvoir invoquer en faveur de nos positions l'excellente étude que,
d'un point de vue assez différent, M. A. Forest consacrait il y a deux ans à
Gilbert de la Porrée fLe réalisme de Gilbert de la Porrée dans le commen-
taire du «De Hebdomadibus ». nef. neosco~. 1934, t. 1, pp. 101-110). Par
opposition au thomisme, tenant l'être pour « la réalité la plus haute et la
90 ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRINALE
ET LITTÉRAIREDU MOYENÂGE
Pour notre part, nous pensons que Hauréau force ici plus
d'une nuance, et que de nombreuses différences séparent Gilbert
du Docteur subtil Tout d'abord, la distinction formelle du
grand théologien franciscain sépare en Dieu des attributs que
Gilbert identifie par exemple, la bonté, la vérité, etc. 2. Et
d'autre part, il identifie réellement ce que Gilbert distingue par
exemple. sap:cns'et sapientia Ce désaccord révèle une évidente
divergence de point de vue. Car si le principe de la distinction
gilbertine ne relève que de la dialectique, celui de la distinction
scotiste est tout autre chose, une conception, discutable peut-étre,
mais réellement métaphysique, de l'univocité de l'être à ses diffé-
rents degrés « Scilicet infinilas. non des~'mt formaliler ratio-
ncn~ illius cui additur, quia in unoquoquc gfradu :nt<?~<~a/ur esse
aliqua perfectio, qui tamen gradus est gradus illius ppr/cc~'onts,
non tollitur ratio /ormaHs istius pe?'/cct:on:s proptcy' !S<K~i ~ra-
ti'H?7t »
N'y aurait-il pas cependant dans leur commune opposition au
point de vue thomiste, une parenté plus secrète et plus profonde
entre le scotisme et le porrétanisme ? Les deux systèmes tiennent
l'univocité de l'être de leur point de vue et à leur manière. Duns
Scot formellement, Gilbert virtuellement (cf. supra, p. 81).
Ainsi tous deux rendent-ils impensable l'analogie de l'être. Duns
Scot par sa théorie métaphysique de l'être univoque, et Gilbert en
des détermina-
plus formelle, non pas une réalité à laquelle s'ajouteraient
tions extérieures, comme l'acte à la puissance, mais celle qui représente au
contraire toute la perfection de l'acte », M. Forest caractérise heureuse-
ment l'essence du réalisme « Disons que c'est une doctrine aui vient histo-
riquement de l'utilisation des rapports établis par Aristote entre l'essence et
l'accident dans des cas qui demanderaient une analyse différente, et que
conformément à la nature de ce rapport le réalisme est une doctrine qui
considère comme primitifs les éléments les plus formels et de la plus haute
perfection, par opposition aux vues métaphysiques comme celles de saint
Thomas, et à un autre point de vue de plusieurs systèmes modernes, qui
définissent l'existence concrète comme la perfection dernière et comme
l'acte unique des puissances que l'analyse oblige à discerner dans le réel
pour comprendre la nature de t'universatité qu'il comporte ».
Qui est donc parfaitement en règle avec la décision doctrinale de
Reims, comme le conclut le P. DE SAN, sur des preuves peut-être disrntabtos
(op. Mt., pp. 104 et 105 n.).
Opus Oxon. I, c. VIII, q. IV, n. 17 pour Gilbert, voyez supro.
p. 47, n. 2 et p. 58, n. 4 et 5.
3 Ibid. « Ilaque :rt<e!' per/cc~onM Dei essentiales non est <aft<um <
fei-entia rationis, hoc est, dtt'et'sorum modoy-um concipiendi idem objecl urn
formale talis enim distinctio est inter sapiens et sapienft'am. »
Ibid.
t.E CONCILEDE REIMSET GILBERTDE LA PORRÉE 91
concevant !a connaissance comme une pure sortie de l'esprit
vers l'objet (perceptio, motus animi in rem), suivie d'une « abs-
traction dont le rôle unique est de débrouiller les propriétés de
l'objet, perçues ?n!m atque confuse au moment de la « percep-
tion » (cf. 1360 B).
Gilhert annoncerait ainsi le scotisme, par sa théorie de l'ap-
préhension intellectuelle (perccp<o) du singutier, méconnais-
sant le mode abstractif de notre connaissance directe et la néces-
sité de l'a priori cognitif, que requiert toute ontologie de la con-
naissance
De ce point de vue, Gilbert crut pouvoir expliquer plus com-
modément le mystère de la Trinité. En fait, l'explication que lui
en suggéra son épistémologie s'est révélée théologiquement inac-
ceptable. cependant qu'en philosophie, cette épistémologie le
rendit incapable d'élaborer une métaphysique et l'appliqua aux
exercices compliqués d'une vaine dialectique.
La parenté que nous venons d'insinuer, sans en faire la
preuve, entre la mentalité gilbertine et le génie de Scot, l'oppo-
~ition. au contraire, que l'on peut souligner entre Gilbert et saint
Thomas, n'éclairent certes point d'une lumière nouveHe l'his-
toire de la pensée humaine. Serait-il excessif cependant d'expli-
quer l'insuccès philosophique et théotogique du Porrétain par
l'impuissance d'un point de vue et d'une méthode qu'acceptèrent
plus tard de grands philosophes dont le génie put faire croire
à la réussite de leur œuvre, alors qu'en réalité elle était con-
damnée d'avance à s'effondrer sous l'effort de la critique
Si cette étude pouvait encourager les historiens de la philo-
--opttie à préparer la solution d'un prob)ème théorique de si
<-apHa!e importance par l'exploration systématique d'auteurs phi-
losophiques de plus vaste envergure, tels les grands scotistes, ou,
parmi les thomistes mêmes, des penseurs comme maître Eckardt,
nous penserions n'avoir point imposé à nos lecteurs une peine
inutite en leur proposant nos modestes conclusions
APPEKNCE 1
APPENDICE II
Dans son étude sur Abélard, M. l'abbé Cottiaux note justement « qu'au
fond, saint Anselme admet, comme son maître Lanfranc, qu'un théologien
prouve une vérité en montrant que les patriarches, les prophètes, les apôtres
et les martyrs l'ont crue )). La foi surnaturelle est au point de départ de
toute la théologie anselmienne. Malgré le P. Jacquin 3, M. Cottiaux criti-
querait l'universalité de cette affirmation Mais nous ne pensons pas, pour
notre part, que les méthodes du Monologue et du Prologue soient opposées,
ni qu'on puisse accuser saint Anselme d'avoir en cette matière commis des
confusions.
En effet, le Prologue part sûrement de la foi Mais cet opuscule pour-
P. L. CLMM, 14:3 A.
= \u)ez toute la préface du Prologue. Même méthode dans d'autres
écrits théologiques d'Anselme, comme l'Epistola de Incarnatione Verbi
t.K L'nde /t't, ut, dum ad illa, quae prius fidei scalam exigunt, sicut scr!p<um
(.( nisi credideritis, non tnten;gei;s, praepostere per intellectum prius co-
?)attfur ascendere, in multimodos errores per intellectus defectus cogantur
descendere ». Epist., Floril. Palrist. XXVIII, Bonn 1931, p. 8) et le Cur Deus
Ilumo ('« Rectus ordo exigit ut profunda cnr:'sttanae fidei credamus,
pr<u~~t;a;M ea praesumamus ratione d!~cu<e;'e. Cur Deus, I. I, c. I, Floril.
Pu<s<. XVIII, Bonn 1929, p. 6, 1. 1-2).
Aussi le P. DnuwÉ a-t-il grandement raison de ne voir, dans le texte
définitif du Cur Deus Homo, qu'une « teinte apologétique )) ajoutée à la
ptemière rédaction (Libri Sancti Anselmi « Cur Deus Ilomo H pr:~a forma
:/tfd:<a. Analecta Gregoriana, vol. III, Rome 1933, p. 92 voyez la préface
de la seconde rédaction du Cur Deus, éd. cit., p. 1). Dans la pensée d'An-
~'hne, en effet, l'apologétique ne devait guère se distinguer de la théologie.
Aussi )e P. Druwé nous semble-t-il, en d'autres endroits, forcer un peu la
différence que l'archevêque de Canterbury devait marquer entre ces deux
disciplines. Le Cur Deus Homo définitif, nous opposera-t-il, « satisfait par la
seule raison aux exigences des païens x. Il est vrai mais il ne parvient à ce
résuttat que par une rationalis inventio que doit renforcer encore le témoi-
gnage de la vérité (I. II, c. XXII, éd. cit., p. 65, I. 33-34). Le dessein de cet
ouvrage ne paraît pas être de convertir les infidèles, mais de répondre à leurs
objections, du point de vue de la foi, pour la paix et la tranquillité des chré-
tiens < voyez II, c. XXII, p. 65, ainsi que la préface de l'ouvrage, le c. VIII
du ]. II. p. 44, 1. 23-24, et surtout le c. III du t. I. p. 7, 1. 17-23). Il est inu-
ti)e. d'après saint Anselme, de discuter avec les païens, car ils raisonnent pré-
cisément parce qu'ils ne croient pas. Or, pour bien raisonner sur la foi, il
faut commencer par croire (voir le passage de la préface au Cur Deus Homo
cité au début de cette note). Peut-être n'est-ce qu'une seule et même chose,
dans la pensée d'Anselme, que d'aider ceux qui cherchent à comprendre ce
qu'ils croient, et de combattre ceux qui ne veulent pas croire ce qu'ils ne
rnmprennent pas (Epist. de Incarn., éd. cit., p. 16, I. 16-19). En effet, écrire
contre les infidèles n'est rien autre chose que répondre à leurs objections.
Mais rps objections sont des difficultés suscitées à partir de principes ration-
nf'ts (Cur Deus, 1. ÏI, c. XXII, p. 65, 1. 28-29 « non solum Judaeis, sed
(~~m paganis sola ratione satisfacias »), c'est-à-dire, en définitive, les dif-
ficultés que la raison peut soulever contre la foi chez les fidèles eux-mêmes.
C'est pour résoudre ces difficultés, qu'Anselme recherche, dans son Prologue
(préface, éd. cit., p. 6), un argument décisif pour démontrer l'existence de
Dieu, ou bien, dans le Monologue (P. L. CLVIII, 143 A), médite le mystère
dp Dieu la lumière de la seule raison, et non d'après les indications de
l'Ecriture.
98 ARCHIVES D'HISTOIRE DOCTRINALEET LITTÉRAIRE DU MOYENÂGE
attitude un « gnosticisme chrétien ') ? N'y faut-il pas reconnaître plutôt une
mais encore de de
simple mise en œuvre, originale, imparfaite, l'argument
convenance théologique ou de l'analogie de la foi, raison d'être et organisa-
tion harmonieuse des investigations et des données de la théologie positive,
scripturaire et patristique ?P
Ainsi procédait saint Thomas lui-même, lorsqu'il opposait, par exemple,
la doctrine orthodoxe de l'union hypostatique à ses contrefaçons « Quamvis
haec unio perfecte ab homine non valeat explicari, ternes secundum modum
et facultatem nostram conabimur aliquid dicere ad aedificationem fidei, ut
circa hoc ntyste~um fides catholica ab infidelibus de/ertda~u?' » (S. C. G.,
1. IV, c. 41).
A. HAYEN,S. J.
ALGAZEL ET LES LATINS
Les Tendances (ou les Vues Essentielles, ou les Objectifs) des Falâcifa,
auquel correspond l'Effondrement des Falâcifa. La grammaire exigerait donc
que l'on dise au pluriel les Maqdcid il a cependant semblé préférable de
maintenir au singulier un titre dont rien n'indique, pour des oreilles fran-
çaises, qu'il exprime un pluriel.
104 ARCHIVES D'HISTOIRE DOCTRINALE ET LITTÉRAIRE DUMOYEN ÂGE
I. La PORTÉE DU « MAQACID »
Idem omnino dicit Algazel in sua Metaphysica, quia dicta Algazelis non
nisi abbreviatio dictorum Avicennae
in hac etiam sententia expresse est Avicenna et duo sequentes vesti-
gia ejus, scilicet Algazel et Collectanus
propter hoc concludit hic Philosophus (Avicenna) et Algazel qui
eum in omnibus sequitur. 4.
1 Op. cit.,
pp. 14-16. 8. !7~e?'!us O7't'at)!f. Omnes autem hi errores e!t-
ciuntur ea; Metaphysica sua, in tractatu de Proprietatibus Primi, quem appel-
lavit Florem divinorum. 9. Ulterius ermuit. Haec autem sententia coH~t~tr
ex Metaphysica sua, in tractatu de Diversitate Praedicationum. 10. Ulterius
erravit. ut patet ex his quae dicit in Scientia de Naturalibus, tractatu
Etc.
2 Paris, N. Lat. 16126, foL 75 r" a.
ALGAZEL ET LES LATINS 109
Ed. HovEn, p. 30. « Et quod hoc sit impossibile patet, quia Aristoteles
determinat expresse in IV Phys. et Avicenna et Averrois quod non possunt
duo tempora simul esse nec duo instantia. Unde. » p. 41 « secundum.
Aristotelem et Avicennam in libris de Animalibus » ibid. « ut Aristoteles et
Avicenna docent. » p. 42 « secundum Aristotelem et Avicennam in libris
suis de Animalibus » ibid. « Nam hoc probant Aristoteles pt Avicenna in suis
libris supradictis, quamvis medici sint eis contrarii. H p. 53 « ut Avi-
cenna docet 1 de Anima. ». Et passim. C'est à dessein que nous n'avons
cité que des références aux libri nalurales, dont Bacon nous dira plus loin
qu'ils sont les moins sûrs.
ÂGE
114 ARCHIVES D'HISTOIRE DOCTRINALEET LITTÉRAIRE DU MOYEN
duorum librorurn
Nec est aliquid contra hoc, nisi quedam auctoritates
non sunt autentici, scilicet de Spu-~H et Anima et de Ecclesiasticis Do<7-
qui
matibus non enim sunt Augustini, ut periti theologi sciunt, licet aliqui
estimare solebant quod essent Augustini, set nec Gregorii sunt, nec Jero-
in illis libris
nimi, nec Ambrosii, nec Bede, nec alicujus auctori famosi. Et
et sensitivum cum
videtur dici ad litteram quod concreentur vegetativum
et separentur in morte. Et quia hii libri sunt apocrifi, ergo non
intellectivo,
potest aliquid probari per eos.
logue de la Sh:d que l'on trouve les éloges les plus chaleureux
d'Avicenne:
Opus Tertium, éd. Brewer, London, 1859, cap. 23, pp. 77-78.
2 Ibid., p. 24.
Ibid., p. 32.
Ibid., p. 70.
5 La fidélité de Bacon à Avicenne allait jusqu'à admettre, après lui.
la nécessité de la création, Opus Ma/us, éd. Bridges, 11, Oxford, 1897, p. 379.
Sur l' « avicennisme » de Bacon, cf. E. GiLsoN. Pourquoi saint Thomas a
critiqué saint Augustin, dans Arch. d'hist. doctr. et litt. du M. A., I, (1926),
pp. 104-111 et R. DE VAux. Notes et textes sur l'avicennisme, (BiM. Thom.,
XVII), Paris, 1934, p. 61, à qui nous empruntons ce texte sur la création.
Opus Afa;HS, éd. cit., pp. 170, 262 Opus Tertium, éd. Brewer, p..5.5
Compendium Studii philosophiae, ibid., p. 407.
Questiones supra libros prime philosophie, Steele, X, pp. 227, 241,
311, 321 Questiones a~ere supra libros prime philosophie, Steele, XI, pp. 1,
53, 101, 1.51 passim.
8
Questiones supra. Steele, X, p. 96 « in melaphysica Arazelis (sic)
et .4f:cenne. » p. 243 « et de tali procedunt rationes Aristotelis et Arga-
zelis (sic) et Avicenne. » p. 311 «/<em VI Metaphysice (Aristotelis).
Item dicit Avicenna IX Metaphysice et Argazel V Metaphysice, et hec conce-
do » cf. encore p. 312.
116 ARCHIVES D'HISTOIRE DOCTRINALEET LITTÉRAIRE DU MOYENÂGE
malam convertitur
Quod autem textus Aristotelis p/'opfer translacionem
ad contrarium iam dictorum et similiter exposicio Averrois commentatoris,
non habet veritatem.
Et ideo plura peccata contingunt in hominibus quam in brutis, et in
animalibus quam in plantis, ~'cqutd ma!a translacio Aristotelis et Com-
mentatoris innuant.
K().Ho\cr.p.)7.
Opus .Utt;ffx. éd. Bridges, HI, Oxford, 1900, p. ë7
()p't.~Tfrtftf~),e<LBre\ver, pp. 77-78.
118 ARCHIVES
D'HISTOIRE
DOCTRINALE
ET LITTÉRAIRE
DUMOYEN
ÂGE
avoir, selon ses moyens, assuré la diffusion mais on ne pourra
lui accorder d'en avoir effectivement utilisé les informations.
Il reste cependant que Bacon a possédé le prologue d'Algazel.
Nous avons ainsi un deuxième centre de diffusion d'où la vérité
sur le Maqâcid pouvait se répandre. Car les confrères du francis-
cain, et les usagers de la bibliothèque conventuelle, voire même
les lecteurs de ses écrits, si jamais ils en eurent au moyen âge,
pouvaient connaître, par des documents latins, les avertissements
que l'Arabe avait consignés dans le prologue de son œuvre.
!)=
Plus précisément, peu après 1303. De toute façon cette date enlève
toute portée aux considérations de M. MucELE, loc. cit., p. )x, qui voudrait,
pour des raisons paléographiques, y voir un produit du xn". voire du
xve siècle.
DEUSLE, Le Cabinet des Manuscrits, III, p. 81 X.a. ~em, alia luyca
Algazelis « Inquit Albuhamidin Algazelin grates sint Deo. ». Le catak'K'
distingue soigneusement cette logique de celle citée p. 120, n. 1, dont t
l'incipit différent révèle l'absence du prologue.
f. 120 v° b-122 r° a. L'opuscule est anonyme.
La date généralement assignée de 1272-1273 est sûrement trop tar-
dive. Car Bacon combat longuement la doctrine averroïste sur )'unité de
l'âme intellective sans faire la moindre allusion à la condamnation de 1270.
Bien mieux, ses adversaires ne sont nullement convaincus du caractère
hétérodoxe de leur thèse, et Bacon, qui s'en afflige, ne trouve leur opposer
que les sages idées du bon vieux temps « TempOMbt~ autem ~f!s non
fiebat menlio de istis ei-roribus, quia cuilibet erat manifestum quod baerp-
tica fuerunt, s;CM< quodlibet alium contra fidem et ph~oso/)/tt'om (éel.
HSver, p. 47) x. Après 1270 il eût disposé d'un argument plus efficace.
On rapprochera le texte cité du passage tout semblable du de L~c/c de
saint Thomas (1270) (Opuscula, éd. Mandonnet, I, p. 69~ «t.'b/ f;<;o ~;n<
mala primo quia dubitat an hoc sit contra fidem, secundo. ».
Bien d'autres traits de l'oeuvre baconienne tendraient à fixer aux années
1269-1270 la date de sa rédaction. Citons au moins ce passage caractéristi-
que «jPonuftt ergo quod anima intellectiva sit una numero in omnibus.
Palliant ergo errorem suam quando ap-fart~ dicentes gHod per phf;oso-
ALGAZEL ET LES LATINS 119
p~'om non potest aliter dici, ;ipe pcr ralionem potest ~aberf aliud, sed per
&<j~~n. fidem (éd. Ho\er, îbid.) M, auquel correspond chez saint Thomas
(loc. cit.) « Adhuc tamen gravius est quod postmodum dicit. Per rationem
cu~e/udo de necessitate quod intellectus est unus numéro, firmiter tamen
~t'neo oppositum per fidem ». Ces témoignages évoquent l'averroïsme
téméraire et éclatant qu'on retrouve dans les œuvres de jeunesse de Siger de
Brabant (F. VA~ SniË~BERGHE~, Siger de Brabant d'après ses ceu~res inédites,
Louvain, 1931, pp. 289, 313, 314, etc.) et non les écrits plus prudents
d après la condamnation.
120 ARCHIVES D'HISTOIRE DOCTRINALE ET LITTÉRAIRE DUMOYEN ÂGE
séparation primitive des deux traités. Ces divers traits sont d'ail-
leurs inégalement marqués dans les divers manuscrits.
Au Paris N. L. 6443 la Logique est simplement isolée de l'en-
semble que forment les deux autres traités elle ne tient qu'après,
et à une distance de trente-cinq folios qui sont occupés par des
ouvrages d'autres auteurs Par contre la Physique, qui a perdu
son titre (f. 157 v° b), continue la Métaphysique sans autre majus-
cule que celle des débuts de chapitres, et rien ne marque en cet
endroit qu'on passe d'un traité à un autre.
Au Paris N. L. 14700 de même, la Logique ne se rencontre
qu'après, un page blanche séparant les deux fragments (f. 61 v°).
De plus l'indépendance de l'ensemble A7etaphys:guc-Phys:gue est
ici soulignée et par le titre « Incipit Metaphysice Liber Algazelis
cum naturalibus eiusdem (f. 2 r° a) », et par l'explicit « hoc est
igitur quod volumus inducere de scientiis philosophorum divinis
et naturalibus (f. 61 r° b) ». L'explicit primitif porte en effet
« scientiis logicis, divinis et naturalibus x on a ici simplifié
l'explicit comme on a allongé le titre, pour faire cadrer l'un et
l'autre avec le nouvel état des traités. Mais cette fois la division
intérieure des deux parties a été maintenue « e.rph'c~ A/etaphys:ca
Algazelis, incipit eius Physica (f. 39 v" b) ». Ce manuscrit comme
le précédent contiennent bien l'ensemble du Maqâcid, mais ils
sont manifestement dus à une recomposition tardive de deux frag-
ments d'abord séparés 2.
La Logique manque totalement au Paris N. L. 6552 l'uni-
fication des morceaux restants est aussi plus avancée, car le traité
commence carrément « Incipit Liber Philosophie Algazer (sic
f. 43 r° a) ici encore la finale est écourtée (f. 62 r° a), mais la
division interne au moins partiellement retenue « Incipit primus
tractatus de Philosophia A~ura!: (f. 55 r° b) ». Le Vat. Lat. 4481
unifie lui aussi l'ensemble Mpfaphys:gue-Phystque, mais d'une
manière un peu différente. Le titre « Incipit tractatus de sciencia
'\enetiis. MI)\L
~.L ')'. MucELt' Algazel's A~e(aphys:'cs, Toronto, 1933.
\oici quelques corrections qui ont pour elles la presque unanimité des
m~s. p.u'isiens afin de ne pas alourdir outre mesure, nous n'indiquerons les
références aux mss. que pour l'une ou l'autre d'entre elles. Le texte sou-
ligné représente notre correction, celui entre parenthèses la lecture de
Mu<k)e p. 14, t. 12 nec potest u~tun! discerni ab alio designacione (de
~ti;/tc<t<;one) sensibili, sed intelligibili p. 27. 1. 20 sfquereiur fi'tum et
idc'fn animal esse aquatile, gressibile (gessibile) d':obus pedibus t'e! qua-
<or. p. 52, 3, pendet ab alio a se sic ut (sicut) ad remocionem (reme-
xioroct'onfm~ eius scquaiur l'emocio i~f:f~ (~. L. 1660.5, f. 30 Y" 16096,
f. 92 v° 66.5.5 f. 37 Y" 6.5.52, d'après l'édition p. 221, qui n'indique pas le
folio); p. 84, 20. causa huius dolus est disessio anime ab co quod
co~<( nature propter pravos (part'os) Hsus, et propter impedimenta.
p. 117, I. 22. materia secundum guod est rnQ<er:a non agit (iam, egt<).
p. 131. L 12. Quarlus est speculatio de anima t'e~etobt!: et sensibili et (ex)
/Qno (~ 1G60.5. f. 52 v° 14700, f. 40 r° 6443, f. 157 6552 f. 52 r",
qui n'est pas indiqué par l'édition) etc. Au point de vue strictement
tc\tuct, on subit ici tous les inconvénients du principe du ms. unique,
lorsque celui-ci est mal choisi. Notons en passant que iane (p. 193, 1. 8)
n'est pas un mot arabe corrompu (p. 247 a'). mais une distraction de
copiste pour iane = inane (Cf. Paris, ?s. L. 16605, f. 69 v°). La collation
du L. 65.52 n'est pas à l'abri de tout reproche. Relevons au moins une
méprise massive au f. 54 r°, pp. 234-235 de l'édition. Le titre du traité Y de
la W<~p/)v.t!<' est indiqué dans le manuscrit de la manière classique
éfritui-e un peu plus grande, au minium, mais engagée dans le texte. L'édi-
teur n'a pas distingué ce titre de l'ensemble, et a lu noires et rubriques
comme s'il s'agissait d'un texte homogène d'autre part, une faute d'ho-
124: ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRINALE
ET LITTERAIREDU MOYENÂGE
« Metaphysics » un ouvrage qui contient à la fois la Métaphysique
et la Physique, et que les plus mauvais manuscrits, voire l'édi-
tion de Venise, n'avaient jamais appelés que Philosophia, terme
qui dans son imprécision n'était pas inexact. Outre les raisons
de critique interne'et externe", les variantes du N. L. C5.j2
auraient dû éveiller ses soupçons car on y lit en toutes lettres
la rubrique « Incipit primus tractatus de Philosophia no<ura/t
dont le texte est d'ailleurs littéralement reproduit en marge, mais
abrévié et à l'encre noire
Quoi qu'il en soit, M. Muckle a mis à la disposition des mc-
diévistes un texte somme toute utilisable de la majeure partie du
MaqdcM latin, et tous lui en seront reconnaissants. Après le pro-
logue, qu'on lira plus loin, il suffirait donc de publier la Logique
pour retrouver intégralement la version faite au xn° siècle
'!=
Tit. rubrie. Repet. in marg. :n/. « Incipit liber Algazelii quem inti-
tulavit de philosophorum intentionibus, et primo de logica. n
2 On sait qu'Algazel Abou-'Hâmed-Mo'han'imed ibn-Mo'ham-
s'appelait
mel eI-Ghazâlî.
Tu m'as demandé <de composera un traité qui mette en évidence
l'incohérence des falâcifa. la contradiction de leurs opinions, les embûches
de leurs équivoques et de leurs erreurs. Mais il n'y a pas d'espoir de te
satisfaire avant de t'avoir fait connaître leur système et de t'avoir exposé
leurs doctrines. Cf. GAU-rmER, art. cit., p. 361.
C'est frapper dans les ténèbres, à tort et à travers », ibid.
126 ARCHIVES
D'HISTOIRE
DOCTRÏ.NALE
ET LITTÉRAIRE
DUMOYE~)
ÂGE
tineatur veritatis falsitatisve discretione. Tota quidem intentiu
mea non est nisi ut intelligere faciam finis sermonis ipsorum pre-
20 ter quam interseram aut addam aliquid egrediens ab eorum inten-
tionibus Procedam ergo in ipso secundum viam narrationis et
recitationis, connectendo ei quod crediderunt rationes inductions
huius credulitatum Ponam itaque titulum De Philosophorum
Intentionibus hoc etenim intenditur in ipso.
25 Quadripartite autem sunt eorum scientie, videlicet doctri-
nales, logicales, naturales, et theologice. Doctrinales, ut specu-
latio in numeris et geometria in quarum quidem judieiis sive
sententiis non existit quicquam dissonum veritati, nec cui possi-
bile sit contradici respuendo aut negando. Ideoque non est mee
30 intentionis ut occuper cirea earumdem huic meo libro insertio-
nem.
Plurimum vero credulitatum ipsorum circa theologica e'-t
dissonum veritati, rectum vero circa hoc extraneum est seu rarun).
Circa logicalia vero in pluribus recte senserunt et rarus est eorum
35 error in hiis. At si qua in hiis fuit a veritate deviatio, fuit quidem
in conveniendo inter se super rerum nominationibus, non inn
rebus ipsis et intentionibus cum intenderent utique per hoc
competentes semitas instruendi, et hoc est in quo communicant
speculatores. In naturalibus vero, permixta est veritas falsitati, et
40 rectum assimilatum errori, ut non sit possibile diiuducare in ipsis
inter vincens et victum. Declarabitur autem in Libro Contro-
versie falsitas eius cuius oportet credi falsitatem. Intelligas vero
quod nunc inducimus secundum viam narrationis indefinitc.
absolute absque perscrutatione quid rectum sit aut corruptum in
45 hoc quousque expediti ab hoc revertamus ad inquirendum de
LE SAL'LCHOm. D. SALMA~, O. P.
M~\uscmr r EDtTKM
Quod corpus Christi sub specie Quod corpus Christi sub specie
panis et per consequens sanguis panis realiter continetur, per ra-
sub specie vini ostendit adducen- tionem naturalem ostendi non po-
dd auctoritatem evangehstarum test et ideo ad istius veritatis noti-
qui cuilibet innotescunt necnon et tiam oportet per fidem aceedere, de
sequentium doctorum ab ecclesia qua dubitare non detemus cum
approbatorum auctoritatem idem constet nobis ipsam per unigeni-
sonantes (sic). Ici le manuscrit tum Dei Filium fuisse reveiatam
renvoie à saint Augustin, a saint Apostolis, teste sanctissimo evan-
Ambroise, à saint Jérôme et à gelisto Matthae XXVI. L'édition
saint Grégoire. II ne fait pas men- cite ici les textes de saint Matthieu,
tion de saint Cyprien il ne cite de saint Marc, de saint Luc, de saint
pas les textes, il donne simplement Paul aux Corinthiens, chapitres X
la référence. Fol. 174 1~ col. c. 3. et XI, que le ms. 15888 passe sous
silence, et continue en ces termes
Isti sunt auctores scripturae cano-
nicae, qui concorditer affirmant
corpus Christi veraciter et realiter
sub specie panis fuisse datum Apos-
tolis ac eisdem a Salvatore fuisse
praeceptum ut in memoriam pas-
sionis dominicae corpus Christi sub
specie panis offerrent.
Praedictis etiam scriptoribus
scripturae canonicae consentiunt
Doctores egregii sancti Patres scrip-
turae divinae expositores clarissi-
mi ac a Romana Ecclesia authentici.
quorum nonnullae auctoritates in-
sertae juri canonico sunt in me-
dium proponendae.
Ed. cit. p. 168.
Non solum autem manet quan- Non tantum autem constat quan-
titas sed sensibiles qualitates. Pa- titatem in Eucharistia manere, sed
Notons encore que les pages 364, 366, 368, 370 de l'édition de Birch
sont condensées en 13 lignes dans le manuscrit. Fol. 178 v, lignes 6-19.
'M.ctf..p.436.
136 ARCHIVES
D'HISTOIRE
DOCTRINALE
ET LITTÉRAIRE
DUMOYEN
AGE
du chapitre deuxième reproduit ci-dessus et celle du mot ostendit
au début du chapitre troisième donnent à penser qu'on est en
présence d'une adaptation du texte de Guillaume d'Occam par
auteur inconnu. Ajoutons que le manuscrit 15888 contient plu-
sieurs adaptations de ce genre. Remarquons encore que plus on
avance vers la fin de l'ouvrage, plus la copie 15888 se fait concise,
comme si l'auteur avait hâte d'en finir. Un passage semble appor-
ter une preuve décisive en faveur de cette hypothèse et fournir
en même temps une indication sur la date qu'il conviendrait d'as-
signer à cette adaptation. A la fin du chapitre trente-neuvième de
l'édition, on lit Qualiter autem in tali modo arjyucnd: est fallacia
jft~urcte dictionis ad logicum pertinet'. Dans le manuscrit l.)888
cette phrase est remplacée par celle-ci De hoc in logica patet
quarte capitulo L'ouvrage de logique auquel ces mots font
allusion est la Summa totius logicae Or cette « somme a ~<c
composée, on le montrera ailleurs, après le De Sacramento a~ans.
Cette référence est donc l'oeuvre d'une personnalité autre <)ue
Guillaume d'Occam. D'autre part la Somme de logiquc a été
composée aux environs de 1340 et le manuscrit 15888 date du
xiv" siècle. C'est donc entre 1340 et 1400 que l'adaptation qo'i)
contient aurait été rédigée.
'P. 210.
2 Ed. cil., p..3j7.
Fol. 175~, col. 1.
'P. 248.
Fol. 176, col. 2. Le manuscrit supprime !f~ et remplace fecerlt par
facerent.
Pp. 336-338.
'Fot. 178, col. h
138 ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRINALE
ET LITTÉRAIREDU MOYENÂGE
sent préférables à ceux de l'édition de Birch, dans laquelle la der-
nière phrase paraît dépourvue de sens. Au début du chapitre 31
nous lisons quod autem omnes istae rationes non communi-
quant sufficienter, ce qui n'a pas de sens. Le manuscrit
porte non concludunt Au chapitre 36 au lieu de
non igitur potest aliquis redargui quamvis doctores non authen-
ticos ab ccclesia romana neg'eË le manuscrit donne nec debet
aliquis redargui si doctores non authenticatos per ecclesiam ne-
gat version qui paraît préférable. Ailleurs l'édition donne un
texte manifestement incorrect. Cum igitur a~'gnam wbstantiam
duobus corporibus coexistere secundum se totam, per consequens
eamdem substantiam secundum se totam coexistere alicui cor-
poreo et cuilibet parti illius non includit evidentem contradictio-
nem quae per propositiones per se notas probari potest. Immo
certus sum quod per regulas logicales quae omnes scientiae et
not!ae deservire dicuntur. Concesso quod eadem substantia
secundnm se totam coexistat duobus corporibus vel uni corporeo
et cuilibet parti ejus, potest evidenter omnis contradictio evitari S.
Le manuscrit porte ceci cum ergo eamdem su6s<anf:am duobus
corporibus et per consequens alicui toti coexistere et cuilibet parti
ejus non includat contradictionem, ymo per logicam, hoc con-
cesso, possint omnes contradictiones vitari, non de&cmHs dtc~afn
conchtStonem negare Citons encore ce passage Et ista opinio
secunda videtur mihi probabilior et magis consona theologiae
quia magis exaltat Dei omnipotentiam nihil ab ea negando nec
evidenter et expresse implicat contradictionem La version du
manuscrit semble, dans sa finale, plus conforme à ce que laisse
attendre le contexte: Et rationabilius ponitur quia magis exaltatur
dei potentia quia ab ea non negatur nisi quod manifeste includit
contradictionem Et l'on pourrait multiplier les exemples.
La copie du manuscrit 15888 est intéressante encore à un
autre point de vue. Il existe actuellement sept éditions du De
Sacramento altaris, trois éditions imprimées à Paris, l'une vers
1 P. 360.
"FoL178v°.co).I.
''P. 444.
"FoI.179\°,co). 2.
'P. 190.
"Fo).17S,co).l.
'P. 186.
"Fo).174,co].2.
SUR TROIS MANUSCRITS OCCAMISTES 139
'cnptot'M.Homae I30G.fot.lOC.
= n Ef.< cn~H «~n op'ts ne De corpore Chri~i <-< non ~o. u< pt~a~t
H'QfMtn~n, Suppiem<'n;um. Romae, 1806, fol. ~26.
"jLoc.e:<pp.x\!n-xxtn.
4
~t'usdern /!bf/<<~ de Sttcrampnto (tp~n/'fs. 7'!C!'p!'<.S~fpcnda superne
mttn<f;fo).19C.
~t'bi.I.
Sbara)pa a hieti vu que l'incipit diffère de rMC:pt< donné par
Waddins. Mais i) n'a pas soupçonne te problème que cette différence
soulevait.
140 ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRINALE
ET LITTÉRAIREDU MOYENÂGE
'JM.c!<p.l56.
Sur 79 que cet opuscule compte dans !'édition de Birch.
SUR TROIS M.L'SCR)TS OCCAM~E& 14i
lignes, n'apporte pas la preuve que les Quodlibet visés sont bien
ceux de Guillaume d'Occam. Il n'est donc pas inutile de reprendre
la question. Après avoir confronté les textes minutieusement, nous
sommes en situation de conclure avec preuves à l'appui. Les
Questiones renferment d'abord un renvoi au Commentaire des
Sentences, renvoi que n'a pas aperçu Michalski. Au folio 19 du
manuscrit latin 17841 de notre Bibliothèque nationale, l'auteur se
demande si plusieurs substances séparées de la matière, par
exemple deux anges, constituent véritablement un nombre. H
l'affirme. Puis, répondant à une difficulté énoncée au début de la
question, il écrit, début de la deuxième colonne « Ad argumen-
tum principale dico quod de substantiis separatis a materia tamen
potest poni quantitas discreta licet non continua. Ista dicta cum
(sic!) numero et unitate ponuntur distinctione libri primi Sen-
tentiarum. Or, dans le commentaire de Guillaume d'Occam, la dis-
tinction 24 se compose de deux questions ainsi conçues Utrum
unitas qua Deus dicitur unus sit aliquid additum Deo ? U<rufn
~n:ias personarum sit verus numerus. Et dans cette dernière on
lit Et si dicatur quod secundum istam viam posset conccdt guod
numerus substantiarum immaierialium esset per se in genere
quantitatis, posset dici quod quantitas non significat nisi quantum
vel quanta et ita numerus angelorum, cum non significat nec
guan~um nec quanta, non erit in genere quantitatis. Si tamen con-
cederetur quod numerus angelorum esset in genere quantitatis non
reputaretur inconveniens apud aliquos, et tamen nullus illorum
angelorum esset quantus, sed illi angeli forent multi <'< hoc est
verum. » La parenté de l'objection et de la réponse est assez ma-
nifeste. D'autre part les Questiones renferment, non pas seulement
six, mais au moins vingt renvois à des Quodlibet. Tous ces ren-
vois ne sont pas également précis. D'aucuns font connaître l'objet
de la question sans en donner le numéro ni même parler de
Quodlibets patet in conclusione de concretis et abstractivis.
D'autres parlent simplement de Quodlibet sans fournir de plus
ample indication, quere in quodlibet sicut predictum est in quod-
libet. D'autres renvoient aux Quodlibet et indiquent l'objet 6[cu<
patet in quodlibet de concep~u negativo. D'autres enfin, ce sont
les plus nombreux, donnent le numéro du quodlibet ou mf'me le
numéro du quodlibet et celui de la question. On n'a pas dessein
Yoici la liste des renvois qui ne sont pas étudiés au cours de notre
article. Nous avons indiqué la question correspondante des qf;odt!'&e<s quand
la référence ne la mentionnait pas. Sicut patet in primo quodtt'beto. Fol. 4,
col. 1. Quodlib. I. q. 5. Ad argumentum responsum est prius nona ques-
tione secundi quodlibeli. Fol. 7 v< col. 1. hoc dictum est ultima ques-
tione tertii quodlibeti. Fol. 8, col. 1. Aliam rcspon.<!0;tem require primo
quodlibeto, Fol. 12, col. 1. Quodlib. I, q. 9. Sicut probatum est nona
questione primi quodlibeti. Fol. 13 Y°, col. 1. Sicut dictum est questione
quarta primi quodlibeti. quere ista in predicta questione. Fol. 14. col. 2.
Sicut dictum est in quodlibet. Fol. 18, col. 2. Quodlibet IV, q. 2.5-28..5tcu<
patet in quodlibet de conceptu negativo. Fol. 19 v°, col. 2. Pro f's/a materia
quere ultima questione secundi. Fol. 7 v°, col. 1. Nous reviendrons p)u?
loin sur ces deux derniers renvois.
:t44 ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRINALE
ET LITTÉRAIREDU MOYENÂGE
homo Dans les deux ouvrages c'est la même doctrine, ce sont les
mêmes formules. Les mots « secunda conchts:OM par
lesquels dé-
bute le deuxième passage des Quodlibets, ont tout naturellement
dicté la formule in conclusione, in quadam conclusione, qui re-
vient deux fois dans les Questiones. Cet exemple est déjà significa-
tif. En voici qui le sont plus encore. Au folio 19, deuxième
colonne,
l'auteur remarque que le mot p?'mc:p:u~ désigne parfois le ter-
minus a quo et le terminus a~guem de la transmutation et que
ces deux termes sont des contraires de la privation. « Sed » ajou-
te-t-il « hoc non infert quod privatio sit aliquid d:st<nc<u/7: a ma-
ter:a et forma, sicut patet quinti quodlibeti questione 17 et ratio
est quia, quacumque. materia et forma demonstrata, haec est
falsa hoc est cecitas, vel hoc est materia. Hoc patet per Ansel-
mum de casu diaboli. quaere in quodlibet ». Or, dans les Quod-
-h'&et de Guillaume d'Occam, on retrouve, à l'endroit la
indiqué,
même doctrine et le même renvoi à saint Anselme « Et hec est
intentio Anselmi in De casu diaboli. » Plus loin, folio 22, vers
le deuxième tiers de la première colonne, l'auteur écrit « Alia
questio est utrum casus et /ortu~a possunt salvari sine libertate
voluntatis. Illius questionis quaere solutionem in primo quod-
libeto questione 17". » La question correspondante des Quodlibeta
de Guillaume d'Occam a précisément pour titre Utru~t ad sal-
vandum casum et /ortunam in rebus oportet ponere uotuntatefn
esse liberam. Antérieurement, au folio 2, deuxième colonne,
après avoir dit que la connaissance propre du singulier et la con-
naissance de l'espèce sont l'une et l'autre également intuitives, et
l'une et l'autre causées par l'objet, l'auteur énumère cinq objec-
tions suivies de cette remarque. Responsiones ad ista quere 7.3 ~ues-
tione quinti quodlibeti. Ensuite, au folio 3 verso, première
colonne, l'auteur soutient que l'existence du mouvement n'en-
traîne pas l'existence de rapports distincts des absolus, puis il
note « Contra istam conclusionem sunt aliquae rationes quae,
CKfn suis solutionibus, ponuntur questione quinta primi guod-
libeti. » Dans les deux cas, aux lieux marqués dans ces
passages,
les Quodlibeta de Guillaume d'Occam contiennent les objections
et les réponses que les références font prévoir. Considérons encore
le passage suivant, qui se lit au folio 14, deuxième colonne Pri-
mum duomm est utrurrt sit aliqua pars ultima corporis con<nen<<'s
~E'd.Pttrts,1488,ÇHO(?:.P,q.9etlO.
~&M..q. 17.
SUR TROIS MANUSCRITS OCCAMISTES 145
~Ed.c:t.,0uod!.7,q..5.
146 ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRINALE
ET LITTÉRAIREDU MOYENAGE
rec~em stne tali ficto quia cognitio non dependet a tali /cto essen-
tMHtcr' Ici encore la confrontation des textes est on ne peut t
plus convaincante.
Le deuxième renvoi, sur lequel il convient d'insister, est le
suivant Quando aliqua contradictoria possunt verificari circa
idem propter solum motum localem ibi non oportel ponerc aliam
rem distinctam ad verificandum ista contraria. Sed rectum et non
rec<u?n verificantur de substantia per solum motum localem igi-
tur illa non important res distinctas ab isto quod est rec~ufn et
curvum. Quaere explanationem in secunda questione septimi ("?,)
gnodH&et: Or nous lisons dans les Quodlibet Dico quod qua-
litates de quarta specie cujusmodi sunt figura, curvitas p< recti-
tudo, densitas et raritas et hujusmodi, non sunt res distinctae a
substantia et aliis qualitatibus. Quod probo quia, quando propo-
sitio verificatur pro rebus, si un,a res sufficit ad ejus t'c?'~a<em
frustra ponuntur duae. Sed tales propositiones linea est rec<o,
linea est cut*u<t et hujusmodi verificantur pro rebus et sola substan-
tia sic vel sic situata sufficit ad ejus veritatem partes substantiae
disponuntur secundum lineam rectam~Une conclusion se dégage
nettement de ces rapprochements de textes les Questiones f'n
libros physicorum sont sorties de la même plume que les Quodli-
bet attribués à Guillaume d'Occam. D'autre part, les trois ma-
nuscrits que nous connaissons les attribuent au Venerabilis
Inceptor. Le manuscrit 17841 porte, après la table, un explicit
ainsi conçu Expliciunt tituli questionum magistri Gug~ehm! de
Okam super librum phys:corum~. Le manuscrit Vat. tat. 9.5R
débute en ces termes Questiones Okam in libros physicorum
A la fin du texte on lit Expliciunt questiones super libris physi-
corum secundum magistrum venerabilem Guillelmurn de
Ocham. et la même attribution reparaît après la table °. Enfin le
manuscrit 153 de la Bibliothèque des Dominicains de Vienne
porte le titre que voici Conclusiones fratris W:~e~n: 0/{ham
super libros physicorum. Ainsi les données de la critique interne
~.M.C!t.,Quod!9.
".Ms. 17841, fol. 20 v<coLl.
Ed. cit., Quodl. l'Il, q. 2.
~Fol.26v°.
Fol. 32 \'<
° Fol. 59. Nous donnons ces indications
d'après le cata!ogt'e de la
Bibliothèque vaticane. Codices. Jatini, t. 11, Pars prior, 1931, fol. 409-
410.
SCR TROIS MANUSCRITS OCCAMtSTES 147
tion, très courte, a pour but de préciser quelle a été sur ce point
l'opinion d'Aristote et la sixième d'indiquer en quel sens on peut
dire que le point est un être. Quand on connaît les autres écrits
de Guillaume d'Occam, on s'aperçoit que deux hypothèses qu'il
a coutume d'envisager le point a pour sujet un accident indi-
visible, le point a pour sujet un accident divisible, ne sont pas
discutées. Et comme Guillaume semble bien vouloir traiter le pro-
blème à fond, comme d'autre part ce problème lui tenait certai-
nement à cœur, on en vient à se demander s'il ne manquerait
pas encore en cet endroit deux questions. La structure des ques-
tions suivantes fournit une première raison de le penser. Quand
il traite de la réalité de la ligne et de la superficie, Guillaume
envisage les deux hypothèses omises ci-dessus et il donne même
à entendre qu'à propos du point il en a déjà fait la critique Un
examen attentif du texte achèvera de nous convaincre. Les ques-
tions dont nous avons reproduit ci-dessus l'énoncé devront por-
ter les numéros 59, 60, 61 et 62, puisqu'on nous dit que la pre-
mière question consacrée au problème du point est la cinquante-
neuvième. Or qu'arrive-t-il P Traitant de la distinction de la ligne
et de la superficie, Guillaume énonce d'abord deux conclusions
accompagnées la première de cinq et la seconde de trois preuves,
et pour le développement de ces preuves qu'il ne fait qu'énoncer,
il renvoie le lecteur aux questions 59 et 60, où ces arguments se
trouvent en effet. Quere istas rationes prima questione de punctis
t'tdp~'cet J.9". Quere ista questione 6~ Ces deux renvois sont
bien ceux qu'on attend. Mais quand Guillaume formule ses cin-
quième et sixième conclusions linea non est principium super-
ficiei nec ejus terminus, linea non est ~:s parva res continuans
super/tc:e: ad invicem, et qu'il rappelle les arguments
partes
développés dans les troisième et quatrième questions mentionnées
ci-dessus ce n'est pas, comme cela devrait être, aux questions 61
et 62, mais aux questions 63 et 64 qu'il veut que l'on se reporte.
Quere ista :n questione ~.3. Quere ista in questione 64'. Poursui-
Fol. 12 v°. Tertia conclusio est quod linea non est subjective in acct-
dente indivisibili. Quarta conclusio est quod linea non est subjective in
accidente divisibili. Col. 1. Secunda suppositio est gtto~ superficies non est
in aliquo accidenti indivisibili. Et iste st!ppos;<!0n<'s probantur
subjective
sicut precedentes conclusiones de punctis et de linea, col. 2.
Fol. 12 col. 1 et fol. 11 V, col. 1.
Fol. 12 V, col. 1. Que les questions 63 et 64 désignent, dans ces réfé-
rences, les questions 3 et 4 relatives au point dans le manuscrit 17841. c'est
certain. On en a pour preuve d'abord leur énoncé et ensuite ceci. Guil-
J.52 ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRINALE
ET LITTÉRAIREDU MOYENÂGE
vons notre lecture. Après le problème de la ligne, Guillaume
aborde celui de la superficie et ici encore il renvoie aux passages
où il montre que le point n'est, à aucun titre, une réalité distincte.
Pour être différente, la façon dont il s'exprime n'est pas moins
significative. A propos de sa troisième conclusion superficies
non est alia res distincta continuans partes corporis, il expose
cinq arguments dont trois sont suivis des références suivantes
Quere in sexta questione de punctis. Quere istud questione sc.r/a
de punctis. Quere istam rationem questione sexta de punctis Or
ces arguments figurent dans la quatrième des questions relatives
au point que reproduit le manuscrit. Guillaume énonce ensuite
une quatrième conclusion superficies non est principium co~
poris nec terminus ejus. Ici énoncé et arguments rappellent les
arguments et l'énoncé de la troisième question relative à la na-
ture du point. Or la référence de Guillaume est ainsi conçue
Quere ista questione quinta de punctis Ainsi d'une part dans
les références la question 3 devient la question 5, et la question 4.
la question 6. D'autre part, des questions qui, si le manuscrit 17841
était complet, devraient, dans ces mêmes références, porter !fs
numéros 61 et 62, portent les numéros 63 et 64. ï! manque donc
bien deux questions. Si nous examinons le texte de plus près
encore, nous serons en mesure de restituer à ces questions leur
titre et à chacune son numéro d'ordre. Commençons par les
pages où Guillaume traite de la superficie. La superficie, remar-
que-t-il, n'est pas une réalité distincte du corps ayant pour sujet
un accident divisible et cette conclusion se prouve de multiples
manières'. Guillaume expose seulement deux arguments, t'ex-
posé du deuxième s'achevant en ces termes Qucrendum est .s:cuf
prius et guar~s questione de punctis est quesitum 4. Le mot pr/ns
désigne la question précédente où il vient de traiter de ta réalité
de la ligne. Reportons-nous donc à celle-ci. Nous y lisons ()ttay'<a
conclusio est quod linea non est subjective in accidenti d:)':s!t)t//
'FoLl;6Y°,coI.l;7,co!.1.2;3,v<coLl.
"Fol. 11, col. 1-2.
Fol. 22. Voici les titres des questions Utrum in causis essentialiter
ordinatis secunda dependeat a prima. Utrum in causis cssert<Mh'<er ordi-
natis causa superlor sit perfectior. Utrum causae essentfaliter ordinate neces-
sario requiruntur simul ad causandum effectum respectu cujus sunt cause
essentialiter ordinale. Utrum potest sufficienter probari pn~um efficiens per
productionem distinctam a conservatione. Utrum potest sufficienter pro-
&a7'f p~mum efficiens esse per conservationem.
SUR TROIS MAPiUSCHtTS OCCA~USTES 155
'Fo!.19v°,co!.l.
'Fot.7~,co!.l.
Fol. 63-65.
SUR TROIS MANUSCRITS OCCAMISTES 157
MtcaAi.SK: ~op. cit., pp. 4-5) fait figurer ce renvoi au nombre de ceux
<)u'i[ apporte. C'est donc l'indice qu'il n'a pas pris soin de confronter les
références et les lieux parallèles et qu'il y avait lieu d'entreprendre cette
onfrontation.
Le manuscrit contient en outre une question anonyme. Querilur utrum
'hrt.u. justus legislator sit omnium cognitor. Cette question occupe
exactement deux folios trois quarts (fol. 161-164'). L'auteur énonce d'abord
trois conclusions le Christ en tant que Dieu connaît tout ao n~crno, en
t.u~t qu'homme il connaît tout dans le Verbe d'une connaissance béatifique
des le premier instant de sa conception enfin il connait toutes choses dans
tour genre propre d'une science infuse. «Xed quoniam predicta sunt a
Mt)c/ c/ ~s doctoribus diffuse tracta et pu;c~7'e declarata, ideo transeo
< alia (fol. 16]~. 11 énonce ensuite six questions qui vont faire l'objet de
son examen, les unes concernent la théologie dogmatique, d'autres la théo-
logie mornJe. La question finit ainsi L'nde in .ft'm~t papa cortSt:< in
f)«adam deey'ctah' guod in ça. ~Mt.t sufficienter excogitationem patia-
~'fr et quod melius est hoc facere quam judicio ecclesie co?t(racf~t're. Et sic
finis hujus dubii. Nous n'avons pas retrouvé mention de l'incipit dans le
ot;))osue de B. Hauréau. Divers passages pourraient peut-être renseigner
sur la personnalité de l'auteur et l'époque à laquelle ce fragment fut
composé. Au fol. 161 on lit modus au/crM hujus assumptionis
<< benedicte unionis dudum fuit a doctoribus parisiensibus per
modum doctrine declaratus sufficienter et traditus /ucu!enter. Nunc
o'~e~ t;~ert~s modicum procedendo ad hujus doctrine declarationem et
~c//ensan! istius t'erf'fa<ts <'o!o, /oquendo non per modum conclusionis sed
per modum e.e?'c;t. specu/or; voie fa;ore ergo casus secundum poten-
~'<t~ Df! obso~,)tow. L'attitude adoptée ici par l'auteur traiter de l'union
h\postatique du point de vue de la toute-puissance divine et par mode d'exer-
cice, semble indiquer qu'il a subi l'influence de Guillaume d'Occam. La
suite du texte suggère la même hypothèse l'auteur se montre surtout pré-
occupé de savoir quelles propositions doivent être tenues pour vraies suivant
les cas que l'on peut envisager on sent en lui un logicien. On reconnaîtrait
encore une parenté avec Guillaume d'Occam à la fin du premier article
'fnL 163) où l'auteur déclare qu'il est utile de discuter ces sortes de pro-
h)èmes car si les raisons qu'on apporte ne font pas pleinement la lumière
et ne peuvent pas convaincre les infidèles, elles permettent de
cependant
défendre contre eux la vérité et de se garder soi-même de l'erreur et de l'héré-
sie. Néanmoins l'auteur n'est pas un occamiste. Ce ne doit même être
un franciscain, car dans l'article deuxième (t&t'd.) qui est d'ailleurs pasextrê-
158 ARCHIVES
D'HISTOIRE
DOCTRINALE
ET LITTÉRAIRE
DUMOYEN
ÂGE
les questions, y compris celles du premier livre. Ce qui n 'a pas
empêché le copiste de noter en marge à l'encre rouge t'occ~ ista
tabula primi libri et queras eam in primo superius Le mot
superius pourrait faire supposer que le manuscrit 893 n'est qu'un
fragment d'un manuscrit plus complet contenant tout le Contai c/)-
taire des Sentences. La présence d'un encadrement doré et en cou-
leur sur le premier feuillet ne s'accorde guère avec cette hypothèse.
Si l'on en croit le catalogue de la Bibliothèque mazarine le
manuscrit est conforme à l'édition de Lyon, mais il omet les
Dubitationes addititie reproduites dans l'imprimé à la suite du
livre IV. Ces deux assertions doivent être rectifiées. Et d'abord,
outre les variantes habituelles que toute copie présente, on relève
entre le manuscrit et l'édition des divergences profondes. Quel-
ques-unes se rencontrent dans le deuxième livre. Par exemple,
le manuscrit omet la fin de la question 19 à partir des mots ad
probationes primae opinionis et le début de la question 20 jus-
qu'aux mois Hic primo videndum est, soit treize lignes du texte
imprimé Dans la question 22, la réponse à la quatrième objec-
tion ad aliud dico quod secundum philosophum, in coelo non
est materia, est rejetée à la fin dans le manuscrit 4. A la ques-
tion 26, la dernière du second livre, le manuscrit omet d'abord
le passage compris entre les mots item notandum et dico hic,
soit treize lignes de texte, et il passe toute la finale sed de possi-
bili dico, soit une colonne plus dix lignes de texte Mais cette
finale est reproduite à la fin de la première question du troisième
livre où elle est suivie du passage item notandum qui, dans l'édi-
mement court, il déclare tout net que l'opinion d'après laquelle « nul ne
peut être chrétien parfait ou se trouver dans l'état de perfection s'il possède
quelque chose en propre ou en commun est non seulement contraire à la
foi catholique, mais dangereuse pour toute la communauté des hommes,
destructive de toute organisation politique. Bien qu'elle ait été condamnée
par l'Eglise on peut en discuter comme on discute des articles de foi. Et
l'auteur termine par cette remarque où l'on peut voir un trait destiné aux
ordres mendiants il est plus facile de prêcher une telle pauvreté qu'il ne
l'est de l'observer. Cette erreur a source dans l'ignorance de la théologie ou
philosophie morale, dans l'absence de prudence naturelle, dans l'envie du
bien d'autrui et dans une cupidité perverse. Cette question a été manifes-
tement composée après les décisions de Jean XXII concernant la pauvreté.
Son auteur est vraisemblablement un séculier.
Fol. 159 v<
A. MouNtER, Catalogue des manuscrits. Paris, 1885, t. I. p. 419.
3 Ms. cit., fol. 49 V, col. 1 <M. cM. x.
Ms. cit., fol. 55 v°, col. 2 M. cit. L.
° Jt~. cit., fol. 64 v", éd. c:<. T.
SUR TROIS MANUSCRITS OCCAMISTES 159
'.Ms. c:t., fol. 69. Dans le manuscrit ce passage débute par les mots
dico hic.
~A~.c;t.,fol.l60~.
3 Fol. 82-84.
<Af.s.c:t.,foL79,co!.l;ed.c:f.A.
"FoL84\'<co[.l.
<-Fo].85,coLl.
-Fo).89\cot.l.
160 ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRINALE
ET LITTÉRAIREDU MOYENA.GE
vel partes uniri quia intelligendo ipsas partes absolute et cetera,
etc., etc. et sic finis 1. On n'a retrouvé ce fragment ni dans les
Summulae in libros physicorum ni dans le Commentaire des Sen-
tences. La question 9 est suivie dans le manuscrit de deux pas-
sages interpolés. Le premier, indiqué en ces termes dans la table
quid sit nugatio orationis débute par ces mots Circa nugatio-
nem vitandamsciendumquodmultiplicitervitatur'. Il finit ainsi
Unde non est nugatio in diffinitione per repetitionem anime :n~c~-
lective et <o<Œcausa est de ignorantia un:us et intelligentia alterius
sicut dictum est Le deuxième commence par la remarque sui-
vante Notandum est quod secundum opinionem que ponit quod
actus intelligendi sit conceptus sicut patet tn primo peryarmenias
hic debet concedi quod de omni conccpfH predicatur ens in quid
e~fprimo modo dicendi per se et univoce sicut de entibus extra
animam quia per idem argumentum probatur unum e~ aliud
quere unionem (?) entis in eukaristia". Il achève en ces
termes quia mons aureus s~n:/tcat a~gmd compositum et monte
et auro quod nec est nec esse potest et de ficto nihil potest
esse verum secundum philosophum sep~mo metaphysice. Et sic
finis questionis °. Ces deux fragments occupent la valeur d'un
feuillet. Le livre IV présente des divergences moins nombreuses,
mais qu'il importe néanmoins de noter. Jusqu'à la fin de la
question 13, le manuscrit ne présente avec l'édition aucune va-
riante notable. Dans la question 14, il omet tout le début jus-
qu'aux mots ad quintum, c'est-à-dire trois colonnes et demie de
texte Il reproduit ensuite le même texte que l'édition jusqu'aux
mots fide tenendum est en intercalant toutefois entre ad quintum
et dico les mots istud non est supra formatum Jo. pro objecto
adequato. Les mots /tde tencndum est sont suivis de cette remar-
que qui ne figure pas dans l'imprimé. Zs~a responsio pertinet ad
rationem sequentem que ponitur infra Puis omettant tout le
reste de la question 14, c'est-à-dire cinq colonnes et demie, le
L.BArnRY.
CATALOGUE DES MANUSCRITS DIONYSIENS
DES BIBLIOTHÈQUES D'AUTRICHE
par
ieP.G.THÉRY,O.P.
AVANT-PROPOS
t=
1 Dans notre
description des manuscrits d'Autriche, nous n'avons pas
du tout l'intention de faire l'histoire de toute la tradition littéraire de
Denys. Nous ne dirons que ce qui est strictement nécessaire pour com-
prendre la valeur de nos manuscrits. Nous éviterons également à dessein
sauf dans certains cas particuliers de rapprocher ces manuscrits
autrichiens des autres manuscrits similaires qui se trouvent en France, Alle-
gne, Angleterre, Italie, etc. Ces rapprochements et ces problèmes seront
exposés en temps opportun. H nous paraît que c'est la meilleure méthode
de procéder d'une façon claire.
2Mgr A. Pelzer, scriptor à la Bibliothèque Vaticane, a bien voulu revoir
notre travail, nous suggérer un certain nombre de
remarques. On com-
MANUSCRITS DtOP-YSIEM D'AUTRICHE 165
INTRODUCTION
ff PlHCES ACCESSOIRES
prendra facilement que nous ayons attaché un très grand prix à son juge-
ment. Qu'il daigne accepter l'expression de notre affectueuse reconnaissance.
166 ARCHIVES D'HISTOIRE DOCTRINALE ET LITTÉRAIRE DU MOYEN AGE
b) HIÉRARCHIE CÉLESTE
C) HIÉRARCHIE ECCLÉSIASTIQUE
d) NoMs Dniris
C) THÉOLOGIE MYSTIQUE
<! k
!h
x't~siècte
Vienne, Biblioth. nat.,
754. lerugena Gloses intert. Nobitibus
Heiligen-Kreuz, Abbaye
cistercienne, 111. Gloses marg.
ZwettI, Abbaye cister-
cienne, 236. terugena Gloses intert.
x)n° siècle
1. Fan]iHe gallicane
2. Famille italienne
3. Famille germanique
a) Origine au xf s., Othon, moine de Saint-Emmeran,
fit à son tour copier la traduction de Scot d'après un
exemplaire de la famille italienne
~) Caractéristiques les mêmes que la famille italienne
sans les additions d'Anastase forme 7e/'u<ycna. Mais
de plus présence de la pièce Nobilibus
c) Représentants Munich, Clm. 14137 (autographe
d'Othon)
Vienne, B. N., 971 (xn" s.)
Vienne, B. N., 754 (xif s.)
!):
<. Les
2" Les iiniuuscrus
manuscrits oe vienne 754,
de Vienne ~34, H<1
971 reproduisent,
reproduisent, eux
aussi, ces gloses interlinéaires d'Anastase.
Par conséquent le principe adopté par Traube pour la classi-
fication de ces manuscrits perd toute sa valeur.
<!
MANUSCRITS DIONYSIEKS D'AUTRJCHL 173
6. LA TRADUCTION
DE SARRAZU<
7. LA LETTRE A APOLLOPHANE
A. L'« Explanatio »
a) L'Explanatio intégrale.
1 VANSTEENBERCHE,
Op. C:t., p. 190.
MANUSCRITS DIONYSIENS D'AUTRICHE 181
11 y a plus.
Dans son Tractatus de cognoscendo Deum, composé lui
aussi au début de 1459, et dont Mgr Grabmann a publié, d'après
le manuscrit de Munich Clm. 18600, le chapitre IX De super-
p~entc~t excessu in mystica theologia, Bernard de Waging cherche
à montrer l'identité de doctrine entre saint Bonaventure et Tho-
mas Gallus sur le point délicat et si débattu vers le milieu du
xe siècle, des rapports entre l'intelligence et la volonté dans la
vie mystique. Bernard cherche surtout à réfuter les doctrines
du chartreux Vincent d'Aggsbach. L'opinion de Bernard de Wa-
ging est que dans l'ascension mystique l'intelligence a une part
prépondérante au sentiment, et c'est pour confirmer cette doc-
trine qu'il se réfère certainement à tort à Thomas Gallus.
De ce dernier, il cite un commentaire sur la Théologie Mystique
qui ne concorde pas avec la paraphrase ou l'Extractio
GRABMAKK (Msr M.), Die B'~MrM;~ des Bernhard von Waging O.S.B..
zum Schutsskapitel von Bonaventuras Itinerarium mentis in Deum, dans
Franziskanische Studien. Festnummer zur Siebenhundertjahrfeier der
Geburt des Ht. Ktrche~!ehrers Bonauen<ttra, ~~J!t9~, t. VIH (1921),
MUnster i. W., pp. 125-132.
GRABMANN,tbtd., p. 132.
Voir notre édition de De duplici modo, p. 26, 6.
< ~b:d., p. 26, 7.
/btd., p. 21, 7.
Jb<d., p. 26, 8-13.
MANUSCRITS DIONYSIENS D'AUTRICHE 187
'Op.c!f.,p.33.8-10.
2 Ibid., p. 33,3-6.
"/b:d.,p. 33.7-8.
'/b;d..p.34,19-21.
~/b!'d.,p.34.12-14.
''j'bf'fy.,p.34,5~0. Voir GR\n~bt'd., 133.
188 ARCHIVES
D'HISTOIRE
DOCTRINALE
ET LITTERAIRE
DUMOYEN
AGE
de Thomas Gallus, achevée par Jean de Weilhaim en 1455. C'est
sans nul doute, Vincent d'Aggsbach qui l'envoya à son ami de
Melk, le 19 décembre 1454. Dans une lettre qu'il lui adresse à
cette date, nous lisons ce texte
B. L' « Extractio
Cues (45)
Garsten Ktosternenburg Tegernsee (CIm 18210)
(B. N. 695) (1128)
Aggsbach
X\
X/ B. N. 4525 (= E. 8. 1)
Me)k(363)
Schottenkloster (29)
192 ARCHIVES D'HISTOIRE DOCTRINALE ET LITTERAIRE DU MOYEN ÂGE
1. Bernkastel-Cues Ms.4.5
2. Munich Clm. Ms. 18210
3. B. N. Vienne Ms. 4525
4. Melk Ms. 56 (B. 21)
5. Melk Ms. 363 (G. 23)
6. Schottenkloster Ms. 29.
Bernkastel-Cues (45)
(Glm. 18210)
Tegernsee
(lls. 4525)
Aggsbach
hlelk
Melk 6.-B. 21)
(56.-B.
–-–366 (G. 23)
Schottenkloster (29)
C. Origine de ce commentaire
Cues Aggsbach
+ Munich
Tegernsee MeikXTcger-nsee–
~o-n-sbach Schottenkioster
Mdk
Scttottenkioster
2. – Le prologue de ce commcn~:?'e
1. Notes bibliographiques.
2. Le De triplici hierarchia.
11
Ms.574' 2
RE~L~RQL'ES
Ms.695
=i!
Ce commentaire est l'un des commentaires dionysiens les
plus importants du moyen âge. Pour permettre une
utilisation plus facile et plus rapide de ce manuscrit,
nous croyons utile de donner l'incipit et l'explicit de
chacun des chapitres.
2. EXPLA~ATIO
SUR LA THËOLOGŒ
MYSTIQUE(Fol. 81 r" '-85 1-°')
EXCURSUS III
EXCURSUS IV
Ascensionis 4adddn
vel contemplacionis 5 c d, 6 f h
vel excessus 7a,9x
extensionis D I, e, f, g 2 p.
Stationis 3ck;4k, 5b.
Surrectionis 6 e 9 a 12 b
Consurrectionis M' 1 b, Titum 4 j.
Sursum actionis In textu eciam sacre scripture
Unicionis ad negocium hoc mora-
Inmissionis liter pertinet quedam
Elevacionis super mentem ut Gen. 24 c contem-
Item suscitationis plabatur eam, idest sapienciam
Suspensionis et tacitus etc 30 g contemplacione
similium, Verbi gracia 4 R. 18. g.
De contemplacione 2 Paralip. 16. d.
A 1 c bis 2 c n et g Ysa. 47 f. 31 b
4 d, 6 b, 7 c, H. 1 Dan. 3. g. Prover. 25 a
13 f k, 15 a, c, k. lob 35 b. r.
MANUSCRITS DIONYSIENS D'AUTRICHE 223
ItemEId,2h.j. 37 g. 39 f.
3 a b d Ecc~If. d. a.
L'usage de ces tables n'est pas très facile. Il faut savoir tout
d'abord que Thomas Gallus désigne les livres de Denys. non pas
par leurs titres, par exemple Hierarchia Celestis, mais par des
lettres, prises dans ces titres.
A = Hiérarchie Angélique
E = Hiérarchie Ecclésiastique
D == Noms Divins
M == Théologie Mystique
De plus, Thomas Gallus divise chaque chapitre en para-
graphes, qu'il désigne encore par des lettres A, B, C, etc. De
même – nous aurons à traiter ce point plus longuement il cite
les versets de l'Ecriture Sainte, d'après une division alphabétique.
Prenons maintenant comme exemple concret, le terme con~em-
platio Thomas Gallus énumère les principaux passages de Denys
dans lesquels on rencontre ce terme. On le trouve, dit-il, dans
dans A item dans E dans D, dans M et dans l'épître à Tite.
L'abbé de Verceil suit l'ordre normal des livres de Denys
dans A, le terme contemplatio se trouve dans 1 c bis, c'est-à-dire
au chapitre I, au paragraphe C, deux fois. Le paragraphe C,
comme nous le voyons dans notre manuscrit, fol. 90 v° com-
mence aux termes Quapropter et sanctissimam nostram hierar-
chiam = Version de Sarrazin, Opera Dionysii Cartus., Tournai,
1902, t. XV, p. 288, L 35. Et en effet, nous trouvons dans ce para-
graphe le terme contemplatio deux fois
Quoniam neque possibile est nostrae menti ad immaterialem
illam sursum excitari caelestium hierarchiarum et imitationem et
contemplationem (= ibid., p. 286, dernière ligne).
et immaterialis luminisdationis imagines, materialia lu-
mina et secundum mentem contemplativae adimpletionis
(= :b!'d., p. 287, I. 5).
Le terme contemplatio se lit encore dans A 2 c, c'est-à-dire
dans la Hi'erarc~ue Céleste ou Angélique, au chapitre II, para-
graphe C. Ce paragraphe commence (voir notre ms. 695, fol.
92 r°') à ces mots sed veritatis ut arbitror. (= Sarrazin, ibid.,
p. 288, II.)
Là encore, comme nous l'indique notre table de concor-
dances, on doit rencontrer le terme contemplatio
F.tenim quod convenienter quidem propositae sunt non for-
224 ARCHIVES
D'HISTOIRE
DOCTRINALE
ET LITTERAIRE
DUMOYEN
AGE
malium formae et figurae infigurabilium non solam causam dicat
aliquis esse nostram proportionem non valentem sive medio ad
intelligibiles extendi contemplationes. (SARRAzm, ibid., p. 288,
1. 14.)
Après avoir donné une liste des passages de Denys où se lit
le terme contemplatio, Thomas Gallus y ajoute les références à
l'Ecriture Sainte In textu eciam sacre scripture ad negocium
hoc moraliter pertinet quedam par exemple, Gen. 24 C = XXIV,
21 ipse autem contemplabatur eam tacitus Gen. 30 g = XXX,
41 ut in earum contemplatione conciperent 4 R, 18 g e= en fait
III R., XVIII, 43 qui cum ascendisset et contemplatus esset
2 Paral., 16 d!=2 Paral., XVI, 9 oculi enim Domini contem-
platur.
Si nous nous sommes arrêtés sur le maniement de ces tables,
c'est tout d'abord pour ne rien laisser dans le vague. De plus, au
point de vue psychologique, ces tables ne manquent pas d'inté-
rêt à travers elles, nous devinons les méthodes de travail de Tho-
mas Gallus. Ce dernier a étudié toute sa vie l'Ecriture Sainte et
les ouvrages de Denys. Une de ses idées principales, ce fut tou-
jours d'établir une rigoureuse continuité entre les écrits du « pre-
mier théologien » et les livres saints il en a fait des concor-
dances synthétiques, mais aussi des concordances verbales.
1 Suit un mot
que nous n'avons pu déchiffrer.
MANUSCRITS DMNYSJENS D'AUTRICHE 225
REMARQUES
Ms. 754
Parch. xii' s., 100 feuillets, 293 X 212 mm. Ancienne cote
? 22 Theol. lat. provient de Klosterneuburg Iste liber est cano-
nicorum Regularium S. Augustini in nova civitate (fol. 45°).
Ce ms. a été décrit par DEifis, Codices manuscripti theologi bibliot.
palat. Vindobonensis /a<n:, Vindobonae, 1793. t. I, n" CCXVII,
pp. 678-684.
REMARQUE
Cette pièce ne porte aucun nom d'auteur dans ce manuscrit
754 on la retrouve encore anonyme dans le ms. 2237 de la biblio-
thèque nationale de Vienne. Par contre, dans le ms. 354 de la
bibliothèque des Chanoines Réguliers de Ktosterneuhurg d'où
provient précisément notre ms. 754 elle est attribuée à Rovdger:
Rovdger. Summa brevis in ierarchias s. Dionisii Ariopagite.
Rudger 1 fut prévôt de Klosterneuburg pendant un an envi-
ron élu en 1167, il mourut le 29 août 1168. Voir Alonasticon
Metropolis Salzburgensis antiquae Supplementum. Verzeichnisse
der Aebte und Prôps~e der ~~osfer der ~pn Erzd:o~ese tV:gn.
234 ARCHIVES D'HISTOIRE DOCTRINALE ET LITTÉRAIRE DUMOYEN ÂGE
A'ebst Nach~agfen und Ber~ch~un~en von P. PmMtN L~DNER,
Bregenz, 1913, p. 5. Il existe une biographie récente de Rudiger.
Voir ScHRODER,Notar Rudiger. E:n Domherrleben aus dem 12.
Jahrhundert, dans .4?'chn) jfur die Geschichte des Hochs{:/<s Augs-
bu~, B. 6, 1929, pp. 819-835. Au sujet de la petite pièce que
nous venons de transcrire, nous lisons, p. 833 « Verse mit der
Ueberschrift « Rovdger » und in Schriftzügen des 12. Jahrh. sind
vorangestellt einer klosterneubürger Handschrift des 12. Jh.
(Codex 354, Bl. I'), die den Kommentar zum Pseudo-dionysia-
nischen Hierarchia enthalt, den der tiefsinnige Mystiker Hugo
von S. Victor Zeit- und Ordensgenosse Rudigers, verfasst hat.
Dans son Catalogus Codicum Manu Scrtptorum qui in biblio-
theca Canonicorum Regularium S. Augustini C~austroncobur~
MCMXXXI, le P. Czernik ajoute cette note Rudgerus fuit a. 1167-
1168 praepositus canoniae nostrae, G. Fischer (= Mer~-u'urdtgerr
Schicksale des Stiftes und der Stadt R'~o.~erneubur~, Wien, 1815).
I, 58. De operibus litterariis eius modo disserit Alfr. Schroder
Dillingae.
REMARQUE
Ms.790
C'est la lecture de DENis, op cit., pars I. n" CCL, col. 75. Nous n'avons
pu déchiffrer ce mot.
238 ARCHIVES
D'HISTOIRE ETLITTÉRAIRE
DOCTRINALE DU MOYEN
ÂGE
Vercellensis prosequitur in suo commento, de cuius principaliter
glossa et eciam de commento Linconiensis, Glozule ac notule que
secuntur sunt sentencialiter tracte. Voir Introduction, p. 198.
d) Gloses sur la Théologie Mys~que (128 r° '-132 r° ')
ïnc. Mistica autem theologia, ut dicitur Linconiensis est secre-
tissima et non iam per speculum et ymagines creaturarum
Expl. non deficientem et per tenebram et errorem omnem rem
deficientem. Hec Lincolniensis in fine sui commenti de
mistica
Ex binis Commentis bis binisque diebus
Hec humilis breviter glozula colligitur.
Ms.828
Parch., xiv~ s. 97 feuillets, 213 X 150 mm. Signature an-
cienne 496 Theol. lat. Le nouveau catalogue dit « 1*-39". Dio-
nysius Areopagita, De coelesti hierarchia interprete Scoto Erige-
na. » En fait, il y a plus, comme DENis, op. cit., I, CCXVIII, col.
685 l'avait déjà remarqué. Deux mains 1 r°-8 v° 9 v°-38 v°
(pour ce qui concerne Denys).
6
Ms. 845
REMARQUES
Ms. 900
REMARQLTES
Ms.948
REMARQUES
REMARQUES
Parch., xii~ s., 163 feuillets, 255 X 165 mm., une seule main.
Donateur Eberhardus archiepiscopus dedit hunc librum ad eccle-
sias Rodberti Ce ms. provient de Salzburg (n° 213).
Ce ms. contient le commentaire de Hugues de Saint-Victor
sur la Hiérarchie Céleste.
Fol. 1 v° Incipit opus magistri Hugonis in ierarchias sancti
Dionisii Episcopi. De differentia mundane theologie atque divine
et de ministrationibus earum. Incipit prologus. (Ruhr.)
Inc. ludei signa querunt = P. L., t. CLXXV, col. 923.
Sapientia transcendit, sanctitas condescendit, col. 1154.
Expl. Ierar-
Explicit Expositio Magistri Hugonis super librum
chiarum.
11
Ms.2237
RtSMAHOLES
12
Ms. 3362
Papier, xv" siècle, de 367 feuillets, dont les deux derniers sont
en blanc.
246 ARCHIVES D'HISTOIRE DOCTRINALE ET LITTÉRAIRE DU MOYEN ÂGE
13
Ms. 3402
14
Ms. 4434
15
Ms. 4525
Papier et parch., xv" s., 216 feuillets, 218 X 145 mm. Pro-
vient comme les mss 845, 900 de la chartreuse d'Aggsbach. Sur la
feuille de garde, nous lisons Hic liber est domus porte Marie in
Axpach Carthusiensis ordinis et fol. 2 r° Hic liber est domus
porte Marie in Axpach Carthusiensis ordinis in Austria.
Ce manuscrit est un des plus importants pour les traductions
et les commentaires de Denys.
MANUSCRITS DIONYSIENS D'AUTRICHE 247
tica theologia.
Ine. Trinitas supersubstantialis superdea
Expl. ultra universa.
182 ~-202 vo Commentaire sur la Théologie Mystique par Robert
Grossetête.
Inc. Mistica theologia est secretissima et non jam per spéculum
et ymaginationes
Expl. deseendens a perfecti benivole suppleri. Explicit com-
mentum lineoniensis super mistica theologia beati dyo-
nisii.
Cette traduction et ce commentaire de Robert Grosse-
tête sont publiés dans l'édition de Denys, Strasbourg, 1503
fol. 264 v° 271 v".
202 v°-216 v" Extraits de Robert Grossetête sur la Hiérarchie
Céleste Secuntur excerpta Lincolniensis desu-
per angelica Ierarchia.
înc. Lineoniensis angeliee ierarchie super 1° Non est enim
possibile, c. I. Thearchicus radius nobis adhue infirmis
supersplendere non potest. Bibl. Vatic., Chigi AV, 129,
fol. 211 r" I. 13.
Expl. sui pulchritudinem et sui ad se similitudinem non permu-
tatam. (H. C., XV) = ibid., fol. 248 r° I. 26-27.
REMARQUES
REMARQUE
Remarquons que ce manuscrit provient d'une chartreuse
(Gemnyk) comme les mss 845, 900, 4525 (Aggsbach)
BIBLIOTHÈQUE DU COUVENT DES DOMINICAINS DE VIENNE
18
Ms.103
REMARQUE
tum nobis possibile est, finit et super nos ocultum silencio vene-
rantes.
GOTTLIEB, op. cit., p. 318, 36-40.
Traduction par J. Sarrazin de la Hiérarchie Céleste voir
Opera Dionysii Cartus., Tournai, 1902, t. XV, pp. 286-310, avec
un important avertissement Utilitati legentium (voir Vat. lat.
176, fol. 139 r°-156 v°) sur lequel nous aurons bientôt l'occasion
de revenir.
Eiusdem ecclesiastica ierarchia secundum novam transla-
tionem a Johanne Sarraceno, incipit prologus Post translatio-
nem Angelice ierarchie, finit in te divini ignis accendam scin-
tillas. GOTTLIEB, op. cit., p. 319, 1-4.
Opera Dionysii Cornus., ibid., pp. 597-628.
Idem de divinis nominibus incipit in prologo Memor hos-
picii et mee promissionis, finit theologiam deo duce transibi-
mus et hec secundum Johannem Sarracenum. GOTTLIEB, op. cil.,
p. 319, 5-7. Sur le prologue, voir plus haut, p. 215. Pour la tra-
duction, voir Opera Dionysii Cartus., t. XVI, pp. 351-394.
Idem de mistica theologia, incipit in prologo Ante misti-
cam theologiam simbolicam, finit ab omnibus simpliciter abso-
luti, etc., secundum Johannem Sarracenum. GoTTHEB, op. cil.,
p. 319, 8-10 Opera Dionysii Car~us., ibid., pp. 471-475.
Eiusdem Dyonisii epistole decem, incipiunt Tenebre ocul-
tantur lumine, finit et hiis, qui post te erunt trades.
GOTTLIEB, op cit., p. 319, 11-12. Opera Dionysii Cartus.,
ibid., pp. 502, 506, 508-509, 512, 515, 517-518 527-533 595-599.
Eiusdem Dyonisii Ariopagite libri et epistole, ut supra E. 15
(donc toute la version de Sarrazin), cum postilla Hugonis de
sancto Victore super eisdem cum tabula capitulorum in princi-
pio libri ibi vide in magno libro (très probablement le com-
mentaire de Hugues de Saint-Victor sur la Hiérarchie Céleste. Voir
GOTTLIEB, op. cit., p. 319, 13-15.
E. 29. Dyonisius de divinis nominibus. Idem de mistica theo-
logia. Epistole eiusdem, ut supra E. 15 (version de Sarrazin).
GoïTHEB, op. cit., p. 321, 33-36.
E. 32. Magistri Hugonis et prepositi S. Victoris opus in ierar-
chias sancti Dyonisii de differencia mundane atque divine theo-
logie, incipit Iudei signa querunt, finit sanctitas condescen-
dit. GOTTLIEB, op. cil., p. 322, 1-3.
Commentaire de Hugues de Saint-Victor sur la Hiérarchie
Céleste, P. L., t. CLXXV, col. 923-1154.
t7
258 ARCHIVES
D'HISTOIRE
DOCTRINALE
ET LITTERAIRE
DUMOYEN
ÂGE
E. 35. Ecclesiastica ierarchia Dyonisii, ut supra, vel celes-
tis, ut E. 15. GorruEB, op. cil., p. 323, 12-13.
Dyonisius de divinis nominibus, ut E. 15. GoTTLiEB, op. c:
p. 323, 15.
E. 57. Albertus Magnus super celestem ierarchiam, incipit
Ad locum, ubi oriuntur flumina, finit per hec omne super nos-
trum intellectum, cum tabula. GoTTUEB, op. cit., p. 327, 20-22.
Ed. BORGNET,t. XIV, pp. 1-451.
H. 29. Dyonisius ad Timotheum de mistica theologia, in-
cipit Trinitas semper essencialis.
Eiusdem quatuor epistole. GOTTLIEB,op. c~ pp. 349, 38-
350, I. C'est le ms. 103 que nous avons décrit.
K. 21. Scotus super Dyonisium, incipit Ad intellectum li-
brorum beati Dyonisii. Go-rruEB, op. cit., p. 360, 23-24.
Comme l'incipit nous l'indique, il s'agit du commentaire de
saint Thomas sur les Noms Divins (voir plus haut, p. 255) et au
lieu de lire Scotus, comme Gottlieb, il faut certainement lire
Sanctus Thomas.
HUGUES DE SAINT-VtCTOR
Comm. H. Céleste E. 16 (?)
E.32
S. ALBERT LE GRAND
Comm. H. Céleste E. 57
H. Eccles. E. 14
N. Divins E. 14
Th. Myst. E. 14
Epitres E. 14
S.THOMAS
Comm. N. Divins C. 12
K.21
BIBLIOTHÈQUE DU SCHOTTENKLOSTER
19
Ms.29
20
Ms. 309 `
21
Ms.396
(A suivre)
~P.A.HûBL,!oc.ctt.,p.431.
HENRI DE GAND
ET L'ARGUMENT ONTOLOGIQUE
Proslogion, p;'oofm:;<m.
D'HISTOIRE
266 ARCHIVES DOCTRINALE
ETLITTÉRAIRE
DUMOYEN
ÂGE
toute preuve ontologique de l'existence de Dieu, et oppose aux
tentatives d'Anselme et de Descartes, les objections massives que
l'on sait, et qui eussent facilement passé pour dirimantes. Mais
l'argument dont nous parlons doit-il en attendre de semblables fi
Ceux-là mêmes qui se situent dans la tradition kantienne, ne se
rangent point unanimement à l'avis du philosophe allemand.
Lachelier écarte, comme lui, quoique non peut-être sans regret,
l'argument ontologique, à quoi il substitue le pari de Pascal
Hamelin enseigne, au contraire, qu'inacceptable en droit pour les
réalistes du moyen âge, cet argument trouve au sein d'un idéalisme
résolu sa place marquée Et l'Essai se présente, dans l'ensem-
ble, comme une vaste preuve ontologique, passablement trans-
formée, il est vrai, et telle qu'Anselme l'eût à peine reconnue
Faut-il rappeler, enfin, qu'au sein même de la tradition réaliste
et néoscolastique l'unanimité non plus n'est point réalisée, et
que plus d'un demeure tenté de s'élever à Dieu, en partant de la
pensée, sans emprunter le détour des choses ? Nous ne songeons
point à. juger ici cette prétention, ni à décider quelles sont ses
chances de succès. Ce préambule voulait seulement faire éprouver
ce que la dialectique inventée par saint Anselme, garde présen-
tement et semble devoir garder toujours de prestige et de séduc-
tion. Ce n'est point là un jeu d'idées, qu'un jeu d'idées adverses
suffise à ruiner mais, pour ceux qui l'adoptent, le témoignage
d'une expérience religieuse ou métaphysique, à quoi rien ne les
peut faire renoncer.
Nous devons au P. Daniels une sorte de répertoire des textes
et des opinions des auteurs du xm" siècle, relatifs à l'argument de
saint Anselme 4. On y voit que la majeure partie de ces auteurs,
et notamment les tenants de l'école franciscaine, accueillirent
avec empressement l'argument susdit que deux d'entre eux seu-
lement saint Thomas et Richard de Middieton prirent le
parti de le combattre qu'enfin, il en est trois dont l'avis
Op. cit., pp. 122 ss. Sur Henri <1e Gand, voir ibid., pp. 79-81.
268 ARCHIVES
D'HISTOIRE
DOCTRINALE
ET LITTÉRAIRE
DUMOYEN
ÂGE
sensible, que va se déduire la série des attributs divins la théo-
dicée devient alors, ainsi qu'on l'a dit très exactement « une
longue paraphrase des preuves données au départ, une explica-
tion circonstanciée et diverse de cette courte phrase Dieu est ».
Les tenants de l'argument ontologique font le chemin inverse.
Selon eux, c'est l'essence divine qui se trouve connue d'abord,
et c'est dans le concept même de Dieu, que l'intelligence peut lire
l'exigence de son être. De ce que je conçois Dieu comme un être
tel qu'on n'en peut concevoir de plus grand (saint Anselme), de
ce que je le pense sous l'aspect de l'être souverainement parfait
(Descartes), il suit que je le conçois comme existant actuelle-
ment au dehors de ma pensée et partant Dieu existe. Saint Tho-
mas a connu cette argumentation et compris ce qui en fait la
force. Il est bien vrai que l'essence de Dieu n'est point autre chose
que son existence, et qu'ainsi quiconque connaît intuitivement
la première, perçoit comme concrètement la réalité de la seconde.
Mais est-il vrai que nous ayons de la nature divine une intuition
même rudimentaire ? Saint Thomas le conteste nos non scimus
de Deo quid est 2. Les concepts qui nous servent à penser Dieu
quelque sublimation qu'ils manifestent demeurent soli-
daires de l'expérience sensible qui les suggéra, et tout leur contenu
se peut expliquer par elle, sans qu'il soit besoin de faire corres-
pondre à notre idée de Dieu, conçu comme existant nécessaire-
ment, un objet actuel dont cette idée fût comme l'appréhension
immédiate. C'est bien là, pourtant, ce que postulent saint Ansel-
me et Descartes, pour qui notre idée de Dieu nous le fait saisir
tel qu'il existe concrètement, au dehors de la pensée. Mais c'est
aussi qu'aux yeux de ces auteurs, l'idée que nous avons de Dieu
n'est point formée par l'esprit à partir des données du monde
sensible elle transcende ces dernières en valeur et en dignité, et
adhère étroitement à la Réalité Spirituelle qu'elle fait connaître,
et dont elle interdit de contester l'existence. Elle est un bien que
l'esprit trouve en soi, ou reçoit par la faveur d'En-Haut, mais
qu'il ne doit en aucune manière à l'activité des sens, ou de l'in-
tellect tourné vers le témoignage des sens. Concluons que, dans
'<!tLSU~,Op.C<p.219.
L'ouvrage essentiel sur la philosophie d'Henri de Gand demeure
celui de DE Wm.,F, Histoire de la Philosophie scolastique dans les Pays-Bas
et la Principauté de Liège, Mém. couronn. Acad. Royale de Belgique, coll. 8°,
tome 51, 1894-1895, pp. 46-272. La théorie de la connaissance est traitée aux
pp. 118-196. Les monographies de G. HAGEMAN, De llenrici Gandavensis quem
vocant ontologismo, Munster, 1898, et R. BRAUN, Die Er~-enf!s;e~re He:rt-
richs von Gent, I. D., Fribourg (Suisse), 1916, n'ajoutent que peu de chose
aux analyses de M. de Wulf.
3 0~n<s nostra
cognitio a sensu ortum liabel », Summ., art. 3, q. 3,
n° 4, p. 69 et ibid., q. 4, n° 4 ss., p. 72. Nous nous servons, pour la
Somme,
de l'édition Magistri He~c: Goethals a Gandoi'o. Su~mc in tres partes
praecipuas digesta, Ferrariae, MDCXLVI (trois volumes dont la pagination
se fait suite, et qui comprennent respectivement les articles 1-20 21-52 53-
75) et, pour les Quodlibets, de l'édition M. Henrici Goethals a Gandavo.
Aurea Quod<tb<a, Venetiis, MDCXIH (deux tomes qui
comprennent respec-
tivement les Quodlibets 1-7 et 8-15).
270 ARCHIVES
D'HISTOIRE ET LITTERAIRE
DOCTRINALE DUMOYEN
ÂGE
1 Voyez, par exemple, Quodl. IV, 21, 199 v<' ss. V, 14, 261 v° ss. VIII,
12-13, 32 r" ss. XIII, 8, 300 V ss. Summ. 1, 5, pp. 33 ss. 58, 2, 37 ss.,
pp. 1006 ss.
« M prima cognitione intellectus noster omnino sequitur se~sum, nec
est aliquid conceptum in intellectu quod non erat prius in sensu. Et ideo
talis intellectus. bene potest esse verus, concipiendo sive cognoscendo rem
sicuti est, quemadmodum et sensus quem sequitur, licet non concipiat
vel intelligat ipsam veritatem rei certo judicio perpiciendo de ipsa quid
sid. » Summ., 1, 2, 14, p. 10. Sur la connaissance du verum et de la veritas,
voyez la suite du texte, et sur la portée et le terme de la première phase de
l'acte d'intellection, les passages cités à la note précédente, et ceux qu'indi-
queront les notes suivantes.
HENRIDE GANDET L'ARGUMENT
ONTOLOGIQUE 271i
de cette manière sont ensuite comparées les unes aux autres, pour
prendre place en des jugements. Et de même que du concept
d'être, principe premier dans l'ordre des notions, (incomplexa)
tous les autres concepts se déduisent par voie de détermination
(ratione definitiva), de même dans l'ordre des jugements (com-
plexa), le principe de contradiction, issu de l'appréhension de
l'être en tant qu'être, possède la primauté et fonde rationnelle-
ment les propositions ultérieures qui s'en déduisent par la voie
du raisonnement (ratione syllogistica) Les souvenirs aristoté-
liciens ne manquent assurément point en ces assertions remar-
quons toutefois qu'ils servent à étoffer une doctrine de l'activité
autonome de l'esprit, où se marque l'influence profonde de saint
Augustin. A l'abstraction thomiste bien amenuisée, il est vrai,
et comme dépouillée de son efficacité Henri superpose, dans la
constitution du savoir, la réflexion augustinienne 2.
Une telle réflexion qui ne doit aux facultés sensibles que
l'occasion de son exercice peut-elle supporter à elle seule la
tâche de la formation d'une science vraie ? Henri s'est posé plus
d'une fois la question, sans que la solution qu'elle méritait lui
parût toujours la même. Les premières pages de la Somme déve-
loppent une théorie de l'illumination très fidèle à l'esprit de saint
Augustin, encore qu'autrement élaborée qu'on ne la trouve dans
les œuvres de l'évêque d'Hippone. Comme ce dernier, Henri
dénie à l'esprit humain la faculté d'atteindre la syncera veritas
des choses, du moment que ne l'assiste point, avec une bienveil-
lance spéciale, la Pensée Infinie qui les conçut Mais notre doc-
teur n'ignore point qu'Aristote se passe entièrement de cette
hypothèse, et il lui paraît difficile d'exclure absolument son
système d'explication. Peut-être que, privé d'illumination,
l'homme reste capable d'une certaine vérité, assurément moins
limpide ? C'est une opinion qu'Henri signale parfois avec fa-
veur Telle de ses remarques invite même à tenir l'illustratio
Voir sur cette seconde phase, Quodl. IV, 8, 152, r° ss. Summ. 36, 3,
5-6, p..596 54, 9, 6 ss., pp. 940 ss. 58, 2, 4.5 ss., pp. 1009 ss. 1, 12, pp.
51 ss.
Laquetfe n'a rien de commun avec l'abstraction, ainsi que l'a noté
M. G[LSOK,Réflexions sur la controverse saint Thomas-saint .4ugustin. (AM-
langes A~andonnef, t. 1, Paris, 1930, pp. 377 ss.)
Summ. 1, 2-3-4, pp. 8 ss.
Voyez Summ. 1, 2. 16 ss., p. 11 ss. 1, 5, 5, p. 33 1, 6, 11, p. 36
1, 7, 5 et 9, p. 38 ss., qui ne vont pas toujours dans le même sens.
D'HISTOIRE
272 ARCHIVES DOCTRINALE
ETLITTÉRAIRE ÂGE
DUMOYEN
hicM aeternae pour tout à fait exceptionnelle et spéciale Il est
remarquable, enfin, que tant de questions des Quodlibels exposent
la genèse de la connaissance, sans recourir d'aucune manière à
l'illumination °. Il semble qu'après qu'il se fut mis en règle avec
ce point de l'orthodoxie augustinienne, Henri n'ait point aimé y
revenir, conscient peut-être du conflit qui oppose ici, irréducti-
blement, les maîtres qu'il cherche d'habitude à concilier.
Quoi qu'il en soit, on devine maintenant à peu près quelle
réponse notre philosophe peut fournir au problème de l'origine
des idées. II a pris soin de marquer lui-même sa position, en
l'opposant à celle qu'occupaient ses devanciers Ceux-ci se
rangent en deux groupes principaux. Les uns que l'on peut
nommer, au sens large, des innéistes assignent au savoir une
origine naturelle, en ce sens que l'esprit humain n'interviendrait
point activement pour l'acquérir. Tel Platon, selon qui l'homme
naît à cette vie, pourvu d'un ensemble d'idées qu'il reçut en une
vie antérieure, et qu'il n'aura donc que la peine de se remémorer.
Tel Avicenne, encore, qui reporte simplement dans l'existence
présente pour la suspendre au Dator formarum l' « impres-
sion des idées », rejetée par Platon en un passé mythique. D'autres
philosophes, dont Aristote est le représentant, contestent que le
savoir soit naturellement déposé en nous de cette manière, et
pensent, au contraire, qu'il appartient à l'intelligence humaine
de le constituer progressivement, en s'appuyant sur les sens.
Henri prétend retenir l'essentiel de l'une et l'autre thèse, dont
chacune, prise à part, n'a que le tort de se faire exclusive I! est
bien vrai de dire, comme l'enseigne Aristote, que l'intellect
humain n'est point initialement pourvu d'idées, et qu'il forme
à partir de l'expérience sensible, l'ensemble des notions dont se
compose la science. Mais il n'importe pas moins d'ajouter que
cette science ne s'achèvera point sans l'influence régulatrice des
Idées qu'a connues Platon, et qui ne diffèrent point en réalité
des Idées Divines, sans l'assistance du Dalor dont parlent les
Arabes, mais en qui ils ont tort de ne point reconnaître Dieu
1 Summ. 1, 5, 5, p. 33.
L'illumination n'est exposée qu'une fois dans les Quodlibets (IX, 15,
110 v~). et sauf cette unique mention, presque entièrement passée sous
silence.
Summ. 1, 4, p. 24 ss. « Utrum contingat hominem scire a natura, vel
.a& acquisitione? »
Loc. cit., n. 21 ss., pp. 27 ss.
HENRIDE GANDET L'ARGUMENT
ONTOLOGIQUE 273
même. Ainsi voyons-nous se réaliser, une fois de plus, sur le
terrain de la théorie de la connaissance, cette synthèse de Platon,
d'Augustin, et d'Avicenne, que tenta plus d'un docteur du
xnf siècle, et qu'on a caractérisée, en ces dernières années, sous
le nom d'augustinisme avicennisant
H résulte de ceci que l'~ummc~on mise à part, Henri rejette
toute interprétation innéiste de la connaissance, et se déclare
d'accord avec Aristote. Mais l'est-il autant qu'il se l'imagine a
Dans l'aristotélisme, c'est l'intellect agent qui dégage la quiddité
des choses, par une série d'abstractions pratiquées sur l'objet du
phantasme. Nous savons qu'aux yeux d'Henri, le produit de ces
abstractions reste de l'ordre du sensible et de l'accidentel, et que
l'essence ne se découvre à l'intellect possible, qu'au terme de
l'activité réflexive menée par lui-même. H l'atteint, avons-nous
dit, par des déterminations successives qui aboutissent, en fin de
compte, à la définition de l'objet conçu. Ces déterminations
peuvent-elles se superposer à l'infini Assurément non. A mesure
qu'on s'éloigne des essences particulières, et qu'on remonte
l'échelle des notions de plus en plus générales qui servirent à les
exprimer, on se rapproche d'une notion absolument première,
que nulle autre ne précède, et que l'intellect prit comme point
de départ, en son activité conceptuelle. Cette notion, c'est la
notion d'être
« Les notions d'être, de chose, de nécessaire sont de nature
telle qu'elles s'impriment immédiatement dans l'âme, par une
impression qui ne doit rien à des notions antérieures, et qui
seraient mieux connues qu'elles-mêmes « Ce texte d'Avicenne
avec le chapitre qui en fait le commentaire
inspire toute la
doctrine de l'idée d'être chez Henri, comme il inspirera un peu
Voyez les articles de M. Gilson dans les Archives d'~t'st. doctr. et litt.
du moyen dge, t. 1 (1926), t. IV (1929), t. VIII (1933). Pour l'opinion de
Henri sur ce point, voir Summ. 1, 4, 13, p. 25, et 23, p. 28, mais surtout
Quodl. IX, 115, 110 v" ss. où le Dieu illuminateur de saint Augustin est
identifié à l'Intellect Agent Séparé des Arabes.
Summ. 1, 12, 9, p. 52.
« D!ce~!M igitur quod ens et res et necesse talia sunt quod statim
imprimuntur in anima, prima impressione quae non acquiritur ex aH!S
notioribus se o, etc. AvM. Metap/t., tr. 1, 1. 2, c. 1 (sive tr. 1, c. 6) (Meta-
p~tca Avicennae, Venetiis, 1495, p. 3 rb) cité par Henri, Summ. 1, 12, 9,
p. 52 3, 1, 7, p. 68, etc. Sur le sens général de la remarque d'Avicenne,
et l'influence qu'elle exerça sur le développement de la pensée de Duns Scot,
voyez GiLsoN, Avicenne et le point de départ de Duns Scot, dans les Arch.
d'llist. doctr. et Htt. du moyen d~e, t. II (1927), pp. 107-117.
)S
ARCHIVES D'HISTOIRE DOCTRINALE ET LITTÉRAIRE DUMOYEN ACE
274
de
plus tard les assertions de Duns Scot touchant l'objet premier
l'intellect humain.
Mais voici qu'un problème se pose pour ces auteurs que ne
connaissait point apparemment Aristote. Ce dernier n'a pas à
rendre compte d'une façon spéciale de la présence de l'idée d'être
en notre intellect, puisqu'une telle idée n'est pour lui que la plus
abstraite d'entre celles que l'esprit dégage du sensible. Si nous
admettons, au contraire, ainsi que fait Henri, une sorte de rup-
ture entre la connaissance qui dérive des sens et celle dont l'intel-
lect se fait l'ouvrier, ne faut-il point que nous assignions une
de point de départ ?a
origine propre, aux notions qui servent alors
Sans doute. Dirons-nous que l'illumination les fournit ? Il est
vrai qu'en général, Henri fait intervenir cette dernière dans le
cas des principes, non moins que de leurs connaissances et que
dès lors l'explication présente n'est peut-être point à dédaigner
tout à fait. Il est bon de noter, cependant, que l'illumination ne
fait connaître
joue, en sa doctrine, qu'un rôle régulateur, qu'elle
mieux et de façon plus pénétrante, sans fournir pour cela les
éléments du savoir Au surplus, les forces naturelles de l'esprit
suffisent peut-être à expliquer la connaissance des premiers prin-
c'est du moins ce qu'as-
cipes, tant incomplexes que complexes
sure Henri à de certains moments, par une de ces inconséquences
rares chez lui
qui ne sont pas
Dirons-nous que les notions premières sont innées ? Henri
d'Aristote
rejette formellement cette opinion qui l'éloignerait
Mais c'est ici qu'il importe de noter combien, sans qu'il s'en doute
de l'aristotélisme. Les
peut-être, il est loin de l'esprit véritable
notions premières ne lui semblent point innées, en ce sens que
les trouverait en soi, antérieurement & l'expérience sen-
l'esprit
sible mais elles ne sont point davantage fournies par cette der-
nière. L'esprit les forme, les conçoit naturellement, au contact
de l'espèce intelligible, pour traduire en son langage a lui, l'objet
qu'elle lui présente L'idée d'être n'est donc point un produit
2. LA MÉTHODE EN THÉODICÉE
principium esse id quod est necesse esse per se, alia via quam a posteriori
ex creaturis. H Suit, un peu plus bas, la preuve de l'Unité Divine d'après
Avicenne, (22-35, pp. 393-397. Cf. AvtC., Metaph., tr. 1, 1. 2, c. 3 et tr. 8,
c. 6).
Summ. 24, 6, 7, p. 362. « Secundo uero modo, ex substaR~'t's sensibi-
libus creatis habetur nostra cognitio de Dec et quia sit, alia scilicet via
quam deductione ex creaturis, de qua sermo ha&:(HS est supra (a. 22, q..5)
et etiam quid sit, si qua cognitio de Deo quid sit a nobis in praesenti
habeatur, et hoc fit via eminentiae, per abstractionem a creaturis, intentio-
num quae secMMdan~ analogiam communiter conveniunt creatori e< crea-
turis, et sic cognitio ex creaturis quia est et quid est Deus per se pertinet
ad metaphysicum. » Nous avons dit que Henri se réclamait d'Averroès pour
sa théorie du double examen physique et métaphysique – à quoi se
prêtaient les corps. Selon le même auteur, ce double examen fournit sur
l'Etre Divin des renseignements très divers, la Physique l'atteignant sous
l'aspect du Premier Moteur, la Métaphysique, au contraire, sous celui de la
Forme et de la Fin la plus hautes. Mais la Afefaphys:gue peut-elle, ainsi que
Henri le soutient ici, démontrer Dieu (et non point seulement le décrire),
selon une méthode propre ? C'est ce que Averroès ne cesse de contester, au
témoignage même d'Henri, en d'autres passages (Summ. 22, 5, 4 et 8,
pp. 341-343 25, 3, 19, p. 392).
La preuve métaphysique trouve naturellement sa place dans l'article
de la Somme consacré à notre connaissance de l'existence de Dieu (a. 22,
q. 5), à la suite des preuves physiques (q. 4). Au lieu que la connaissance
humaine de l'essence divine n'est exposée, comme nous l'avons dit, qu'à
l'article 24.
BENRt DE GANT) ET L'ARGUMENT ONTOLOGIQUE 281
3. L'IDEE DE DiEU
S'<ni;M. 24, 6, p. 362. « L~rt~n f/t<:d e.<< Deus possit ~c;rt ex crM~u-
ris ? o Nous ne nous attardons pas aux questions 1, 2, 4, 5 qui établissent
la possibilité, pour cette vie, d'une connaissance naturelle de Dieu qui ne
soit pas simplement négative. Nous rencontrerons au chapitre suivant la
question 3 (rapports de l'An sit et du ÇuM sit Dcu.
2 On
peut donc connaitre Dieu, de deux manières (Summ. 24, G 8-12,
pp. 362-364 7, 7, p. 369 8, 6 et 13, pp. 372-373 9, 5-8, p. 374\ soit
distincle f< in particulari, c'est-à-dire en sa nature, propre, déterminée,
particulière, et si l'on peut dire, concrète (in propria specie et natura 6,
11
in essentia et natura eius nuda 8, 6 in natura dn'/na d~erwt'na~
9, 5 in
esse naturae, suae particulari 6, 12) soit indistincte cf c'est-à-
un~erM~,
dire en ses attributs généraux, (in aliquo eius generali altributo 6, 12 8, 6
et 13 9, 6). Ces attributs sont réellement identiques à l'Essence Divine,
mais notre intellect se les représente sous une forme indéterminée et uni-
verselle, qui convient au créé non moins qu'a Dieu. (6, 12 est. creatura
naturae d!M'nae conformis quoad aliqua efu.! attribtita su~a~c!/o, <-( hoc
283 ARCHIVES D'HISTOIRE DOCTRINALE ETLITTÉRAIRE DUMOYEN ÂGF
sed ut sunt
non ut sunt ipsa natura divina in esse particulari considerata,
dispositiones universales eo quod eis communicant aliquo
quasiquaedam
modo creaturae. 9, 8 in qua (essentia divina) omne attributum ejus
est licet modo nostro intelligendi generalius intelligimus
(se. De;) idipsum,
rationem attributi quam intelligenda est nuda essentia, et o~'a ratione
concipimus attributum quam concipienda est essentia. et cHa ratione unum
a~r:&ut: quam aliud.). L'être, la bonté, la vérité, etc., appartiennent
à Dieu et à la créature, en qui ils se déterminent diver-
donc en commun
en
sement, tout de même que le genre se diversifie en espèces, et celles-ci
et la connaissance de Dieu in generali ou in speciali dont il a été
individus,
de Callias en tant qu'animal ou
parlé, se peut comparer à la connaissance
en tant que homme. (9. 6-8 7, 8, p. 370). L'on voit combien Henri tend,
à certains égards, vers la doctrine de l'univocité, telle que la définira Duns
Scot. Il maintient cependant que la communauté de l'être et des autres
transcendantales n'est point proprement générique, mais ana-
perfections
logique (9, 8 sumitur. generalis notitia (Dei) pro notitia t~ aliquo eius
attributo analogiae est communiter conveniens ipsi et
quod communitate
dicitur illa notitia quae est in nuda ejus
creaturac, respectu cujus specialis
essentia, in qua omne attributum est idipsum). Nous verrons même que
l'analogie telle qu'il la comprend implique beaucoup moins une commu-
nauté réelle, que l'imprécision de nos idées qui connotent simultanément,
de façon confuse, des objets irréductibles, en réalité. (Voir Summ. 21, 2, 13-
17, pp. 316-317.) En sorte que sa doctrine de l'analogie cherche (vainement,
sans doute) une position d'équilibre entre deux thèses extrêmes.
Pour tout ceci, voir Summ. 24, 6, 11-12, p. 364.
Summ. 24, 6, 14, pp. 364-365. Le caractère analogique de la bonté
comme de toute autre perfection transcendantale consiste en la juxta-
position possible de la bonté divine et de la bonté créée, au sein d'un même
HENRIDE GANDET L'ARGUMENT
OKTOLOOQL'E 283
singulare, a g!:o primo fit abstractio boni universalis, et deinde eh'am tp.~fm
bonum un!fe!'sa!e participatum, a quo H!tenus bonum separahtm non
participatum per eminentiam et remotionem abst7-ah:fH7', quam ;!hfd quort
ab illo abstrahitur. Et sic prius oportet Mtfe~Hpcre. bonum crea<M;'op ~f~m
bonum creatoris intelligatur ut subsistens bonum et simpliciter, qui est
tertius gradus intelligendi Deum in modo generalissimo intelligendi quid
est supra determinato. Quare ef multo magis oportet intelligere dicto modo
bonum creaturae prius quam bonum creatoris ut sub ampliori cmt'nfn/f'a
et abstractione, scilicet intelligendo ipsum Ht op~unK et summum bonum
quod pertinet ad modum intelligendi quid est Deus modo generaliori, et
adhuc multomagis priusquam intelligatur ut tale ut optimum q~od non
est aliud quam idipsum bonum, [m;MO pu7'(t bonitas quae est ipsa simplex
entitas, quod pertinet ad modum intelligendi quid est Deus in generali et
simpliciter. »
1 7bM. « Cognitio Dei ex creaturis duplex est, quaedam. n~turft/fs,
quaedam rationalis. Prima est cognitio Dei cum primis intentionibus entis
concept statim et naturaliter, secunda uero est cognitio via ratiocinatiuae
deductionis animadversa. »
De Trinit. ]. VIII, c. 2-3, P. L. 42, 948 ss. Comment concevoir Dieu,
se demande saint Augustin Non point à l'aide des corps ou des images
corporelles, non point même sous la simple forme d'un esprit. Dieu est la
Vérité Première (2, 3, 948-949), la Bonté Première qui confère à tous les
autres biens, leur bonté propre (3, 4-5, 949 ss.).
HENRIDE GANDET L'ARGUMENT
ONTOLOGtQUE 285
aux notions premières, qui sont par hypothèse les plus simples,
un contenu double. Deux objets, même confondus, font en réalité
deux concepts, dont l'un précède l'autre. Saint Thomas, en bon
aristotélicien, fait passer d'abord le concept du créé Henri qui
se réclame de saint Augustin, adopte le parti contraire et par-
vient ainsi à une doctrine de Dieu, premier objet connu de l'in-
tellect
Gardons-nous d'y voir une thèse occasionnelle, que l'in-
fluence augustinienne introduirait comme du dehors dans le sys-
tème, au lieu qu'elle résulte des principes qui commandent celui-
ci. L'un de ces principes, devenu familier désormais, veut que la
connaissance humaine débute par les notions les plus générales,
pour progresser ensuite vers les notions particulières, suivant un
ordre qui n'est point sans doute toujours chronologique et obser-
vable, mais qu'il faut déclarer, en tout cas, naturel et ontolo-
gique. Il arrive qu'en quelqu'un qui s'avance au loin, le sens
perçoive successivement un corps, un animal, un homme, pour
identifier enfin l'individu qu'est Socrate pareillement, l'intel-
lect déterminera les notions d'être, ou de bien qu'il considère
d'abord pour signifier, par elles, tel être, tel bien concrets le pro-
grès qui mène la connaissance du simple vers le complexe, se peut
alors aisément vérifier. II arrive aussi que la faculté cognitive
parvienne sur-le-champ à une perception précise il reste cepen-
dant que l'objet de cette dernière se constitue de plusieurs notes
inégalement générales, et partant concevables selon un certain
ordre de priorité
Il y a plus le concept d'une chose particulière n'écarte point
de la conscience le concept général d'être, sous lequel il se range.
C'est dans la notion d'être par l'effet d'une détermination interne,
que se trouve conçue, par exemple, la notion d'homme com-
ment penser l'une si l'on ne pense point l'autre Nous connais-
sons toutes choses dans la lumière des primae intentiones, qui
n'abandonnent l'intellect à aucun des moments de son activité
6u/n. 24, 7, p. 368. « Utrum quidditas Dei sit primum quod homo
ex creaturis cognoscit? (l'e. creaturis désignant naturellement l'occasion
d'une telle connaissance).
Summ. 24, 7, 5, pp. 368-369 où l'on soulignera l'opposition de l'ordo
naturae et de l'ordo durationis.
288 ARCHIVES
D'HISTOIRE
DOCTRINALE
ETLITTÉRAIRE AGE
DUMOYEN
cognitive ce sont, au sens propre, des principes connus de soi,
et qui font connaître tout le reste
La noétique d'Henri s'arrêtait à ces conclusions, en sa
régression vers les notions premières. L'étude des attributs divins
permet de remonter plus haut on a reconnu-le primat de l'in-
déterminé, dans la connaissance intellectuelle. Mais il est deux
sortes d'indéterminations, l'une privative qui dépouille l'être, le
bien, etc. de leur rapport à telle chose singulière, mais non point
de leur faculté générale d'inhérence en des sujets qui les déter-
minent l'autre, nepa~uc et plus profonde, qui fait apparaître
le Bien, dépouillé de tout ce qui n'est point lui, et partant subsis-
tant, et identique à Dieu même. S'il est vrai que notre connais-
sance débute par la saisie de ce qu'il y a de moins déterminé
dans les choses, il faut donc dire qu'elle part d'une certaine idée
de Dieu, pour n'explorer, qu'à sa lumière, le domaine du créé
Et puisque l'appréhension d'une chose déterminée ne supprime
point la notion de l'indéterminé qui se trouve, en droit, connu
d'abord, nous ajouterons que l'idée de Dieu ne quitte point notre
*Op.Ctt.,et24,7,7:n/tne,p.369.
Summ. 24, 7, 5, p. 368 « quid est Deus est pnfnum comprehen-
sible per intellectum, cuius ratio est quod huiusmodi est nat!c[ nosh'ae
cognitionis a sensu acceptae, quod semper ab indeterminato incipiat. ));
n. 6, p. 369 « Nunc autem indeterminatio duplex est, quaedam prtt'oh't.'e
dicta, quaedam negative dicta. Cum enim dicitur hoc bonum aut illud
bonum, intelligitur ut summe determinatum et per materiam et per sup-
positum. ZfK!ete7'n~atM privativa est illa qua intelligitur bonum ut uni-
versale, unum in multis et de multis, ut huius et illius bonum, licet non
ut hoc et illud bonum, quod natum est determinari per hoc et illud bonum,
.quia est participatum bonum. Indeterminatio uero negativa est :nc[ qua
intelligitur bonum simpliciter ut subsistens bonum, non ut hoc vel illud,
neque ut huius ue! illius, quia non. est participatum bonum, non natum
.deterntma?': et est indeterminatio huius boni major quam illius. Bf'~o cum
.semper intellectus noster nafu?'a!:te?' prius concipit indeterminatum quam
determinatum, sive distinctum a determinato sive indistinctum ab eodem,
intellectus noster intelligendo bonum quodcumque in ipso naturaliter
,cointelligit bonum negatione indeterminatum, et hoc est bonum quod Deus
est, et sicut est de bono, ita de omnibus aliis de Deo intellectis ex crea-
,turis )) n. 9, p. 370 « tn conceptu enim universalis, puta en/i's simpli-
.citer, non intelligitur quod creaturae est, nisi intelligendo ens in alio ad
modum quo universale intelligitur ut unum in multis. Non autem po<est
intelligi ens in aHo nisi naturaliter intelligatur prius ens absolute, abstrac-
tum simpliciter. qui est intellectus entis subsistentis in puro esse, quod
.non est nisi Dei. n
HENRIDE GANDET L'ARGUMENT
ONTOLOGIQUE 289
1 Summ. 24, 8, 7-8, p. 372. « semper cognitionis ejus quod quid est
in creaturis est ratio cognoscendi id quod quid est in Deo. sub ratione eius
attributi in esse universali, ad modum quo id quod est primum in uno-
quoque genere semper est ratio eorum quae sunt post. » que Henri com-
mente ensuite en une page passablement laborieuse (et peut-être altérée en
nos éditions), mais suffisamment claire dans l'ensemble sicut
enim ens determinatum per materiam aut per suppositum singulare et
determinatum id quod est non habet esse nisi per formam, quae in eo
determinatur, quae de natura essentiae suae in se non dicit aliquid deter-
minatum, et ideo neque habet cognosci esse tale ens, nisi ex cognitione
ipsius formae, in se ratione naturae et essentiae suae in esse suo indeter-
minato (suggéré par un passage de De Trinitate, Vin, 4, 7, P. L. 42, 952
« habemus. quasi regulariter infixam humanae naturae notitiam, secun-
dum quam quicquid tale aspicimus, statim hominem esse cognoscimus vel
hominis formam. » cité Summ. 24, 9, 7, p. 374), unum quodque enim sieut
se habet ad esse, et ad cognitionem; nemo enim potest cognoscere de 7toc bono
aut pulchro in natura et essentia sua quale ens aut quid sit, nisi cognos-
cendo bonum et ens simpliciter, et sicut est de hoc bono et hoc ente res-
pectu boni et entis simpliciter et absolute dicti, sic est de bono et ente parti-
cipato respectu boni et entis non participati. Sicut enim hoc bonum et hoc
ens non potest esse neque cognosci nisi per ens aut bonum simpliciter dic-
tum sic et ipsum bonum et pulchrum simpliciter consideratum, ut non déter-
minatum per materiam aut per suppositum, si non sit essentialiter, sed par-
ticipatione bonum et ita determinatum (en réalité) per materiam auf sup-
positum, non habet esse neque cognosci nisi per ipsum bonum simpliciter
non participatum, ut sicut bonum participatum non habet esse nisi per bo-
HENRIDE GANDET L'ARGUMENT
ONTOLOGIQUE 291
Dieu n'est donc point seulement la ratio essendi de toutes
choses, il est encore, en tant qu'objet premier de l'intellect, leur
ratio cognoscendi Mais comme, ainsi qu'on l'a dit déjà, il est
deux connaissances possibles de l'Etre divin, dont l'une n'atteint
que ses attributs généraux, au lieu que la seconde perçoit son
essence telle qu'elle existe réellement, il suit que notre connais-
sance des choses revêt elle-même un double aspect qu'une notion
trop lointaine de Dieu n'assure, en cette vie, qu'une connaissance
bien imparfaite du créé, tandis que la vue de Dieu face à face,
réservée à l'au-delà, révèle en même temps que Dieu même, les
choses qu'il conçut et voulut depuis l'éternité, et qui vivent en
Lui de la vie des Idées
La représentation adéquate du monde créé demeurerait im-
possible ici-bas si l'illumination divine n'établissait, entre les
deux modes qui viennent d'être définis, un mode de connaissance
intermédiaire. L'illumination consiste en ce que Dieu modèle les
concepts que nous avons des choses d'après les Idées qu'il pos-
sède d'elles. Comme ces Idées ne diffèrent point substantiellement
de son essence, l'on doit dire que c'est cette dernière, en sa nature
concrète, qui joue alors le rôle de ratio cognoscendi, mais, à la
différence de ce qui sera la règle dans la vie future, l'Essence
Divine illumine présentement l'intellect, sans se découvrir à lui
en tant qu'objet connu, par une action régulatrice dont nous
n'avons point conscience
Cette doctrine, d'une double connaissance accessible à
num non participatum, sic nec potest cognosci esse tale nisi cognito ipso
quod est simpliciter et per se bonum, nec determinatum nec par<c:pafum.H »
Suivent des textes de saint Augustin, de portée toute pareille, et relatifs à la
bonté (De Trinit. VIII, 3, 4, c. 949 cf. note précéd.) et à la justice (ibid.
6, 9, c. 954-956)..
Summ. 24, 8, p. 371 « Utrum scire id quod Deus est, sit ratio sciendi
omnia aMa? »
Summ. 24, 8, 6, p. 372 et 7, 7, p. 369. « ut. in ipso Deo sit princi-
pium et finis nostrae cognitionis, principium quoad e:us'<;o~n!<t'onent gene-
ralissimam, finis quoad eius TtHdam visionem particularem, ut sic sit princi-
pium et finis omnium rerum in esse cognitivo sicut est principium et finis
earum in esse naturae, et sicut nihil aliud potest perfecte cognosci, nisi ipso
prius perfecte cognito, sic nec aliquid potest cognosci quantumcumque im-
perfecte, nisi ipso prius saltem in generalissimo gradu cognito. » On no-
tera, dans ce texte, une conception de l'esse cognitivum singulièrement
proche de la doctrine cartésienne de l'être objectif.
3 Summ. 24, 8, 4-6,
p. 371 9-13, p. 372 24, 9, 4, p. 373. La doctrine
des modes de connaissance se peut résumer ainsi
D'HISTOIRE
292 ARCHIVES DOCTRtNALE DUMOYEN
ETMTTÉRAtRE ÂGE
l'homme en cette vie et dont l'une et l'autre supposent, quoique
de façons diverses, l'influence divine, résume, au dire d'Henri,
l'enseignement de saint Augustin touchant la connaissance des
choses dans la Vérité Première 1. Nous le voulons bien com-
ment ne point objecter, toutefois, que les deux connaissances que
l'on oppose ainsi, ne sont point également faciles à concevoir
Que Dieu puisse éclairer notre pensée, sans que soit perçue son
action illuminatrice, nous l'admettrons sans trop de peine. Mais
n'est-ce point un paradoxe de tenir l'Essence Divine pour le pre-
mier objet qu'appréhende l'intellect, lorsque celui-ci n'a nulle
conscience d'une telle prise Plusieurs seront de cet avis ils
demanderont aussi, au philosophe gantois, quel besoin il y a,
en son système, d'une connaissance rationnelle de Dieu, élaborée
à partir de l'expérience, s'il est vrai que celle-ci ne se peut aborder
qu'à la lumière de l'idée de Dieu, naturellement connu, au préa-
lable. N'est-ce point là se ranger finalement à l'opinion de tout
le monde, et oublier à dessein la thèse aventurée que l'on soutint
d'abord Telles sont les questions, étroitement liées, on le con-
çoit, qu'il reste à examiner ici
Op. cil. 10. « aliud est aliquid cognoscere, aliud ).'<o !'n fo~no.sccndo
ipsum ab (th'o dt'sco'ncrc, cognitio enim est quilibet simplex cottffp~ 7'M
per :n<?Hee<uM, etsi intellectus rem conceptam non ad~c;'<a<. sicuf ille qui
alibi mente intentus est, concipit oeulo corporali per speciem receptam in
oeulo coram se transeuntem, quem postea interrogatus negat s? vidisse,
quia non cdt'<<!< ipsum. Cognitio autem diseretiva est cum ani'mo~fCM/OMe
notitia, qua scilicet cognitum unum dtsce;'m< ab a~o. »
7bfd. 11 et 12. «. etsi Deus isto modo cognoscendi co</nascah<r e/ in-
telligatur ut primum cognitum et ratio cognoscendi aliud, non tamen co-
gnitione ista quod quid est Deus distinguitur ab eo quod quid est creaturae,
29~ ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRÎNALE
ET LITTÉRAIREDU MOYENÂGE
Nous maintenons donc nos conclusions touchant l'innéité de
l'idée de Dieu, mais reconnaissons volontiers que chez le plus
grand nombre des hommes, son rôle n'est point tant de faire
connaître Dieu, que de permettre de concevoir tout le reste. Une
fois engagé dans la voie du créé, l'esprit poursuit inlassablement
sa marche, en passant d'une chose à une autre, sans qu'il songe
d'abord à revenir au point d'où il prit son élan. Ce que nous
disons là de l'idée de Dieu, s'applique du reste, en quelque me-
sure, aux points intermédiaires de la route, nous voulons dire
aux concepts généraux qui acheminent depuis la notion de l'Etre
Divin jusqu'à celle des choses concrètes. Nulle de ces dernières,
nous l'avons dit souvent, ne se peut concevoir en dehors de l'idée
d'être, qui les contient en puissance. Qui s'avise pourtant de
regarder l'idée d'être, présente à la pensée au moment qu'il con-
sidère tel être ? Pareillement encore, dans l'ordre sensible, c'est
à la lumière que les couleurs doivent d'être perçues seules, ce-
pendant, ces dernières frappent d'abord notre regard, au point
qu'il faut quelque attention pour discerner des objets colorés, la
lumière qui les éclaire 2.
On comprend dès lors que la cognitio Dei naturalis qu'Henri
accorde à tous les hommes, ne rende point inutile, à ses yeux,
une connaissance de Dieu, rationnelle et seconde, qu'il conçoit,
ou décrit, tout au moins de même façon que saint Thomas.
Malgré des divergences nombreuses, plus d'une fois soulignées
en cours de route, les deux auteurs s'accordent à admettre que
l'attention humaine se fixe premièrement sur le sensible, et ne
trouve qu'ensuite l'accès du monde des esprits. Pour la pensée
consciente, l'appréhension des créatures passe d'abord Henri
n'hésite point à l'affirmer, et cherche' même, dans la connais-
sance du créé, l'origine, la ratio cognoscendi de ce que nous
acquérons consciemment de notions relatives à l'Incréé. Mais
cette conclusion, que saint Thomas énoncerait sans réserve, ne
quia sub nulla ratione determinante aut appropriante alti-ibtitum !<;<<! Deo
concipitur, immo si hoc modo concipitur sub ratione entis, non dislingui-
tur esse eius ab esse creaturae si sub ratione boni, non dts~n<jf:;tfur se-
cundum intellectum bonum quod est in Deo a& eo quod est bonum in
creatura sed intellectus a~nbo concipit quasi unum, eo guod prope sunt
existentia. » Voir encore sur cette indistinction, 24, 6, 15, p. 365, et 7, 5-6,
pp. 368-369 (supra, p. 22, n. 2 et p. 24, n. 2).
1 Loc.
cit., 12, suite.
24, 9, 13, p. 375 6, 15, p. 365 '7, 8, p. 370.
HENRI DE GAND ET L'ARGUMENT ONTOLOGIQUE 295
illud M* quo cognoscitur aliud non est per suam notitiam formalis ra<:o <o-
gnoscendi aliud, sed quia ab illo extrahitur quo alterum cognoscatur. Quem
admodum enim a sensibili abstrahitur species intelligibilis qua cugnoscit
intellectus intelligibile, hoc modo quicquid de Deo cognoscimus et de goo-
cumque alio cognitione naturali, ex creaturis cognoscimus. Species entm pri-
ma intelligibilis ex phantasmate abstra/ntur, qua per intellectum conci-
piuntur primo primi conceptus intelligibilis entis scilicet, et unius, t'e7' (,t
boni etc. » lesquels incluent l'idée de Dieu de la façon que nous .)\ons
dite. Cf. la suite et 9, p. 370.
Summ. 24, 7, 9, p. 370. Cf. 10, ibid. « /rt omnt&tM. oenera~'&'M inten-
tionibus rerum, cum aliquam tHarum tf~eH:~M simpliciter, ut ens, ucru;n,
bonum, primo Deum intelligis, etsi non advertis, et quantum s<e<ert's in
illo simplici intellectu, tantum stas in intellectu Dei. Si autem modo aliquo
quod simpliciter conceptum est, determines, statim in intellectu erca~uroe
cadis », selon SAtNTAUGUSTIN,De Trinit., VIII, 2, 3, P. L. 42, 949. « De;
veritas est. cum audis veritas est, noli quaerere quid sit veritas statim
enim se opponent caligines imaginum C07'p07'<i!mm. ecce in primo !cfH
quo velut coruscatione perstringeris, cum dicitur « frétas » mane si potes
sed non potes, relaberis in ista so!tfo et terrena. Encore cela n'écarte-t-il
point absolument l'idée de Dieu, ainsi qu'on l'a expliqué (supra, p. 25, n. 1).
° Itiner. mentis in
Deum, c. 5, 3-5 (éd. Quaracchi, t. V, pp. 308-309).
« Fo!ens igitur contemplari De: invisibilia quoad essentiae unitatem, pr~no
defigat aspectum in ipsum esse, et videat ipsum esse adeo in se cer<<
tnunt, quod non potest cogitari non esse, quia ipsum esse purissimum non
occurrit nisi in plena fuga non-esse sicut et nihil in plena fuga esse. Sicut
igitur omnino nihil nihil habet de esse, nec de eius conditionibus, sic e con-
tra ipsum esse nihil habet de non-esse, nec actu nec potentia, nec secundurn
veritatem rei, nec secundum aesttmettMnem nostra~n. » L'être est compris
HENRIDE GANDET L'ARGUMENT
ONTOLOGIQUE 297
1
Op. cit. 16, p. 357. « Si enim intelligens quid est Deus in eius quantum
cumque generali attributo, àdvertat de eius esse impossibile est intelligere
vel cogitare quid est Deus, gmh. simul sogitaretur esse, quia praedicatum
cogitatur in subjecto, et secundum hoc, Deus non potest cogitari non esse.
Cogitans enim bonum vel sapiens vel aliquid huiusmodi sub ratione qua
convenit Deo, scilicet cognitione distincta qua Deo soli convenit illud conci-
piendo, cogitat sub ratione qua est bonum non participatum, sed per essen-
tiam qua est suum esse et sua existentia, et quo ~natus excogitari non po-
test. » Cf. 22, 3, 6, p. 335. Le cas de l'idée de Dieu à son stade indistinct
et inconscient laisse Henri hésitant. Dieu n'y est pas distingué des créa-
tures lesquelles n'incluent point leur existence (24, 3, 16). Cependant l'in-
telligence confuse d'un objet suppose l'intelligence confuse des notes qui le
constituent (22, 3, 6).
HENRIDE GANDET L'ARGUMENT
ONTOLOGIQUE 303
de l'une et de l'autre, des raisons distinctes, qui les présentent
séparément à notre attention
On voit jusqu'à quel point, selon une façon de voir commune
aux défenseurs de l'argument anselmien, Henri fait de l'exis-
tence, en Dieu, un prédicat quelconque, analogue, par exemple,
à la Bonté, et affirmable de l'essence, dans les mêmes conditions
que cette dernière. Présupposé capital de toute preuve ontolo-
gique, que les critiques de saint Thomas et de Kant ont assez
mis en évidence
2° Utrum Deum esse sit homini notum naturaliter et per se
On sait que saint Thomas, jugeant l'argument anselmien, en
fonction de sa propre noétique, crut y trouver la thèse d'une
existence de Dieu, naturellement connue, et évidente par elle-
même. On a remarqué déjà qu'une telle interprétation, encore
que soutenable dans l'abstrait, ne tenait point assez de compte du
travail intérieur qui prépare chez Anselme non moins que chez
Descartes, l'intuition de Dieu Les contemporains de saint
Thomas se laissèrent imposer, en général, le dilemme formulé
Summ. 22, 3, 6, p. 335 7, pp. 335-336. « licet omni modo quo homo
intelligit Deum, intelligit eius esse, quia ipse non est nisi esse, sicut intelli-
gens Dei bonitatem, intelligit eius sapientiam, quia idem sunt in eo bonitas
et sapientia, quia tamen sicut est alia ratio bonitatis et sapientiae, Mt intetli-
gens eius sapientiam sub ratione sapientiae, non oporlet quod simul :n(e~gra<
eius bonitatem sub ratione bonitatis, sic quia est alia ratio Deitatis, alia vero
esse eius, intelligens Deum sub ratione Deitatis, non oportet quod simul
eum intelligat sub ratione esse, quia sub alia ratione intelligimus in Deo
quod est ens et ipsam essentiam, et ejus esse. »
° SAINT
THOMAS,Summ. c. Gent I, 10 Summ. Theol. I, 2, 1. KANT, Cri-
tique de la Raison pure, trad. BARM-ARCHAMBAULT, t. II, pp. 130 ss.
~t<mnt. 22, 2, Cf. 22, 6. Voir SAINTTnoMAs, Sent. d. 3, q. I, a. 2 S. c.
Gent., I, 10-11 De Verit. q. 10, a. 12 S. Theol. I, 2, 1 ALBERT, S. Tneot. I,
tr. 3, q. 17 (DAMELs, op. cit., pp. 66 ss.); GILLES DE RoME, 7 Sent., d.
3, q. 1,
a. 2 (ibid., p. 72); GAUTIER DE BRUGES, I Sent., d. 2
(éd. Longpré, Arch.
Hist. Litt. Doctr. M. A. t. VII, 1932, p. 264); GUILLAUMEDE LA MARE
(ibid.,
p. 264); P. J. OLIVI, Quaest. in 7r~' librum Sentent., t. III, éd. Jansen,
Quaracchi, 1926, pp. 517 ss. RICHARD DE MtDDLEroN, Sent l, d. 3, a. 1, q. 2.
(DANIELS,Op. cit., p. 84); NICOLASOCCAM,7 Sent., d. 3, p. 2 et GUILLAUMEDE
\VARE, Quaest. super libr. Sent. q. 21 (inédits cités par DANIELS,pp. 82 et 92).
Nous ne nous ferons point scrupule de citer certains de ces textes
d'après.
l'édition qu'en a faite le P. Daniels, car outre que nos lecteurs trouveront
plus aisément l'ouvrage de ce dernier, que les anciennes éditions de la re-
naissance, le P. Daniels rectifie le texte de celles-ci d'après de nouveaux
manuscrits.
GtLsoN, Le rote de la pensée médiévale dans la formation du système-
cartésien, pp. 217 ss.
304 ARCHIVES
D'HISTOIRE
DOCTRINALE
ETLITTÉRAIRE ÂGE
DUMOYEN
1 Citons
parmi ceux-ci Gilles de Rome, Gautier de Bruges, Nicolas
Occam, et parmi leurs contradicteurs, disciples de saint Thomas Richard
de Middleton.
Summ. 22, 2, 5 et 6, p. 331. « cognitio essendi Deum nat uraliter
nobis inserta est, quia in primis conceptibus, cum intelligimus ens, unum,
aut bonum simpliciter, in generali intelligimus Deum sub quadam con/u.
sione, sicut ex parte affectus naturaliter omnes in volendo quodcumque
bonum, volunt esse beati, et in hoc saltem in ufnuerMit primum et sum-
mum bonum quod Deus est. » L'idée d'un Dieu voulu, et partant vague-
ment connu, quoique non identifié, sous l'aspect de la Béatitude, se retrouve
chez SAINTTHOMAS(S. c. Gent. I, 11, ad 4'~ S. Theol. I, 2, 1, ad 1'"°). Le
même auteur expose en plusieurs passages, la thèse d'une connaissance
intellectuelle immédiate et confuse de Dieu au sein des choses, qui semble
le rapprocher tout à fait de Henri de Gand. L'existence de Dieu, per se nota
quant à soi, explique saint Thomas, l'est aussi, en un certain sens, quant
à nous, savoir « secundum suam similitudinem et participationem. nihil
enim cognoscitur nisi per veritatem suam quae est a Deo exemplata; veri-
tatem autem esse est per se nofunt H. (f Sent. d. 3, q. 1, a. 2.) « Omnia
cognoscentia cognoscunt implicite Deum in quolibet cognito. Sicut enim
nihil habet rationem appetibilis n:s~ per similitudinem primae bonitatis,
ita nihil est cognoscibile nisi per similitudinem primae veritatis. n (De
FerM. q. 22, a. 2, ad l"). On devine cependant ce qui continue d'opposer
les deux auteurs l'un et l'autre admettent que la connaissance du créé ne
va point sans quelque connaissance du Créateur. Mais c'est le créé d'abord
connu qui révèle quelque chose du Créateur, aux yeux de saint Thomas
au lieu que la connaissance de Dieu est première absolument dans la doc-
trine d'Henri. La remarque de saint Thomas reparaît point toujours
avec faveur chez de nombreux auteurs de la fin du mn" siècle. (P:ERM
DE TARETiTAtSE,1 Sent. d. 3, q. 1, a. 2 GILLES DE
ROME, NICOLAS OCCAM,
RtCHARDDE MiDDU-rON, GUILLAUMEDE WARE, lac. C:f.
DANIELS, Op Cit.,
pp. 70, 73, 82, 85, 100 GAUTIER DE BRUGES, loc. cit., p. 264. Toutefois
Gautier, Richard et Guillaume paraissent plus proches d'Henri
saint Thomas.) ) que de
HENRIDE GANDET L'ARGUMENTONTOLOGIQUE 305
1
Comparez au loc. cit. de ce dernier, HENR:, loc. cit. 15, p. 334. « 7terum
ergo et iterum revolvendo sermonem dico quia etsi homo, per studium
summ scire potest et intelligere hoc nomme Deus, significari id quo ma/us
excogitari non potest, et ita quod non potest cogitari non esse, etiam si cum
hoc studio suo sciat quod est purum esse, et ita quod non possit non esse,
hoc nihil est ad faciendum propostttonem per se notant, immo <ad> hoc
quod dicatur propositio per se nota, oportet quod fernu.n:, scilicet su&/ec~
tHm et praedicatum ultro praetendant talem rem per se significari, ut
omnes vel saltem sapientes statim terminis prolatis praedicatum inesse
subjecto percipiant. Quare licet in re: veritate Deus sit suum esse, et id
quo maius cogitari non potest, quia tamen hoc termini isti non praeten-
dunt, etiamsi hoc ipsum mente propter studium vel donum gratiae perci-
peremus, propositio quae dicit Deum esse non potest aliquo modo propter
hoc dici nota per se, et hoc maxime quia hoc nomen significat prima fronte
quantum est de proprietate nominis divinam naturam in esse quodarn
confuso et in generali, et intelligendo divinam naturam tali modo, non
oportet cointelligere ipsam esse. » Cf. encore GtLLEs, !oc. cit., ad 4"°'. « est
per se notum non omnibus, sed sapientibus, et ideo nihil :ncont!entent:s si
stultus hoc negat. » HENRI, 16. « non est per se nota alicui nec stulto nec
sapienti. » Ce que nous savons des dates confirme notre hypothèse. Les pre-
mières questions du Commentaire de GILLES datent de 1276-1277. <~MA~-
DONNEr, La carrière scolaire de Gilles de Rome, Rev. se. phil. et theol. 4,
1910, pp. 480 ss. HocEDEz, Richard de bliddlcton, Louvain-Paris, 1925,
pp. 461 ss. La condamnation de Gilles de Rome, Rech. théol. anc. et mé-
diév., 4, 1932, pp. 34 ss.) L'a. 22 de Henri doit être un peu postérieur, car
Fa. 21 (4, 8, p. 323) cite le Quodlibet qui est de Noë! 1276, et l'a 27
(1, 33, p. 413) le Quodlibet m qui est de Pâques 1278.
Summ. 30, 3, p. 458. Cf. ALEXANDREDE HALES, Sum. Theol. I,
q. 3,
m. 2 (DAMELs, op. cit., pp. 31 ss.).; ALBERT, S. Theol. I, tr. 4,
q. 19, m. 2
(ibid., p. 37); sArti-r BoNAVENTuRE,Sent., d. 8, p. 1, a. 1, q. 2 et Q. D. de
MysterM Trinitatis, q. 1, a. 1 (éd. Quaracchi, t. L 153 ss., t. V, 45 ss.)
J. PECKAM,1 Sent., d. 2, q. 1 et MATmEu D'AocAspARTA, Sent.
1, d. 2, q. 3
(inédits cités par DAMEM, pp. 40 et 51 ss.); GAm-fER DE BpuGEs 7 Sent
d. 2 (édit. Longpré, Arch. hist. doctr. litt. du M. A., 7,
1932, pp. 262
SS.); GUILLAUMEDE WARE (ibid., p. 462), etc.
HENRIDE GANDET L'ARGUMENTONTOLOGIQUE 309
Précisons d'abord, avec saint Anselme, qu'il ne s'agit point
ici de penser seulement des mots, mais les choses qu'ils signi-
fient et avec saint Bonaventure, que la pensée dont on parle
n'est point simple représentation, mais affirmation et jugement,
cogitatio cum assensu A la question ainsi posée, l'école fran-
ciscaine répliquait que l'existence de Dieu, naturellement indubi-
table en soi, le devenait également pour l'intellect droit, tourné
vers la Vérité, et qui possède ou acquiert de l'Essence Divine une
notion fidèle, quoique lointaine au lieu que l'intellect tourné
exclusivement vers le sensible, et aveuglé d'aventure par l'erreur
et le péché, peut méconnaître la nature et l'existence de Dieu
La solution d'Henri est d'une teneur pareille, encore que singu-
lièrement plus précise, grâce à la distinction invoquée à nouveau,
entre le nom et l'idée de Dieu.
L'idée de Dieu atteint un Absolu, dont plusieurs formules
sont humainement possibles telles celles de l'Etre Imparticipé,
de l'Etre par essence, de l'Etre souverainement vrai, enfin pour
parler comme saint Anselme, de l'Etre tel qu'on n'en puisse con-
cevoir de plus grand Chacune de ces formules représente une
essence qui inclut l'existence, en sorte que cette essence, prise
comme sujet, ne peut point être pensée sans le prédicat qu'elle
implique, ni partant Dieu comme n'existant pas. Tel est le sens
profond des démonstrations anselmiennes
.Summ. 30, 3, 10, p. 459. K Co(yt<t)re f)t'm ouf) esse co;t~n(/t< du-
ph'c;fcr, ut (listiiiguit Anselmus in Prosl. L'no scilicet modo cogitando t)CCM7t
quam d:ct'<ur Deus non esse; alio autem modo cogitando ipsam rem St'g't;
ficatam per uocp?n. Suit une citation du Proslogiort, c. 4, p. 16, éd.
Koyré.
Surnm. 30, 3, 11, p. 459. Cf. saint Bo.\A\ENTt:Rn. ~oc. cit., p. 154, dont
s'inspirent également PECKAMet MAratEu D'AQUASpART~(<uc. cil., pp. 49 et
62'. 11 va sans dire que rien n'empêche de se représenter Dieu et sa non-
existence du moment qu'on ne prend pas parti touchant cette hypothèse,
ou bien qu'on la repousse.
Vue moyenne qui néglige les oppositions de détail. Saint Bonaventure,
par exemple, soutient que l'existence de Dieu (au rebours de son essence)
n'est jamais ignorée, puisque admise même par les idolâtres. Cf. Aiex.
HALES, SAINTBo~AVR~TL'RE,PECEAM,AQUASPARTA,GAUTIER, /OC. <
Summ. 30, 3, 1-3, pp. 458-4.59. Le n. 1 cite Proslog. c. 3, p. 14, éd.
Koyré.
Summ. 30, 3, 12, p. 460. « Si primo modo [c'est-à-dire dans l'hypo-
thèse de l'idée de Dieu], nullus omnino poffst cogitare Deum non esse, quia
prafdtcct~u~ est de intellectu subjecti, et f<a sic cogitans subjectum, ne-
cessario cogitat in ipso pf'aedt'ca~um.Vu~u. ergo intelligens rem ~(taf Deus
310 AHCHIYES
D'mSTO!HE
DOCTRINALE
ET HTTÉRAIRE
BUMOYEN
ÂGE
Mais Anselme, lui-même, ne conteste point absolument
qu'une négation de Dieu soit possible en cette vie, du moment
que l'Etre Divin n'est point vraiment compris sous l'aspect de
l'id quo majus cogitari non potest 1. Pareillement. dans la doc-
trine d'Henri, la notion seulement nominale de Dieu n'empêche
pas de concevoir sa non-existence. Distinguons, à vrai dire, deux
activités possibles de l'intellect, dont l'une ne s'inspire que de
ses lumières propres, et n'affirme rien qui ne se trouve vériHé
dans les choses, tandis que la seconde s'en remet à l'imagination
du soin de juger, et tombe en les mêmes illusions que cette faculté.
Dans le premier cas, l'intellect s'il peut réserver sa réponse
n'affirmera point que Dieu n'existe pas, vu qu'une telle affirma-
tion ne trouve nul fondement dans les choses dans le second cas,
au contraire, l'intelligence conçoit Dieu imaginativement sur le
modèle des créatures, avec la distinction d'essence et d'existence
inhérente à celles-ci, et il n'y a point d'inconvénient à penser
comme n'existant pas, un Dieu ainsi conçu 2. Joignons qu'à côté
est, dts~nc<e et in particulai-i, potest cogitare cum assertione quia non sit
guanqt:am verba dicat in corde suo. » Suit une citation de Prosl. c. 4, avec
des références aux cc. 2-3.
Summ. loc. cit., 5-6, p. 459 20, p. 44 qui cite Prosl. c. 4. « Oftod qui
bene intelligil, utique intelligit idipsum sic esse, ul nec co<~<;<)one queat
non esse. » H est assez surprenant que Henri ne fasse point correspondre
à sa distinction entre notion nominale et notion réelle, la distinction établie
par saint Anselme entre vox et res. Il est vrai qu'aux yeux d'Henri, les
deux connaissances dont nous parlons font connaître des ''es. encore que de
nature différente, la seconde une res qui est une essence véritabfe. (7C~ a
ratiludine), la première un simple contenu de pensée (res a rc< ;'eyffi
dicta). Henri ne raisonne donc jamias sur le mot proprement dit au lieu
qu'il semble imputer cette façon de procéder à saint Anselme d0. p. 459~.
Mais il est clair qu'en parlant de vox cogitata, (par opposition Mres co~t<afa),
l'auteur du Proslogion entend lui aussi un certain contenu de pensée, et
non pas simplement le mot qui le suggère. Cf. c. 4 « iVu'~as qutppc tn/e;-
M~cns id quod Deus est, potest eoo!ta7'e quia Deus non est, licet noce uerba
dicat in corde, aut sine ulla, aut cum aliqua extranea significatione. <) Kn
bref, le malentendu s'il existe réside tout entier dans la terminologie.
Summ. 30, 3, 13, p. 460. « Si secundo modo, tthM distlnguendum est
de cogitalionc aut enim su?n~u7- cogitatio propre pro actione partis intel-
~ecfi't'aE purnp, quae in asserendo solummodo est verorum, aut pro actione
intellectus phun<ast:C[ et rerum :~no?'cn<:t: decepH. Primo modo, adhuc
non contingit cogitare cHm asserMonc Deum non esse quia hoc in latis
intellectus comprehcns:one cadere non po~est, quia in rerum natura non
potest esse. Secundo autem modo bene contingit intelligere enim in gene-
7'a!f hoc nomine Deus significari so!ummodo quandam essentiam omnium
nobt~'ss:m.f!m. non co:nte!Hoendo in nobititate eius includi rationem :ps:'fts
HE~R) DE GANDET L'ARGUMENTONTOLOGIQUE 311
Les analyses qui précèdent ont tâché de faire voir les raisons
et point toujours évidentes, qui légitiment, dans le
profondes,
d'Henri, l'entreprise d'une preuve ontologique. Peut-
~sterne
être convient-il ici de faire le point, en marquant avec précision
la position de notre philosophe vis-à-vis de saint Thomas. Henri
admet, comme ce dernier, que l'objet premier de toute connais-
sance distincte réside dans les choses sensibles que la nature
de l'Etre Divin échappe donc originellement à l'attention de
1 intellect le terme Dieu auquel tous donnent un sens
qu'enfin
ne désigne rien de sensible, n'éveille d'abord rien
quoiqu'il
Loc. cit., 6, p. 342. « Solum Deum possibile est scire esse, sciendo
eius quiddidatem et essentiam, quod scilicet talis sit quod in eo idem, stf!<
essentia et esse, et per hoc scire in eius essentia quod sit necessaria exis-
tentia, ita quod non sit possibile intelligere eius essentiam, f;!fe~t<yendo
cum hoc ipsam non existere in effectu. et hoc possibile est hominem scire
et cognoscere de Deo ex puris naturalibus. Unde patet quod pe;' hune
modum Deus cognoscitur esse, cognoscendo eius essentiam, quood hoc quid
eius essentia includit ipsum esse. »
~Loc. cit., 7, p. 342. «Hoc, ut credo, !ntcHe;nt ~Mcenna, c';t)< dixit
quod « posstt homo scire Deum esse ex via propositionum unn~rsoh'um
UHNm DE GANDET L'ARGUMENTONTOLOGIQUE 315
En résume conception avicennienne d'une priorité de l'être,
de l'un, etc. dans notre connaissance, et d'une transcendance de
ces notions simples vis-à-vis de l'expérience sensible possibilité
reconnue par saint Augustin, d'une analyse des mêmes notions,
qui discerne sous leur simplicité apparente l'intuition d'abord
insoupçonnée de l'Etre et du Bien subsistants tels sont les fon-
dements essentiels d'une preuve métaphysique de l'existence de
Dieu Celle-ci n'a donc point d'autre itinéraire à suivre, que
celui-là même qui, dans la troisième partie de ce travail, nous a
acheminés depuis le créé jusqu'à l'idée de Dieu. Cette idée n'est
point construite par l'intellect, avec des données de fortune, mais
possédée dès le principe, et simplement mise en lumière par la
preuve. C'est pourquoi l'existence divine peut s'y trouver assurée
et comme perçue.
Préciserons-nous une dernière fois la formule de cette idée,
en indiquant les auteurs de qui Henri semble la tenir Nous
savons qu'elle revêt en nous, deux degrés de distinction, dont l'un
s'arrête à l'Etre Divin considéré successivement en l'Absolu de
chaque attribut, au lieu que le second unifie ces attributs dans le
concept d'une essence qui n'est qu'existence pure C'est saint
Augustin qui, de l'aveu même d'Henri, suggère à celui-ci la doc-
trine d'un Dieu premier connu, sous l'aspect du Bien, ou du Vrai
tum vero ad nos posteriatur post omnes scientias. » Donc une fois adoptées
en métaphysique, les conclusions de la physt'gue touchant l'existence d'un
Premier Moteur, la philosophie première établit l'existence, les attributs et
la causalité universelle du Premier Principe par une méthode propre, qui
ne se fonde pas sur l'examen du sensible, mais sur celui des propositions
évidentes de l'ordre de l'intelligible. Nous savons déjà en quel sens Henri
interprète l'assertion énigmatique, à la vérité du philosophe arabe. Celui-ci
se réfère évidemment à des spéculations sur le possible et le nécessaire, et
c'est du sens reconnu à celles-ci que dépend le sens de notre
passage. Re-
marquons d'ailleurs qu'en terminant (Sed non propter infirmitatem.)
Avicenne limite expressément, pour l'intellect humain, la possibilité d'une
connaissance causale « :n aliquibus ordinibus. » ce qui peut vouloir dire
soit que cette connaissance ne s'applique qu'à certains ordres d'objets créés,
isolés en quelque sorte de leurs rapports au tout soit, plus probablement,
selon l'opinion d'Henri, qu'une connaissance de Dieu a priori, ne laisse
pas de faire intervenir d'une façon qu'il faudra déterminer la con-
naissance des créatures et de leur hiérarchie.
Au livre II du traité I, qui est l'introduction.
2 Tract. I, I. 2, ce. 1-3.
Etude sur la métaphysique d'AMce~e, Paris, 1926, p. 113 (à propos
de la démonstration du tr. 8). «A examiner attentivement la pensée du
philosophe arabe, on voit aisément que l'être nécessaire dont on veut éta-
blir l'existence, est donné avant la démonstration même, en sorte que la
preuve se réduit pour ainsi dire à une sorte d'exercice mental qui consiste
en une sorte de vérification de l'hypothèse admise dès le commencement.
Cet être nécessaire dont on veut établir l'existence, est donné dès le com-
mencement de la démonstration, parce qu'il constitue chez Avicenne le
point le plus essentiel, et le plus original du système. C'est Avi-
cenne ne cache pas ses tendances et ses sentiments pourquoi
à l'égard de ces preuves,
et déclare que l'être nécessaire ne peut pas être connu
par voie démonstra~
tive (Vni, 4). Ne dit-il pas encore que l'être nécessaire n'ayant ni définition
ni cause, ne peut pas non plus avoir de preuve, mais
qu'i! est au contraire,
la preuve de l'ensemble de l'univers (7&t'd.~
318 ARCHIVES
D'HISTOIRE
DOCTRINALE
ET LITTÉRAIRE
DUMOYEN
A(.E
comme existant, à peu près, de même façon que la substance.
dans le système de Spinoza compte tenu, évidemment, des
différences qui sautent aux yeux et l'on expliquerait l'attitude
de saint Thomas, qui ne voulut point prendre à son compte la
preuve avicennienne, sans lui donner d'abord, comme avait fait
Maïmonide, une solide base cosmologique qui paraît maintenant
superflue à quelques-uns Il nous suffit de poser la question.
Reste à signaler saint Anselme, dont on a vu qu'Henri
accepte les conclusions essentielles. Les assertions du philosophe
gantois n'accusent point, à vrai dire, une influence prépondé-
rante du Proslogion, et sa preuve métaphysique semble dépendre
beaucoup plutôt de saint Augustin et d'Avicenne. Mais Henri voit
très bien la parenté de son procédé avec celui qu'emploie saint
Anselme, et il ne manque jamais de citer l'id quo majus c'<ar:
non potest, parmi les formules possibles de l'idée de Dieu Quoi
de plus justifié, si l'idée de Dieu s'oppose justement à son nomen,
en ce qu'elle représente non point une perfection quelconque, et
la plus grande, qui existe en fait, mais une perfection absolue,
et maximale en droit ? Saint Anselme n'oppose-t-il pas de façon
identique, l'id quo majus cogitari non potest, au majus omntbtts
sur quoi Gaunilon prétendait faire reposer sa preuve ?a
Observons encore qu'Henri semble laïciser, si 1 on peut
dire, la tentative du Prieur du Bec, laquelle suppose, dans une
mesure, il est vrai délicate à déterminer, un point de départ et
un secours surnaturels 5. Henri ne conteste point qu'une médita-
tion, assistée de la grâce, acquière sur l'essence et l'existence
divines, des lumières singulières, où ne peut prétendre la raison
naturelle, et il professe même, touchant la foi qui se fait intelli-
gence, grâce à certain lumen theologicum, des théories attachan-
1 Voyez sur cette question, les articles des PP. GËNY, SER-nLi.ANGEset
BouYGEs, dans la Revue de Philosophie, 24 (1924), 25 (1925), 32 (1932).
A côté du Bonum ou Verum Subsistens, de l'Bsse purum, etc. Cf.
Sun~. 22, 2, 15, p. 334 24, 3, 16, p. 357 30, 3, 12, p. 360.
2 Summ. 22, 5, 9,
p. 343 30, 3, 13, p. 460 et surtout 24, 5, 7, p. 360
(cité supra, p. 36, n. 3).
4 Cf. Gaunilonis liber
pro insipiente, passim et Anselm. L:!w ~po!o~c-
ticus, c. 5, p. 85, éd. Koyré. « Non. idem valet qnod d:cttur majus omni-
bus, et quo majus cogitari nequit ad probandum quia est in re quod
dicitur M etc.
s Voir le ch. 1 du
Proslogion.
HEKRt DEGANDET L'ARGUMENT
OKTOLOGIQUH 319
tes, qu'il faudra bien étudier quelque jour mais i! distingue
formellement ce mode de connaissance, de celui qui aboutit à la
preuve métaphysique, et demeure, à ses yeux, d'ordre tout natu-
rel
Comment, en fin de compte, caractérise-t-it cette preuve P
Elle s'oppose irréductiblement aux preuves a posteriori, qui
n'atteignent l'existence divine qu'en se fondant sur l'existence
du créé. Doit-on la déclarer, pour autant, a priori, et telle qu'elle
ne suppose, d'aucune manière, la connaissance des créatures P
Ce serait trop dire. La priorité de l'idée de Dieu en notre connais-
sance, n'empêche point que la pensée distincte se fixe première-
ment, sur l'essence créée, et seulement en second lieu, sur l'In-
créé, dont la notion est réellement impliquée en tout concept.
Nous ne parvenons au Bien Substantiel qu'en passant concrète-
ment par les biens contingents Et c'est de quoi conviennent
explicitement saint Augustin et Avicenne On accordera donc à
Averroès que Dieu, pas plus du reste qu'aucune quiddité intelli-
gible, ne nous est connaissable sans le secours des créatures mais
on ajoutera que les critiques formulées par le Commentateur à
l'adresse d'Avicenne, n'atteignent pas vraiment ce dernier, qui
est tout prêt à souscrire à la même thèse Une fois de plus,
Summ. ar<. 6, pp. 106 ss. 7, 2, p. 122 art. 13, surtout 4, p. 231
6, p. 235 18, 3, p. 286; etc.
Su~m. 22, 5, 4, p. 341 10, p. 343 et 22, 2, 13-16, pp. 333-334.
Summ. 22, 5, 7-8, p. 342. « esl enim iste modus alius a via co-
gnoscendi Deum esse testificatione sensibilium, qua esse creaturae testifi-
catur esse Dei. non tamen est omnino iste alius modus a via cognoscendi
Deum esse per creaturas, quia iste modus ortum sumit a cognitione essen-
tiae creaturae. Ex veritate enim et bonitate verum
creaturae, intelligimus
e< bonum simpliciter. Si enim abs~'ahendo ab hoc bono et illo, possumus
intelligere ipsum bonum ef fer'im simpliciter, non ut in hoc et in illo sed
ut stans, Deum in hoc intelligimus. (Nous rappelons que l'abstraction
ici mentionnée n'est point l'abstraction thomiste.)
Loc. cit. suite. Henri cite d'Avicenne « Sed non prûptc/' fft/trmtta-
tem. etc. » (p. 52, n. 3) et de saint Augustin « Cum audis hoc bonum et
illud bonum. » (De Trinit. VIII, 3, 5, P. L. 42, 949 supra, p. 21, n. 1).
5 Summ. 22, .5, 4, p. 341 « non est nobis omnino via ad probandum
ipsum (Deum) esse, nisi ex sensibilibus neque e;:QM ad cognoscendum
ipsius naturam et essentiam, neque aliqua alia circa intelligibilia sive sint
naturalia, sive supernaturalia, muMo tamen minus circa supernaturalia et
maxime circa divina. » Cf. 8, p. 342 25, 3, 19, p. 392. Henri cite d'Averroès
in 7 Physic. in fine (t. IV, p. 22 v<'b) et in XII metaph.
(t. VIII, p. 138 r" b)
où l'exigence formulée par Avicenne d'une preuve
métaphysique de l'exis-
tence de Dieu, se trouve combattue. Henri fait porter la critique averroïste
320 ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRINALE
ET LITTÉRAIREDU MOYEN
ÂGE
Henri corrige la hardiesse de ses assertions, par des réserves inspi-
rées de l'aristotélisme il n'est pas besoin d'ajouter que l'essen-
tiel de cette dernière doctrine se trouve néanmoins sacrifié.
Il faudrait comparer, pour finir, du point de vue de leurs
résultats, les preuves physiques et métaphysique, que nous venons
constamment d'opposer, en leurs méthodes. On verrait que les
premières, partant de la notion nominale d'une nature très excel-
lente, établissent, en effet, son existence, mais ne révèlent, tou-
chant cette nature, rien qui ne fût contenu dans notre notion
initiale en sorte que l'existence même qu'on en vérifie, demeure
provisoirement une existence de fait, peut-être adventice à l'essen-
ce au contraire, la preuve métaphysique n'établit l'existence
divine qu'en en faisant voir le fondement dans l'essence, connue
elle-même avec une distinction relative. Elle est donc incompa-
rablement plus parfaite
CONCLUSION
Op. cit., pp. 125-156. Le P. Daniels n'ignore point qu'au moins Henri
de Gand développe une théorie du Deus, primum cognitum. Mais, assure-
t-il, (p. 143) « Die Gestalt, die jene ontologistische Lehre bei ihm annimmt,
zwingt zu einer solchen Folgerung (c'est-à-dire à accepter l'argument ansel-
mien) nicht, eine Folgerung die bei anderen denkbaren Formen dieser
Anschauung unvermeidlich ware ».
21
D'HISTOIRE
322 ARCHIVES DOCTRINALE
ET LITTÉRAIRE ÂGE
DUMOYEN
auteur consistant à redécouvrir ces postulats pour les formuler
avec plus ou moins de conscience. Et l'on a dû remarquer, par
exemple, chemin faisant, la parenté des procédés d'Henri avec
ceux d'un Descartes. Si l'on veut bien réfléchir qu'à côté de
quelques-uns qui gardent le silence, saint Thomas est avec Richard
de Middleton, le seul docteur du xm" siècle qui rejette et juge
irrecevable toute tentative de preuve a priori on ne sera plus
tenté de tenir le thomisme pour une sorte de moyenne des doc-
trines contemporaines.
Nous nous permettrons, pour finir, un dernier rapproche-
ment, qui nous fut à nous-même assez inattendu. En une série
d'ouvrages consacrés à mettre en regard les philosophies scolas-
tique et moderne, le R. P. Maréchal s'est demandé, comme Henri
(encore qu'avec une autre pénétration), ce qui nous permet, au
choc du sensible, de penser des êtres, et dans le cadre de ceux-ci,
.l'Etre Premier. Il a conclu, comme notre philosophe, par un
primat de l'Etre Premier, au regard de la pensée en exercice. Nous
ne songeons certes point à attribuer à l'auteur du Point de Départ
de la Métaphysique, un intuitionnisme ontologiste, qui est au
contraire l'une des doctrines les plus lucidement combattues par
lui la priorité de l'Absolu Divin ne se marque, à son sens, que
dans l'ordre des fins, et nullement, comme il semble que le sou-
tienne Henri, dans l'ordre de la représentation point néces-
sairement consciente, il est vrai. Reste qu'à partir de cette diver-
gence initiale dont l'importance ne doit point échapper les
deux doctrines, inspirées de soucis analogues, se développent de
façon parallèle. L'Etre Divin et son existence sont affirmés nous
dit-on, implicitement, à propos de tout objet et la réflexion du
sujet connaissant sur cet implicite transcendantal le révèle à la
conscience claire, suivant une méthode qui n'est pas l'induction
de Dieu à partir de ses effets sensibles La comparaison, que
Jean PAULus.
absolue de l'Etre Divin, pour l'exercice de la pensée, pp. 335-339 enfin sur
la réflexion « transcendantale )) appliquée à cet objet pp. 345-348 366-
367 etc.
DER TRAKTAT DES ROBERT KILWARDBY O. P.
DE IMAGINE ET VESTIGIO TRINITATIS
vo?<
Friedrich SïEGMÙLLER
1
Vgl. F. PELSTER, S. J., Das Leben und die Schriften des Oxforder
Dominikanerlehrers Richard Fishacre (f 1248), Zeftschr. f. kath. Théo!. 54
(1930), 518-553.
2 F bedeutet im Folgenden Cod. Ottob. lat. 294, zitiert nach Colum-
nen und Zeilen L bedeutet Petri Lombardi, Libri quattuor sententiarum,
ed. Quaracchi 1916, zitiert nach Seiten und Zeilen.
KILWARDBY, IMAGO TRINITATIS 327
RICARDUS FiSHACRE
DE VESTIGIO TRIKJTATtS
Quaestio Prima
Quacs<o Secunda
Quaestio Tertia
Quaestio Quarta
Sed cum Pater sit tota causa creaturae trinae, similiter et
Filius, sequitur tune eadem ratione Patrem esse trinum et simi-
liter Spiritum et Filium.
Solutio Quilibet aliorum est causa unde Deus, non unde
Pater vel Filius. Et ideo non sequitur aliquem eorum esse trinum,
sed essentiam divinam trinam esse.
Item Quia quaelibet creatura est trina, necesse est ideam
eius esse trinam. Et idea eius est divina essentia et ideo necesse
est essentiam esse trinam.
Item Si pes in pulvere semel facit vestigium quinum, non
est manifestum ipsum quinum esse. Sed si quodlibet eius vesti-
gium est quinum, tune est patens ipsum quinum esse. Similiter
cum omne causatum a Deo sit trinum, patet causam esse trinam.
Quaestio Quinta
Item Cum Pater et Filius et Spiritus Sar«-<us sint una po~cn-
tia, et sapientia et bonitas, quid ad Trinitatem personarum profi-
cit ostendisse in creaturis horum vestigium ?
Solutio Quaedam creaturae sunt vestigium Dei Trini indis-
tincte, et hae sunt vestigia tantum, scil. illa per quae investigantur
appropriata personis quaedam distincte, ut rationales creaturae
determinantes imitatorie gignentem, genitum, et mutuum amo-
rem. Et haec vestigia et imagines dicuntur, scil. per quae investi-
gantur propria personis.
Es folgt nun die Paraphrase zu Unum Deum Patrem (F 31,
50 L 32, 27) bis Nunc vero iam ad eam (F 31, 62 L 33, 13).
Hinter cap. 6 beginnt der Exkurs über Imago Trinitatis.
RiCARnt S FiSfTACRE
DE IMAGIKE TRIMTATTS
1 Item] Igitur F.
333 ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRINALE
ET LITTÉRAIREDU MOYENÂGE
viditur in apprehensivam intellectivam et apprehensivam reten-
tivam, sive intellectivam habitualem quod est memoria, et actua-
lem quod voco intelligentiam.
Quaestio Prima
Quaestio Secunda
se] om F.
ROBERTI KILWARDBY
1 modo om. W.
enti] ente M. et om. W. hoc] haec W.
muitipticiter] mnteriatiter M. tune erit] est M.
1 est om. W.
equi om. \V. ibi obiectum om. M. est om. M.
cap. om. M. quia perceptibilis om. M. 1 aliud add. aliud W.
2
item] unde5 M. coadaequatio] coaequatio ~1. 1] 7 W. ut
om. W. sunt] sint W.
=*ÂMBROStus, Hexaem., I.
1, c. 8, n. 34 (PL 14, 143).
BûETtus, De Arithmet., L 1, c. 1 (PL 63, 1081).
ARISTOTELES,Metaphys., L 9, c. 1 [I. 10, c. 2] (1052 b 20).
MLWARDBY, IMAGO TRINITATIS 351.
a Cf. Ricardus
F)SBACRE,q. 2 (p. 329).
b AUGUSTINUS,De Genesi ad
litt., 1. 4, c. 6, n. 12 (PL 34. 301).
Cf. Ricardus FisnACRE, q. 2 (p. 329).
d AUGUSTINUS,De Genesi ad litt.,
4, c. 5, n. 11 (PL 34, 300).
Dialogus Quaestionum, 65, q. 39 (inter opp. August., PL 40, 74
353 ET LITTÉRAIREDU MOYENÂGE
ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRINALE
2
seipsum] seipsam M. agetur] agitur M.
E!LWARDBY, IMAGO TRINITATIS 353
2 3 etiam cm. M.
eorum om. M. molibus] mobilibus W. ne
naturae sic enim revocabilis RI. 6
irrevocabilis] ° \-e!] sed M. unde]
ut M. 'inmohbuso~.W. 'etiamom.M. 9 est om. M. '°Et
comparatione om. numerus unitas] unitas numerus W.
quod] quia M~V.
&Loc. cit.
b existimatum est ipsam [alterationem] esse ih figuris quae sunt in
genere qualitatis, quae est in quantitate secundum quod est quantitas et
in formis quae sunt in anima et animato, quod est aliud genus. AVERROES,
in Phys., 2, comment. 15.
356 ARCHIVES D'HISTOIRE DOCTRINALE ET LITTÉRAIRE DU MOYEN ÂGE
2 in om. M. in om. M.
aequalitas] qualitas W. 6
ordinis]
ordinationis W. habeant) habent M. 24] 28 W. et o;n. W.
9
essentiae] existentiae M. ideo] non M.
1 forma W. eo W.
paenultima 6 om. W. essentia] ea] in]
°
per W. essentiae] existentiae W. quantïtativarura] quantarum W.
existentia] essentia M.
KtLWARDBY, IMAGO TRINITATIS 359
II
1 2
sunt] sint M. autem] etiam W. q. 48 om. W. intelligen-
tia] intellectiva W. eius et] et eius M.
a
AMSTOTEUss, A~efftph., VI (VII), c. 3.
b ARISTOTELES,Categ., c. 8 (9 a 17).
° ARISTOTELES,De ment. et rem:n[sc., c. 1
(449 b 26).
KILWARDBY, IMAGO TRINITATIS 365
neque est sensus neque opinio, sed horum cu:'usdam ha~!<us aut
passio est. Sed sive sit habitus sive passio, accidens est, quia habi-
tus qualitas est, passio qualitas vel mutatio secundum AjMSTOTELEM
in 5 Metaph. ubi distinguit modos accipiendi passionem.
Item Proprium est accidentis, posse minui et amitti manente
substantia. Sed huiusmodi est memoria, sicut per se patet. Ex hoc
argue per simile propositum de intelligentia et amore.
Item In aliis rebus scil. corporalibus potentiae, quibus
agunt et patiuntur, videntur esse accidentia. Ergo et pari ratione
hic. Probatio antecedentis Quibus elementa agunt et patiuntur,
illa sunt eorum potentiae. Sed contrariis agunt et patiuntur. Ergo
contraria sunt eorum potentiae.
Probatio minoris est per AjMSTOTELEMin libro de sensu et
sensato ubi dicit, quod secundum quod ignis et quod terra, nihil
habent facere au< pati nec aliud gmcguam secundum autem quod
est contrarietas in unoquoque, secundum haec omnia et faciunt
c< patiuntur. Cum igitur contraria quae in elementis sunt sint
calor et frigus et huiusmodi quae sunt accidentia, videtur, quod
potentiae activae eorum sit accidentia.
Respondeo Quidam dicunt', quod sunt accidentia, et de
secunda specie qualitatis. Et hoc volunt universaliter de omnibus
potentiis activis et passivis forte.
AJii vero rationabilius [W 34 v° b] et probabilius, quod po-
tentiae illae, quibus per se sunt substantiae potentes, reducuntur
ad praedicamentum substantiae. Et hoc ita, quod ad aliquod prin-
cipiorum substantiae compositae. Et istis consentiendum ad
praesens.
Et ad primum contra dicendum, quod nomen naturalis
potentiae aequivoce sumitur. Uno enim modo est aliquid de
substantia et virtute uniuscuiusque naturaliter subsistentis quo
potens dicitur, sive activum sive passivum. Alio modo est aliqua
qualitas consequens esse rei, qua res per potentiam essentialem
est habilior vel minus habilis ad agendum vel patiendum. Et haec
qualitas non est habitus vel dispositio aliunde acquisita, sed con-
comitatur esse rei. V. gr. in organo visivo est potentia videndi,
1 M. 2
transparentia] temperantia vel] ad W. peius] melius M.
est om. M. 6 est ont. M. essentiale M. etiam om.
essentiae]
° vel ont. W.
~V. ° possinius] possumus M.
vel aufertur, quoad habitum est, vel usum, sed non quoad poten-
tiam.
Ad quartum, quod elementa agunt vel patiuntur unde con-
illa contrarietas est 2 et in formis
traria. Sed primo principaliter
substantialibus, secundario in accidentalibus Et in ipsis sub-
stantialibus formis sunt potentiae activae, quae mediantibus acci-
dentibus concomitantibus melius vel peius se habent ad actionem,
ut praedictum est.
Deinde quaeritur Cum memoria, intelligentia, et voluntas
sint potentiae activae et sint de genere substantiae, an sint idem
cum mente in essentia vel cum anima rationali vel cum eo quod
est ibi formale.
Quod sic, quia habetur in libro de spiritu et litera cap. 10
quod Deus est omnia sua, et anima quaedam sua. Habet s~mdem
naturalia et ipsa omnia est. Potentiae namque algue vires eius id
ipsum sunt quod ipsa. Ex hoc argue.
Item AuGusTiNus de Trin. lib. 10 cap. 27 dicit, quod dicta
tria sunt una mens, una vita, una substantia. Si sunt una vita,
et in mente non est multiplex vita sed unica, ergo sunt ipsa vita
mentis. Sed vita mentis vel est ipsa mens vel formale eius. Loquor
enim de vita naturali eius.
Item AuGusTiNTJs lib. 9 de Trin. cap. 9 ° dicit, quod notitia
corporis est quaedam vita in ratione cognoscentis. Sed constat ex
dictis proximo, quod non est alia vita quam illa quae est mens
vel formale mentis. Ergo notitia corporis in ratione cognoscentis
non est aliud per essentiam quam formale mentis. Cum igitur
memoria intelligentia et voluntas propinquius se habeant 5 ad
mentem aliquo modo quam notitia corporis, oportet, quod illae
sint mens ipsa vel formale eius.
Item Si sunt de genere substantiae et neque materia rei
neque forma, ergo res non constat tantum ex materia et forma,
quod est contra philosophos.
Item Potentia passiva materiae est idem in [W 35 r° a] essen-
3 et
est om. W. item] iterum M. modo om. M. ad amo-
rem] ad amorem M. ° causandam] causandum W. actionibus]
accidentibus W.
374 ET LITTERAIREDU MOYENÂGE
ARCHIVESD'HISTOIREDOCTRINALE
1 patet om. M.
obiectiones] oppositiones W. Aliud] Dicendum W.
pertinent] spectant W. usum] unum M. Sic] Sicut M.
2 fugam incom-
Posterior] Posteriori W. operationibus om. M. et
modorum om. M. 4 de om. M. autem] vero W. quam] qua W
quae M. quod] quia M.
2
10] 4 M. hoc] haec W.
eorum M. 2 movere M. 3
earum] movetur] copulatur] copulat W.
satis om. M. intellectivam M. 6
T intelligentiam] certo] recto M.
intelligentiae) intellectivae] W. ° memoriae] memoria W. intelli-
gentiae] intellectivae 'W.
''AuGusT!Nus,Deyy-:n:~6,Lll,c.5.n.8(PL42,991).
AunusTMus, De Trinitate, ). 12, c. 4, n. 4 (PL 42, 1000).
AuGus-nnus, De Trinitate, 1. 14, c. 3, n. 4 (PL 42, 1038).
AuGusTtNus, De Trinitate, 1. 14, c. 4, n. 6 (PL 42, 1040).
25
386 ARCHIVES
D'HISTOIRE
DOCTRINALE
ET LITTÉRAIRE ÂGE
DUMOYEN
nienda in rationali est sive intellectuali humani animi, quae irn-
/KorfaHter tmmo~aH~atf eius est insita. Ecce et ista verba con-
gruunt proprie superiori rationi.
Contra Videtur, quod in tota anima quaeri debeat et inve-
1
niri, quia non solum in superiori ratione invenitur memoriam
gignere intelligentiam, et voluntatem copulare utramque, sed
etiam in ratione inferiori, sicut docetur in libro 13 de Trin. cap.
46 et duobus sequentibus Similis etiam gignitio et copulatio est
in parte animae brutali, sicut docetur libro 11 cap. 9
Item MAGisTERdist. 3 cap. 11 ° ostendit quod [M 23 v° a]
quando dicit Augustinus istam trinitatem imaginem esse in hu-
mana mente, mens ibi pro ipso animo accipitur, ubi illa imago
Trinitatis est, quia mens proprie non dicitur ipsa anima, sed quod
in anima est excellentius
Respondeo Primae rationes concedendae sunt secundum
Augustinum, ut manifeste ostendunt verba eius.
Ad primum contra dicendum, quod gignens genitum et pro-
cedens sive copulans bene possunt inveniri in aliis partibus ani-
mae, ut dictum est. Sed non constituunt imaginem summae Tri-
nitatis nisi ubi est summa expressio similitudinis ad summam
Trinitatem. Et hoc non contingit in aliis partibus animae sed in
sola ratione superiori, ut iam patebit.
Ad reliquum dicendum, quod Magister non videtur satis
intellexisse Augustinum ibidem, sicut patet per verba eiusdem
Augustini inducta ad primam partem quaestionis. Magister enim
forte attendit ad hoc, quod Augustinus in libro de Trin. assignat
veritatem ubique in anima etiam in ipso sensu, et ubique supra
sensum constituit trinitatem penes memoriam, visionem vel intel-
ligentiam, et voluntatem. Sed non attendit ad hoc, quod ipse eicit
ab imagine omnes trinitates praeter illam, quae est in superiori
ratione, quae est immediata Deo. In ceteris tamen trinitatibus
quoddam vestigium est summae Trinitatis
Item aliae sunt adventitiae menti vel animae, ista non. Et hoc est
idem quod prius, sed aliter dictum. Et illud declarat AuGus-n~us
lib. 14 de Trin. cap. 16 et deinceps usque ad 22 a.
Item Secundum illam maxime Deo appropinquat et assimi-
latur, non sic secundum alias. Et hoc habes in locis praenomi-
natis illius libri et in libro 11 cap. 16 b.
Item Haec trinitas est magis consubstantialis quam aliae,
et dico de illa consubstantialitate quam habent tria eius inter se.
De ista consubstantialitate habes libro 10 de Trin. cap. 27
Item Ista trinitate non contingit male et bene uti, sed bene
tantum secundum quod huiusmodi, aliis vero contingit et bene
et male. Et hoc habes de trinitate exterioris hominis libro 11 cap.
15 et 16 et de trinitate inferioris rationis lib. 13 cap. 47 et 48 °
Istae videntur esse rationes Augustin! quare ponit imaginem
summae Trinitatis in superiori ratione, et hoc in abdito eius et
in aliis trinitatibus, quae in homine sunt, non nisi eius vesti-
gium.
Cum igitur non gignat memoria :'nte~cnt:afn, neque
utraque producat dilectionem nisi aliquid /ucy'~ obiectum quod
memo?'etur, intelligatur et diligatur, quaerilur quod est illud.
Quod Deus, videtur per AuGusTi~uM lib. 14 de Trin. cap. 15
Eo quippe ipso ° mens imago est Dei, quo capax eius est emsgue
particeps esse potest quod tam ma<ynu?7t bonum, nisi per hoc
quod imago eius est, non potest.
Item infra cap. 23 in principio g Haec tr:mt<M mentis non
propterea Dei est imago, quia sui meminit mens et intelligit ac
sed etiam 7 meiniiiisse et et
diligit se, quia potest intelligere
amare a quo facta est.
Item: Trinitas imago Dei est in supremo mentis, ut praedictum
est. Sed huius est contemplari 8 aeternam veritatem et rationes
incommutabiles in illa, secundum quas de aliis iudicat, sicut
° et om. W.
tamen] enim M. notitiam] nomen M. reprac.
° est M.
sentativae] praesentativa W. inde] videre M. esset]
mens ont. W.
a AuGUSTiNus, De
Trinitate, I. 9, c. 12, n. 18 (PL 42, 970).
"AuGusTmus, De T/-tn:~e, I. 9, c. 5, n. 8 (PL 42, 965).
AuousTMUs, De Trinitate, I. 9, c. 5, n. 8 (PL 42, 965).
ApcusTtNus, De Trinitate, I. 9, c. 12, n. 17 (PL 42, 972).
EILWARDBY, IMAGO TRINITATIS 393
a
Item, quod pro actu, quia AuGusTiNus lib. 9 de Trin. cap. 8
dicit, quod sicut duo quaedam sunt mens e< amor eius cum se
amat, [M 24 r° b] ita duo quaedam sunt mens et notitia cius cum
se novit. Ipsa igitur mens e< amor et notitia eius tria quaedam
sunt. Ecce ad ostendendum quod sit hic trinitas, cum mente
connumerat duas actiones eius, scil. nosse et amare. Et ita videtur
notitia ibi repraesentare [W 37 ~° b] actionem.
Eadem au<em quaestio est adhuc de amore, quid per ipsum
ibi repraesentelur.
Non enim videtur quod substantia mentis, quia tune mens
diligeret per suam substantiam, quia per amorem diligit.
Item Non potentia aliqua, quia non procedit potentia a
mente. Amor autem procedit, quia alioquin non indicaret Spiri-
tum Sanctum proprie.
Item Non habitus, quia habitus non procedit, sed inest pro-
prie per modum quiescentis. Amor vero procedit.
Item Amor secundum Augustinum est consubstantialis
menti, ut dictum est in dicta trinitate. Sed habitus non videtur
consubstantialis habenti.
Item non actus, quia non esset tune consubstantialis menti,
ut videtur, quia differunt essentialiter creatura et actio sua. Augus.
tinus autem vult, quod ista sint consubstantialia et unum, non
sicut subiectum et accidens, non sicut totum ex partibus, neque
sicut confusum vel mixtum, sed sicut vere unum et simplex, sicut
patet in tib. 9 de Trin. cap. 10 et quattuor sequentibus °.
E contra videtur, quod amor debet ibi stare pro potentia vel
habitu, quia aliter non videtur, quod possit esse consubstantia-
litas.
Item, quod pro actu, quia alias non videtur, quod possit pro-
cedere et copulare duo, ut proprie repraesentet Spiritum Sanc-
tum.
Quacr~nr igitur, quid per singula nomina huius trinitatis
intelligi debeat.
M. 2 autem om. W.
cum] tamen diligeret] diliget W. non]
nec W. in om. W. Econtra] contra M. repraesentet] reprae-
sentent M.
1
Aliqui enim] quia aliqui W. 2per om. W. dMIgere] intelligere
attribuuntur] attribuitur M. ° et] aut M. substantia] ipsa W.
essentia] essentiam M. îbi om. M. duabus inest om. M.
2 illud] id W.
gentta] geminata W. bene om. M. habitus]
verbum W. affectivae] effectivaeM. ibi est del. M. et cm. \V.
se] sed M. sic] ita W.
2
illud] aliud M. igitur .W. eas om. M. 4
hoc M. s et om. W. ergo] 6 Augustinum]
se] om. M.
a
AuGUSTiNus, De Trinitate, I. 9, c. 12, n. 18 (PL 42, 972).
KILWARDBY, IMAGO TRINITATIS 403
cm. M. a om M. 3 et memorandi
imaginem repraesentat om.
W. istam] veram W. 5 an] aut M. 6 ipsa] ipsius M.
40é D'HISTOIRE
ARCHIVES DOCTRINALE
ET LITTÉRAIRE
DUMOYEN
ÂGE
illa in tota sui perpetuitate, non de actionibus acquisitis quae acce-
dunt tempore et recedunt.
Quod sint ei consubstantiales videtur per illud AvERROis
super 11 Metaph. Aristotelis Si noster intellectus denudetur
apud per/ecttonem humanam a potentia, necesse est ut destrua-
tur ab eo haec actio quae est alia ab eo et tunc aut non intelli-
gemus omnino, aut intelligemus secundum quod actio est sub-
stantia eius, et impossibile est ut in aliqua hora non. intelligamus
per ipsum. Relinquitur igitur', cum iste tnte~ecfus fuerit denu-
datus a potentia, ut intelligamus per tpsuni secu7~dum quod actio
cius substantia est et est ultima prospe7':fas. Haec sunt verba
Averrois ibidem de intellectu agente, ubi dicit, quod eius actio,
ut copulatur cum intellectu materiali, est generabilis et corrup-
tibilis. Alias autem est sua substantia. Hic igitur vult Averroes
quod illa actio intellectus, quae semper eodem modo se habet et
non generatur neque corrumpitur [W 35 r° a] est eius substantia.
Sed talis est actio memorandi intelligendi et amandi in mentis
abdito respectu sui. Ergo huiusmodi actio est substantia mentis.
Item Ex coniunctione formae et materiae, quae sunt diver-
sae in essentia, resultat actio quae non est accidens sed substantia,
scil. esse quod est actus entis. Ergo mutto fortius ex conversione
mentis in se aliqua actione perpetua et immutabili non prodibit
actio accidens sed substantia. Quod autem esse, quod est actus
entis, non sit accidens sed substantia, patet per dictum Prisciani
dicentis, quod verbum substantivum substantiam significat
cuiuslibet de quo praedicatur b. Item per hoc, quod primum acci-
dentium est unitas, sed prius est esse quam unum esse, et ideo
esse accidens non est.
Item Accidens universaliter provenit ex aliqua diversitate
reali naturaliter praecedente ipsum accidens, a qua reali diver-
sitate per aliquam actionem et passionem provenit accidens".
Hoc patet discurrendo per singula genera aceidentium. Sed ad
productionem praedictarum actionum memorandi intelligendi et
enim creata non agit actionem aliquam, nisi sit aliquid aliud
actioni suscipiens nisi forte diceretur, quod aliqua creatura [M
26 r° a] per se ens esset pure forma, et tune eius actio adhuc qua
in se subsisteret inniteretur alii scil. actioni divinae,, sine qua
esse non posset. Sic igitur dissimiliter est actio Dei sua substan-
tia, et actio creaturae sua substantia.
Si haec \era sunt, multa est consubstantialitas in trinitate
quae est imago, et mira creaturae simplicitas. Et multum accedit
haec imago ad similitudinem imaginati, licet plus incomparabi-
liter ab eo differat secundum rationem aliam. Tantum ad praesens
de bac imagine dictum sit 2.
Fr. STEGMULLEB,
Freiburg i. Breisgau.
'subsisteret]sufficeretM. ~sit]estM.
Table des noms de personnes
CONCLUSION. 320
DER TRAETAT DES ROBERT KILWARDBY,0 P. « DE IMAGINEET YrSTIGIO
TRINITATIS», par Fried. STEGMÛLLER 324
Ricardus Fishacre « De vestigio Trinitatis » 327
Ricardus Fishacre « De imagine Trinitatis » 331
R. Kitwardby « De vestigio et imagine Trinitatis n 336
I. De vestigio divinae unitatis et trinitatis in creatura
1. De existentia et cognoscibilitate vestigii 337
2.Deprimoternariovestigii. 340
3. De altero ternario vestigii. 349
4. De tertio ternario vestigii. 356
II. De imagine summae Trinitatis in anima rationali 362
1. De primo ternario imaginis. 363
2. De altero ternario imaginis 391
INDEXGÉNÉRALDES NOMSDE PERSONNE 409
TABLE DES MATIERES 415
ANNÉE 1933
J. T. MucxLE. Isaac Israëli's definition of tru(h. P. MANDONNfr. Gu:<-
laume de Moerbehe, traducteur des « Economiques ». P. MAKDOKNET.
Albert !e Grand et les « Economiques » d'/irtsfote. Et. GnjSON. Roger
Marston un cas d'Augustinisme ai.'tcenrtMant. M. PATRONNtERDE
GANDiLLAc.Usage et t'aieur des arguments probables chez Pierre d'.ltHy.
A. CoMBES. Un témoin du socrat:srne chrétien au siècle Robert
Ciboule. Textes inédits. P. W. HooRTERp. M'amern' Basiliensis Para-
clitus et Synodus.
Un vol. grand in-8° br. de 446 pages 45 fr.
ANNÉE 1934
E. GrLsoK, Sens et ;MfH.rë de i'ap'pMmen.t de saint ,inse!nM. Ch. D[CEs<w,
t':e du cardinal R. de Courson. J. PAULrs, Le caractère me~aphy-
sique d" preuues thomistes de l'existence de Dieu. L. BAUDRY,
W. d'Oc~ham et M'. Burleigh. St. SwiEz.~NSEï, Intentions premières
et intentions secondes chez Duns Scot. L. AMORcs, Textes francis-
ca:n.! inédits sur la théologie comme science pratique. D. SKARp,
Simon de Fnt'ersham in M De .-int'ma (texte inëdit).
Un vol. in-8° de 378 pages 40 fr.
BIBLIOTHÈQUE THOMISTE
Directeur PIERRE MANDONNETO. P.
Volumes parus:
!)!
1 8 0 0 9