Plaidoyer Pour L'éducation Des Filles

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Plaidoyer pour l’éducation des filles

Gaby Da Silva, 16 ans, élève de 2e au lycée R.-Savignac, a décroché deux prix au concours
national des plaidoiries du Mémorial de Caen, elle a accepté que nous diffusions son texte dans
nos colonnes.
«J'aimerais vous parler de Rosa, elle est née dans un petit village en Espagne dans les années
1930… Rosa a eu la chance d'aller à l'école pendant quelques années, elle n'aurait manqué un
jour d'école pour rien au monde. Nous sommes en Espagne, dans un petit village au milieu des
années 1940. Hélas! à 14 ans, elle doit partir étudier dans la ville la plus proche et c'est
impossible. Elle n'en a pas les moyens.
Pour elle, le rêve s'arrête. Pour moi, c'est le début de ma plaidoirie. Rosa était ma grand-mère,
elle a toujours défendu l'école. À mon tour de le faire maintenant, pour elle, mais surtout pour
nous tous, ici.
Aujourd'hui, dans le monde, ils sont 101 millions d'enfants à ne pas avoir accès à l'école, dont
plus de la moitié sont des filles. Le septième principe de la Déclaration des Droits de l'Enfant
énonce que tout enfant a le droit à l'éducation gratuite.
2006, Afghanistan. Il s'appelait Malim Abdoul Habib, il avait 45 ans ; huit ans déjà qu'il est
mort. Son crime ? Avoir été le proviseur d'une école. Pas une simple école. Il a été décapité par
les Talibans qui n'acceptaient pas la présence de jeunes filles dans son établissement. Lui a eu
le courage de dire non. L'aurions-nous eu, nous ?
2012, Pakistan. Une jeune fille de 15 ans veut étudier. Le 9 octobre, elle se prend une balle dans
la tête mais elle sera sauvée. Vous avez tous, bien évidemment, reconnu la plus jeune Prix
Nobel de la paix, Malala Yousafzai. Malala, jeune fille qui, elle aussi, se bat pour l'accès à
l'éducation des filles. Aujourd'hui, elle poursuit son chemin dans d'autres pays que le Pakistan
pour dire et dénoncer cette situation. Elle aussi en a le courage.
2014, Nigeria. Peut-être ne les retrouvera-t-on jamais ? Qui donc ? Ces 220 jeunes filles,
kidnappées le 14 avril. Aujourd'hui, 245 jours que nous ne savons plus et que les jours
continuent de passer. L'actualité passe aussi, alors les médias oublient. Pourtant, ces jeunes
Nigérianes méritent qu'on pense à elles. Nous pourrions être l'une d'entre elles.
Mais où sont-elles ? On ne sait pas.
Dans quelles conditions ? On ne sait pas non plus.
Sont-elles encore en vie ? Selon les vidéos, oui, mais dans quel état les retrouverons-nous, si
nous les retrouvons ?
Mais la Déclaration universelle des Droits de l'Homme ne stipule-t-elle pas dans son article 3
que «tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne» ?
Et moi, j'ai le droit aussi de ne pas les oublier.
J'ai le droit de répéter les jours qui défilent, 246, 247, 248…
Jusqu'à quand vais-je compter ?
Et je compte 249, 250, 251. Et je continuerai à compter.
Nous ne devons pas les oublier, il ne faut pas non plus que les politiciens oublient leurs
promesses de les ramener.

Bring back our girls (ramenez-nous nos filles)


Mesdames et messieurs, voilà un homme et des jeunes femmes qui se battent ou qui se sont
battus pour leur droit. Chaque année, des personnes luttent. Des personnes anonymes qui se
battent pour défendre l'école. En soixante ans, qu'est-ce qui a changé ?
Et nous, ici, en France, que faisons-nous de l'école ? Avons-nous oublié son importance ? Nous
comptons les jours de nos vacances, nous nous demandons pourquoi tant d'heures de classe,
nous nous réveillons mollement le lundi matin, nous ne sourions même plus. Nous n'avons plus
envie. Et pourtant…
Ailleurs, en Amérique Latine ou en Asie, ils comptent les jours où l'école a dû être fermée, ils
font des kilomètres à pied pour y accéder, ils se réjouissent de revoir leur maître d'école.
Ailleurs aussi, des enfants sont obligés d'aider leurs parents, de réaliser des tâches ménagères,
de garder leur petit frère, de travailler en oubliant leur dignité.
Ailleurs encore, des petites filles sont mariées très jeunes, trop jeunes et ne peuvent plus aller à
l'école. Cette école qui signifie pour elles un avenir meilleur, une meilleure vie. Elles ne
seraient plus esclaves de leur famille ni de leur futur mari. Grâce à l'école, elles deviendront
médecin, avocate, maîtresse d'école ou bien infirmière…
Car c'est l'école qui forme, qui façonne l'être humain. Accéder à une éducation de qualité
permettra de dire non à la maltraitance, à l'exploitation. Selon l'article 26 de la Déclaration des
Droits de l'Homme, «toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit viser au plein
épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de
l'homme et des libertés fondamentales». Pour cela, l'être humain, quel que soit son pays, quelle
que soit sa religion, quelle que soit sa condition sociale, doit réagir. Moi, je n'ai pas le pouvoir
de changer le monde mais j'ai le devoir de le dénoncer.
Mesdames, messieurs, nous avons tous le devoir de le dénoncer, car une Malala ne suffit pas,
car un Malim Abdoul Habib ne suffit pas, car 220 jeunes filles ne suffisent pas, car nous devons
être tous ensemble pour qu'un changement puisse s'opérer.
Selon Albert Einstein, «le monde est dangereux à vivre, non pas à cause de ceux qui font le
mal, mais à cause de ceux qui regardent et qui laissent faire».
Alors arrêtons de regarder et ne laissons plus faire. Comment ? En tant que citoyen,
communiquons, dénonçons, partageons sur les réseaux sociaux ces images de ces jeunes filles.
Si les politiques ne bougent pas, si les signatures des pays qui ont ratifié la Déclaration des
Droits de l'Enfant ne sont que sur le papier, alors c'est à nous de réagir comme nous le pouvons,
avec nos petits moyens. Manifestons, exprimons-nous, écrivons notre colère. Nous sommes
bien nés, ici en France et, bien sûr, on pourrait aussi se plaindre des manques de moyens à
l'école. Mais nous y allons, nous, à l'école. «L'école», qui est un mot magique pour ces 101
millions d'enfants.
Mesdames et messieurs, j'insiste : il est indispensable pour un être humain de savoir lire, écrire,
compter, de penser et d'avancer libre et autonome. Et quand je vous dis cela, je pense à Nelson
Mandela qui a dit : «L'éducation est l'arme la plus puissante pour changer le monde».
Mesdames et messieurs, l'éducation est transmission, et c'est parce qu'un jour ces jeunes filles
instruites deviendront à leur tour des mères qu'il faut que l'école soit accessible à ces jeunes
filles. Ces mères de demain feront avancer le monde.
Ces mères de demain feront des enfants instruits, qui traceront leur propre chemin. Ce chemin
sera sûrement long et difficile mais si, aujourd'hui, les jeunes filles sont chaque fois plus
nombreuses à aller à l'école, c'est l'humanité qui en profitera demain.
«Il faudra peut-être du temps, de nombreuses lunes traverseront le ciel», lit-on dans le livre de
Viviana Mazza qui raconte l'histoire de Malala. La vie des jeunes filles changera l'histoire. Les
enfants qu'elles mettront au monde ne seront plus jamais seuls. Ils auront le savoir avec eux,
savoir qui fera d'eux des hommes.
Je ne peux m'empêcher de penser à ma grand-mère, elle qui, dans les années 1940, s'est battue
pour aller à l'école, puis pour que ma mère puisse y aller à son tour… C'est grâce à cette chaîne
que je suis devant vous ce soir pour défendre la scolarisation des filles.
Enfin, pour finir, je vous laisse méditer sur ces quelques mots de Victor Hugo :
«L'enfant doit être notre souci. Et savez-vous pourquoi ? Savez-vous son vrai nom ? L'enfant
s'appelle l'avenir».»

Gaby Da Silva, Publié le 08/02/2015 à 03:50. LADEPECHE.fr

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